Dictionnaire des calembours et des jeux de mots, lazzis, coqs-à-l'âne, quolibets, quiproquos, amphigouris, etc.
Certain ministre avait la pierre,
On résolut de le tailler;
Chacun se permit de parler,
Et l'on égaya la matière.
--Mais comment, se demandait-on,
A-t-il pareille maladie?
--C'est que son coeur, dit Florimon,
Sera tombé dans sa vessie.
ÉPOUVANTABLE
On complimentait la femme d'un homme de lettres en disant qu'elle avait un époux vanté.
--Ce n'est que justice, répondit-elle; car il est époux vantable.
ÉPOUVANTÉ
Un jeune homme allait épouser une beauté. On lui dit:--Vous épousez une femme charmante, dont vous serez bientôt époux vanté.
ÉPOUX LAID
Un mari, peu favorisé des dons de la nature, crut voir un calembour insultant dans une parole de sa femme, qui disait qu'elle n'aimait pas les poulets.
ESPRIT
--C'est agréable d'avoir de l'esprit, dit Alcide Tousez, on a toujours quelques bêtises à dire.
ESTROPIÉ
Un homme était blessé à la main.--Vous êtes estropié, lui dit-on.--Non pas, répondit-il, je suis estro-main.
ÉTAIN
Les Parisiens, en apprenant la mort de Pothier, ont fait cette exclamation ingénieuse:--Voilà un potier d'éteint!
ÉTAMAGE
--Quelle est la place de Paris où les chaudronniers ne peuvent pas étamer?
--C'est la place Vendôme. On y lit en effet en grandes lettres: État-major de la place.
ÉTATS
Louis XIV disait au duc de Vivonne:--Ne trouvez-vous pas surprenant que M. de Schomberg, qui est né Allemand, se soit fait naturaliser Hollandais, Anglais, Portugais et Français?--Sire, répondit le duc, c'est tout simplement un homme qui essaie de tous les États pour vivre.
ÉTÉ
On boit tant de thé en hiver dans les soirées de Londres, qu'on a dit que les Anglais faisaient de l'hiver la saison des thés.
ÉTENDRE
--Quel rapport y a-t-il entre un morceau de beurre frais, un avocat et un paresseux?
--C'est que le premier s'étend sur du pain, le second sur son sujet et le troisième sur son lit.
ÉTRILLE
Un palefrenier se présentait comme choriste à l'Opéra, parce qu'on lui avait dit qu'il était fort dans les trilles.
EU
On prétend que cette ville est celle où l'on fait le plus d'omelettes.
On dit que son maire rougit toutes les fois qu'il est obligé d'exprimer sa fonction.
EUX
Les cuisiniers font acte d'orgueil quand ils prétendent qu'on ne peut pas faire d'omelettes sans oeufs.
EXÉCUTIF
Quand l'Assemblée constituante eut restreint, comme on sait, l'autorité royale de Louis XVI, on fit cette épigramme:
Entre savants, quelquefois on dispute.
D'où vient ce nom: pouvoir exécutif
Que donne au roi le corps législatif?
Eh! le voici: trop faible pour la lutte,
C'est un pouvoir, hélas! qui s'exécute.
EXERCICE
Louis XIV raillait le duc de Vivonne sur son embonpoint excessif, en présence du duc d'Aumont qui n'était pas moins gros, et lui reprochait de ne point faire assez d'exercice.--Sire, répondit Vivonne, c'est une médisance; il n'y a point de jour que je ne fasse au moins trois fois le tour de mon cousin d'Aumont.
EXPOSITION
On a dit, à propos de l'exposition universelle de Londres, que ce qu'il y avait de plus exposé au Palais de Cristal, c'étaient les poches des visiteurs.
EXPRESSIONS
Fontenelle se trouvant à table avec deux jeunes poëtes avantageux, il fut beaucoup question au dessert des différentes manières d'exprimer la même chose en français. Nos deux étourdis lui demandèrent, sur le ton badin, s'il était mieux de dire: Donnez-nous à boire, qu'apportez-nous à boire. Fontenelle leur répondit en souriant:--Vous devez dire: menez-nous boire.
F
Les lettres les plus embarrassantes sont les lettres F A C.
FACÉTIES
Un huissier qui voulait faire une chanson n'accoucha que du premier vers, et il demandait si la rime était bonne.
On voulait marier un épicier avec sa jeune tante.--Je ne le veux pas, dit-il; car si j'épousais ma tante, je serais mon oncle.
--Le pavé est bien fier, disait un bonhomme qui, par le verglas, s'était laissé tomber.--Je ne le trouve pas fier du tout, dit un autre, car voilà trois fois déjà qu'il me baise le derrière.
On demandait à un homme un peu distrait:--Quel jour est-ce demain?...--Ma foi, je ne vous dirais pas trop; tout ce que je sais, c'est que c'est aujourd'hui samedi.
Un homme riche, qui s'était marié trois fois, ayant perdu sa troisième femme, répondit à quelqu'un qui lui proposait une fort aimable demoiselle en quatrième noce:--J'accepte volontiers la demoiselle, même sans dot, pourvu que vous fassiez stipuler dans le contrat qu'elle ne mourra pas; car je suis las d'épouser des femmes qui meurent.
On présenta à un maire de village, dans les premiers temps où l'état civil fut confié à ces officiers ministériels, un enfant de trois ans, qu'on avait négligé de faire inscrire sur le registre communal. Le maire écrivit: «Aujourd'hui est né de légitime mariage un enfant âgé de trois ans....»
Une dame marchandant une chaise percée en offrait trop peu. Le bahutier, pour l'engager davantage, la priait de considérer la bonté de la serrure et de la clef.--Pour ce qui est de cela, dit la dame, je n'en fais pas grand cas, car je n'ai pas peur qu'on me dérobe ce que j'ai dessein d'y mettre.
Gyblotte.--Si j'ai été obligé de quitter le poste, ce n'est pas ma faute, je ne pouvais plus y revenir.
Le président.--Pourquoi?
Gyblotte.--J'étais cuit. (Rires.) J'étais rôti à point comme un jeune dindonneau au sortir de la broche. (Rire général.)
Le président.--Comment cela?
Gyblotte.--Imaginez-vous que j'avais appris que l'on faisait des portraits à la minute au daguerréotype. Comme j'éprouvais le désir de me faire dessiner en garde national, je profitai de l'occasion de ma garde pour me rendre chez l'artiste, je m'esquivai du poste.
Le président.--Vous avez eu tort.
Gyblotte.--J'en suis bien puni.--Monsieur, lui dis-je, faites-moi mon portrait.
--Voilà! Monsieur, me répond l'artiste. Mettez-vous le nez au soleil et ne bougez pas. (Rire général.) Je me plaçai au vis-à-vis de cet astre, et je le regardai en face... ce qui du reste ne laisse pas d'être fort gênant. (Nouveaux rires.) Lorsque j'eus demeuré dix minutes dans cette attitude, que je prendrai sur moi de nommer incommode, je sentis que ma peau se gonflait par la chaleur... Je devenais croustillant. (Rire général.)
--Monsieur, dis-je à l'artiste, est-ce fini?--Pour l'amour de Dieu, ne tournez pas la tête, me répondit-il; votre portrait sera ressemblant comme deux gouttes d'eau. Des gouttes d'eau, il ne m'en manquait pas sur le visage... Je demeure encore un quart d'heure au soleil; je roussissais à vue d'oeil, je sentais mes sourcils qui grillaient comme les plumes d'un poulet flambé.--Monsieur, dis-je alors au peintre par le daguerréotype, je renonce à votre procédé; je ne veux pas être peint dans l'attitude d'un rôti. (Hilarité générale.) Veuillez me rendre mon chapeau.--Monsieur, dit cet homme, si vous vouliez rester encore une petite minute, vous seriez frappant...--Frappant! m'écriai-je, c'est-à-dire que je serais à l'étuvée: je sors d'en prendre. Et, en disant cela, je me traînai à mon domicile, où je me couchai.
Le président.--Pourquoi ne pas revenir au poste?
Gyblotte.--Parce que je serais tombé en ruine. Je parie que l'on m'aurait enlevé un bras ou une jambe rien qu'en me posant la fourchette dans le dos.
Le président condamne le délinquant à une garde hors de tour, et lui recommande de se méfier à l'avenir des portraits à la minute.
Gyblotte.--Quand j'y retournerai, il fera ch... non, il fera froid. (Rire général.)
--Un diseur d'anecdotes raconte les facéties suivantes:
«J'ai lu autrefois, dans les Mémoires de M. le maréchal de ***, qu'il examinait toujours le soir ce qu'il avait dépensé le jour; et comme il avait donné cent écus au maître d'hôtel qui le servait, pour faire la plus grande chère qu'il pourrait à sept ou huit personnes de l'un et de l'autre sexe, et de qualité, ce maître d'hôtel lui porta ses comptes, lorsqu'il était près de se coucher. Dans son mémoire, il ne trouva que quatre-vingt-dix écus pour la dépense du repas, et M. le maréchal lui dit après l'avoir lu: «Faites que le compte soit juste, si vous voulez que je l'arrête.» Le maître d'hôtel descendit au même instant, rapporta le compte après avoir ajouté au bas: «Item, dix écus pour faire les cent écus.»
Le savant Bouilleau, que son père, procureur, envoyait étudier à Paris, fit un mémoire pour rendre compte des dépenses qui avaient employé l'argent qu'il avait reçu. Il exagéra par plus de soixante item jusqu'aux moindres minuties, et, comme il n'y trouvait pas encore son compte, il mit au bas d'un article: Item, mon père, il faut vivre.»
--«Je suis si malheureux, disait Saint-Péraire, que si je me faisais chapelier, personne n'aurait plus de tête.»
--«Au 15 septembre 1848, je paierais à M. Coquardeau la somme de trois cents francs.»
--Après?
--Eh bien! payez-moi, c'est aujourd'hui le 15.
--Impossible, je n'ai pas d'argent.
--Que m'importe! vous m'avez souscrit un billet.
--C'est vrai; mais il y a un s à je paierais.
--Après, Monsieur?
--Après?... vous n'êtes pas fort: l's indique le conditionnel, par conséquent, je ne vous paie pas, puisque c'était à condition... que j'aurais de l'argent.
--Quelqu'un, à Paris, pour se moquer d'un provincial, cherchait à lui faire des questions singulières. Il lui demanda, un jour, en compagnie: «Qu'est-ce qu'une obole, une faribole et une parabole?» Le provincial, sans se déconcerter, lui répondit: «Une parabole est ce que vous n'entendez pas; une faribole, ce que vous dites; une obole, ce que vous valez.»
LE PÈRE COUPE-TOUJOURS.
Le juge, au marchand de galette.--Vous avez fait assigner le sieur Bazoteau. Qu'avez-vous à dire?
Le marchand de galette.--J'ai à dire de lui que c'est indigne. Voilà ce que j'ai à dire.
Le juge.--Mais, encore, expliquez-vous.
Le marchand de galette.--Ah! mon Dieu! c'est tout expliqué; monsieur est cause que j'ai perdu toutes mes pratiques... Voilà tout... Il me semble que c'est bien assez, cristi!
Bazoteau.--Allons donc! vous voulez rire.
Le marchand.--Du tout, du tout... Moi, un des principaux marchands de galette du boulevard... vous m'avez mis dans le pétrin. (Rire général.)
Le juge.--Comment cela?
Le marchand.--Monsieur est fabricant de lunettes... J'avais perdu les miennes, il m'en fournit... Et v'lan! comme par enchantement, voilà toutes mes pratiques qui filent chez le marchand d'à côté.
Le juge.--Mais, enfin, pourquoi?
Le marchand.--Pourquoi! Parce que depuis ce moment je suis là à me croiser les bras et les jambes comme un commissionnaire; je chauffe mon four, je mets la main à la pâte, j'aiguise mes couteaux, et moi, père Coupe-Toujours, je ne coupe plus rien du tout. Voilà pourquoi. (Longue hilarité.) Du reste, en voici la raison.
Le juge.--Ah! c'est bien heureux.
Le marchand.--Monsieur, que voilà, au lieu de me fournir du petit zéro, qui est mon numéro, m'a mis des verres grossissants, oh! mais grossissant au point que je trouvais les plus petits morceaux toujours trop gros, et que je finissais par ne plus rien donner du tout de pâte ferme pour deux sous... (Rire général.)
Bazoteau.--Ah! c'est pour ça?
Le marchand.--Vous pensez bien que ce n'est pas le moyen de faire son beurre; aussi je suis bientôt resté sur le flanc. (Rire.) On ne m'appelait plus que le père Coupe-Trop-Court. (Rire général.)
Bazoteau.--Ça ne me regarde pas, c'est votre femme qui m'a demandé les verres que j'ai mis. Elle trouvait que vous serviez trop largement la pratique.
Le marchand.--Elle est bien avancée, à présent que je ne la sers plus du tout. (Nouveaux rires.)
Pour comble de malheur, Bazoteau est renvoyé de la plainte, et le marchand de galette est condamné aux dépens.
Le père Coupe-Toujours à sa femme.--Chaud! chaud! là, j'espère que vous m'en faites avaler... des brioches... Pour une marchande de galette, madame mon épouse, vous êtes une fameuse galette. (Longue et vive hilarité.)
--En creusant des fondations à Écouis (Eure), on a trouvé un squelette et deux crânes dans un même tombeau. Les archéologues ont prétendu que le squelette était celui de Pierre III de Roucherolles, seigneur d'Écouis; mais comment expliquer les deux crânes? Le sieur P. a découvert une solution; il a mis les deux crânes sur un rayon de sa bibliothèque, et il explique gravement aux curieux «que le petit crâne appartenait à Pierre de Roucherolles encore enfant, tandis que le plus gros était sa tête lorsqu'il fut devenu homme!»
--Un fermier écossais, qui ne savait ni lire ni écrire, et qui avait quelques épargnes, voulut faire donner de l'instruction à son fils, et l'envoya dans un pensionnat d'Édimbourg. Après y avoir passé deux années, le jeune homme revint chez ses parents, et rentra dans la ferme au moment où son père et sa mère se mettaient à table devant un plat de viande et un plat de légumes.
Après les embrassements d'usage, le fermier dit à son fils, tandis que la mère préparait un troisième couvert:--Eh bien! garçon, as-tu bien employé ton temps?--Es-tu devenu savant là-bas?--Oh! que oui, père, répondit l'écolier avec suffisance.--Sais-tu compter, surtout, garçon?--J'étais le plus fort en arithmétique, répondit encore le jeune drôle, et je puis vous donner la preuve que je sais faire des comptes que ne feriez pas vous-même.--Je ne dis pas non... Mais voyons la preuve de ton savoir.--Voilà: Combien croyez-vous avoir de plats sur votre table?--Deux, répondit le père: un plat de mouton, un autre de pommes de terre.--Eh bien! vous vous trompez... Il y a trois plats sur votre table.--Pardi je serais aise d'entendre ton raisonnement à l'appui de ce compte-là.--Rien de plus facile; nous disons: plat de mouton, ça nous fait un; plat de pommes de terre, ça nous fait deux; j'additionne, et je dis: un et deux font trois.--C'est juste, dit le fermier. Pour lors, je vais manger un plat, ta mère mangera le second, et toi tu mangeras le troisième en récompense de ton savoir.
