Fierabras
The Project Gutenberg eBook of Fierabras
Title: Fierabras
Compiler: Jehan Bagnyon
Release date: November 27, 2013 [eBook #44301]
Most recently updated: October 23, 2024
Language: French
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Fierabras
Saint
pol docteur de verité nous dit que toutes
choses reduites par escript sont a nostre doctrine
escriptes. Et boece fait mencion que diversement
le salut d'ung chascun procede. Puis que
ainsi est que la foy crestienne est assez par les docteurs
de sainte eglise corroboree neantmoins
les choses passees diversement a memoire reduites
nous engendrent correction de vie illicite.
car les ouvrages des anciens sont pour nous
rendre a vivre en operacion digne de salut en
ensuyvant les bons et en evitant les mauvais/ et aussi en racontant hystoires
haultaines l'entendement commun est mieulx content a retenir pour l'ymaginacion
localle a laquelle il est soubmis. Je dy cecy voulentiers/ car souventesfoys
j'ay esté exité de la part de venerable homme messire henry bolomier chanoine
de lausanne pour reduire a son plaisir aucunes hystoires tant en latin comme
en rommant et en autre façon escriptes/ c'estassavoir de celluy trespuissant vertueulx
et noble charles le grant roy de france et empereur de romme filz du grant
roy pepin/ et de ses princes et barons. comme rolant. olivier et autres tant touchant
aucunes oeuvres haultaines par leur grant force et tresardant couraige a
l'exaltacion de la foy chrestiene faites et a la confusion des sarrazins et mescreans
qui est oeuvre bien contemplative a bien vivre. Et pource que ledit henry bolomier
a veu ceste matiere desjoincte sans grant ordonnance a sa requeste et selon la capacité
de mon petit engin et entendement et selon la matiere que j'en ay peu trouvé
j'ay ordonné celluy livre et peult estre que je eusse esté bien informé a plain que
j'eusse bien mieulx fait. car je n'ay eu intencion de deduire la matiere que je n'en
aie esté informé premierement/ tant par ung livre autentique qui se dit mirouer historial.
comme par les cronicques et aucuns aultres livres qui font mencion de l'oeuvre suyvant.
Et a cause que je puisse avoir ung petit de fondement honnorable je toucheray
du premier roy de france crestien. Car communement cestuy livre est tout
comprins a l'onneur des françoys et au prouffit d'ung chascun. Et selon le desir
du liseur et de l'escouteur on trouvera assez a plain la matiere de laquelle on aura
desir d'escouter et de oyr sans grant attediacion au plasir de dieu/ auquel je
submetz toute mon intencion de non escripre chose qui se doie blasmer et qui ne
soit a chascun adjutoyre de saulvement.
Cy commencent les tiltres des chapitres de l'oeuvre suyvamment nombrés pour trouver plus legierement la matiere dedans comprinse.
Premierement le premier livre contient troys parties par les chapitres après declairez
La premiere partie du premier livre contient cinq chapitres et parle du commencement de france et du roy clovys.
| Des roys de france payens jusques au roy Clovys premier roy de france crestien. | Le premier chapitre. |
| Comment le roy clovys payen eut a femme la noble clotildis fille du roy de bourgoigne et assez merveilleusement. | Le .ii. chapitre. |
| Comment le roy fut admonnesté de la royne clotildis affectueusement qu'il deust croire en la foy crestienne et autres matieres. | Le .iii. chapitre. |
| Comment le roy clovys fut victorieux de ses ennemis pource qu'il creut en jesucrist. | Le .iiii. chapitre. |
| Comment le roy fut baptisé par saint remy/ et en son baptesme fut apportee miraculeusement la sainte ampoule par l'ange de paradis dont après tous les roys de france sont oingtz en leur consecracion a reins. | Le .v. chapitre. |
La seconde du premier livre contient cincq chapitres et parle du commencement du roy Pepin et de charlemaigne son filz.
| Comment Pepin par sa prudence fut esleu roy de france quant la lignee de clovys faillit en succession. | Le premier chapitre. |
| Du roy charles après qu'il eut fait beaucoup de constitucions avec le pape Adrien et comment il fut fait empereur de romme. | Le .ii. chapitre. |
| De la corpulance du roy charles et de la maniere de son vivre. | Le .iii. chapitre. |
| A quoy le roy charles et ses enfans filz et filles estoient dediqués. | Le .iiii. chapitre. |
| De l'estude du roy charles et de son vivre et oeuvres caritatives et autres matieres. | Le .v. chapitre. |
La tierce partie du premier livre contient trois chapitres et parle comment par revelacion divine charles delivra la terre hors de la main des mescreans.
| Comment le patriarche iherosolimitan manda a charles qu'il luy donnast secours après qu'il fut degetté par les turcz. | Le premier chapitre. |
| Comment charles avec grant compaignie s'en alla conquester la terre sainte et plusieurs matieres. | Le .ii. chapitre. |
| Des reliques que l'empereur charles apporta de constantinoble et de la terre sainte et des miracles qui y furent faitz. | Le .iii. chapitre. |
| Cy après commencent les tiltres du second livre qui contient troys parties suyvamment desclarees. |
La premiere partie du second livre contient .xvi. chapitres et parle de la bataille qui fut faite entre olivier et fierabras ung merveilleux geant.
| Comment en ung lieu qui se disoit mormionde charles se tenoit suyvant guerre contre les paiens après ung petit de prologue. | Le premier chapitre. |
| De fierabras comment il vint exiter l'excercite de charles. | Le .ii. chapitre. |
| Comment Richard duc de normandie dist a l'empereur quel homme estoyt fierabras. | Le .iii. chapitre. |
| La responce que fist Rolant a l'empereur charles son oncle trop subite et qu'il en fut. | Le .iiii. chapitre. |
| Comment le roy charles et rolant sont par l'acteur reprins et excusez aulcunement sur le debat devant dit. | Le .v. chapitre. |
| Comment Olivier fut disposé de combattre fierabras nonobstant qu'il estoit navré après plusieurs parolles | Le .vi. chapitre. |
| Comment Olivier fut detenu par son pere Regnier qu'il n'alast combatre contre le geant requerant charles dont force fust qu'il y alast. | Le .vii. chapitre. |
| Comment Olivier parla premierement a Fierabras qui ne tenoit compte de luy avecques aultres disputations. | Le .viii. chapitre. |
| Comment après plusieurs disputacions olivier aida a armez fierabras et des neuf espees merveilleuses et comment olivier se nomma par son nom. | Le .ix. chapitre. |
| Comment olivier et fierabras commencerent a batailler et de la priere de charles pour olivier et aultres matieres. | Le .x. chapitre. |
| Comment olivier fist priere a dieu quant il se sentit navré. | Le .xi. chapitre. |
| Comment après grande bataille Olivier print le baulme et en beut a son aise et puis après qu'il en fist et aussi comment il se trouva a terre quant son cheval fut occis. | Le .xii. chapitre. |
| Comment olivier et fierabras bataillerent ensemble a pié moult merveilleusement et la priere que charles fist pour olivier. | Le .xiii. chapitre. |
| Comment en ceste bataille fierabras fut vaincu par olivier après qu'il eut recouvré une des espees de fierabras. | Le .xiiii. chapitre. |
| Comment fierabras vaincu creut en dieu et comment fut porté par olivier et comment olivier fut assailli des sarrazins et tormenté. | Le .xv. chapitre. |
| Comment olivier fut prins et bendé les yeulx affin qu'il ne peust estre secouru par les françoys. | Le .xvi. chapitre. |
La seconde partie du second livre contient .xvii. chapitres. et parle du torment des pers et barons de france. et comment ceulx qui ne furent point prins allerent parler a balam l'admiral.
| Comment fierabras fut trouvé par l'empereur charles. et puis après baptisé et guery de ses playes. | Le premier chapitre. |
| Comment olivier et ses compaignons furent presentez a Balam l'admiral et cruellement passionnez de prison. | Le .ii. chapitre. |
| De la prison ou les françoys furent logez. et comment ilz furent visitez par la belle floripes fille de l'admiral et de la beaulté d'elle. | Le .iii. chapitre. |
| Comment les françoys furent mys hors de la prison et visitez par la noble floripes et de la beaulté de sa chambre. | Le .iiii. chapitre. |
| Comment le roy charles manda a Balam l'admiral sept pers de france qui n'y vouloyent pas aller. | Le .v. chapitre. |
| Comment aussi l'admiral Balam transmettoyt quinze roys sarrazins a charles pour ravoir fierabras. lesquelz furent rencontrés par les pers de france et mys a mort. | Le .vi. chapitre. |
| Du pont merveilleux de mantrible. et du tribut qu'il y falloit paier pour le passage. et comment a belles parolles les françoys passerent oultre. | Le .vii. chapitre. |
| Comment les barons de france vindrent parler a l'admiral et quelz messaiges ilz firent. | Le .viii. chapitre. |
| Comment par le moyen de floripes tous les françoys furent saulvez et logés ensemble congneuz de par elle et araisonnez et les reliques monstrees devant eulx et aultres matieres. | Le .ix. chapitre. |
| Comment lucafer nepveu de l'admiral violentement entra en la chambre et après fut confus et occis par le duc naymes en souflant le charbon. | Le .x. chapitre. |
| Comment par le conseil de floripes les françoys deslogerent l'admiral de son palays moult fort a grant bataille. et comment par enchantement une seinture fut prinse a la fille et qu'il en fut. | Le .xi. chapitre. |
| Comment les barons furent assiegez en celle tour avec floripes et ses pucelles qui souffrirent grant fain. et comment les dieux par eulx furent confondus. | Le .xii. chapitre. |
| Comment les pers de france vindrent hors de la tour et grant bataille firent en laquelle ilz rencontrerent vingt sommiers chargés de viandes. | Le .xiii. chapitre. |
| Comment Guy de bourgoigne fut prins des sarrazins. batu villainement et interrogué de l'admiral. et les plaintes que Floripes fist pour luy et aultres matieres. | Le .xiiii. chapitre. |
| Comment les payens proposerent de pendre Guy de bourgoigne voyans les françoys qui le secoururent puissamment. | Le .xv. chapitre. |
| Comment les pers de france devantditz furent despourveuz de vivres. et restaurez et puis assiegez et combatus par les payens. | Le .xvi. chapitre. |
| Comment la tour fut escartellee par enchantement. et les françoys furent en grant peril de mort et restaurez par ung assault qu'ilz firent sur les payens. | Le .xvii. chapitre. |
Cy après sont les tiltres des chapitres de la tierce partie du second livre et est divisee en .xvi. chapitres. et parle comme les barons de france furens secourus et les payens confondus et dechassez.
| Du movement des pers de france pour aller denoncer leurs affaires au roy charles et comment richard de normandie si ordonna pour y aller. | Le premier chapitre. |
| Comment après que richard fut party le roy clarion trespuissant courut après luy lequel fut occis par ledit richard valeureusement et autres matieres. | Le .ii. chapitre. |
| Comment le cheval de richard vint passer par l'excercite de l'admiral et fut veu et congneu des pers de france tant qu'ilz se pensoyent qu'il fut mort. et comment le pont de mantrible fut gardé. | Le .iii. chapitre. |
| Comment richard de normandie passa la riviere de flagot miraculeusement moyennant ung cerf blanc qui se trouva devant luy. | Le .iiii. chapitre. |
| Comment charles fut en propos de s'en retourner sans aller plus avant par le conseil de ganellon traistre et aultres ses compaignons. | Le .v. chapitre. |
| Comment après la complainte de charles richard de normandie vint a luy qui luy raconta les affaires des pers de france et qu'il en fut. | Le .vi. chapitre. |
| Comment par le moyen et conseil de richard de normandie avecques troys aultres barons le fort pont de mantrible fut gaigné non pas sans peine et quel homme estoit Gallafre. | Le .vii. chapitre. |
| Comment par force de mortalité et de bataille charles entra a mantrible après que gallafre fut mort nonobstant que ganellon traistre luy vouloit estre contraire et plusieurs aultres matieres. | Le .viii. chapitre. |
| Comment Amiote geante a tout une faulx fit grant devoyr contre les crestiens et ses deux filz furent baptisez et de l'admiral Ballant quant il ouyt les nouvelles. | Le .ix. chapitre. |
| Comment les pers de france furent asaillis plus fort que jamais et la tour quasi mise par terre et reconfortés par les saintes reliques par eulx adorees et aultres matieres. | Le .x. chapitre. |
| Comment les françoys prindrent nouvelles de l'ost de charles et l'admiral aussi comment ganellon se porta merveilleusement quant seul fut envoyé et qu'il fit. | Le .xi. chapitre. |
| Comment charles ordonna .x. batailles et comment ilz firent et comment ilz furent rencontrés de la puissance de l'admiral ou l'empereur fit merveilles et aultres matieres. | Le .xii. chapitre. |
| Comment en ceste bataille suyvant sortibrant fut occis par regnier pere d'olivier et après l'admiral fist merveilles et grant ennuy aux françoys. | Le .xiii. chapitre. |
| Comment les pers de france qui estoyent en la tour vindrent hors quant ilz veyrent l'ost et adonc fut prins l'admiral et detenu prisonnier. | Le .xiiii. chapitre. |
| Comment ballant pour admonicion que on luy fist ne se voulut baptiser mais fut occis et floripes baptisee. et puis espousee par guy de bourgoigne et couronee royne et Guy couronné roy d'icelle contree. | Le .xv. chapitre. |
| Comment floripes donna les reliques a l'empereur. et comment elles furent esprouvees muraculeusement. et du retour de charles et fin de ce livre. | Le .xvi. chapitre. |
En après commence le tiers livre qui contient deux parties divisees par chapitres suyvamment declairez.
La premiere partie du tiers livre contient .xiiii. chapitres. et parle des guerres faittes en espaigne et des deux geans merveilleux.
| Comment saint jaques apparut a charles et comment moyennent la conduite des estoilles il alla en galice et quelles cités il subjuga. | Le premier chapitre. |
| Des cités acquises en espaigne par charles et comment aulcunes parties luy furent mauldites. | Le .ii. chapitre. |
| De la grande ydole qui estoit en une cité qu'on ne povoit abatre et des signes et condicions d'elle | Le .iii. chapitre. |
| De l'eglise monseigneur saint jaques de galice et des aultres. | Le .iiii. chapitre. |
| Comment après que Aigolant le geant eut prins espaigne et mys a mort les crestiens charles le recouvra et aultres matieres. | Le .v. chapitre. |
| Comment aigolant manda a charles qu'il venist a luy a peu de gens feablement pour faire juste guerre. et comment charles en abit dissimulé parla a luy et autres matieres. | Le .vi. chapitre. |
| Comment charles accompaigné de plusieurs gens retourna au lieu devant dit. et print la cité de agennes et aultres matieres. | Le .vii. chapitre. |
| Des operacions vertueuses que charles fit quant il fut retourné en france. et quelz barons il avoit en sa compaignie et de leur grant puissance. | Le .viii. chapitre. |
| Des tresves de charles et D'aigolant et de la mort de ses gens et pourquoy Aigolant ne se baptisa. | Le .ix. chapitre. |
| De la mort d'aigolant et de ses gens et comment plusieurs crestiens furent mors par concupiscence d'argent. et des crestiens mors miraculeusement. | Le .x. chapitre. |
| De ferragus geant merveilleux comment il emportoit les barons de france sans dangier. et comment après rolant batailla contre luy. | Le .xi. chapitre. |
| Comment le lendemain rolant et ferragus bataillerent et disputerent de la foy et par quel moyen ferragus fut occis par rolant. | Le .xii. chapitre. |
| Comment le roy charles alla a corduble ou le roy du lieu et le roy de cibille l'attendoyent et de leur destruction. | Le .xiii. chapitre. |
| Comment l'eglise de saint jaques fut sacree par l'arcevesque turpin et les eglises d'espaigne subjectes a elle et des eglises principales. | Le .xiiii. chapitre. |
La seconde partie du tiers livre contient dix chapitres. et parle de la traison faicte par ganellon et de la mort des pers de france.
| Comment la trahison fut composee par ganellon de la mort des crestiens et comment ganellon est reprins par l'acteur | Le premier chapitre. |
| De la mort du roy marfurius et comment rolant fut navré de quatre lances mortellement après que toutes ses gens furent mortz. | Le .ii. chapitre. |
| Comment rolant mourut saintement après plusieurs matieres et oraisons faites a dieu moult devotes et la complainte faite sur son espee durandal. | Le .iii. chapitre. |
| De la vision de la mort de rolant et de la douleur de charles. et comment il fut de luy complaint piteusement et aultres matieres. | Le .iiii. chapitre. |
| Comment on trouva olivier escorché et de la mort des sarrazins et de la mort de ganellon hideuse. | Le .v. chapitre. |
| Comment après les choses dessusdictes charles rendit graces et louenge a dieu et a saint denis et des constitucions qu'il fit en france. | Le .vi. chapitre. |
| Comment charles alla en alemaigne ou il mourut saintement. et de sa mort denoncee a turpin arcevesque et ensevely imperialement | Le .vii. chapitre. |
| La capitulacion de l'oeuvre aulcunement faicte. | Le .viii. chapitre. |
| L'excusation du facteur | Le dernier chapitre. |
Des roys de france payens jusques au roy Clovys premier roy de france crestien.
