Dans l'extrême Far West: Aventures d'un émigrant dans la Colombie anglaise
CHAPITRE XVI
UNE TRISTE AVENTURE
En quittant l’île de la Reine-Charlotte, nous nous arrêtâmes à Quatseemo, au nord de l’île Vancouver, et nous y engageâmes un jeune indigène pour nous servir d’interprète le long de la côte.
Cet Indien, nommé Jack, nous fut très-utile et se montra d’une fidélité à toute épreuve.
Dans la journée, nous nous arrêtions parfois pour camper sur la côte, mais à la tombée de la nuit, nous gagnions le large, de crainte de quelque surprise des sauvages. Nous arrivâmes ainsi à un grand village situé sur le bord d’une petite rade naturelle, à quelques milles à l’ouest de la baie Esperanza. Nous y vendîmes ce qui nous restait de marchandises et nous songeâmes à regagner au plus tôt Victoria, dont nous n’étions plus qu’à quelques journées de navigation.
Ce jour-là le vent soufflait avec violence du nord-ouest, circonstance assez extraordinaire à cette époque de l’année (fin septembre), mais la baie était si complétement abritée par des collines boisées, qu’il nous était impossible de nous faire une idée de la force de la tempête qui agitait l’Océan. Ce ne fut qu’après avoir doublé une pointe de terre qui nous cachait la pleine mer, que nous nous en rendîmes compte. La marée était basse; il ne devait y avoir que peu d’eau au-dessus de la barre, et, à supposer qu’il y eût un chenal, nous ne le connaissions point, étant entrés à marée haute. De plus, le temps au dehors était si effroyable que, sans la crainte que nous inspirait le voisinage des Indiens, nous eussions été fort heureux de passer la nuit à l’ancre où nous nous trouvions.
Walton observait d’un œil vigilant ce qui se passait à terre, et il me signala deux ou trois fois l’agitation extraordinaire qui régnait parmi les sauvages. Un vieillard, qui, ainsi que notre guide nous en informa, était le chef, haranguait une foule d’hommes à l’entrée du village, et nous pouvions reconnaître à leurs gestes que nous étions l’objet de leur attention. Nous cherchâmes une explication naturelle à cette agitation dans le fait que nous étions les seuls blancs qu’ils eussent vus depuis longtemps, mais nous ne pouvions nous empêcher de nous dire que plus tôt nous nous éloignerions, mieux cela vaudrait.
Notre Indien Jack, consulté sur ce point, corrobora nos pressentiments en nous disant qu’une petite goëlette russe, de la force de la nôtre, ayant fait naufrage sur ce point de la côte, l’année précédente, cette tribu avait massacré l’équipage jusqu’au dernier homme. Jack nous suppliait de partir à l’instant même, si cela se pouvait. Son conseil était évidemment désintéressé, car un Indien, s’il peut l’éviter, se soucie médiocrement de s’aventurer sur une mer orageuse.
Le récit de notre interprète était loin de nous tranquilliser, mais c’eût été folie que de vouloir traverser en ce moment les brisants de la barre, et nous cherchâmes avec notre longue-vue un endroit de la baie où l’eau plus unie indiquât l’existence d’une passe. Il nous sembla apercevoir des indices de ce genre tout à fait à l’extrémité opposée de la baie; mais nous jugeâmes qu’il serait dangereux de diviser nos forces en envoyant quelques-uns d’entre nous en reconnaissance dans le petit canot que nous avions à bord. Nous nous résignâmes donc à surveiller les mouvements des Indiens tant que le jour nous le permettrait, et, la nuit venue, à redoubler de vigilance.
A la tombée du jour, une activité nouvelle se manifesta parmi les indigènes. Ils se mirent à tirer leurs canots à terre, à les nettoyer, à les débarrasser de tout ce qui les encombrait. Le pauvre Jack nous supplia de gagner la haute mer à tout hasard, car, bien sûr, les Indiens allaient nous attaquer dans leurs embarcations aussitôt que la nuit serait venue.
Vivement impressionné par ces préparatifs, je me décidai à aller avec Pat, dans notre petit canot, pour examiner de près la passe. Nous la trouvâmes si étroite et la mer était si agitée au dehors, qu’il était impossible de savoir s’il existait ou non des écueils à l’entrée de la passe. Somme toute, nous revînmes peu satisfaits de notre reconnaissance, mais avec la certitude qu’au pis aller il nous restait encore une chance de nous échapper.
De retour au navire, nous allâmes, Walton et moi, examiner nos armes et délibérer sur le choix d’un plan de défense, laissant Pat sur le pont surveiller les mouvements des indigènes.
Tout d’abord Jemmy, notre vieux matelot, fut chargé de couper dans les bordages quelques embrasures de cinq à six pouces carrés. Les Indiens n’ayant pour toutes armes que des arcs, des flèches et des épieux de bois durci, nous pensions que nos légers bordages suffiraient à nous protéger jusqu’au moment où l’ennemi parviendrait à nous aborder.
Nous avions deux ou trois fusils que nous chargeâmes avec des balles et des lingots, et quatre bons revolvers de Colt. Jack devait avoir soin des armes pendant le combat, mais, ne l’ayant pas encore mis à l’épreuve, nous avions des doutes sur lui. Nous le fîmes venir dans la cabine. Sa pâleur et son air effrayé ne nous disaient rien de bon. Mais il avait sans doute le courage du désespoir, car il déclara sans ambages que, la tribu à laquelle nous avions affaire étant ennemie de la sienne, il serait tué s’il était pris et que, par conséquent, il combattrait, s’il y avait lieu, jusqu’à la dernière goutte de son sang.
Il nous restait encore comme dernière ressource de nous retirer dans notre petite cabine, dans le cas où les sauvages parviendraient à se rendre maîtres du pont, et de nous y défendre encore vigoureusement. Nous avions aussi quelques feux de Bengale qui pouvaient nous servir à effrayer nos ennemis s’ils escaladaient nos bordages.
Pendant que nous délibérions encore, nous entendîmes Pat s’écrier:
«Les voilà! Ils arrivent en force!»
Après avoir jeté un dernier coup d’œil sur nos préparatifs, passé nos revolvers à notre ceinture, et rangé les fusils près de l’écoutille, nous montâmes sur le pont. L’obscurité déjà croissante permettait à peine de distinguer à environ un demi-mille de nous un assez grand nombre de canots qui venaient de quitter le rivage.
Lorsque les premiers canots furent arrivés à une distance d’environ deux ou trois cents mètres, nous ordonnâmes à notre Indien de leur demander ce qu’ils voulaient. N’obtenant aucune réponse, il leur déclara de notre part que, s’ils avançaient, nous ferions feu sur eux. Cette menace ne produisit aucun effet.
Pat, qui était un tireur de première force, demanda alors à Walton la permission de tirer sur eux; posant son revolver sur le bordage, il visa soigneusement et fit feu. Un des Indiens tomba en poussant un cri; mais il n’était sans doute blessé que légèrement, car il se releva aussitôt et nous menaça en brandissant son javelot. Cependant les deux canots, qui étaient en avant, s’arrêtèrent et attendirent les autres pour délibérer. Jack essaya de nouveau de leur parler; mais ils criaient et gesticulaient tous à la fois, et il ne put se faire entendre.
Nous avions devant nous cent cinquante à deux cents hommes montés sur une vingtaine de canots. A ce moment-là ils n’étaient guère à plus de cent mètres de nous. Ils hésitèrent un instant, mais ils ne se rendaient point compte de l’effet des armes à feu, et, bien que déconcertés par leur premier échec, l’impression n’était évidemment pas assez forte pour les arrêter. Ils savaient, étant venus à notre bord, que nous n’étions que cinq, y compris Jack, et ils se fiaient à la supériorité de leur nombre. Ils tenaient évidemment conseil avant de recommencer l’attaque, car tous les canots étaient réunis, et deux ou trois d’entre eux haranguaient le reste à tour de rôle.