--On lisait dans un journal de 1848:
«En entendant les crieurs hurler sur le boulevard: Le Journal, par Alphonse Karr et son supplément, on se demandait naturellement si ce supplément était l'associé de M. Alphonse Karr, ou tout simplement une double feuille de papier. Cette tournure de phrase nous rappelle l'embarras de ce brave homme, propriétaire d'un bain sur la Seine, qui passa toute sa vie à rédiger l'enseigne de son établissement et n'y put jamais parvenir. Il avait d'abord trouvé Bains à quatre sols pour les femmes à fond de bois. Mais il vit qu'on riait: il changea en Bains à fond de bois pour les femmes à quatre sous. On rit encore plus, et sa clientèle, se trouvant insultée, l'abandonna; il mourut de désespoir de n'avoir pas pu rédiger son enseigne convenablement.»
--J'ai lu autrefois, dans une publication périodique, intitulée avec un peu de vanité Recueil encyclopédique belge, une page singulière, intitulée Pensées sur l'homme. Il m'a semblé tout d'un coup que ces pensées avaient été écrites par un homme marin. Vous allez juger comme c'est liquide:
Première pensée: «Vois le ruisseau; il fuit...; enfin il va se perdre dans la mer.» N'est-il pas vrai que c'est là un début très-mouillé?
Deuxième pensée: «Un océan d'amertume environne l'esprit de l'homme, comme l'immensité des eaux enveloppe la terre.» C'est encore de l'humidité.
Quatrième pensée: «L'oubli passe l'éponge sur le nom de l'égoïste.» On voit que l'auteur est un homme qui se débarbouille.
Cinquième pensée: «Le présomptueux s'embarrasse dans ses paroles, comme le poisson dans les filets; ils se prennent l'un et l'autre à l'hameçon.» Le penseur, à coup sûr, vit dans l'eau.
Dans la sixième pensée, il compare l'espérance aux feux follets qui naissent dans les marécages; et il n'y a que huit pensées.
Quand je vous disais que l'auteur est un homme marin! Il a signé; et il s'appelle De la Flotte.
Non loin du camp, la nuit, après certaine attaque,
Un soldat se mit à crier:
--Amis, j'ai fait un prisonnier,
Et je le tiens; c'est un Cosaque
Qui de son régiment vient de se détacher.
--Amène-le vers nous.--Mais il fait résistance.
--En ce cas, viens sans lui.--C'est bien à quoi je pense,
Mais il ne veut pas me lâcher.
E. Arnal.
Aux élections de 1848, deux candidats étaient en présence à Pithiviers: MM. Lejeune et Deloines.
Deux auberges se disputaient les électeurs partagés entre ces deux candidatures.
Sur la porte de l'une d'elles on avait écrit ces vers:
Votez tous pour monsieur Deloines.
Vous serez gras comme des moines.
Et sur l'autre:
Ceux qui voteront pour Lejeune.
Ne connaîtront jamais le jeûne.
--Boulvot, originaire d'Éclavolle (Marne), ayant pour le quart d'heure son domicile à Romilly-sur-Seine, est arrêté par la gendarmerie de Saint-Aubin en flagrant délit de mendicité. Conduit devant M. le procureur du roi de Nogent-sur-Seine. Boulvot prétend que, loin de l'inquiéter, on devrait lui décerner une médaille.--Depuis plus de dix ans, dit-il, je ne suis occupé qu'à poursuivre l'extinction de la mendicité.--Comment, en mendiant?...--Eh! sans doute, mon procureur: on m'arrête; n'est-ce pas un mendiant de moins?...
--Un riche bourgeois marchandait dernièrement, avec son fils, une carte de France dans la boutique d'un libraire. Le fils, voulant s'assurer de l'exactitude de cette carte, y cherchait Moscou, et témoignait à son père son étonnement de ne pas l'y trouver. «Comment, lui répondit celui-ci, peux-tu chercher cette ville sur la carte! Tu devrais bien savoir qu'elle a été brûlée.»
--Le duc de Pembroke nourrissait un nombre considérable de porcs à la terre de Wilthsire. Traversant sa basse-cour, il fut surpris de les voir rassemblés autour d'une auge et faisant un bruit affreux. La curiosité le porte à examiner quelle peut en être la cause; il s'approche et aperçoit dans l'auge une cuiller d'argent. Dans ce moment arrive la cuisinière, fort étonnée de tout ce bruit: «Sotte que vous êtes, lui dit Sa Seigneurie, ils ont raison de grogner, les pauvres animaux! vous ne leur avez donné qu'une cuiller pour eux tous.»
Indécis autant qu'incertain,
Entre vos attraits et vos charmes,
Du sort je brave le destin
Et mêle mes pleurs à mes larmes.
Mon coeur ne saurait être heureux
Dans le veuvage de mon âme,
Et je ne connais que mes feux
Qui puissent égaler ma flamme.
Dans un des arrondissements du Havre, un candidat ministériel venait d'être repoussé avec perte du collége électoral. Son perruquier, appelé pour lui faire la barbe, s'arrête tout à coup, l'examine avec attention, et lui déclare qu'il ne veut plus dorénavant le raser au même prix, attendu qu'il lui trouve la figure beaucoup plus longue que par le passé. Ce fonctionnaire allait se fâcher, lorsqu'il sentit qu'il valait mieux prendre du bon côté la plaisanterie du facétieux barbier: «Vous pouvez, lui répondit-il, me raser à bon marché, car on vient de me faire la queue pour rien.»
Un jour qu'il était nuit,
Tout debout éveillé, je dormais dans mon lit,
Quand la foudre en silence
Par un éclair obscur m'annonça sa présence.
Nul ne bouge, tout fuit;
Le marbre épouvanté reste froid comme glace;
Le muet ne dit mot, le sourd n'entend plus rien;
Soudain la terre tourne, on n'en sent pas la trace;
Le cerf devient craintif, et devançant le chien
Il s'élance et bondit; quoiqu'il change de place,
Bientôt il est le prix de celui qui le chasse.
Mais ce muet fracas
Me fit voir, en dormant, que je ne dormais pas.
Un Parisien qui se trouvait avec sa femme dans le convoi du chemin de fer, lors de l'épouvantable catastrophe du 8 mai 1842, se sauva par miracle; sa femme y resta et périt. Notre homme revint chez lui, mais il s'aperçut en rentrant qu'il avait perdu son parapluie; il alla sur-le-champ le réclamer à la préfecture de police.--On ne l'avait point retrouvé.--Quand il raconte cette histoire, il ne manque jamais de dire: «J'y ai perdu ma femme et mon parapluie; un parapluie tout neuf.»
--Un directeur de spectacle de province écrivait à son correspondant à Paris: «J'ai reçu par le bateau à vapeur la neige et la gelée que vous avez chargées pour moi. Elles sont très-fraîches; mais il manquait une aile à Zéphire, et le tonnerre ayant crevé en route, j'ai été forcé de le faire ressouder: les éclairs, les deux fleuves et la mer qu'on avait mis dans le panier de derrière la diligence, ont souffert de la chaleur. Notre père noble ayant fait un trou à la lune, je n'ai pu m'en servir. Envoyez-moi un torrent, car le mien a été brûlé: joignez, je vous prie, à l'envoi que vous me ferez, mon manteau et une forteresse. Je ne pourrai pas ouvrir avant huit jours, car mon petit amour a la coqueluche, mon jeune premier a la goutte, et ma duègne vient d'être vaccinée.»
FAÇON
Je vais vous dire ma façon de penser.--Dites-moi simplement votre pensée; je ne tiens pas à la façon.
FAGOTS
Des économistes du dernier siècle vantaient dans une société la moderne philosophie.
--Quel bien a-t-elle donc fait?... demanda une dame.
--Les philosophes, Madame, répondit d'Alembert, ont abattu la forêt des préjugés.
--Je ne suis plus surprise, répliqua cette dame en riant, que vous nous débitiez tant de fagots.
FAIM
Quelle est l'occupation qui commence par la fin?--Un repas.
Au commencement d'un grand festin, où tout le monde dévorait sans rien dire, un convive s'écria:--Que signifie ce silence?--Il annonce la faim du monde, répondit un autre.
FAIRE
Un musicien assez mal vêtu disait en parlant de sa voix, dont quelqu'un faisait l'éloge:--Il est vrai que j'en fais ce que je veux.--Ma foi, Monsieur, lui dit un plaisant, vous devriez bien vous en faire une culotte.
Un médecin anglais, se promenant un jour dans un jardin de M. Hamilton à Cobham, lui exprima son étonnement de la crue prodigieuse de ses arbres.--«Monsieur le docteur, reprit Hamilton, songez donc qu'ils n'ont pas autre chose à faire.»
Le Mariage du Poussin est le moins bon tableau des sept sacrements de ce peintre: Tant, il est vrai, disait l'abbé Desaleurs, qu'il est difficile de faire un bon mariage, même en peinture.
Un observateur froid demandait, à propos de la révolution de 1789: Qu'a-t-elle donc fait? Un autre lui répondit: Elle a beaucoup défait.
Un Gascon sur une rosse tremblante rencontra, près le Pont-Neuf, un seigneur qui montait un cheval magnifique:--Cadédis, lui dit-il, jé gage dix louis qué jé fais faire à mon bidet cé qué lé votre né féra pas.--Oui, je gage, dit le seigneur, en regardant d'un air de mépris le rossinante. Aussitôt le Gascon prend son cheval dans ses bras, et le jette dans la Seine; le gentilhomme fort étonné paya la gageure.
Un garçon boucher écrivait à son père: «Je profite avec empressement de l'occasion de la poste pour vous apprendre que j'ai un état. Dans un mois il y aura six semaines que je suis garçon boucher. Mon maître est très-content de moi; il m'a déjà fait tuer deux ou trois fois, et il me fera écorcher à Pâques.»
Pétition de Sans-Culottes du faubourg Saint-Antoine à l'Assemblée nationale:
Ah! que nous serions satisfaits,
Si, toujours patriotes,
Au lieu de faire des décrets,
Vous faisiez des culottes.
(Suivent les signatures.)
Un acteur des boulevards voyant, au Musée de l'artillerie, l'armure du roi François Ier, demanda à l'employé sous quel règne ce conquérant faisait ses exploits.
--Il faisait sous lui, répondit l'employé.
Le maréchal de... menait des dames à l'Opéra; mais toutes les loges avaient été retenues. Comme il en vit une remplie par un domestique qui la gardait pour un bourgeois, il obligea le domestique de sortir et fit entrer sa compagnie dans la loge. Le bourgeois arriva peu de temps après avec des dames, et fut piqué, comme on le pense bien, de cette violence. Force lui fut néanmoins de céder pour le moment; mais le lendemain, il fit assigner son rival devant le tribunal des maréchaux de France, et plaidant lui-même sa cause, dit: «Qu'il était bien malheureux d'être obligé de se plaindre de l'un d'entre eux, qui de sa vie n'avait pris que sa loge;» et demanda justice. Le président lui répondit: «Vous venez de vous la faire.»
A une partie de thé chez mistress Thrale, au moment où la compagnie était engagée dans une conversation très-animée, la belle hôtesse, qui avait été faire son thé à l'office, oublia de mettre dans la théière la chose principale, c'est-à-dire du thé. Le docteur Johnson en fit l'observation le premier, et lui dit:--Mistress Thrale, il est possible que dans votre imagination vous croyez avoir été faire du thé, mais l'opinion de vos amis est que vous avez été faire de l'eau.
FAIRE VOIR
Un maquignon, vendant un cheval, dit à l'acheteur:--Monsieur, faites-le voir; je le garantis sans défaut.
Ce cheval se trouvant aveugle, l'acheteur voulut obliger le maquignon à le reprendre. Mais celui-ci soutint qu'il ne pouvait pas l'y contraindre, puisqu'il l'avait averti de son infirmité, en disant:--Faites-le voir; je le garantis sans défaut.
FAIRE PARLER DE SOI
Un membre de l'Académie de Soissons en racontait un jour toutes les prérogatives; il finit par dire qu'elle était la fille aînée de l'Académie française. Voltaire, qui l'écoutait, lui dit:--Assurément, c'est une bonne fille; car elle n'a jamais fait parler d'elle.
FAIT AU MOULE
C'est une scène du conseil de discipline de la ci-devant garde nationale.
Le président.--Voici un rapport qui annonce que vous avez manqué pour la troisième fois votre faction. Très-exact du reste, vous passez régulièrement une partie de la journée au poste; mais quand vient l'heure du dîner, vous disparaissez pour ne plus revenir. Avant-hier encore, cela vous est arrivé. Vous passez donc tout votre temps à table?
Jupin.--C'est vrai, mais en voici la raison. Avant-hier je suis allé dîner avec un ami, nous avons mangé des moules, et ça nous a fait enfler (rire). Dame! que voulez-vous, je ne suis pas fait aux moules (longue hilarité).
Le président.--Et l'avant-dernière fois, faut-il encore accuser les moules? Non, je crois qu'il faut accuser le vin de Champagne. Il paraît que vous l'aimez beaucoup, et en voici la preuve. C'est une lettre de vous adressée à votre commandant, que je vais soumettre à l'approbation du conseil. On verra qu'une lettre semblable n'est pas faite de sang-froid. Le sans-gêne de cette dépêche explique l'excuse maladroite d'un convive plus que joyeux qui déserte plutôt le poste que la salle du festin. (Ici M. le président fait passer sous les yeux du conseil la lettre adressée par le sieur Jupin. Nous transcrivons cette lettre qui, probablement à défaut d'autre papier, se trouve tracée sur un feuillet détaché de la carte du restaurant):
«Mon cher camarade et commandant du
Fricandeau à l'oseille.
poste. Je suis retenu à dîner par un brave
Dindon aux truffes.
de mes amis, et je vous prie de ne pas compter sur une
Mauviette.
faction que je dois, d'après l'ordre, monter ce soir au
Vol-au-vent.
drapeau. Du reste je vous dirai que je me
Riz de veau sauce tomate.
corrigerai. Et buvant du Champagne à votre santé,
je suis, mon cher,
Turbot.
votre fidèle camarade qui dépose à vos
Pieds de veau.
genoux sa position de récalcitrant, tout en vous priant
de compter sur une
Morue hollandaise.
amélioration dans le service que je dois à la
Limande.
patrie.
Signé: Jupin.»
Merlan au gratin.
Jupin est condamné à une garde hors de tour.