Le premier chapitre.
Comme on list es histoires des troyens après la destruction de troye il eut ung roy moult noble qui se disoit Francus. lequel estoit compaignon de Eneas. lequel quant il se partit de troye il s'en vint en la region de france et commença a regner en grant prosperité et pour la grant felicité de son nom il fist composer une cité a laquelle il mist nom france. et puis ensuivant toute la region fut appellee france. et puis quant france fut exaulcee et reduite a majesté royalle priamus fut le premier qui regna sur les françoys .v. ans. Le .ii. marcurius .xxxiii. ans Le .iii. pharamondus .xi. ans. Le .iiii. clodius .xviii. ans Le .v. Meroneus .x. ans L'autre hildericus .xvii. ans. Et le .vii. fut clodoneus le premier roy crestien. lequel regna sur les françoys après l'incarnacion de nostreseigneur .cccc.lxxxiiii. ans duquel j'entens a faire ung petit de mencion sur la conversacion miraculeuse
Comment le roy clovys eut a femme la belle et noble clotildis fille du roy de bourgoigne
Le .ii. chapitre.
En celluy temps estoit roy des bourguignons guidengus. lequel avoit quatre filz de grant eage. dont le premier avoit nom agabondus qui succeda au royulme: et occist de glayve ung sien frere ja marié nommé Hispericus qui avoit deux belles filles. et fist noyer sa femme. Et l'ancienne fille qui avoit nom Trosne bannit de son pays. et l'envoya en habit dissimulé l'autre avoit nom Clotildis et ceste retint pour sa beaulté avecques luy en sa maison. Durant cecy le roy clovys payen et qui ne croit avecques ses subjectz sinon es ydoles. souventesfoys pour ses affaires envoioit ses messagiers en bourgoigne. Clotildis ceste belle et noble pucelle souventesfoys veue des messagiers du roy clovys et regardee moult affectuesement. et pour sa beaulté discrecion les messagiers du roy clovys la luy notifierent et quant cestuy roy fut assez informé de la beauté et sagesse de ceste belle pucelle crestienne il fut moult curieulx de transmettre ses heraultz a agabondus l'oncle de ceste fille pour l'avoir en mariage. Durant ces jours le roy clovys avoit avecques luy ung subtil homme qui se disoit aurelianus. lequel du commandement du roy s'en vint la ou estoit ceste fille et se mist en habit moult povre et dissimulé. et ses bons habitz il laissa a ses compaignons au boys et vint moult saintement devant la mere eglise de celluy lieu le jour d'une bonne feste et se mist ou millieu des povres pour recepvoir l'aumosne. Quant l'office fut acomply ceste fille clotildis selon qu'elle avoit de costume au partir de l'eglise commença a donner l'aumosne aux povres. Quant elle vint a aurelianus elle luy donna en la main une piece d'or. et celluy comme bien content baisa la main de la dame. Quant ceste dame fust en sa chambre elle commença a penser a celluy povre qui luy avoit baisé la main et le transmist querre par sa servante. Quant il le sceut il vint a elle joyeusement et portoit en sa main l'aneau du roy clovys. et humblement se tint devant elle La fille luy commença a dire. Dy moy pourquoy tu dissimules les pouvres aurelianus respondit. madame saichez pour verité que je suis messagier du noble roy clovys roy de france qui m'a envoyé a vous. lequel informé de vostre beaulté et sagesse vous veult avoir a femme pour estre royne. et luy presenta l'aneau du roy clovys. Laquelle le print et le mist au tresor de Agabondus son oncle. et dist au messagier qu'elle rendoit salut au roy: en luy exposant qu'il n'estoit pas chose licite a ung payen d'avoir a femme une crestienne toutesfois celluy la pria que de tout cecy ne dist mot et qu'elle ne voulsist faire sinon comme le roy vouloit. et sur ce point aurelianus le vint denoncer au roy. Purquoy le roy clovys l'an ensuivant envoya son messagier aurelianus a Agabondus oncle de clotildis pour l'avoir a femme. quant agabondus sceut l'intencion du roy clovys. il respondit au messagier. Dy hardiment a ton sire qu'il pert bien sa peine de vouloir avoir ma niepce a femme. mais les bourgoignons saiges conseilliers redoubtans la puissance du roy clovys par bon conseil deliberé ilz cercherent bien les tresors de agabondus leur roy et ilz vont trouver l'aneau du roy clovys que clotildis y avoit mis qui estoit escript et pourtrait de son ymage. si alerent conclure a parfaire la voulenté du roy clovys. et sur ce point agabondus furieux et plain de ire delivra la belle clotildis a aurelianus et la mena avec ses gens et grant joye au roy clovys son seigneur. lequel eut plaisir de veoir celle belle fille et a grant solemnité par maniere royalle l'espousa selon la coustume de la loy.
Comment le roy clovys fut admonnesté de la royne clotildis affectueusement qu'il deust croire en la foy crestienne et autres matieres
Le .iii. chapitre.
La nuyt des nopces a l'eure que le roy et la royne devoyent dormir ensemble clotildis embrasee de l'amour de dieu par grant congnoissance de jhesus nostre seigneur alla dire au roy. Mon treschier seigneur je te requiers qu'il te plaise moy ottroyer une petite demande devant que j'entre au lit avec toy. le roy dist demande ce que tu vouldras. car j'en suis bien content. Clotildis luy dist. Premierement je te demande et requiers et si te admoneste que tu vueilles croire au dieu des cieulx pere tout puissant celluy qui fist le ciel et la terre et qui t'a creé. et en jhesucrist son filz le roy des roys qui par sa passion t'a racheté. et au saint esperit confirmateur et illuminateur de toutes bonnes operacions procedant du pere et du filz devantditz et sainte trinité en une seule essence a qui on doit tout honneur et toute creance Croy en celle sainte eglise et laisse tes ydoles. faites des hommes. et qui riens ne valent et pense de restaurer les saintes eglises que tu as fait brusler. Secondement je te requiers que tu vueilles demander ma part et porcion des biens de mon pere et de ma mere a Agabondus mon oncle lesquelz il fist mourir faulcement et sans occasion. mais la vengence je laisse a dieu. Quant elle eut ce dit le roy respondit. Tu m'as demandé ung point et passaige qui m'est trop difficile a toy ottroyer que je renonce a mes dieux par lesquelz je me gouverne pour adorer ton seul dieu duquel tu m'as parlé. Demande moy autre chose. et de tresbon cueur je le feray. Clotildis respondit. tant qu'il m'est possible de requerir je te supplie que tu vueilles adorer le dieu du ciel le formateur de tout a qui seul on doit adoracion. Le roy pour lors n'en fist autre responce. mais transmist tantost Aurelien son facteur a Agabondus pour avoir les biens de la royne Clotildis. Et quant Aurelien eut fait son messaige Agabondus remply de grant ire respondit au messagier qu'il auroit aussitost tout son royaulme que riens de luy. Pour celle cause Aurelien luy dist. Le roy clovys mon maistre te mande par moy que tu luy faces responce sur ma demande. autrement il sera mal content. Adonc les bourguignons tindrent conseil et dirent a Agabondus leur roy. Sire roy donnez a vostre niepce de voz biens selon ce que raison veult. car il est droit. et si congnoissons que ainsi le debvez faire. et prenez plaisir d'avoir bonnes aliances avec le roy Clovys et avec toutes ses gens a celle fin qu'ilz ne nous courent dessus. car celluy peuple est austere et furieux. et que pis est sans avoir memoire de dieu. Et sur ce point Agabondus contraint au conseil des bourguignons ses gens donnerent ung grant partie de son tresor a Aurelien messagier du roy Clovys. Et peu de temps après le noble roy clovys en visitant son royaulme la royne Clotildis fut enseinte d'enfant. et fit ung filz lequel elle vouloit baptiser tous les jours requerant le roy qu'il voulsist croire ainsi comme dessus est dit. mais il n'en vouloit riens ouyr parler ne faire Quant cestuy filz fut baptisé tantost après il expira et fut mort dont le roy fut mal content et dist a la royne. Se tu l'eussez donné et dedicqué a mes dieux il fut vif. La royne respondit pour ceste cause je ne suis rien perturbee en mon couraige/ mais rens graces et louenge a dieu mon createur quant il m'a fait si digne qu'il luy a pleu de prendre en son royaulme le premier fruyt de mon ventre. après l'an ensuyvant elle eut de rechief ung aultre filz nommé Lodomitus. lequel quant il fut baptisé il fut malade si fort que on cuidoit qu'il deust mourir. Et quant le roy le vit ainsi languir tresmal content dist a la royne. Et comment il n'en sera point aultrement de cestuy cy fors ainsi comme de l'autre son frere qu'il n'en meure quant oultre mon vouloir tu en faiz en les baptisant/ donc la royne pour la crainte du roy pria a dieu devotement pour la santé de son enfant et tantost il fut guery.
Comment le roy clovys fut victorieux de ses ennemys pource qu'il creust en jhesucrist.
Le quatriesme chapitre.
Le roy clovys après aulcun temps commença a faire guerre mortelle encontre les alemans. Et quant ainsi perseveroit les alemans avoient grant victoire sur les françoys tellement que de malle mort ilz estoyent gettez par terre. Quant aurelien va veoir le definement des gens du roy il commença a regarder son seigneur et luy dire. Sire roy vous veez devant voz yeulx le diffinement mortel de vostre peuple. Je vous requiers croyez en dieu tout puissant qui a fait le ciel et la terre. celluy que madame adore et presche a croyre. Quant le roy eut ouy aurelien ainsi parlé en grant affection il commença a lever les yeulx encontre le ciel et a plourer moult largement et en grant pitié va dire. O jhesucrist filz du vray dieu tout puissant. auquel ma femme croit et lequel de tout son cueur elle presche et notifie estre celluy qui soubzvient es tribulations et donnez remede a celluy qui a esperance en toy par tresdevot cueur je te requiers ton aide tellement que je soie victorieux de mes ennemys par experience presente. je croy en toy et en ton nom. je me baptiseray. j'ay demandé mes dieux pour moy soubzvenir. Ilz ne m'ont riens aidé et dy ainsi qu'ilz ne sont de nul confort remplis quant a ceulx qu'il les requierent il ne savent soubzvenir. Pourquoy comme vray dieu et seigneur je te requiers comme je ne desire croire que en toy fermement par ta haulte puissance je demande estre delivré tant seulement de mes adversaires. Cecy disant a haulte voix les alemans ses ennemys vaincus et murtris commencerent a fuyr tellement que leur roy fut mort pourquoy ceulx qui demeurerent se donnerent au roy clovys et furent ses subjectz. Puis après ceste victoire par la puissance de dieu obtenue il s'en vint en france et raconta tout a la royne sa femme comme par invocacion divine et de dieu tout puissant il avoit obtenu victoire de ses ennemys.
Comment le roy fut baptisé par saint remy et en son baptesme miraculeusement fut aportee la sainte ampoule par l'ange de paradis dont après tous les roys de france sont oingtz en leur consecration a reins.
Le .v. chapitre.
Après que la royne eut ouy le roy qui estoit converti a la foy crestienne pour la victoire qu'il avoit obtenue elle eut tresgrant joye/ pourquoy tantost manda a saint remy arcevesque de reins moult saint homme qu'il s'en vint a elle pour prescher au roy son sauvement et la maniere de la foy crestienne Et quant il fut venu après qu'il fut informé le roy commença fort a exiter le peuple de france de croire en jhesucrist. dont le peuple ne fut pas contredisant. car en congnoissant l'erreur des ydoles ilz commencerent tous a croire en luy et dire. Sire roy glorieulx meilleur est de relenquir les ydoles pour adorer le dieu immortel. lequel la royne adore et presche et de cecy faire nous sommes tous contens. Incontinent tout cecy fut denoncé a saint remy dont il fut moult joyeulx et vint a eulx diligemment comme le bon pasteur qui prent grant peine de garder les brebis de son adversaire. et grant desir devoit avoir de y venir. car son advenement et son preschement fut commencement de si grant prouffit a devoir faire renaistre le peuple selon l'ordonnance du saint baptesme. sans lequel nul ne peut entrer en paradis. pourquoy la necessité du sauvement du roy illuminé de grace. disposé en creance. conjoint a bonne intencion fit affectueument venir saint remy. car il pensoit bien que quant le roy seroit baptisé qu'il croiroit en jesucrist et a ses commandemens que tout le peuple subject a luy feroyt pareillement. Et quant saint remy fut venu et qu'il eut communicqué avec le roy en parolles de sauvement commença a faire ordonner le lieu pour le baptiser. puis a paindre hystoires selon aucuns poins de nostre foy crestienne moult richement et les places reparer tres delicieusement. et d'autre part fit ordonner et fonder eglises autenticquement et composer baptisoires convenablement. Tout cecy conditionné le roy fut tout prest de recevoir le saint sacrement de baptesme/ auquel le bon amy de dieu saint remy commença a dire par façon de maniere. Sire roy il est heure que vous devez de pure intencion relenquir les dieux auquelz autreffois vous avez donnez creance qui sont plains de toute vanité et ne sont sinon excercite de damnacion et de cueur tres humblement devez croire en ung seul dieu tout puissant le pere le filz et le benoist saint esperit une seule et pure essence/ lequel a creé le ciel et la terre/ et a qui seul on doit foy et creance et en jhesucrist son filz qui pour la salvacion de humaine creature voulut prendre humanité convenable pour reparer l'inobedience de nostre premier pere adam qui fut conceu au ventre de la vierge marie par l'oeuvre du saint esperit/ qui fut après mys en croix et souffrit mort doloreuse pour nous racheter/ ensevely ressucité/ et puis il monta en paradis a la dextre de dieu le pere et qui une fois viendra juger les vifz et les mors. Aussi creés en sainte eglise catholique nostre mere et a son ordonnance Et quant saint remy eut assez informé le roy et le peuple de nostre creance il les baptisa ou nom du pere et du filz et du saint esperit. Après quant il vint a les oingdre selon la coustume de la sainte cresme sans ce que nul l'aportast incontinent par le plaisir de dieu et demonstrance miraculeuse tous estans en ce passaige d'ung moment et subitement du ciel va descendre une coulombe resplendissant et estoit toute envolee en l'air. laquelle portoit en son bec la sainte ampoule et la laissa presentement. en laquelle estoit la sainte cresme dont le roy clovys fut premierement oingt en grant devocion par saint remy laquelle ampoule est de present a reins/ dont de la sainte cresme qui est dedans les roys de france seulement sont oingz une fois en consecracion. En celluy temps que le roy jadis fut baptisé les seurs du roy et trois mille hommes de son exercite furent baptisez et puis ensuyvant plus le peuple de france en grant joye et exaltacion de gloire.
La seconde partie du premier livre contient cincq chapitres. et parle au commencement du roy pepin et de charlemaigne son filz.
Comment pepin par sa prudence fut esleu roy de france quant la lignee du roy clovys deffaillit en succession.
Le premier chapitre.
Le livre precedent fait mencion du roy clovys le premier crestien des seigneurs de france dont la lignee succeda de hoir en hoir jusques au vingt et quatriesme roy qui fut le roy pepin d'une autre lignee. et le roy qui fut le vingt et troisiesme partit du roy clovys et se disoit Hildericus/ lequel estant devocieux et comtemplatif sans cure de exerciter oeuvre roialle se mist en religion pour mener vie solitaire. En celluy temps pepin moult vaillant de sa personne tresnoble tant seulement prince. Et a cause que tous les roys de france de lignee en lignee ont succedé de cestuy pepin/ et specialement charlemaigne son filz/ sur lequel ceste oeuvre est comprinse.
