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De la Démocratie en Amérique, tome troisième

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NOTE, PAGE 316.

Il y a cependant des aristocraties qui ont fait avec ardeur le commerce, et cultivé avec succès l'industrie. L'histoire du monde en offre plusieurs éclatants exemples. Mais, en général, on doit dire que l'aristocratie n'est point favorable au développement de l'industrie et du commerce. Il n'y a que les aristocraties d'argent qui fassent exception à cette règle.

Chez celles-là, il n'y a guère de désir qui n'ait besoin des richesses pour se satisfaire. L'amour des richesses devient, pour ainsi dire, le grand chemin des passions humaines. Tous les autres y aboutissent ou le traversent.

Le goût de l'argent et la soif de la considération et du pouvoir se confondent alors si bien, dans les mêmes âmes, qu'il devient difficile de discerner si c'est par ambition que les hommes sont cupides, ou si c'est par cupidité qu'ils sont ambitieux. C'est ce qui arrive en Angleterre où l'on veut être riche pour parvenir aux honneurs, et où l'on désire les honneurs comme manifestation de la richesse. L'esprit humain est alors saisi par tous les bouts et entraîné vers le commerce et l'industrie qui sont les routes les plus courtes qui mènent à l'opulence.

Ceci, du reste, me semble un fait exceptionnel et transitoire. Quand la richesse est devenue le seul signe de l'aristocratie, il est bien difficile que les riches se maintiennent seuls au pouvoir et en excluent tous les autres.

L'aristocratie de naissance et la pure démocratie sont aux deux extrémités de l'état social et politique des nations; au milieu se trouve l'aristocratie d'argent; celle-ci se rapproche de l'aristocratie de naissance en ce qu'elle confère à un petit nombre de citoyens de grands priviléges; elle tient à la démocratie en ce que les priviléges peuvent être successivement acquis par tous; elle forme souvent comme une transition naturelle entre ces deux choses, et l'on ne saurait dire si elle termine le règne des institutions aristocratiques, ou si déjà elle ouvre la nouvelle ère de la démocratie.[Retour à la Table des Matières]

TABLE.

PREMIÈRE PARTIE.
Influence de la Démocratie sur le Mouvement intellectuel aux États-Unis.

  • Chapitre I.—De la méthode philosophique des Américains. 1
  • Chapitre II.—De la source principale des croyances chez les peuples démocratiques. 10
  • Chapitre III.—Pourquoi les Américains montrent plus d'aptitude et de goût pour les idées générales que leurs pères les Anglais. 21
  • Chapitre IV.—Pourquoi les Américains n'ont jamais été aussi passionnés que les Français pour les idées générales en matière politique. 31
  • Chapitre V.—Comment, aux États-Unis, la religion sait se servir des instincts démocratiques. 35
  • Chapitre VI.—Des progrès du catholicisme aux États-Unis. 53
  • Chapitre VII.—Ce qui fait pencher l'esprit des peuples démocratiques vers le panthéisme. 57
  • Chapitre VIII.—Comment l'égalité suggère aux Américains l'idée de la perfectibilité indéfinie de l'homme. 61
  • Chapitre IX.—Comment l'exemple des Américains ne prouve point qu'un peuple démocratique ne saurait avoir de l'aptitude et du goût pour les sciences, la littérature et les arts. 67
  • Chapitre X.—Pourquoi les Américains s'attachent plutôt à la pratique des sciences qu'à la théorie. 79
  • Chapitre XI.—Dans quel esprit les Américains cultivent les arts. 93
  • Chapitre XII.—Pourquoi les Américains élèvent en même temps de si petits et de si grands monuments. 103
  • Chapitre XIII.—Physionomie littéraire des siècles démocratiques. 107
  • Chapitre XIV.—De l'industrie littéraire. 119
  • Chapitre XV.—Pourquoi l'étude de la littérature grecque et latine est particulièrement utile dans les sociétés démocratiques. 121
  • Chapitre XVI.—Comment la démocratie américaine a modifié la langue anglaise. 125
  • Chapitre XVII.—De quelques sources de poésie chez les nations démocratiques. 139
  • Chapitre XVIII.—Pourquoi les écrivains et les orateurs américains sont souvent boursouflés. 153
  • Chapitre XIX.—Quelques observations sur le théâtre des peuples démocratiques. 157
  • Chapitre XX.—De quelques tendances particulières aux historiens dans les siècles démocratiques. 167
  • Chapitre XXI.—De l'éloquence parlementaire aux États-Unis. 175

DEUXIÈME PARTIE.
Influence de la Démocratie sur les sentiments des Américains.