FARDEAU
Mme de Pompadour avait un pied-à-terre près de Ménars-le-Château, où l'architecte Hupeau lui rendit visite un jour. Il était triste; il venait de terminer le pont d'Orléans, et mille bruits défavorables couraient sur la solidité de son oeuvre. Pour fermer la bouche aux médisances, il osa proposer à la favorite de traverser son pont dans son carrosse à six chevaux. Mme de Pompadour accepta, et, l'épreuve ayant réussi, on dut se taire; mais les bavards, ne pouvant plus parler, rimèrent l'épigramme que voici:
Censeurs de notre pont, vous dont l'impertinence
Va jusqu'à la témérité,
Hupeau, par un seul fait, vous réduit au silence.
Bien solide est son pont; ce jour il a porté
Le plus lourd fardeau de la France.
Mme de Pompadour lut l'épigramme; et, afin de ne plus repasser sur ce pont, elle fit changer la direction de la route.
FATALITÉ
On attribue à Boileau ce faible calembour. On lui disait qu'un homme dont il méprisait la fatuité était tombé malade.--Quelle fat alité! se serait écrié l'auteur de la satire contre l'équivoque.--Mais nous ne le croyons pas.
FAUTES CONTRE LA LANGUE
Un incendie dévora, en 1763, la salle de l'Opéra. Quelques heures après l'événement, une grande dame, rencontrant Sophie Arnould, lui dit d'un air effrayé: «Mademoiselle, racontez-moi ce qui s'est passé à cette terrible incendie.--Madame, lui répondit l'actrice, tout ce que je puis vous dire, c'est qu'incendie est du masculin.»
FAUTES D'IMPRESSION
On lisait un matin, dans le Journal du Havre, à l'article Angleterre:
«A un repas diplomatique donné par lord Aberdeen, on distinguait entre autres mets, sur la table de l'illustre amphitryon, plusieurs plats de seringues à la crème.»
La lecture de cet article nous laisse vraiment dans une affligeante incertitude.
Est-ce une excentricité gastronomique, ou bien une distraction typographique?
Dans tous les cas, le mal est maintenant sans remède.
Dans un livre où on louait les vertus d'une femme, l'auteur disait qu'elle occupait activement ses moments de loisir à tricoter. Le typographe mit une f à la place du premier t. Et comme à la nouvelle édition on voulut corriger la faute, cette fois on écrivit tripoter.
Si vous lisez dans l'épitaphe
De Fabrice qu'il fut toujours homme de bien,
C'est une faute d'orthographe;
Passant, lisez homme de rien.
Si vous lisez qu'il aima la justice,
Qu'à tout le monde il l'a rendit,
C'est une faute encor, je connaissais Fabrice:
Passants, lisez qu'il l'a vendit.
Lebrun.
FAUX
Rameau, rendant visite à une belle dame, se lève tout à coup de sa chaise, prend un petit chien qu'elle avait sur ses genoux et le jette par la fenêtre. La dame épouvantée s'écrie:--Eh! que faites-vous, Monsieur!--Il aboie faux, répondit Rameau avec l'indignation d'un grand musicien dont l'oreille avait été déchirée.
FAUX PAS
Le marquis de Bièvre disait d'une dame boiteuse: «Voilà une femme qui a fait bien des faux pas.»
FÉDÉRATION
Le jour de la première fédération, 14 juillet 1790, il faisait très-chaud au Champ de Mars.--Ah! disait une dame, si une bonne fée pouvait nous envoyer des rafraîchissements.--Adressez-vous, lui dit quelqu'un, à la fée des rations.
FENÊTRE
Danières disait qu'une croisée s'appelle une fenêtre, parce que c'est elle qui dans une chambre le jour fait naître...
FERRAILLEUR
Lorsqu'on expulsa les étalages de vieilles ferrailles du quai de la Mégisserie, à Paris, on afficha ce distique:
Allez donc tous, vieux ferrailleurs,
Vendre votre vieux fer ailleurs.
FÊTE
Une dame disait qu'il n'y a pas de fêtes sans lendemain.--Pardon, lui dit quelqu'un, le faîte des grandeurs peut en avoir, mais le faîte d'une maison n'en a pas.
FEUILLETÉ
En quoi les bons livres ressemblent-ils à la galette?--En ce qu'ils sont feuilletés.
FIÈVRE
Dans une chanson de madame Constance Pipelet, il y a un couplet qui exprime élégamment les divers emplois du mot fièvre.
Ah! qu'il est beau pour un grand coeur
D'avoir la fièvre de la gloire!
C'est par sa fièvre qu'un auteur
S'inscrit au temple de Mémoire,
On voit peu d'hommes ici bas
Avoir la fièvre du génie;
Mais on en voit beaucoup, hélas!
Nourrir la fièvre de l'envie.
FIL
A UNE JEUNE MERCIÈRE.
Air: J'ai vu partout dans mes voyages.
On vante de votre boutique
L'ordre, la grâce et le bon goût;
Pour attirer une pratique,
Avec art vous parlez de tout.
Vos manières sont si gentilles,
Vous avez un si doux babil,
Que pour bien vendre vos aiguilles,
On dit que vous avez le fil.
FLEURS (LANGAGE DES)
Nous empruntons aux journaux qui s'occupent des tribunaux la facétie qui suit; c'est une scène de la garde nationale, quand elle jouait au soldat:
Le capitaine rapporteur.--M. Troupeau!
Une femme se présente et dépose un énorme bouquet sur le bureau du président. (Surprise générale.)
Le président.--Qu'est-ce que cela signifie?
La femme.--Ça signifie, monsieur le président, que je suis la femme Troupeau, que mon mari m'a ordonné de vous apporter ça... il a dit que vous saviez bien ce que ça voulait dire.
Le président.--Mais pas le moins du monde. Il est fou, votre mari.
La femme Troupeau.--Ah! mon Dieu! c'est tout comme depuis qu'il a eu la bête d'idée de se fourrer dans une société d'horticulture... il ne parle plus qu'avec des fleurs... C'est stupide... mais en bonne épouse je dois flatter sa manie.
Le président, souriant.--Mais qu'est-ce que vous voulez que le tribunal comprenne...
La femme Troupeau.--Oh! je vas vous expliquer ça, moi. Depuis un an il ne cause pas autrement avec moi; j'ai bien été forcée de comprendre; voilà ce qu'il vous dit: La mauve qu'est dans le bouquet signifie qu'il vous parle avec sincérité..... et l'immortelle, l'estime qu'il a pour vous... Le seringa veut dire le regret qu'il a d'être, par la fleur de sureau, malade; les sept branches de réséda, depuis le 7 du mois... ce qui a mis (églantier) obstacle à son (mouron) exactitude; (guimauve) cela soit dit sans (pissenlit) outrage, (oeillet d'Inde) déguisement et avec (giroflée) vérité... (Ici le rire qui s'est répandu dans la salle gagne le tribunal.)
Le président, souriant.--Qu'est-ce que vous venez nous raconter là... vous abusez des moments du conseil.
La femme Troupeau.--Dame! je vous explique son emblème à c't homme (nouveaux rires). Mon Dieu, il n'est pas malade du tout! c'est pour rester chez lui à cultiver ses fleurs. Qu'est-ce qui pourra donc le guérir de ça... j'y donnerais une fameuse récompense à celui-là... Figurez-vous, monsieur le président, que Troupeau me parle toujours ainsi. Tenez, par exemple: quand il veut que j'aille chercher le dîner, il m'envoie par la bonne une branche de cerfeuil, une gousse d'ail et une botte d'échalottes (rires bruyants.)
Au milieu de l'hilarité générale, le conseil de discipline passe outre et condamne Troupeau, garde national, à six heures de prison...
La femme Troupeau.--Vous ne pourriez pas lui en mettre vingt-quatre heures; ça m'obligerait bien. (Rires.)
Le président.--Dans quel but?
La femme Troupeau.--Eh! c'est que, voyez-vous, vingt-quatre de haricots ça pourrait bien le guérir un peu; dans tous les cas ça ne pourrait pas lui faire de mal.
Le président maintient la condamnation.
La femme Troupeau.--Allons, va pour six heures, ça lui fera peut-être du bien. Voilà cependant où conduit le fanatisme de l'horticulture. Tenez, monsieur le greffier, vous qui mettez en note les condamnations à la prison, acceptez cette fois, de ma part, cette branche de myosotis; ça veut dire: ne l'oubliez pas (longue hilarité.)
FOI
Un homme, se plaignant de la trahison d'un de ses amis, disait: «il manque à ce qu'il m'a cent fois promis.
--C'est justement, lui dit-on, parce qu'il vous l'a promis sans foi.»
FOLIE
Nathaniel Lee, auteur de plusieurs drames, et dont la nation anglaise n'a pas assez honoré la mémoire, finit ses jours à l'hôpital des fous, à Londres. Ce fut là qu'il composa, quoiqu'en démence, sa tragédie des Reines rivales. Il y travaillait, une nuit, au clair de la lune. Un nuage léger en ayant tout à coup intercepté la lumière, il prononça d'un ton impérieux: «Jupiter! lève-toi et mouche la lune.» Le nuage s'épaississant, la lune disparut entièrement; alors il s'écria en éclatant de rire: «L'étourdi! je lui dis de la moucher et il l'éteint.»
FONDRE LA CLOCHE
A propos d'un décret de la révolution, qui supprimait les cloches pour en faire des sous:
Rendons grâce au puissant génie
Qui, voyant notre pénurie,
Veut que l'on réduise en billon
Toute espèce de carillon:
Dès longtemps en effet tout cloche,
Les paiements vont cahin-caha;
Sitôt qu'on en est réduit là,
C'est le cas de fondre la cloche.
FORT
Deux prédicateurs prêchaient dans la même église; celui qui prêchait le soir avait une voix très-forte. Quelqu'un dit que la différence entre le prédicateur du matin et celui du soir, c'était que le premier prêchait fort bien, et le second bien fort.
FOSSE
Potier est mort, disait un vaudevilliste, dans le café des Variétés; j'ai vu les tentures à sa porte; et voici Odry qui prétend que c'est une fausse nouvelle.--L'enterrera-t-on? dit Odry.--Assurément.--Eh bien! n'est-ce pas, comme je l'ai dit, une fosse nouvelle?
FOURMI
Lorsque les fous, ayant recouvré leur raison, quittent Bicêtre, qu'est-ce qu'ils sont!--Guéris.--Non, ce sont des fous remis.
FRANC
A présent pièce de vingt sous (vieux style), autrefois nom de peuple porté par les conquérants des Gaules. Dans le Siége de Paris de M. le vicomte d'Arlincourt, ces deux vers furent mal compris:
Pour chasser de ces murs les farouches Normands
Le roi Charles s'avance avec vingt mille francs.
Un spectateur s'écria: «Ce n'est guère.»
FRAPPÉ
Un duel, dont les conséquences ont pensé être funestes à l'un des combattants, prit dernièrement naissance dans la réplique suivante, à une question fort simple.
--Monsieur, en lisant le premier article du journal, n'avez-vous pas été frappé?...--Frappé, monsieur? que voulez-vous dire? Croyez-vous que je sois homme à me laisser frapper?
FRISER
Comment les cochers sont-ils plus coiffeurs que les coiffeurs eux-mêmes?
--Parce qu'ils savent friser les bornes et raser les boutiques.
FRIT
Un plaisant nommé Turbot, étant près de mourir de violentes coliques, son médecin demanda de l'huile et voulut lui en faire prendre pour calmer ses douleurs.
--Ah! docteur, lui dit le malade, remportez votre huile, car le pauvre Turbot est frit.
FRUITS
Des ambassadeurs hollandais à la cour de France étaient invités à dîner chez le ministre des finances. On servit, au dessert, du fromage de Hollande. Le ministre, en l'apercevant, dit à l'un des envoyés: «Voilà du fruit de votre pays.» L'ambassadeur tire de sa poche une poignée de ducats, les jette au milieu de la salle et dit: «Ces fruits-là en sont aussi.»
En 1789 les désordres dans les spectacles commençaient déjà à devenir habituels. Il arriva un soir, au Théâtre-Français, que le parti dit patriote se battit à coups de poings dans le parterre contre le parti aristocrate, à une représentation d'Iphigénie; et comme on supposait que les loges étaient remplies principalement de ces aristocrates, on jeta des pommes contre plusieurs. La duchesse de Biron, qui en reçut une sur la tête, l'envoya le lendemain à M. de La Fayette en lui écrivant: «Permettez, Monsieur, que je vous offre le premier fruit de la révolution qui soit venu jusqu'à moi.»
FUIR
Une dame en visite disait à la dame du logis: «Prenez garde à votre robe, votre petite chienne fuit.
FUSILIER
Pendant la guerre d'Orient, les journaux ont raconté l'anecdote que voici:
«Il y a quelques jours, à Valenciennes, une vieille femme demanda à un jeune homme qu'elle rencontra dans la rue où elle pourrait escompter un bon de 100 fr. sur le Trésor, que lui envoyait son fils, militaire en Crimée. A la lecture du billet, le monsieur pâlit légèrement. Cependant, il conduisit la dame au comptoir de MM. L. Dupont, Deparis et Cie. Tandis que le caissier payait la somme souscrite, M. S... donnait les marques de la plus vive émotion. Enfin, profitant du moment où la bonne dame, tout heureuse, serrait dans son sac les 100 fr. de son excellent fils, le jeune homme s'approche du caissier et lui dit, avec des larmes dans la voix (car il pleurait, le bon jeune homme):--La joie de cette femme ne vous fait-elle pas mal comme à moi, monsieur? Son fils vient d'être fusillé, et je ne sais comment apprendre cette nouvelle à la pauvre mère. Dites-la-lui, vous! Le caissier se récrie et refuse en faisant entendre quelques mots d'étonnement; puis se ravisant, il demande au jeune homme d'où il tient ce terrible malheur. Pour toute réponse, M. S... retourne le billet escompté, et montrant du doigt le nom du dernier endosseur, il dit:--Lisez, monsieur, lisez? Le caissier lut: Jean-Baptiste Gillot, fusilier au 27e de ligne.--Vous le voyez, monsieur: Jean-Baptiste Gillot, fusilier! Le pauvre garçon est bien mort!--Qu'on se figure, si l'on peut, le fou rire qui s'empara à ces mots et du caissier et de la caisse et de la banque. Les écus restèrent seuls insensibles.»
G
GAGNER
Deux vieux charpentiers, grands observateurs du saint Lundi s'étaient rendus, comme de coutume, à la barrière et se livraient à d'abondantes libations. Ils devisaient tous deux sur le moyen d'avoir de grands profits:--Y a toujours moyen de gagner de l'argent, père Flottard!... Un litre à la barrière, c'est six sous, au lieu de douze qu'on le paie à Paris.--C'est vrai, père Bisaiguë, j'ai gagné comme ça trois francs lundi dernier, et j'en gagnerai bien encore autant aujourd'hui!
GALIMATHIAS
Un boucher, maigre de corps comme d'esprit, étant entré un jour dans le magasin d'un libraire où était l'abbé Maury, prit un volume de J. J., et se mit à répéter, comme par affectation, et pour faire preuve de goût, le passage suivant:
«Qui commande à des hommes libres doit-être libre lui-même.»