Je veulx icy commencer a dire la matiere de la quelle j'entens superficialement parler. Et ainsi est que le livre qui se dit mirouer hystorial comprens que pepin prince une fois envoya ses messagiers a romme au pape zacharie pour avoir responce sur une demande/ c'estassavoir lequel est mieulx digne d'estre roy ou d'estre dit roy ou celluy qui pour la paix et union prent grant peine et travail ou celluy qui est abandonné a nonchalance et a paresse/ et qui est seulement content du nom d'estre dit roy Quant le pape ouyt la demande il remanda a pepin que celluy par raison et droite equité se doit appeller roy qui gouverne et deduit son fait a l'oeuvre publicque et qui la fait continuelle. Pour laquelle responce et demande les françoys par conseil approuvé alerent considerer hildericus leur roy devant dit estre dedicqué en monastere en vie solitaire et contemplative/ et que nonobstant qu'on ne doit riens inferer contre ceulx qui vivent solitairement/ et selon dieu si ne appartient il pas a ung roy d'estre solitaire/ car tel comme est le roy/ tel est le royaulme. Selon comme salomon dit que la ou le prince est negligent le peuple ne sçait que faire. et benoiste est la terre qui a le prince noble. Tous ces françoys eulx estans bien informez des condicions appartenantes a ung roy selon ung acteur qui dit ainsi. Le prince quant il est ordonné ne doit point avoir de chevaulx superfluz ne faire son peuple plus subject qu'il ne doit et ne doit prendre que serviteurs propices sans superfluité/ sans grant nourricion de chiens ne d'autres bestes inutiles/ mais prendre en tout mesure Multiplicacion de menestriers/ tabourins/ femmes illicites/ hommes luxurieux evitera et repellera/ et ses subjectz il ne corrompra point par exemple/ il n'aura point plusieurs femmes/ voulentiers lira livres/ et aura gens pleins de lettre/ et jugera sans faire a nul aliance/ et devant toutes choses il adorera dieu et servira/ et ne prendra voulentiers dons/ et ne doit pas voulentiers changer ses officiers. Tout cecy bien veu entre eulx pour la conservacion du peuple entre les mescreans qui estoient pour lors alerent eslire roy de france ce noble roy pepin et de ce temps le lignage de clovys ne regna plus sur les françoys/ fut consacré par boniface et par l'auctorité apostolique par saint estienne avecques ses deux filz Charlemanus. et charles le grant fut confermé et approuvé. Et ordonna tous les roys de france en grant benediction a devoir succeder de lignee en lignee plus prochaine Et donna aussi ledit pape grant malediction a tous les opposans aux choses dessusdittes/ dont après cestuy roy Pepin fist aussi grant guerre aux anglois. et la coustume de l'eglise rommaine il ordonna le service es eglises galiennes et françoises avecques plusieurs autres matieres merveilleuses/ dont l'onneur a luy et a tresbon droit fut attribué par victoire obtenue. Et fut ensevely en l'eglise de monseigneur saint Denis en france. Et laissa ses deux filz dessusditz/ lesquelz il avoit eu de la royne Berthe fille du grant. Herclin cesar/ dont le lignaige des rommains/ des germains et des grecz a concurrence/ pourquoy a bon droit au temps suyvant le roy. Charles fut esleu et fait empereur de romme. Et regna le dit roy Pepin .xviii. ans en prosperité digne de salvacion. Et après que le frere dudit Charles eut regné en sa partie du royaulme deux ans il mourut. et fut tout le gouvernement entierement du royaulme de france a charles le grant moult puissant et vertueulx en ses faitz comme après plus a plain se demonstrera
Du roy charles après qu'il eut fait beaucoup de constitucions avecques le pape Adrien/ et comment il fut fait empereur de romme.
Le .ii. chapitre.
Cestuy noble charlemaigne aultrement dit charles le grant. lequel pour la grandeur de son corps puissance et operacions vertueuses par merite est appellé grant. comme j'ay dit que après la mort de son frere il fut seul roy de france. Bien peu de temps après que le pape Adrien regnoit et qu'il faisoit grant diligence de corroborer la foy crestienne en anichilant les heresies et en constituant ymaiges pour representacion des sainctz es eglises et plusieurs aultres labeurs meritoires adjointz es services de dieu et de sainte eglise. Le roy charles contre les mescreans ne sejournoit point a les confondre ou il eut victoire en diverses manieres. toutesfois Adrien pape qui estoit bien informé que cestuy charles estoit une ferme coulonne de la foy et protecteur de saincte eglise il luy manda qu'il venist a romme et quant il fut a pavye il y mist le siege ou il sejourna ung peu de temps et puis a peu de gens s'en partit et vint a romme et la fut receu affectueusement et devotement visita plusieurs lieux et puis quant il retourna il print pavye. Et quant il eut fait a son plaisir il retourna a romme et avec le pape Adrian ilz convoquerent plusieurs evesques abbez en nombre de cent cincquantetrois ou ilz firent plusieurs constitucions sur le fait de l'eglise. Et en elle synode pour la grande sanctité de charles le pape et tous les assistans donnerent droit et pouvoir pour ordonner evesques et archevesques en tous pays et provinces et tout cela seroit loué et fait par ledit charles et celluy qui contrediroit et les rebelles il les anathematisoit et leurs biens estoient confisquez. Cestuy noble roy charles avec ces deux filz l'ung avoit nom pepin. et l'autre Loys. et les douze pers de france qui avoient tous promis fidelité l'ung a l'autre a devoir mourir pour la foy crestienne. en celluy temps firent plusieurs guerres mortelles tant durant la vie du roy pepin pere du roy charles comme après que le royaulme de lombardie fut destruit et delivré des mescreans qui ne se fist pas sans grant travail de venir de france en lombardie a cause des pays dangereux. Quant tout ce fut bien terminé a son plaisir il reduist toute ytalie dessoubz le tribut du royaulme de france tellement que quant ytalie fut destruite il s'en alla a romme pour rendre louange a dieu plus devotement pour la prosperité de son intencion mise sur les ennemys de la foy a execucion Et la avec le pape Adrian il fist beaulcoup de constitutions qui par droicte equité se devoient observer et après qu'il se trouva a romme ainsi victorieux son filz Pepin fut ordonné et consacré roy des ytalies et son filz loys fut ordonné et consacré aussy roy sur acquitaine. Cela fait les romains qui de grant ancienneté furent de grant portement après que l'empereur fut par eulx mys a mort. Puis constantin son filz vouloit regner pour empereur qui ne fut pas au gré des senateurs et aultres rommains lesquelz estant en celluy point après ce qu'ilz eurent deliberacion de grant conseil utile allerent comprendre par effect la valeur et noblesse du roy. Charles qui estoit si parfait en toute noblesse hardiesse prudence et aultres vertus: comme j'en toucheray après tout a plain par tel endroit que du consentement de chescun il fut esleu empereur de romme a grant louenge et exaltation de joye innumerable. et par la main du pape Leo il fut couronné empereur a tous honneurs qui se peuvent comprendre et tous par une voix luy donnoient louenge. Et l'appelloient cesar august. pour une similitude de valeur en contemplant le grant plaisir qu'ilz avoient fait roy des ytalies.
De la corpulance du roy charles et de sa maniere de vivre.
Le .iii. chapitre.
Charlemaigne après qu'il fut empereur il fit plusieurs oeuvres merveilleuses et regna empereur treze ans et avoit ja regné sur les françois trantetrois ans. et au pays de rommenye il edifia plusieurs citez et restaura bonnes villes et plusieurs aultres choses qu'on ne pourroit pas bien racompter a cause de la prolixité de ses causes merveilleuses. toutesfois pour sçavoir quel homme il estoit ses oeuvres le demonstrent tant qu'il touche l'exercite de sa personne. Turpin saint homme arcevesque de reins qui regnoit pour lors qui fut souventesfois en la compagnie de charles dist qu'il estoit homme bien prins de corps et grant de personne et avoit le regart fier et malicieux. La longueur de sa personne contenoit. huyt piedz a la mesure de ses piedz qui estoient longz a merveilles gros et massif estoit des espaules et des reins sans avoir le ventre que bien a point. les bras et les cuisses il avoit bien amples. chevalier estoit subtil et tressaige actif et moult fier. et de tous ses membres estoit resolu en tresgrant force la face avoit desduite en longueur. et si portoit barbe d'ung pié de long. le nez avoit au bout sur rotondité. beau rencontre portoit cestuy homme: car il avoit la face d'ung pié de large. les yeulx avoit comme ung lyon par furieux regart scintillans comme escharboucle. les sourcilz comme demy pasles. si tost qu'il regardoit quelcun par ire chescun de luy avoit paour en oeuvrant les yeulx. la seinture dont il estoit sein estoit de longueur de huyt piedz sans ce que pendoit en bas. Quant il prenoit son repas de peu de pain il estoit content. mais quant a la pitance il mangeoit en ung repas la quarte partie d'ung mouton ou deux gelines ou une grosse oye ou une bonne jambe de porc. ou ung paon ou une grue ou ung lievre entier sobrement bevoyt le vin avec ung petit d'eaue dedans. De sa force ce n'est pas peu de fait. car ung chevalier armé sur son cheval a ung coup d'espee il fendoit des le hault de la teste jusques au bas. et s'il tenoit quatre fers de chevaulx venans de la forge sans esprouver guieres sa force il les estandoit et mettoit en pieces et a une seulle main il prenoit ung chevalier tout armé luy estant hault jusques a l'endroit de sa teste le levoit tres ligierement. Et avoit en luy trois choses bien honnorables. Premierement en dons il estoit tressaige. et a l'exemple de l'empereur titus de vaspasien. lequel estoit si prodigue qu'il n'estoit pas tousjours a luy possible de donner ce qu'il promettoit. Et quant on luy disoit pour quoy il promettoit chose qu'il ne povoit incontinent donner. celluy respondoit que nul ne doit point partir de devant la face du prince desolé et marry et sans quelque chose obtenir. Secondement charles estoit si seur en jugement que personne ne le pouvoit reprendre. Et aussi piteux et misericors il estoit aux crestiens selon la qualité de la personne et l'occasion du delict. Et tiercement en parolles il estoit moult advisé. quant il parloit il pensoit fort a ce qu'il disoit. et quant on parloit a luy moult fort pensoit la maniere pour comprendre l'intencion du parlant.
A quoy le roy charles et ses enfans filz et filles estoient dedicqués.
Le .iiii. chapitre.
Dame bertrode mere de charles pleine de grant science en grant prosperité de vie et en honneur enveillit et finit ses jours et ordonna ses livres pour exercer les ars liberaulx. dont premierement charles prenoit peine d'estudier au temps d'enfance. a ses filz et filles faisoit aprendre science après qu'ilz savoyent leur creance il les faisoit estudier es sept ars liberaulx. Et quant les filz estoient en aage pour monter a cheval a la maniere françoise il leur faisoit porter armes. jouster pour excercer guerre quant besoing seroit. Et quant ilz ne faisoient cela. il les faisoit chasser a toutes bestes sauvaiges et aultres esbatemens de chevalier continuellement. Après ses filles faisoit dedicquer continuellement a filler leurs coguoilles et aultres oeuvres honnorables. et a celle fin que par paresse et faulte d'occupacion elles n'eussent occasion de cheoyr en pensement desordonné pour avoir inclinacion a vice. et quant il n'estoit occupé en matiere pondereuse il mettoit son temps a escripre quelque chose nouvelle affin qu'il ne fust point oyseux selon l'espitre de saint pol qui nous admonneste de faire tousjours quelque bien. pource que nostre ennemy ne nous tienne en oyseuseté pour faire excercer ses intencions damnables. En son palais de ais en allemaigne il fist faire une eglise de nostre dame de merveilleuse beaulté comprinse et moult richement ordonnee. ouvré et en grand honneur exaulsee en signe de parfait crestien car selon qu'on ayme le seigneur et qu'on est donné a luy on fait les oeuvres desideratives a esmouvoir les aultres pour faire au seigneur comme luy et tellement perseveroit en l'amplificacion de son pays que des la mort de son pere Pepin il doubla par puissance le royaulme de france.
De l'estude du roy charles et de son vivre. et de ses oeuvres caritatives et aultres matieres.
Le .v. chapitre.
Après que charles fut instruit en grammaire et aultres sciences morales et speculatives tousjours continuoit en icelles. et par ardant desir frequentoit les livres composez sur la loy crestienne pour estre protecteur des crestiens et defenseur de l'eglise. laquelle il visitoit au matin et au vespre et la nuyt souventesfois. et selon les bonnes festes il ne failloit point a faire grandement son devoir es sacrifices et oblacions introduittes sur le fait de donner pour l'amour de dieu et subvenir aux povres c'estoit moult ample chose. car tant seulement il ne subvenoit pas a son pays de son avoir. mais en plusieurs autres lieux oultre mer il transmettoit or et argent et vivres selon la necessité du lieu. comme en surie en egypte. en jherusalem et aultres pays comme celuy qui disoit. L'or et l'argent n'est point mien. A chascun il vouloit amytié. de corps il estoit ample et robuste. D'une estature bien apparoisante. le bout de la teste avoit en rotundité. les cheveux avoit en reverence et la face joyeuse. la voix clere et de grant force et ne mengoit pour le plus a son soupper que de quatre metz. sinon de la venoison rostie/ laquelle sur toutes autres chairs il aimoit et frequentoit a l'eure de son soupper. Tousjours il avoit liseurs pour lyre cronicques ou aultres choses contemplatives comme celuy qui veult aussy bien repaistre l'ame qui est perpetuelle de viandes spirituelles pour la maintenir en union de grace envers son createur comme de refectioner le corps pour conserver la vie. et entre les aultres livres il se delectoit fort es livres de saint Augustin. et specialement en celluy qui se dit de civitate dei. Et ne bevoit point trop souvent. car a soupper il ne bevoit point plus de trois fois. Au temps d'esté volentairement après my jour il mengeoit ung peu de fruitz et bevoit une fois seulement. et puis tout nud se reposoit dormant au lit deux ou troys heures. et la nuyt il rompoit quatre ou cinq fois le dormir et aloit parmy sa chambre. Ainsi charles perseverant en felicité royalle et imperialle envoyoit par tout son empire ses messagiers et grans conseilliers pour visiter les provinces et bonnes villes pour estre informé des gouverneurs d'icelles pour faire par tout justice et raison a chascun. et fist plusieurs constitucions et loix selon les lieux. et fist commandement de les observer et garder sur peine establie. Semblablement envoya ledit charles par tout le monde pour sçavoir de tout le gouvernement. C'est assavoir pour congnoistre les faitz merveilleux qui se fasoient par le monde et aussi pour aprendre la vie des sainctz saintes desquelz on fait feste et en fist faire livres pour estre memoire eternelle et chascun jour mettoit en escript selon ce qui se faisoit. En telle maniere que selon l'escript pour lors se trouveroyent plus de troys cens festes de saintz une foys l'an. Pourquoy luy exercitant ses oeuvres spirituelles il estoit aymé et chier tenu de chascun En celluy temps Aaron le roy de perse pour la manificence de charles luy envoya ung elephant bien merveilleux pour ung don bien singulier et plusieurs aultres choses bien precieuses. Cestuy charles pour sa grande sainteté et noblesse estoit en telle renommee de honneur et des vertus que pour lors quant ses messagiers venoient du royaulme de perse une foys Aaron entre les aultres dons qu'il transmist au noble empereur Charles il envoya le corps de saint cyprian et de saint speratus et le chief de saint panthaleon martir en france.
La tierce partie du premier livre contient trois chapitres. et parle comment par revelacion divine le noble charles delivra la terre saincte hors de la main des mescreans.
Comment le patriarche Iherosolimitan manda a charles qu'il luy donnast secours après qu'il eust esté degetté par les turcz.
Le premier chapitre.
On lit que pour le temps que charles fut empereur de romme le patriarche de jherusalem fut si fort pressé des payens par mortelle guerre que a grant peine se pouvoit il saulver. et ainsi il ne sçavoit plus que faire. il eut en memoire le noble charles et luy informé de sa saincteté pour benediction luy envoya les clez du sainct sepulchre de nostreseigneur jhesucrist du lieu de calvaire et de la cité. et avec cela luy envoya l'estandart de la foy comme a la coulonne de crestienté et defenseur de saincte eglise. Après cecy le patriarche vint a constantinoble vers l'empereur constantin et son filz leo. et amena avecques luy jehan de naples prestre et ung aultre qui se disoit david archeprestre. lesquelz l'empereur constantin envoya incontinent au noble charles. et avecques ces deux il ordonna pour y aller deux aultres qui estoient ebreux. l'ung avoit nom ysaac et l'aultre samuel. et leur donna une lettre escripte de sa propre main pour porter au roy charles et avoit ledit constantin en une partie de ladicte lettre ainsi. Une nuyt me fut advis que je veoye devant mon lit une jeune femme moult belle et plaisante qui se tenoit droicte et tout bellement me coucha et a doulces parolles me va dire Constantin quant tu as sceu l'affaire des payens qui tiennent la terre saincte par grant affection tu as prié dieu pour avoir aide. Vecy que tu feras/ pourchasse que tu puisse avoir avecques toy charles le grant roy des galliens qui est protecteur de crestienté et defenseur de saincte eglise. Et puis me monstra celle dame ung chevalier armé de tout son corps et de esperons et avoit son escu rouge. et son espee seinte qui avoit le manche comme de pourpre et tenoit une lance moult grande et le fer qui estoit en hault souventesfois gettoit en l'air grans flambes de feu et si tenoit en sa main ung bacinet tout d'or reluysant moult bien formé de tous ses membres luy commençoient a blanchir la barbe. puis après avoit escript. O tu august qui jamais ne refusas de obeir aux commandemens de dieu esjouys toy en jhesucrist et en ta memoire tousjours rens luy graces: soyes enclos en justice comme en honneur tu as esté reclamé: ainsi jhesus te doint perseverer et tiens tousjours les commandemens de dieu dont on doit fondamentalement. Et selon l'escripture l'empereur constantin en son temps avoit ja degetté les payens de jherusalem sept fois pourquoy quant il ne peut plus il envoya ses messagiers au roy charles qui estoit pour lors a paris. Et quant les messagiers eurent presentees les lettres et il les eut veues moult griefvement commença a plourer en contemplant la pitié du saint sepulchre de nostreseigneur ainsi detenu des mescreans. Après cecy il manda l'arcevesque turpin et luy fit publicquement prescher les nouvelles piteuses qui estoient presentement venues: lesquelles estre escoutees tout le peuple y voulut aller
Comment charles a grant compagnie s'en alla conquester la terre saincte et plusieurs aultres matieres.
