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Essais et portraits

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CHARLES CONDER

Au coin de Cheyne Walk et de la rue qui débouche sur le vieux pont de la Chelsea, une maison à balcons de treillage vert, coiffés de petits toits à la chinoise, se dissimule sous le lierre et les arbustes de son jardinet. C’est là que je veux me rappeler, vivant affairé et endormi, l’artiste délicieux, l’ami parfait que nous venons de perdre. En été, ce coin de la Tamise est inondé de soleil; les fenêtres des demeures riveraines dominent une grande étendue de ce fleuve qui va, quelques milles plus loin, devenir rivière. A Cheyne Walk, le fleuve est encore presque un bras de mer et ses rives sont comme la «Marine Parade» de Brighton, si ce n’est que la circulation assez restreinte de ce quartier retiré rappellerait plutôt une station moins fréquentée que la grande plage de l’Est. Vers midi, en juin, par un temps chaud, comme il y en a si souvent à Londres, arriver chez Conder, c’était comme débarquer aux bains de mer en venant de la Capitale. Joyeux, inoubliables midis, que j’ai goûtés dans le parloir où je peignis le portrait de Conder, alors que la mousseline des rideaux, gonflée par les courants d’air perpétuels, se relevait sur ce paysage grandiose, tout imprégné de sel marin; la tête de mon ami, rouge, mais amaigrie, les cheveux longs, se séparant en baguettes, comme au sortir du tub, se détachait en sombre sur les lambris jaunes que tachaient de noir quelques vieilles gravures en mezzotinte.

Ses doux yeux bleu foncé au travers de la fumée de la cigarette, regardaient vaguement au loin, comme perdus dans un rêve, sans doute quelqu’un de ces sites indiens ou australiens, coloniaux en tous cas, qui étaient le décor habituel de ses hallucinations. Il sentait proches, comme à portée de sa main, là, de l’autre côté du pont, au delà des Océans, ces palais enchantés, ces bayadères, ces fontaines et ces esclaves noirs, dont il avait rapporté de son enfance passée là-bas, l’enivrement. Il «posait» comme une statue, par politesse, s’efforçant de me donner le moins de mal possible, me racontant seulement de sa voix lassée, en mots difficiles à percevoir, des faits sans importance, de soi-disant grossièretés de ses camarades, d’imaginaires manques d’égard, des disputes de sociétés et de clubs artistiques; puis passait à la description d’un meuble aperçu chez le bric-à-brac, d’un nouveau dessin de «Chintz», d’une toilette de femme, de Mlle Adeline Genée, la ballerine de «l’Empire»; ou encore me parlait de la «Fille aux yeux d’or», de son cher Balzac ou d’Anquetin qu’il admirait comme à vingt ans. La cendre de ses cigarettes couvrait le tapis. A chaque repos, il montait à son atelier où il allait barbouiller et détruire en une seconde quelque admirable esquisse jetée sur la toile, dès sept heures du matin; il redescendait tout tremblant, dans cette agitation fiévreuse qui le consumait, parce qu’il sentait sans doute qu’il n’avait plus que peu de mois à vivre; et il avait tant de projets!

A deux heures, un lunch excellent était servi dans la salle à manger, fraîche sous ses voûtes sombres. Il y faisait honneur en véritable ogre, toujours reprochant à Mrs. Conder qu’il n’y eût pas sur la table plus encore de bonnes choses. Walter Sickert ou George Moore entrait, à qui l’on faisait place, et des anecdotes de notre jeunesse nous conduisaient jusqu’à l’instant où, n’y résistant plus, Charles s’élançait au deuxième étage et se remettait à peindre ou à dessiner.

Ce printemps-là, j’avais un atelier à Londres et j’y exécutais des portraits. Pénibles heures de la «Season»: dans la chaleur écrasante d’une vaste pièce sous le toit, des hommes et des femmes, beaucoup trop occupés pour être exacts, entraient, sortaient, amenaient des parents et des amis, prenaient le thé, critiquaient les ressemblances. C’est dans un défilé de ces aimables importuns que Conder dit un soir à ma femme, en regardant le portrait d’une dame avec qui il était lié: «Comment? Jacques fait encore poser Mrs. X?» Et il nommait une personne aussi rose et blonde, que brune et jaune était mon modèle: ma femme est surprise de l’erreur et alors le pauvre garçon répond: «Je me trompe peut-être; ne vous étonnez pas, je ne sais plus toujours bien ce que je dis!...» Il perdait la raison; c’étaient les prodromes de l’horrible maladie où il s’est débattu deux longues années.

*  *  *

Charles Conder et Aubrey Beardsley sont, dans ma mémoire, comme seraient deux frères. J’avais connu le premier, il y a très longtemps à Paris, mais je l’y avais peu vu, car il sortait surtout la nuit à Montmartre, dans des milieux où je n’étais pas attiré. C’est à Dieppe que nous nous liâmes, le premier été surtout, où Beardsley et sa suite y passèrent. Avant cela, Conder était plutôt, pour moi, un garçon qui s’occupe de bibelots et a de bonnes adresses d’antiquaires; surtout Conder était l’élève d’Anquetin. Pourtant, j’avais été frappé, au premier jury d’examen auquel j’assistai comme membre de la Société Nationale, par des paysages printaniers animés de personnages modernes, à l’allure romantique. Du temps se passa, sans que j’entendisse parler de ce jeune Australien dont j’avais perdu la trace. Nul catalogue d’exposition ne mentionnait plus son nom. J’ignorais ce qu’il était devenu et pourtant il vivait en plein Paris, où si souvent les circonstances séparent ceux qui seraient le mieux faits pour s’entendre.

Or, je fus bien surpris de le retrouver chez les Fritz Thaulow, hébergé, soigné, recueilli comme le serait un petit orphelin, par ces excellentes gens, après une de ses crises. Les deux artistes avaient dû se rapprocher dans «la maison de l’Art Nouveau» chez Bing. Ce japonisant était un peu perdu quand il quittait l’Extrême-Orient pour s’aventurer parmi nos compatriotes et, à tort et à travers, commandait à Maurice Denis, à Besnard, à Cottet, de Feure, Thaulow ou Conder, tableaux, décorations de pièces, tapis ou modèles de meubles. Sa tentative eut le sort réservé aux enfants trop intelligents: elle ne vécut pas. Avouons cependant qu’il y eut à la rue de Provence quelques réussites; l’une des plus remarquables, mais assurément la moins remarquée, fut le boudoir de soie, blanc crémeux, que Charles Conder illustra de capricieuses aquarelles, bordées de franges de perles blanches, d’un exquis raffinement de composition et de couleur, ingénieuse transposition dans une langue moderne, des bergeries, des galants décamérons poudrés du dix-huitième siècle.

Le nom de Watteau fut prononcé (Watteau, pourquoi Watteau?), on cria au pastiche et le frêle ouvrage fut mis de côté comme non avenu. Ces quelques panneaux, achetés ensuite par Mme Thaulow, puis mis en vente à la mort du mari de celle-ci, j’ai maintes fois voulu les faire remarquer par quelqu’un qui construisit un hôtel: personne n’en a voulu. Ils attendent de passer un jour sous le marteau du commissaire-priseur, chez Christie, et d’être couverts de banknotes, quand la gloire de Conder, qui commence à rayonner dans son pays, aura fait de l’original artiste un maître précieux. Les dessins de Beardsley, qu’on ne peut déjà plus se procurer, à quelque prix que ce soit, ne sont pas d’une qualité plus rare que les aquarelles de Conder, dont il subit si fort l’influence; il n’avait pas, d’Aubrey, la sûreté de main et le fini; mais son art est bien plus naturel, plus varié, plus sain.

Cette œuvre est considérable comme nombre. Peintures à l’huile (les plus imparfaites de son bagage), peintures sur soie, éventails (il y excella), pastels, sanguines, lithographies (illustrations pour un Balzac), châles, robes peintes, meubles, décorations de chambres entières (maisons de Edmond Davis Esq., de Mrs. Halford, etc., etc.), je ne sais où cette œuvre s’est répandue dans les cinq dernières années où mon ami travaillait jour et nuit, dans une sorte de rage inconsciente, remplissant ses énormes armoires de projets, de croquis, dont pas un n’est banal ni insignifiant.

Ses éventails sont presque tous des chefs-d’œuvre. A quoi pourrais-je les comparer? nullement aux éventails français du dix-huitième siècle. Le style de Conder est purement anglais. Le côté ornemental rappellerait les festons et les astragales des frères Adam, ces artistes de génie classique et grec qui renouvelèrent l’art décoratif de l’autre côté de la Manche et l’anoblirent. La couleur, de multiples harmonies, si osées dans la douceur, je ne les ai vues que chez Conder. Celui-ci a, comme tant de ses compatriotes, une maladresse dans la construction du corps humain, un «tremblé» dont le moindre artisan français aurait souri; cependant, la forme a du style, une étrange originalité, on reconnaîtrait cette écriture entre mille. Cette forme est, avant tout, du dessin senti, nerveux dans sa faiblesse, comme celle d’un Constantin Guys ou, dirais-je, d’un Goya. Il faut s’entendre sur le sens de ce mot «dessin». La «forme» est l’opposé de ce que nomment dessin, les braves gens pour qui Bouguereau fut un dessinateur. Les incorrections d’un Goya, d’un Manet, même de l’ingénu Cézanne, sont de la forme. Je ne veux pas dire que la déformation systématique des néo-impressionnistes et des symbolistes soit seule du dessin, car je suis convaincu du contraire: mais une déformation nécessaire, à quoi, sans s’en rendre compte, le peintre est toujours conduit, en face de la Nature: la déformation qui est la vision et le dialecte d’un individu, voilà ce qui, presque toujours, est, sinon beau, du moins intéressant; et c’est souvent le style.

Donc Charles Conder eut cette qualité si rare. Elle ne fut pas perçue par nos critiques d’avant-garde, dont le pauvre garçon attendait toujours les suffrages, étonné de ce que la redingote de M. Charles Morice ne se déboutonnât pas en un grand geste de sympathie pour lui et de n’avoir pas les honneurs d’un paragraphe louangeur dans le Mercure de France auquel il attribuait une grande importance, assez plaisamment d’ailleurs. Conder ne démêla jamais les raisons pour lesquelles il n’était pas reçu à Paris dans le milieu «avancé» où l’attiraient ses sympathies, où il avait sa place. Son exposition tenue chez Durand-Ruel, il y a quatre ans, et pour le catalogue de laquelle il m’avait imprudemment demandé une préface, fut sa dernière manifestation publique dans son «dear old Paris», et le signal de ses premiers troubles cérébraux. Cet échec le désola. Ensuite, de son subit et retentissant succès à Londres, il se rendit à peine compte, car les applaudissements s’adressaient alors à un égaré.