Profitant de ce moment de répit, Walton envoya Jemmy, Pat et Jack lever l’ancre, pour nous éviter de couper le câble, pendant que, de mon côté, je coupais l’amarre d’une ancre plus petite qui tenait notre poupe immobile. En deux ou trois minutes, nos voiles furent déployées et nous nous dirigeâmes lentement vers la passe que nous avions été reconnaître quelques heures auparavant.
Aussitôt qu’ils s’aperçurent que nous nous en allions, ils firent force de rames vers la passe, et, comme ils marchaient très-vite, ils nous eurent bientôt dépassés, et se placèrent de façon à nous barrer le passage.
Walton et moi étions à la barre du gouvernail, cherchant ce que nous pourrions bien faire pour nous tirer de là avec aussi peu d’effusion de sang que possible, quand deux ou trois flèches sifflèrent au-dessus de nos têtes. Il n’y avait pas à s’y méprendre: ce qu’ils voulaient, c’était nous piller et nous assassiner par-dessus le marché.
«Il va faire chaud ici tout à l’heure, dis-je en me baissant derrière le bordage; mais tiens-toi dans l’écoutille, Walton, et veille au gouvernail.»
Walton suivit mon conseil.
«Maintenant, me dit-il, fais de ton mieux. Moi je tiendrai la barre tant qu’il nous restera une chance de leur échapper. De temps à autre je tâcherai bien de leur envoyer quelques dragées.»
Je me plaçai avec Pat aux embrasures de tribord, et Jemmy et l’Indien se tinrent à celles de bâbord.
«Attention au commandement! dis-je; Jemmy et moi, nous tirerons d’abord nos six coups, et nous rechargerons pendant que Pat fera feu de son revolver et Jack de son fusil. En joue! feu!»
Je commençai en visant de mon mieux au milieu du groupe le plus compacte, car la nuit était tout à fait venue et ne permettait de distinguer que confusément les formes. J’entendis les coups de Jemmy suivre chacun des miens, et bientôt des cris et des gémissements qui me firent passer un frisson dans les veines nous donnèrent l’assurance que la plupart de nos balles avaient porté. De nombreuses flèches volèrent à travers nos agrès ou se piquèrent dans nos voiles, mais ne purent nous atteindre, à couvert comme nous l’étions.
Bientôt nous entendîmes dans toutes les directions le bruit des rames, et nous vîmes que l’ennemi s’enfuyait. Pendant que nous nous dépêchions de recharger nos armes, Pat continuait à tirer, quand tout à coup nous entendîmes un bruit épouvantable, comme si le navire venait de sauter: c’était l’un des fusils de Jack qui avait éclaté, sans faire d’autre mal heureusement que de briser en éclats une planche du bordage et de causer une terrible peur au pauvre Jack. Les sauvages se réunirent et allèrent tenir conseil à environ un quart de mille sur notre chemin.
Cela nous donnait le temps de réfléchir. Que faire? la nuit était si noire que c’était folie de s’exposer, à moins d’y être absolument forcé, au danger de franchir la passe. Il était plus que probable que, dans le cas où nous échouerions, nous serions brisés contre les rochers par l’épouvantable houle qui roulait à l’extérieur de la baie. Nous résolûmes donc de rester, jusqu’à nouvel ordre, où nous étions, espérant que les sauvages profiteraient de la leçon qu’ils venaient de recevoir et se retireraient.
Notre surexcitation avait été si grande pendant la demi-heure qui venait de s’écouler, que nous n’avions pas même eu le temps d’avoir peur; mais quand nous pûmes respirer, je sentis une sueur froide me couler le long du dos, et, courant à la cabine pour y prendre la bouteille de whiskey, je m’aperçus qu’elle n’y était plus.
Ce fut pour moi un trait de lumière; quelqu’un de ces pillards avait dû, pendant le jour, se glisser, à notre insu, dans la cabine et s’emparer de cette malheureuse bouteille; cela avait suffi pour que deux ou trois d’entre eux s’enivrassent, et leur vue avait dû enflammer le reste du fol espoir d’atteindre le même état de béatitude. Je tirai vite une autre bouteille de whiskey de notre soute aux provisions, et nous en prîmes chacun une bonne gorgée.
Nous savions à quoi s’exposeraient les Indiens pour obtenir de l’eau de feu, et la découverte que je venais de faire nous remplit de nouvelles inquiétudes; il était évident qu’ils ne se tiendraient pas pour battus, et qu’après avoir compté leurs pertes et respiré un instant, ils reviendraient à l’attaque.
En effet, nous entendîmes bientôt de nouveau le bruit des pagayes. Cette fois, nous les laissâmes approcher, et quand ils furent à portée, nous déchargeâmes nos armes dans le tas aussi rapidement que possible. Plusieurs durent être blessés et quelques-uns tués, car de tous côtés s’élevèrent des gémissements, et le bruit de corps tombant dans l’eau parvint jusqu’à nous.
«Il faut en courir la chance et tâcher de sortir d’ici, Dick, me dit Walton. Si les Indiens persistent dans leur projet, nous ne pourrons résister plus longtemps; gagner la mer est donc notre seule chance de salut.»
Tout à coup, un bruit de rames nous fit retourner et nous n’eûmes que le temps de baisser la tête pour éviter trois ou quatre flèches et un lourd javelot, qui s’enfonça en vibrant dans notre bordage.
Au même instant nous arrivait le bruit d’une lutte sur l’avant du navire; c’étaient les sauvages qui essayaient de nous aborder. Je me précipitai dans l’entre pont pour y prendre quelques feux de Bengale; en allumant un, je courus à la proue, où j’arrivai à temps pour voir Jemmy aux prises avec deux ou trois Indiens qui essayaient de monter en s’accrochant aux chaînes du navire.
Jemmy aux prises avec deux Indiens.
Je venais de mettre en place le feu de Bengale, lorsque j’entendis un coup violent frappé derrière moi, et, me relevant précipitamment, je vis Pat tenant encore la hache levée au-dessus du cadavre d’un Indien qui roulait à ses pieds.
«Vous l’avez échappé belle, me dit-il; ce maudit gredin s’était glissé sur le bordage et allait vous frapper par derrière de son javelot, quand je lui ai fait son affaire.»
La lumière soudaine du feu de Bengale paralysa nos adversaires et nous donna un instant de répit qui nous permit de recharger nos armes et de faire un affreux carnage parmi nos ennemis. La lueur qui se projetait au loin nous montrait à une très-petite distance de nous l’entrée de la passe. Nous mîmes aussitôt toutes voiles dehors pour forcer le passage, et, pour éclairer notre route, nous allumâmes quelques autres feux de Bengale, à la grande stupéfaction des sauvages, qui poussaient des hurlements de surprise et de rage en voyant que malgré tous leurs efforts nous allions leur échapper.
Cependant quelques-uns des plus téméraires continuaient à nous lancer des flèches. Nous étions presque hors de la baie et nous nous préparions à replier nos voiles pour faire face à la tempête, lorsque le pauvre Walton, poussant un grand cri, tomba mort, le cœur percé d’une flèche égarée.
La barre du gouvernail se mit à osciller et faillit me renverser lorsque j’accourus. Avant que j’eusse pu m’en emparer, un bruit horrible se fit entendre; nous touchions, et les vagues, dont l’écume eut en un instant éteint nos lumières, déferlaient sur nous. Mes compagnons accoururent, mais ce ne fut que pour voir combien notre désastre était complet.
Cher et brave Walton! les effroyables dangers qui nous entouraient ne purent m’empêcher de donner libre carrière à mon émotion depuis si longtemps comprimée. Je ne pouvais en ce moment penser qu’à lui, à lui qui, pendant toute cette affaire, était resté si bravement à son poste. Penché sur son cadavre, je pleurais comme un enfant, en pensant à sa mère, à ses sœurs, dont il m’avait si souvent parlé près du feu de notre petite cabine, et le cœur me manquait lorsque je me demandais comment je m’y prendrais pour leur annoncer cette affreuse nouvelle.
Cette pensée me rappela à l’horrible réalité. N’étions-nous pas perdus, perdus sans retour?