Le .ii. chapitre.
Après ce que j'ay dit devant fut publié le roy fit faire ung edict et cryer par tout son pay que tout homme qui pourroit porter armes fust prest d'aller avec luy contre les payens et celluy qui n'y viendroit seroit obligé a une bonne somme d'argent pour souldoyer ceulx qui yroient. Estre fait cecy jamais homme pour peu de temps ne veit tant de gens ensemble comme pour lors furent trouvez. Et quant ils furent tous partis au nom de dieu plains d'une grant foy en grant esperance de victoire obtenir dessoubz la conduyte de celluy capitaine de la foy charlemaigne. Et quant ilz eurent beaucoup chevaché ilz se vont trouver en ung grant boys qu'on ne pouvoit passer a moins de deux jours encores a grant peine et charles le pensoit passer en ung jour pourquoy luy et son excercite entrerent dedens celluy boys qui estoit plain de diverses bestes sauvaiges comme de grifons ours lyons tigres et aultres bestes. Quant ilz furent ainsi en ce grant boys et la nuyt survint tous se trouverent esbahys et perturbez sans scevoir le chemin qu'ilz devoient tenir. Et commenda ledit charles qu'on regardast on pourroit veoir ne congnoistre habitacion mais ilz en estoient bien loingz et hors de la droicte voye et chemin et fut force de leur disposer de dormir en tel estat. Et quant ilz furent tous appaisez. le roy charles estant en son dormitoire se confiant de l'aide de nostreseigneur en grant devotion commença a dire le psaultier. Et quant il vint au point qu'il deust dire le verset suyvant. Deduc me domine in semita mandatorum tuorum quia ipsam volui. Cecy disant en son oreille vint ung oyseau qui en la presence de chascun va dire a haulte voix. Ton oraison est escoutee. dont tous ceulz qui estoient presens furent moult perturbez. et nonobstant tout cecy le roy continua de dire le psaultier jusques Educ de custodia animam meam. Et tout ainsi qui le disoit l'oyseau commença plus fort a crier et dire. O françoys que dis tu. o françoys que dis tu. Et après cecy le roy et sa compagnie vont suyvre celluy oyseau et les conduisit jusques au sentier qu'ilz avoyent pardu le jour de devant. et dient aulcuns pelerins que depuis en celle terre sont venuz ses oyseaulx ainsi faisans. mais quant le noble roy Charles et sa tresgrant puissance fut près de ses ennemys ilz furent moult perturbez et les seigneurs crestiens resjoys de sa venue. car sans cesser aulcunement il n'arresta jusques a tant que il eust recouvré le pays des crestiens expulsé tous les payens que tant luy redonda a honneur victorieux. Et en retournant il demanda a l'empereur de constantinoble licence et aux aultres patriarches et archeprestres devant qu'il en partist l'empereur constantin le receut par ung jour naturel. Et pour terminacion ledit empereur pour l'onneur du roy charles le lendemain devant les portes de la cite fist ordonner plusieurs bestes de diverses manieres et couleurs grant quantité d'or et d'argent. pierres precieuses tout a bandon affin qu'il en voulsist prendre pour aulcune remuneracion du grant bien qu'il avoit fait en leur pays. mais aussi tost que charles sceut le fait il print conseil a ses gens qu'il devoit faire de prendre de ses dons precieux et riches ou s'en tourner en france sans prendre riens. Et sur ce il eut conseil de ses barons qu'il ne print riens pour son labeur. car il n'avoit riens fait sinon pour l'amour de dieu seulement. Et luy bien content de ceste responce il commanda que personne sur peine moult grande ne print riens de joyaulx dessus aprestez.
Des relicques que l'empereur Charles apporta de constantinoble. Et de la terre sainte et des miracles qui furent faitz.
Le .iii. chapitre.
Quant l'empereur de constantinoble et le patriarche de jerusalem sceurent que le noble roy Charles ne prendroit riens des biens dessusditz. il fut admonnesté qu'il print quelque chose d'eulx. Et quant il fut ainsi contraint il supplya que pour l'amour de dieu on luy donnast quelque chose des reliques de nostreseigneur et de sa sainte passion. Cecy estre demandé il fut commandé a jeusner par trois jours a chascun pour estre plus incliné a devocion et pour visiter les saintes relicques Et specialement estoient ordonnez douze personnes de grace qui devoient traictié lesdictes relicques. Quant ce vint au tiers jour le noble charles par grant contricion se confessa a l'archevesque Ebron après cecy moult reveramment commencerent a chanter la letanie avecques aucunes pseaulmes du psaultier. Et la fut le prelat de naples nomme Daniel qui en grant reverance va ouvrir le coffret ou estoit la precieuse couronne de nostre seigneur jhesucrist. et va saillir d'icelle si grant odeur que tous les presens pensoyent estre en paradis. Adoncques le roy charles plain d'une foy entiere et de creance parfaicte par contemplatcion se va getter a terre tout estendu et moult fortement priant nostre seigneur que pour la gloire de son nom nouvellement renouvelast les miracles de sa sainte passion et glorieuse resurrection. et aussy tost qu'il eust prié d'ung moment va venir que la couronne commença a florir et yssoit de celles fleurs ung odeur si tres delicieux que chascun pensoit que ses vestemens fussent partis de paradis. Puis après cestuy daniel print ung cousteau bien trenchant bien purifié pour trencher de la dicte couronne. et en trenchant tousjours de plus en plus ladicte couronne flourissoit et l'odeur plus abondamment gettoit. et des fleurs le noble roy charles en mist a part en repositoire. et ung aultre coffret avoit pour mettre les espines de ladicte couronne et plouroit si abondamment que quant il cuida donner des fleurs a l'arcevesque Ebron il retira sa main et pensoit que ledit Ebron les eust en sa main. et elles estoient en sa main miraculeusement et se tenoient par elles l'espace de une grant heure. Et puis quant il voulut donner en garde les espines audit Ebron il veit le coffret en l'air qui estoit plain de odeurs qui se tenoit de par luy. Puis après en visitant ces fleurs furent tantost converties en menne. en celle maniere elles sont a saint denys en france. Et a esté l'oppinion de plusieurs que ce fust de celle manne que dieu envoya au desert a son peuple. Pour lors furent faittes oeuvres miraculeuses. car tous malades qui estoient la presens furent gueris de toutes leurs maladies pour l'odeur des fleurs dessusdictes et le peuple qui entroit en l'eglise par grant violance des gens crioit. Veritablement aujourd'uy est jour de salut et resurrection. car pour l'odeur de ces melodieuses fleurs toute la cité est purifié et remplie de grace. car trois cens et ung malade par compte fait furent saintz et gueris. Entre les aultres y avoit ung malade de vingt et quatre ans et trois nuytz qui estoit aveugle sour et muet. mais au mouvement qu'on tira l'espine de la couronne de nostre seigneur il print le veoir. quant la posa il recouvrit l'ouyr. et en flourissant il recouvrit la parolle. Après cecy ledit daniel print ung clou desquelz le precieulx corps de nostre seigneur jhesucrist avoit esté percé en sa passion. et en grant reverence le mist en reliquaire d'allebastre. et en le prenant fut guery ung jeune enfant qui de sa partie senestre estoit sec et impotent des sa nativité. et courut hastivement en l'eglise et cria a l'eure de nonne. et dist que luy estant en estasie fut guery et compta la maniere comment. Oultre les choses dessusdictes on donna audit charles empereur ung morseau de ladicte croix. et le saint suaire. et avecques ce la chemise de nostre dame et le drap ou nostreseigneur jhesucrist fut envelopé. et aussy les bras de saint Simeon. et tout reveramment en reliquaires precieux les pendit a son col. et en passant par devant ung chasteau il y avoit ung enfant mort de nouveau. le roy Charles le toucha des reliques qu'il portoit. mais tantost il fut ressucité. Et quant il vint a ais en alemaigne qui estoit une moult belle cité ou ledit Charles avoit fait son palais moult beau et riche. et une tresdevocieuse chapelle en l'onneur de nostre dame. la ou il fut ensepvely. Dernierement furent gueris aveugles. fievreux et sans nombre. et douze demoniacles. aussy huyt ladres. des paraliticques quinze. des boiteux quatorze. des noyés trente ressuscistez. de bossus cinquantedeux. des caducz soixante et cincq. des gouteux plusieurs de ceulx du lieu et des voisins. Et fut ordonné que au moys de juing a ais la cité tous les ans on deust venir veoir les devant dictes reliques que le noble roy Charles avoit apportees de jherusalem et de constantinoble. Et oultre plus fut estably que ung jour de la sepmaine des jeunes des quatre temps et au moys de juing se fist celle demonstrance et notification. et en ceste constitution fut le pape leo. l'arcevesque Turpin. Achiles d'alixandrie evesque. et Theophile d'anthioche. et plusieurs aultres evesques et abbez quant la chose fut faicte qui fut oeuvre bien vertueuse et plaine de salut.
Cy commence le second livre de l'oeuvre presente qui contient trois parties par chapitres suyvamment declairez.
La premiere partie du second livre contient .xvi. chapitres. et parle de la bataille faicte par Olivier et Fierabras ung merveilleux geant.
Comment en ung lieu qui se disoit normionde Charles se tenoit suyvant guerre contre les payens après ung petit de prologue.
Le premier chapitre.
J'ay parlé devant au premier livre superficiallement du premier roy de france baptisé en descendant selon mon propos jusques au roi Charles du quel on ne sçauroit pas bonnement raconter la vaillance de luy et de ses barons qui se dient pers de france. desquelz a leur endroit je feray mention selon que j'en pourray recevoir en verité. mais ce que j'ay dessus escript je l'ay prins en ung moult autenticque livre lequel se nomme mirouel historial. et aussy es cronicques anciennes. et l'ay tantseulement transporté de latin en françoys. Et la matiere suyvante que fera le second livre est d'ung rommant fait en l'ancienne façon sans grant ordonnance. dont j'ay esté insité a le reduire en prose par chapitres ordonnez. Et ce dit celuy livre selon nes aulcuns fierabras. a cause que celuy fierabras estoit si merveillex comme j'en feray mention qui fut vincu par Olivier et en la fin se fist crestien et fut baptisé et est saint en paradis. Et parle en effaict de celle bataille et des relicques qui furent conquestees qui avoyent esté prinses a romme. et estoient en la puissance de l'admiral pere dudit. Fierabras. Parquoy en cestuy livre ensuyvant je n'entens si non seulement reduire la ryme ancienne en prose et diviser la matiere par chapitres en la meilleure ordonnance qu'il me sera possible de faire sans y adjoindre chose que je ne treuve audit livre Et tout ainsi que je trouveray pareillement le reduiray. Et cestuy livre est applicqué a l'onneur de Olivier en partie. nonobstant qu'il ya plusieurs aultres matieres. car j'entens que de chascun des barons principaulx de l'empereur Charles qui se dient communement en nombre douze ou treze. et pers de france qui estoient capitaines de l'excercite et moult fors et vaillans de leurs personnes. et estoient grans seigneurs et nobles. mais des seigneurs capitaines vaillans il y en avoit plus de treze selon que je treuve.
Premierement y estoit Rolant conte de cenonia filz de Millon et de dame Berthe propre seur du roy charlemaigne. Après y estoit Olivier comte filz de Regnier de gennes. lequel Regnier estoit aussi a l'excercite du roy Charlemaigne. Après Richart duc de normandie Garin duc de lorraine. geoffroy seigneur de bourdeloys. Hoel comte de nantes. Ogier le danoys roy dairie Lambert prince de brucelles Tierry duc d'ardanne Basin de beauvoys. Guy de bourgoigne. Godefroy roy de frise. Et pareillement y estoit Ganellon qui fist la trahyson en roncevaulx comme il apert en la fin du tiers livre Sanson duc de bourgoigne. Aussy y estoit Riol du mans. Alorry et Guillermet l'escot. Naymes duc de bavieres et plusieurs aultres qui estoient subjetz a charles. Et nonobstant qu'ilz ne fussent pas tousjours avecques luy ceulx que j'ay nommez si estoyent ilz tousjours prestz pour faire son commandement. Et aussy la plus grant partie des dessus nommez estoyent avecques luy continuellement.
De fierabras et comment il vint exciter l'excercite charlemaigne.
Le .ii. chapitre.
L'admiral d'espaigne nommé Ballant payen moult grant et puissant de corps et de gens. avoit ung filz nommé Fierabras le plus merveilleux geant qui jamais fut de mere né. car de la grosseur et grandeur de son corps et aussy de sa force il estoit le non pareil lequel estoit roy d'alixandrie et tenoit dessoubz luy le pays de babylonne jusques a la mer rouge. et estoit seigneur de rossie et de colloigne. et plus oultre estoit dessoubz luy jherusalem et detenoit le saint sepulchre de nostreseigneur jhesucrist et par sa grant puissance entra une foys a romme ou il fit beaucoup de mal. et emporta la sainte couronne de nostreseigneur et les saintz cloux et d'aultres relicques assez. dont cestuy livre fait la fin comment elles furent recouvrees. et se fasoit appeller fierabras d'alixandrie. lequel après que plusieurs guerres et batailles furent faictes en normionde entre les payens et l'exercite de charles. cestuy fierabras moult dissolu vint chevauchant par grant erreur pour trouver quelque crestin et pour batailler contre luy et s'en vint es lices du roy charles moult effrayé et eschaufé a devoir batailler tout armé et bien fourny de glaive et estoit tresmal content de ce qu'il ne trouvoit personne a qui combatre. et près des lices il va veoir les armes de l'empereur charles esquelles estoit l'aigle d'or reluysant. et jura par mahommet son dieu et sa puissance que jamais ne s'en partyroit qu'il n'eust fait guerre a quelque crestien. Et luy regardant que nul ne venoit a haulte voix commença a crier. O roy de paris couart sans hardiesse envoye jouster contre moy aulcuns de tes barons de france les plus fors et les plus hardis comme rolant olivier thierry richart de normandie ou ogier le dannois et je te jure mon dieu mahom que je n'en feray reffus jusques a six ou a sept qu'ilz ne soyent par moy soubstenus. et se tu me fais refus de ce je te prometz que devant qu'il soit nuyt tu seras par moy assailly et desconfit et si te couperay la teste comme meschant sans prouesse quelconques. et puys je emmeneray avecques moy rolant et olivier malheureux et chetifz. car oultraigeusement et follement comme maulvais viellard t'es abandonner de venir en ce pays. dont tu auras cause de t'en briefvement partir. Cecy dit fierabras s'en alla a l'ombre d'ung arbre et des armes dont il estoit vestu se desarma et estacha son cheval a ung arbre. Et quant il fut ainsi a son aise icelluy commença a crier a haulte voix. O charlemaigne roy de paris ou es tu maintenant que t'ay aujourd'uy tant appellé. sans plus grande dilation envoye maintenant jouster contre moy. Olivier duquel tu fais si grant compte. ou rolant ton nepveux valereux. ou ogier le dannois que j'ay ouy louer. et se d'aventure l'ung de ceulx n'ose venir seul viennent hardiement les deux ou les trois. ou les quatre des plus heureux: et qu'ilz soient couraigeux et hardis et bien armez. et se les quatre ne sont bien hardis viennent cinq. Car jusques a six des plus valereux de ton exercite je ne refuseray point et ne m'en pense retourner qu'ils ne soyent confuz et destruitz par moy. Car soyes seur que il ne me sera ja reprouché que je soye fugitif pour françoys vivans. J'ay desja mys a mort par la valeur de ma personne dix roys de grant puissance lesquelz n'ont sceu resister contre ma force nullement.
Comment richard duc de normandie dist a charles quel homme estoit fierabras.
Le .iii. chapitre.
