L'enfer (1 of 2): La Divine Comédie - Traduit par Rivarol
NOTES
SUR LE TREIZIÈME CHANT
[1] Rivière qui coule dans le Volateran.
[2] C'est Pierre des Vignes, né à Capoue. Il devint chancelier de Frédéric II. Les courtisans, jaloux de sa faveur, l'accusèrent de s'entendre avec le pape Innocent, ennemi de ce prince. Frédéric se laissa prévenir et fit crever les yeux à Pierre des Vignes, qui, ne pouvant survivre à la perte de sa vue et de son crédit, se tua. Ce chancelier fut accusé d'avoir écrit le livre des Trois Imposteurs, pour servir le ressentiment de son maître contre les papes.
[3] Le discours de ce misérable est bien digne d'un courtisan.
[4] Ces âmes suicides qui ont rétrogradé du règne animal au règne végétal, et qui viendront se présenter nues à la face des nations, en traînant leurs cadavres jugulés, pour venir ensuite les accrocher chacune à leur arbre: voilà des imaginations et un coloris bien extraordinaires.
[5] Ceux qui couraient dans la forêt ne s'étaient pas tués eux-mêmes; c'étaient des dissipateurs peu soucieux de la vie, qui s'étaient précipités dans les dangers et y avaient péri.
[6] Ce Lano était un gentilhomme de Sienne, qui, après avoir dissipé sa fortune, fut envoyé au secours des Florentins contre ceux d'Arezzo. Il fut surpris en chemin par l'ennemi; et quoiqu'il pût lui échapper, il aima mieux se faire tuer.
[7] Jacques de Saint-André, gentilhomme de Padoue, grand dissipateur. C'est lui qui vient de se glisser sous le buisson. Les chroniques du temps le représentent comme une espèce de fou, qui donna des soupers ridicules, et qui occupait chaque jour d'une nouvelle extravagance les oisifs de Padoue.
[8] Ce buisson fut quelque Florentin dont on ignore le nom; car dans ces temps malheureux plusieurs se pendirent à Florence. Il parle ici de l'opinion où on était dans cette ville, que sa conservation dépendait de la statue de Mars qui en avait été le patron, et devait à jamais en être le palladium. Quand Florence se fit chrétienne, on dédia à saint Jean le temple de Mars: mais pour ne rien perdre, on plaça la statue de ce Dieu au haut d'une tour, sur les bords de l'Arno. Lorsqu'en 802 Charlemagne releva les murs de Florence qu'Attila avait détruite, il fallut retirer du fond de la rivière la statue de Mars, qui y avait été renversée: on la plaça sur le pont, d'où elle protégeait ceux qui rebâtissaient la ville.
CHANT XIV
ARGUMENT
Troisième donjon, dans lequel sont punies trois sortes de violences. Celle contre Dieu, ou l'impiété; celle contre nature, ou la sodomie; et celle contre la société, ou bien l'usure.—Description du supplice des impies.—Allégorie sur le temps et sur les fleuves d'Enfer.
L'arbuste achevait son récit d'une voix plus faible; et moi, que l'amour de la patrie et la compassion déchiraient à la fois, je me hâtai de rassembler autour de lui ses membres épars.
Ensuite je marchai sur les pas de mon guide, vers les confins où se termine la forêt.
C'est là que l'éternelle justice prend des formes nouvelles et plus effrayantes: là, notre vue s'égara dans une terre désolée, où le ciel avait éteint tout germe de vie; des sables arides et profonds en remplissaient l'étendue, tels qu'ils s'offrirent à Caton dans la brûlante Libye.
Nous avancions sur ces stériles bords, en côtoyant la forêt qui, après avoir baigné son premier contour dans le fleuve de sang, forme avec ses derniers troncs la hideuse ceinture de cette plage nue et déserte.
Ô vengeance du ciel! de quel effroi le spectacle que tu m'offres va remplir l'âme de mes lecteurs! J'ai vu la foule innombrable des âmes dispersées dans ces régions: mon oreille a retenti des rugissements de leur désespoir. Une cruelle providence donnait à leur supplice des formes et des lois diverses. Les unes, gisantes et renversées, étaient immobiles: les autres étaient assises et courbées; enfin beaucoup d'autres couraient éperdues dans ces déserts. Cette troupe errante était la plus nombreuse; mais celle que le sort avait fixée poussait des cris plus désespérés.
Sur ces plaines sablonneuses, des flammes descendaient lentement en pluie éternelle, ainsi que la neige qu'un ciel tranquille verse à flocons sur les Alpes: ou pareilles à ces feux qu'Alexandre voyait tomber aux rives de l'Indus, et qui s'éteignirent quand la terre, durcie sous les pieds des soldats, ne maria plus ses vapeurs aux influences d'un ciel brûlant [1]. C'est ainsi que la voûte infernale épanche à jamais ses torrents embrasés: le sable qui les reçoit s'en pénètre; et, s'enflammant comme l'amorce légère, rend tous ces feux aux réprouvés et double ainsi leurs tortures. Consumés, forcenés, transpercés de douleur, ils se roulent et se débattent, repoussant, secouant sans cesse les flèches dévorantes qui se succèdent sans discontinuation [2].
