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La flore utile du bassin de la Gambie

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VI. — Végétaux pouvant être utilisés pour la teinture.

Le plus commun, et celui qui pourrait donner lieu à l’exploitation la plus rémunératrice, est l’Indigo. Ce végétal est très commun dans toute cette région et chaque village en possède plusieurs beaux lougans aux environs des cases. Les indigènes en retirent la couleur bleue dont ils se servent pour teindre leurs étoffes. L’indigo de la Gambie est donné par l’Indigofera tinctoria, L., Légumineuses papilionacées. La culture de cette plante est très facile. Elle croît, pour ainsi dire, spontanément, et on n’a besoin absolument que de la semer. Ses feuilles sont récoltées vers la fin du mois de novembre et les ménagères leur font subir la préparation suivante : On les fait sécher au soleil et macérer ensuite dans environ trois fois leur poids d’eau pendant plusieurs heures ; on y ajoute une petite quantité de cendres, on laisse reposer et on décante. Le produit ainsi obtenu est alors pétri en pains qui ont la forme de cônes et mis à sécher au soleil. On a soin tous les soirs de les rentrer pour ne pas les exposer à l’humidité. Ces pains ont à peu près la forme conique. Leur poids varie de 500 grammes à 3 et 5 kilog. C’est sous cette forme, ou bien en petits fragments, que l’on trouve l’indigo sur tous les marchés du Soudan. Son prix varie de 4 à 6 francs le kilog. Cet indigo donne une couleur bleu violacé, qui est en grand honneur chez tous les peuples du Soudan. Mais elle passe rapidement et les étoffes qu’elle a servi à colorer déteignent au lavage. Les indigènes ignorent, en effet, les procédés les plus efficaces pour la fixer. Ils ne se servent, pour cela, que des cendres d’un arbre très commun dans toutes ces régions, le Rhatt (Combretum glutinosum, G. et Perr.), Combrétacées.

Bien que l’indigo du Soudan soit de qualité inférieure aux indigos de Java, du Bengale et d’Amérique, nous estimons qu’il pourrait être utilisé avec fruit par nos industriels. C’est pourquoi nous devrions faire tous nos efforts pour propager dans notre colonie cette plante dont le rendement considérable sera certainement rémunérateur.

Le Rocouyer (Bixa orellana, L.), Bixacées, existe à l’état sauvage dans le bassin de la Gambie. Les indigènes ne le cultivent pas. Il est de plus relativement rare. Les graines de cet arbuste, écrasées dans l’eau chaude, donnent une matière colorante rouge et résineuse que l’on désigne sous le nom de rocou. Cette matière une fois fermentée et desséchée est dure et peu odorante. Elle renferme deux principes colorants : un rouge vif que l’on désigne sous le nom de bixine, qui est résineux et soluble dans l’alcool bouillant, et un jaune appelé orelline, qui est soluble dans l’eau, l’alcool et l’éther. Le rocou du commerce exhale une odeur nauséabonde parce que, pour le maintenir mou, on l’additionne d’urine.

Le rocouyer se reproduit de lui-même et pousse très rapidement dans les terrains humides.

Le Calama, que les Ouolofs appellent Rhatt ou Rehatt, est un beau végétal de haute taille. C’est une Combrétacée, le Combretum glutinosum, Perr. Il croît, de préférence, dans les terrains pauvres en humus, sur les terrains rocheux et sur le versant des collines. On le trouve partout au Soudan, mais c’est surtout dans le Bambouck, le Birgo, le Gangaran, le Manding et le Bélédougou qu’il est le plus commun. Les Malinkés l’emploient surtout en teinture. Ce végétal est appelé Calama par les Bambaras, Rehatt ou Rhatt par les Ouolofs, Kéré par les Malinkés et Kodioli par les Sarracolés. Les cendres de son bois servent à fixer les couleurs de l’indigo ; les Bambaras et les Malinkés surtout retirent de ses feuilles une couleur qui leur sert à teindre en jaune sale et en rouge couleur de rouille leurs boubous et leurs pagnes.

Cette couleur est, pour ainsi dire, la couleur nationale des Malinkés. Ils l’affectionnent tout particulièrement. Voici comment ils procèdent : Ils récoltent les feuilles sur l’arbre quand elles sont encore très vertes, les font sécher, puis les écrasent entre leurs mains. Ceci fait, on verse dessus environ deux fois autant d’eau qu’il y a de feuilles, et on laisse infuser à froid pendant au moins vingt-quatre heures. On plonge alors l’étoffe à teindre dans cette infusion et on la laisse tremper pendant douze heures. On la retire alors et on fait sécher. La teinte plus ou moins foncée donnée à l’étoffe tient non pas au temps plus ou moins long qu’elle reste dans la liqueur, mais au degré plus ou moins grand de concentration de celle-ci. Cette couleur est aussi contenue dans les racines, mais je ne me souviens pas avoir entendu dire qu’elles soient utilisées par les indigènes.

Cette teinture est très adhérente. On la fixe à l’aide des cendres du végétal lui-même. Elle résiste même à la pluie, au lavage à l’eau chaude et au savon. Chez les Bambaras et les Malinkés, les femmes de forgerons acquièrent une véritable habileté pour la préparer. La façon de cette teinture se paie environ cinq moules de mil (8 kilog. à peu près) par pagne ou par boubou.

Les feuilles du Khoss (Nauclea inermis, H. Bn.) donnent également une belle couleur jaune que les indigènes utilisent pour teindre leurs cuirs. Il en est de même de la Morinde (Morinda citrifolia), Rubiacées. La couleur que l’on retire de ce dernier végétal est d’un beau jaune safran. Enfin, des feuilles et des tiges de certaines variétés de Mil (Sorghum vulgare, L.), Graminées, le Baciba et le Guessékélé, par exemple, les forgerons retirent, je ne sais trop par quel procédé, une belle couleur rouge vineux qui leur sert à teindre les pailles avec lesquelles ils tressent leurs corbeilles, leurs chapeaux et les paillassons destinés à couvrir les calebasses.