Aussi tost que fierabras eust finee sa parolle l'empereur charles qui bien l'avoit escouté tout esmerveillé de son languaige va demander Richard de normandie auquel il demanda qui estoit ce turc qui avoit ainsi a haulte voix crié la valeur de sa personne car ce dist charles je l'ay bien escouté quant il a dit qu'il ne fauldroit point jusques a six des plus chevalereux de mon exercite auquel richart duc de normandie va respondre. Sire roy c'est ung homme riche a merveilles et ung des fors qui oncques fut né de mere. et si est sarrazin de si grant fierté qu'il ne prise ne roy ne conte ne aultre personne du monde. Quant charles l'entendit il commença a haulser la teste et jura saint denys de france qu'il ne mangeroit jamais ne bevroit que premier n'alast jouster l'ung des pers de france contre luy et aussi demanda richard comme ce payen ce nommoit Richard respondit. Sire empereur cestuy payen se nomme fierabras qui se fait moult redoubter et aussy qui a fait beaucoup de maulx aux crestiens. qui occist l'apostre. qui pendit les abbez. moynes nonnains. et a violé eglises. qui desroba la sainte couronne de nostreseigneur. et plusieurs aultres relicques dont vous prenez grant peine lequel tint jherusalem en grant subjection. et le saint sepulchre ou dieu fut mis. Sur ce respondit charles. de ce que tu me dis je suis plus couroucé. Mais saches de certain que jamais je n'auray joye ne ne sera mon desir acomply jusques a tant qu'il soit vaincu. Et de fait de luy tous les françoys furent commeuz et perturbez. et n'y eut celluy qui se presentast pour y aller. Et quant charles veit que personne ne se courageoit d'aller combatre celluy geant Fierabras il va dire a Rolant. Mon cher nepveu je te prie que tu te disposes pour assaillir celluy turc et que tu y faces ton devoir
La responce faicte per Rolant a l'empereur son oncle trop subite et qu'il en fut.
Le .iiii. chapitre.
Quant l'empereur charles eut parlé ainsi gracieusement a son neupveu rolant. follement et sans raison ledit rolant va respondre. Bel oncle ne m'en parlez jamais. car j'aymeroye trop mieulx que vous fussiez confus et desmembré que je prinse armes ne cheval pour jouster comme vous dittes. car le jour dernierement passez que nous fusmes ainsi prez tenuz des payens cestassavoir plus de cincquante mille. nous aultres jeunes chevaliers y fismes grant portement et y soustenismes maintz coups mortelz. dont Olivier mon compaignon en est quasi a mort navré. car se nous n'eussions secours de nous estoyt fin et destruction entiere. Et quant nous fusmes au repaire et en nostre logis pour prendre repos le soyr quant tu fus bien yvre tu te vantas publicquement que les anciens chevaliers et vieulx que tu avoyes amené avecques toy pour nous faire aide s'estoient beaucoup mieulx portez en fait d'armes et plus fort batailé que les jeunes. Et chascun sçait bien comme le soir je fus affoibly et lassé du travail que je prins celluy jour. mais par l'ame de mon pere ce fut mal dit a vous et de present on congnoistra comment les anciens et viellars se porteront. car par celluy dieu a qui tout doit subjection il n'ya homme jeune en ma compaignie que jamais de moy soit aimé s'il prent party d'aler jouster contre celuy payen. Aussy tost que le duc rolant eut finé sa parolle son oncle l'empereur moult indigné contre luy a grant melancolie de son gantelet dextre qui estoit riche et bordé d'or va donner au travers du visaige de rolant et l'ataindit tellement sur le nez que le sang en vint abondamment du coup dont Rolant par grant fureur mist la main a son espee quant veit son sang. et eust frappé de Charles s'il ne se fust osté de devant luy. Et quant charles veit l'intencion de Rolant il fut esbahy a merveilles. et dist O dieu de paradis qui eust pensé que de rolant mon nepveu je fusse vergoigné qui nous sommes mis ensemble d'une foy contre noz adversaires. et il me vient courre dessus d'affection mortelle qui est le plus prochain en lignaige envers moy qui soit present et qui plus tost me deust secourir que nul qui soit. Or pleust a celuy dieu qui croix souffrit passion que en cestuy jour prengne la fin dont il peut estre digne. Cecy dit par grant fureur demanda les françoys et leur dist. despeschez vous sil le prenez. car je ne mengeray huy qu'il ne soit livré a mort. Quant les françois entendirent la parolle de charles pour devoir accomplir son commandement tous se regarderent l'ung l'autre pour sçavoir qui mettroit la main a luy le premier. Et quant Rolant veit le fait il se mist ung petit apart et a tout l'espee en sa main va crier a haulte voix aux aultres. Si vous estes saiges si vous tenez quoy. car je faiz veu a dieu que s'il ya homme qui se bouge pour venir a moy que je ne face de sa teste deux parties. pourquoy il ny eut si hardy qui a malice se bougeast contre luy et estoient tresmal contens de leur debat. et sur ce le noble ogier doulcement vint a rolant et luy dist. Sire rolant il me semble que vous avez le plus grant tort quant vous avez ainsi courroucé l'empereur vostre oncle. lequel par raison vous devez entre les aultres aimer et deffendre et aussi supporter. Rolant respondit qui fut ja refroidi de son ire. Sire ogier je vous prometz qu'a bien peu de fait j'eusse esté determiné a oultraige sans advis encliné dont je suis mal content.
Comment charles et rolant sont reprins par l'acteur et excusés aulcunement sur le debat devant dit.
Le .v. chapitre.
Sur le debat de l'empereur et de rolant son nepveu je me veulx ung peu arrester. Et parle premierement a toy roy charles qui as esté instruit des ton enfance a toutes sciences plaines de meurs dignes de commemoration qui sçavois la constance des anciens et la mutabilité des jeunes gens Pourquoy disoies tu le vespre que les anciens s'estoient mieulx portez en la guerre de celluy jour que les jeunes chevaliers et tu sçavois bien que olivier estoit navré pour sa vaillance grandement et tellement qu'il estoit au lit et puis rolant ton nepveu avoit fait moult grant portement et se aucunement il a parlé follement tu pouvois bien supporter son premier mouvement qui n'est pas a la puissance de l'omme. Se tu eusses bien prins ton advis au dit qui dit. Vindictam differt donec pertranseat furor. Qu'on doit differer la vengeance jusques a tant que la fureur de l'ire soit passee. Se tu n'eusses point frappé rolant puis qu'il avoit mal dit: et aussi comme sans avis de discretion tu le frappas. Semblablement sans advis il tyra son espee contre toy et se tu n'eusses fait ce tu avois assés temps pour le reprendre de son offence. Tu as l'ecclesiastique qui dit au dixiesme chapitre. Nihil agas in operibus injurie Quant on reçoit injure il n'est pas bon de faire ce qu'on pourroit bien faire Et ainsi est que quant une personne a bien fait son devoir et que celluy du quel il doit estre aucunement honnoré est blasme de tant plusfort est indigné et malcontent car son fait est reputé pour neant ainsi fut fait de rolant qui pensoit plustost estre loué pour le grant devoir qu'il fit. que ce que l'empereur dist que les anciens avoient mieulx fait que les jeunes. Mais je vueil tourner a toy. O roland qui as esté si noble dont vient en toy celle audacité de parler contre ton oncle qui a tousjours si bien fait que ses oeuvres sont dignes d'estre remembrees a celluy qui estoit empereur roy de france et seigneur de si grant craincte et a ton oncle as prins debat et respondu oultraigeusement: n'estoit il pas raison que tu deusses souffrir de luy et nompas luy de toy s'il t'a frappé de son gant par maniere de correction devois tu tirer ton espee sur luy tu n'avois pas en memoire l'obeissance de ysaac qu'il eut a son pere. Tu n'avois pas advisé ce que dit l'apostre. Juvenes servant amicos ad nidumque timorem. Vous aultres jeunes gardez vostre couraige et la faveur d'icelluy sans mettre a excercite. Se l'empereur pour esbatement avoit loué les anciens il ne disoit pas pourtant que tu ne eusses fait bon portement. Et saint Pol dist en l'epistre qu'on ne doit point regarder celluy qui est plus ancien que luy: mais le doit on entretenir et comporter comme son pere mais le fait est tel que personne ne repute injure a soy dire estre petit: et nul ne le blesse qu'il ne soit pacient pourquoy il est bon a chascun de penser et cogiter la chose avant qu'elle se die et voulentiers il n'en prendra que bien.
Comment olivier fut disposé de combatre Fierabras nonobstant qu'il estoit navré après plusieurs parolles.
Le .vi. chapitre.
Moult courroucé estoit charles de roland son nepveu et va dire a ses pers de france. Seigneurs iré suis en divers pensemens de mon nepveu roland qui a voulu faire injure a ma personne auquel j'avoye plus de fiance que en homme vivant Je ne sçay lequel plus parfaitement je doys aimer ne lequel je dois hair et plus oultre je n'ay personne qui se soit presenté a jouster contre ce payen qui m'a demandé. Devant luy se leva. Naimes duc de bavieres qui dist au roy. Sire empereur je vous prie qu'il vous plaise de vous deporter de ces parolles tout viendra a bon droit: et ung aultre yra jouster au sarrazin. Mais toutesfois le roy charles estoit en grant pensement. car personne n'y vouloit aller. Incontinent les nouvelles de charles et de rolant portees a olivier qui estoit en ung aultre lieu malade: et sceut comment estoit venu fierabras et que personne ne s'estoit presenté au roy pour aller jouster contre luy. Et sur ce le noble olivier remply d'un noble couraige et d'un vouloir ardant a complaire ouyez les nouvelles de son lict se leva et commença a estandre ses bras et a sentir s'il seroit possible a luy de porter armes. Et en cecy faisant ses playes se commencerent a ouvrir et en saillit le sang de destresse. Et nonobstant tout cecy comme celluy a qui il n'en chault gueires pour l'amour du roy fit lyer toutes ses playes le mieulx qu'il peust. et dist a guarin son escuyer qu'il fist apporter ses armes/ car il se vouloit armer pour aller jouster contre celluy sarrazin. Auquel garin va dire. Sire olivier en l'onneur de dieu prenés pitié de vostre personne. car il me semble que voulentairement vous voulés occir. Olivier luy respondit faictes mon commandement. nul ne doit tarder cercher son honneur et avancement au nom du seigneur: et a bon droit je me puis employer a servir mon prince et singulier seigneur: et puis que je voy que nul françoys ne s'avance je n'y failliray point: car on dit communement que au besoing lon congnoist son amy. Or tost apportés moy mes armes sans sejourner. Celluy les apporta et tantost olivier se fit armer par ledit guerin son escuyer qui luy chauhast ses chausses son haubergon son heaulme et ses harnoys necessaires il fut fourny et print olivier son espee qui se disoit haulteclere et la seindit laquelle espee il amoit moult. Après guerin luy amena son cheval entre les aultres special qui se nommoit ferrand d'espaigne. Et ainsi qu'il fut devant luy tout sellé et bridé le joly et gentil olivier va saillir en la selle sans mettre le pié en l'estrier et mist a son escu et print en sa main ung espieu bien emolu et agu que guerin luy bailla qui estoit estaché a dix cloux de fin or et puis frappa son cheval des esperons si rudement que du sault qu'il fit le cheval ploya tout dessobz luy. Beau veoir fasoit olivier a cheval a moult fiere contenance. Et ceulx qui estoient presens fasoient requeste a jhesus nostre redempteur qu'il l'eust en sa garde car en teluy jour il devoit batailler contre le plus fort et fier homme payen qui jamais naquist de mere ne qui fust au monde: cestoit fierabaras d'alixandrie filz de l'amiral ballant d'espaigne dont après nous verrons au plaisir de dieu la termination. Après qu'il fut ainsi a cheval en grant point sur son visaige et sur son corps fist la croix au nom de jhesus et se commenda au vouloir de dieu que en celuy jour luy fust en confort et en aide selon sa bonne intencion. Et de tous fut regardé et congneu qu'il avoit le cueur bien entier au ventre pour faire ung grant portement et chevaucha au lices du roy charles avec lequel estoit le duc Naymes Guillaume d'estoc Girard de mondidier Ogier le danoys et des barons de france. et entre les aultres aussi estoit rolant moult dolent des parolles qu'il avoit heues a son oncle le roy: car voulentiers eust faicte la bataille se ne fust la contredicte qu'il avoit devant faicte au roy quant il fut requis. Ainsi olivier estre venu devant charles moult fut honnoré et prisé et des ungz et des aultres bien affectueusement regarda et mist ledit olivier bas son heaulme et regarda au logis du roy et reveramment le va saluer et dist. Noble empereur puissant et redoubté et mon singulier seigneur vueillés moy bien escouter. Vous sçavés qu'il ya trois ans passez que je suys a vostre service et n'ay eu de vos quelconque remuneration ne gaige. Je vous vous supplie de mon pouvoir que maintenant en ung don tout me soit reguerdonné. auquel le roy respondit. Olivier noble conte je jure ma foy que je le feray de bon vouloir et aussitost que nous serons en france ou en bourgoigne ne chasteau ne cité que vous vouldrés avoir ne autre chose a moy possible et faisable par moy ne vous sera contredit Sire roy dist olivier je ne suis a vous demander cela: mais vous demande et supplie bataille contre celluy payen ainsi desmesuré. et de ceste heure je vous ottroye tous mes biens et services. et pour cestuy don soyent quittes. Quant les françoys vont ouyr olivier moult furent esbahys de sa prouesse et se regardent l'ung l'autre et vont dire entre eulx. Saincte marie que a trouvé olivier qui est navré a mort et veult batailler. Charles respondit. Olivier as tu perdu le sens: car tu congnois bien que d'un fer agu et quarré tu as esté feru et navré mortellement et tu te veulx abandonner a plus grant dangier mortel pourquoy pense de t'en retourner et te repose a ton gré: car ne te fie pas que pour riens que je te laisse aller. Veu que tu n'es pas pour le present en santé de corps Sur ce point se leverent Ganes et Andrieu les traistres qui firent la trahyson comme le dernier livre en fera mencion. Et dist ganelon. Sire roy vous avés ordonné en france que ce que par deux de nous est jugé se doit tenir: et ainsi est que nous deux jugeons et ordonnons que Olivier aille faire la bataille pourquoy le roy plein de maltalent la couleur muee respondit. Ganellon tu es de mauvaise contree sans parler qui soit honnorable. puis que ainsi est il fera la bataille et ne peut estre qu'il n'en soit mort: mais je te jure ma loyaulté que s'il est prins ou mis a mort tout l'or du monde ne te rachetera point que de malle mort ne te face mourir villainement et ton lignaige destruiray. Sire empereur dist ganellon dieu et nostre dame m'en veullent garder. Et puis le traistre va dire comme entre ses dens. Et a dieu ne plaise que jamais olivier ne puisse retourner qu'il n'ayt la teste couppee. Et quant l'empereur veit qu'il ne sceut contredire que olivier ne s'en allast pour batailler a fierabras va dire. Je prie le dieu du firmament qu'il te doint bien besoigner: et tellement que tu puisses retourner a joye et puis print son gant dextre et le getta a olivier. Lequel il receut par grant vouloir en le remerciant treshumblement et prenant congié de tous moult doulcement
comment olivier fut entretenu de son pere regnier qu'il n'allast combattre le geant requerant charles que ainsi ne fust dont force lui fut qu'il y allast.
Le .vii. chapitre.
Quant olivier fut licencié du tout pour aler son chemin regnier de gennes son pere quant il veit le fait par grant compassion s'en va mettre aux piedz du roy et dist. Sire roy je vous crye mercy prenés pitié de mon filz et de moy. je vous dy de moy: car je me voy du tout desconforté quant je voy que mon enfant va tout a perdicion veu le dangier ou il est de sa personne. Je vous dis aussi que vous ayés pitié de son jouvent presumptueulx et de son desir trop couvoiteux et de son corps navré moult dangereusement. Vous savez bien que ung homme qui est navré ainsi dangereusement. et aussi qui a perdu son sang ne peut pas bonnement encores endurer bataille. Mais regnier perdoit bien sa peine car le roy luy avoit desja donné son gant en signe de licence. Et nonobstant ces parolles olivier ne doubtoit riens qu'il ne fist son devoir bien grandement Et de rechief Regnier requist au roy et dist. Sire roy en l'onneur de celluy qui pour nous voulut pendre en croix ne permettés point pour le present que mon filz aille jouster. Helas quant j'auray perdu mon filz en quel lieu pourray je aller vous pourrez bien aultre trouver pour faire ceste guerre presente. L'empereur Charles respondit. Regnier vous sçavez bien que je ne puys contredire: car en signe de licence je luy ay getté mon gant devant mes piedz. dont Olivier fut content: et va dire a haulte voix devant chascun. Sire roy tous voz aultres barons ung don par vous me soit donné que je vous requiers: c'est que se j'ay a nul mesprins ne en fait ne en parolle au nom de dieu qu'il me soit pardonné. quant les françoys le vont ouyr n'y eut celluy qui ne plorast tendrement. Et ainsi en prenant chemin a tout son estandart levé le roy le beneist en faisant le signe de la croix et le commenda en la grace du pere du filz et du saint esperit.