—Ô vous! dis-je à mon guide, qui n'avez éprouvé d'autre obstacle ici-bas que dans l'obstination des anges rebelles, daignez m'apprendre quelle est cette grande ombre qui semble mépriser ses tourments et dont le front superbe n'a point fléchi sous des torrents de feu?
Cette ombre m'entendit, et me cria:
—Tel je fus sous les cieux, tel je suis aux Enfers: que Jupiter irrité foudroie encore ma tête; il appellera Vulcain à son aide, ainsi qu'aux champs de Thessalie; il lassera les noirs Cyclopes, et m'environnera de ses tonnerres; et moi, je braverai toujours sa vengeance [3].
Alors mon guide éleva la voix, telle que je ne l'avais point encore entendue:
—Ô Capanée, s'écria-t-il, tes peines s'accroissent de ton indomptable orgueil; et ton coeur obstiné a trouvé dans ses fureurs des tortures dignes de lui.
Ensuite, se tournant vers moi:
—Voilà, me dit-il d'un ton plus calme, un des sept rois qui assiégèrent Thèbes: il méprisa le Ciel et paraît le mépriser encore; mais tu viens de l'entendre, il a trouvé dans son fol orgueil un assez cruel vengeur. Maintenant suis mes pas sur les bords de la forêt, et garde-toi d'avancer dans les sables ardents.
Je le suivis en silence vers un ruisseau qui sortait de la forêt, et fuyait dans les sables. Je ne me rappelle point sans frissonner ses flots rougissants, tels que les eaux thermales de Viterbe, dont la débauche arrose ses réduits [4]. Le ruisseau coulait sur un fond de pierre, et ses bords nous offraient une voie large et solide. Mon guide me dit:
—Depuis que nous avons franchi le seuil toujours ouvert de ces tristes demeures, ton oeil n'a point vu de prodige semblable à ce ruisseau qui absorbe sans cesse les flammes qui pleuvent dans son sein.
Je le conjurai alors de satisfaire les désirs que ces paroles réveillaient en moi, et il me parla ainsi:
—Une île, aujourd'hui sans gloire, est assise au milieu des mers: c'est la Crète, dont le premier roi régna sur un siècle innocent. Le mont Ida s'y voit encore. Autrefois, des sources pures et des forêts verdoyantes paraient sa tête; mais le temps a flétri tous ses honneurs. C'est là que Cybèle cacha le berceau de son fils, et que les Corybantes couvraient de leurs sons bruyants les cris du jeune dieu. Dans les flancs caverneux du mont, un vieux géant est debout: il tourne le dos à Damiette, et ses regards vers Rome, qu'il fixe attentivement. Sa tête est d'or pur; sa poitrine et ses bras d'argent; l'airain forme sa taille, et le reste est du fer le plus dur, excepté le pied droit, qui est d'argile; et c'est sur lui que le colosse entier repose. L'or de sa tête ne s'est point altéré; mais ses autres membres s'entr'ouvrent de toutes parts: ces fentes nombreuses se remplissent de larmes qui tombent goutte à goutte, et vont se frayer un sentier dans les cavités de la montagne. Filtrées dans des routes secrètes, elles se rassemblent aux Enfers pour y former le Styx, l'Achéron et le Phlégéton: enfin elles se précipitent, par cet étroit canal, dans le dernier gouffre de l'abîme, et prennent le nom de Cocyte [5].
—Puisqu'il est vrai, repris-je alors, que ce ruisseau traverse l'empire des ombres, pourquoi le voyons-nous pour la première fois?
—Tu sais, me dit le sage, que les Enfers sont creusés en cercle, de degrés en degrés jusqu'au centre du monde, et quoique notre descente approche de son terme, nous n'avons vu que la dixième part de chaque enceinte: ainsi la révolution d'un cercle entier sera la mesure et la fin de notre voyage [6]. Ne sois donc pas surpris si les abîmes nous offrent encore des objets inconnus.
—Mais, repris-je aussitôt, le Phlégéton et le Léthé, ce fleuve d'oubli que vous n'avez point nommé, où sont-ils?
—Apprends, répondit l'illustre poëte, que la rivière de sang t'a déjà montré le Phlégéton; et, quant au fleuve d'oubli, n'espère pas le rencontrer dans ces gouffres: il arrose des lieux où le repentir, le pardon et l'espérance habitent [7]. Éloignons-nous, il est temps, des bords de la forêt: ce ruisseau, où les traits de flamme viennent s'éteindre, trace le sentier devant nous.
NOTES
SUR LE QUATORZIÈME CHANT
[1] On dit que c'est Alexandre lui-même qui fit part de ce phénomène à Aristote. Cette double comparaison est ici d'un grand effet: dans la première, on peut admirer le ciel tranquille, qui ne se presse point dans ses vengeances, et qui semble compter sur l'éternité.
[2] On a tâché d'imiter, par le jeu des participes en é et en ant, les contorsions de ces malheureux. Le texte dit qu'ils font une danse nommée tresca: on trouve au roman de la Rose, karoles, danses et tresches.
[3] Comme dans la guerre contre les géants. Ici l'attitude du personnage répond très bien à son caractère. Les grands poëtes ne manquent jamais à cette règle qui veut qu'on lise les dispositions de l'âme sur les traits du visage ou sur l'attitude générale du corps; de sorte qu'on pourrait deviner les sentiments du personnage avant qu'il parle, ou le reconnaître même avant que le poëte l'ait nommé. C'est d'après cette règle que M. Diderot relève très-justement les traducteurs d'Homère, et même Longin, qui ont prêté à Ajax un propos de Capanée, tandis qu'Homère lui donne une attitude suppliante.