Notre situation était désespérée. Ce n’est pas que nous eussions pour le moment rien à craindre des Indiens, qui n’oseraient pas s’aventurer jusqu’ici avant le jour; mais d’ici là notre petit navire serait brisé en mille morceaux sur les écueils.
«Eh bien, capitaine, me dit Jemmy (je vous appelle capitaine, maintenant que le pauvre monsieur Walton est mort), je ne vois pas que nous puissions faire autre chose que de rester où nous sommes jusqu’à ce que la tempête se calme; si le vent tournait un peu et soufflait de terre, nous pourrions nous mettre dans le petit canot et nous en aller en côtoyant le bord.»
Le bruit des flots qui battaient furieusement les flancs de notre navire nous empêchait presque de nous entendre.
«Croyez-vous, lui criai-je, qu’avec le vent qu’il fait nous puissions passer la nuit entière sans être mis en pièces?
—Ce serait bien possible, car le navire est solide; mais nous aurons de nouveau les sauvages à nos trousses. Nous n’avons qu’une chose à faire, c’est de partir aussitôt que nous aurons la moindre chance de le faire. J’ai bien peur cependant que ce pauvre petit canot ne tienne pas la mer une minute.»
Le canot, abrité par le navire, flottait sous le vent, dansant comme un bouchon sur les vagues. Nous parvînmes, non sans peine, à réunir quelques provisions (biscuits, eau-de-vie, etc.) et des couvertures que nous nous tînmes prêts à jeter dans le canot; nous trouvâmes aussi quelques avirons de rechange, et je serrai précieusement dans ma ceinture quelques allumettes chimiques enveloppées dans un morceau de toile cirée. Alors chacun de nous mit dans sa ceinture ce qu’il avait de plus précieux, ceignit son revolver et attendit le moment favorable pour se confier à la légère et frêle embarcation.
Au bout d’une heure, le vent, comme Jemmy l’avait espéré, se calma un peu, puis recommença à souffler, mais du rivage. Nous cessâmes d’être secoués violemment sur l’écueil, et je conçus même l’espoir de sauver le navire quand la marée serait tout à fait haute, car la coque ne semblait pas fort endommagée et nous n’avions pas plus d’un pied d’eau dans la cale.
Ayant trouvé un de nos feux de Bengale, je l’allumai pour me rendre compte aussi bien que possible de notre position, et je vis alors qu’il n’y avait absolument aucun espoir de sauver le navire. Nous avions été poussés très-loin du chenal, au milieu de brisants, et il eût fallu un remorqueur pour nous en tirer. Les Indiens avaient complétement disparu.
La mer s’étant un peu calmée, nous plaçâmes dans la chaloupe le corps du pauvre Walton, ainsi que quelques objets de première nécessité, et nous nous embarquâmes. Une fois hors du chenal, nous pûmes doubler un cap, derrière lequel la mer se trouvait relativement calme. La tempête s’était apaisée, de sorte que nous pûmes gagner la haute mer et faire au pauvre Walton les funérailles du marin.
Au bout de huit ou dix jours, nous arrivâmes à Victoria, épuisés de fatigue, n’ayant que la plus triste des histoires à raconter, et la perspective d’un long hiver à passer non dans la misère, car nous avions eu soin de faire assurer notre schooner, mais avec la désolante pensée qu’avec notre navire nous avions perdu la petite fortune que nous avions si péniblement gagnée.
L’hiver se passa sans incident remarquable. Pat et moi, désormais inséparables, le passâmes ensemble, et dès le retour du printemps nous résolûmes de tenter une dernière fois la fortune aux mines, nous promettant que ce serait notre dernier effort, et que si le sort nous était encore défavorable, nous quitterions le pays.
CHAPITRE XVII
A LA DÉCOUVERTE DE L’OR
Nous étions décidés à abandonner définitivement Jack of Clubs Creek, et à faire notre dernière tentative sur un terrain vierge où nul homme blanc n’eût encore mis le pied. A cet effet, sitôt arrivés à William’s Creek, nous achetâmes pour un mois environ de farine, de lard et d’autres provisions; nous nous munîmes d’une pioche, d’une pelle, d’une poêle à laver le minerai, et nous prîmes la direction de la Bear River (rivière de l’Ours), ayant chacun sur notre dos une centaine de livres.
Bien que nous fussions à la fin de mai, la neige n’avait pas entièrement disparu, et nous en trouvions encore de deux à trois pieds dans les bois que nous traversions; ce qui, chargés comme nous étions, rendait notre marche très-pénible. Il n’y avait point de chemin tracé, et tout ce que nous pouvions faire était de suivre d’aussi près que possible le cours de la rivière, qui tantôt se précipitait impétueusement à travers les cañons, tantôt se perdait dans des marais couverts d’osiers. Le seul instant du jour où la fatigue du voyage fût tolérable était l’heure matinale où la neige était encore dure par suite du froid intense de la nuit. Aussitôt que le soleil se montrait, la surface de la neige fondait et il devenait impossible de faire plus d’une douzaine de pas sans enfoncer et buter contre les troncs d’arbre cachés sous la nappe blanche. Puis de temps en temps nous avions à escalader des pentes escarpées ou à suivre la crête de précipices s’élevant à pic au-dessus de torrents coulant à une profondeur vertigineuse.
Un matin, en me laissant glisser sur une pente couverte de neige, je faillis périr. Ne voyant, en regardant du haut de la montagne, qu’un talus très-uni présentant une pente à l’inclinaison d’environ 45 degrés: «Parbleu, dis-je, voilà une magnifique occasion de se reposer: je vais me laisser glisser jusqu’en bas. Viens-tu, Pat?»
Ce projet ne lui souriant point, Pat assujettit son fardeau sur ses épaules et se mit à descendre prudemment en mettant lentement un pied devant l’autre.
«Je tiendrai le déjeuner prêt pour quand tu arriveras au bas de la montagne», dis-je à Pat; et m’étendant sur le dos, mon paquet sous moi, je me laissai glisser rapidement sur la surface unie.
Soudain, à peu près à mi-côte, j’aperçus à 30 mètres devant moi le sommet d’un sapin se montrant au-dessus de la nappe blanche, et en regardant plus attentivement, je vis que, sur une assez grande étendue, les sommets d’autres arbres couverts d’une épaisse couche de neige formaient comme une continuation du talus sur lequel je glissais rapidement. Le précipice, mesuré du sommet à la base de ces sapins, devait être d’environ deux cents pieds, et quelques secondes de plus de cette glissade devaient m’y précipiter. A une très-petite distance de moi, un peu sur la gauche, était un jeune pin. Ne pouvant m’arrêter, je réussis à donner à ma course la direction de cet arbre, et, en passant, je l’embrassai et m’y cramponnai de toutes mes forces. L’impulsion acquise, doublée par le poids du fardeau que je portais, était si forte que l’arbre plia et que je craignis un instant qu’il ne cédât; mais il tint bon et je fus sauvé. Cet instant critique fut suivi chez moi d’une réaction nerveuse qui me laissa aussi faible qu’un enfant. Je remontai avec précaution, et j’aperçus bientôt Pat qui avait trouvé un peu plus loin un chemin que ne coupait point le précipice où j’avais failli tomber; j’étais complétement épuisé et je tremblais si fort que, ne pouvant plus porter mon paquet, je me mis à le faire rouler devant moi jusqu’à ce que nous eûmes atteint le bas de la montagne, où je calmai mes nerfs à l’aide d’un bol de thé que Pat s’empressa de me préparer.