Comment olivier parla premierement a fierabras qui ne tenoit compte de luy avecques aultres disputacions.
Le .viii. chapitre.
Olivier se mist en chemin et n'arresta jusques a tant qu'il fut devant Fierabras. Lequel tout desarmé se gisoit a l'ombre. Et quant olivier l'eut araisonné le payen tourna sa teste contre luy et ne le daigna a peine regarder tant peu tenoit compte de luy car il tenoit beaucoup plus moindre que luy et dist Olivier au sarrazin. Reveille toy. aujourd'uy m'as tant appellez que je suys venu icy. si te prie que tu me diez ton nom. Fierabras luy respondit par mahommet mon dieu a qui je doy tout honneur. je suys le plus riche qui soit au monde né. Fierabras d'alixandrie me faitz nommer. Je suys celluy pource que tu le saiches qui fis destruire romme vostre cité: et occis l'apostolle et des aultres plusieurs. et emportay les relicques que je y peuz trouver. dont vous prenés grant peine a les recouvrer. Et plus aultre je tiens Jherusalem celle belle cité. et le sepulchre avec ou vostre dieu fut mis reposer. Olivier luy respondit. Par ma foy je t'ay bien voulu ouyr dire ce que tu as dit. Et s'il est verité comme tu l'exposez. saches pour certain que de present tu te peulx bien dire dolent et malheureux reputer. Or ça sans plus oultre parler despeche toy soyes armé. vois tu la les françois qui ne nous font que regarder. ou par le dieu en qui je croy je te frapperay durement. Quant Fierabras l'ouyt qu'il parloit si hardiement commença a rire et dist. Je suys bien esbahy donc vient en toy la presumpcion de parler ainsi hastivement. mais pour verité je ne bougeray d'icy si sçauray je qui tu es. et quant tu me auras dit ton nom tu me verras armé. et aussy de quel lignaige tu es party. Olivier luy respondit. O payen saiches pour verité que avant qu'i soit nuyt tu sçauras quel je suys. Par moy te mande Charles l'empereur mon redoubté seigneur qui pour la consecracion de ton corps et a la salvacion de ton ame tu laisses la creance de ton dieu mahon et aultres ydoles qui ne sont que abusions et decepcions qui n'ont sens ne raison. ne n'ya sentement ne bon entendement par quoy on soit encliné de y consentir aulcunement. et pense d'icy en avant de croire en dieu le tout puissant. La saincte trinité. le pere. le filz. et le saint esperit. trois persones en une pure essence. d'une voulenté qui a fait le ciel et la terre et tout ce qui y habite. qui pour nostre salvacion voulut naistre de la vierge marie. et quant tu auras celle creance moyen le saint sacrement de baptesme qui a esté sur ce estably. tu pourras parvenir a la gloire eternelle. et se tu ne le fais ainsi comme je le te intime. je suis icy pour te faire batailler. et de deux choses il te fault faire l'une. Premierement que tu t'en allies hors de ceste terre comme ung souffreteux sans aultre chose emporter et sans jamais toy y trouver. ou il te fault venir combattre contre moy pour exaulser ton corps et soustenir ta loy faulse. Fierabras va respondre. qui que tu soyes tu es bien oultrecuidé d'avoir intencion de me vouloir batailler. car seurement tu me vois debout sans armes tu seras bien hardy se de paour tu ne trembles. mais par le dieu en qui tu crois dy moy quel homme est charlemaigne car long temps a que je l'ay ouy priser et redoubter en maintz pays. et plus oultre que je saiche novelles de Rolant et de olivier: et de Ogier le dannois de Gerard de mondidier. car par verité je me vouldroye de ceulx acointer. Olivier respondit. payen sur ce que tu me demandes je te dis que charles l'empereur est si grant maistre qu'il n'ya homme au monde qui se puisse comparer a luy tant pour la valeur de sa personne et de ses meurs comme de sa puissance et richesse innumerable. Au regart de son nepveu Rolant Olivier n'est riens moindre que luy: des aultres françois soies content. car entre tous les humains ilz sont vaillans gens. mais ces parolles n'ont point icy lieu. Depesche toy soies armé. car par le dieu en qui je croy se tu ne t'avance je te frapperay de ceste espee d'acier. fierabras commença a lever la teste et dist. par mon dieu mahommet se je ne pensoye avoir deshonneur de me prendre a toy de ceste heure te copperoye la teste. Olivier respondit je te prie laisse a plaidier. car avant qu'il soit nuyt tu sauras que je suis. car de certain j'ay intencion de plonger en ton ventre mon espee durement. Sur ce fierabras ne sejourna riens tant fut noble et reposa sa teste sur son escu et dist a olivier duquel il ne tenoit compte. Je te prie que tu me dies ton nom et ton lignaige. Olivier luy dist Je me nomme garin. et suis de pierregort filz d'ung homme qui se disoit josué qui m'en vins l'autre jour en france. ou je fus ainsi adoubé par le noble roy charles et suis ordonné pour defendre son droit. mesmement contre toy pourquoy concluons sans plus demourer soies armé et monte a cheval. car je suis prest de faire la bataille se tu es sy hardy de m'atendre fierabras estoit la qui ne vouloit consentir a la batalle car il luy sembloit que c'estoit peu de chose d'olivier pour jouster contre luy et luy dit Garin je te demande pourquoy n'est venu par deça rolant ou olivier. ou gerart: ou ogier qui sont de si grant renommee comme j'en ay ouy parler. car ilz ne tiennent compte de toy. et ne le font sinon pour mesprisance: mais je suis venu a toy comme celluy qui n'a point prins regart a leur intencion et feray la bataille se tu me veulx attendre: mais je te jure saint pierre l'apostre de jhesus que se tu ne te armes je te frapperay mortellement de ce dart que je tiens en ma main. Garin respondit fierabras je te veulx bien dire que de ma vie je ne joustay sinon a roys. a contes ou barons de bien haulte valeur: et tu es de bien basse main party pour dire que je me prengne a toy trop grant deshonneur me seroit que tu fusse mis a mort par moy: mais pour le vouloir que je congnois en toy moult noble. je suis content que tu me frappes et je me laisseray cheoir a terre et prendras mon cheval et mon escu. et t'en yras au roy charles et luy diras que tu m'as vaincu. Et se je fais cecy pour toy ce sera grant amitié. et devras pour le present estre content Sur ce olivier ne peust avoir pacience qu'il ne luy dist. Ton fait ne gist sinon en parolles pleines de presumpcion: car je suis de ceste intencion que devant qu'il soit vespre je te feray vouler la teste de dessus les espaules. Je ne suis pas lievre ne beste sauvaige pour me devoir espuenter. Et tu sces le proverbe commun qui dit qu'il est temps de parler et temps de taire et de l'un et de l'autre on peut estre fol reputé. Or te despeche de ce que je t'ay dit. ou autrement je te feray marry. Fierabras respondit. Je ne te prie ne te demande fors que tu me transmettes rolant ou olivier. ou l'un des autres. et se les deux ne sont hardys viennent les troys ou les quatre. car par ma foy ilz ne seront point refusez. Disans ces parolles olivier qui estoit navré des le jour devant ses playes se commencerent a ouvrir par la force de chevaucher. et seigna tellement que fierabras veit saillir le sang par dessus le genol de olivier. et luy demanda dont luy sailloit le sang qui luy venoit par dessus et couroit par terre. Olivier luy respondit qu'il n'estoit point navré. mais que son cheval estoit dur a l'esperon. pourquoy il estoit ainsi ensanglanté. Fierabras se print garde que ce n'estoit point du cheval et respondit Certes garin vous avez menty: car vous estes au corps blessé. et je le congnois au sang qui vous a desja surmonté le genoil: mais vecy que je te feray il y a deux barilz penduz a la selle de mon cheval qui sont pleins de baulme que j'ay conquis en jherusalem et est celluy dont vostre dieu fut enbaulmé le jour qu'il fut descendu de la croix et mis au sepulchre. despeche toy et en va boire et je te prometz que incontinent seras guery. et te pourras deffendre trop mieulx et sans dangier. Olivier luy respondit qu'il n'en feroit riens. et qu'il parloit d'une grant folie. Dont fierabras respondit qu'il estoit bien fol et sans raison et que a bon droit s'en pourroit repentir.
Comment après pluseurs disputacions olivier aida a armer fierabras et des neuf espees merveilleuses. Et comment olivier se nomma a fierabras par son droit nom.
Le .ix. chapitre.
Quant fierabras eut beaucoup demouré sans se lever pour olivier il se assist et puis dist. Garin je te demande que tu me dies sans celer de qu'elle force est rolant et olivier qui tant sont redoubtez des payens et de quelle grandeur. Olivier luy respondit. Regarde ma grandeur et ma semblance et tu pourras legierement apparcepvoir quel homme est Olivier. car il n'est point plus grant que je suis. Rolant tant qu'il touche au corps est ung petit moindre: mais de couraige il est si treshardy de corps combatant qu'il n'ya son pareil vivant au monde: car il ne se combat a homme du monde qu'il ne soit par luy vaincu. Par la foy que je doy a appollin et a tarvagant va respondre fierabras tu me dis chose dont je suis esbahy: car s'ilz estoient telz quattre comme tu me compte je ne les vouldroie point refuser. ne les lasseroye qu'ilz ne fussent tous occis et mis a mort a mon espee trenchant. Olivier ne pouvoit prendre pacience aux dilations de fierabras mais le vouloit frapper pourquoy fierabras luy dist Tu ne veulx point prendre pitié de ta personne mais par mon dieu mahon se je me lieve et que je monte a cheval charles ton roy ne tous tes dieux ne te deffendroient que tu ne soyes incontinent occis: car seullement se tu me voys devant toy de pié tu seras bien couraigeux se de grant peur tu ne trembles. Olivier respondit Trop longuement tu te vantes de faire chose que tu ne verras jour de ta vie et myeulx te vault a mesure parler: car trop aultrement a bon droit te pourroit venir le meschief. De cecy fierabras fut fort despiteux et se leva debout grant fierté lequel payen avoit par commune estimation quinze piedz de long et s'il se voulut baptiser et croire en jhesucrist. jamais ne fut veu homme de sa valeur et despuis qu'il fut a pié moult luy faisoit mal qu'il n'avoit quelque vaillant homme pour jouster contre luy et dist a olivier. Par ma verité il me prent grant pitié de ton affaire pour la noblesse du couraige que je te congnois. Je suis content pour le present que tu t'en tournes et m'envoyes rolant ou ogier ou gerard de mondidier. Et expressement di a olivier que je ne partiray de ceste place que je ne l'aye conquis Olivier ne peut plus attendre: car ce ne fust pour son honneur il eust frappé plusieursfois tout desarmé. Et quant il vit l'effort ledit fierabras appella olivier et luy pria qu'il luy aidast a armer. Olivier dist s'il s'oseroit fier en luy Fierabras respondit aide moy hardiement: car je te jure que jour de ma vie ne seray traistre a personne vivant. Et sur ces parolles olivier mist diligence de l'armer. Et print premierement ung cuyr de capadoce et le vestit puis sa cotte et son hauberion d'acier bien bouclé et poly et son heaume affiché et garny de pierres precieuses richement et l'estacha seurement: mais bien considere la façon de ce payen et de ce crestien fut si grant courtoisie et loyaulté entre ceulx qui estoient assemblez pour faire guerre mortelle ensemble et ilz se fasoient service bien singulier. Premierement le payen avoit grant pitié de destruire olivier: car il n'estoit point son per au regard de sa personne et d'aultre part quant il le veit ainsy playé et descendre de son sang a terre il luy volut donner du baulme precieux Semblablement quant olivier le trouva desarmé il l'eust occis sans grans peine s'il eust voulu. Et puis a la fin il fut si loyal qu'il le arma pour batailler contre luy. Grant loyaulté de noblesse povoit avoir entre eulx deux qui estoient de foy et de creance contraires. et je croy que dieu seroit bien content s'il avoit telle confiance entre les crestiens et si pleine de toute noblesse naturelle. mais pour desduire la matiere presente quant fierabras fut bien armé. il mercya fort olivier et puis seint son espee nommee plorance. et en l'arçon de sa selle en avoit aultres deux dont l'une se nommoit baptisme. et l'autre graban. lesquelles estoyent faictes tellement qu'il n'estoit harnoys qui les peust desrompre ne gaster. Et qui demanderoit la maniere comment elles furent faictes ne par qui selon que j'ay trouvé par escript Une foys furent troys freres d'un pere engendrez. desquelz l'un avoit nom galant. munificans fut le second et le tiers se disoit anisiax. Ces trois freres firent .ix. espees chascun trois. anisiax tiers nommé fit l'espee nommee baptisme qui avoit le pommeau d'or bien point. et aussi fist plorance et graban lesquelles avoit fierabras comme j'ay dit. Munificans l'autre frere fit l'autre espee qui se disoit durandal. laquelle rolant eut l'autre se disoit sauvaigine. et la tierce cortan que ogier le dannoys eut. Et gallant l'autre frere fit celle qui nommoit flamberge l'autre haulte clere et l'autre joyeuse que charlemagne avoit pour grant especialité. et ces trois freres nommez furent les favres et ouvriers desdictes espees. Et en ce point fierabras monta a cheval et mist près de luy ses deux barilz plains de baulme et puis pendit a son col son escu pesant et bandé de fer et d'acier par merveilleuse force et avoit en painture au milieu dudit escu le dieu appolin. Et après qu'il se fut recommandé a luy il print son espieu agu et mortellement enferré. Grant merveilles fut de la corpulance de ce sarrazin qui estoit sur son cheval nommé ferrant d'espaigne bien dru et pommelé qui avoit une condition specialle. Car quant son maistre en bataillant mettoit a terre son adversaire: celluy cheval faisoit plus grant guerre sans comparaison que son maistre. Et ainsi eulx estant a cheval fierabras va dire a olivier. O garin gracieux je te admonneste que pour la courtoisie que tu m'as faicte tu t'en veulle retourner sans point faire bataille. car il me prent pitié de ton valeureux couraige. Olivier respondit tousjours de grande follie t'es entreprins: car je n'en feray riens au dangier d'estre desmembré. Et ne suis point celluy a qui tu faces paour. car a l'aide de jhesus aujourd'huy par moy tu seras rendu ou vif ou mort a charles l'empereur. Quant olivier eut parlé fierabras fut fort merveilleux de cestuy homme qui ne se vouloit desvier pour menasses qu'il luy fist qu'il ne bataillast: si luy va dire. Tu es crestien et as grant foy aux misteres par vous ordonnez: mais je te conjure que par les fons ou tu a esté lavé et par la foy que tu as donnee a la croix ou ton dieu fut pendu et clavellé. Et aussi par la loyaulté que tu dois a charles et a rolant et aux aultres pers de france dys moy la verité de ton droit nom et de ton lignaige. Olivier va respondre Certes payen celluy qui t'a induit a moy parler tellement t'a bien aprins: car plus haultement ne puis estre adjuré. pourquoy saiches que je suis Olivier filz de regnier conte de gennes le plus especial compaignon de rolant et suis l'ung des douze pers. Par verité dist fierabras je me suis bien pensé que tu estois aultre que tu ne m'avois dit veu ton ardant couraige et que je ne t'ay peu faire paour sur le fait de bataille. Et comment sire olivier vous estes au corps navré et grant deshonneur me seroit se je vous avoye bataillé et deffait quant a ung homme mort je me seroye prins pourquoy tournez arriere nous avons fait pour le present. car pour tout l'or du monde je ne me feroye telle vergongne que a vous deusse jouster. Sire respondist olivier certainement si ferés. car par ma teste quant nous serons ensemble vous n'aurez ja cause de vous truffer de moy si vous pensez que je ne suis homme mort et puis l'admonnesta en ceste maniere doulcement. O payen devant que nous procedons plus oultre tout premierement je te admonneste que tu veuilles croire en dieu de paradis le tout puissant qui t'a fait et formé a qui toutes choses doivent honneur et creance singuliere: car celluy qui n'y prent advis est né en la malleure et laisse mahon et tes dieux plains d'abus et de deceptions et te dispose pour baptiser et tu auras pour grant amy charles et pour compaignon especial rolant le veleureux. Et plus oultre jour de ma vie je ne cesseray de t'acompaigner. Ferabras luy respondit de grant folie t'avises: car pour riens en vostre dieu je ne croiroie ne mahon n'abandonneroye. mais aujourd'uy se tu es amy de Rolant comme tu es: jamais si desplaisant ne fut homme comme pour toy je le feray.
Comment olivier et fierabras commencerent a batailler: et de la priere de charles pour olivier et aultres matieres.
Le .x. chapitre.