Étrange personnalité que celle du jeune Australien; il fut bizarre et déréglé jusqu’à la fin, malgré son amour pour le travail; mais ses excentricités, selon la coutume anglaise, plaideront plus en sa faveur que n’aurait fait une existence normale. On voit déjà comment sa légende se façonnera. Dès aujourd’hui, il est classé dans la phalange des «hors la loi», des «outcast», pour lesquels ses compatriotes ont une inclination toute romantique. Quoique la Mort ait arrêté sa carrière à l’âge de tantôt quarante ans, il est, à côté d’Aubrey Beardsley, une sorte d’enfant prodige malade, mais sans la poétique agonie de cet adolescent poitrinaire qu’a touché la Foi; il fut suffisamment désordonné, pour que son joli génie enchante des amateurs de l’exceptionnel et du cocasse.

Jusqu’à son heureux mariage avec la femme tendre et dévouée qui mit sa fortune à la disposition de Conder, celui-ci fut, tant à Paris qu’à Londres, une sorte de Verlaine, un irrégulier, passant de l’état d’ébriété à l’état lucide, comme du sommeil à la veille, ne travaillant jamais avec plus d’inspiration que s’il était excité par l’alcool. Je ne saurais retracer ses pérégrinations dans les divers quartiers des deux grandes cités, où il connut la misère et l’abandon, lui qui attachait tant de prix à toutes les raretés d’un joli intérieur et à l’élégance de ses habits. Il était fait pour un siècle enrubanné, galant—et je ne puis m’empêcher de me l’imaginer soupirant une sérénade sous la fenêtre de sa belle, coiffé du béret à la Watteau et la cape striée sur l’épaule.

Je viens d’assister, dans son quartier de Chelsea, à une de ces mascarades qu’il savait si bien monter et je ne pouvais détacher ma pensée de Conder, pendant qu’un orchestre d’instruments à vent accompagnait des Cydalises et des Corisandes. Jamais la fiévreuse musique de Gabriel Fauré ne me parut plus passionnée qu’ainsi mise en action sous les guirlandes de fleurs, parmi les jets d’eau et les bosquets qu’éclairait la pleine lune de juin. Le ciel de minuit, toujours si pur à Londres, même après une journée brumeuse, dressait une coupole bleu sombre sur les murs des «mews» et des maisons dont le jardin est encadré. Quelques vieux camarades de Conder et moi, nous étions émus en écoutant le flûtiste Fleury jouer en plein air, retirés comme nous l’étions dans un salon où nous avaient attirés des éventails de notre ami. Nous le sentions présent, il aurait dû être là, parmi ceux de l’orchestre ou du chœur, tous comme sortis de la Galerie Lacaze.

Les personnages de la Comédie Italienne, de Molière et de Balzac, tous un peu confondus dans le kaléidoscope de son cerveau, un mélange de l’époque de Louis XV et de 1830; un joli bric-à-brac de chaises à porteur, de berlines, de cabinets de laque Vénitien rococo; des gondoles, des portiques de treillages, des rideaux de Quinze-seize contorsionnés «par Zéphir»; tels sont les modèles et les accessoires qui reviennent sans cesse, dans l’œuvre de Conder, où le chapeau de Rastignac s’aplatit presque en tricorne, où la souquenille du valet poudré a presque les mêmes pans que la rheingrave de la Restauration. Postillons au fouet claquant, facchini, soubrettes, jeunes seigneurs courtisant une almée à la Coypel, nègres au turban empenné, fifres et tambours, vous êtes tous les invités au bal d’Esther, dans la Chaussée-d’Antin, et vous êtes les favoris de Charles Conder.

La maison de Cheyne Walk, Conder l’avait achetée et il y avait entassé tous les objets pittoresques, les vieux tableaux et les meubles dont il aimait à faire un décor riant à sa vie de labeur. Certaines pièces de cette vieillotte demeure étaient, réalisées et vécues, les aquarelles mêmes du maître de céans. Un sens des couleurs acides et criant fort animait ces vieux lambris, ces chambres foncées que les après-midi brumeuses de l’hiver obscurcissent encore. Un salon bleu, tout miroitant de satins drapés et de glaces vénitiennes, était dédié à ses dieux: Watteau et Whistler.

*  *  *

L’apogée de la vie du cher artiste, ce fut la redoute qu’il donna pendant le carnaval de 1904. J’eus le regret de ne pas y être; mais on me dit que cette fête, dont le thème était une mise en action de «The Rape of the Lock» de Beardsley, fut une réussite extraordinaire. Chacun de ses admirateurs s’était imposé d’y venir dans un équipage qui plût à Conder et le souper, au matin, réunit sous les guirlandes du plafond et les arcs de «treillis» la plupart des jeunes peintres, musiciens et littérateurs pour qui l’amphitryon était alors devenu un maître.

On était loin, déjà, des jours de lutte où Conder, à Dieppe, chez Thaulow, payait l’hospitalité reçue, en brossant sur le gros coutil des sièges et de lourdes portières, des compositions délicates ou robustes, mièvres ou un peu théâtrales, improvisations charmantes d’un décor à bon marché; et, dans le jardin de la villa, dessinant des parterres ou accrochant aux arbres des grappes de lanternes en papier, dont la lueur n’éclaira que les tristes repas où Conder, après l’une de ses premières attaques, misérable, s’attablait auprès d’Oscar Wilde, tragique à sa sortie de prison.

A ce moment-là, j’avais redouté que Conder ne glissât sur la pente fatale comme le pauvre Lélian, vers des bas-fonds que son génie illuminait fantastiquement. La maladie déjà avait saisi son corps surmené. Mais la généreuse Mme Thaulow et son enthousiaste Fritz étaient là, prêts à secourir, à protéger tous ceux qui étaient des «artistes». Wilde, réfugié à Berneval, près Dieppe, venait clandestinement se réchauffer à leur foyer, contant certaines de ses belles histoires symboliques, dans un cercle de petits enfants qui l’écoutaient bouche béante. Conder suivait un régime réconfortant et, enfermé dans la villa de Caude-Côte, reprenait des forces. Je me le rappelle un jour quand j’entrai, agenouillé aux pieds de notre hôtesse dans une attitude que je ne m’expliquai pas au premier abord; et la dame, le dominant de toute sa stature de cariatide, était vêtue d’une étrange robe: Conder essayait sur elle une draperie de sa façon qu’il avait agrémentée de médaillons, de rinceaux, dont la finesse est plus de mise pour un dessus de bonbonnière, que pour les formes plantureuses d’une Walkyrie scandinave.

Mon ami me parlait souvent de Miss X... qu’il croyait à Paris et dont il comptait faire son épouse. J’avoue que dans ces inquiétants jours de Dieppe j’écoutais avec mélancolie les projets du malade. Pourtant, il devait rebondir encore une fois, se marier et connaître, pour de trop courts instants, mais en jouir pleinement aussi, la sécurité et une totale liberté de réaliser ses rêves de peintre et d’amateur. Il connut, enfin, le succès.

Aubrey Beardsley, Oscar Wilde, Charles Conder, Dowson, Arthur Symons, ces protagonistes du Yellow Book et du Savoy, sont aujourd’hui tous disparus, après avoir, chacun dans son genre, accompli une œuvre originale: bien différents les uns des autres, une parenté artistique les a unis. Ils eurent tous le culte et l’intelligence de l’esprit français, entendirent notre langue que Whistler leur apprit à aimer. Ils forment une petite phalange indissolublement liée dans la mémoire et la reconnaissance de ceux d’entre nous qui fréquentèrent assidûment l’Angleterre dans les dernières années du dix-neuvième siècle. Le mouvement littéraire et musical, la peinture, enfin tout ce qu’il y eut de plus significatif et de plus neuf chez nous, trouva en eux des cerveaux pleins de réceptivité et des voix enthousiastes pour nous célébrer.

J’aurais voulu ajouter ici un portrait de l’un des plus doués d’entre eux, de mon vieil ami Walter Sickert, l’admirable peintre de paysages urbains et des music-halls; mais heureusement, il est encore parmi nous, bien vivant, et je me suis imposé le devoir de ne parler que des disparus.


AUBREY BEARDSLEY[6]

[6] J’aurais voulu faire à nouveau un portrait d’Aubrey Beardsley pour qu’il rentrât dans le cadre de ce volume; mais le temps m’a fait défaut et je donne ici la préface écrite en 1907 pour la traduction de Under the Hill que me demandèrent les éditeurs, Arthur Herbert, Ltd, de Bruges. Je n’y change rien.

Peut-être a-t-on agi avec prudence en ne traduisant pas plus tôt l’œuvrette que voici. Avant que la gloire ne vînt fixer le nom d’Aubrey Beardsley dans la mémoire de tous, il eût semblé aventureux de livrer au grand public, et privé surtout de ses grâces originales, l’essai qu’est Sous la Colline. Cet essai vaut par le style, autant, sinon plus, que par la pensée. Qu’est-ce que l’auteur a prétendu dire? quel est l’apport personnel de son génie? Voilà ce que je ne me chargerai pas de démêler, car Aubrey Beardsley reste pour moi l’artiste étrange et fort, l’intelligence merveilleuse, l’enfant prodige que j’eus la joie de connaître pendant deux ans et qui m’a tellement ébloui, que je craindrais de le diminuer à mes propres yeux en me livrant à une analyse trop rigoureuse. Deux ans: bien court laps de temps dans une vie normale d’homme; mais, dans la sienne, suffisant pour que j’aie l’illusion d’avoir assisté à une longue existence, et à la plus intéressante. On a vu, dans Under the Hill, une manière de paraphrase de Tannhaüser, spirituelle et légère, de ce caprice très anglais, qui renouvelle les plus anciens sujets en les assaisonnant d’un piment moderne, en les dépaysant si l’on peut dire ou mieux, en ne les situant pas. Le petit abbé Fanfreluche et la belle Hélène n’appartiennent qu’à Aubrey.