Puis, se tournant vers l'abbé: Que pensez-vous de cet adage, monsieur, lui dit-il?--Il n'a pas le sens commun, reprit Maury, c'est comme si l'on disait:
Quiconque tue des boeufs gras doit-être gras lui-même.
GAMME
Chantée à Genève au citoyen Proudhon:
Ut-opiste infernal, sans Dieu comme sans âme,
Ré-trograde prôneur d'un vieux système usé,
Mi-racle d'impudence en ce siècle abusé,
Fa-vorable aux fripons, dont tu fais la réclame,
Sol-eil dont la lumière est propice au voleur,
La terre connaîtrait ta funeste valeur,
Si tout homme de sens te chantait cette gamme,
Ut-opiste infernal, sans Dieu comme sans âme.
GANACHE
Un jour, Napoléon, fort mécontent à la lecture d'une dépêche de Vienne, dit à Marie-Louise: Votre père est une ganache. L'impératrice, qui ignorait beaucoup de termes français, s'adresse à un conseiller d'État et lui demande la signification du mot ganache, en lui disant dans quelle circonstance l'Empereur l'a employée.--À cette demande inattendue, le courtisan balbutie que cela veut dire un homme sage, un homme de poids, un homme de bon conseil.
Quelques jours après, la mémoire encore fraîche de sa nouvelle acquisition, Marie-Louise, présidant le conseil d'État et voyant la discussion plus animée qu'elle ne voulait, interpelle, pour y mettre fin, Cambacérès, qui, à ses côtés, bayait tant soit peu aux corneilles: C'est à vous à nous mettre d'accord dans cette occasion importante, dit-elle, vous serez notre oracle, car je vous tiens pour la première et la meilleure ganache de l'Empire.
Mais cette plaisanterie est, dit-on, un conte du faubourg Saint-Germain.
GAND
Charles-Quint, né dans cette ville, jouait avec son nom. Un jour qu'à la suite d'une révolte, le duc d'Albe lui conseillait de détruire cette fourmilière de séditieux, il le fit monter sur la tour du beffroi, et lui faisant embrasser l'immense étendue de la ville:--Toutes vos peaux d'Espagne, dit-il, ne suffiraient pas à refaire un gant de cette grandeur.
Lorsqu'il visita Paris, qui était plus resserré, il se plut à dire encore:--Je mettrais Paris dans mon gant.
GARÇON
Frédéric Soulié disait à un garçon de café qui le servait mal:
--Il faut vous marier.--Pourquoi cela?--Parce que vous n'êtes pas fait pour rester garçon.
La Bruyère appelle ceux qui briguent le nom de bel esprit «garçons bel esprit,» comme qui dirait garçon tailleur.
GARDE
On lisait en décembre 1857, dans le Moniteur du Calvados:
«Voici une interprétation originale de la loi portant taxe sur les chiens. Un propriétaire d'une commune voisine aurait écrit au maire de son endroit à peu près en ces termes:
«Monsieur le Maire,
«La loi divise les chiens en deux catégories: chiens de luxe ou d'agrément, et chiens de garde; les premiers payant la taxe la plus élevée, et les derniers la moindre.
«J'ai l'honneur de vous informer que les deux chiens que j'ai dans ma propriété appartiennent à mon garde. Je vous prie donc les inscrire, comme chiens de garde, dans la deuxième catégorie.»
«Or, il paraît que ces chiens sont deux magnifiques chiens de chasse.»
GAUCHE
Quatrain de Rivarol sur l'Assemblée nationale de 1789:
Dans cette assemblée, où l'on fauche
Et le bons sens et le bon droit,
Le côté droit est toujours gauche,
Et le gauche n'est jamais droit.
GAULES
Quel profit remarquable eurent les Romains à prendre les Gaules?--La facilité d'abattre les noix.
GENDARMERIE
Une chanson, populaire à Paris, commence ainsi:
De la gendarmerie,
Lorsqu'un gendarme rit,
Dans la gendarmerie
Chaque gendarme rit.
GENDEBIEN
Ex-représentant de Belgique, dont le nom fit faire un calembour.--Avez-vous beaucoup de gens de bien à la Chambre? demandait-on à une dame de Bruxelles.--Non, monsieur, répondit-elle. Nous n'en avons qu'un.
GÊNE
Quel est le peuple le moins bien dans ses affaires?--Ce sont les Gênois, qui vivent constamment dans l'État de Gênes.
GÉNÉRALE
On sait le mot de ce soldat de la République sur un de ses chefs qui faisait mauvais ménage:
--Notre général n'est qu'un tambour.
--Pourquoi?
--Parce qu'il bat la générale.
GENTILHOMME
Franklin prenait plaisir à répéter une observation de son nègre, auquel il avait défini ce que c'était qu'un gentilhomme.
--Massa, lui disait l'Africain, tout travaille dans ce pays: l'eau travaille, le vent travaille, le feu travaille, la fumée travaille, les chiens travaillent, le boeuf travaille, le cheval travaille, l'homme travaille, tout travaille, excepté le cochon; il mange, il boit, il dort, et ne fait rien de la journée. Le cochon est donc le seul gentilhomme de l'Angleterre.
GILET
Un fermier de Saint-Julien-du-Sault étant très-malade, ses amis lui conseillèrent de faire venir le médecin de l'endroit, qui se nommait Gilet. «Ah bah! leur dit-il, je suis venu tout nu au monde, je m'en retournerai bien sans gilet.»
GLACÉS
Un galant, présentant à une dame une paire de gants glacés, lui disait:--C'est ce que j'ai trouvé de plus frais.
GRAINS
Donnons sur ce mot quelques jolis couplets de M. Jacinthe Leclère:
Déjà maint critique s'avance
Impatient de me juger
Pour faire pencher la balance
Un grain est un sujet léger.
Mais à son jugement suprême
Je m'abandonne sans appel;
Heureux, si des grains que je sème,
Je recueille un seul grain de sel.
Ce riche gourmand qui m'écoute,
Et déjà méprise mes grains,
Sait-il ce qu'un grain de blé coûte
Et de sueurs et de chagrins?
Ce chapon fin dont il se gorge
De grains dépeupla nos guérets;
Et de sa serviette à grains d'orge
Un grain de chanvre a fait les frais.
Un grain de vent porte la foudre
Et des mers trouble le repos;
Et plus loin, quelques grains de poudre
Tranchent la trame des héros.
Un grain d'esprit rend plus jolie;
Un grain d'amour trouble les sens;
Et souvent un grain de folie
Fait passer un grain de bon sens.
De mes grains j'ouvre une boutique,
Et j'en donne à tous mes voisins:
Aux parvenus, grains d'émétique,
Aux ivrognes grains de raisins,
Quelques grains d'or à l'alchimiste
Au malade, grains de santé,
Grains d'ellébore au journaliste,
Et grains d'encens à la beauté.
GRAMMAIRE
Un professeur de mathématiques, bon homme et vieux savant, que les préoccupations de la science poursuivaient souvent jusque dans ses fonctions les plus pieuses, avait l'habitude, lorsque les élèves égaraient un livre ou quelque objet d'étude, d'en faire l'annonce à la prière du soir. Un jour qu'il venait de réciter les oraisons communes, un élève s'approchant lui dit à l'oreille:--Monsieur, voulez-vous annoncer, s'il vous plaît, que j'ai perdu ma grammaire.
Préoccupé sans doute par quelque problème, le savant, s'égarant sur le mot, s'empressa de répéter tout haut: Un tel me prie de vous annoncer qu'il a eu la douleur de perdre sa grand'mère. Nous la recommandons à vos prières.
Mais c'est ma grammaire grecque que j'ai perdue, répond le jeune homme en riant du quiproquo.
Messieurs, la pauvre femme était Grecque, ajoute aussitôt le professeur avec émotion; Dieu veuille avoir son âme.
GRAND
Ce mot change de sens quelquefois en changeant de place: un grand homme n'est pas toujours un homme grand, et souvent un homme grand n'est qu'un petit homme. La grandeur mise en avant est la mesure de l'âme, mise en arrière elle n'est que la taille du corps.
La musique du Jugement de Midas, de Grétry, fut sifflée à la cour et applaudie à Paris. C'est à ce sujet que Voltaire adressa au célèbre compositeur le quatrain suivant:
«La cour a dénigré tes chants
Dont Paris nous dit des merveilles,
Grétry, les oreilles des grands
Sont souvent de grandes oreilles.»
Le chancelier Bacon disait: «Les gens de haute stature ressemblent quelquefois aux maisons de quatre ou cinq étages, dont le plus haut appartement est d'ordinaire le plus mal meublé.»
Un des derniers rois d'Espagne, auquel le sort des armes avait enlevé plusieurs places considérables recevait cependant, de la plupart de ses courtisans, le titre de grand: «Sa Grandeur, dit un Espagnol, ressemble à celle des fossés, qui deviennent grands à proportion des terres qu'on leur ôte.»
GRANDESSE
Quelle est la lettre la plus estimée en Espagne?--La grande S.
GRAND-LIVRE
On lisait, chez la femme d'un banquier, l'Invocation de Milton à la lumière. Un homme d'affaire, qui n'avait jusqu'alors donné qu'une faible attention à cette lecture, se réveilla tout à coup à ce vers:
Et pour moi le grand livre est fermé pour jamais!
(Il s'agit là du grand livre de la nature.)
--Eh quoi! s'écria le banquier, est-ce qu'on ne lui a pas payé ses rentes?
GREDIN
Une épigramme de l'Almanach des Aristocrates pour 1791:
Certaine Anglaise, à certaine séance,
D'un certain club qui dirige la France,
Un certain soir, se trouvait par hasard.
--Oh! s'il vous plaît, dit-elle à sa voisine,
Sur cet fauteuil qu'est cet monsieur camard,
Qu'à droite, à gauche, ici chacun lutine?
--Milady, c'est monsieur le président,
Ce que chez vous l'orateur on appelle.
--Oh! l'orateur, fort bien cet mot s'entend.
Mais, s'il vous plaît, quel est, ajouta-t-elle,
Cet instrument que dans ses mains je vois?
--C'est de son rang l'éclatant interprète;
C'est là son sceptre, et nos augustes lois
Ne se font plus qu'à grands coups de sonnette.
--Oh! et que dit ce bruit original:
Gredin! Gredin! dont toute l'assemblée
A, comme moi, la cervelle fêlée?
--Mais, Milady, c'est l'appel nominal.
GUET-APENS
Le roi des Turlupins était M. d'Armagnac. Ce seigneur se trouvant un jour avec le duc (Henri-Jules), depuis prince de Condé, il lui demanda pourquoi on disait guet-à-paon et non pas guet-à-dinde?--Par la même raison, répondit le prince, qu'on ne dit pas, Monsieur d'Armagnac est un turluchêne, mais un turlupin.
H
Quelles sont les lettres les plus menues?--Les lettres H E.
HABILLER
Une maîtresse de maison avait besoin d'un domestique; on lui envoya un brave garçon qui arrivait en droite ligne de Limoges, en Limousin.--Victor (c'était son nom) était muni des meilleurs renseignements.
--C'est bien, Victor, lui dit-elle, je vous prends à mon service; vous aurez cent écus de gages, vous serez nourri, blanchi et je vous habillerai.
--Ainsi, madame m'habillera?
--Oui. Faites porter vos effets et restez.
Victor sortit, revint et fit son service.
Le lendemain on attend Victor; point de Victor. On sonne, personne; on resonne, personne encore. Deux heures se passent et Victor ne paraît pas.
Impatientée, la maîtresse du logis monte chez Victor.
Il était pacifiquement couché, les yeux ouverts.
--Mais, Victor, dit la dame, il est onze heures.
--Je le sais, madame, répond Victor d'un air tranquille.
--Vous n'avez donc pas entendu qu'on vous a sonné?
--Au contraire.
--Alors, pourquoi ne descendiez-vous pas?
--Mais, madame m'avait dit hier qu'elle m'habillerait; j'attendais qu'elle vint m'habiller.
HACHÉES
Quelles sont les lettres les plus maltraitées?--Les lettres H E.
HACHER
Madame de Sévigné disait des pendules à secondes, qu'elle ne les aimait pas, parce qu'elles hachent la vie trop menu.
HAINE AU BEURRE
Quels sont les départements où l'on fait la cuisine à l'huile?
Les voici: Aisne, Aube, Eure.
HAINE AU HACHIS
S'écrit en quatre lettres délicates, n, o, h, i.
HALEINE
Un cordonnier, président de section en 1793, prononçait un discours de circonstance; une période, entre autres, se trouva si étendue que, malgré la force de ses poumons, les derniers mots expiraient sur ses lèvres. Un plaisant lui cria:--Citoyen, reprenez votre alène.»
HARENG SAUR
Cadet-Roussel, professeur de déclamation, remplit le rôle d'un tyran qui a pour confident Aran; il le chasse en lui disant:--«Aran, sors.»
Citons aussi ce vers, du récit de la mort d'un vieillard, dans une tragédie moderne:
Il sortit d'ici-bas comme un vieillard en sort.
HARMONIE
Malherbe est auteur de ce vers:
Enfin cette beauté m'a la place rendue.
On dit un jour à ce poëte que Des Yveteaux l'appelait le poëte Malapla, faisant allusion à ce dernier hémistiche: m'a la place rendue, qui, à la vérité ne désigne pas une oreille sévère pour la cadence.
--C'est bien à M. Des Yveteaux à trouver mauvais ce m'a la pla, dit Malherhe, lui qui a fait parabla ma fla.
Des Yveteaux, en effet, finit un vers par ces mots:
Comparable à ma flamme.
Le comte de Caylus avait demandé, en mourant, que son tombeau fût surmonté d'une urne étrusque dans laquelle on renfermerait son coeur. Il n'y avait que lui qui pût se faire cette épitaphe:
Ci-gît un antiquaire, acariâtre et brusque.
Ah! qu'il est bien placé dans cette cruche étrusque.
La Motte-Le-Vayer cite un homme qui fut vingt-quatre heures à rêver comment il éviterait de dire ce serait, à cause de la ressemblance des deux premières syllabes: ce n'est pas ce que nous conseillons ici.
--Les vers suivants sont faits exprès:
Quand un cordier cordant veut accorder sa corde,
Pour sa corde accorder trois cordons il accorde;
Mais si l'un des cordons de la corde décorde,
Le cordon décordant fait décorder la corde.
HARNAIS
L'industrie est une fort belle chose assurément; mais elle a une manie d'envahissement parfois déplorable. Que lui ont fait les grands noms de Condé, Turenne, Bayard, Montesquieu, pour qu'elle en fasse une enseigne? N'a-t-elle pas des patrons plus naturels? Voici de quoi nous menace un sellier. Il se propose d'écrire sur sa boutique:
Au prince Eugène--Beaux-harnais.
Qui oserait dire que la société n'est pas malade, lorsqu'il se produit des cas aussi graves de calembour!
HAUT ET VAIN
On disait à un homme orgueilleux: vous avez bu de l'abondance, car vous êtes eau et vin...