[4] Ces eaux minérales passent à Viterbe dans le quartier des filles, et leur servent à des usages attestés par la couleur dont elles sont au sortir de là. On plaçait jadis les filles sur le bord des eaux, d'où sont venus les mots de Bordel et de Ribaud.
[5] Voici l'explication de cette belle allégorie: La Crète a été le berceau de Saturne et de Jupiter, premiers rois dont parle la tradition, par conséquent le théâtre des premiers événements du monde. Ce vieux géant est le Temps, qui n'a d'existence que celle que lui donne l'histoire dans le souvenir des hommes; il tourne le dos à Damiette, c'est-à-dire à l'Orient, où se sont passées les premières révolutions du globe, et où les anciennes monarchies des Mèdes et des Grecs ont occupé jadis son attention; il regarde Rome, qui est devenue le centre de tout, et qui a donné à l'Occident l'empire qu'a perdu l'Orient. Les différents métaux qui composent ce colosse désignent les époques ou les âges connus sous les noms de siècle d'or, d'argent, d'airain et de fer. Le pied d'argile, qui porte le corps entier, est le siècle même où vivait l'auteur; et c'est toujours le mauvais temps que celui où l'on existe. Les crevasses dont la tête, c'est-à-dire l'âge d'or, est seule exceptée, représentent les secousses et les catastrophes que les crimes des hommes ont causées au monde; elles sont assez nombreuses et fournissent assez de larmes pour former les fleuves qui arrosent les Enfers, et qui sont ainsi le résultat des pleurs et des crimes de chaque siècle.
[6] Dante donne ici une idée fort claire de son voyage et de son Enfer. Il y a dix grandes enceintes qui le partagent; il ne voit, en descendant de l'un à l'autre, que la dixième partie de chacune: il sera donc au dernier cercle, c'est-à-dire au centre du globe, quand il aura parcouru la valeur d'un cercle entier.
[7] Il veut dire le Purgatoire.
CHANT XV
ARGUMENT
Suite du troisième donjon.—Supplice des violents contre nature, c'est-à-dire des sodomistes.—Entretien de Dante et de son précepteur.
Les solides bords du ruisseau nous élevaient au-dessus de la plaine sablonneuse, et l'humide atmosphère qui les environne nous protégeait contre les dards enflammés. Ces bords étaient pareils aux digues que la Flandre oppose aux assauts de l'Océan, ou tels que ces longs remparts qui répriment le cours de la Brenta, lorsqu'enflée du tribut des neiges elle menace les champs de Padoue: mais la main qui avait affermi les digues du ruisseau leur avait donné moins de force et de hauteur.
Déjà, la forêt plus lointaine se dérobait à nos regards, lorsque nous aperçûmes des ombres qui venaient vers nous en côtoyant notre route.
Chacune d'elles nous regardait avec une attention pénible et clignotait, comme le vieillard qui tient un fil sous ses doigts tremblants et ne peut le joindre à l'aiguille trop déliée; ou comme, aux approches de la nuit, quand la lune trop jeune fatigue nos yeux de sa lumière incertaine. Tout à coup, un de ces malheureux me reconnaît, et saisit les bords de ma robe, en s'écriant:
—Ô prodige!
Et moi qui voyais ses bras tendus vers moi, je considérais plus attentivement ses traits noircis et brûlés, et je le reconnus malgré l'altération de son visage.
—Ô Latini, m'écriai-je en portant ma main sur son front, est-ce donc vous que je vois ici [1]?
—Souffre, me répondit-il, souffre, ô mon fils! que je m'éloigne de mes tristes compagnons, et que je retourne un moment sur mes pas avec toi.
—Daignez plutôt vous asseoir avec moi, lui dis-je, si mon guide le permet.
—Mon fils, reprit l'infortuné, un seul de nous qui suspendrait sa marche resterait cent ans immobile sous la pluie de feu. Poursuis donc ta route, et je marcherai au-dessous de toi; ensuite, je retournerai vers les compagnons de mes malheurs.
Craignant de descendre dans les sables, je penchais la tête vers lui, et j'avançais dans l'attitude d'un homme qui s'incline [2].
—Quel étrange destin, me disait-il, a pu te conduire ici-bas avant ton heure, et quel est celui qui guide tes pas?
—J'étais, lui répondis-je, au séjour des vivants, et ma course était encore loin de son terme, lorsque je m'égarai dans une vallée solitaire [3]. Hier, aux premiers rayons du jour, je gravissais avec effroi dans ses profondeurs, où je retombais sans cesse; et c'est là que m'est apparu le poëte illustre qui daigne me guider par ces routes difficiles au terme de mon voyage.