C’est l’atmosphère dans laquelle on place une œuvre, qui la distingue des autres, et c’est surtout la Technique, ou le Style. Beardsley, dessinateur, eut une technique presque parfaite;—écrivain, il aurait peut-être atteint une égale perfection. Dans ce conte, il n’est encore qu’un amateur charmant, plein de projets et de recherches ambitieuses, mais un amateur, à la veille de passer maître ouvrier.

Il siérait de prendre Sous la Colline, pour une boutade, sans commencement ni fin, presque pour des notes jetées par un débutant, qui croit à la forme et cisèle des phrases, sans grand souci de les coordonner. J’en ai entendu beaucoup dites par lui à moi-même, alors qu’il venait de les griffonner sur une table de café, au Casino de Dieppe. Il en riait, ou il en était heureux et fier, comme un collégien qui a trouvé une belle rime. Dans sa prose, on découvre le même procédé, les mêmes trilles, les mêmes vocalises perlées, que dans ses dessins aux entrelacs précieusement compliqués. Nous aimons cela dans son œuvre plastique; nous l’aimons aussi dans sa prose, malgré qu’il n’ait pu l’amener au même degré de fini que son dessin. Ne cherchez pas, je vous en prie, une signification profonde, cachée sous ces mots, qu’un délicat a enfilés les uns aux autres, comme des pierreries multicolores sur un fil d’argent; plaisir des yeux, presque; plaisir de musicien aussi, car les harmonies pures ou bizarres le captivent comme les couleurs. Beardsley est un dilettante. Tout ce qui est beau le retient; et aussi une certaine laideur, dont il a fait de la beauté.

Il est un vrai produit de fin de siècle. Le tourmenté, le faisandé, le malsain de son art, me repousseraient peut-être autant qu’ils attirent les autres, si le hasard ne m’eût mis à même de nouer des relations amicales avec cet homme de grande intelligence, de solide culture, de goût si sûr et si varié.

Ce qui me touche par-dessus tout chez Beardsley, écrivain, c’est son amour de la langue française, qu’il ne parlait pas volontiers, bien qu’elle eût peu de secrets pour lui. Il rêvait d’incorporer à sa langue certains de nos mots dont la sonorité l’enchantait, au cours de ses lectures quotidiennes. Comment est-il parvenu à se faire l’éducation dont il donnait la preuve, le plus simplement du monde, dans la conversation en français? Le culte de l’article de Paris, la connaissance superficielle des choses de chez nous, qui nous touchent chez les Étrangers, par la bonne volonté dont ils témoignent, et nous irritent aussi parfois un peu, Aubrey les dépassa bien vite. Le Courrier français, auquel il collabora et où il réussit du premier coup, représente assez cette fantaisie montmartroise dont la mousse enivre les cerveaux des Américains, des Anglais et des Allemands, dont regorgent nos ateliers de peinture. Il n’y fut pas insensible, mais son flair et sa lucidité lui ouvrirent de plus lointaines perspectives et, comme il n’aurait pu se contenter de si peu, s’étant mis avec sa sœur Mabel à lire du français, ils allèrent tous deux, bien vite, au meilleur et au plus difficile.

Ai-je jamais entendu un de mes compatriotes parler de Molière et de Racine comme lui? Racine surtout qui reste fermé à la plupart, il le savait par cœur, et il récitait les chœurs d’Athalie et d’Esther comme des prières. Il vivait dans le dix-septième et dans le dix-huitième siècles. On sait qu’il songea à traduire les Confessions, à faire un ouvrage sur Jean-Jacques et un essai sur les Liaisons dangereuses. George Sand, Chateaubriand, Balzac, il les étudia à fond. Pour Balzac, il avait une passion et, les personnages de ses romans, Aubrey les connaissait comme des membres de sa famille. Je n’oublierai jamais des après-midi passées dans la chambre où Charles Conder exécutait ses ingénieuses lithographies pour la Fille aux yeux d’or. Celui-ci voyait en Dieppe un décor pour tous les actes de la Comédie humaine; il n’était alors question que de Balzac; et pour ce petit monde, gêné pour désigner un objet dans un magasin, Balzac était discuté comme il aurait pu l’être dans un cénacle de lettrés français. Gautier, Baudelaire, Verlaine n’eurent pas de plus fervent adorateur que Beardsley. La Dame aux Camélias prenait à ses yeux de malade une importance toute particulière. Il l’enveloppait de je ne sais quelle prestigieuse poésie; il n’eut de cesse que je le menasse chez Alexandre Dumas, à Puys. Inénarrable visite, où le romancier fut vite conquis par le charme juvénile du dessinateur, dont je traduisais, au cours de l’entretien, les questions et les délicats compliments. Mrs. Mabel Wright doit avoir encore sur quelque rayon de sa bibliothèque, le volume de la Dame aux Camélias, que Dumas offrit à son frère avec une belle dédicace.

Mais, me voici tenté de conter mes souvenirs, et, pour cela je suis assez embarrassé.

En effet, c’est une préface qu’on m’a fait l’honneur de me demander; quand j’en fus averti, je commençai par m’en réjouir; puis, je réfléchis qu’une préface pour Under the Hill serait une entreprise au-dessus de mes forces. Alors, puisque l’on m’assurait que tout ce que je savais de Beardsley méritait d’être dit, je mis ma mémoire à contribution.

Des souvenirs surgirent en foule et, pendant quelques jours, je revécus par la pensée avec le cher garçon dont j’avais fait la connaissance deux ans avant sa mort, déjà atteint du terrible mal auquel il allait succomber, mais encore fiévreusement passionné et brillant, dans ses heures de répit. J’évoquais les journées de flânerie et de travail à mes côtés, les bavardages sans fin que nous avions ensemble, le matin, sur la plage, au milieu des baigneurs, l’après-midi en arpentant les pelouses de la rue Aguado et à l’Hôtel des Étrangers, où sa mère, bonne et tendrement inquiète, l’attendait toujours, le regardait en frémissant quand nous rentrions d’une promenade trop fatigante.

J’avais déjà rédigé ces souvenirs, quand je repris le livre d’Arthur Symons consacré à mon ami et je constatai que je ne faisais que répéter des choses si bien dites avant moi; en effet, nous passâmes, tous les deux, l’été de 1895 à Dieppe, en compagnie de Beardsley. Nous le voyions à chaque instant; une perpétuelle agitation et la terreur de la solitude lui faisaient saisir le moindre prétexte pour abandonner ses dessins. Il venait nous chercher, ou nous le rencontrions au dehors, portant sous son bras la vieille reliure Louis XIV de maroquin rouge à fers dorés, qui lui servait d’enveloppe pour ses notes écrites. Symons et moi, nous étions ses auditeurs attentifs, nous recueillions ses boutades et ses paradoxes. Peut-être, en ma qualité de Français, ai-je été plus touché que Symons par l’étrangeté du personnage; peut-être m’apparut-elle plus exceptionnelle, cette excentricité anglo-saxonne, si habitué que je sois à l’humeur britannique. Le décor de notre vieille ville normande, si provinciale, en dépit de son Casino et de ses bains cosmopolites, où je vis passer tant de curieuses figures, depuis trente ans; la lumière de cet endroit où s’écoulèrent toutes mes vacances de Parisien, mettaient en un vif relief la silhouette du fin artiste, de cet élégant et anguleux dandy, encore tout imprégné de l’âcre odeur de Londres.

Son visage émacié présentait un nez très busqué et très osseux entre deux petits yeux perçants, couleur de noisette, sous des cheveux de ce blond-acajou, dit «auburn», que séparait en bandeaux, sur un front bombé, une raie soigneusement faite. Toujours vêtu, le jour, d’un costume gris clair, une fleur à la boutonnière, ganté, il tenait verticalement, par le milieu, une grosse canne de jonc, dont il frappait le sol pour scander ses phrases et accompagner ses mots. Il avait infiniment d’esprit, un langage recherché et les plus gracieuses façons du monde. Un peu voûté, il tâchait de redresser sa haute taille, dans un perpétuel effort de ne pas paraître malade. La maladie lui faisait horreur et, dès que le sourire retombait, son expression devenait sauvagement douloureuse. A la moindre brise, il s’enveloppait d’un plaid de voyage ou dans un mac-farlane, dont les ailes gonflées par le vent du large, le faisaient ressembler à une énorme chauve-souris.

Beardsley vint sonner à ma porte, accompagné par des amis qui ont déjà presque tous disparu, et dont certains—lui le premier—auraient à peine atteint à la maturité aujourd’hui. Et cela semble si loin dans le passé!

Le bon géant Fritz Thaulow—mort lui aussi—vivait à Dieppe avec son heureuse et noble famille. Il ouvrait, très hospitalier, sa maison à tous les artistes qui passaient. Thaulow et Charles Conder me présentèrent un petit groupe d’Anglais qu’un même bateau avait amenés. C’était le poète Alfred Dowson, bohème à la Verlaine, qui fut vite enlevé, après avoir signé de beaux vers; c’était Arthur Symons et quelques autres, suivis de l’éditeur Smithers, à l’éternel gibus, et flanqué d’une demoiselle de bar, ensevelie sous un immense chapeau à plumes. On aurait dit d’une société venue sur le continent pour une Bank Holyday. C’étaient pourtant les rédacteurs et les principaux artistes du magazine Savoy, dont j’attendais avec impatience chaque nouveau fascicule, à la couverture rose et parée d’un dessin pointillé d’Aubrey Beardsley. Ces jeunes gens s’ingéniaient à scandaliser leur pays et n’auraient reculé devant rien pour se signaler, à une intéressante époque de l’histoire artistique et littéraire de l’Angleterre; retenons cette date: 1896. Le long règne de la pieuse et sévère Victoria, Impératrice des Indes, déclinait. Burne-Jones venait d’être fait baronnet; Whistler commençait d’être sacré grand peintre, après ses batailles livrées à la Grosvenor Gallery, où les Indépendants et les snobs s’allaient pâmer devant toute œuvre refusée à la Royal Academy. C’est alors qu’Oscar Wilde, triomphant, se promène dans Piccadilly, un grand tournesol à la main. Les opéras de Wagner sont donnés dans deux théâtres à la fois, où se presse, religieusement silencieux, ce public d’esthètes, si bien croqués par Aubrey Beardsley dans une de ses fameuses planches: Wagnerites. Sarah Bernhardt et Réjane jouent des pièces françaises; George Moore célèbre Manet, Degas, Zola et Goncourt. Le seul nom de Balzac gonfle la gorge de ceux-là même qui n’ont rien lu de lui; William Morris, poète, sociologue et tapissier, poursuit de sa haine l’acajou victorien et met à la portée du bourgeois un ameublement moyen-âgeux, dans le goût des préraphaélites.