HÉBÉTÉES
Quelles sont les lettres les moins spirituelles?--Les lettres e, b, t.
HEURE
Dans quel département peut-on le mieux se passer de montre?--Dans le département de l'Eure.
HISTORIOGRAPHE
Moncrif avait fait une histoire des chats, sous le nom desquels il avait plaisanté plusieurs personnages de la cour. Il était fort aimé du comte d'Argenson. Il dit un jour au ministre:--Monseigneur, vous êtes le maître de me faire donner le brevet d'historiographe de France.
Malheureusement, M. d'Argenson se ressouvenait encore de l'histoire des chats.--Historiographe? lui-dit-il, cela n'est pas possible; mais pour historiogriffe, cela se pourrait faire.
HOMARD
Un des spirituels écrivains de ce temps-ci a dit, en parlant d'un crustacé qu'il aime, à ce qu'il paraît: «Le homard, ce cardinal de la mer.» Cet écrivain gastronome croit que le homard est rouge avant d'être cuit.
HOMME
Un soldat ivre, disait à son caporal:--Tais-toi, tu n'es pas un homme.--Je te prouverai le contraire, lui dit le caporal.--Jamais, reprend le soldat, et c'est impossible: écoute le major, quand il commande la garde, le matin à la parade. Ne dit-il pas toujours: pour tel poste, six hommes et un caporal! Tu vois donc bien que les caporaux ne sont pas des hommes.
HONNÊTE
Ce mot change de sens, comme grand, en changeant de place. Les gens honnêtes n'annoncent pas toujours les honnêtes gens; et les démocrates ne se lassaient pas de dire, sous la restauration, avec moins de raison que d'envie peut-être: ceux qu'on appelle les honnêtes gens ne sont pas ceux que nous appelons les gens honnêtes.
HOSTILES
Voilà un homme qui a des prétentions au style.--Comment hostiles! mais c'est un homme très-doux.
HOTEL
Un Gascon, qui n'avait que ses bons mots pour vivre, étant tombé malade à Paris, fut contraint de se faire porter à l'Hôtel-Dieu. Un de ses anciens camarades vint le voir:
--Eh! donc, mon cher enfant, lui dit-il, en quel état je te trouve! Courage, mon ami, courage!
--Pour du courage, lui répondit-il, les gens de notre pays n'en manquent point.
--Eh! qui le sait mieux que moi? lui dit celui qui le visitait. Au reste, mon cher enfant, ajouta-t-il, tu me permets de te demander si tu es bien avec Dieu?
--Apparemment, lui répliqua le Gascon malade, je ne dois pas y être mal, puisqu'il me donne un appartement dans son hôtel.
HUMIDE
Un médecin demanda à un malade comment il avait trouvé le bain qu'il lui avait ordonné.--Un peu humide, répondit l'autre.
Malherbe était affecté d'un bégaiement continuel, et de plus il crachait très-fréquemment, cinq ou six fois au moins, en lisant une stance de quatre vers. Cela fit dire très-plaisamment au cavalier Marini: «Je n'ai jamais vu d'homme plus humide, ni de poëte plus sec.»
HUPPÉES
Quelles sont les lettres les plus fières?--Les lettres u, p.
I
Quel est le plus ancien des I.--L'I mage.--Et quel est le plus froid?--L'I vert.
I FIT GÉNIE
De qui le génie a-t-il reçu le jour?--De la lettre I, car les anciens ont écrit Iphigénie.
IMITATION
M. O. Leroy a raconté la petite anecdote que voici, dans les journaux de septembre 1855.
«Un bon vieux curé de campagne, qui avait entendu parler magnifiquement des Imitations, l'une en latin, l'autre en vers français de Corneille, réimprimées pour l'Exposition universelle, y était arrivé, uniquement pour voir son livre de prédilection, bien décidé à repartir dès qu'il l'aurait examiné sous ses nouvelles formes. Il ne doutait pas que ce livre, qui remplit le monde de sa gloire, mais qui tient une si petite place à l'Exposition universelle, ne fût là tout entier dans la tête de chaque employé, ainsi qu'il était dans la sienne. Il s'adresse en entrant à l'un d'eux:
--Monsieur, voudriez-vous me dire ou sont les Imitations?
--Les imitations en verre?
--En vers, mon ami! Il y en a une en vers de Boisville, une autre de Corneille à laquelle on a mis, dit-on, des peintures superbes et dignes de l'auteur.
--Ah! très-bien! je vois cela d'ici... Ça doit être dans les cristaux, ou bien dans les émaux, se dit-il en lui-même... Monsieur l'abbé, vous ferez du chemin, mais ne soyez pas rebuté, vous finirez par arriver, et rien de si facile que de vous indiquer ce que vous demandez: vous allez monter cet escalier.
--Très-bien, mon ami.
--Vous descendrez ensuite.
--À merveille, mon cher.
--Et vous irez toujours tout droit. Vous n'aurez pas fait une demi-lieue que vous demanderez où sont les Imitations en verre; c'est connu de tout le monde.
--De tout le monde! dit avec joie le bon curé. Et l'on dit le siècle prosaïque!... Je suis édifié, mon ami, et très-reconnaissant de vos excellentes indications.
--Il n'y a pas de quoi, Monsieur l'abbé.
Voilà le pauvre prêtre qui se met en route, monte, descend, traverse les longues galeries au milieu de la foule et de toutes les industries; il ne voit rien que le but où il tend, et répète en lui-même les premiers mots de son livre chéri: «Celui qui vous cherche, Seigneur, ne marche point dans les ténèbres, non ambulat in tenebris.» Enfin, il s'arrête et demande à quelques étourdis qui se trouvent sur son passage où sont les Imitations.
--Est-ce du plaqué que vous cherchez, monsieur l'abbé? répond l'un d'eux.
--Non, monsieur, c'est de l'A-kempis ou du Gerson, dont le grand Corneille a traduit en vers l'Imitation de Jésus-Christ.
--Ah! ce curé est adorable et à mettre sous verre! dit tout bas l'étourdi, qui ajouta plus haut: Monsieur l'abbé, ces choses-là ne sont pas de notre connaissance.
--Tant pis, Messieurs! Quelqu'un a dit: Il est venu parmi les siens, ils ne l'ont pas connu.
Le prêtre attristé s'en allait, quand un jeune exposant, qui l'avait entendu de son magasin où il était avec son père, vint lui dire: Monsieur l'abbé, permettez-moi de vous conduire vers ce beau livre que mon père a aussi dans sa bibliothèque et dont souvent il nous cite les vers.
Et le bon prêtre consolé, après avoir serré la main du père qui l'était venu saluer, fut conduit par le fils au but de son voyage, à ses chères Imitations, dont il lut avec âme quelques vers sublimes à son guide, le remercia affectueusement, le bénit, et en s'en allant répéta ces vers qu'il avait lus:
Vous pouvez maintenant, Seigneur,
Rappeler votre serviteur.
IMPÔTS
On a renouvelé, à l'aspect de l'Assemblée constituante de 1848, ces petits vers faits en 1790 pour sa devancière.
Quel coup d'oeil ravissant!
Quel spectacle imposant!
Disait un démocrate.
Oui, réplique aussitôt
Un brave aristocrate:
Il va doubler l'impôt.
INCUIT
Ce gigot est incuit, disait à son hôte un homme qui faisait le beau parleur.--Monsieur, répondit l'hôte, c'est par l'insoin de la cuisinière.
INRI
Le marquis de Gèvres était vain et ignorant; du moins, on le dit. On ajoute qu'il se compromettait souvent par là. Causant un jour dans les cabinets du roi, et admirant plusieurs tableaux, entre autres des crucifiements de différents maîtres, il décida que le même en avait fait un grand nombre, entre autres tous ceux qui se trouvaient là. On se moqua de lui, et on lui nomma les peintres, dont on reconnaissait la manière.--Point du tout, s'écria-t-il, ce peintre s'appelait INRI.
Ne voyez vous pas son nom sur tous ces tableaux?...
Est-ce possible?
INVENTER
Quelqu'un disait devant madame Du Deffant, qui s'était brouillée avec Voltaire, que ce dernier n'avait pas beaucoup inventé:--Que voulez-vous de plus? dit-elle finement, il a inventé l'histoire!
J
JABOT
Un élève en médecine se présente à l'examen de la Faculté, avec une chemise à jabot qui faisait honneur à sa blanchisseuse. Cela sortait de son gilet avec un éclat à faire loucher le professeur qui l'interrogeait.
Dans le fait, le vieux docteur en était tout offusqué, et il prononça sur-le-champ, qu'un si beau jabot ne devait pas appartenir à un récipiendaire bien savant.
Monsieur, dit-il, pourriez-vous me dire ce que vous entendez par jabot?
Le candidat troublé ouvre de grands yeux, les abaisse sur sa poitrine, regarde le professeur et rougit.
--Allons, vous ne savez pas ce que c'est qu'un jabot; c'est le troisième estomac d'un dindon.
J'AI FROID
Quel est l'homme dont on prononce le plus souvent le nom en hiver?--L'acteur Geffroy.
JAMBON
On disait à un touriste qu'il fallait se défier des Allemands, surtout dans les provinces rhénanes.--Cela m'étonne, dit-il, car à mon dernier voyage à Mayence, j'y ai vu beaucoup de gens bons.
JÉRICHO
Un marchand de tableaux présentait à un certain prince qu'on ne nomme pas, un petit tableau précieux, en lui disant qu'il venait de Géricault.--C'est prodigieux, dit le prince, que le tableau se soit si bien conservé depuis l'écroulement de cette ville!
JEUNESSE
Dasnières disait que la jeunesse s'appelle ainsi parce qu'elle est l'âge où les jeux naissent.
JEUX DE MOTS
À la fin de la campagne de 1761, où MM. les comtes de Fougère et de La Luzerne commandaient la maison du roi, un garde du corps, que des affaires instantes appelaient dans sa province, vint leur présenter sa démission, et les prier de lui accorder son congé.
Quoi! Monsieur, lui dirent d'un ton ironique ces deux généraux, vous quittez le service pour aller planter vos choux!
--Oui, Messieurs, répondit froidement l'honnête militaire; je vais bêcher mon jardin, et je le cultiverai de manière qu'il n'y vienne ni luzerne ni fougère.
Un poëte médiocre croyait mettre ses vers à l'abri de la censure en disant qu'ils étaient passables:
--Oui, lui dit-on, il sont passables en tous sens: vous vous seriez bien passé de les faire, nous nous serions bien passé de les lire, et la mémoire en passera bien vite.
Quelqu'un ayant dit à une femme que le suif était augmenté à cause de la guerre:--Ah! dit-elle, apparemment que les armées se sont battues à la chandelle.
Le marquis de St*** ayant offensé un M. De Chambre, fut engagé par ses amis à lui faire quelques excuses. Le marquis lui écrivit à peu près en ces termes.
«Ce que je me suis permis de dire à votre sujet est absolument sans conséquence. La meilleure preuve que je puisse vous donner de mon estime, c'est de vous demander à dîner pour le jour qu'il vous plaira de m'assigner. Tout à vous.
«Le marquis de St***.»
M. De Chambre répondit:
«Vous m'avez laissé le choix du jour. Empressé de vous recevoir, je vous invite pour mercredi, et vous prie de vouloir bien accepter la fortune du pot.
«De Chambre.»
M. de Puymaurin, député de Toulouse pendant la restauration, se plaisait à faire des jeux de mots. Un jour, M. Petou, député de la Còte-d'Or, monta trois fois à la tribune dans la même séance.--Ah ça! dit M. de Puymaurin, il faut donc toujours que M. Petou parle?
--Je voudrais que mon fils sût un peu de tout, qu'il eût une teinture des langues latine et grecque, une teinture d'histoire et de géographie, une teinture des mathématiques, une teinture de dessin, etc.; mais je ne sais pas pour cela quel maître lui donner.
--Donnez-lui, madame, un maître teinturier.
La présente liste a été trouvée, en 1848, à l'Assemblée nationale sous le pupitre d'un montagnard facétieux, non moins connu par ses calembredaines que par ses quinze perruques. Les noms qui y sont inscrits étaient-ils destinés à l'épuration? Forment-ils au contraire une liste de conciliation? Nos lecteurs jugeront sur la copie textuelle que nous mettons sous leurs yeux:
Armand Marrast, Mauvais, Marquis.
Sénard, Mulé, Normand.
Bastide, Canul, Rouillé.
Porypapy, Noirot, Crépu.
Buvignier, Casse-Carreau.
Ledru-Rollin, Levet, Laissac, Dargent, Crémieux, Laydet, Découvrant, Cécile, Lacroix, Lorette.
Leyraud de Puyraveau, Daix, Gouttay, Lamartine.
Leblanc, Mouton, Beslay, Considérant, Lherbette, Faucher.
Joly père, Savy, A. Payer, Lebleu, Dargenteuil.
Sallandrouze, Tendret, Lestapis.
Pierre Leroux, Person, Toupet.
Boulanger, Pézerat, Dupin.
Labbé, de Lamenais, Vieillard, Boussingault.
On lisait alors dans le Corsaire cet autre amas de jeux de mots sur la même Assemblée:
«On a vu tous nos législateurs éclater de rire à l'aspect du bon M. Leboeuf, montant à la tribune à propos d'une question de boucherie: rien de mieux! Le coq-à-l'âne y était; mais dès lors il devient fort difficile d'aborder les rostres pour peu qu'on ait un nom... Voyez plutôt:--D'ici à peu de temps, on doit présenter un projet de loi sur la boulangerie. Voilà donc la discussion interdite à la famille Dupin et à M. Dufour! Vienne le rapport de la commission des pâturages, et M. Lherbette est obligé de rester chez lui. S'agit-il du droit des vins, le pauvre M. Baune est réduit au silence, et M. Lacave est bien forcé de l'imiter. La discussion sur les ordonnances de chasse, entamée par M. Chasseloup, va faire fuir M. Dain, qui sera fort heureux de se cacher entre Duparc et Dubois. Si l'on s'avise de réglementer les perruquiers français, que diront MM. Crépu et Toupet-des-Vignes; MM. Rateau et Bineau auront-ils le droit de voter dans une question de jardinage, et M. Buffet dans une affaire de comestibles? Voyez-vous M. Pigeon prenant la parole contre Lagrange, dans une explication sur les grains, défendus par M. Moulin?... Quand il s'agira de la fixation de l'âge pour les listes électorales, est-ce M. Vieillard qui osera se déclarer incompétent? A propos du droit d'aînesse, que ferait l'amiral Lainé? Et si jamais (cela peut arriver) Hyacinthe comparaissait à la barre de la Législative, pour crime politique, qui le jugerait, de M. Ney ou de M. Camus?... Il n'y aurait guère que M. Troplong qui pourrait hasarder son bulletin. MM. Le Flô et de Flotte seraient bien vagues à propos de marine; M. Failly, fort suspect dans les questions commerciales; M. Lélut au moins superflu dans un projet électoral, et M. Bigot très-récusable dans l'examen du budget des cultes, appuyés par M. Legros-Dévot... Est-ce que M. Lemaire oserait dire son mot sur les franchises municipales? S'il s'agissait des monuments nationaux, M. Conté se croirait-il appelé à faire de l'histoire? En matière religieuse, Pascal (Frédéric) combattrait-il M. Arnaud (de l'Ariège), sans craindre les allusions à Port-Royal?