Le Diabé n’est autre chose que le Henné (Lawsonia inermis, L.), de la famille des Lythrariées. Ce végétal est assez commun dans toute cette région, mais on le trouve surtout dans le Bambouck, le Dentilia et le Manding. Les indigènes en utilisent les feuilles pour teindre en jaune très foncé leurs cuirs ; mais elles sont surtout estimées des femmes qui s’en servent pour se colorer en rouge acajou les ongles et souvent aussi la paume des mains. Voici comment on procède pour obtenir cette coloration si appréciée des élégantes : On récolte les plus jeunes feuilles de diabé ; on les pile de façon à en faire une pâte bien homogène. Puis, on enduit de cette pâte chaque ongle. La main tout entière est ensuite enveloppée de feuilles quelconques et on a soin de maintenir très humide ce pansement pendant trois ou quatre jours. Puis, on l’enlève, et, les mains lavées, on trouve les ongles teints en jaune rougeâtre acajou. Cette coloration persiste pendant trois ou quatre mois ; après ce temps, il faut recommencer l’opération. Cette teinture des ongles est considérée par les négresses comme un attribut essentiel de l’élégance. Filles, femmes de chefs et de notables, ne manquent pas de la faire avec soin. Les griotes s’offrent parfois aussi ce luxe.

Cette pratique est surtout en honneur chez les Peulhs et chez les peuples qui appartiennent à cette race. Elle est plus rare chez les peuples de race mandingue. Quelques jeunes gens adoptent aussi cette mode, mais ce fait est peu fréquent.

Le henné est appelé Diabé par les peuples de race mandingue, et Pouddi par les Peulhs et leurs congénères.

VII. — Végétaux produisant du caoutchouc et de la gutta-percha.

Ils existent en quantité considérable dans tout le bassin de la Gambie et leur exploitation pourrait donner des résultats importants et des bénéfices certains.

Les Ficus sont très communs dans toute cette région. Ils donnent tous des caoutchoucs plus ou moins estimés. On y trouve les variétés les plus nombreuses de ce beau végétal. Les plus fréquentes sont : le Ficus sycomorus, L., le Ficus Afzelii, L., le Ficus rugosa, L., le Ficus macrophylla, Desf. Ce dernier est très commun, surtout dans le Bondou. C’est, pour ainsi dire, le seul arbre de toute cette région qui donne un beau feuillage. Le Ficus elastica, Roxb., est malheureusement assez rare ; on ne le trouve guère que dans la Haute-Gambie, la Haute-Falémé et dans le haut cours du Bakhoy et du Bafing. Nous en avons trouvé quelques rares échantillons dans le Dentilia, le Konkodougou et le Bambouck. Quant au Banyan (Ficus religiosa, W.), il est très commun dans tout le bassin de la Haute-Gambie où il atteint des proportions gigantesques. Le Niocolo, le Badon, le Dentilia et le Gounianta notamment en possèdent de superbes échantillons. A l’incision, il donne également du caoutchouc ; mais il paraîtrait qu’il est de plus mauvaise qualité que celui qui est extrait du Ficus elastica.

Les caoutchoucs qui nous viennent de la côte occidentale d’Afrique sont, en majeure partie, donnés par diverses grandes lianes de la famille des Apocynées. Il en existe dans tout le bassin de la Gambie un grand nombre de variétés. Nous ne parlerons ici que de celles dont l’exploitation pourrait donner des résultats satisfaisants. « Le caoutchouc qu’on en extrait est très inférieur aux caoutchoucs d’Amérique et d’Asie. Néanmoins, quand il a été travaillé tout frais, on parvient à en obtenir d’assez bons produits, tandis que si on le laisse d’abord s’égoutter et sécher à l’air, il éprouve à la surface une oxydation particulière à la suite de laquelle il se décompose et coule comme de la mélasse. Il exhale une odeur désagréable qui lui est propre et qu’il conserve même après la vulcanisation. » (Roret.)

Le Fafetone n’est autre chose que le Calotropis procera, R., Br., de la famille des Asclépiadées ; il donne par incision du caoutchouc. Fafetone est le nom ouolof de cette plante. Les Malinkés l’appellent N’goyo, les Bambaras N’gei et les Peulhs Poré. C’est une liane qui atteint parfois des dimensions considérables. Elle croît partout dans les Rivières du Sud, au Gabon, au Fouta-Djallon, sur les bords du Tankisso et dans la majeure partie des régions situées dans la boucle du Niger. Elle aime un terrain humide ; aussi est-elle très commune dans les pays où l’hivernage se prolonge. Au Soudan, au contraire, où la saison des pluies ne dure guère plus de quatre mois au maximum, on ne la trouve que sur les bords des marigots. Elle fait absolument défaut dans le Bondou, le Ferlo, le Kaméra, le Fouladougou, le Bambouck et le Manding. Elle est, par contre, très abondante dans les bassins de la Gambie et de la Haute-Falémé. Elle sécrète un suc laiteux qui, par évaporation, donne du caoutchouc d’excellente qualité.

Les noirs du Soudan ignorent absolument tout procédé pour recueillir le caoutchouc. Ce n’est guère qu’à partir de la Gambie qu’on commence à le récolter, et la production augmente sensiblement au fur et à mesure qu’on s’avance dans le sud. Mac-Carthy est le point le plus septentrional où l’on commence à voir apparaître ce précieux produit. Les indigènes du sud de la Gambie en apportent chaque année davantage aux comptoirs de la Compagnie française de la côte occidentale d’Afrique et de la Bathurst trading Company, limited. En 1890, il en a été acheté environ 4,500 kilog. et, d’après les renseignements qui m’ont été donnés, cette quantité n’était qu’un minimum comparé aux achats faits depuis. Le caoutchouc que les indigènes apportent aux factoreries de la Gambie est en boules, de la grosseur du poing environ. Sa couleur est brun foncé à la surface ; mais, à l’intérieur, il est d’un blanc grisâtre. Quand on les fend par le milieu, on constate à l’intérieur des lacunes assez grandes remplies d’un liquide parfois abondant, surtout quand la récolte a été faite récemment. Ce liquide est absolument nauséabond. Aussi les commerçants, avant d’acheter, ont-ils l’habitude de fendre les boules pour le faire écouler et aussi pour s’assurer que le caoutchouc n’est pas fraudé ; car les indigènes ont l’habitude, dans certaines contrées, d’introduire des cailloux à l’intérieur des boules. A Mac-Carthy, le caoutchouc se vend à peu près 1 fr. 25 le kilog. Les noirs mélangent parfois à leur stock de boules, des boules de gutta. Les traitants les refusaient toujours comme du caoutchouc de mauvaise qualité ; il n’en est plus de même aujourd’hui.