  • Chapitre I.—Pourquoi les peuples démocratiques montrent un amour plus ardent et plus durable pour l'égalité que pour la liberté. 185
  • Chapitre II.—De l'individualisme dans les pays démocratiques. 195
  • Chapitre III.—Comment l'individualisme est plus grand au sortir d'une révolution démocratique qu'à une autre époque. 201
  • Chapitre IV.—Comment les Américains combattent l'individualisme par des institutions libres. 205
  • Chapitre V.—De l'usage que les Américains font de l'association dans la vie civile. 213
  • Chapitre VI.—Du rapport des associations et des journaux. 223
  • Chapitre VII.—Rapport des associations civiles et des associations politiques. 231
  • Chapitre VIII.—Comment les Américains combattent l'individualisme par la doctrine de l'intérêt bien entendu. 243
  • Chapitre IX.—Comment les Américains appliquent la doctrine de l'intérêt bien entendu en matière de religion. 251
  • Chapitre X.—Du goût du bien-être matériel en Amérique. 257
  • Chapitre XI.—Des effets particuliers que produit l'amour des jouissances matérielles dans les siècles démocratiques. 263
  • Chapitre XII.—Pourquoi certains Américains font voir un spiritualisme si exalté. 269
  • Chapitre XIII.—Pourquoi les Américains se montrent si inquiets au milieu de leur bien-être. 273
  • Chapitre XIV.—Comment le goût des jouissances matérielles s'unit chez les Américains à l'amour de la liberté et au soin des affaires publiques. 281
  • Chapitre XV.—Comment les croyances religieuses détournent de temps en temps l'âme des Américains vers les jouissances immatérielles. 289
  • Chapitre XVI.—Comment l'amour excessif du bien-être peut nuire au bien-être. 299
  • Chapitre XVII.—Comment, dans les temps d'égalité et de doute, il importe de reculer l'objet des actions humaines. 303
  • Chapitre XVIII.—Pourquoi, chez les Américains, toutes les professions honnêtes sont réputées honorables. 309
  • Chapitre XIX.—Ce qui fait pencher presque tous les Américains vers les professions industrielles. 313
  • Chapitre XX.—Comment l'aristocratie pourrait sortir de l'industrie. 321

FIN DE LA TABLE.

Note 1: Dans toutes les religions il y a des cérémonies qui sont inhérentes à la substance même de la croyance et auxquelles il faut bien se garder de rien changer. Cela se voit particulièrement dans le catholicisme où souvent la forme et le fond sont si étroitement unis qu'ils ne font qu'un.[Retour au texte principal]

Note 2: Tout ceci est surtout vrai des pays aristocratiques, qui ont été longtemps et paisiblement soumis au pouvoir d'un roi.

Quand la liberté règne dans une aristocratie, les hautes classes sont sans cesse obligées de se servir des basses; et, en s'en servant, elles s'en rapprochent. Cela fait souvent pénétrer quelque chose de l'esprit démocratique dans leur sein. Il se développe, d'ailleurs, chez un corps privilégié qui gouverne une énergie et une habitude d'entreprise, un goût du mouvement et du bruit, qui ne peuvent manquer d'influer sur tous les travaux littéraires.[Retour au texte principal]

Note 3: Je dis un peuple démocratique. L'administration peut être très décentralisée chez un peuple aristocratique, sans que le besoin des journaux se fasse sentir, parce que les pouvoirs locaux sont alors dans les mains d'un très petit nombre d'hommes qui agissent isolément ou qui se connaissent et peuvent aisément se voir et s'entendre.[Retour au texte principal]

Note 4: Cela est surtout vrai lorsque c'est le pouvoir exécutif qui est chargé de permettre ou de défendre les associations suivant sa volonté arbitraire.

Quand la loi se borne à prohiber certaines associations et laisse aux tribunaux le soin de punir ceux qui désobéissent, le mal est bien moins grand; chaque citoyen sait alors à peu près d'avance sur quoi compter; il se juge en quelque sorte lui-même avant ses juges, et s'écartant des associations défendues, il se livre aux associations permises. C'est ainsi que tous les peuples libres ont toujours compris qu'on pouvait restreindre le droit d'association. Mais s'il arrivait que le législateur chargeât un homme de démêler d'avance quelles sont les associations dangereuses et utiles, et le laissât libre de détruire toutes les associations dans leur germe ou de les laisser naître, personne ne pouvant plus prévoir d'avance dans quel cas on peut s'associer, et dans quel autre il faut s'en abstenir, l'esprit d'association serait entièrement frappé d'inertie. La première de ces deux lois n'attaque que certaines associations, la seconde s'adresse à la société elle-même et la blesse. Je conçois qu'un gouvernement régulier ait recours à la première, mais je ne reconnais à aucun gouvernement le droit de porter la seconde.[Retour au texte principal]

Note 5: On a remarqué plusieurs fois que les industriels et les commerçants étaient possédés du goût immodéré des jouissances matérielles, et on a accusé de cela le commerce et l'industrie, je crois qu'ici on a pris l'effet pour la cause.

Ce n'est pas le commerce et l'industrie qui suggèrent le goût des jouissances matérielles aux hommes, mais plutôt ce goût qui porte les hommes vers les carrières industrielles et commerçantes, où ils espèrent se satisfaire plus complétement et plus vite.

Si le commerce et l'industrie font augmenter le désir du bien-être, cela vient de ce que toute passion se fortifie à mesure qu'on s'en occupe davantage, et s'accroît par tous les efforts qu'on tente pour l'assouvir.

Toutes les causes qui font prédominer dans le cœur humain l'amour des biens de ce monde développent le commerce et l'industrie. L'égalité est une de ces causes. Elle favorise le commerce, non point directement en donnant aux hommes le goût du négoce, mais indirectement en fortifiant et généralisant dans leurs âmes l'amour du bien-être.[Retour au texte principal]

Note 6: Voir la note à la fin du volume.[Retour au texte principal]

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