Plusieurs jours de suite nous marchâmes ainsi, n’avançant que bien lentement, à travers un pays aussi accidenté. Nous étions déjà bien loin de toute habitation des blancs et seuls avec la nature, dans sa grandeur, sa beauté et sa sauvagerie primitives. La rivière s’élargissait ainsi que la vallée, et sur son cours s’entassaient çà et là des piles de bois mort, charrié et blanchi par les eaux. Des prairies naturelles s’étendaient sur les deux rives jusqu’au pied des montagnes, sur les flancs desquelles croissait une végétation qui du pin et du sapin allait, en diminuant sans cesse de force et de grandeur, se perdre dans les régions des neiges éternelles où rien ne rompait l’uniforme monotonie de cette blancheur éblouissante que quelques pics noirs et pointus, trop escarpés pour que les flocons de neige pussent s’y arrêter. Bien loin à l’est, à travers l’atmosphère limpide des montagnes, on pouvait distinguer sous toute espèce de formes, châteaux, pointes d’aiguille, les prodigieux sommets des montagnes Rocheuses. A la lumière d’un brillant lever ou d’un éclatant coucher de soleil, cette vue dépassait de beaucoup par son inexprimable grandeur tout ce que le pinceau de l’artiste peut rendre, tout ce que la parole du poëte peut exprimer.
A mesure que la vallée s’élargissait, l’air devenait plus chaud, la végétation changeait de caractère et la stérilité faisait place à la fertilité. Le climat était de deux mois en avance sur l’inhospitalière région du Caribou que nous venions de quitter. La neige avait depuis longtemps disparu dans les plaines: arbres, arbustes, fleurs sauvages, tout poussait ou s’ouvrait à la chaleur du bienfaisant soleil, et de tous côtés des baies se gonflaient sur les buissons. Le gibier abondait dans les bois autant que le poisson dans les rivières. La nuit nous entendions le cri de l’élan, le grognement de l’ours et l’aboiement du coyote (chien sauvage); et le jour la gelinotte et la perdrix traversaient presque à chaque pas notre chemin. Si l’on eût pu y arriver sans risquer cent fois par jour de se casser le cou, ce pays eût été un vrai paradis pour le chasseur ou l’amateur de la nature vierge. Nous faisions bombance avec tout le gibier et le poisson que nous tuions avec notre vieux revolver, ou que nous prenions avec un petit filet que nous avions fabriqué. Du reste la chasse ne nous faisait pas perdre de vue le but de notre voyage, et toutes les fois que nous rencontrions un endroit où il y avait la moindre probabilité de trouver de l’or, notre poêle à laver entrait en jeu. Nous obtînmes ainsi à plusieurs reprises de petites quantités du précieux métal, mais jamais assez pour nous faire espérer une exploitation fructueuse.
Un matin, après une marche fatigante de quatre ou cinq milles, nous aperçûmes sur le versant opposé de la vallée un ruisseau dont les bords nous offraient des apparences favorables à notre entreprise, et nous résolûmes de passer la rivière pour explorer le lit de ce cours d’eau.
Il ne fallait pas penser à traverser la rivière à l’endroit où nous étions. Un incendie avait détruit jusqu’au dernier morceau de bois sur un espace de plusieurs milles et il était impossible de faire un radeau.
A environ deux milles, au-dessus de nous, à un endroit où, la vallée se rétrécissant, la rivière se précipitait entre ses rives avec une rapidité terrible, nous avions observé un long et mince érable que l’incendie avait épargné et qui était resté couché en travers d’une rive à l’autre, dans la position où un ou deux ans auparavant, à en juger par les apparences, quelque Indien l’avait fait tomber pour effectuer le passage de la rivière. Mais ce long arbre était si mince! Figurez-vous une longue perche, la plus longue que l’on puisse imaginer, et encore toute hérissée d’un inextricable fouillis de branches.
Nous hésitions à nous aventurer sur ce pont étroit et fragile, car notre poids, auquel s’ajoutait celui des lourds fardeaux que nous portions, devait le faire balancer de bas en haut comme une corde mal tendue, et le moindre faux pas, le moindre coup de pied contre une des branches latérales nous aurait précipités dans le torrent impétueux où nous aurions infailliblement péri; nous suivîmes donc le cours de la rivière dans l’espoir de trouver plus bas assez d’arbres pour faire un radeau.
La fortune nous favorisa plus tôt que nous ne l’espérions, car deux ou trois milles plus bas nous vîmes au milieu de la rivière une île, et tout près du bord, de notre côté, un immense pin qui, se trouvant tout à fait seul, avait échappé à l’incendie.
Nous nous mîmes aussitôt à jouer de la hache, et nous le fîmes tomber de telle façon que sa tête porta en plein dans l’île et qu’il nous offrit un pont très-solide. Le bras de la rivière, de l’autre côté de l’île, n’était pas très-large et n’avait que trois pieds de profondeur; nous pûmes donc le traverser à gué, mais plus d’une fois la force du courant nous fit perdre pied; nous réussîmes cependant à gagner sans encombre la rive opposée. Nous nous hâtâmes de remonter le cours de la rivière jusqu’au ruisseau que nous avions observé, et comme la nuit approchait, nous fîmes du feu et soupâmes, après quoi nous allumâmes nos pipes, et ayant étendu nos couvertures sur des jeunes branches de pin, nous nous étendîmes les pieds contre le foyer.
Après nous être entretenus de nos espérances, chacun de nous s’étendit sur sa couverture, et nous fûmes bientôt plongés dans un profond sommeil. Environ deux heures après, autant que j’en pus juger à la hauteur de la lune, nous fûmes réveillés en même temps par un fort grognement poussé tout près de nous. Me levant en sursaut, je saisis la hache qui se trouvait à portée de ma main, pendant que Pat tirait le vieux revolver de dessous le sac de farine qui lui servait d’oreiller. L’éclat de notre feu qui brûlait encore nous empêchait de rien distinguer; mais nous entendions le bruit de pas lourds et mesurés. Nos yeux s’habituant peu à peu à l’obscurité, nous aperçûmes un énorme ours brun qui tournait autour de nous.
Cet animal, très-rare et d’une grande férocité, s’était probablement réveillé depuis peu de sa torpeur hivernale, et sentant, au sortir de sa caverne, l’odeur de notre cuisine, il était accouru pour satisfaire son appétit bien justifiable après une si longue abstinence.
Nous l’observâmes pendant quelques minutes, nous tenant sur le qui-vive, comme on le pense bien. Il continuait à tourner autour de nous, se maintenant à une distance d’une vingtaine de mètres. Que n’aurions-nous donné, Pat et moi, pour avoir en cet instant une bonne carabine! Nous suivions d’un œil circonspect les pas de l’animal, et voyant qu’il restait toujours à la même distance de nous, nous reprîmes quelque confiance et discutâmes le plan de défense que nous devrions adopter en cas d’attaque.
D’abord nous savions parfaitement que, tant que le feu brûlerait, il ne se risquerait pas à s’avancer jusque sur nous; mais sur un espace de plus de 100 mètres il ne restait pas un copeau de bois pour entretenir notre foyer, qui nécessairement devait s’éteindre au bout d’une heure ou de deux au plus. Il était évident, d’après l’obstination de maître Martin, qu’il était bien déterminé à ne pas s’en retourner bredouille et à se régaler de nos provisions ou de nos personnes. Or l’existence de ces dernières dépendait des premières, car, dans les pays montagneux et arides que nous avions à traverser, nous serions morts de faim en route si nous avions perdu nos provisions. Il fallait donc nous préparer à la lutte. Nos seules armes étaient le vieux revolver déjà mentionné, une hache et une pioche. Nous devions bien nous garder de provoquer notre ennemi par un coup de feu de nature à le blesser seulement et à lui faire surmonter même son horreur du feu. Il fallait attendre l’attaque et ne tirer que lorsque nous serions sûrs de le frapper dans un de ses organes vitaux. Avec quel soin j’examinai notre vieil engin de destruction, j’en graissai les rouages, et je m’assurai qu’il ne nous jouerait pas de mauvais tours! car s’il nous avait raté dans la main, comme cela lui était arrivé plus d’une fois, cela eût très-bien pu coûter la vie à l’un de nous.
Il y avait aussi des conditions stratégiques à considérer. Immédiatement derrière nous se trouvait une petite élévation de terrain d’environ trois pieds de hauteur, qui avait la forme d’un fer à cheval et qui pendant notre sommeil nous avait abrités contre le vent. Ce pouvait être, pour le cas où nous aurions à faire de l’escrime avec maître Martin, une position avantageuse.