Un autre journal du même temps (la Providence) publia aussi une charmante et spirituelle critique, qui a droit à figurer ici.
On vous a raconté l'idée assez comique
De ce monsieur Leroy qui, plein d'ardeur civique,
Prétendait l'autre jour, répudiant son nom,
Qu'on l'appelât: le Peuple... et cela tout de boni
C'était peut-être un comte... (ah! pardon, une histoire:
Le mot comte, je crois, est banni du grimoire.)
J'y pense, il est de fait que cela désormais,
Va changer diablement le langage français;
Voyez combien de mots le décret nous enlève:
Il supprime d'un coup l'ancien roi de la fève,
Les rênes de voiture et la reine du bal;
Quant à la reine Claude, un arrêté légal
N'admet, dans ses rigueurs, d'exceptions aucunes,
Et la loi promulgée est faite pour les prunes.
Le Grand-Duc, ce rival du rapide faucon,
N'a qu'à bien se garder et qu'à changer de nom,
Et le tigre royal, s'il tient à sa peau lisse,
Doit cacher l'épithète à l'oeil de la police...
Et l'oiseau de passage, appelé Chevalier,
Quoi qu'en ait dit Buffon, n'est plus qu'un roturier;
Quant à Jules Janin que notre République
Proclama, dès longtemps, prince de la critique,
Son esprit, son talent ne lui servent de rien:
C'est presqu'un Vacquerie... un simple citoyen...
Plus de distinctions, d'ordres, de privilèges!
Les croix... même d'honneur, sont choses sacriléges:
On les supprimera sur les dos des ânons:
Les souliers désormais n'auront plus de cordons,
Et l'on ne pourra plus mettre aux foyers de plaques.
On défend les rubans aux bonnets comme aux claques;
Les théâtres sont pris dans ces proscriptions,
On joûra tout Chénier... sans décorations;
Et quand madame Hamel rôtira des mauviettes,
Défense à ses garçons d'en servir en brochettes:
Inutile de dire aux lecteurs pénétrants
Que les bottes, parbleu! n'auront pas de tirans;
Que les livres, ces rois assemblés en chapitres,
Paraîtront en public sans pages et sans titres;
La lettre majuscule est proscrite à jamais:
L'égalité pour tous! Aux termes des décrets
Défense d'imprimer sur du papier couronne;
Ordre de démolir la barrière du Trône:
Le sceptre de Neptune est brisé pour toujours;
Les fleuves couleront... comme ils pourront... sans cours.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
On prétend que Marquis, l'homme des chocolats,
Le Marquis praliné près des Panoramas.
Fait peindre, en ce moment, un panneau magnifique
Où l'on verra décrit en pastille gothique
Ce seul mot: Ci-devant... Et que monsieur Boissy
A, dit-on, résolu de l'adopter aussi.
Leduc, marchand de bois au boulevard du Temple,
Se range noblement à ce sublime exemple:
Leprince, cordonnier près de la rue aux Ours,
S'est citoyennisé déjà, depuis trois jours:
Baron, le bandagiste, adhère pour son compte;
Le passage Choiseul expulse monsieur Comte;
Honteuse avec raison, la maison Chambellan
Biffe de son enseigne un nom de courtisan.
Au quartier Montorgueil, par le même principe,
On va voir effacer l'enseigne de Philippe;
Le nom vilipendé qu'il tient de son parrain
Disparaît..., et Philippe a nom Ledru-Rollin.
Quant à l'homme d'État, ce Solon... provisoire,
Attendu que Rollin fut professeur d'histoire,
Et que, dans ses écrits, il flatta maintes fois
Les despotes de Rome et le pouvoir des rois,
Il abdique le nom d'un écrivain servile
Et l'immole à l'autel de son hôtel-de-ville;
Il reste désormais Ledru... Ledru tout court!...
Mais pourtant attendu qu'autrefois, à la cour,
Un sieur Ledru-Comus professa la physique,
Et fut de Louis-Quinze un rampant domestique
Défense aux citoyens de parler des Ledrus,
Le ministre est ministre et ne s'appelle plus!
L'illustre Louis Blanc, l'écrivain populaire,
Ce Tacite français, cet orateur sincère,
Veut de son double nom s'affranchir à la fois.
Les Louis trop longtemps nous ont servi de rois,
Le blanc fut la couleur d'un drapeau qu'il abhorre.
Il va prendre le nom de Vingt-Francs-Tricolore.
Un ancien philosophe avait coutume de dire que peu de chose donnait la perfection, mais que la perfection n'était pas peu de chose.
Un Gascon disait:--La boue de Paris a deux grands inconvénients: le premier est de faire des taches noires sur les bas blancs; le second, de faire des taches blanches sur les bas noirs.
Un ami de Bautru étant allé le voir dans le temps qu'il avait la goutte, le trouva mangeant du jambon:--Que faites-vous là? lui dit-il; ne savez-vous pas que le jambon est contraire à la goutte?--Cela est vrai, lui répondit froidement Bautru; il est contraire à la goutte, mais il est bon pour le goutteux.
Un procureur, en recevant d'un chapelier, sa partie, un chapeau, lui dit:--Ne vous inquiétez point, allez; j'ai votre affaire en tête, j'en aurai soin.
Nous ne voulons pas oublier une petite pièce de vers de maître André le perruquier:
Les poëtes, les perruquiers
Ont entre eux quelque ressemblance;
Et vraiment, dans ces deux métiers
Je vois bien peu de différence
Pour réussir, à chacun d'eux,
Certe il ne faut pas être bête...
Compter des vers ou des cheveux,
C'est toujours un travail de tête.
Nous ne pouvons omettre la harangue faite, à la porte d'une ville, à l'un des généraux de Louis XIV, quoiqu'elle ait été souvent reproduite.
«Monseigneur, tandis que Louis le Grand gêne les Gênois, berne les Bernois et fait cantonner le reste des cantons: tandis qu'il fait aller l'Empire de mal en pire, damner le Danemarck et suer la Suède; tandis que son digne rejeton fait baver les Bavarois et rend les troupes de Zelle sans zèle; tandis que Luxembourg fait fleurir la France à Fleurus, met en flamme les Flamands, lie les Liégeois et fait danser Castana sans castagnette; tandis que le Turc fait esclaves les Esclavons et réduit en servitude la Servie; enfin, tandis que Catinat démonte les Piémontais, que Saint-Ruch se rue sur les Savoyards et que Larré les arrête, vous, Monseigneur, non content de faire sentir la pesanteur de vos doigts aux Vaudois, vous faites encore la barbe aux Barbets, ce qui nous oblige d'être, avec un profond respect, etc.»
Remarquons que le mot Barbets ne s'applique pas aux intéressants quadrupèdes connus sous ce nom, mais bien aux habitants de diverses vallées du Piémont et de la Suisse.
JOCRISSE
Personnage des farces modernes, dont les bêtises ont un cachet particulier. Il aime beaucoup sa soeur et veut l'épouser.--Mais je ne peux pas t'épouser, lui dit-elle: je suis ta soeur. Nous sommes trop proches parents.--Quelle bêtise, dit Jocrisse, trop proches parents! Mon père a bien épousé ma mère.
Sa soeur en épouse donc un autre quelque temps après.--Ma soeur est enceinte, dit-il, quel ennui! J'en ai pour neuf mois avant de savoir si je serai un oncle ou une tante. Il veut dire: Si j'aurai un neveu ou une nièce. C'est digne du commentaire sur la parenté.
JOUER
Un seigneur allemand, connu par les grâces et la finesse de son esprit, alla un jour chez un prince de l'Empire: il y trouva nombreuse compagnie, et s'amusa beaucoup de l'extrême vivacité avec laquelle quelques petits princes, qui y étaient, se traitaient mutuellement d'altesse.
Sortant de là, il fut faire une autre visite, et revint chez lui. On lui demanda comment il avait passé la soirée.--J'ai été dans deux maisons, répondit-il: dans l'une, on jouait à l'altesse, et dans l'autre, au loto.
JOUEUR
--Quatre joueurs ont joué toute une nuit dans une société, disait-on à une dame, et le matin chaque joueur avait gagné dix francs. La dame ne pouvait comprendre un tel fait pourtant bien simple; les quatre joueurs étaient quatre joueurs de violon.
JUSTE
Un Allemand, dit-on, apprenant le français, vit dans un dictionnaire que juste et équitable étaient synonymes. Il essaya des bottes qui le gênaient:--Vous m'avez fait, dit-il à son cordonnier, des bottes qui sont par trop équitables.
K
Les lettres K C et les lettres K O T sont désagréables au lecteur.
K
Un homme qui s'appelait Franqlin songea qu'il pourrait bien être le parent de ce fameux Américain, que les philosophes ont si bien fait mousser. Il alla donc trouver à Paris le neveu de Franklin et lui présenta ses papiers.--Monsieur, lui répondit le jeune homme, faites un K de votre Q, et vos papiers pourront alors vous servir.
KARR
On s'est amusé à chercher les aptitudes et les qualificatifs de M. Alphonse Karr, qui a un esprit si original, et on a fait ces médiocres calembours:
Karr abat (Carabas), Karr casse (carcasse), Karr touche (Cartouche), Karr aime (carême), Karr nage (carnage), etc.
KANIFERSTANE
Un Parisien, allant de La Haye à Amsterdam, remarqua une de ces riantes maisons de campagne qui bordent la route (on allait encore alors en diligences), et demanda en français à un Hollandais, son voisin:
--A qui appartient ce délicieux château? Le Hollandais lui répondit: Ik kan niet verstaan (je ne comprends pas). Le Parisien traduisant cette phrase comme il l'entendait prononcer, reprit:--Ah! cette belle demeure appartient à M. Kaniferstane. C'est un mortel bien heureux.
En entrant à Amsterdam, il vit passer trois charmantes jeunes filles et demanda à un passant: Quelles sont ces demoiselles si brillantes? il ne reçut pour réponse que la phrase de la route.--Ce sont les demoiselles Kaniferstane, se dit-il. Cet homme est bien privilégié!
Un des palais d'Amsterdam donna lieu à de nouvelles admirations.--Cet homme, dit le Parisien, est vraiment le marquis de Carabas.
En passant devant la loterie, il entendit sonner des fanfares, qui annonçaient que le gros lot venait de sortir. Il voulut savoir qui l'avait gagné; et comme on lui jeta encore l'ik kan niet verstaan, il se récria de nouveau sur le bonheur-monstre de ce M. Kaniferstane.
Un peu plus loin il rencontra un enterrement pompeux; il salua le convoi et demanda qui était le défunt. Sur la réponse habituelle des Hollandais qui n'entendent pas le français, il pensa que M. Kaniferstane avait ici-bas une félicité trop grande pour qu'elle fût durable; et il gagna son hôtel, en faisant de sages réflexions sur la fragilité des choses d'ici-bas.
L
Quelles sont les lettres les plus agiles?--Les lettres L E.
On a fait cette petite espièglerie pour la lettre L:
Saint Louis l'a par devant,
Saint Michel l'a par derrière,
Les demoiselles l'ont deux fois,
Les dames l'ont perdue,
Les hommes ne l'ont pas.
On dit proverbialement qu'un homme en a dans l'aile pour signifier qu'il passe la cinquantaine, par une mauvaise allusion à la lettre L qui, dans le chiffre romain, exprime cinquante.
LA
Une dame, gui chantait médiocrement dans une société, ne pouvant achever son air, dit à un homme d'esprit qui se trouvait à côté d'elle:--Je vais le reprendre en mi.--Non, Madame, répondit-il, restez-en la.
LACHE
Un Gascon se fit faire un bel habit, et il demanda à ses amis ce qu'il leur en semblait. Un d'eux en mania le drap, qu'il trouva un peu lâche.
--Comment lâche! reprit le Gascon, que l'on m'en cherche d'autre; je ne veux rien de lâche autour de moi.
Le cardinal de Richelieu ayant eu la patience d'entendre lire une tragédie de La Calprenède, dit: «La pièce n'est pas mauvaise, mais les vers sont lâches.--Comment, lâches, s'écria le rimeur gascon! cadédis! il n'y a rien de lâche dans la maison de Calprenède.»
LA-HAUT
Dans les embarras de la république qui surgit en 1848, la femme de l'un des utopistes d'alors reçut la visite d'une amie.--Bonjour, chère citoyenne, je vois que tu es prospère, et ton mari?--Il travaille, ma chère, dit la dame du logis en indiquant du doigt l'étage supérieur, où son mari s'enfermait pour ses élucubrations.--Mais, reprit la visiteuse, ne vois-tu pas comme tout va mal?--Je le vois trop. Tout le monde veut gouverner.--Nous sommes en vérité dans un gâchis tel, qu'il n'y a que celui qui est là-haut qui puisse nous en tirer.--Tu as bien raison, ma chère; aussi je te dis qu'il y travaille.--Elle appliquait à son mari ce que l'autre disait du bon Dieu.
LAIDS
Après qu'on eut nommé le département des Deux-Sèvres (pays de Niort), on voulut nommer le pays de Fontenay département des Deux-Lays (de ses principales rivières, le grand Lay et le petit Lay).
MM. Buron et Mercier, deux députés de ce département, tous deux les plus laids de l'assemblée, firent observer que si on adoptait ce nom pour leur département, on en ferait contre eux un affreux calembour et qu'on l'appellerait le département des deux laids. Ce qui fit qu'on l'appela département de la Vendée, du nom d'une petite rivière qui est à sec la moitié de l'année.
LAINE
Quelqu'un disait à un berger:--Ne faites jamais tondre vos moutons.--Et pourquoi donc?--Parce qu'on devient poussif, lorsqu'on a perdu l'haleine.
On disait d'un homme qui avait la bouche malsaine:--Il est bon à tondre, car il a l'haleine forte.
Quel événement a fait renchérir les draps?--L'enlèvement d'Hélène.
LAMICHODIÈRE
Un étranger dînant chez M. de La Michodière, président de la cour royale de Paris, et l'entendant appeler par ses familiers Lamichodière tout court, ne crut pas pouvoir se permettre cette liberté et ne l'appela pendant tout le repas que M. Chaudière. Ce qui divertit un peu les amis conviés.
LANGUES
Madame Denis, la nièce de Voltaire, prenant une leçon d'anglais, disait à son maître, fatiguée qu'elle était de la prononciation de cette rude langue: «Vous écrivez bread, pourquoi prononcer bred? Ne serait-il pas plus simple de dire tout bonnement du pain?»
LAPIN
Un farceur disait que la dynastie des lapins allait vite, que peu après la pincette, on en était déjà à l'appendix.