—Eh bien, ajouta l'ombre, si tu suis ton heureuse étoile, tu trouveras la gloire dans le port: j'ai prévu ta belle destinée [4]; et si la mort n'eût précipité mon heure dernière, j'aurais pu ranimer ton coeur, et te montrer un ciel propice au milieu des orages. Car sache que les ingrats enfants des rochers de Fiésole n'ont point oublié leur féroce origine [5]: leur haine payera tes bienfaits; et sans doute aussi que la vigne bienfaisante ne devait pas naître parmi les ronces venimeuses. C'est une race avare, envieuse et superbe: une antique renommée la dit aveugle [6]. Mais toi, mon fils, tu t'écarteras de leurs voix impies; et quand leurs partis divisés t'imploreront à la fois, tu rejetteras également leurs voeux insensés: le ciel te réserve cet honneur. Que les monstres de Fiésole, armés par la discorde, se déchirent entre eux; mais qu'ils respectent les rejetons sacrés des Romains, si jamais il en croît sur ce sol criminel qui fut jadis leur sainte patrie!
—Hélas! répondis-je, si le ciel n'eût rejeté mes voeux, je jouirais encore de votre présence désirée; vos traits défigurés par la douleur, ce front, ce regard paternel vivent encore dans mon coeur déchiré; je reconnais cette voix qui, dans une vie passagère, m'appelait à l'immortalité: aussi le monde entendra vos bienfaits, tandis que le trépas ne glacera point ma langue. Vos présages ont pénétré mon âme: je les rappellerai à mon souvenir, s'il m'est permis un jour d'entendre les oracles de celle qui voit la vérité [7]. Ce n'est pas pour la première fois que l'annonce du malheur frappe mon oreille: mais que la fortune bouleverse à son gré ma courte vie, je vous jure que mon coeur pourra braver ses coups, tant qu'il aura la paix de la vertu.
À ces mots, le sage de Mantoue me regarde, en me disant:
—L'oreille a bien entendu, quand le coeur a senti.
Cependant j'avançais, et je priais Latini de me nommer les plus illustres de ceux qui partageaient ses peines:
—Il est bon, me disait-il, que tu connaisses quelques-uns d'entre eux; mais il vaut mieux se taire sur les autres, car leur nombre est grand et les moments sont courts. Apprends en peu de mots que tous ces esprits ont brillé dans les lettres et la doctrine, mais qu'un même vice a souillé leur vie et leur gloire. J'ai vu dans cette foule malheureuse Priscian et François d'Accursi [8]; et j'aurais pu voir, si ce spectacle méritait un désir, le scandaleux prélat que l'autorité papale transporta des bords de l'Arno au siége de Vicence, où reposent ses impurs ossements [9]. Que ne puis-je, ô mon fils, prolonger mon entretien avec toi! mais le temps borne ma course et mes paroles. Je vois dans ces sables lointains un tourbillon qui s'avance, et des coupables qui le suivent: il ne m'est pas permis de me trouver avec eux. Adieux! je recommande à ta tendre amitié le TRÉSOR, fruit de mes veilles, où mon esprit vit encore [10].
Il dit, et s'éloigne plus prompt que le vainqueur agile qui remporte le drapeau vert dans les champs de Vérone [11].
NOTES
SUR LE QUINZIÈME CHANT
[1] Brunetto Latini, orateur, poëte et philosophe, avait fondé à Florence une célèbre école, d'où sortirent quelques bons écrivains, et entre autres Dante. Latini fut secrétaire de la république, et eut beaucoup de part au gouvernement: mais les troubles de sa patrie le forcèrent de s'en exiler, et il vint à Paris, où il composa quelques ouvrages. Ses moeurs lui ont valu sans doute la place qu'il occupe ici. On ne peut qu'applaudir au poëte austère qui punit ainsi le vice, malgré son amitié pour le coupable. Voltaire, qui avait plus d'élégance dans ses moeurs, n'a pas laissé (pour le même crime) de vouer aux dégoûts de la postérité les noms de quelques-uns de ses amis.
[2] On ne peut dessiner les attitudes avec plus de vérité. Le poëte étant élevé sur les bords du ruisseau, il paraît que son précepteur allait à peine à sa ceinture.
[3] Il donne ici l'heure où il s'achemina vers les Enfers, et le temps qu'il y a déjà passé. On la trouve plus clairement encore au chant XX.
[4] Brunetto Latini s'était mêlé d'astrologie, avec tout son siècle.
[5] Florence était une colonie fondée par Sylla. Après qu'Attila l'eut saccagée, Charlemagne la rétablit, et appela les habitants de Fiésole pour la repeupler: c'était un village bâti sur des rochers voisins de Florence. Ces nouveaux colons ne se mêlèrent jamais bien avec les anciennes familles, et ce fut là une des sources de toutes les guerres qui déchirèrent dans la suite cette petite république. Dante prétendait descendre des anciennes familles romaines échappées aux Barbares.
[6] Les Florentins s'appelaient orbi, ou aveugles, par sobriquet.
[7] Il désigne Béatrix, et fait allusion à son poëme du Paradis.
[8] L'un grammairien, et l'autre jurisconsulte.
[9] André de Mozzi, par son goût effréné pour l'amour antiphysique, ayant trop scandalisé Florence dont il était évêque, fut transporté, par l'autorité du pape, au siége de Vicence, où il mourut.
[10] Ouvrage de Brunetto Latini, intitulé Tesoro ou Tesoretto. Il y traite de tout ce qu'on savait de philosophie dans ce temps-là. Ce qui pourra étonner, c'est qu'il ait écrit ce livre en français, et que, pour justifier la préférence qu'il lui donne sur sa propre langue, il ait avancé que le patois de France, ou le roman, était de son temps la plus agréable langue de l'Europe.