Je proposai d’abord un plan qui ne péchait pas par le manque de hardiesse: c’était d’aller, en s’approchant de l’ours aussi près que possible, lui lancer un brandon enflammé à la figure, et de revenir se placer de nouveau sous la protection du feu avant qu’il eût le temps de se remettre de son émotion. Si le coup portait en pleine figure, cela pourrait l’effrayer assez pour qu’il se retirât; et si nous avions seulement le temps d’aller ramasser du bois pour faire un grand feu qui pût durer jusqu’au jour, nous serions sauvés. D’un autre côté, cela pourrait le jeter dans une rage folle et nous mettre dans une attitude de défense moins calme que si nous attendions patiemment qu’il nous attaquât. Mais la tête de Pat, en dépit de sa nationalité, était plus froide que la mienne.
«J’ai notre affaire, s’écria-t-il. Je reste où je suis et j’attends mon gentleman avec le vieux revolver. Quand il ne sera plus qu’à 10 mètres, je lui envoie une cheville dans le coffre, et je saute près de vous sur la levée. Vous, si je ne le tue pas du coup et qu’il s’élance après moi, vous vous tiendrez prêt à lui fendre la tête avec votre hache, et cela me donnera le temps de lui servir une autre dragée qui cette fois fera, j’espère, son affaire.»
Je me rangeai à l’avis de Pat, me contentant de substituer à la hache la pioche, arme plus lourde et tournant moins facilement dans la main, et nous nous assîmes près du feu, attendant les événements, mais en proie, je dois l’avouer, à de vives inquiétudes. A mesure que le feu baissait, le cercle que l’ours continuait à décrire se rétrécissait, et lorsque la dernière langue de flamme s’évanouit, il n’était plus qu’à une douzaine de mètres. Nous le suivions en tournant dans un cercle plus petit et gardant toujours le brasier entre nous et lui. A la fin, il s’arrêta, se leva lourdement sur ses pattes de derrière et, avec sa gaucherie apparente, fit vers nous quelques pas.
«Tire, Pat! m’écriai-je en levant ma pioche, prêt à la laisser tomber de tout son poids sur le crâne de maître Martin.
—Oui, mon ami, répondit Pat, voilà!» et faisant feu sur l’ours, qu’il atteignit en pleine poitrine, il courut se placer aussitôt sur la levée à côté de moi.
L’animal chancela; puis, avec un rugissement de fureur, s’élança vers Pat. Je le frappai sur le crâne avec la pioche; mais, comme j’avais dû frapper de côté, le fer, au lieu de lui entrer dans la tête, lui traversa l’épaule et s’enfonça dans la poitrine. Au même instant, Pat fit feu pour la seconde fois, et le monstre, touché au cœur, alla rouler près des cendres de notre foyer.
Ce fut avec un inexprimable sentiment de soulagement et de joie que nous contemplâmes notre ennemi gisant à nos pieds. Nous nous hâtâmes de rassembler tout le bois nécessaire pour entretenir un grand feu, résolus à nous assurer contre toute visite nocturne du même genre, et notamment contre celle de la femelle de l’ours, qui aurait bien pu venir à la recherche de son seigneur. Le feu flamba bientôt de nouveau, et, fatigués tout à la fois par la surexcitation de la lutte et la longue veille qui l’avait précédée, nous nous roulâmes dans nos couvertures et dormîmes d’un sommeil de plomb jusqu’au milieu du jour suivant.
CHAPITRE XVIII
LA DERNIÈRE CHANCE
Notre première occupation, le lendemain, fut de dépouiller l’ours de sa peau, que nous voulions porter en trophée à William’s Creek. Puis, ayant creusé un trou, nous y plaçâmes les pattes de maître Martin, et nous allumâmes un grand feu par-dessus. Nous recommandons ce procédé indien à nos lecteurs: il n’y a pas de mets recherché qui puisse se comparer à des pattes d’ours cuites de cette façon.
Cette agréable besogne terminée, nous reprîmes notre travail sur les rives du ruisseau; mais n’ayant rien trouvé, nous revînmes dîner un peu découragés. Après ce repas, nous résolûmes de faire une dernière tentative à environ deux milles plus haut vers les sources du ruisseau.
Il se mit à exécuter une danse folle.
Quelques coups de pioche nous amenèrent au rocher, et pendant que je continuais à creuser, Pat prit une bonne pelletée de la terre que nous venions d’extraire et descendit au bord du ruisseau pour procéder au lavage.
Tout à coup, j’entendis sa voix joyeuse qui m’appelait. Je laissai tomber ma pioche et me mis à courir vers lui. Il était assis par terre, la boîte à laver entre les jambes.
«Eh bien, qu’y a-t-il? As-tu vu un autre ours? lui dis-je en regardant autour de moi, tout essoufflé par ma course après les rochers.
—Au diable l’ours, répondit-il; tenez!» Et prenant dans ses doigts une poignée de terre humide, il se leva et se mit à exécuter une danse folle et bizarre.
Je crus qu’il perdait la raison, et je l’apostrophai avec véhémence. Il se contenta de hausser les épaules en me disant de regarder dans la boîte.
J’examinai attentivement l’intérieur et n’y vis rien que de la boue. Pat continuait à battre des entrechats autour de moi. Fatigué enfin, hors d’haleine, il vint se rasseoir près de la boîte.
«Remuez donc un peu cette boue avec vos doigts», me dit-il.
Je fis ce qu’il désirait; je retirai un grand nombre de pierres, et au bout d’un instant j’aperçus comme un éclair jaune dans la masse; c’était un petit lingot de la grosseur d’une noix. Presque aussi ému que Pat, je ne pus que me jeter par terre et fermer les yeux, tant était forte la sensation de joie que j’éprouvais. Bientôt me relevant, je courus au bord de l’eau avec la boîte, je lavai complétement tout ce qu’elle contenait, et je trouvai au fond un petit lingot avec plusieurs pépites. Nous restions là, absorbés dans cette vision extatique, trop émus l’un et l’autre pour pouvoir parler.
«Mais si tout cela, dis-je enfin, n’était que le contenu d’une petite poche égarée dans le rocher, et si nous allions ne plus rien trouver?
—C’est ce que je craindrais aussi, répondit Pat, si nous n’avions que le gros morceau; mais regardez ces jolies pépites; c’est une preuve que nous tenons un filon.»
Nous reprîmes notre travail avec courage, et chaque lavage nous donna non plus de gros morceaux, mais une foule de petits.
Le succès n’étant plus douteux, nous résolûmes de retourner immédiatement à William’s Creek pour chercher des outils et des provisions. Je coupai avec l’aide de Pat un jeune sapin, dont je fis six poteaux; puis ayant tracé sur le sol un carré de deux cents pieds de côté pour chacun de nous (c’est l’étendue accordée à ceux qui découvrent de nouveaux gisements), je plantai les poteaux en terre et j’y écrivis nos noms en grosses lettres.
Il plut à torrents pendant toute la nuit, mais nous étions parfaitement abrités sous les branches d’un sapin géant qui formait au-dessus de nous un véritable parapluie. Nous entendions la rivière mugir de plus en plus fort à mesure qu’elle se gonflait sous l’orage; mais que nous importaient le temps et la rivière et l’endroit perdu, ignoré du monde, où nous étions? Nous n’avions de pensée que pour la fortune qui enfin nous souriait.
Le matin, à notre réveil, nous trouvâmes que la rivière avait crû de trois pieds durant la nuit, et qu’il était plus difficile que jamais de la traverser. L’arbre sur lequel nous étions parvenus à atteindre l’île, quelques milles plus bas, avait été emporté par la crue, et en tout cas il nous eût été impossible de passer à gué le petit bras qui nous séparait de l’île. A un mille de nous, entre les deux branches principales de la rivière, s’élevait un rocher au pied duquel était tombé, en travers du courant, un arbre long et mince qui semblait être notre dernière ressource. Le temps avait désormais pour nous une telle valeur que nous décidâmes de tenter le passage au moyen de cet arbre.