La société anglaise se réveille d’un long sommeil et secoue son indifférence pour tout ce qui n’est pas le sport. Un nouveau snobisme va la jeter dans les bras des artistes; elle attend quelque chose et se prépare à s’amuser d’autre façon. Dans cette atmosphère surchauffée, parmi les révoltés et les novateurs, voici venir le jeune Beardsley. Il s’avance d’un pas mesuré; il va, élégant et fluet, allonger subrepticement un coup de pied dans les vitres de Buckingham Palace, d’où la vieille souveraine observe et condamne ses sujets. On sait que sa majestueuse indulgence est réservée pour les Philistins. Voici Beardsley, grave et ironique à la fois, tenant au-dessus de sa tête de magnifiques plats chargés de paons, de rares poissons et de fruits exotiques. Des parfums énervants fument dans des cassolettes. En cadence, comme quelque personnage d’un conte d’Henri de Régnier, il présente en une sorte d’entrée de ballet, mille objets bizarres, qu’on dirait tirés du fourgon des rois mages. Ses mets sont composites, à l’arôme inquiétant: le chef qui en prépare les sauces et en dressa la parure, dédaigne la classique cuisson des rôtis nationaux.

Beardsley va rénover la fantaisie anglaise, cruelle et poétique, froide et qui dissimule ses émotions, si elle en a; il est ironique, gouailleur, et poète à la façon du clown shakespearien; sceptique, exubérant tour à tour et retenu; surtout amer, jusque dans ses éclats de gaîté.

Ma pensée se plaît à l’associer à un autre de mes amis très regretté et qui me fut si cher, au candide et charmant Jules Laforgue, que je vis, dix ans plus tôt, passer, toussant lui aussi, et blême comme ce Pierrot qu’ils aimèrent tous les deux. L’humour de Under the Hill reçoit comme un reflet des Moralités Légendaires. J’imagine ces deux jeunes malades se rencontrant dans la nuit élyséenne, se saluer cérémonieusement, danser un grave menuet dans un rayon pâle de la lune, puis s’évanouir comme deux ombres...

Ils avaient beaucoup regardé et beaucoup ri tous les deux, pendant leur vie terrestre, et si la mort n’avait pas si vite jeté son dévolu sur ces deux frêles proies, l’un ne serait pas devenu le chrétien, ni l’autre le chimérique amoureux qu’ils se montrèrent, avant de nous quitter. Ils demeureront comme le produit, très marqué, de la civilisation, dans deux grandes capitales à la fin du dix-neuvième siècle. Laforgue, quoique provincial du Midi, incarne le gavroche parisien, de l’heure inquiète qu’il vécut. Quant à Beardsley, il fut le gamin de Londres, le vrai cockney, au rire bref et qui retombe dans une morne tristesse, après les bonds de sa morbide gaîté.

On ne peut dire de lui: «Il n’eut pas le temps de s’exprimer; que serait-il devenu?» En quelques années, il les avait comptées, il donna hâtivement, mais avec méthode, tout ce qu’il avait en lui. Heureux, ceux qui, dans ce temps de fébrile course au clocher, savent tôt se fixer et entrevoient, dès leurs débuts, l’arabesque qu’ils auront à tracer. L’enfant prodigue des soirées de Brighton, le petit pianiste faiseur de Christmas cards et de Menus pour les dîners, trouve à quinze ans sa formule. Indiquons—rapidement, puisque M. de Montesquiou y insista avec ingéniosité et éclat,—les influences qu’il subit et rappelons ce que Burne-Jones proposa à son admiration, tant qu’il l’eut pour élève. Une vision, toute anglaise, de l’antiquité classique, de la Renaissance italienne, des estampes japonaises et des dessins du dix-huitième siècle français; et un sens très aigu du grotesque moderne: voilà ce dont Beardsley fait preuve, dans ses compositions. Il ne représente pas avec fidélité ses contemporains; au contraire, il les déforme, les habille à l’antique; les dévêt ou les pare d’atours empruntés; mais leurs gestes sont d’aujourd’hui. S’ils parlaient, leur parler serait le nôtre. Les salles bizarres et les jardins fantastiques où ils minaudent, donnent sur la rue bruyante de hansom cabs et d’omnibus roulants. Ses dessins sont des affiches toutes prêtes à être agrandies pour les murs de Londres. Malgré tous les paraphes et la complication calligraphique dont il l’enveloppe, son écriture, même de loin, reste lisible; le graveur héraldique et l’imagier médiéval prêtent leur art exact au caprice du jeune décadent, à l’irrespectueux satiriste. Il n’est pas peintre: il est maître en blanc et noir; c’est pour l’imprimerie qu’il travaille. L’illustration et l’affiche ne sont-elles pas l’Art même de ce temps?

Beardsley ne fit pas de peinture à l’huile, mais projetait sans cesse d’en faire. Un jour, le voyant tenté par ma boîte à couleurs, je le laissai seul dans l’atelier du Bas-Fort-blanc dont la baie s’ouvre sur les rochers où les enfants pêchent la crevette. L’après-midi d’août était glorieux. Je pars en promenade. Quand je rentrai, la grande toile mise à sa disposition était couverte d’un très beau dessin au fusain qu’il ne colora jamais, mais que je ne puis me consoler d’avoir vu effacer d’un coup de gant. C’était un épisode rapporté par George Sand: Liszt, marchant dans la campagne, s’enfonce dans un champ de pavots dont les têtes sont pour lui autant d’instrumentistes. Le musicien inspiré, brandit sa canne, comme un bâton de Kapellmeister, et bat la mesure, croyant conduire un orchestre innombrable.

Le mouvement du personnage, coiffé d’un feutre mou, ses longs cheveux bouclés, était d’un geste superbe; mais le bâton menait une symphonie macabre et l’on eût dit qu’il voulait plutôt faucher ces têtes aux corolles agitées. Tout ce que faisait Beardsley exhalait l’odeur de la mort.

Je ne le connus qu’affaibli et se préparant à prendre congé de nous. Implorait-il avec résignation le Crucifix qu’avait mis, entre ses doigts fiévreux, le prêtre catholique? Espérons que la Foi rendit moins déchirantes ses rêveries de jeune condamné, à la porte du cimetière.

Je le surpris souvent penché sur sa table, dessinant dans sa chambre d’hôtel; il était rentré las de ses allées et venues sur la terrasse du Casino. Grisé des flonflons du bal et du bruit des Petits chevaux, dans lequel Under the Hill fut presque en entier écrit, il revenait sagement à son ouvrage. Travail appliqué, minutieux, sans ratures, conduit comme celui d’un moine enluminant une page de missel. Ainsi courbé sur la feuille de papier bristol, les petites plumes d’or, les grattoirs rangés avec ordre, il accomplissait une sorte de pieuse tâche, sous le regard du Christ en croix, accroché au mur devant lui. Ce nouveau Tannhaüser, on serait tenté de le croire, était obsédé par des visions du Vénusberg et les cuivres de la bacchanale, qui vibraient parfois dans ses oreilles. Il y a comme la déformation d’une cagoule de frère de la Miséricorde, dans certains de ses personnages ambigus, mi-Arlequin, mi-Carlin, qu’il faisait rôder dans ses mascarades et qui y répandent une odeur de mort. Tous ces personnages sont enfants de son cerveau ou comme autant de doubles de sa personne.

Même malade, ainsi qu’il était en 1895, et tenaillé par l’effroi du lendemain, son imagination d’illustrateur était follement libertine, hantée de monstres aux gestes douteux, qui offrent au public toute liberté de malveillante interprétation. Nous sommes loin de ses légères vignettes pour la Mort d’Arthur. Son premier public fut sans doute très peu naïf, car il attribua un sens obscène aux moindres détails des dessins parus dans le Savoy et dans le Yellow Book, même aux fleurs de la si curieuse Madone, peut-être le chef-d’œuvre de Beardsley. On contait tant de choses sur sa vie factice et il s’était volontairement créé une telle réputation d’excentrique et de blasphémateur, qu’on le voyait toujours plus ou moins célébrer une messe noire. Je ne me sentis jamais très à l’aise entre ce que je devinais de ses rêves païens et ses sentiments pieux de jeune catéchumène, entre l’artiste et l’homme; d’autant qu’il ne s’expliquait pas sur ce point et demeurait plein de retenue.

Il y eut, à la fin du dix-neuvième siècle, beaucoup de conversions, à Londres. Ce fut une mode et un engouement parmi les gens cultivés d’embrasser le catholicisme, au moment où s’achevait la surprenante cathédrale byzantine, le plus bel édifice moderne de la ville, sinon la plus belle église élevée de nos jours; théâtrale, sombre, pleine d’encens et d’une mise en scène émouvante. Elle attirait ceux que le culte protestant rebute par sa froideur. Parsifal, Amfortas et la repentante ensorceleuse Kundry, semblaient se cacher derrière les piliers de la nef, près de ces fidèles britanniques, pour qui il n’est guère de plaisir sans que l’âme du Pasteur ne rôde dans la ruelle du lit comme une menace. Aubrey devait venir bientôt tremper son doigt dans le bénitier de la basilique au retour de ses randonnées nocturnes.

Si l’on établit sans difficultés les parentés artistiques d’Aubrey Beardsley, l’homme et l’écrivain qu’il souhaita d’être, et qu’il laissa seulement entrevoir, sont plus complexes. Il fut un pur «cérébral» et, comme tel, un des plus accentués entre les jeunes hommes de sa sceptique et raisonneuse génération; avide de jouir (trait commun à tous les Anglais d’aujourd’hui), sans respect et n’arrêtant son froid regard que sur les aspects brillants ou comiquement grotesques des gens et des choses. La pitié n’était pas son fait; mais il faut attribuer à son état physique une part de son égoïsme. Il était personnel, et cela, d’une façon presque touchante, tant il y avait de l’enfant malade chez lui. Je me rappelle qu’il disait: «Ce dont j’aurais besoin, ce serait d’une bonne nourrice qui me dorloterait.» Et il avait pourtant avec lui son excellente mère et sa sœur Mabel, l’ex-compagne de ses heures de joies, alors toutes tendues vers ses caprices et s’ingéniant à rendre sa longue agonie plus douce. Les dernières fois que je le vis, encore plus creusé et plus faible, il ne pouvait plus se supporter lui-même.

