Feuilles mortes
The Project Gutenberg eBook of Feuilles mortes
Title: Feuilles mortes
Author: Jacques Morel
Illustrator: Casimacker
Release date: November 23, 2021 [eBook #66805]
Most recently updated: October 18, 2024
Language: French
Credits: Laurent Vogel and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This book was produced from images made available by the HathiTrust Digital Library.)
“Petite Bibliothèque de la Famille”
JACQUES MOREL
Feuilles Mortes
ROMAN ILLUSTRÉ
D’après les dessins de CASIMACKER
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET CIE
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
Droits de propriété et de traduction réservés
ROMANS PUBLIÉS DANS CETTE COLLECTION
Brochés : 3 fr. 50. — Cartonnés : 5 fr.
| Un Peu, Beaucoup, Passionnément (Couronné par l’Académie Française) | par Mme Lescot. |
| Fêlure d’Ame | par Mme Lescot. |
| Les Vaines promesses | par Mme Lescot. |
| Au Lys d’Argent | par Fr. Deschamps. |
| Ordre du Roi | par G. de Beauregard. |
| Insaisissable Amour | par Marion Crawford. |
| Le Baiser sur la Terrasse | par Marion Crawford. |
| Le Beau Fernand (Couronné par l’Acad. Franç.) | par Mme de Bovet. |
| Les Retours du Cœur | par J.-H. Rosny, de l’Académie des Goncourt. |
| Mademoiselle Mignon | par J.-S. Winter. |
| Une Reine des Fromages et de la Crème | par Mme de Longgarde. |
| Jouets du Destin | par Mme de Longgarde. |
| Une Réputation sans tache | par Mme de Longgarde. |
| Le Supplice d’une Mère | par Arthur Dourliac. |
| Liette | par Arthur Dourliac. |
| Bibelot | par May Armand Blanc. |
| La Maison des Roses | par May Armand Blanc. |
| Aimer c’est vaincre | par Mme P. Caro. |
| Muets Aveux (Couronné par l’Acad. Franç.) | par Jacques Morel. |
| Kernevez (Couronné par l’Acad. Franç.) | par Mlle Pape-Carpantier. |
| L’Oiseleur | par Mlle Béatrice Harraden. |
| L’Eau dormante | par Mlle Blanche Legrand. |
| L’Amour fait peur | par Mlle Blanche Legrand. |
| Micheline | par Augustin Filon. |
| L’Affaire Leavenworth | par A.-K. Green. |
| Femme de Lettres | par Mary Floran. |
| Le Roman d’un Loyaliste | par Miss Jewett. |
| La Bienfaitrice | par Mlle Louise Zeyss. |
| L’Orgueilleuse Beauté | par Mme Albérich-Chabrol. |
| L’Offensive (Cour. par l’Acad. Franç.) | par Mme Albérich-Chabrol. |
| Part à Deux | par Mme Albérich-Chabrol. |
| Les Medlicotts | par Curtis Yorke. |
| Le Mirage | par Paul Béral. |
| De Peur d’Aimer | par Mme Albérich-Chabrol. |
| Le Choix de Ginette | par Mlle C. Trouessart. |
| Au Plus Digne | par Mme Albérich-Chabrol. |
| L’Enfant Millionnaire | par Katharina Green. |
| La Tabatière du Cardinal | par Henry Harland. |
| Coupable | par W. Le Queux. |
| Ma Grande | par Paul Margueritte. |
| Haine de Femme | par Marion Crawford. |
| Le Sequin d’Or | par Anne Osmont. |
| Criminelle par Amour | par Mlle L. Zeyss. |
| Le Voueur | par M. Ch. Géniaux. |
| Le Trèfle Rouge | par Norbert Sevestre. |
| Nicole à Marie | par Gaston Bergeret. |
| Mirage de Bonheur | par Camille Pert. |
| L’Inutile Route | par M. La Bruyère. |
| Le Patrimoine Perdu | par Anthony Hope. |
| Le Destin d’Hélène | par Jean Relecq. |
| Les Demoiselles du Noël Fleuri | par Blanche Legrand. |
| Maison Hantée | par Maryan. |
Feuilles Mortes
Juin 1907.
Aujourd’hui j’ai quarante ans — l’âge où une femme ne reste jeune qu’à condition de le vouloir passionnément. Moi je ne veux rien. Je me laisse aller au fil des jours, m’efforçant de ne pas trop penser et de vivre tranquillement ma vie présente. Sans doute ma réputation d’indifférence aux vanités féminines doit être bien établie, car tout à l’heure, en visite, une jeune mariée de vingt-deux ans, un peu bébête, s’est écriée sans penser à mal : « On dit que vous avez été si jolie ! »
« On dit… » Ce mot m’a fait rêver. Restée seule après le départ de ma petite oie blanche, je me suis approchée de la glace, et, sans amertume — mais aussi, je l’avoue, sans aucun plaisir — j’ai cherché à retrouver dans mes traits fanés le visage rayonnant de jadis, dans mes bandeaux au ton de vermeil éteint, d’argent qui se dédore, les cheveux blonds si brillants et si doux. Ma peau s’est plissée de mille rides imperceptibles, mes dents ont perdu leur éclat, mon teint, d’un rose délicat, a tourné au jaune pâle — je ressemble à un de ces pastels mal encadrés dont le soleil et la poussière ont mangé la couleur et terni le velouté : quelque chose s’est fêlé dans la paroi trop mince qui me protégeait de la vie, dans le verre transparent et fragile de mon bonheur. Et je songe à la petite Geneviève aux yeux bleus, aux joues rondes, dont le regard curieux interrogeait l’avenir avec tant de confiance.
Dois-je le raconter, cet avenir d’alors, devenu mon passé ? Parfois je me dis qu’il vaudrait mieux oublier. Alors je ferme mon âme aux souvenirs, j’écarte loyalement les regrets stériles. Mais à ce jeu, mon cœur se vide : joies, tendresses, douleurs d’autrefois — chaque jour je les sens qui se dessèchent un peu plus, qui se détachent de moi comme des feuilles mortes menacées par le vent de l’oubli. Est-ce donc si mal de les ramasser une à une, à mesure qu’elles tombent, pour pouvoir, quand je serai très vieille, en respirer encore l’odeur mélancolique — pour être sûre que cela, du moins, me restera toujours ?