Cet arbre, qui semblait être notre dernière ressource, à moins que nous ne descendissions beaucoup plus bas jusqu’à un endroit où nous trouverions des arbres pour faire un radeau. Nous étions si pleins du sentiment de notre richesse prochaine, que la valeur de notre existence avait augmenté à nos yeux de mille pour cent depuis l’instant où, de l’autre bord, nous avions examiné d’un œil soupçonneux ce même arbre et l’avions dédaigné. Le temps, d’un autre côté, avait désormais pour nous une telle valeur que nous ne nous sentions pas d’humeur à perdre trois ou quatre jours pour descendre le cours de la rivière: nous nous décidâmes donc à tenter le passage sur l’arbre, dont la souche fort heureusement était de notre côté.
Nous cachâmes, à la manière des Indiens, la moitié de nos provisions et les outils dont nous n’avions pas besoin; et, chargés de nos paquets beaucoup plus légers cette fois, nous nous mîmes en route.
L’endroit nous parut terrible vu de près. Au centre de la rivière, le poids seul de l’arbre lui faisait subir une dépression de deux ou trois pieds, et l’eau se brisait contre ce frêle obstacle; il était évident que le poids d’un homme le ferait encore plus enfoncer. Le courant, dans sa rapidité furieuse, détachait de temps à autre de la rive de gros rochers qui tombaient dans l’eau avec un bruit sourd, et il était à craindre que quelque débris flottant n’entraînât le frêle sapin qui devait nous servir de passerelle.
L’endroit nous parut terrible vu de près.
Cependant le rapide au-dessus de nous était long d’un mille et en droite ligne, de sorte que nous pouvions voir assez loin pour être sûrs qu’aucun accident de ce genre n’arriverait pendant que nous serions en train de passer. Pour ne négliger aucune chance de salut, nous changeâmes la disposition de nos paquets et les attachâmes en travers de la poitrine.
Nous tenions notre couteau à la main, prêts à couper la corde dans le cas où le pied nous aurait manqué et où nous serions tombés à l’eau.
Les chances de Pat eussent à coup sûr été assez minces, car il ne savait pas nager; mais même pour un bon nageur la question était de savoir si le courant le pousserait vers le bord ou l’entraînerait vers quelque gouffre.
Comme nous étions ainsi à délibérer sur la rive, peu ravis de la perspective qui s’offrait à nous, Pat regarda en amont et s’écria: «Pardieu! voici venir quelque chose qui va faire cesser nos hésitations!»
En effet, vers le haut du rapide commençait à paraître une masse informe d’arbres, de souches et de branches entremêlés. A chaque instant cette espèce d’île flottante s’accrochait à quelque projection de la rive, s’arrêtait quelques secondes, et, l’obstacle vaincu par la force du courant, reprenait sa marche.
«Je me risque, Dick!» s’écria Pat. Et, retroussant son pantalon, enfonçant son chapeau sur sa tête, il monta sur le tronc renversé et s’avança d’un pas ferme, évitant habilement les petites branches qu’il rencontrait çà et là. Nous ne pouvions passer en même temps, et j’attendis sur le bord, surveillant Pat, qui bientôt arriva au centre de la rivière où, l’arbre s’enfonçant sous lui, l’eau lui monta jusqu’à mi-jambes. Il chancela un instant; mais il reprit son équilibre, et bientôt je le vis, à ma grande joie, atteindre la rive opposée sain et sauf.
Alors vint mon tour. Tant que je fus sur la partie la plus grosse de l’arbre, tout alla bien; mais lorsque j’arrivai au centre, et que sentant l’eau me battre les jambes, je ne pus voir bien distinctement où placer le pied, la sensation que j’éprouvai fut absolument le contraire d’agréable. Comme Pat, je m’arrêtai quelques secondes pour reprendre haleine; mais, en levant les yeux, je vis que l’île flottante approchait; je ne pouvais rester là une minute de plus; je repartis donc; mais juste au moment où je venais de passer l’endroit le plus difficile et où j’approchais de la rive, je butai contre une de ces maudites branches latérales et faillis tomber. Le cœur en cet instant fut près de me manquer, toutefois je réussis à regagner mon équilibre; mais cela me causa un tremblement nerveux, et je sentis que je ne pouvais continuer à marcher d’un pas aussi sûr qu’auparavant; je me décidai donc à courir, et, étant arrivé ainsi tout près de la rive, je tombai moitié à terre, moitié dans l’eau; mais Pat, qui m’attendait, me saisit par les épaules et m’arracha à l’étreinte mortelle du courant où j’avais été si près de périr. Quelques minutes plus tard arrivait l’énorme masse d’arbres déracinés, brisant comme une paille l’arbre qui nous avait servi de pont.
Une fois la rivière derrière nous, nous nous sentîmes fort à l’aise, et, marchant d’un pas rapide, nous arrivâmes en peu de jours à William’s Creek.
La première chose que nous fîmes fut de faire enregistrer notre claim chez le commissaire du gouvernement. Il nous fallut décrire aussi exactement que possible l’emplacement et payer les droits de cinq dollars. Nous nous occupâmes ensuite de réunir les provisions et les outils nécessaires. Nous ne désirions pour le moment nous associer personne, le travail de deux hommes étant suffisant pour l’exploitation d’un claim où il n’était pas nécessaire de creuser de puits profonds; mais nous ne manquâmes pas de faire part en secret de notre découverte à nos anciens associés de Jack of Clubs Creek, et nous les engageâmes fort à venir aussitôt que possible choisir des terrains et s’établir auprès de nous.
Ce qui nous causait le plus d’embarras était de savoir comment transporter nos outils et nos provisions. Notre claim était à plusieurs journées de marche, et c’était tout ce qu’un homme pouvait faire que de porter jusque-là de quoi se nourrir en chemin. Il était donc évident que nous ne pouvions nous passer de mulets, et pour cela il nous fallait l’aide d’un marchand. Je frappai à plusieurs portes et n’essuyai que des refus. A la fin, je trouvai un juif allemand nommé Schwartz, qui avait ouvert récemment boutique et venait de recevoir du bas pays un certain nombre de mulets. Nos récits et la vue de notre or, qui ne ressemblait nullement à celui qu’il avait vu jusque-là (les marchands et les mineurs expérimentés savent très-bien dire à première vue de quelle creek du voisinage vient l’or qu’on leur montre), l’excitèrent au plus haut point; mais nous eûmes de la peine à nous entendre. Il voulait d’abord avoir, en échange des provisions et des outils qu’il fournirait, la moitié de tout ce que nous trouverions. Nous n’entendions point de cette oreille, et il eut beau nous raconter comment il avait été maintes fois victime de sa confiance, cela ne nous toucha nullement.
Enfin, après bien des débats, notre juif devenant plus raisonnable, nous conclûmes l’arrangement suivant: il s’engageait à nous fournir dix mulets avec leur chargement de provisions et d’outils, et à nous accompagner avec un seul homme qu’il laisserait avec nous pour veiller à ses intérêts; de notre côté, nous nous engagions à prendre 100 mètres carrés de terrain pour lui près des nôtres, à ne faire des 300 mètres carrés qu’un seul claim, et à payer, sur le produit brut de notre travail, 10 dollars par jour à l’homme qui le représenterait.
Le chemin devint très-mauvais.
Nous nous gardâmes bien de dire à cet homme où nous allions, de crainte qu’il ne commît quelque indiscrétion; et le lendemain matin, après avoir chargé nos mulets de tout ce qui nous était nécessaire, nous partîmes en suivant le cours de la William’s Creek pour gagner Antler Creek, source de la rivière de l’Ours, par une route différente et moins connue que la route ordinairement suivie. Nous ne manquâmes pas cette fois d’emporter deux bonnes carabines que Schwartz nous procura et une provision de poudre, de balles et d’autres munitions.