Fierabras et olivier en grant point l'ung contre l'autre a cheval devant que Fierabras voulsist laisser courre son cheval il dist a olivier. Mon amy je te prie que tu boyves de mes barrilz. et par la vertu du baulme que est dedens incontinent seras guery. et aussi tu te pourras trop mieulx defendre contre moy. a dieu ne plaise dist olivier que par beuvraige soyez conquis de moy Mais a bataille franche et harnoys fourby. et cecy estre dit laisserent courre leurs chevaulx d'ung grant couraige pour jouster a oultrance comme vous l'orrez cy après: car pour deux champions jamais ne fut cogneue bataille si aspre ne si oultrageuse. Et ainsi comme ilz voyent l'ung contre l'autre les françois qui estoyent en leur logis avoient grant paour qu'il ne mesprint a olivier. et entre les aultres l'empereur Charles en plorant va dire. O benoist jhesus je te requier que a cestuy coup tu ayez pitié de olivier mon baron par maniere que je le revoye vif et en santé et puis vint en sa chapelle son visaige couvert de son manteau et s'enclina contre la croix et embrasse le crucefix en disant. mon dieu duquel je voy la remembrance vueillez faire aide a olivier qui pour l'exaltation de la foy crestienne est en dangier. Ainsi en contemplant fierabras et olivier se donnent si grans coups sur leurs escus que les fers de leur lances sont par force ployez et entrez dedans. dont le feu partit de toutes pars et les boys des lances tronsonnez et fenduz s'en va en l'air. les resnes des brides des chevaulx leur vont hors des mains. Tous deux furent si estourdiz et les yeulx eurent si troublez que d'une grant piece ne sceurent de quel cousté ilz estoyent tournez. et après que tous deux furent rassis fierabras trait florence qui luy pendoit au cousté. Olivier print haulteclere reluisant a merveilles et vint sur fierabras et au hault de son heaulme luy donna si grant coup que les fleurs et pierres precieuses dont il estoit moult anobly fist voler a terre. et de ce coup en descendant bas luy entama l'espaule. mais le cuir de capadoce le saulva et le payen fut frappé si durement qu'il eut les deux piedz hors des etriez et son cheval luy eschappa. et a bien peu qu'il ne versa. dont les françois vont dire tous a une voix. sainte marie quel coup a donné olivier a ce payen voire respond Rolant merveilleusement l'a assené. Or plust a dieu de paradis dist Rolant gentil compaignon olivier que je ne suis ores dessoubz ton escu. car de moy ou du payen brefment se verroit la fin. Auquel l'empereur respond. Ha maulvais glout je t'ay bien ouy parler felon couart. il n'est pas temps que tu le dies. car du commencement tu n'y voulsis aller: dont maintesfois par moy te sera reproché. Sur ce rolant ne respond aultre chose si non qu'il en fist sa voulenté. Fierabras tout estourdy et remply d'une grant ire pour le coup qu'il avoit receu a son espee nommee florance vint de course sur olivier et luy donna sur son heaulme si asprement qu'il luy fist tourner la teste et son haulbert luy desmailla tellement que plus de .v. cens mailles du coup luy trencha et son cheval mallement navra et l'esperon du pié luy coupa et une partie de la cuisse dont le sang courut a terre treshabondamment. et l'espee de fierabras fut toute ensanglantee. pourquoy de ce coup fut le conte olivier si ployé et si commeu que a bien peu de fait ne fut rué par terre se ne eust esté la selle de son cheval. car il fut fort ployé par derriere. et son cheval de ce qu'il fut trenché commença fort a clacher et quant il fut retourné a haulte voix commença a crier. O sire dieu mon createur le mal coup que j'ay receu vierge marie mere de jhesus prenés pitié de moy. car trop fierement trenche l'espee de ce payen. donnés moy grace que je le puisse avoir et leva son espee et en fist sur luy le signe de la croix. Puis fierabras luy dist. Olivier par mahon mon dieu a cestuy coup je t'ay fait paour et tu peulx bien sentir de quoy je sçay jouer. et n'ay point de merveilles se tu te commandes a ton dieu. mais je suis mal content de ce que je t'ay ployé trop a coup. toutesfois soies sur que jamais soleil tu ne verras mucer. car tu commences ja a changer couleur et maniere. Toutesfois je suis content que tu t'en ailles. et sera bien pour toy le meilleur avant que tu congnoisses ma force plus planiere. Car je te admonneste d'une chose que quant je voy mon sang yssir hors de mon corps. adonc double ma vertu et ma force. et je congnois que charles ne t'aime gueres quant il t'envoye a moy. s'il t'eust logé en ung blanc lit tu y fusses beaucoup mieulx que d'estre venu batailler a moy. Quant olivier le va ouyr remply d'un fervent couraige commença a lever la teste et dist ainsi O payen desmesuré tout le jour tu te vantes de me mettre a fin de mes jours je prie a dieu tout puissant qu'il en vueille bien resjouyr mon couraige garde toy bien je te deffie nous avons trop plaidoyé. Sur ces parolles ce sont courus dessus si merveilleusement se frapperent sur leurs heaulmes. tellement que boucles: croches: pierres precieuses: orfaveries: fleurs. sont couppees et volees par terre. Le feu en yssoit largement. grant bruyt faisoient ces espees sur leurs harnois. Cecy faisant charles estoit la en grant meditation et cogitoit que la querelle de olivier estoit juste et que dieu le devoit preserver. Et quant il pensoet que olivier pourroit mourir comme impacient. d'une parfaitte foy va dire. O glorieux dieu pour lequel nous prenons tant de peine vueillés conserver olivier qu'il ne soit mort ne qu'il ne soit prins. car je jure l'ame de mon pere que s'il est pour le present de ce payen occis que jamais au pais de france en eglise qui soit ne sera clerc ne prestre habitué ne revestu. mais feray ardoir monasteres. eglises. autelz et crucefix. Helas ce dist le duc naymes. sire roy laissez ces parolles oyseuses et priés dieu pour olivier qu'il luy soit en aide par sa sainte merce. Cecy disant tousjours perseveroient les champions a frapper l'un sur l'autre par tel endroit que fierabras a son espee luy rompit le cercle de son heaulme. et le fit cheoir sur son visaige. son cheval fust mort s'il n'est saulté oultre. Et fut navré Olivier au corps et speciallement en la poitrine. Et avoit desja tant perdu de son sang que moult en estoit affoibly. donc ce ne fut pas merveilles veu qu'il avoit resisté au plus terrible homme qui de mere nasquit oncques.
Comment olivier fit priere a dieu quant il se sentit navré.
Le .xi. chapitre.
Olivier le noble conte estant en ceste melencolie des grandes playes qu'il avoit au corps pour son reconfort en disant en ceste maniere. O dieu glorieux cause et commencement de tout ce qui est dessus et dessoubz le firmament. par vostre seul plaisir formastes nostre premier pere adam. et pour sa compaignie luy donnastes eve. moyen lesquelz humaine generation se contient. Tous fruitz leur abandonnastes fors seulement d'ung. duquel eve moyen le serpent en fit mengier a adam. dont ilz en perdirent paradis. Et par la sedution des ennemis d'enfer plusieurs ont estez deceuz et damnez. dont vous eustes pitié de la perdition du monde. et venistes prendre chair humaine au ventre de la benoiste vierge marie par la nonciation du saint ange gabriel. et nasquistes comment il vous pleut. Et bien petit après. les trois roys vous vindrent adorer et faire obeissance. D'or d'ensens. et de mirre vous firent les presens. Puis après le roy herodes vous cuidant faire mourir. fist mourir maintz enfans qui sont ores en joye permanable. Et quant vous fustes en aage pour vous determiner vous allastes par le monde en preschant voz amis. dont après par envie les juifz desloyaulx vous pendirent en la croix. en laquelle existant longis le chevalier vous perça vostre costé par l'induction des juifz. Et quant il creut en vous qu'il eut lavé ses yeulx de vostre precieux sang il veit beau et cler. et vous cria mercy dont il eut salvement. Puis par voz amys vous fustes mys au saint sepulchre et le tiers jour après vous ressuscitastes. et reprinstes la vie et descendistes en enfer. et mistes hors adam et Eve et tous ceulx qui estoyent dignes d'avoir paradis. Et au jour de vostre merveilleuse ascention vous montastes es cieulx devant tous voz apostres. Ainsi mon dieu mon createur comme tout cecy est verité et je le croy fermement soyez a mon confort contre ce mescreant que je le puisse vaincre par maniere qu'il soit saulvé. Et cecy estre dit se seigna de son espee en faisant le signe de la croix au nom de dieu et de la sainte trinité. et frappa le cheval sur l'esperance de l'aide de dieu. et fierabras luy va dire en riant. Olivier bel amy je te prie que tu ne me vueilles celer qu'elle est l'oraison que tu as dicte maintenant voulentiers l'ay escoutee par mon dieu talvagant. Or pleust a dieu de paradis dist olivier que vous fussiez en celle grace que vous y creussez ainsi fermement que je fais. car je vous jure que je vous aymeroie autant que je fais rolant. Et fierabras luy respondit. Par mon dieu mahon et talvagant presentement parles d'une folie moult grande.
Comment après grant bataille Olivier conquist le baulme et en beut a son aise. et qu'il en fist. après comment il se trouva a terre quant Fierabras eut occis son cheval.
Le .xii. chapitre.
Fierabras courroucé des parolles de olivier par grant ire luy dist. garde toy de moy. car je te deffie A moy l'auras dist olivier et a dieu me commande. Et se vont rencontrer par si dure maniere qu'on veoit le feu habondamment par leurs harnoys. leurs chevaulx plaioyent dessoubz eulx et la terre trembloit de ce bruit en la prarie de mormionde. Fierabras print l'espee en la main et frappa olivier dont fut mallement navré en la poictrine soubz la mammelle et de ce coup luy tournerent les ieulx en le teste et eut la face moult muee Et haultement s'escria dieu et la vierge marie qu'ilz luy voulsissent garantir l'ame. Fierabras par grant couvoitise luy va dire. Olivier entens a moy descens bas seurement et va prendre du baulme et en boy a ton aise: et tantost tu seras guery. et te pourras mieulx defendre encontre moy. et recouvreras force nouvelle. mais olivier pour riens ne l'eust fait s'il eust deu mourir. car d'armes loyalles il le vouloit avoir. Et prestement vindrent l'ung contre l'autre. et adonc se frapperent tellement que fierabras fut navré dangereusement. car l'espee de olivier luy entra dedens la cuysse bien demy pié de parfont. et du sang qui en yssoit l'erbe en estoit toute arrousee. et quant il se veit ainsi navré il beut de son baulme par lequel il fut tantost guery dont olivier fut moult doulant de ce qu'il ne pouvoit mettre fin en ce payen. Et les françoys qui les veoyent feirent a dieu grande priere qu'il voulsist conserver en ce jour olivier et especiallement charlemaigne qui entre les aultres pluschier le tenoit. mais quant olivier veit le payen guery et pour le baulme ainsi consolé. se confiant de l'aide de dieu vint a luy et le frappa sur le heaulme si durement que le coup descendit sur la selle. et trencha la cordelle a laquelle les barilz estoient estachez. et le cheval de fierabras eut paour de celluy coup et fist une petite course par le plaisir de dieu dont olivier avant que le payen s'en print garde s'enclina contre terre et leva les barilz et en beut a son aise et largement. et tantost il fut guery et reconfermé en force nouvelle. et se pensa que se d'aventure fierabras estoit plus navré par luy et ne pouvoit jamais ravoir ses barilz que en la fin il luy en pourroit mal venir. pour quoy luy estant près d'une grande riviere print les barilz et les getta dedens. lesquelz furent tantost enfondrez. Et comme on lit a toutes les festes de saint jehan ces deux barilz se demonstrent dessus l'eaue evidamment. Quant fierabras veit que ces deux barilz estoient perduz a peu de fait qu'il ne perdit le sens. et par grant reprouche dist a olivier O mauvais homme que tu es m'as tu perdu mes barilz qui valoient mieulx que tout l'or de crestienté. mais je te prometz que avant qu'il soit vespre. ilz te seront bien chiers venduz/ car je ne cesseray jusques a ce que tu ayes le chief couppé. Et ce disant vint contre luy: mais olivier qui ne le doubta plus tant comme par avant le vint attendre puis qu'il le pouvoit a son aise eviter. et quant il le veit venir il mist a la deffense de son chief son escu pour eviter le coup. toutesfois fierabras conceut olivier si asprement que son heaulme en fut demaillé. et ne fut point navré et descendit bas le coup si impetueusement qu'il trencha le col du cheval d'olivier et cheut bas a terre et se trouva. olivier tout de pié. mais grant miracle fut du cheval de fierabras qui ne fist semblant de courre sur luy comme il avoit aprins selon que devant j'en ay parlé mais se tint quoy oultre sa propre acoustumance.
Comment fierabras et olivier bataillerent ensemble a piedz merveilleusement. et la pierre que charles fist pour olivier.
Le .xiii. chapitre.