Les Dioulas emploient, paraît-il, l’écorce du fafetone comme stimulant. Ils lui attribuent des vertus aphrodisiaques. L’écorce de la racine est connue depuis longtemps en matière médicale sous le nom d’écorce de Mudar ; elle est réputée tonique et diaphorétique. Les feuilles de ce végétal ont de plus, pour les Malinkés du Ghabou et les Peulhs du Fouladougou, la propriété de clarifier l’eau. Les Pahouins du Gabon, les Soussous et les Balantes fabriquent avec ses fibres des fils très résistants. Enfin, les graines sont entourées d’une courte soie qui sert à faire des fils qui, colorés en jaune ou en rouge, servent à coudre les boubous des élégants du Fouta-Djallon. On dit que cette soie serait dangereuse à manier et à travailler, car elle est très cassante et les petits fragments que l’on en peut absorber par la voie respiratoire détermineraient de graves affections pulmonaires.

Laré ou Saba. — Cette liane (Vahea senegalensis, A. D. C.) est nommée Laré par les peuples de race peulhe et Saba par les noirs de race mandingue. Elle atteint souvent des proportions gigantesques. Nous en avons vu fréquemment dont le tronc atteignait la grosseur de la cuisse d’un homme vigoureux. C’est une Apocynée du genre Landolphia ou Vahea. Elle s’attache toujours aux grands végétaux et acquiert parfois un si grand développement que l’arbre qui la porte disparaît complètement sous son feuillage. Elle est très facile à reconnaître à son port majestueux et au dôme de verdure qu’elle forme au-dessus des végétaux auxquels elle s’attache. Ses fleurs, blanches, qui ont la forme de celles du jasmin, exhalent une odeur des plus agréables qui permet d’en reconnaître au loin la présence. Ses fruits sont tout aussi caractéristiques. Ils sont volumineux et affectent la forme d’une orange, de celles que l’on désigne sous le nom de Pamplemousses (Citrus decumana). Leur coloration est vert sombre quand ils ne sont pas mûrs. Arrivés à maturité, ils sont, au contraire, d’une jaune rouge qui ne permet de les confondre avec aucun autre. Ils poussent à l’extrémité des petits rameaux. Ils contiennent à l’intérieur une trentaine de graines de formes pyramidales qui sont noyées dans une pulpe jaune d’or d’un goût délicieux et excessivement rafraîchissante. Ce goût rappelle un peu celui de la cerise.

On trouve le laré partout au Soudan français ; mais les contrées où il est en plus grande abondance sont le Niocolo, le Baleya, l’Amana, le Dinguiray, etc., etc. Il croît de préférence, sur les bords des marigots, dans les terrains humides, marécageux surtout. Nous avons pu remarquer que les larés qui poussent dans les argiles et sur les plateaux ferrugineux sont moins développés et présentent une vitalité bien moins grande que ceux qui croissent sur les rives des marigots.

Plus on avance vers le sud et plus ce végétal devient commun. Nul doute qu’il ne croisse également sur le bord des rivières du sud et de leurs affluents. Le Dr Crozat, dans son voyage au Fouta-Djallon, l’a trouvé partout dans ce pays et en grande abondance. Il existe de même en grande quantité dans toutes les régions situées dans la boucle du Niger, dans le pays de Ségou et dans le Macina. D’après les renseignements que nous avons pu recueillir sur ce précieux végétal, il ne disparaîtrait complètement que sur les confins du Sahara, au nord, à l’ouest, sur les limites extrêmes de la zone maritime, et on le trouverait partout dans les régions méridionales et orientales du centre Afrique.

Toutes les parties du laré donnent un suc abondant. A part quelques ficus, c’est peut-être au Sénégal et au Soudan le végétal qui donne la plus grande quantité de latex. En outre, ce latex donne un caoutchouc qui nous semble le meilleur de tous les produits similaires de vahea d’Afrique.

Pour l’extraction, point n’est besoin de procédés particuliers pour pratiquer les incisions. La simple incision longitudinale ou transversale laisse écouler de grandes quantités de suc. Les Pahouins du Gabon extraient le caoutchouc en sectionnant complètement les lianes. Au bout de chaque fragment se forme une petite boule de la substance, qu’ils récoltent vingt-quatre heures après. Mais c’est là un procédé barbare, dont le résultat sera de dépeupler rapidement leur pays. Le procédé par la simple incision donne, il est vrai, un rendement bien moins abondant, mais il a pour avantage de conserver au végétal toute sa vitalité, car il ne souffre aucunement des blessures qu’on peut lui faire, si nombreuses qu’elles soient.

En toutes saisons et à n’importe quelle heure du jour le laré donne une grande quantité de latex. L’âge et l’état des végétaux influent peu sur la production. J’ai remarqué, toutefois que les individus qui croissaient dans les terrains riches en humus en donnaient beaucoup plus que ceux qui habitaient les terres maigres et les plateaux rocheux et argileux.

Le suc ainsi obtenu a l’aspect d’un blanc parfait. Il ressemble à s’y méprendre à du lait frais. Il renferme une proportion considérable de caoutchouc et poisse fortement les doigts. A l’air libre, il se coagule rapidement par la simple évaporation. C’est assurément de tous les végétaux à caoutchouc celui qui donnera toujours en tous lieux et en tous temps les résultats les plus satisfaisants et surtout les plus rémunérateurs. Il nous souvient avoir entendu raconter par nos camarades ce fait, à savoir que, sur les bords du Tankisso, M. le lieutenant de vaisseau Hourst, commandant la flottille du Niger, avait pu, en un temps relativement court, par les moyens tout primitifs qu’il avait à sa disposition, en récolter des quantités relativement considérables. Cela permet d’augurer que l’exploitation en serait facile et fructueuse.

Le caoutchouc du laré présente, à s’y méprendre, les caractères macroscopiques de celui de l’hevea. Jouit-il des mêmes propriétés ? Tout permet de l’espérer. Des échantillons ont été rapportés en France et ont été soumis à l’analyse. Les résultats obtenus en ont été favorablement concluants. Nous ne saurions trop attirer l’attention sur ce précieux végétal, qui, à notre avis, est appelé prochainement à un grand avenir industriel et commercial.