Je rejoignis Aubrey dans l’automne de 97, à Paris, avant son départ pour le midi où il devait hiverner. Il était descendu à l’hôtel Foyot, au milieu du quartier Latin dont il était si curieux. Nous dînions parfois ensemble, dans le restaurant. Les lumières et les conversations de nos voisins de table lui communiquaient une passagère excitation, à peine suffisante pour chasser, pendant quelques instants, ses lugubres visions de mort. Il tenait alors les propos, qui m’aidèrent le mieux à le comprendre.—C’est un écrivain, surtout, qu’il ambitionnait d’être et c’était là, chez lui, une sorte de coquetterie, presque une manie. Sa passion pour l’art français du dix-huitième siècle, était alors dans toute son intensité, et l’influence de notre littérature le dominait complètement. Notons que les meilleurs artistes anglais, depuis un quart de siècle, ont subi l’influence française, comme nos romantiques de 1830, celle de l’Angleterre.

Aubrey, ne pouvant plus supporter le climat de son pays, venait donc à Paris, comme il aurait souhaité d’y venir à ses débuts. Si les bouquinistes des quais de la Seine le requéraient, les plaisirs auxquels il ne prenait pas part, mais qu’il devinait autour de lui, lui donnaient l’illusion de l’activité et de la vie. Il me fit part de tous ses projets d’écrivain. Chaque jour, c’était un nouvel ouvrage dont il établissait le plan. Des phrases détachées, d’abord, des mots d’esprit, comme les motifs qu’un musicien note avant de composer une partition. Les sujets? ils avaient beaucoup d’analogie avec ceux des Moralités Légendaires et, sachant qu’il ne connaissait pas Laforgue, je m’interdisais de les lui signaler. Si charmant et bon ami qu’il fût, si affectueux dans ses rapports avec nous, je dois avouer qu’il y avait un manque absolu de tendresse et d’émotion dans les belles histoires qu’il voulait conter; je n’y distinguai jamais une philosophie, une morale—et pourtant l’heure avait sonné pour lui des réflexions graves—. Même dans ses livres, il est probable qu’il eût été un pur et simple amant de la Beauté, de la Forme et de l’Art pour l’Art. Peut-être, après tout, craignait-il de se faire trop connaître, peut-être dissimulait-il les mouvements de son cœur...

Celui qui doit vivre peu de temps, s’il a beaucoup à faire ici-bas, a le droit d’être excusé s’il s’arrête souvent sur sa courte route, pour regarder et parfois pour rire. Il y a tant de beauté, autour de nous, et tant de hideurs aussi, de quoi se réjouir ou se moquer, avant que la lassitude ne vienne!—Elle ne vint pas au pauvre Beardsley, car les dernières lettres que je reçus de lui, révélaient une curiosité toujours aussi éveillée.

Telle est la dernière impression que j’eus de mon ami. Je veux croire que la richesse de ses visions d’artiste embellit même ses derniers moments.


NOTES SUR MANET

La vieille amie de Madame Manet mère, chez qui je déjeunais entre les cours du Lycée Condorcet, me montrait une photographie, la Charlotte Corday de Tony-Robert Fleury, fils d’une autre de ses camarades d’enfance. Mme X. me disait: «Regarde cela; au moins, cela, c’est distingué. Ce n’est pas comme ce pauvre Edouard! Il est bien gentil garçon, Edouard; mais ce qu’il fait est si commun; c’est pénible pour une femme comme Madame Manet.» La vieille amie de Madame Manet, de mes parents et de tant de gens que j’ai connus, était une personne, comme ceux-ci, d’un «comme il faut» qui n’existe plus.

Portrait de la mère d’Edouard Manet, dans son bonnet à rubans, à côté de son vieux magistrat de mari, figure d’entêtement et d’obscurité. Elle fine, bien plus fine en réalité, que dans le tableau d’Edouard.—«Voilà le portrait de ses parents: on dirait deux concierges!» Pourtant cela me semblait très beau—à moi!

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Mon père, sentant que j’aime la peinture de Manet, me dit une fois: «Oui, c’est drôle; il y a quelque chose là-dedans. J’ai été en pourparlers pour acheter à Edouard son Déjeuner sur l’herbe; il y avait un panneau de mesure dans la salle à manger. Ta maman a craint la nudité de la baigneuse. Après tout, elle avait peut-être raison; mais on aurait pu le mettre de côté, ce tableau, et tu l’aurais eu, pour plus tard.» Quels regrets, aujourd’hui!

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Je devais avoir treize ou quatorze ans, quand on me conduisit dans l’atelier de Manet, son premier atelier de la rue de Saint-Pétersbourg; il donnait sur le pont de l’Europe, en plein midi; un salon à boiseries brunes et dorées, rez-de-chaussée que je vois encore comme si j’y étais. Sur le mur, la toile qui représente M. et Mme Astruc jouant de la mandoline. On était convié à regarder un portrait de Desboutin, avec le lévrier rose; mais je me rappelle, à droite du personnage, une chaise de jardin verte, un X qui m’avait beaucoup frappé et dont il n’y a plus trace dans la toile réexposée depuis.

Fut-ce cette fois, ou plus tard, que je vis, sur le chevalet le Linge, tout frais alors et si éblouissant de clarté, d’un bleu si vif et si gai, qu’on avait envie de chanter? Comme la peinture moderne se plombe! A peine le temps de songer à autre chose, et un tableau hier encore brillant, est déjà comme calciné, détruit. Nous admirons des ruines, des ruines de la veille. Vous ne savez pas ce que fut le Linge à son apparition. Je croirais devoir m’en prendre à moi-même, ou à déplorer l’état de mes yeux, si, depuis cinq ans, je n’avais assisté à la destruction d’un chef-d’œuvre de Delacroix, au musée de Rouen. Je l’ai vu se ternir, se craqueler et maintenant c’est une bouillie brune.

Comment Manet pouvait-il travailler dans ce salon qu’envahissait le soleil? C’est là que furent exécutés le paysage et les personnages du Linge. Non, je ne crois pas qu’il ait été peint en plein air. Le Bal de l’Opéra fut peint aussi dans l’atelier, l’après-midi, sans même essayer de donner l’illusion d’un effet du soir. Telle est l’Ecole réaliste au moment où l’on croit au Réalisme. Zola prend la plume, mais c’est du romantisme qu’il défend, non de la vérité crue. Manet est un romantique attardé et déformé.

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Tout le monde connaît le visage de Manet, ce joli homme blond, gracieux, élégant, cravaté d’une Lavallière bleue à pois. Rieur, plus charmant que ses portraits. Oui, charmant, aimable, souriant, sa voix un peu enrouée avait des caresses. Ce qui me frappait, c’était l’embarras où il semblait mettre ses familiers. Il avait des amis, on l’aimait, mais il est certain qu’on l’admirait peu et l’on ne savait quelle attitude tenir quand il fallait s’exprimer sur son compte. On croyait peu en lui. Peut-être Claude Monet, Renoir avaient-ils de l’admiration; pourtant M. Degas, qui, depuis, a souvent répété: «Nous ne savions pas qu’il était si fort», M. Degas parlait de lui avec dureté. «Il est plus connu que Garibaldi, dites, quoi?» Voilà ce qu’on ne pouvait lui pardonner, même du haut de l’Olympe, où M. Degas s’était déjà juché; mais M. Degas avait des droits à l’Olympe. Manet, lui, était ici-bas beaucoup plus humble, sensible à la critique comme les autres, ambitieux de médailles, de décorations. Il désirait faire des portraits de jolies femmes. Il ne perdit jamais sa naïveté d’écolier.

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Séance de Mlle Suzette Lemaire; pastels; Manet peine, se courbe, se retourne vers le petit miroir qu’il tient à sa gauche et où se reflète, inverti, le joli visage de la jeune fille. Manet veut prouver à Mme Madeleine Lemaire qu’il peut faire concurrence à Chaplin, le maître portraitiste de ces dames.

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Manet ne travaillait que pour le «Salon». Les tableaux qui restent de lui sont «des Salons». Il fit relativement peu d’études, presque pas de dessins ou de croquis. Ce gentil causeur d’atelier et de café, qui veut plaire, aime la vie en commun, le boulevard, Tortoni, le café de Bade. Il prépare des «Salons» comme un élève de l’Ecole, comme un Prix de Rome, et il les fait d’actualité, se sert des modèles qu’il a à sa portée; heureusement, l’époque a encore une grâce à elle; le Paris de Manet a une saveur qui parfume ses œuvres les plus frêles.

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Le Paris de Manet s’étend des Champs-Elysées à Montmartre en hiver, et jusqu’à Bougival et Argenteuil en été. L’île de France, chère aux impressionnistes, le paysage doux, mais médiocre des bords de la Seine dans la banlieue; maisons blanches et roses, pauvrettes dans leurs jardinets fleuris de géraniums, autour d’une boule de verre. Il aime les bancs verts et les arrosoirs, les petites barques à voile sur la rivière; mais l’âcre saveur de sa couleur et la nervosité de son pinceau donnent à toutes choses, si humbles soient-elles, le style et la noblesse—sa pâte, si soigneusement appliquée sur la toile, sa touche brusque et réfléchie à la fois, l’extrême soin avec lequel il cerne ses contours, peinant, effaçant, recommençant jusqu’à ce que la surface soit belle et pure, donnant au tableau de la force, de la propreté, quelque chose de définitif. Tout y a du poids, et pourtant on dirait d’une esquisse enlevée de verve. Ce parfum d’esquisse, la fraîcheur et le primesaut sont tels après de nombreuses séances de lutte, qu’à la première heure d’ébauche. Manet sait reprendre, sans salir; la fleur de sa palette ne se fane pas. Je ne le vis peindre que déjà malade, à la fin de sa vie, dans le second atelier de la rue de Saint-Pétersbourg; ce n’était plus la période espagnole, le beau temps de ses chefs-d’œuvre monochromes, immobiles et privés d’air; quand il m’admit à le regarder peindre, il était à la remorque des impressionnistes et leur prisonnier—pourtant il les dépassait de toute la hauteur de son superbe métier—Pertuiset, le tueur de lions; Jeanne; le Bar: tels sont mes souvenirs les plus précis. Vous qui n’avez pas vu ces œuvres à leur naissance, vous ne pouvez imaginer la violence et la crudité des couleurs dont elles éclataient. Les unes se sont calmées en prenant un bel émail, tel le Pertuiset; Jeanne et le Bar ont baissé de ton et se sont amortis. Les gris du Pertuiset furent des violets fouettés de rose; les chairs étaient rouges comme des pivoines, le paysage acide et brutal comme un décor russe. Manet, vite fatigué, allait s’asseoir sur un canapé bas, à contre-jour, sous la fenêtre, et contemplait son œuvre en tordant nerveusement sa moustache, ayant un geste de gamin qui dirait: «chic! chouette!» Mais était-il sûr de lui-même? Peut-être, car son nom flottait comme un drapeau de révolte, il était soutenu et «monté» sans cesse comme un candidat éloquent pendant une période électorale.