[11] Le premier dimanche de carême, on faisait autrefois des courses à Vérone, pour gagner un drapeau vert, nommé pallio.
CHANT XVI
ARGUMENT
Suite du troisième donjon, et des violents contre nature.—On a vu dans le chant précédent les littérateurs: ce sont ici les militaires atteints du même vice.—Chute de Phlégéton dans le huitième cercle.
Déjà se faisait entendre le murmure sourd et confus de l'onde qui s'engloutit au huitième cercle, semblable au bourdonnement lointain des abeilles [1]: et bientôt nous découvrîmes au loin une foule de malheureux que la pluie enflammée poursuivait âprement dans ces déserts.
En me voyant, trois d'entre eux accoururent et s'écrièrent ensemble:
—Ô toi dont l'habit nous rappelle une patrie coupable, daigne un moment nous attendre!
À leur cri, mon guide s'arrête:
—Attendons-les, me dit-il; cet honneur leur est bien dû; et je pense que, sans l'invincible obstacle de ces feux errants, tu volerais le premier à leur rencontre.
J'envisageais cependant ces trois infortunés: Ciel, quel aspect! jamais le temps n'affaiblira le souvenir et la douloureuse image de leurs membres cicatrisés, ulcérés, dévorés par la flamme. Ils s'avancèrent en poussant l'éternel soupir du désespoir; et quand ils furent devant nous, je les vis marcher en cercle, et s'entre-suivre; ainsi qu'un lutteur agile rôde autour de son ennemi, en épiant le moment de la victoire; mais chacun d'eux, en tournant ainsi, ramenait sans cesse ses regards vers nous.
Un seul rompit le silence:
—Eh! si notre condition déplorable, me dit-il, si nos visages sillonnés par les flammes ne te donnent que de l'horreur pour nous et nos prières, ne refuse pas du moins à notre mémoire de nous dire qui tu es, âme vivante, qui peux ainsi fouler le sol brûlant des Enfers! Cette ombre qui me précède, et que tu vois si misérablement déchirée, fut jadis autre que tu ne penses. C'est Guido Guerra [2], neveu de la généreuse Gualdrade: ses sages conseils et sa vaillance ont rempli le monde. Celui-ci fut Aldobrandini Tegiao [3], dont le nom devrait être si cher à sa patrie; et moi, je suis Rusticuci [4], qu'une épouse implacable a fait passer des angoisses de l'hymen aux flammes de l'abîme.
Il parlait encore, et, s'il m'eût été donné de franchir ces flammes qui nous séparaient, j'aurais déjà volé dans leurs embrassements.
—Ce n'est point l'horreur, m'écriai-je, ce sont les traits poignants de la compassion qui déchirent mon âme inconsolable depuis que mon guide vous a fait connaître à moi. Je suis de votre patrie, et j'appris dès mon enfance à répéter vos noms; votre mémoire honorée, vos exploits ont charmé longtemps mon oreille. Je laisse maintenant la coupe amère du monde, et je passe au banquet de la manne céleste, suivant la fidèle parole de mon guide; mais l'abîme doit auparavant me recevoir dans ses entrailles.
—Que ta bouche, reprit l'illustre infortuné, respire longuement le souffle de la vie; et puisse ta gloire te survivre à jamais! Daigne à présent nous dire si la générosité et la valeur habitent encore dans nos murailles, ou si elles en sont exilées sans retour: car Borsier [5], descendu naguère parmi nous, aigrit sans cesse nos douleurs par ses récits affligeants.
—Malheureuse Florence! une race d'hommes nouveaux et le débordement des richesses ont fait germer dans toi l'orgueilleuse inégalité et tous les maux qui te déchirent!
Ainsi! m'écriai-je en levant les yeux; et les trois ombres se regardèrent entre elles, comme frappées de la vérité [6].
—Heureux qui peut comme toi, me dirent-elles, puiser ses réponses à la source du vrai! Mais quand tu reverras le paisible front des étoiles, et qu'échappé de la nuit éternelle il te sera si doux de dire je l'ai vue, daigne encore nous rappeler au souvenir des tiens.
Aussitôt, rompant leur cercle, ces ombres légères disparurent, plus rapides que l'oiseau, plus promptes que la parole.
Cependant mon guide s'était éloigné, et déjà le bruit des eaux, croissant de plus en plus, eût étouffé le son de nos voix. Semblable au fleuve qui lave la côte orientale de l'Apennin, et reçoit son nom du paisible cours de son onde [7], mais qui change bientôt et de cours et de nom, lorsque, suspendu près de Forli, il tombe et bondit en fureur sur le penchant écumeux des Alpes, et qu'il inonde les champs trop solitaires de Saint-Benoît; ainsi le triste ruisseau précipite ses flots rougeâtres dans ces rocs entr'ouverts, et, les brisant avec fracas, assourdit cette lugubre enceinte.
J'avais autour de mes reins une corde qui les soutenait par ses noeuds redoublés. C'est avec elle que je m'étais promis de saisir la panthère: je la délie, aux ordres de mon guide; et, après avoir rassemblé ses nombreux anneaux dans ma main, je la présente au sage, qui s'avance aussitôt sur les bords du gouffre [8], et la jette loin de lui dans cette bouche ténébreuse.
—Quel sera l'événement, disais-je alors, en le voyant se pencher et suivre de l'oeil la corde flottante au fond de l'abîme.