Moult furent dolens les françoys quant ilz veirent olivier a pié et se vouloyent armer pour le secourir. mais charles n'y voulut pas consentir pour maintenir son honneur et sa loyaulté. et mist ledit charles les deux genoulx a terre. et fist priere a dieu qu'il fust en confort a olivier qui estoit ainsi de cheval despourveu. Quant olivier se veit ainsi de pié moult fut dolent. et vint a quatre pas de fierabras et luy dist. O roy d'alixandrie envers moy t'es vaillamment porté. aujourd'uy au matin tu t'es tant prisé et as dit que se cincq chevaliers venoyent a toy que tu le vouloyes attendre et conquester. et tu sçays que le roy qui occist cheval doit partie avoir en l'eritage Fierabras respondit. je sçay que tu as dit verité. mais je ne l'ay pas fait de mon gré. toutesfois affin que tu ne soyes mal content de moy je descendray a terre/ et te donneray mon cheval pommelé et tu seras bien monté/ et sachez que jamais jour de ma vie je ne fus si esbahy comme quant il t'a veu a terre qu'il ne t'a estranglé: car jamais je ne mys homme a terre et il fust present qu'il ne fust tantost par luy occis et mis a mort. Olivier respondit. je te prometz que je ne prendray ja ton cheval que premierement ne soit par moy conquesté et gaigné justement. Sur cecy fierabras fut tant noble que pour la vaillance de olivier va dire certes pour la noblesse que je congnois en toy. je vueil faire ce que jamais ne fis pour homme et mist piedz a terre. et fut content de batailler a luy a piedz pource qu'il avoit point de cheval qui fust sien. et estoit ledit fierabras plus hault que olivier d'ung grant pié. et joustoyent de pié l'ung contre l'autre d'un accort si merveilleusement que ce fut grant chose que tous deux ne demourerent au champ tous pasmez du travail qu'il vont la prendre. Ainsi continua celle bataille qui ne povoit prendre fin entre eulx. Pluseurs parolles et reprouches se disoyent l'un a l'autre. mais le noble empereur charles tout cecy voyant grant pitié luy print d'olivier. dont le conte Regnier qui estoit pere de olivier moult doulant de son filz vint aux piez de charles et dit. O noble empereur en l'onneur de dieu prens remors de mon filz que je voy en moment de mourir. aumoins fay priere a Jhesus le createur qu'il luy soit en aide par maniere que je le puisse revoir près de moy en santé. Incontinent charles va dire. Sire dieu se vous permettez que olivier soit vaincu. et que mon droit pour le present soit ainsi avillé je fais promesses que tout crestienté sera destruite. je ne laisseray en france eglise ne monastere. ymage ne aultel. Et puis se mist a deux genoulx a terre et pria en ceste maniere. Mon createur qui pour nostre salvacion naquistes de la vierge marie comme bien je le croy et de vostre glorieuse naissance tout le monde fut enluminé. qui alastes par le monde et y fustes plus de trentedeux ans passez. et fistes au commencement Adam et Eve desquelz nous sommes venuz. et fut en paradis terrestre lieu moult delectable: et leurs furent par vous tous fruitz abandonnez excepté seulement le fruit de vie comme vous pleust l'ordonner. duquel Adam mangea et fut desobeissant. Pourquoy a la reparacion de son meffait et pour le racheter de captivité eternelle et nous aussi vous fustes content de prendre mort en l'abre de la croix après que par judas le traistre vous fustes vendu .xxx. deniers sans plus. Et ung jour de vendredi ainsi fustes pené. et les mains et les piedz mortellement clouez et couronné d'une moult aspre couronne d'espines. Et puis longis vous frappa au cousté qui jamais n'avoit veu. et après qu'il mist sur ses yeulx de vostre sang precieulx il veit clerement. et puis descendites es enfers et en mittes hors voz amys. Et en la fin devant tous voz apostres. montastes es cieulx. Et laissates vostre lieutenant saint pierre. et ordonnastes baptesme pour nous regenerer et faire crestiens pour avoir sauvement. Sire comme tout cecy est vray et je le croy fermement. aujourd'uy soyés en aide a olivier pour le present qu'il ne soit mort ne vaincu: Cecy disant devotement en son secret tantost si luy apparust ung ange que dieu de paradis luy envoya. et dist l'ange a charles O empereur de noblesse saches de vray que je suis icy envoyé de par dieu te dire que tu ne te doubtes riens de olivier. car sans faulte il gaignera la bataille quoy qu'il tarde et sera par luy le sarrazin vaincu Cecy dit l'ange s'en alla et charles par glorieuse meditacion remercia dieu devotement. Toutesfois après plusieurs batailles entre fierabras et olivier faictes et grans menasses. Fierabras par grant fureur voulut frapper olivier oultre mesure. mais olivier qui veit le coup venir se desavança par telle maniere qu'il donna deux mauvais coupz a fierabras. Pourquoy le payen fut si induré de maltalent sur olivier et olivier sur luy que tous deux furent tresactifz de non jamais se departir jusques a tant que l'ung fust vaincu et destruit. Et pour celle fois olivier fut si fort affoibly que la main ou il tenoit son espee luy vint toute endormie et enflee pour la peine qu'il avoit de frapper. et lui desirant frapper son ennemy a oultrance son espee voula loing de luy plus d'une toise. dont il fut moult esmeu et determiné. et ce n'estoit point merveille. et moult courageusement courut prendre son espee. et mist sur sa teste son escu pour le preserver. mais nonobstant le payen le frappa deux fois si puissamment qu'il luy mist son escu en pluseurs parties. et son haulbert fut moult fort cassé et se trouva tout estourdy pour celle fois. et doubta si fort le payen qu'il n'osa prendre son espee. Et moult subitement les françois qui veirent ainsi olivier despourveu furent armez. et en propos de courre sur le sarrazin pour secourir olivier mais Charles ne voulut point que homme y alast leur disant que dieu estoit assez puissant pour le maintenir en son bon droit. car s'il n'eust contredit plus de .xiiii. mille hommes estoyent desja tous prestz pour y aler. et nonobstant de tout cecy le payen n'en fist que rire et dist a olivier. Pour verité j'ay obtenu sur toy ung petit de mon intencion. mais pourquoy n'oses tu prendre ton espee. et je congnois de present que tu es assez vaincu puis que tu te acouardis. tu ne te sçauroye baisser pour demy le tresor du monde. et je suis bien content de te faire une pache. Regnie la foy que tu tiens. le baptesme ou tu as esté lavé. et le dieu ou tu croys pour lequel tu as prins tant de peine. croy en mon dieu mahon plein de bonté et je te lairray vivre. Et plus oultre je seray bien content de te donner ma seur a femme en laquelle tu seras richement marié c'est floripes l'une des plus belle de mere nee. puis tantost conquerrons france avant que l'an soit passé. et de l'ung des royaulmes je te feray roy couronné. Olivier luy respondit. Payen tu me parle d'une grande folie: car a dieu ne plaise que jamais soye de telle intencion de laisser mon dieu qui m'a fait creé et formé et les saintz sacremens qui ont esté establis pour mon saulvement pour croire en mahom et en tes dieux pleins d'abusion qui n'ont force ne vertu sinon cause de damnacion. Fierabras luy dist. Par mon dieu mahon tu es tousjours bien obstiné pour peine ne pour tourment on ne te peut desvier. et d'une chose plus grande tu te peulx bien vanter que jamais de personne ne fus si travaillé ne si agravé comme je suis de toy et tu t'en dois bien louer. je suis content prens ton espee hardiment et seurement: car sans glave competent tu ne peulx valoir plus que une femme. Olivier respondit. Payen je ne sçauroy dire que tu ne me presentes service et bonté: mais pour la valeur de dix mille mars d'or je ne le feroye nompas pour mourir: car se j'avoye moyen toy mon espee par ta courtoisie: et il advenoit que tu fusses dessoubz ma puissance et tu me demandoies amitié et je te mettoye a mort ce seroit vileté a moy et reprouche. Et de present ma mort et ma vie soyent en la volenté de dieu mon createur auquel je me suis donné: mais je gaigneray mon espee ou tu le comparras et deusse cy mourir autre chose n'en auras Par ma foy dist fierabras tu es bien oultrecuidé et glorieux pourquoy soyes seur que briefvement seras confus desconfis et matté.
Comment en ceste bataille fierabras fut vaincu par olivier après que il eut recouvree l'une des espees de fierabras
Le .xiiii. chapitre.
Quant fierabras va ouyr que olivier estoit si fier de fait et de couraige grant merveille s'en donna: car il n'avoit voulu son espee: mais la vouloit a juste guerre conquester pourquoy le payen vint desmesurement contre luy et tenoit en sa main plorance son espee: alors ce ne fut pas merveille se olivier eust paour de attendre son contraire: luy estant despourveu de glave et de son escu qui estoit cassé rompu et en deux parties divisé: mais comme il pleut a dieu il regarda au cousté de luy et veit le cheval de fierabras dont a l'arçon de sa selle estoyent les deux autres espees dont j'ay dessus parlé et tantost s'en y courut olivier moult abillement et print une des espees dessusdittes qui se disoit baptisme qui avoit le talliant moult large et reluysant a merveilles et puis s'en vint contre le payen et mist devant luy de son escu ce qu'il en povoit avoir. Et quant il fut près du payen il commença a dire. O roy d'alixandrie il est maintenant temps de compter: car je suis de present pourveu de vostre espee de laquelle je vous feray mal content et gardez vous bien de moy: car je vous deffie. Adonc quant fierabras le veit et l'eut ainsi ouy parler tantost il commença a muer la couleur et dit. o baptisme bonne espee maintz jours je t'ay gardee pour l'une des bonnes espees que jamais pendit au cousté de moy ne de homme qui oncques fut vivant. et puis regarda olivier en disant. Par mon dieu mahon je te cognois de grant fierté se tu veulx: pren ton espee et me laisse la mienne: et puis ferons comme nous avons commencé. Par mon chief dist olivier ce ne sera ja fait a mon gré: car avant que je face pache a toy je esproveray ceste espee sur ta personne: garde toy bien de moy car trop avons sermonné. Cecy disant et aultre chose comme ung lyon qui est affamé vint olivier contre fierabras le payen et frappa premierement son adversaire. mais ne le peust point attindre sur la teste qu'il ne rencontrast premierement l'escu du payen lequel il cassa et rompit mallement par telle façon que la moytié volla a ses piedz dont Fierabras redoubta moult celluy cop: car oultre tout l'espee de ce coup entra près d'ung piez dedens la terre. Adonc benist olivier celluy qui l'espee avoit forgee et trempee. Et après plusieurs menasses rigoreuse ilz furent en partie descouvers de leurs heaulmes. Et quant olivier veit le payen fierabras au visaige fier et courageux il va dire. O sire dieu de paradis createur du ciel et de la terre que celluy payen est preux et plain de cruaulté. Or fut il vray que maintenant le tenist charles a son povoir et qu'il se voulsit baptiser rolant et moy serions ses compaignons privez. Glorieuse vierge marie mere de dieu priés nostre seigneur jhesucrist vostre enfant qu'il doint grace a cestuy payen qu'il croye en la foy chrestienne car par luy moult pourroit estre exaulcee. Fierabras respondit en ceste maniere. Olivier laisse ces parolles. dy moy se tu veulx plus batailler ou que tu as entreprins. Ouy dist olivier garde toi de moy: car je te deffie. Et se coururent sus et fut premierement frappé olivier sus son escu par telle fierté et rudesse que au près du poing luy fut mis en pieces son escu et fut grant merveille qu'il ne fut coppé. Pourquoy ledit Fierabras luy dist ainsi qu'il l'avoit mys en terme par telle maniere qu'il n'avoit plus guaires a vivre en ce monde. Olivier ne dist mot: mais s'en vint a son espee contre le payen fierabras moult furieusement Adonc le payen qui veit le cop venir getta son escu contre olivier pourquoy il fut tantost esquartellé et furent tous deux si estourdis que les yeulx en la teste si leur furent tous de douleur troublez et firent faillir le feu des espees et escutz moult abondamment. Et ainsi en frappant fierabras dist au noble olivier en ceste maniere. Ores est il l'eure que jamais n'auras aide de ton dieu jhesus en qui tu croys que tantost ne soyes mort puis que tu te sens vaincu. Et olivier respondit Jhesus est bien puissant pour monstrer sa puissance: mais tantost tu congnoistras que mahon et tavergant ne te pourront aider: ne estre si grant que tu ne soyes mort je t'en feray tantost congnoissance. Et sur ce vindrent l'ung sur l'autre et olivier fut frappé sur son heaulme tout auprès de la chair par tel endroit que tout ce qu'il conceut trencha et passa oultre et dit a olivier: Je te jure mon dieu mahon que je t'ay bien conceu et feru: ne jamais ne verras charles ne rolant de ce tu es bien seur. Olivier respondit. O fierabras de alexandrie ne soyes si esperdu: car avant que je parte de toy je te tiendray mort ou vaincu: et dieu m'en ottroye ce que j'ay si souventesfois desiré. Et sur ce frapperent si merveilleusement l'un sur l'autre que les corps de tous deux tressuerent d'angoisse et peine. Fierabras frappa olivier sur son heaulme si durement que jusques a la chair il mist tout bas et se dieu n'y eust ouvré il estoit mort a celle foys. pourquoy olivier comme homme enraigé vint contre le payen et le payen leva hault son escu tant qu'il fut tout descouvert dessoubz les bras et eut desarmez les flans. Olivier fut saige et print garde au fait et bien tost. et frappa fierabras aux flans puissamment et tellement qu'il luy mist l'espee dedans l'un des flans bien perfont et fut son espee fort ensanglantee. Ainsi fut navré que a peu que les boyaulx de son ventre ne tombirent par terre. Car en celluy cop olivier employa toute sa puissance pour le mettre a fin: car longuement l'avoit combatu et luy fit prendre fin.
Comment fierabras vaincu creut en dieu. et comment il fut porté par olivier et comment il fut assailly des sarrazins et tormenté.
Le .xv. chapitre.
Après que le payen fut frappé et navré mortellement comme j'ay dit et luy voyant qu'il ne povoit plus resister contre olivier par la vertu de dieu il fut illuminé tellement qu'il eut congnoissance de l'erreur des payens et leva les yeulx contre le ciel et commença a escrier la grace de la saincte trinité: et puis regarda olivier et dist. O noble olivier et vaillant chevalier en l'onneur de dieu que tu croys auquel je consens je te crye mercy et te requiers que je ne meure pas jusques je soye baptisé et rendu vaincu a charles qui tant est redoubté car je croiray en la foy crestienne et rendray les relicques dont vous estes assemblez et pour lesquelles vous prenés tant de peine et je te jure que se par ton deffault je meurs sarrazin: de mon damnement je te feray culpable. et se tu ne me prens en ta garde je pers mon sang tu me verras mourir devant tes yeulx: pourquoy en l'onneur de dieu aye pitié de moy. Olivier eut telle compassion de luy pour son mal moult fermement ploura et puis le coucha a l'ombre dessoubz ung arbre et puis luy benda ses playes mortelles et les luy benda par telle maniere qu'il ne perdoit plus son sang si habondamment et puis luy pria le payen qu'il luy pleust de le porter. car luymesmes ne s'en pourroit aller: mais quant olivier veit qu'il estoit moult pesant luy dist qu'il estoit a luy impossible. Fierabras moult s'esforça et vint près de luy et dist. O noble olivier en l'onneur de dieu meines moy a charles avant que je meure. car je suis près de ma fin tout mon corps saigne prens celluy cheval et monte dessus et viens près de moy se je puis traverser devant toy sur l'arçon de la selle tu me pourras mener et tiens mon espee et la metz a ton cousté si en auras quatre que lon ne sauroit payer et te despaische: car aujourd'uy au matin j'ay laissé en ce boys que tu voys la près de nous cincquante mille hommes qui sont tous mes subjetz et leur ay dit que nul ne bougast jusques je fusses retourné de la bataille. Quant olivier l'eut entendu il en fut tout effroié. mais nonobstant dist il. Sire roy puis qu'il vous plaist j'en suis content et monta au travers sur le cheval comme il estoit dit et se mist a chemin en grant douleur. et subitement va partir de celuy boys ou estoient les subjectz de Fierabras ung moult fier payen nomme Brullant de mommiere. Sortibrant de conimbres. Le roy de mantrible. Le roy maradas / et bien cincquante mille après. Quant olivier le veit venir il commença a frapper de l'esperon son cheval. mais sa charge estoit si pesante qu'il ne pouvoit aller selon que les ennemys venoient a luy. quant les françoys veirent venir payens en si grant nombre moult habilement furent armez et entre les aultres Rolant Gerard de mondidier Guillaume l'estoc. Naymes de bavyeres. Ogier. Richard de normandie. Guy de bourgoigne. Geoffroy l'angevin et semblablement Regnier de gennes pere de olivier ne faillit point. Olivier regarda aval le pré et veit venir les aultres. Brullant de mommiere qui estoit monté sur ung cheval qui couroit comme ung lievre et fasoit moult grant bruyt entre les aultres. car il sembloit que ce fust fouldre et tempeste. et en sa main portoit ung dart a grant fer d'acier quarré et agu qui estoit tout envenymé du sang d'ung crapault et estoit fort dangereux: Quant olivier le veit il fut tout esbahy et dist a Fierabras. Sire roy il fault que vous descendiés plus ne vous puis conduyre dont je suys desplaisant. et je congnois qu'il me convient estre oppressé vous le veez. et s'ilz me peuvent attaindre je seray mis a mort. ne jamais charles ne me verra qui luy sera grant desconfort. tantost Fierabras crya a haulte voix O noble olivier me voulés vous laisser. vous m'avés conquis a vous me suis donné et rendu. ce ne seroit pas noblement fait a vous de me regnyer. Helas povre dolent et chetif que je suis se je meurs payen que deviendray je vierge marie mere de dieu prenés pitié de moy indigne que je suis de me trouver a vous puis dist a olivier. O noble conte je suis conquis par toy et ay promis que je me feray baptiser. se tu me laisse tu te peulx bien peu priser encores vois je que ne suis ne frappé ne vaincu. Olivier respondit. Fierabras tu parles en chevalier. mais je voue dieu et la court celestielle que je ne te laisseray si auray je bataille pour toy et deffendray tant que je seray en vie tu t'y peulx bien fier et sur ce il print le haubert du sarrazin et de ce qu'il se peust mieulx armer prestement s'abilla et mist a sa teste ung chappeau de fin acier. et tint son espee traicte nommee haulteclere de laquelle il se sçavoit bien aider. et sur cecy tantost vint Brullant a tout son faulx dart et si attaint olivier en la poictrine et luy donna ung mauvais coup tellement que celluy faulx dart se rompit. adonc dist Fierabras. Sire olivier vous avés assés fait pour moy. car vous en estes navré. descendés moy et me mettés a part hors du chemin affin que je ne soye foulé des sarrazins prins ne gasté. De cecy eut grant compassion olivier. et mist le payen a l'ombre d'ung pin loing de la voye. Et quant il s'en voulut fouyr il veit entour luy bien dix mille sarrazins et va dire. Helas bon jhesus mon createur tu scés mon intencion. je te requiers que tu me donne grace que je ne meure point pour le present jusques a ce que pour l'exaltation de la sainte foy me trouve avec rolant mon compaignon. et au nom de jhesus trait haulteclere et se mist en chemin et le premier qu'il rencontra ce fut le filz du plus grant que y fust. et luy donna tel coup qu'il le fendit jusques a la poictrine bien avant et cheut mort. et olivier fut abille et print son escu tout neuf. car en la bataille devant faicte il avoit perdu le sien. et aussi il eut sa lance et laissa courre son cheval et se mesla parmy ces mescreans. et va ataindre du premier coup clorgis et le frape jusques au cueur dont fut la mort et en se retournant trois sarrazins a occis et couroyent devant luy comme les brebis devant le loup qui est affamé. Sur ce vindrent sur luy maradas. turgis. fortibrant de conimbres et le roy margaris et le crierent a haute voix tous ensemble. par mahon nostre dieu françois de nous n'eschapperas garde toy bien. car par nous tu mourras. et sur ce olivier vint aux ennemis et frappa et les mist a mort. Et ces sarrazins fraperent dessus luy dont ce fut merveilles qu'il ne fut deschappelé et vaincu. mais a force de coupz et de trait son cheval luy fut occis dessoubz luy. et luy estant a terre a force le plus tost qu'il peust se leva sus et tout dempié mist devant luy l'escu qu'il avoit conquesté et tint haulteclere qui estoit tout son confort pour le devoir secourir. Tousjours celluy qu'il en attaignoit tresbuschoit bas et estoit mis a mort. On ne list point en livre que oncques homme desja navré comme il estoit fist si grant portement.