LARCIN
Les naturalistes nous apprennent que les rats sont joyeux quand ils peuvent vivre de lard sain.
LAVER
Un farceur demandant quelque chose à une femme lui disait:--Je crois, Madame, que vous l'avez.--Non, Monsieur, répondit-elle, je ne lave pas.
LÉPREUX
Le public vit un calembour involontaire dans ce vers du Siége de Paris, de M. le vicomte d'Arlincourt.
Ce sont ces chevaliers que l'on nomme les preux.
LETTRES
On fait beaucoup de jeux de mots avec les lettres de l'alphabet. On a publié celui-ci sous Louis XVIII:
La liberté D. C. D.
Les doctrinaires A. I.
Les pairs E. B. T.
Deux cents députés H. T.
La gloire A. B. C
La dette O. C.
La liberté de la presse O.T.
Le crédit B. C.
La charte L. U. D.
HISTOIRE D'HÉLÈNE.
L. n. n. e. o. p. y. L. i.a. t.t. l. Hélène est née au pays grec. Elle y a tété; elle i.a.v.q. l. i.a.e.t. l.v. l. i.a.e.t.o.q.p. y a vécu. Elle y a été élevée; elle y a été occupée; l. i.a.e.t. e.d. l. i.a. m.e. l. i.a. elle y a été aidée; elle y a aimé; elle y a e.t. m.e. e. a.i. l. i.a.e.t. d. s. e. d.i.t. l. été aimée et haïe; elle y a été déesse et déité; elle i.a. c.d. l. i.a.o.b.i. l. i.a.e.t. h.t. l. y a cédé; elle y a obéi; elle y a été achetée; elle i.a.e.t.a.j.t. a. b. c. k. o. t. l. i.a. v.g.t. y a été agitée, abaissée, cahotée; elle y a végété. l. i.a. r.i.t. e. l. i. e. d.c.d. a.g. e. k. c. Elle y a hérité, et elle y est décédée, âgée et cassée.
LÉZARD
Une vieille, voyant au-dessus de la porte d'un lycée de Paris:
Les arts nourrissent l'homme et le consolent,
s'écria:--Que ces gens-là mangent des lézards tant qu'ils voudront; je ne ferai pas de tort à leur dîner.
LIBERTÉ
Dans le temps où les mots liberté, égalité, fraternité, cocarde nationale, faisaient tourner la tête à tout le monde, les habitants d'un village du Périgord obligèrent leur curé, non-seulement à mettre une cocarde au Saint-Sacrement, mais encore à tenir le tabernacle ouvert jour et nuit, par la raison que tout le monde étant, libre en France, leur bon Dieu ne devait pas, plus que tout autre, demeurer enfermé.
LIÉGE
Quelles sont les femmes les plus légères?--Ce sont les femmes de Liége et les femmes de Tulle.
LIGNE
Comment feriez-vous pour pêcher tous les poissons de la Seine?
--Je prendrais un régiment de lignes.
LISIÈRE
Pourquoi ne mène-t-on pas les petits enfants dans les bois?--Parce qu'on ne les mène alors qu'à la lisière.
LOCUTIONS
Lorsque le projet de loi de la translation des cendres de Napoléon fut porté aux Chambres, un de nos honorables s'écria:--Les cendres! Est-ce que ces gueux d'Anglais auraient eu l'infamie de brûler le grand homme?
Des soldats de l'expédition d'Égypte disaient dans les sables:--Il fait bien soif par ici.
Le poëte Méry est très-frileux. Dans les grands froids, enveloppé de couvertures, il s'enferme auprès d'un grand feu, ne sort plus, et fait dire à ses amis qu'il est malade. Quand on vient le voir et qu'on lui demande quel est son mal, il répond:--Hélas! j'ai l'hiver! (Voyez Mots.)
LOIN
On disait à un enfant de Pontoise qui montrait d'heureuses dispositions:--Mon enfant, vous irez loin.--Pas de sitôt, répondit-il; maman ne veut pas même que j'aille jusqu'à Paris.
LONDRES
La ville des brouillards. Pendant un séjour que fit à Londres madame de Staël, une de ses amies qui revenait en France lui demanda si elle avait quelque commission à lui donner.--Aucune autre, répondit-elle, que de faire mes compliments au soleil, quand vous le reverrez.
LOUER
Lorsque le duc d'Orléans, Philippe-Égalité, convertit son jardin en un vaste bazar, et le couvrit de boutiques, il tomba sur lui un déluge de quolibets et d'épigrammes. Son propre père s'en mêla, et il dit:--Je ne sais pas d'où vient l'acharnement du public contre mon fils; j'y vois de plus près que les autres, et je puis assurer que tout est à louer chez lui.
LUMIÈRES
Dans un repas donné par un nouveau parvenu, l'un des convives porta un toast à la propagation des lumières. Les gens qui servaient à table s'empressèrent de moucher les chandelles.
LUSTRE
Un plaisant, voyant deux hommes qui portaient un lustre, dit à ses voisins:--Voilà cinq ans qui passent.
M
MAÇONNERIE
Un charpentier critiquait un carillonneur sur sa manière:--Allez à vos bûches, dit celui-ci, et ne vous mêlez pas de ma sonnerie.
MADELEINE
--Que faudrait-il pour bouleverser l'amas de laine?
--Un cardeur.
MAINTENON
Sur la fin du règne de Louis XIV, le grand dauphin parut surpris de la détresse qui semblait menacer le royaume:--Mon fils, dit le roi, nous maintiendrons notre couronne.--Sire, répondit le dauphin, Maintenon l'a.
MAIRE
Le maire de Saintes écrivait à son fils, qui se conduisait mal:--Respectez votre père et maire.
Un bon cultivateur, maire de sa commune, se trouva dernièrement dans un grand embarras, dont il se tira fort adroitement. Sa femme était accouchée depuis trois jours, et l'adjoint de la commune venait de partir pour un village assez éloigné. Il fallait cependant dresser l'acte de naissance sur-le-champ. Le maire-père, après avoir mûrement réfléchi, s'en acquitta de la manière suivante:
«Ce jourd'hui, etc., étant accompagné de tels et tels, mes témoins, je suis comparu devant moi, maire de la commune de..., à l'effet de me déclarer que ma femme vient d'accoucher d'un enfant vivant et bien constitué.
«Sur la demande de quel sexe est l'enfant et quels étaient ses père et mère, je me suis répondu qu'il est du sexe masculin et fils de moi, François Piot, et de Madeleine Bidou, mon épouse; en foi de quoi, j'ai signé le présent, avec moi, maire, et lesdits témoins.
«Signé: François Piot, père,
«et François Piot, maire.»
MAL
Un dentiste disait à son fils qui voulait donner dans les grandeurs:--Eh! Monsieur, ne cherchez pas à vous élever; faites comme votre père: arrachez-moi de bonnes dents; j'en arrache; mon père en arrachait, mon grand-père en a arraché, et nous n'avons jamais fait de mal à personne.
MALADE
Henri IV, ayant appris que deux médecins avaient fait abjuration, dit à Duplessis-Mornay:--Ventre Saint-Gris! monsieur Duplessis, votre religion est bien malade; les médecins l'abandonnent.
MANCHE
On appelle ainsi le détroit qui sépare la France de l'Angleterre. Lorsqu'on imprima, il y a quelques années, des cartes géographiques sur foulard:--Je ne vois pas l'utilité de cette invention, dit un bonhomme, si ce n'est que chacun peut avec cela se moucher proprement sur la Manche.
À propos de l'alliance conclue avec l'Angleterre pour la guerre d'Orient, on a dit que les Anglais et les Français se tenaient par la Manche.
MANGER
Un huissier ayant été signifier un exploit dans une ferme, on lâcha après lui deux énormes chiens, qui lui firent prendre aisément la fuite; et comme à son retour on lui demandait s'il avait été bien reçu:--Parfaitement, dit-il; et la preuve, c'est qu'on a voulu me faire manger.
L'abbé de Choisy, passant devant le château de Balleroy, qu'il avait été obligé de vendre, s'écria:--Ah! que je te mangerais bien encore!
Montmaur étant un jour à table avec grande compagnie de ses amis, qui parlaient, chantaient et riaient tout ensemble:--Eh! Messieurs, s'écria-t-il, un peu de silence; on ne sait ce qu'on mange.
MANQUER
Gourville, rencontrant au bois de Boulogne un médecin de ses amis qui avait un fusil, lui dit:--Où allez-vous donc?--Voir un malade à Auteuil.--Il paraît, répliqua Gourville, que vous avez peur de le manquer.
MANTEAU
On demandait à Londres à un ambassadeur belge:--Quel est le manteau le plus chaud? Il répondit:--C'est le manteau de la cheminée.
MARCA
Pierre de Marca fut nommé à l'archevêché de Paris, et mourut en 1662, le jour même que ses bulles arrivèrent. Colletet lui fit cette épitaphe:
Ci-gît monseigneur de Marca,
Que le roi sagement marqua
Pour le prélat de son Église;
Mais la mort qui le remarqua,
Et qui se plaît à la surprise,
Tout aussitôt le démarqua.
MARCHAND
Un vagabond, à qui le tribunal demandait quel était son état, répondit qu'il était marchant, attendu qu'il ne voyageait qu'à pied.
MARÉCHAL
Un maréchal ferrait un des chevaux d'un maréchal de France qui passait sur la route. Pendant l'opération, il entendit les domestiques qui appelaient l'illustre voyageur monsieur le maréchal; et, quand on fut pour le payer, il refusa, en faisant observer qu'il ne prenait rien d'un confrère.
MARÉCHAUSSÉE
Une poissarde de la rue Montorgueil, à Paris, avait pour enseigne un merlan dans une botte, avec la légende: A la marée chaussée.
MATIGNON
On a beaucoup dit sur la simplicité d'un certain M. de Matignon. On a dit qu'il avait fait paver son pré pour empêcher les taupes d'y fouiller; qu'il avait fait reculer la cheminée, parce que de l'endroit où il se plaçait, le feu lui brûlait les jambes; qu'un mouton étant trop gros pour régaler ses amis, il n'en avait fait tuer que la moitié, etc.
Un autre ingénu avait pris un pot de terre en guise d'oreiller, et, le trouvant trop dur, il le rembourra de paille.
MÉDECINE
--Qu'est-ce que la médecine? demande Bobèche à l'un de ses amis.
--La médecine, répond celui-ci, c'est l'art de guérir les maladies; c'est une science...
--Du tout, tu n'y es pas, répond Bobèche: la médecine, c'est la femme du médecin.
MÉGARDE
Un colonel, défendant son fils accusé, disait aux juges:--Je puis vous prouver que le délit dont mon fils est accusé a été commis par mégarde.--C'est différent, dit le juge; alors nous allons assigner vos gardes.
MELON
Un incident singulier a égayé un jour l'audience de la justice de paix du sixième arrondissement. M. L..., marchand grainetier et sergent-major de la garde nationale, accusait M. B..., professeur suppléant d'histoire dans un collége de Paris, de l'avoir appelé melon à la suite d'un coup mal joué dans une partie de dominos à quatre. Le plaignant exigeait une rétractation formelle et des dommages-intérêts considérables.
L'accusé présenta ainsi sa défense:
Sous le règne de Constantin le Grand...
--Au fait, Monsieur, au fait, dit le magistrat qui voit poindre une harangue interminable.
--J'y arrive. Sous le règne, dis-je, de Constantin le Grand, vivait à Lugdunum Horatius Melo, illustre praticien qui, après s'être couvert de gloire en introduisant dans la Gaule le savoureux tubercule auquel il a donné son nom...
Le juge sourit et le front du plaignant se dérida à vue d'oeil.
--Mon honorable ami L..., continue l'orateur avec feu, a donc grand tort de s'offenser d'une épithète qui prouve au contraire le grand cas que je fais de ses vertus civiles et militaires.
Le grainetier, quittant précipitamment son siége, serre avec effusion la main du professeur, et, abjurant toute rancune, lui promet de donner à son premier enfant les glorieux surnoms d'Horatius Melo.
Il suffira de quelques procès de cette nature pour réhabiliter dans l'opinion publique le cornichon, le concombre, et tous les membres de la grande famille des citrouilles.
MÉMOIRE
C'est encore ici une scène de tribunal; et celle-ci à propos d'une distribution de prix.
LE JUGE.--Monsieur Blondel, vous avez payé d'avance et pour un an la pension de votre fils?
BLONDEL.--C'est vrai, mais il n'en est pas moins bête comme un âne.
LE JUGE.--Et maintenant vous voulez qu'on vous rende votre argent?
LE MAÎTRE D'ÉCOLE.--C'est contraire à l'usage, on ne rend jamais l'argent chez moi.
BLONDEL.--Cependant je veux le mien, je ne veux pas laisser mon fils en pension chez vous.
LE JUGE.--Pourquoi donc?
BLONDEL.--À cause de la distribution des prix.
LE JUGE.--Expliquez-vous.
BLONDEL.--Imaginez-vous, mon juge, que mon enfant, qui aura onze ans à la Saint-Nicaise, allait en classe chez cet homme contre lequel je plaide. Il y apprenait à ravir... la manière d'arracher sa culotte et de se fourrer des barbes de plumes dans les narines. (Rire général.) Bref, je croyais qu'à part ces connaissances spéciales, mon enfant aurait fait quelques progrès dans les sciences... le maître d'école que je consultais à ce sujet, la veille de la distribution des prix, me répétait qu'il serait récompensé selon son mérite.
LE MAITRE D'ÉCOLE.--Il a eu un prix, il l'a été, récompensé; donc pas de reproche à me faire.
BLONDEL.--Joliment ma foi. Vous saurez que, n'ayant pas eu le temps d'aller voir couronner mon fils, je l'envoyai le jour de la distribution des prix se faire couronner tout seul. Mon petit bonhomme revient avec une couronne atroce (rire), grosse comme le bras, de quoi orner le front d'un géant; quand il la mettait sur sa tête, elle lui tombait sur le ventre. (Rire général.) «Quel prix as-tu eu? lui dis-je.--Ah! papa, j'ai oublié mon prix.--Mais enfin quel prix était-ce?--J'sais pas, papa.--Diable d'enfant! ne pas savoir le prix qu'on a remporté... Est-ce d'orthographe?--Non, p'pa.--C'est peut-être d'écriture?--Non, p'pa.--De calcul?-Non p'pa.--Quelle pauvre tête!... ne pas se souvenir de son prix!... Je vais à la pension moi-même pour le chercher... Savez-vous quel prix mon fils avait remporté?
LE JUGE.--Lequel donc?
BLONDEL.--Le prix de mémoire. (Longue et bruyante hilarité.)
Le maître d'école, pendant le rire général, rend à M. Blondel le montant de la pension de son fils, et sort furieux du prétoire.
MENER
François II, empereur d'Allemagne se rendait à Luxembourg, forteresse curieuse élevée au milieu d'un lac. Sans suite et sans gardes, il s'amusait à conduire lui-même une barque. Il y en a beaucoup sur ses rives. Un villageois s'approche et l'appelle; il le prend pour un batelier. «Ohé! passez-moi! lui crie-t-il.--Volontiers,» répond le monarque.