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Le deuxième atelier de la rue de Saint-Pétersbourg, où je le connus, était un vrai atelier recevant le jour du Nord, banal et froid, au fond d’une cour pleine d’ateliers d’artistes; à côté de lui, c’était Henry Dupray, le joyeux peintre militaire, qui sonnait de la trompe, jouait du tambour et amusait tout le monde avec son esprit de brave garçon tapageur et sentimental. Devant la porte de Manet, de vagues pots de fleurs et des bacs verts avec des arbustes, comme à la terrasse d’un restaurant. Une grande promiscuité entre voisins; l’atelier de Manet était le rendez-vous de tous.

Je le revois surtout malade, s’appuyer sur une canne plombée, se tenant difficilement en équilibre sur ses semelles de caoutchouc. Il était fier de son joli pied chaussé de bottines anglaises; souvent vêtu d’une Norfolk Jacket à plis et à ceinture, tel qu’un chasseur, très élégant. Dans le coin, à droite de l’entrée, affalé sur le divan rouge, il est entouré d’Albert Wolff, d’Aurélien Scholl, de boulevardiers et de jolies demi-mondaines. Charles Ephrussi, Marcel Bernstein, le père d’Henri, commencent à acheter ses pastels, non pas qu’ils apprécient une peinture indigne de figurer à côté des gouaches de Gustave Moreau, sur des boiseries Louis XV authentiques; mais on aime Manet et puis on ne sait pas, après tout, s’il n’est pas un grand maître! Les conversations s’engagent légères, piquantes. Vers cinq heures on peut à peine trouver place auprès de l’artiste. Sur un guéridon de fer, accessoire qui revient souvent dans l’œuvre de Manet, un garçon de café sert des bocks de bière et des apéritifs. Les habitués montent du boulevard tenir compagnie à leur camarade. Emmanuel Chabrier chantonne et fait des mots.

Un jour, Manet me dit: «Apportez une brioche, je veux vous voir peindre une brioche: si l’on sait peindre une brioche, c’est qu’on est un peintre!» J’ai encore la petite toile pâlotte que je barbouillai sous ses yeux et dont il eut la bonté de paraître content. «Cet animal-là, il vous fait une brioche comme père et mère!»: 27 octobre 1881, 27, rue de Saint-Pétersbourg.

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J’ai eu l’avantage de faire mes débuts à une époque où vivaient encore des artistes pour qui peindre, la peinture, le métier, étaient, en soi, une haute et magnifique fonction. Les jeunes gens n’ont plus l’intelligence de ces mots, leur pensée et leurs devoirs sont ailleurs. M. Henri Bidou me conseillait d’aller admirer au Salon d’Automne la dernière œuvre de M. Laprade, le port de Marseille. «C’est dessiné, établi à la façon d’un classique, cela rappelle Corot et même Poussin». Curieux, je me précipite vers le nouveau chef-d’œuvre: je me trouve en présence d’une esquisse vague, cotonneuse, d’une couleur de boue. Le désordre, l’hésitation, la facilité. Les mots ont sans doute un sens nouveau. Dans la salle voisine, on a réuni quelques toiles de Bazille, mort à 26 ans, pendant la guerre de 1870, de Bazille l’ami de Manet. Le public passe indifférent et se demande ce que font ici ces choses démodées et sans intérêt. Bazille n’était pas plus un génie que M. Laprade. Il était, comme lui, un peintre; il avait moins de prétentions et respirait un air plus sain, reposait ses yeux sur des objets plus familiers, qu’il prenait une peine touchante de «rendre» simplement, honnêtement, patiemment. De ses toiles s’exhale un parfum délicieux de pureté, de propreté morale, d’ingénuité. Manet ne fut pas différent; mais il était né pour de plus hauts destins, sa flamme intérieure était plus claire. Il avait un peu de génie. Il en avait comparé aux autres, ses contemporains et ses successeurs. Il en eut, certes, beaucoup, quand il peignit l’Olympia.

Simplicité, application, honnêteté, labeur, naïveté: divines qualités que pouvait se permettre, il y a quarante ans encore, un révolutionnaire, un révolté. Ces braves gens faisaient partie d’une société organisée. Envions leur sort; enviez leur sort, débutants d’aujourd’hui: ils croyaient savoir ce vers quoi ils marchaient et leurs ambitions n’excédaient pas leurs dons.

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Je crois bien me rappeler l’attitude de Manet en face de Cézanne et il me semble que Cézanne était admiré pour ses réelles qualités, mais, un peu, comme un «douanier Rousseau», conscient de ce qu’il fait. Quel plaisir me donnèrent les paysages et la nature-morte—pommes rouges et pot au lait en fer-blanc—que j’avais achetés chez le père Tanguy, vers 1888! nous étions quelques-uns qui jouissions physiquement de la rareté de leur pâte et de leur ton—comme d’un émail ou d’un fragment de poterie persane. La forme nous amusait comme un dessin d’enfant. Nous n’étions pas prévenus à leur endroit. M. Berenson n’a rien ajouté à notre culte pour avoir dressé Cézanne à côté des grands primitifs italiens. Les deux sentiments étaient identiques, mais l’expression du nôtre était plus modérée et peut-être plus appropriée.

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Pendant les deux ans où j’ai fréquenté Manet, je ne crois pas qu’il fût très conscient de ce qu’il peignait; jouissant de sa réputation d’artiste original et révolutionnaire, chef d’école dont se réclamaient Gervex, Duez, Bastien, Lepage et autres enfants prodiges, il semblait envier les succès matériels de ceux-ci; il avait vers eux les yeux plus souvent tournés que vers Renoir, Monet, Pissarro, Degas. Manet était un bon garçon, léger: le succès devait lui être plus précieux au Boulevard qu’auprès de M. Degas, dont l’acharnement spirituel le torturait. Oui, l’on était très simple dans ce temps-là. «Il était plus grand que nous ne le croyions! ce Manet», dit M. Degas, quand, à cinquante ans, il disparut. Opinion trop tardive!

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L’atelier du 77 rue de Saint-Pétersbourg n’était guère celui où l’on se figure un maître dont l’influence domine la fin du dix-neuvième siècle et le commencement du vingtième. Encombré de vieilles toiles, oubliées alors, roulées pour la plupart, et dont plusieurs chefs-d’œuvre, il ressemblait à ceux où mes camarades faisaient semblant de travailler. Quelques rares meubles de hasard, un buffet de restaurant, où appuya ses mains la fille au corsage bleu du «Bar aux Folies-Bergères»; quelques pots de fleurs et une table où s’asseyent les amoureux de «chez le père Lathuile»; quelques bouteilles de vin de champagne; le miroir à pied de «Nana». Sur des chevalets, quelques pastels, dont George Moore et Méry Laurent, la luxuriante amie de Henry Dupray, visiteuse quotidienne de Manet, à l’heure où l’on vient bavarder et rire. Sur les chaises, un corsage de soie, un chapeau, qu’après le départ du modèle, Manet copie, ou croit copier, avec effort et application. Je me rappelle la robe de «Jeanne» et son ombrelle qui traînèrent là longtemps à côté des rhododendrons fanés, qui avaient servi de fond; et je me rappelle surtout combien différente du modèle était l’interprétation de Manet. Le maître me disait: «N’est-ce pas, c’est bien ça? c’est soyeux, riche, élégant, c’est bien une élégante?» et son gentil geste du bras, comme fauchant l’air, et la main droite faisant claquer ses doigts, donnait plus d’autorité à une voix faible et comme lointaine, de malade. Nulle gêne, mais peu de respect, semble-t-il, trop peu, autour de l’ami qu’on aimait, mais qu’on ne pouvait prendre au sérieux. Sans doute à cause de sa gentillesse.

«Eh! là, l’amateur! voilà qu’il file avec son cadre sous le bras...! allez donc dire aux marchands que ce n’est tout de même pas plus mal que Duez», et Manet rit de me voir emporter une tête au pastel, Méry Laurent coiffée d’une toque de lophophore, dans une jaquette grise garnie de skungs que j’ai obtenu que mon père m’achetât...

On regrette de n’avoir pas mieux connu l’excellent homme, de ne pas lui avoir parlé avec la tendresse et la vénération qu’il méritait. Mais peut-être préférait-il la camaraderie libre et gouailleuse, qui tant me choquait alors, à ma réserve silencieuse de petit jeune homme bien dressé. Alfred Stevens, ce gros Belge de Paris, si bon peintre, la veille encore, mais d’intelligence si limitée, c’est lui qui paraissait le pontife dans ce milieu artiste; un pontife au chapeau penché sur l’oreille, type de préfet du Second Empire, ou de colonel de cavalerie en goguette. Fantin avait une affection fraternelle pour Manet, mais farouche, il ne se serait pas risqué dans l’atelier du 77 rue de Saint-Pétersbourg. Il avait été quelquefois, jadis, chez M. et Mme Manet, du temps où des séances de musique de chambre étaient données par le vieux magistrat; Madame Edouard Manet ne paraissait jamais à l’atelier; cet atelier était décidément une annexe du Café de Bade;—là, Edouard n’était plus le fils de M. et Mme Manet: c’était l’antre du terrible peintre, de l’excentrique dont la mère disait: «pourtant, il a copié la Vierge au Lapin, de Tintoret, vous viendrez voir cela chez moi, c’est bien copié; il pourrait peindre autrement; seulement, il a un entourage...!»

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Non, Edouard désirait faire des portraits qui plussent à sa famille. Le caractère, le dessin appuyé et dur de ses têtes, il les leur donnait malgré lui, à son insu, car il aimait «le joli».

M. Degas fut blessé et cessa de voir son ami, à cause d’un portrait double qu’il avait fait de M. et Mme Edouard Manet. Madame Manet jouait du piano. Elle était vue de profil. Cette figure fut coupée de la toile comme peu flatteuse, par la faiblesse du mari. Quant à Manet, assis en boule sur un canapé, si j’en juge par une photographie de ce beau fragment—c’était la vie même, c’était l’homme.