Le Delbi est encore une liane de la famille des Apocynées. Son feuillage rappelle celui du laré ou saba dont nous avons parlé plus haut. Il croît de préférence sur les hauts plateaux et, en bien moins grande quantité, sur les bords des rivières, fleuves et marigots. On le trouve partout au Soudan. Ce sont les peuples de race peulhe qui lui ont donné le seul nom sous lequel nous le connaissions. Il n’acquiert que rarement de grandes dimensions, et son pied a, tout au plus, 6 à 8 centimètres de diamètre. Ses fleurs, blanches, ont à peu de chose près les caractères macroscopiques de celles du laré, et, comme elles, ressemblent à s’y méprendre à celles du jasmin, dont elles rappellent du reste l’odeur. Le fruit est un follicule sec, qui contient environ 25 à 30 graines comprimées. Il est mûr vers la fin de mars. L’aspect maigre et chétif de cette liane ne permet pas de la confondre avec le laré. Comme cette dernière, elle laisse découler à l’incision un suc blanc laiteux, très aqueux, et qui poisse les doigts. Nous serions tenté volontiers de croire que ce n’est autre chose qu’un caoutchouc de mauvaise qualité. Pendant la saison sèche, le suc fait absolument défaut. On n’en trouve que pendant l’hivernage et encore en très petite quantité. Les indigènes du Niocolo notamment se servent des feuilles du delbi pour panser certains ulcères de mauvaise nature. Nous ne voyons pas quelle peut bien être leur action thérapeutique. Cette plante doit être, d’après le professeur Heckel, le Vahea Heudelotii, A. D. C.

Le Bonghi, ainsi nommé par les peuples de race peulhe, est appelé Nombo par les Bambaras et les Malinkés. C’est encore une belle liane de la famille des Apocynées. Elle croît, de préférence, dans les bas-fonds humides, et est très rare. Nous ne l’avons trouvée en grande quantité que dans les environs de Dalafine dans le Tiali ; on la rencontre, il est vrai, un peu partout au Soudan, mais elle est partout très clairsemée. Elle acquiert de grandes dimensions, surtout dans les terrains très humides, et elle est facile à reconnaître à son port majestueux et au dôme de verdure qu’elle forme au-dessus des végétaux auxquels elle s’attache. Son feuillage rappelle celui du laré et celui du delbi, mais ses fleurs ne permettent pas de la confondre avec ces deux dernières lianes. Au lieu d’être blanches, elles sont rosées, volumineuses, et leur calice est hypocratérimorphe. Elle donne à l’incision un suc blanc laiteux, aqueux, et qui poisse légèrement les doigts. Contrairement au delbi, elle en laisse découler en toutes saisons, mais en bien plus grande quantité pendant l’hivernage que pendant la saison sèche. A cette époque de l’année, c’est à peine s’il vient sourdre, peu après l’incision, quelques rares gouttelettes qui se coagulent immédiatement et donnent un produit ayant l’aspect de celui que l’on obtient du laré. Pendant l’hivernage, au contraire, le rendement est bien plus considérable, sans cependant égaler ce que l’on obtient du laré. Les indigènes n’emploient le bonghi à aucun usage. Cette plante, d’après l’opinion du professeur Heckel, serait le Vahea florida, F. Mueller.

De même que le caoutchouc, à la côte occidentale d’Afrique, est presque uniquement donné par des végétaux appartenant à la grande famille des Apocynées, de même la gutta-percha n’y est extraite que des essences d’un même échelon botanique, la famille des Sapotacées. Les guttas ayant une autre origine sont généralement peu commerciales et de qualités inférieures.

La question de la gutta est aujourd’hui absolument capitale en France. Jusqu’à ce jour elle a été uniquement donnée par un végétal de la famille des Sapotacées, l’Isonandra-gutta. Cet arbre croît dans les forêts de la presqu’île de Malacca et dans les îles voisines : Singapoore, Poulo-Pinang, etc., et surtout dans les îles qui forment l’archipel malais, Sumatra, Java, Sumbava, Timor, Bornéo, etc., etc. On ne le trouve pas ailleurs que dans cette partie du monde. L’isonandra-gutta se développe lentement et on ne peut guère extraire de gutta que des végétaux âgés d’au moins vingt années. Le procédé le plus généralement employé dans toutes ces régions pour se procurer ce précieux produit est l’abatage. Les arbres étant parvenus à une grosseur suffisante sont coupés au pied ; puis on pratique sur le tronc, à la distance de 40 à 50 centimètres, des incisions annulaires dont la profondeur ne dépasse pas l’épaisseur de l’écorce. On place alors sous chaque incision un récipient quelconque pour recevoir le suc. Si l’on songe que la production d’un arbre âgé de cent ans ne dépasse pas 18 kilogrammes et qu’en moyenne il faut abattre environ dix arbres pour obtenir 7 à 8 kilogrammes ; si, de plus, l’on considère que, chaque jour, la consommation et les besoins augmentent dans d’énormes proportions, on comprendra aisément que, par ce procédé brutal, la destruction des forêts devait être la conclusion fatale et la conséquence inévitable. « Or, écrivait un auteur technique il y a quelques années, quelque rapide que soit la végétation dans les contrées tropicales, quelque rapide que puisse être la multiplication de l’isonandra-gutta, il n’est guère possible de penser que de telles pertes puissent être réparées, et il semble certain que, dans un avenir peu éloigné, la gutta-percha deviendra d’abord rare et plus tard manquera peut-être aux nombreuses industries qui en tirent aujourd’hui un utile parti. » Ce fut pour entraver cette rapide destruction que l’on imagina le procédé d’extraction par incision, analogue à celui que l’on emploie pour le caoutchouc. Mais l’écoulement par les incisions se fait très difficilement, en sorte que, les bénéfices des travailleurs baissant considérablement, on en est revenu au procédé par abatage. C’est actuellement en Malaisie le seul en usage.