Heureux l'homme prudent qui possède son âme devant l'oeil scrutateur qui juge l'oeuvre et la pensée! Mon guide connut où s'égarait la mienne:
—Bientôt, me dit-il, ce que j'attends paraîtra, et tes doutes finiront.
Me préserve le Ciel de révéler aux enfants des hommes des vérités qui ont l'air du mensonge: je ne veux point que mon front rougisse quand ma bouche est pure. Il est cependant une vérité que je vais dérober au secret des ombres.
Ici, lecteur, je jure par ces vers, si le temps ne flétrit pas leur gloire, que mes yeux ont vu sortir du fond de la noire enceinte une figure que le plus intrépide n'eût pas envisagée sans pâlir: elle montait en nageant dans l'épaisse nuit, tel qu'un plongeur s'élève du fond des mers, après avoir arraché l'ancre retenue dans les écueils: d'un pied léger il repousse les flots, et remonte en les sillonnant de ses bras allongés.
NOTES
SUR LE SEIZIÈME CHANT
[1] Les deux voyageurs coupent toujours le cercle par son diamètre: ils suivent le ruisseau qui va se perdre dans le centre, et y forme par sa chute une cataracte.
[2] Guido Guerra commandait 400 chevaliers florentins, tous de faction guelfe, à la bataille de Bénévent, remportée par Charles d'Anjou sur Mainfroy. C'est à sa valeur qu'on attribua la victoire. Charles y gagna le royaume des Deux-Siciles, et aida Guido à rentrer dans Florence; ils y rétablirent les Guelfes, et les Gibelins en furent chassés. Comme Dante avait été élevé dans le parti guelfe, Guido Guerra, par le grand rôle qu'il y avait joué, était un homme bien respectable à ses yeux.
[3] Tegiao Aldobrandini était de la maison des Adhémars. Si les Guelfes avaient suivi son conseil, ils n'auraient pas été battus à Monte-Aperto. (Voy. le chant X, note 4.)
[4] Jacques Rusticuci, Florentin, d'une famille peu remarquable, mais fort riche, se distingua par son courage et sa libéralité. Ayant été contraint de se séparer d'une femme trop querelleuse, il tomba dans le désordre qu'on expie au septième cercle. Ces trois ombres rôdent sans cesse en parlant à Dante, parce qu'il ne leur est pas permis de rester en place, ainsi qu'on a vu au chant XV.
[5] Guillaume Borsier, homme de bonne société, chéri de tous les princes d'Italie. Boccace raconte une de ses facéties dans la huitième Nouvelle de la première Journée.
[6] Cette coupe de phrase dessine mieux l'attitude des interlocuteurs, et rend plus vivement l'effet que produit la réponse de Dante.
[7] Ce fleuve s'appelle d'abord Aqua Cheta, et après sa chute Montone. Il a son embouchure à sept lieues de Ravenne.
[8] Le gouffre conduit au huitième cercle, où sont punis les Perfides, comme l'ont été les Violents au septième cercle; mais par des supplices plus rigoureux. On croirait que Dante veut désigner, par la corde qui est autour de ses reins, les finesses dont le coeur de l'homme est naturellement enveloppé. Comme il va descendre au séjour des Perfides, il doit y laisser les livrées du vice qu'on y expie. Mais dès que la corde touche au fond du gouffre, un monstre, emblème de la perfidie, reconnaît le signal, et monte aussitôt. Il avait été tenté de lier la panthère avec cette corde; allégorie assez vague, sur laquelle on ne peut faire que des conjectures, soit que la panthère représente la cour de Rome, ou les passions de la jeunesse, comme on a vu au premier chant. Au reste, on voit, par un autre passage du Purgatoire, que c'était alors la mode d'avoir les reins ceints d'une corde. Voilà sans doute pourquoi les moines, qui n'imaginèrent rien, prirent, avec l'habit de leur siècle, le cordon qui en était une dépendance. Ce fut par les moeurs qu'ils se distinguèrent alors. Observons, en finissant, que l'usage des habits courts a fait tomber celui des cordes et des ceintures.
CHANT XVII
ARGUMENT
Description du monstre de la fraude, nommé Gérion.—Il porte les deux poëtes sur son dos au fond du huitième cercle: mais avant de quitter le septième, Dante jette un coup d'oeil sur ce qui lui reste à voir dans le troisième donjon, et y trouve les usuriers, qu'il nomme violents contre la société.
—Voici le monstre qui darde une queue acérée, qui franchit les monts, infecte les siècles et les climats, et renverse le vaillant et le fort [1].
Après ces paroles, mon guide, étendant la main, fit signe au monstre de s'approcher des lieux où nous étions; et ce vivant symbole de la fraude s'avança d'abord sur les rochers, en découvrant son buste, tandis que sa queue flottait encore au fond du gouffre. Son visage était le paisible emblème du juste; mais le reste de son corps se terminait en serpent. Deux griffes velues sortaient de ses épaules. Les vives couleurs qui peignaient sa poitrine et les anneaux décroissants de sa longue croupe offraient plus de variétés que les tapis de l'Orient ou que les toiles d'Arachné. Comme on voit la barque hors des flots reposer sa proue sur le rivage; ou le Castor à demi plongé dans l'onde se partager entre deux éléments pour dépeupler les rivières du Germain affamé [2], ainsi je voyais la bête cruelle s'appuyer sur les rocs qui terminent l'enceinte sablonneuse: et cependant elle repliait en dessous les contours de sa croupe, dont la pointe, semblable au dard du scorpion, se jouait dans le vague de l'air.