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«Si l’on aime la peinture de Manet, on l’aime comme Corot, comme Tourguéneff», a écrit George Moore, l’Anglais des Batignolles, ainsi qu’il était désigné quand Manet fit de lui l’étonnant pastel «aux yeux mauves, au teint vert de noyé». Plus d’un quart de siècle après la mort du peintre, Moore parle encore de lui comme s’il venait de disparaître; pour lui Paris est vide sans Manet et l’on n’y fait plus de peinture.

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Manet pasticheur.

Il n’y a pas deux tableaux dans toute son œuvre, qui n’aient été inspirés par un autre tableau, ancien ou moderne. Manet prenait, résolument, la composition d’une toile de maître, la traduisait à sa façon, recommençait l’œuvre choisie; les Espagnols, dont il a été si impressionné, dans sa plus belle manière, il les pastichait avec une volonté de faire des tableaux de musée. Personne plus que lui n’a démarqué et personne n’est plus original. Plus tard, influencé par Claude Monet, il fera du plein air, aussi polychrome que ses premières œuvres étaient blanches et noires, noires surtout; mais toujours et partout, la touche est de Manet, sa pâte est unique; la maladresse et la précision à la fois du pinceau, sa décision n’appartiennent qu’à lui. C’est «bien fait» jusque dans le lâché apparent. Il y a une plénitude dans son dessin simplifié et souvent incorrect, il y a une déformation dans le sens de la grandeur, dans son modelé. C’est grand, c’est lourd, c’est noble, même dans la nature morte. Rappelez-vous le Jambon sur un plateau d’argent! sommaire, mais robuste comme du Chardin, pourtant si moderne; on n’a jamais peint comme cela avant Manet, dont la pâte a des vertus mystérieuses. Le pinceau sait conserver le ton frais; il le pose sur la toile de telle façon que les dessous, si nombreux parfois, ne retirent rien de sa qualité limpide. Du «Guitariste» au «Linge», une révolution s’est opérée chez l’artiste; on croit à peine que les mêmes yeux aient pu voir, à quelques années de distance, si différemment. Toutefois, la griffe est reconnaissable. Toutes mes préférences sont pour la période espagnole et surtout pour «l’Olympia» qui m’apparaît comme une œuvre sans seconde dans notre âge. Comment l’homme que j’ai connu a-t-il pu mener à bien cette entreprise périlleuse: une femme nue sur un lit blanc, d’un si beau dessin, si noble, que la toile peut soutenir la comparaison avec un Titien, un Ingres?

On a parlé de Goya, à propos de l’Olympia. La duchesse d’Albe nue ou en costume de Maya. Manet a fait, aussi, une Espagnole en costume masculin, sur un sofa. Mais s’il a été hanté par des reproductions de ces deux ouvrages de Goya (dont il ne connaissait pas les originaux), combien il les a dépassés! Les Manet sont plus beaux que les Goya; ils leur ressemblent tout en étant si différents d’eux.

Un peintre de grand métier peut s’inspirer, doit s’inspirer de ce qu’il aime, et le recréer à sa façon. Il y a des artistes sans aucun intérêt ni originalité, dont la manière n’évoque aucunement le souvenir d’une autre manière. L’originalité n’est pas tant dans la conception que dans l’exécution. Les moyens sont tout en peinture, n’en déplaise à certains. Ingres a pillé—puisque l’on dit ainsi—tout ce qui lui sembla en valoir la peine. Son admirable «Thétis» est identique à une pierre gravée bien connue. Les statues grecques, les miniatures persanes étaient familières à Ingres. «L’Œdipe et le Sphynx» est fait d’après un patron, courant sur les vases étrusques. L’«Œdipe» n’est-il pas cependant le tableau le plus caractéristique du maître français?

*  *  *

C’est par la façon dont elle est faite, que l’œuvre de Manet s’impose et vivra. C’est par son fort métier que Manet aurait dû influer sur ses contemporains. Or, de sa maîtrise de technicien, il n’était pas question, jusqu’à ce que nous l’ayions découverte, beaucoup plus tard.

Nous voyons donc le même fait se reproduire pour tous les peintres: ce qui les désigne à l’attention des connaisseurs—pendant leur vie—c’est toujours la moins intéressante de leurs qualités. Certains hommes bénéficient de l’heure à laquelle ils ont paru, d’une circonstance fortuite de leur carrière; pourquoi le nom de Manet est-il devenu une sorte de référence pour les impressionnistes et les néo-impressionnistes? Il n’a pas de parents dans l’art moderne. Claude Monet combina une palette nouvelle, point Manet. Chez celui-ci, nul maniérisme mais beaucoup de hasard et de variété dans l’inspiration. Il ne fut pas théoricien. Ses phrases coutumières sur son art étaient des enfantillages aimables; il en parlait comme un «communard» amateur, de la révolution. Son œuvre est une exception, un dandysme, un objet de curiosité. Il mit du piquant dans tout ce à quoi il touchait, de la saveur, un charme inattendu. Son œuvre est une œuvre de hasard—œuvre aussi arbitraire que celle d’un Ricard ou d’un Gustave Moreau, nous pourrions dire d’un Degas. Ces artistes auraient pu être d’ailleurs et d’un autre âge. Des météores dans la nuit où se confondent les milliers de manieurs de pinceaux. Manet domine par la fatalité de son don!


TABLE DES MATIÈRES

Pages
Avant-propos 7
Fantin-Latour 11
Forain 47
James Mac Neill Whistler 79
Watts 115
Charles Conder 123
Aubrey Beardsley 135
Notes sur Manet 151

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Achevé d’imprimer
le 1er avril 1912

CE VOLUME EST MIS DANS LE
COMMERCE AU PRIX NET DE
7 FR. 50


LES
BIBLIOPHILES FANTAISISTES

Nous assistons, c’est un fait, à l’agonie du volume à 3 fr. 50. Les statistiques du dépôt légal constatent la diminution du nombre des romans qui paraissent chaque année. Est-ce à dire qu’on lise moins? Bien au contraire. Mais il s’imprime dans des collections à 95 centimes, 1 fr. 35, etc., des ouvrages tirés à cinquante mille exemplaires, ou davantage. On ne vendrait pas cinq mille exemplaires de ces mêmes ouvrages, s’ils étaient publiés à 3 fr. 50.

S’en étonner serait mal connaître les besoins modernes. S’en plaindre serait vain. Les éditeurs français n’ont fait qu’imiter leurs confrères anglais et américains qui depuis longtemps ont mis en circulation des collections à bon marché. Mais à côté de ces séries populaires, les libraires étrangers offrent au public des livres qui, sans constituer des publications de luxe réservées à quelques curieux, sont bien supérieurs, par l’élégance du format, la beauté du papier et des caractères, au banal volume jaune de nos devantures. On ne trouve rien de semblable en France.

C’est à quoi les Bibliophiles Fantaisistes se sont proposés de remédier.

Nous avons eu le rare plaisir de voir notre initiative comprise par un certain nombre d’auteurs déjà célèbres: MM. Paul Acker, Maurice Barrès, J.-E. Blanche, Henry Bordeaux, Marcel et Jacques Boulenger, René Boylesve, François de Curel, Edouard Ducoté, Claude Farrère, Gérard d’Houville, Louis Laloy, Pierre Louÿs, Paul Margueritte, Francis de Miomandre, Gabriel Mourey, Nozière, Pierre Mortier, G. de Pawlowski, Henri de Régnier, André Rivoire, Laurent Tailhade, Jérôme et Jean Tharaud, dont nous avons publié des œuvres ou avec lesquels nous avons pris des engagements.

Chacun de nos volumes est imprimé avec les caractères, le format et le papier qui nous semblent le mieux convenir au sujet. Nous arrivons ainsi à offrir à nos souscripteurs des ouvrages qui, par la manière seule dont ils sont présentés, constituent déjà des ouvrages de bibliophile.

Ils sont toujours tirés à 500 exemplaires numérotés à la presse, dont 20 au plus tirés sur papier impérial du Japon.

A dater de ce jour, les conditions de souscription sont établies comme suit: A n’importe quelle époque de l’année, tout amateur peut devenir souscripteur aux «Bibliophiles Fantaisistes», à la condition de verser à ce moment une somme de 60 francs, moyennant quoi il recevra franco par la poste et recommandés les dix premiers ouvrages à paraître dans la collection, quel que soit le prix auquel ceux-ci pourront être mis en vente séparément.

En outre, quelques souscriptions aux exemplaires de luxe seront acceptées au prix de 150 francs versés d’avance pour la série de 10 volumes.

Les exemplaires non souscrits sont mis dans le commerce à un prix variable, mais qui ne s’abaisse jamais au-dessous de 7 francs 50 pour les exemplaires ordinaires et de 18 francs pour les exemplaires sur Japon.

Les souscriptions sont reçues à la Librairie Dorbon-Aîné, 19, boulevard Haussmann, à Paris.


OUVRAGES PUBLIÉS PAR LA SOCIÉTÉ
DES BIBLIOPHILES FANTAISISTES:

Marcel Boulenger: Nos Élégances.
(15 Novembre 1908—7 Fr. 50.)

René Boylesve: La Poudre aux Yeux.
(1er Février 1909—10 Francs.)

Louis Thomas: L’Esprit de Monsieur de Talleyrand.
(1er Mai 1909—7 Fr. 50—Avec une reproduction du buste de Dantan.)
Cet ouvrage est complètement épuisé.

Jacques Boulenger: Ondine Valmore.
(15 Mai 1909—7 Fr. 50—Avec la reproduction d’une miniature.)

François de Curel: Le Solitaire de la Lune.
(10 Juin 1909—7 Fr. 50—Avec un frontispice par Armand Rassenfosse.)
Il ne reste plus que quelques exemplaires de ce volume.

Louis Laloy: Claude Debussy.
(10 Juillet 1909—10 Francs—Avec un portrait inédit et un autographe musical.)

Nozière: Trois Pièces Galantes.
(1er Octobre 1909—7 Fr. 50.)

Claude Farrère: Trois Hommes et Deux Femmes.
(10 Octobre 1909—10 Francs.)
Cet ouvrage est complètement épuisé.

Louis Thomas: Les Douze Livres pour Lily.
(20 Octobre 1909—7 Fr. 50.)

Maurice Barrès: L’Angoisse de Pascal.
(10 Mars 1910—7 Fr. 50—Avec une reproduction du Masque de Pascal et de l’une des pages du manuscrit original des Pensées.)
Cet ouvrage est complètement épuisé.