Ce qui avait été prédit jadis est aujourd’hui un fait accompli et la gutta de l’isonandra se fait de jour en jour plus rare sur nos marchés européens. De plus, nous sommes, sous ce rapport, absolument tributaires des Anglais, et jusqu’à ce jour rien n’avait été fait pour tenter d’en découvrir des sources de production nouvelles. En 1891, à la suite d’un article paru, sous la signature de M. le professeur Heckel, dans le Petit Marseillais, et traitant de la rareté et de la disparition prochaine de la gutta des îles de la Sonde, article qui amena la réunion à Paris d’une conférence technique à laquelle prit part son auteur, dont la mission était de rechercher le remède à apporter à une situation menaçante pour une branche primordiale de l’industrie française, le gouvernement, sur sa proposition, décida que des missions scientifiques seraient envoyées dans nos principales colonies, en Cochinchine, au Soudan français, à la Guyane pour y rechercher des végétaux similaires de l’isonandra susceptibles d’être immédiatement exploitables. Le long séjour que j’avais fait au Soudan français et les différentes missions dont j’y avais été chargé me firent choisir par M. le sous-secrétaire d’État des colonies pour explorer à ce point de vue nos possessions africaines de cette région. Je devais particulièrement étudier le Karité (Butyrospermum Parkii, Kotschy), sapotacée qui donnait une gutta qui semblait pouvoir être utilisée, et rechercher d’autres végétaux susceptibles d’être exploités. Ce sont les résultats que j’ai obtenus que je vais exposer dans ce qui suit.

En même temps, M. le pharmacien de 2e classe des colonies Geoffroy, licencié ès sciences naturelles, fut chargé d’aller à la Guyane étudier le Mimusops Balata, Gærtn, Sapotacées. Ce vaillant est mort dernièrement, à la suite des fatigues de sa mission accomplie au Maroni avec le plus grand dévouement et le plus grand succès. De son côté, la direction générale des postes et télégraphes envoyait en Cochinchine M. Sérullas pour y faire des recherches analogues sur d’autres végétaux similaires. M. Sérullas réussit pleinement et découvrit même un procédé d’extraction nouveau, dont il fut beaucoup parlé, il y a quelques années, mais qui, je crois, n’est pas encore passé dans la pratique courante. Voici à ce sujet ce que publiait, le 28 novembre 1891, la Revue scientifique : « On a beaucoup parlé de la nécessité de mettre un terme à la destruction des forêts d’Isonandra-gutta par les Malais, si l’on ne veut que d’ici à un temps peu éloigné la gutta ne soit plus qu’un souvenir. Mais comment empêcher des barbares, qui vivent indépendants ou ne reconnaissent la suzeraineté d’un état civilisé qu’à peu près nominalement, de continuer à suivre leurs usages destructeurs et d’abattre sans merci les arbres précieux que la nature met un siècle à faire, pour recueillir de leur précieux produit la fraction dérisoire qu’un botaniste anglais, M. Wray, évalue à un trente-septième ?

M. Sérullas, qui a retrouvé l’Isonandra-gutta dans l’île de Singapoore, où l’on croyait l’espèce éteinte, a cherché la solution dans une exploitation rationnelle de l’arbre par les Européens, complétée par des procédés scientifiques d’extraction de la gutta. L’abatage des arbres ferait place à des émondages périodiques des feuilles et des jets, et ce serait de ceux-ci que se ferait l’extraction. La manutention qu’on leur ferait subir à cet effet consisterait, d’après l’Électricien, à les hacher finement et à les traiter par un acide dont la composition reste le secret de M. Sérullas, jusqu’à obtention d’un liquide rouge-brunâtre. Ce liquide, mis avec un peu d’eau dans un alambic, est soumis à la distillation sous la température douce d’un bain de vapeur prolongé pendant une demi-heure seulement. Ce temps suffit à l’élimination de l’acide, et la gutta-percha reste dans l’alambic comme résidu.

Les feuilles et les jets ainsi traités fourniraient en gutta 2 0/0 de leur poids. C’est beaucoup, si l’on considère que le procédé barbare des indigènes ne donne en gutta, suivant les calculs de M. Wray, que 5 0/0 du poids de l’écorce de l’arbre abattu. » (Revue scientifique, 28 novembre 1891.)

Bien que ce qui précède soit un peu en dehors de l’objet tout spécial de ce mémoire, nous avons cru devoir le rapporter ici pour bien montrer au lecteur combien est importante aujourd’hui la question de la gutta-percha. Mais revenons à notre sujet. Nous disions en commençant ce paragraphe que la gutta-percha était au Soudan français et dans toute l’Afrique centrale donnée par des végétaux appartenant à la famille des Sapotacées. Le plus important est, sans contredit, le Karité.

Le Karité ou Shée (Butyrospermum Parkii, Kotschy) est un arbre qui atteint des proportions fort respectables et qui est assez commun au Soudan français. Il appartient à la famille des Sapotacées. Tige droite, cylindrique, feuillage vert sombre, feuilles verticillées à l’extrémité des jeunes rameaux qui se terminent par un bourgeon caractéristique. Fleurs anisostémonées, gamopétales hypogynes, étamines en nombre multiple, ovaire à fleurs uniovulées — fleurs toujours hermaphrodites — périsperme charnu. Le fruit est une drupe. La pulpe de ce fruit est fort appréciée de tous, Européens et indigènes, quand il est mûr. Mage, le Dr Bayol, le colonel Gallieni, Binger en parlent avec le plus grand bien dans leurs relations de voyages. Nous-même avons pu nous en assurer fréquemment pendant nos différents séjours au Soudan. Son écorce noirâtre, la couleur rougeâtre de son bois quand on le sectionne et le latex qui découle des incisions qu’on y pratique ne peuvent permettre aucun doute à son sujet.

Il existe au Soudan deux variétés de karités qu’il importe de ne pas confondre, le Shée et le Mana. Le shée, de beaucoup le plus commun, se distingue assez difficilement du mana à première vue. Cependant, un caractère tout particulier, très visible à l’œil le moins exercé permettra de ne pas commettre d’erreur. L’écorce du shée est noirâtre, tandis que celle du mana est blanchâtre. De plus, et c’est là le caractère distinctif, capital et sur lequel nous insisterons le plus : Le shée, à l’incision, laisse couler un suc blanc laiteux, relativement abondant, tandis que le mana n’en a pas, en quelque saison et en quelque circonstance que ce soit qu’on opère. Le fruit de tous les deux donne un beurre végétal que les indigènes utilisent pour la cuisine et pour panser les plaies, et dont nous avons déjà parlé dans le cours de ce Mémoire.

Le shée, de même que le mana, du reste, se développe très lentement, et c’est à peine si, au bout de vingt années environ, son tronc acquiert un diamètre d’une vingtaine de centimètres.