—Passons, dit mon guide, près des lieux où le monstre s'est abattu.
Et aussitôt je le suivis en descendant vers la droite, et nous laissâmes dix pas entre nous et l'aride plaine.
Non loin du bord où j'étais, je découvris des âmes qui étaient assises en grand nombre dans les sables brûlants.
Le maître me dit alors:
—Va et considère leurs supplices, afin que tu puisses remporter une pleine connaissance de cette dernière enceinte; mais abrége tes entretiens, et cependant j'irai et je parlerai au monstre qui doit nous porter dans l'abîme sur sa croupe vigoureuse.
Je restai seul dans ce troisième et dernier donjon [3], où les coupables sont assis à jamais: des larmes cuisantes abreuvent leurs paupières, et leurs mains désespérées repoussent et reçoivent sans cesse les feux qui les assaillent de toutes parts: ainsi dans les brûlants étés, un dogue furieux se débat sous les aiguillons pressés des insectes.
Je laissai tomber mes regards sur leurs visages, éternel aliment des flammes, et je ne pus en reconnaître un seul: mais j'aperçus des bourses diversement colorées qui pendaient à leurs cous; et chaque infortuné semblait encore en repaître sa vue. En m'approchant davantage, je découvris sur une bourse tissue d'or un lion peint de l'azur des cieux [4]; et, promenant mes regards plus loin, je vis une oie, blanche comme la neige, éclater sur la pourpre [5]. Enfin un des coupables, qui portait une truie azurée sur une toile d'argent, me cria [6]:
—Que fais-tu dans cette fosse? Éloigne-toi: mais puisque tu vis encore, apprends que je garde à mes côtés une place pour Vitalian [7]: je suis tombé des champs de Padoue parmi ces Florentins dont les cris importuns appellent sans cesse l'illustre chevalier aux trois boucs [8].
Il parlait ainsi, et tordait autour de ses lèvres sa langue desséchée, comme un taureau qui lèche ses naseaux écumants: et moi qui n'avais point oublié la parole de mon guide, je revins à lui en m'éloignant de ce spectacle de douleurs.
Il était déjà monté sur les puissantes épaules du monstre:
—Rassure-toi, me cria-t-il; il n'est pas d'autre chemin pour descendre dans l'abîme: tu vas t'asseoir devant moi, et je te couvrirai des atteintes de son dard.
Tel qu'un malade dont les ongles décolorés et les nerfs tremblants se glacent aux approches de la fièvre; tel je devins à ces paroles. Mais la honte qui rend l'esclave intrépide sous l'oeil du maître, me fit sentir son aiguillon, et je montai sur la croupe hideuse. «Soutenez-moi!» voulais-je m'écrier alors; et ma langue ne put articuler ces mots.
Cependant le bon génie me soulevait et me serrait dans ses bras:
—Gérion [9], dit-il au monstre, tu peux descendre; mais plonge-toi lentement dans le gouffre, et pense au nouveau fardeau que tu portes.
Comme la nacelle, en quittant le rivage, recule d'abord sur les flots; ainsi l'animal frauduleux se retirait de la pente escarpée, et détournait ensuite sa masse énorme, embrassant un long circuit, et balançant dans l'air ses bras velus, tandis que sa queue ondoyante serpentait en arrière. Le trouble de Phaéton, lorsque, dans sa route embrasée, les rênes échappèrent de sa main défaillante; l'effroi du malheureux Icare, lorsqu'il sentit couler sur ses bras nus la cire amollie, et qu'il entendit la voix de son père: «Hélas, tu te perds!» rien n'égalera l'horreur qui me saisit en me voyant environné d'air de toute part, et ne découvrant dans l'immense nuit que le monstre qui m'emportait. Il planait avec lenteur, en tournoyant dans un cercle allongé, et l'air qui cédait à ses mouvements effleurait à peine mon visage.
Cependant le fracas de l'onde, qui se brise et rebondit sur la pierre, accablait ma tête éperdue [10]; j'osai me pencher et regarder au-dessous de moi, et je reconnus, en frémissant, la vaste enceinte où nous descendions: des spectacles inconnus passaient tour à tour sous mes yeux; et la lueur des flammes, et les gémissements qui s'élevaient de toute part, troublaient de plus en plus mes sens consternés.
Enfin Gérion s'abattit au pied des rocs décharnés qui pressent le fond du gouffre, et, libre de son double fardeau, s'élança loin de nous comme un trait léger. Ainsi le faucon, las de planer sans fruit dans les nues, revient aux yeux étonnés du chasseur, qui lui crie: «Eh quoi, tu descends!» L'oiseau confus décrit rapidement un immense détour, et va s'abattre loin de son maître indigné.
NOTES
SUR LE DIX-SEPTIÈME CHANT
[1] Le poëte personnifie la fraude, et s'en sert pour se faire porter avec son guide au fond du huitième cercle, dont la descente serait impraticable sans ce moyen.