Louis Loviot: Alice Ozy (1820-1893).
(15 Mai 1910—7 Fr. 50—Avec quatre portraits de cette femme charmante.)

Francis de Miomandre: Gazelle (Mémoires d’une Tortue).
(1er Octobre 1910—7 Fr. 50.)

Paul Margueritte: Nos Tréteaux.
(15 Octobre 1910—8 francs.)

Louis Thomas: L’Espoir en Dieu.
(1er Novembre 1910—7 Fr. 50.)

Henri de Régnier: Pour les Mois d’Hiver.
(1er Mars 1912—7 Fr. 50.)

OUVRAGES SOUS PRESSE:

Paul Acker: Portraits de Femmes.

Henry Bordeaux: Les Amants de Genève.
(Avec 3 planches hors texte.)

René Boylesve: Nymphes dansant avec des Satyres.
(Avec des ornements de Pierre Hepp.)

André du Fresnois: Colette Willy.

Gérard d’Houville: Les Fourberies de l’Amour.

Gabriel Mourey: Maurice Denis.

André Rivoire: Henri de Toulouse-Lautrec.

OUVRAGES EN PRÉPARATION

Jacques Boulenger: Candidature au Stendhal-Club.

Marcel Boulestin: Tableaux de Londres.

Edouard Ducoté: Le Château des deux Amants.

Claude Farrère: Un Livre de Contes.

Pierre Louÿs: Versions Grecques.

Eugène Marsan: Giosué Carducci.

Pierre Mortier: Becquets.

G. de Pawlowski: Comœdia...

Henri de Régnier: Les Dépenses de Madame de Chasans.
(documents sur la vie de famille au XVIIIe siècle).

Laurent Tailhade: Au Pays de l’Alcool et de la Foi.

Jérôme et Jean Tharaud: En regardant travailler Maurice Barrès.

Louis Thomas: André Rouveyre.
(Avec de nombreuses illustrations de Rouveyre.)


En vente chez DORBON-AINÉ
19, Boulevard Haussmann, 19, PARIS, IXe


LA MÉSANGÈRE

Les Petits Mémoires de Paris

I. Coulisses de l’Amour.—II. Rues et intérieurs.—III. Carnet d’un Suiveur (le Paris du Second Empire).—IV. Petits Métiers Parisiens.—V. Les Nuits de Paris.—VI. Toutes les Bohêmes.

Collection de 6 petits volumes in-24, illustrée de 24 eaux-fortes originales de Henri Boutet, de 8 reproductions hors texte, dont 4 en couleurs, d’estampes d’Abraham Bosse, A. de Saint-Aubin, Bouchardon, Traviès, Gavarni, etc., et de nombreux fleurons, en-têtes et culs-de-lampe. Chaque volume 2 Fr.
La collection complète dans un étui, reliée 1/2 chagrin de diverses couleurs, dos plat orné 20 Fr.
Il a été tiré 25 exemplaires sur papier du Japon avec double suite des eaux-fortes. La collection des 6 volumes 60 Fr.

Xavier PRIVAS

Petites Vacances

Chansons, Rondes et Berceuses enfantines

Paroles et musique, avec Jeux sur les Rondes par Francine Lorée-Privas.

Un volume in-4o à l’italienne, entièrement illustré en couleurs d’après les aquarelles de P. Guignebault, dans un cartonnage illustré or et couleurs 7 Fr. 50

Sacha GUITRY

Correspondance de Paul Roulier-Davenel

Illustré par l’auteur de 19 portraits-charges (Anatole France, H. de Régnier, Laurent Tailhade, Tristan Bernard, Jules Lemaître, Ibsen, H. de Rothschild, Antoine, Lucien et Sacha Guitry, Brasseur, Boisselot, etc...). Un volume in-4o couronne tiré à petit nombre. 5 Fr.
Il a été tiré 15 exemplaires sur Japon, à 15  » 

Louis THOMAS

Le Général de Galliffet

Un volume in-8 écu avec portrait 5 Fr.

Edmond JALOUX

Le Boudoir de Proserpine

Un volume in-8 carré, tiré à petit nombre 5 Fr.
Il a été tiré 9 exemplaires sur papier du Japon, à 18 Fr.

TOLSTOÏ

La Loi de l’Amour et la Loi de la Violence

(Le dernier ouvrage paru du vivant de Tolstoï)

Traduit d’après le manuscrit et publié en français avant l’original russe par E. Halpérine-Kaminski. Précédé d’une lettre de Tolstoï à propos de La Barricade de Paul Bourget.

Un volume in-18, avec portrait inédit et fac-similé d’autographe. (Honoré d’une souscription du Conseil municipal de la ville de Paris) 3 Fr. 50
Il a été tiré 10 exemplaires sur Japon, à 12 Fr.

Marcel PROUILLE et Ch. MOULIÉ

Les Poésies de Makoko Kangourou

Brochure in-8 écu avec un frontispice de Guy Tollac 1 Fr. 50

Léon VAN NECK

1870-71 illustré: Campagne franco-allemande

Préface de Paul ADAM

Un volume grand in-8, orné d’environ 400 reproductions de pièces documentaires de l’époque: images populaires, tableaux, objets d’art, portraits, illustrations de journaux, etc 5 Fr.

Francis DE MIOMANDRE

Figures d’Hier et d’Aujourd’hui

Un volume in-8 carré, tiré à petit nombre 5 Fr.
Il a été tiré 15 exemplaires sur papier du Japon à 18  » 

Edgar POË

Dix Contes traduits par Ch. Baudelaire et illustrés par Martin van Maële

de 95 compositions originales gravées sur bois par E. Dété. Un volume in-8 jésus tiré à 500 exemplaires numérotés, dont

20 exemplaires sur papier du Japon avec deux suites avant lettre de toutes les figures, dont une en bistre et une en noir, sur Chine 150 Fr.
30 exemplaires sur papier de Chine avec une suite en bistre avant lettre de toutes les figures, également tirée sur Chine 100 Fr.
450 exemplaires sur papier vélin à la cuve du Marais 50 Fr.

A. ROBIDA

Les Vieilles Villes des Flandres

(Belgique et Flandre française)

Illustré par l’auteur de 155 compositions originales, dont 25 hors texte, et d’une eau-forte. Un beau volume gr. in-8, sous couverture illustrée en couleurs 15 Fr.
Cartonné toile avec fers spéciaux spécialement dessinés par l’artiste, tête ou tranches dorées, couverture conservée 20 Fr.
Il a été tiré en outre: 25 exemplaires sur Japon impérial, contenant une double suite de toutes les compositions, 3 états de l’eau-forte et une aquarelle originale de A. Robida 100 Fr.
100 exemplaires sur papier de Hollande Van Gelder, contenant une double suite de l’eau-forte et un dessin original à la plume de A. Robida 50 Fr.

Les Vieilles Villes du Rhin

(A travers la Suisse, l’Alsace, l’Allemagne et la Hollande).

Un volume in-8 jésus de 310 pages, illustré de 211 dessins originaux de l’auteur, d’une eau-forte et d’une aquarelle en couleurs sur la couverture 20 Fr.
Il a été tiré en outre: 10 exemplaires sur grand papier vélin à la cuve avec deux suites de toutes les gravures, sur Japon ancien et sur Chine, et une aquarelle originale de A. Robida 200 Fr.
25 exemplaires sur Japon impérial avec une suite sur Chine de toutes les gravures, à 100 Fr.
5 exemplaires sur Chine, à 50 Fr.
Plus: 10 collections d’épreuves d’artiste signées, dont 5 sur Japon ancien à 125 Fr. et 5 sur Chine à 100 Fr.

Loys DELTEIL
expert à l’Hôtel Drouot

Manuel de l’Amateur d’Estampes du XVIIIe siècle

Un volume grand in-8 de 448 pages sur papier vergé teinté, orné de 106 reproductions hors texte sur papier couché teinté des estampes les plus rares du XVIIIe sièclebroché: 25 Fr.
dans un cartonnage spécial avec couverture conservée 28 Fr.
Il a été tiré 3 exemplaires sur papier du Japon à 75 Fr.

E. BÉNÉZIT

avec la collaboration d’un groupe d’écrivains spécialistes français et étrangers

Dictionnaire critique et documentaire des Peintres, Graveurs et Sculpteurs de tous les temps et de tous les pays,

avec l’indication des prix atteints par leurs œuvres dans les ventes publiques. 3 forts volumes in-8 raisin, avec de nombreuses illustrations d’après les maîtres, leurs signatures et monogrammes.

Vient de paraître le tome I comprenant 1056 pages à 2 colonnes et 64 reproductions hors texte.

Broché 60 Fr. { payable moitié à la réception du tome I et
moitié à la réception du tome II.
Relié 75 Fr.

Dr MAUCHAMP
Médecin du Gouvernement français au Maroc,
assassiné à Marrakech.

La Sorcellerie au Maroc

Œuvre posthume précédée d’une étude documentaire sur l’œuvre et l’auteur, par Jules Bois. Un volume in-8 avec 17 illustrations, la plupart d’après les photographies prises par l’auteur 7 Fr.

Th. DE CAUZONS

Histoire de la Magie et de la Sorcellerie en France

I. Les sorciers d’autrefois. Le Sabbat. La guerre aux sorciers. Un vol. in-8 écu de XVI—426 pp 5 Fr.
II. Poursuite et châtiment de la Magie jusqu’à la Réforme protestante. Le procès des Templiers. Mission et procès de Jeanne d’Arc. Un vol. in-8 écu de XXII—520 pp 5 Fr.
III. La Sorcellerie, de la Réforme à la Révolution française. La Franc-Maçonnerie. Mesmer, Cagliostro et le magnétisme. Un vol in-8 écu de VIII—550 pp 5 Fr.
IV. La Sorcellerie contemporaine: Les transformations du magnétisme, Psychoses et névroses. Les Esprits des vivants, les Esprits des morts. Le diable de nos jours. Le merveilleux populaire. Un vol. in-8 écu de VIII—724 pp 7 Fr.

Il a été tiré quelques exemplaires sur Japon, à 12 Fr. chacun des 3 premiers tomes, et 15 Fr. le dernier.


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LIÉGE
IMPRIMERIE BÉNARD

SOCIÉTÉ ANONYME

CE VOLUME EST MIS DANS LE
COMMERCE AU PRIX NET DE
7 FR. 50


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