On trouve le karité, d’une façon générale, dans tout le Soudan français. Disons tout d’abord que le shée est de beaucoup le plus commun. On ne trouve guère le mana que dans les régions du sud de la colonie, et encore y est-il assez rare. Le karité habite, de préférence, les terrains à latérite et les terrains à roches ferrugineuses. Il est rare d’en trouver dans les argiles compactes. Nous avons à ce point de vue remarqué que le mana affectionnait surtout ces derniers terrains, tandis que les premiers étaient particulièrement aimés du shée. On ne trouve jamais, disons plutôt que très rarement, l’une et l’autre espèce sur les bords des marigots, des fleuves et des rivières. Elles fuient tout particulièrement les terrains vaseux et marécageux. On rencontre, en résumé, le shée sur les plateaux ferrugineux, dans les terrains à latérite et sur le versant des collines formées de grès, quartz et conglomérats. Il n’est pas rare de voir de beaux échantillons se développer parfois vigoureusement où la terre végétale semble faire absolument défaut. En général, les karités qui poussent dans ces endroits atteignent de faibles proportions et affectent des formes bizarres, qui frappent par leur étrangeté et leur monstrueux aspect. Les karités qui se développent, au contraire, dans les terrains riches en latérite sont de beaux végétaux à tiges absolument droites et à ramures et feuillages bien fournis. Ces quelques remarques s’appliquent d’une façon régulière à tous ces végétaux.

De ce que nous venons de dire de son habitat, il est facile de conclure quelle peut être l’aire d’extension de ce végétal.

Quoi qu’on en ait pu dire et quoi qu’on en puisse dire encore, nous ne craignons pas d’affirmer que le karité est très abondant au Soudan français. On ne le rencontre, il est vrai, nulle part en forêts compactes, et dans les régions où nous l’avons vu le plus abondant, le Niocolo, par exemple, les pieds sont toujours distants les uns des autres de cinquante à soixante mètres environ. Ils n’en sont pas moins fort nombreux et nous estimons qu’il y en a partout une quantité suffisante pour donner lieu à une exploitation rémunératrice. Nous croyons, en outre, qu’il serait très facile d’arriver à développer considérablement ce végétal par les semis et la culture. Ce résultat pourrait même s’obtenir sans cela, si on pouvait arriver à empêcher les indigènes d’incendier, chaque année, la brousse pour défricher les terrains qu’ils destinent à la culture. Ces incendies ont, en effet, pour résultat, au point de vue tout spécial qui nous occupe, de détruire en grand nombre les jeunes pieds de karité et même ceux qui n’offrent pas une résistance suffisante. Mais aussi, hâtons-nous de dire que, chez les peuples du Soudan, la routine a une telle puissance qu’il sera, de longues années, impossible de leur faire comprendre tout l’intérêt qu’ils ont à multiplier ce végétal et à le cultiver. On arrivera difficilement à persuader au noir qu’il aurait grand intérêt à planter et à semer tout autre végétal que ceux qui lui donnent un rendement immédiat.

On ne trouve le karité ni dans le Baol, ni dans le Saloum, ni dans le Sine, le Fouta, le Ouli, le Sandougou, le Niani, le Oualo, le Rip, le Badibou, le Djoloff, le Ferlo, le Bondou, le Cayor et le pays des Maures, c’est-à-dire dans tous les pays où le sol est formé de sables ou de terrains argileux. On ne le trouve pas non plus dans la zone maritime. De la côte au 14° environ de longitude ouest, il fait absolument défaut. Encore à partir de là, la ligne qui sépare les deux zones suit-elle une courbe que nous allons essayer de décrire. Nous ne nous occuperons pas ici de la région située au nord du Sénégal. Nous ne l’avons jamais visitée, et, à ce sujet, nous n’avons pu obtenir que des renseignements absolument contradictoires. En remontant le fleuve le Sénégal, et en suivant la ligne ferrée de Kayes à Bafoulabé, nous trouvons les premiers karités aux environs du village de Diamou, environ vers le kilomètre 58 de la ligne. Nous prendrons ce point comme départ de notre ligne de démarcation. De là, notre ligne se dirigerait vers l’ouest-sud-ouest et atteindrait la Falémé au village de Bountou environ. Au sud de cette ligne, nous trouvons des karités et au nord pas. De Bountou, elle suivrait à peu près la frontière sud du Tiali par Coufadou, Dianna, Safalou et aboutirait au confluent du Niéri-Kô et de la Gambie. De là, elle suivrait la Gambie jusqu’aux environs de la rivière Grey et se dirigerait directement au sud. Tous les pays situés au nord, nord-ouest, ouest et sud-ouest de cette ligne ne possèdent aucun karité. Tous les pays à l’est, au contraire, en contiennent en quantité. Le Tenda, le Gamon, le Damantan, le Coniaguié, tout le Fouta-Djallon, le Niocolo, le Kolladé, le Dentilia, le Bambouck, le Konkodougou entiers en sont tous couverts. Partout à l’est de cette ligne on en trouve des quantités. Parmi les régions où ce végétal est le plus commun, nous citerons particulièrement le Tenda, le Coniaguié, le Bassaré, le Damantan, le Niocolo, le Dentilia, le Konkodougou, le Manding, le Bélédougou (grand et petit), le pays de Ségou. A l’est du Niger il y en aurait aussi beaucoup dans les états de Samory, les états de Tiéba, etc., etc. Binger le cite fréquemment dans la relation de son voyage, comme un des végétaux les plus communs des pays qu’il a explorés. De même, Mage pour le Ségou, Quiquandon pour le Kénédougou et tous les officiers de la colonne du colonel Humbert que j’ai pu interroger à ce sujet, pour les pays compris entre le Niger et Kérouané, point extrême où nos colonnes s’étaient avancées dans cette région à l’époque à laquelle nous écrivions ce Mémoire. En résumé, au Soudan français, les karités n’apparaissent, en allant de l’ouest à l’est, que vers le 15° 10′ de longitude ouest point extrême, et dans le Tenda, du nord au sud, que vers le 16° 22′ de latitude nord. Au sud, nous ne pouvons guère fixer que la limite extrême. Mais nous croyons toutefois qu’on ne trouve pas les espèces shée et mana au-dessous de la latitude de la Mellacorée. Nous croyons cependant que l’on en doit trouver dans toutes les régions orientales de l’Afrique centrale, et ce qui nous permettrait de le dire, c’est que Schweinfurth en a reconnu l’existence jusqu’en Abyssinie. Quoi qu’il en soit, ce qui doit surtout nous intéresser, c’est qu’on en trouve partout au Soudan français dans les limites que nous venons de décrire. Ce point était important à établir.

