Intentions
FOOTNOTES:
[1] De Profundis (p. 62. édition anglaise, Lond. 1905, trad. C. G.).
[2] Intentions, p. 179.
[3] Hugues Rebell.
[4] Hugues Rebell.
[5] Hugues Rebell.
[6] Sebastian Melmoth (Oscar Wilde), London, 1904. Recueil d'aphorismes d'Oscar Wilde et d'extraits de ses œuvres (trad. C. G.).
[7] Hugues Rebell.
[8] De Profundis, trad. H.-D. Davray, p. 51 et s.
[9] Hugues Rebell.
[10] Arthur Symons, Studie in Prose and Verse, Londres 1905 (trad. Edouard et Louis Thomas, «la Plume», 1er mai 1905).
[11] Hugues Rebell.
[12] Sébastian Melmoth, p. 61 (trad. C. G.).
[13] Intentions, p. 218.
[14] Hugues Rebell.
[15] Viendra-t-il un jour où les actes des hommes ne seront plus jugés au nom d'une religion et d'une morale, mais uniquement au point de vue de leur importance sociale? où les mêmes délits accomplis par un homme d'esprit, de génie ou seulement un homme élégant et spirituel et par un rustre ne seront pas également condamnés? Hélas! loin de croire au progrès, j'imagine que nous sommes bien inférieurs à nos ancêtres en tolérance et surtout que l'idée d'égalité, la ruine du sentiment de hiérarchie compromet l'existence des meilleurs. On réprouve au surplus non le crime mais tout ce qui s'écarte des mœurs communes. Tel accusé de ne pas «être semblable aux autres» inspire de l'aversion, de l'horreur à ceux qui s'inclinent respectueusement devant quelque heureux escroc, et la police qui laisse s'accomplir si aisément dans nos grandes villes vols et assassinats vient en force arrêter ou dévaliser le libraire qui tient dans son arrière-boutique quelques images où les gestes de l'amour sont librement représentés. Ces persécutions mesquines feraient sourire si chacun, pour une raison ou pour une autre, n'y était pas exposé. Les hommes sont d'autant moins libres aujourd'hui qu'ils sont soumis à plus de préjugés. De féroces geôliers sont en eux pour les accabler, pour les anéantir. Ils ne croient plus en Dieu, mais ils croient à une science vaine qui, sans deviner seulement la diversité des êtres, a établi un type unique d'homme sain, d'homme vertueux qui n'a jamais existé que dans l'imagination des niais; ils ne pratiquent plus aucune religion mais les sentences d'une justice humaine et trop souvent vénale les frappent davantage qu'autrefois l'excommunication d'un Pape.
Hugues Rebell.
[16] «Mon opinion est qu'Oscar Wilde fera toute sa peine. Il a subi la condamnation la plus sévère qui put lui être infligée. Vous n'avez point idée de l'extrême sévérité de cette peine. Le hard labour, dont la traduction littérale en français est: travail dur, comprend un régime implacable dans son absorbante régularité et ses exigences.
Oscar Wilde, dont les cheveux, les longs cheveux d'esthète, ont été coupés ras, est vêtu d'un costume de toile à voile marqué d'une flèche, ce qu'on appelle un broad arrow, signe distinctif des convicts. Sa cellule, très étroite, a pour tout meuble un lit ou pour mieux dire une planche reposant sur quatre pieds et sur laquelle on a placé une couverture. Il n'y a pas de matelas et l'oreiller est en bois. A quelques pas de là, un escabeau.
Oscar Wilde est soumis à trois sortes de travaux. D'abord, dans sa chambre il doit procéder, pendant un certain nombre d'heures, assis sur son escabeau, à la réduction en tous petits morceaux, d'énormes cordes goudronnées, de ces cordes dont on se sert pour amarrer les navires. Il fait ce travail à l'aide d'un clou et de ses ongles. Travail pénible, atroce, fait pour déchirer, abîmer irrémédiablement les mains.
Puis on le conduit dans une cour où il déplace un certain nombre de boulets de canon, les transportant un à un d'un endroit à un autre et les plaçant en des tas symétriques. Le travail n'est pas plutôt achevé qu'il est détruit par Wilde lui-même et le prisonnier est obligé de reporter les boulets à l'endroit primitif, un à un.
Enfin il est soumis à la peine du tread mill, la plus dure de toutes. Figurez-vous une immense roue à l'intérieur de laquelle se trouvent des marches circulaires. Oscar Wilde, placé sur une des marches, fait mouvoir aussitôt la roue à l'aide de ses pieds. Les marches se succèdent ainsi sous ses pieds dans une évolution rapide et régulière. Ses jambes sont soumises par là à un mouvement précipité qui devient une fatigue énervante, affolante au bout de quelques minutes. Mais il doit maîtriser cette fatigue, cet énervement, cette souffrance, et continuer à jouer des jambes, sous peine d'être renversé par l'action même de la roue, enlevé et projeté. Cet exercice fantastique dure un quart d'heure. On donne à Wilde cinq minutes de repos, puis l'exercice recommence.
Il est toujours seul et ne peut parler à son geôlier qu'à certains moments. Toute correspondance lui est interdite et toute lecture, sauf celle d'une bible et d'un livre de prières placé à la tête de la planche qui lui sert de lit. On pense que ses parents ne seront admis à le voir qu'à la fin de l'année.
Comme nourriture, on lui sert de la viande et du pain noir. Il ne boit que de l'eau, naturellement. Les repas sont à heure fixe, car il est de toute importance qu'il suive un régime régulier pour accomplir les travaux si durs auxquels il est soumis tous les jours.
...Beaucoup de convicts, dans le cas d'Oscar Wilde, ont dit, en sortant de prison, qu'ils eussent préféré dix ans de servitude pénale à ces deux années de hard labour. La souffrance morale égale la souffrance physique. Je vous le répète, c'est la peine la plus sévère dont notre loi dispose.»
[17] De Profundis, Londres 1905 (trad. C. G.).
[18] De Profundis, trad. H.-D. Davray, p. 141.