Le paysan s'assied tranquillement dans la nacelle; et le souverain la dirige. «Combien vous faut-il maintenant? dit le rustre arrivé au but, et tirant sa bourse.--Rien, mon ami, répond l'empereur...--Vous ne menez donc pas par état?--Si fait, je mène... mon empire.»
MENTON
Un Anglais et un Français se battaient au pistolet. Le premier, au moment de tirer, n'étant pas encore bien décidé à se battre, dit: «Parlementons.--Soit,» dit l'autre. Et la balle vint traverser la mâchoire inférieure de son adversaire.
MERLAN
Un chercheur d'esprit disait, en passant devant une mairie où les affaires n'allaient pas vite: «On peut faire maigre là tous les jours, car on y trouve à tout heure un maire lent.»
MERVEILLE
En 1812, il y avait dans la rue Saint-Honoré un confiseur qui s'appelait Veille. Dès qu'il eut un fils, il fit savoir au public qu'on pouvait venir chez lui admirer la mère Veille.
MESSIDOR
Quel est le mois que les juifs aiment le mieux?--Le mois de juillet, qui dans la république leur amenait un Messie d'or.
MESURE
On dit des musiciens que quand il s'agit de payer, ils sont rarement en mesure.
MILLE ANS
Napoléon Ier aimait assez les calembours.
En 1796, lorsqu'il sollicitait le commandement en chef de l'armée d'Italie, il n'avait que vingt-sept ans; et, lui opposant son âge, on balançait à le nommer. «Vous me trouvez trop jeune, dit-il, pour commander en chef; eh bien, accordez-moi ma demande, et je vous réponds que dans six mois j'aurai Milan.»
MINE
Guillot-Gorjus disait à Turlupin:--Tu m'as fait la mine.--Non, répondit Turlupin, si je te l'avais faite, tu l'aurais plus belle.
MOITIÉ
Deux villageois avaient acheté un cochon en commun; au bout de six mois, l'un voulait le tuer, l'autre ne voulait pas. «Si vous ne voulez pas tuer votre moitié, dit le premier, laissez moi tuer la mienne.»
MONARCHIEN
Les dictionnaires nous apprennent que monarchien signifie, comme monarchiste, partisan de la monarchie. En 1793, un boucher, nommé Monar, était dur aux pauvres gens, auxquels, dans la détresse générale, il refusait tout crédit. Un pauvre homme, fâché, écrivit sur sa porte monar chien. C'était une dénonciation. Il fut arrêté comme suspect, et sans son ami Henri, le boucher historique, il eût pu y passer.
MONDE
Un bonhomme disait: «Je ne connais pas d'endroit où il se passe plus de choses que dans le monde.»
MONORIMES
Un des plus curieux tours de force en monorimes, employant les cinq voyelles dans leur plus rare situation, a été fait par l'abbé de Latteignant; on le chantait jadis sur l'air: «En quatre mots je vais vous dire ça.»
I
Je hais les dés, les cartes, le trictrac;
Je ne bois jamais de scubac
Ni de punch, ni de rack.
Par peur de la moindre claque,
Je fuis sitôt qu'on m'attaque
Plus vite qu'un brac.
Je ne vais pas courtiser Bergerac;
Et pour grossir mon sac
Je ne fais nul micmac.
Je n'ai d'horloge et d'almanach
Que mon seul estomac.
II
Je suis ravi du bon vieillard Issec.
Son langage est un vrai sorbec.
Malgré son vilain bec
J'irais le voir à la Mecque
Et rendre à ce vrai Sénèque
Un salamalec.
Près de lui j'aime autant un hareng pec
Blême du pain tout sec,
Que perdrix et vin grec.
O mort, si tu le fais échec,
Viens m'enlever avec
III
Je suis charmé, quand je suis en pic-nic.
On est libre; c'est là le hic,
En payant ric à ric.
Je fais quelques vers lyriques,
Mais jamais de satiriques;
Ce n'est pas là mon tic.
Je crains bien moins la langue d'un aspic,
Les yeux d'un basilic,
Que le blâme public.
Je ne fais nul honteux trafic;
Je suis dans mon district
IV
Je ne voudrais, pour l'or du monde en bloc,
Le sort m'eût-il remis au soc,
D'aucun bien être escroc.
D'un ami rien ne me choque;
S'il me raille, je m'en moque,
Sans livrer le choc.
Et j'aime autant un forban de Maroc
Que le grand monsieur Roch,
Tant il a l'air d'un croc;
Contre un turban ferais-je troc?
Non, plutôt contre un froc
V
Je hais les eaux de Forge et Balaruc.
Je ne porte point chez Colduc
D'ordonnance d'Astruc.
Je ne veux, sous ma perruque,
Porter cautère à la nuque,
Dussé-je être duc.
Car de son corps qui fait un aqueduc
Devient bientôt caduc,
Fût-il un gros heiduc.
Mais le vin est, si j'en crois Luc,
De tous le meilleur suc.
On a fait aussi sur ces mêmes rimes isolées cinq adages que voici:
Le thésauriseur cherche le sac.
Le promeneur cherche le sec.
Le biographe cherche le sic.
Le laboureur cherche le soc.
Le gourmand cherche le suc.
On a publié, en février 1849, sur les désordres de l'Assemblée nationale constituante, les vers monorimes suivants:
En voyant cet affreux micmac,
On dit partout, même à Cognac,
À Bergerac, à Ribérac,
Que la république, au bissac,
Fait un déplorable tic-tac,
Qui peut finir par un cric-crac,
Comme en a produit Polignac.
Que voulez-vous? Proudhon et Bac,
Ledru-Rollin et Cavaignac
La poussent dans un cul-de-sac,
Où, par quelque coup de Jarnac,
On renversera son hamac.
ue Dieu conserve son cornac!
MONSIEUR
Ce nom autrefois indiquait une seigneurie. On disait: M. de Mayence, pour l'électeur de Mayence. M. de Paris, pour l'archevêque de Paris. On appelait Bossuet M. de Meaux, et, ce qui est assez singulier, Mme de Sévigné, en parlant du pape, disait: M. de Rome.
Un officier gascon, étant à l'armée, quitte un de ses camarades, et lui dit assez haut et d'un ton important:--Je vais dîner chez Villars. Le maréchal, qui se trouvait derrière cet officier, lui dit avec honte:--À cause de mon rang et non à cause de mon mérite dites: Monsieur de Villars.--Cadédis! répond le Gascon sans s'émouvoir, on ne dit pas monsieur de César.
Le grand Condé, ennuyé d'entendre un fat parler sans cesse de monsieur son père et de madame sa mère, appela un de ses gens, et lui dit:--Monsieur mon laquais, dites à monsieur mon cocher de mettre messieurs mes chevaux à monsieur mon carrosse.
MONTER
Une servante apporte le mémoire du mois à son maître; il y remarque pour trente francs de lait.--Comment! dit-il, je dois tant que ça à la laitière?--Mon Dieu oui, Monsieur; c'est qu'il n'y a rien qui monte comme le lait.
MONTRER
Une princesse passait tous les matins à apprendre l'hébreu. Un jour que son maître de langue était entré chez elle avec une culotte déchirée, le prince son mari lui demanda ce que cet homme venait faire dans sa chambre. La princesse lui dit:--Il me montre l'hébreu.
--Madame, répondit le prince, il vous montrera bientôt le derrière.
MORCEAUX D'ENCENS
On demandait à M. Castil-Blaze quels étaient les morceaux de musique qui avaient la meilleure odeur. Il répondit:--Ce sont les morceaux dansants.
MORDANT
On demande pourquoi les gens décédés mangent du bois.--Parce qu'on les trouve morts dans leurs bières.
MORT
Trois députés des États de Bretagne étant venus pour haranguer le roi, l'évêque, qui était le premier, oublia sa harangue, et ne put dire un seul mot. Le gentilhomme qui le suivait, se croyant obligé de prendre la parole, s'écria:--Sire, mon grand-père, mon père et moi sommes tous morts à votre service.
Un plaisant en fiacre, voyant passer un convoi funèbre qui s'en allait au cimetière du Père-Lachaise, dit au cocher:--Retenez vos chevaux et empêchez-les de prendre le mort aux dents.
De tous les genres de mort dont on avait donné le choix à Arlequin, il préféra celui de mourir de vieillesse ou d'indigestion.
MOTS
Un célibataire venait d'acheter une paire de mouchettes; sa gouvernante lui ayant fait observer qu'elles étaient bien petites, il répondit qu'elles étaient bien assez grandes pour une personne seule.
Une ronde arriva près d'un poste. Un seul homme se trouvait présent à ce moment, c'était le factionnaire. Le capitaine de la ronde, furieux, s'avance sur lui en disant:--Comment, tas de coquins, vous n'êtes qu'un?
Une femme d'esprit disait d'un orateur boursouflé qui avait une certaine réputation d'éloquence:--Il est vrai qu'il trouve facilement ses phrases; mais quand il les a trouvées, il est obligé de chercher ce qu'il mettra dedans.
Un Américain, ayant vu six Anglais séparés de leur troupe, eut l'audace de leur courir sus, d'en blesser deux, de désarmer les autres et de les amener au général Washington. Le général lui demanda comment il avait pu faire pour se rendre maître de six hommes.--Aussitôt que je les ai vus, répondit-il, j'ai couru sur eux et je les ai enveloppés.
Un bourreau, conduisant au gibet un pauvre diable, lui dit:--Écoutez, je ferai de mon mieux; mais je dois vous prévenir que je n'ai jamais pendu.--Ma foi, répond le patient, je vous avouerai également que je n'ai jamais été pendu non plus; mais, que voulez-vous! nous y mettrons chacun du nôtre. Il faut espérer que nous nous en tirerons.
Le deuxième consul, Cambacérès, donnait une fête à laquelle se trouvaient beaucoup d'artistes. Elle touchait à sa fin, lorsque Cambacérès invita Garat à chanter. Celui-ci, piqué de ce que l'on ne se fût pas adressé plutôt à lui, tire sa montre et répond:--Impossible, citoyen consul; il est minuit: ma voix est couchée.
L'expression «à faire trembler» est si familière aux Gascons, qu'ils l'emploient à tout propos. Quelqu'un faisait observer ce gasconisme à un officier gascon, qui répondit par cette gasconnade:--Que l'expression «cela fait trembler» est la plus forte qu'un Gascon puisse employer en quelque circonstance que ce soit, parce qu'il n'y a rien dans la nature qui soit au-dessus de ce qui fait trembler un Gascon.
Le mot «au contraire» pour non est encore très-usité par les Gascons. Les députés des États du Languedoc étant à Versailles à l'audience du roi, un Gascon du cortège trébucha et tomba. Comme tout le monde lui demandait s'il s'était fait mal en tombant, il dit gaiement en se relevant:--Au contraire. Cette manière de parler fit rire ceux qui étaient présents. Les uns prétendaient que c'étaient un gasconisme, les autres une gasconnade. C'était l'un et l'autre.
Dans un grand dîner que donnait Louis XVIII, le vieux roi, s'adressant à un seigneur, vieux aussi, lui demanda si un certain mets qu'il lui désignait, et que le roi aimait fort, était de son goût.--Sire, lui répondit le courtisan, je ne fais jamais attention à ce que je mange.--C'est un tort que vous avez, reprit le roi; à tout âge il faut faire attention à ce qu'on mange, et au vôtre à ce qu'on dit.
M. le comte de Mailly de Beaupré portait toujours à l'armée son chapeau à la tapageuse, en sorte que la cocarde se trouvait derrière.--Voilà, disait un de ses officiers, une cocarde qui a bien souvent vu l'ennemi.
Un conseiller borgne, voulant décider seul une contestation épineuse, une autre espèce de turlupin lui dit:--Croyez-moi, empruntez les lumières d'un de vos confrères; deux yeux valent mieux qu'un.
Un célèbre buveur, étant à l'article de la mort, pria un de ses amis, qui était à côté de son lit, d'y faire apporter un verre d'eau, en disant:--A la mort, il faut se réconcilier avec ses ennemis.
Le poëte Bret, qui a fait sur Molière des commentaires assez estimés, alla voir, dans sa jeunesse, un seigneur bourguignon, qui, enflé de sa fortune et de ses titres, lui dit que ses vassaux ne s'asseyaient et ne se couvraient jamais devant lui.--Corbleu! réplique Bret en enfonçant son chapeau sur ses oreilles et se jetant dans un grand fauteuil, ces gens-là n'ont donc ni cul ni tête?
La basse bohème, à Paris, emploie une langue à part. Après s'être traités, dans une dispute, de polichinelle et de caricature empaillée, les deux casseurs d'assiettes se retroussent les manches pour se donner ce qu'ils appellent une raclée, une peignée, une rincée, et le plus rageur dit à l'autre:--Numérote tes os, que je te démolisse! On arrive alors, et on les sépare, à moins que ce ne soient des Auvergnats.
MOURIR
Un malade interrogé pourquoi il n'appelait pas un médecin: «C'est, répondit-il, parce que je n'ai pas encore envie de mourir.»
MOUSSES
On demande pourquoi les marins font tant de cas du vin de Champagne.--C'est pourtant bien clair. Leur raison est que c'est le vin qui produit le plus de mousse.
MULE
Voici un exemple de la tolérance et des lumières des ennemis systématiques de Rome. Un journal anglais a donné, il y a dix ans, à ses lecteurs un récit tronqué du voyage de S. S. Grégoire XVI à Ancône. L'auteur de ce récit, copié d'après les feuilles françaises, a traduit la mule du pape par mule, animal. Mais, non content de commettre cette grossière méprise, il y ajoute quelque chose de sa façon. Ainsi, il raconte que «Sa Sainteté était assise sur un trône, un de ses pieds reposait sur un tabouret recouvert de velours rouge; la mule, RICHEMENT CAPARAÇONNÉE DE MÊME COULEUR, se trouvait à ses côtés. Toutes les personnes, ajoute-t-il, qui étaient admises dans le salon, s'agenouillèrent trois fois et allèrent baiser la mule.»
L'écrivain accompagne ce récit des commentaires les plus ridicules; il s'élève contre la superstition des catholiques qui s'avilissent au point de baiser de vils animaux. C'est là de l'idolâtrie, du fétichisme, etc. Il conclut en faisant l'éloge de la réforme, qui a aboli le culte des mules, etc.
Si des journalistes se trompent à ce point sur ce qui concerne le chef visible de l'Église, est-il étonnant que tant de réformés, en Angleterre comme en Allemagne, nourrissent des préjugés absurdes contre le catholicisme?
MUR
Lorsque les fermiers généraux enfermèrent Paris d'un mur d'enceinte en 1785, cette innovation triste souleva presque autant de clameurs que l'enceinte continue en 1840. On fit là-dessus le vers qui suit:
Le mur murant Paris rend Paris murmurant.