Si l’on pratique des incisions intéressant toute l’épaisseur du karité, on verra s’écouler un suc blanc laiteux. Ce suc, coagulé, donne de la gutta-percha. On a cru pendant longtemps que le produit ainsi obtenu était du caoutchouc. Les travaux de M. le professeur Heckel, de Marseille, ne peuvent laisser subsister aucun doute à ce sujet. Nous croyons qu’il n’était guère facile cependant de s’y tromper, lors même qu’on ne s’en serait uniquement tenu qu’à un examen attentif de ses caractères macroscopiques.

On ne peut songer à user pour le karité du procédé de l’abatage. Ce végétal disparaîtrait rapidement. Nous estimons que l’incision est de beaucoup préférable. D’abord parce qu’elle donne moins de travail et, en second lieu, parce que, si nombreuses qu’elles soient sur un même végétal, il n’en souffre pas. Nous avons pu constater, en effet, que des karités auxquels les indigènes avaient antérieurement fait d’énormes blessures n’en avaient pas souffert et conservaient toute leur vitalité. Il résulte des nombreuses expériences auxquelles nous nous sommes livré, que l’incision longitudinale parallèle à l’axe du tronc ou du rameau ne donnait pas de résultats satisfaisants, de même, du reste, que la simple incision faite perpendiculairement à l’axe. L’écoulement de suc produit dans les deux cas est, en toutes circonstances, peu abondant. A force de tâtonnements nous sommes arrivé à trouver deux modes d’incisions qui paraissent atteindre le but que l’on se propose. La première consiste à faire à la hache pour les grosses billes, au couteau pour les jeunes rameaux, deux incisions inclinées et se réunissant à la base en forme de V, puis pratiquer au point de jonction de ces deux incisions une troisième assez large, une sorte de lèvre qui les réunisse. Le suc qui coule des deux premières incisions se collecte dans la troisième, où on le récolte. Le second procédé consiste à inciser simplement l’écorce perpendiculairement à l’axe, en forme de lèvre. Cette dernière incision a le désavantage de donner un rendement plus faible que les deux premières.

Quel que soit, du reste, le procédé employé, le rendement est toujours peu abondant. Ainsi, nous estimons tout au plus à 500 grammes la production d’un arbre arrivé à son complet développement, et encore, en pratiquant environ une dizaine d’incisions sur toutes les parties de l’arbre et aux époques les plus favorables.

Le rendement obtenu diffère suivant les saisons, les heures du jour où on pratique les incisions, l’âge et l’état des végétaux et les régions où ils habitent.

Répétons tout d’abord qu’en aucune saison les manas ne donnent de latex. Il ne faut donc s’adresser uniquement qu’aux shées. C’est pendant l’hivernage, et à l’époque de la floraison, que le rendement est le plus considérable, c’est-à-dire de la fin de juin au commencement de février. Pendant la saison sèche, du mois de février au mois de juin surtout, il ne faut pas compter faire une récolte abondante. Cela tient sans doute à ce que, à cette époque de l’année, se font le plus sentir les vents secs de nord-est et d’est. Selon toutes probabilités, ces vents brûlants favorisent et excitent au plus haut degré l’évaporation de l’eau du latex et rendent ainsi l’écoulement moins abondant et pour ainsi dire nul.

D’après les observations auxquelles nous nous sommes livré, il résulterait que le rendement serait bien plus faible pendant la journée que le soir, le matin et pendant la nuit. C’est surtout pendant la nuit, de huit heures du soir à sept heures du matin, que ces opérations doivent être faites. Nous avons pu constater que des végétaux qui, saignés à deux heures de l’après-midi, ne nous donnaient qu’une récolte insignifiante, produisaient, au contraire, un suc abondant pendant la nuit. Dans ces deux cas, le rendement est, pendant la saison sèche à celui de l’hivernage, comme un est à quinze, et pendant le jour à celui de la nuit, du matin ou du soir, comme un est à dix. L’explication que nous avons donnée de ces différences, au sujet des saisons, peut parfaitement s’appliquer aussi aux différences de rendement observées pendant le jour et la nuit. Un fait que nous avons pu également enregistrer est le suivant : le rendement est bien plus faible pendant les nuits où soufflent les vents secs de nord-est et d’est que pendant celles où se font sentir les vents humides du sud et du sud-ouest.

L’âge des végétaux influe aussi sensiblement sur le rendement en suc. Il ne faut pas s’attaquer aux végétaux trop jeunes pour plusieurs raisons importantes. Trop jeune, le karité ne supporterait pas aussi bien les blessures faites par les incisions et alors la destruction de l’arbre serait aussi rapide que par le procédé de l’abatage. De plus, le rendement est bien moins abondant, et le suc contient une proportion d’eau bien plus considérable, à tel point qu’il se coagule difficilement par l’évaporation, qui est pourtant très rapide dans ces régions, surtout par vent d’est. Enfin ce produit obtenu ne m’a pas paru aussi bon que celui que donnent les végétaux plus âgés.

Il ne faut non plus opérer sur des individus trop âgés. Dans ce cas, les incisions sont plus difficiles à pratiquer, car on a affaire à des billes de bois souvent très volumineuses. Nous avons vu dans le Niocolo, le Dentilia et le Konkodougou notamment, des végétaux dont le diamètre du tronc atteignait aisément quarante et cinquante centimètres. Enfin, le rendement est peu abondant, peu rémunérateur et demande un travail plus grand. L’écorce du karité, surtout chez les végétaux âgés, est exclusivement épaisse, il ne faut l’oublier ; de plus, le suc est relativement en quantités minimes et, sur les grosses billes, c’est à peine si, après avoir normalement et profondément incisé, on voit sourdre quelques gouttelettes qui se coagulent aussitôt.

D’après ce que nous venons de dire, nous croyons qu’il serait bien plus profitable de n’opérer que sur des végétaux d’âge moyen et arrivés à complet développement. Là, on trouve un suc relativement abondant, se coagulant aisément par l’évaporation, et donnant un rendement en gutta bien plus considérable que dans les deux autres cas. De plus, point capital, en aucune circonstance, l’arbre ne souffre des incisions, si nombreuses qu’elles puissent être.