Le premier jour, le chemin fut assez praticable; mais les deux jours suivants il devint très-mauvais; nous ne pûmes faire qu’une douzaine de milles, et malgré cela nos pauvres animaux étaient horriblement fatigués. Nous arrivâmes enfin à un endroit situé à deux milles au-dessus de notre creek, sur le bord opposé du cours d’eau principal. Pendant notre absence, la neige avait fondu dans le haut pays et la rivière avait repris son niveau habituel: nous n’éprouvâmes aucune difficulté à construire un radeau. Nous eûmes deux ou trois traversées à faire pour transporter nos animaux et nos provisions de l’autre côté, ce qui, avec les allées et venues, nous prit encore quelques jours.
Une fois arrivés à notre claim, nous abattîmes des arbres pour construire une confortable hutte qui fut bâtie en trois jours; puis, comme c’était convenu, je laissai Pat et le représentant de Schwartz compléter la cabine, couper des planches pour les vannes et creuser un fossé pour amener une rigole à l’endroit où nous voulions travailler, et je retournai à William’s Creek pour y reconduire les mules. Cela fait, je revins en hâte me remettre au travail.
A mon retour, je trouvai la cabine finie, et l’eau amenée sur les lieux par une suite d’écluses complétées le jour précédent et dans lesquelles Pat et Jim (l’homme de Schwartz) jetaient à tour de rôle des pelletées de cette boue dans laquelle était cachée notre fortune future. Ils avaient, durant mon absence, travaillé comme des nègres.
Pendant trois mois nous ne vîmes personne; mais à la fin du troisième mois Schwartz vint accompagné d’un homme, nous amenant cinq chevaux chargés de provisions fraîches et d’outils neufs dont nous commencions à avoir grand besoin. Nous avions amassé un joli tas de poussière d’or; Pat partit avec Schwartz pour placer notre trésor à la banque.
Exploitation des mines d’or, dans le Caribou.
Plusieurs de ces individus qui sont toujours à l’affût des nouvelles eurent vent de cette seconde expédition, et peu après le retour de Pat nous eûmes une invasion de vingt à trente mineurs, à la tête desquels je reconnus l’homme même que Schwartz avait amené avec lui. Mais il ne nous molestèrent en aucune façon, et se mirent diligemment au travail. Au reste, il y avait amplement de la place pour nous tous, et nous fûmes plutôt satisfaits que contrariés de les voir s’établir près de nous. Notre petite colonie, avec ses six ou sept huttes de troncs d’arbres, ne manquait pas d’animation; les bords du ruisseau offraient même le spectacle d’une grande activité; tous les travailleurs étaient à l’ouvrage, piochant la terre, lavant les roches, triant le minerai.
A la fin de la saison, notre claim étant presque épuisé, nous cédâmes notre terrain à un prix très-modéré à quelques-uns de nos anciens amis qui étaient venus s’établir auprès de nous.
Par un hasard assez fréquent dans la recherche aventureuse des gisements aurifères, la partie de la creek sur laquelle était tombé notre choix se trouva de beaucoup la plus riche du voisinage, et au bout de cinq mois de travail nous avions amassé une somme très-considérable.
Lorsqu’on sut que nous étions devenus riches, on nous fit à Victoria l’accueil le plus sympathique et l’on nous entoura d’un respect tout particulier. Le journal auquel j’avais autrefois collaboré publia quelques articles où Pat et moi étions désignés comme «deux des principaux et des plus entreprenants pionniers»; mais lorsqu’on sut que nous n’avions point l’intention de semer sur les lieux les richesses que nous venions d’acquérir, on changea de ton, et le journal se livra à une véritable explosion d’indignation contre «ces avides et ingrats personnages qui viennent faire leur fortune dans le pays et s’en vont la dépenser ailleurs».
CONCLUSION
Pat fut de beaucoup le plus sage de nous deux. L’ambition n’était point un des traits dominants de son caractère; et c’est pourquoi, se voyant désormais riche pour la vie, il se fit habiller convenablement, se munit de tout ce qui pouvait lui être utile ou agréable durant la traversée, et prit un passage de première classe sur un navire qui retournait en Irlande. Deux ans plus tard il m’écrivit pour m’apprendre que sa fiancée Brigitte et lui étaient mariés et possédaient une jolie petite propriété située non loin du lieu de sa naissance. Il m’engageait fort à l’imiter, et ajoutait, dans le langage imagé d’un vieux mineur, que si je voulais abandonner l’exploration des montagnes du Far West pour celle de sa propriété, j’étais sûr d’y trouver, sans longues recherches, le roc solide de sa vieille affection. Il me faisait les amitiés de Brigitte, et me disait qu’en dépit du regret qu’elle avait eu de donner à son premier enfant «le nom saxon et païen de Richard», elle l’avait cependant ainsi baptisé en souvenir de moi et de mon amitié pour son mari.
Pour ma part, je n’avais nullement le désir de rentrer de sitôt au pays et de faire une fin. Je me livrais alors avec acharnement à la spéculation, et j’avais déjà amassé une grande fortune; mais le sort ne me fut pas longtemps favorable et je perdis une grande partie de mon avoir. J’eus le bonheur toutefois de retrouver mon vieil ami le capitaine, qui n’avait pas été fort heureux dans ses dernières entreprises; et ce fut pour moi une grande joie de pouvoir lui témoigner ma reconnaissance et lui venir en aide à mon tour.
Après un hiver agréable à Victoria, je partis, avec un de mes vieux amis, pour San-Francisco, d’où je comptais aller explorer le riche district argentifère de Washoe, et c’est au moment d’entreprendre cette nouvelle expédition que je ferme ce volume et dis adieu à ceux de mes lecteurs qui ont bien voulu me suivre jusqu’ici.
FIN
PARIS.—IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2.
TABLE DES MATIÈRES
| CHAP. Ier. | Le départ | 1 |
| II. | San-Francisco | 18 |
| III. | L’arrivée | 32 |
| IV. | L’île Vancouver | 46 |
| V. | En remontant le Fraser | 55 |
| VI. | En route pour les mines | 68 |
| VII. | La vallée de la Thompson | 84 |
| VIII. | Les voleurs de bestiaux | 91 |
| IX. | William’s creek | 100 |
| X. | Navigation sur le Fraser | 116 |
| XI. | Nos vacances | 128 |
| XII. | Une expédition dangereuse | 139 |
| XIII. | Un hiver à Victoria | 151 |
| XIV. | Seconde saison aux mines | 160 |
| XV. | Nouvelles aventures | 174 |
| XVI. | Une triste aventure | 189 |
| XVII. | A la découverte de l’or | 208 |
| XVIII. | La dernière chance | 222 |
| Conclusion | 243 |
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES
PARIS.—IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2
LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie
BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79, A PARIS
LE JOURNAL DE LA JEUNESSE
NOUVEAU RECUEIL HEBDOMADAIRE
POUR LES ENFANTS DE 10 A 15 ANS
PUBLIÉ
PAR LA LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie
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PROSPECTUS
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MATIÈRES CONTENUES DANS LES PREMIERS VOLUMES DU
JOURNAL DE LA JEUNESSE
Nouvelles, contes, récits.—Les Braves gens, la Ferme des Quatre Chênes, Panade, la Terre de Servitude, par J. Girardin; Une sœur, par Mme de Witt; En congé, par Mlle Fleuriot; Gertrude, par la comtesse de Sannois; la Récompense partagée, le Marchand de Venise, le Sultan et les Fauvettes, le Chasseur indien, par Ét. Leroux; le Chien de Newton, l’Énigme du sphinx, une Réhabilitation, une Mouche qui vole, par Mlle Marie Maréchal; la Fille aux pieds nus, les Hirondelles de mon oncle, par Eug. Muller; le Tailleur de pierres, Tamerlan et la fourmi, le Cadi du Caire, par P. Vincent; le Poisson d’avril, le Parapluie omnibus, par J. Levoisin; le Violoneux de la Sapinière, la fille de Carilès, par Mme Colomb, etc.