[2] Dante traite les Allemands de lurchi, goulus ou ivrognes. On trouve dans Lucilius: Edite, Lurcones, comedones vivite ventres. Les castors se tiennent moitié dans l'eau, moitié dehors, quand ils épient les poissons. Ils sont communs dans le Danube.
[3] On va voir dans le reste du troisième donjon les usuriers. Le poëte, pour varier sa manière, ne les nomme pas, mais les désigne par leurs armoiries.
[4] Armes de Gianfigliacci, maison de Florence.
[5] La famille des Ubriacchi, à Florence.
[6] Les Scrovigni, de Padoue.
[7] Vitalian, grand usurier de Padoue.
[8] Ce chevalier, qui avait trois boucs pour armes, était Jean Buyamont, fameux usurier de Florence. La manière dont ce damné en parle est ironique, et sa grimace le prouve.
[9] Gérion, roi des trois îles Baléares, avait trois têtes, selon la fable. Il est ici l'emblème de la fraude, à cause de son triple visage.
[10] Le monstre qui porte les deux poëtes forme, en descendant, une spirale, et le Phlégéton tombe à leurs côtés.
TABLE DES MATIÈRES
DU PREMIER VOLUME
AVERTISSEMENT
DE LA VIE ET DES POÈMES DE DANTE
VUE GÉNÉRALE DE L'ENFER
CHANT PREMIER.—A la chute du jour, le poëte s'égare dans une forêt.—Il y passe la nuit, et se trouve au lever du soleil devant une colline où il essaye de monter, mais trois bêtes féroces lui en défendent l'approche.—C'est alors que Virgile lui apparaît et lui propose de descendre.
CHANT II.—Le jour dont la naissance est indiquée dans le premier chant tire vers sa fin. Le poëte hésite sur le point de descendre aux Enfers; mais son guide le rassure, en lui apprenant que Béatrix est descendue du ciel pour l'envoyer à lui. Alors ils s'avancent tous deux vers les souterrains.
CHANT III.—Les deux poëtes arrivent à une immense porte ouverte en tous temps.—Après avoir lu l'inscription, ils passent dans la première enceinte de l'Enfer, que le fleuve Achéron partage en deux moitiés.—Description du premier supplice.—Discours de Caron.
CHANT IV.—Dante se réveille au delà du fleuve, sur le bord des limbes qui forment le premier cercle des Enfers.—Il y voit les enfants morts sans baptême et les hommes qui n'ont suivi que la loi naturelle.
CHANT V.—on trouve le juge des Enfers à l'entrée de ce deuxième cercle, où sont punies les âmes que l'amour a perdues.—Description de leur supplice.—Aventure de François d'Arimino.
CHANT VI.—Troisième cercle, où sont punis les Gourmands.—Cerbère, emblème de la gourmandise.—Prédiction sur les affaires du temps.—Entretien sur la vie future.
CHANT VII.—Quatrième cercle, dans lequel Pluton ou Plutus, emblème des richesses, veille sur les avares et les prodigues.—Description de leurs supplices.—Entretien sur la Fortune.—Passage au cinquième cercle, où les Vindicatifs sont plongés dans le Styx.
CHANT VIII.—Suite du cinquième cercle, où on trouve Phlégias, emblème des vindicatifs.—Passage du Styx.—Première entrevue des démons.
CHANT IX.—Les deux poëtes sont toujours en présence de la cité.—Apparition des Furies.—Un ange vient ouvrir les portes de la cité.—Sixième cercle, où sont punies les âmes infectées d'hérésies.
CHANT X.—Suite du sixième cercle.—Dante apprend les malheurs dont il est menacé.—Entretien sur l'état des morts.
CHANT XI.—Dernier coup d'oeil sur les hérétiques.—Les deux poëtes marchent vers le septième cercle.—Division générale de tout l'Enfer, tant de ce qu'on a vu que des trois cercles qui restent à voir.
CHANT XII.—Premier donjon du septième cercle, où sont punis les violents contre le prochain.—Le Minotaure qui se nourrissait de chair humaine, emblème des tyrans et des assassins.—Les Centaures.
CHANT XIII.—Deuxième donjon, où sont punis les violents contre eux-mêmes, tant les suicidés que ceux qui se font tuer.—Description de leur supplice.—Les harpies et les chiennes noires, double emblème des peines qui donnent le dégoût de la vie.
CHANT XIV.—Troisième donjon, dans lequel sont punies trois sortes de violences.—Celle contre Dieu, ou l'impiété; celle contre nature, ou la sodomie; et celle contre la société, ou bien l'usure.—Description du supplice des impies.—Allégorie sur le temps et sur les fleuves d'Enfer.
CHANT XV.—Suite du troisième donjon.—Supplice des violents contre nature, c'est-à-dire des sodomistes.—Entretien de Dante et de son précepteur.
CHANT XVI.—Suite du troisième donjon, et des violents contre nature.—On a vu dans le chant précédent les littérateurs: ce sont ici les militaires atteints du même vice.—Chute de Phlégéton dans le huitième cercle.
CHANT XVII.—Description du monstre de la fraude, nommé Gérion.—Il porte les deux poëtes sur son dos au fond du huitième cercle: mais avant de quitter le septième, Dante jette un coup d'oeil sur ce qui lui reste à voir dans le troisième donjon, et y trouve les usuriers, qu'il nomme violents contre la société.
Paris.—Imprimerie de Dubuisson et Ce, rue Coq-Héron, 5.