Causeries.—Le Jury, Incendies et pompiers, Oberkampf, les Oranges, une Croisade d’enfants, Copernic, la Monnaie, Bonjour, les Jeux floraux, l’Hôtel de Ville, les Écoliers soldats, la Jambe de bois, par l’oncle Anselme, le Parapluie, le Jeu d’échecs, par P. Vincent; le Bal costumé, par J. Levoisin; le Panorama des Champs-Élysées, une Chasse aux crocodiles en Cochinchine, par Claparot; l’Hôtel des Invalides, par Louis Rousselet, etc.
Géographie, voyages, aventures.—Dans l’extrême Far-West, par Johnson; Livingstone, par R. Cortambert; la Marine française et les pirates chinois, Éruption du Mauna Loa, Henry Stanley, les Mines de diamants du Cap, les Sources du Nil, Sir S. Baker, le Turkestan, la Guinée, l’Indo-Chine, par Louis Rousselet; les Naufragés du détroit de Magellan, le Sahara algérien, un Nouveau Robinson Crusoé, les Modocs, les Indes hollandaises, par Ét. Leroux; les Premiers explorateurs des régions arctiques, l’Expédition du capitaine Hall au pôle Nord, l’Équipage du Polaris, les Naufragés au Spitzberg, le royaume de Dahomey, par Lucien d’Elne; la Grotte d’Adelsberg, par Louis Énault, etc.
Histoire naturelle, zoologie, botanique.—Le Cormoran, le Pélican, l’Amour maternel chez les oiseaux, par E. Menault; l’Hippopotame du Jardin zoologique, le Hamster, l’Autruche, le Bouquetin du Tyrol, les Invasions de sauterelles en Algérie, la Taupe, la Pêche du hareng, le Départ des hirondelles, l’Éléphant, le Calmar, par Th. Lally; un Perroquet centenaire, le Cresson, le Mégathérium, par H. Norval; le Jardinage de la jeunesse, par L. Châtenay; les Oiseaux gigantesques, par Marcel Devic; la Mer chez soi, l’Aquarium d’eau douce, par H. de la Blanchère; le Phylloxera, par Albert Lévy, etc.
Astronomie.—La Terre rencontrée par une comète, la Planète Vénus, l’Éclipse du 26 mai, Comment on mesure la distance du soleil à la terre, par A. Guillemin.
Inventions, découvertes.—Les Bateaux à vapeur de la Manche, par A. Guillemin; les Dépêches microscopiques et les Pigeons voyageurs, Impressions de voyage en ballon, le Professeur Charles, par G. Tissandier; la Bouée de l’espérance, par Ét. Leroux; un Nouvel appareil de sauvetage, le Pyrophone, par A. Lévy; un Fanal inextinguible, une Mine de gaz d’éclairage, les Omnibus, par P. Vincent; les Navires cuirassés, par Léon Renard; le Chemin de fer du Rigi, le Scaphandre, par H. Norval, etc.
Causeries industrielles.—La Laine, le Coton, Thomas Highs ou le Métier à filer le chanvre, par Eug. Muller; Comment on obtient la glace dans l’Inde, par Louis Rousselet; Les Huiles de pétrole, par G. Tissandier; Comment se fait une aiguille, les Vendanges, Emploi de l’air comprimé, les Eaux de Paris, par P. Vincent; les Bonbons, par H. Norval.
Actualités, contemporains, variétés.—Les Inondations, par A. Guillemin l’Incendie de Boston, par R. Cortambert; le Naufrage du Northfleet, la Famille Durand à l’Exposition de Vienne, par Eug. Muller; Découvertes au Forum romain, par Fr. Wey; les Cyclones, par G. Tissandier; l’Exposition de Vienne, les Bohémiens, une Réception à Péking, par L. Rousselet; le Naufrage de l’Atlantic, le Tremblement de terre de San-Salvador, Horace Greeley, le Voyage du chah de Perse, par P. Vincent; l’Ouverture de la chasse, l’Exposition des races canines, par Th. Lally; les Funérailles d’un roi indien, Agassiz, Livingstone, Latour d’Auvergne, Kaméhaméha V, par Ét. Leroux; l’Arc, par H. de la Blanchère; Paganini, Nélaton et Coste, par H. Norval, etc.
CONDITIONS ET MODE DE LA PUBLICATION
LE JOURNAL DE LA JEUNESSE paraît le samedi de chaque semaine à partir du 7 décembre 1872. Chaque numéro, imprimé sur deux colonnes par M. Martinet, contient 16 pages de texte et de gravures, et est protégé par une couverture.—Le prix du numéro est de 40 centimes.
Chaque année de la publication forme deux beaux volumes in-8º richement illustrés. Prix de chaque vol.: broché, 10 fr., cartonné en percaline rouge, tranches dorées, 13 fr.
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Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
NOTES:
[A] Le Far West (Grand Ouest) est le nom donné en anglais aux pays qui s’étendent du Mississipi et des grands Lacs jusqu’au rivage de l’océan Pacifique.
[B] Sorte de thon à ventre rayé qu’on trouve dans les mers intertropicales.
[C] Le lecteur doit se souvenir qu’en Amérique les wagons, au lieu d’être des voitures fermées et séparées les unes des autres comme sur les lignes d’Europe, communiquent ensemble au moyen de passerelles et sont traversés par un couloir qui permet aux voyageurs de circuler d’une extrémité à l’autre du train.
[D] Boisson faite d’eau glacée, de sucre, d’eau-de-vie et de feuilles de menthe que l’on y laisse infuser pendant quelques minutes.
[E] Oncle Sam et cousin Jonathan sont les sobriquets donnés aux Américains des États-Unis par les Anglais, qui portent eux-mêmes celui de John Bull.
[F] Cette loi, ou plutôt cette coutume sauvage, n’est que l’application par la collectivité du droit primitif de défense individuelle. A défaut de tribunal, le peuple s’assemble, constate le flagrant délit et pend le coupable sans autre forme de procès. Il n’est pas rare que, dans les pays nouvellement occupés, on soit obligé d’avoir recours à cette justice sommaire.
[G] Les touts ou touters sont les commissionnaires qui se trouvent à l’arrivée des trains ou bateaux pour recommander les hôtels aux voyageurs.
[H] C’est le nom que les habitants donnent, par abréviation, à San-Francisco.
[I] Chapeau espagnol à larges bords.
[J] Manteau américain fait d’une couverture de couleur au milieu de laquelle on a ménagé une ouverture pour la tête.
[K] Cañon, en espagnol, signifie tuyau et s’emploie aujourd’hui, dans l’Amérique du Nord, pour désigner les gorges, cols ou défilés des montagnes.
[L] Ce procédé nous paraît ressembler fort, sauf l’usage de la Yeast powder, levûre en poudre, à celui que, de temps immémorial, suivent nos paysans de la Bretagne et du Limousin, pour faire leurs galettes de farine de blé noir. (Note du traducteur.)
[M] Placer, nom donné par les Espagnols aux gisements de métaux précieux, et appliqué depuis aux mines d’or.
[N] Le pied anglais n’a que 0m,30.
[O] Abréviation de Peter, Pierre.
[P] Le verbe to rustle signifie frôler, braire, et, au figuré, se pavaner. Rustle, dérivé de to rustle, veut dire, au fond, en imposer, gagner sa vie en faisant croire à des ressources que l’on n’a point. (Note du traducteur.)
| On a effectué les corrections suivantes: |
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| se destination=> sa destination {pg 6} |
| retourner de ce pas en Califournie=> retourner de ce pas en Californie {pg 38} |
| lui demandai s’ii avait examiné=> lui demandai s’il avait examiné {pg 106} |
| ceux qui proviennait=> ceux qui provienait {pg 143} |
| cette avanture=> cette aventure {pg 182} |
| marche très-penible=> marche très-pénible {pg 208} |
| à Wiliam’s Creek=> à William’s Creek {pg 222} |
| nous fûmes plutôt satisfait=> nous fûmes plutôt satisfaits {pg 241} |
| haranguait une une foule=> haranguait une foule {pg 190} |