L’état des végétaux n’est pas non plus sans avoir une grande influence sur le rendement. Nous avons pratiqué de nombreuses incisions sur toutes sortes de karités, et voici quel a été le résultat de nos observations. Les végétaux qui nous ont donné les résultats les plus satisfaisants ont toujours été ceux qui étaient absolument sains, ceux qui étaient les plus vigoureux. Hâtons-nous de dire cependant que, sur les végétaux portant déjà de grandes cicatrices de blessures anciennes, nous avons également bien réussi en incisant les bourrelets d’écorce qui se forment autour des blessures. De même, on rencontre fréquemment des karités dont le tronc semble absolument mort. Les rameaux principaux ont disparu, et, à leur place, à un endroit quelconque de la bille, a poussé un rameau que j’appellerais volontiers de seconde végétation. Eh bien ! si on incise le tronc, on n’aura qu’un rendement absolument insignifiant, tandis que, si l’on opère sur le rameau, le rendement est tout au moins normal. Quoi qu’il en soit, en général, il faut surtout s’adresser aux végétaux sains. D’après les renseignements que m’ont donnés les indigènes, les rameaux de second ordre dont nous avons parlé plus haut ne porteraient jamais ni fleurs ni fruits et ne se développeraient que péniblement et lentement. Malgré cela, je le répète, ils donnent un rendement suffisant. Il y aurait donc lieu de ne pas les négliger.

La région influe peu sur la production du suc. Toutefois, nous tenons à signaler ce fait que le rendement nous a semblé plus considérable chez les karités qui se trouvent sur les plateaux et sur les versants des collines que chez ceux qui vivent dans les vallées. Ceci mérite explication. Nous voulons dire que le rendement en gutta extraite est plus abondant chez les premiers que chez les seconds. Ceux-ci donnent peut-être un suc plus abondant ; mais il nous a paru contenir une plus grande proportion d’eau.

La nature du terrain influe aussi beaucoup sur la production. Les karités réellement riches en gutta sont ceux qui croissent dans les terrains ferrugineux dont la latérite forme la base. Les quelques échantillons que l’on trouve dans les terrains argileux marécageux et sur le bord des marigots sont peut-être plus riches en latex, mais ils sont assurément plus pauvres en gutta. Nous citerons à ce propos un fait que nous ne saurions expliquer ; c’est que les karités qui nous ont paru les plus propres à être exploités et être ceux qui donnent le rendement le plus considérable, sont ceux qui croissent sur le flanc des collines, entre les rochers, où la terre végétale fait parfois complètement défaut.

Si de ce que nous venons de dire nous voulons tirer quelques conclusions pratiques, nous pourrons, en terminant ce chapitre, établir les règles suivantes :

Pour extraire la gutta-percha du karité, il sera bon d’opérer sur des individus sains, d’âge moyen, croissant de préférence dans un terrain ferrugineux à latérite. Le procédé à employer sera l’incision soit en forme de V dont les branches seront réunies à leur point de jonction par une troisième incision en forme de lèvres, soit la simple incision en forme de lèvres. Elles devront être pratiquées sur le tronc et les rameaux du végétal, et faites le soir vers huit heures. On laissera couler pendant toute la nuit, et la récolte sera faite vers sept heures du matin. Il sera préférable de pratiquer l’exploitation à la saison des pluies ou à l’époque de la floraison, de la fin de juin au commencement de février.

Nous terminerons ce chapitre en exposant sur quelles parties du végétal doivent porter autant que possible les incisions afin d’obtenir un résultat favorable.

En principe, toutes les parties du karité laissent écouler du suc ; mais en plus ou moins grande quantité. Le tronc donne le rendement le plus faible, surtout pendant la saison sèche. Les rameaux, et particulièrement les jeunes, sont relativement les plus riches. Il en est de même des racines et de la pulpe du fruit. Les feuilles en contiennent également. Il serait intéressant, à ce propos, de rechercher si, par le procédé préconisé par M. Sérullas, et dont nous avons parlé plus haut, on obtiendrait avec les feuilles du karité les résultats qu’il a obtenus pour les feuilles et les jeunes tiges de l’isonandra. D’après ce qui précède, il est facile de conclure que les incisions devront porter, de préférence, sur les rameaux ; mais nous ne voulons pas dire par là que les tiges doivent être négligées. Bien loin de là, elles doivent être, au contraire, incisées avec le même soin que les autres parties du végétal.

Le liquide ainsi obtenu est un suc d’un blanc laiteux, sirupeux. Il ne coule pas en grande quantité, et la production varie, comme nous l’avons exposé plus haut, dans maintes circonstances. Quoi qu’il en soit, cette production est toujours très faible. Cela tient beaucoup à ce que, l’évaporation étant excessivement active, la coagulation se fait presque immédiatement après l’apparition de la goutte. L’orifice produit par la section des canaux producteurs est alors presque de suite obstrué. Cela nous amène évidemment à indiquer le procédé d’extraction le plus pratique. Après ce que nous avons dit plus haut à ce sujet, nous estimons qu’il serait plus profitable de pratiquer les incisions d’abord sur un grand nombre de végétaux à la fois que sur un seul isolément. On laissera le suc s’échapper à l’air libre ; il se coagulera, et, le lendemain ou même simplement quelques heures après, on procédera à la récolte de la gutta ainsi coagulée. C’est, du reste, le procédé employé par les Pahouins, au Gabon, pour la récolte du caoutchouc, et il donne de très bons résultats.

Répandu sur les doigts, ce suc les poisse et les rend collants. On ne peut guère alors s’en débarrasser que par le raclage. Son odeur est légèrement vireuse et sa saveur celle que l’on peut avoir en mâchant des feuilles vertes de peuplier. Il se coagule rapidement sous l’action de la chaleur solaire et par évaporation. De même sa coagulation se fait vivement à l’aide des acides (acide acétique surtout), éthers et alcools. Mais, pour l’extraction, je le répète, point n’est besoin de se servir des acides, l’évaporation suffit. Les noirs s’en servent simplement, parfois, pour panser des ulcères de mauvaise nature. Ils se contentent de l’étendre sur la plaie. Il ne joue là que le rôle de corps isolant, absolument comme ce topique auquel on a donné le nom de traumaticine, et qui n’est autre chose que de la gutta-percha dissoute dans du chloroforme.

Le coagulum ainsi obtenu est de la gutta. Si on laisse l’évaporation se faire sur l’arbre lui-même, il est brun rougeâtre, et, sous une masse assez épaisse, il prend la couleur noir chocolat très foncée. Cette coloration est due, croyons-nous, aux matières colorantes que contient l’écorce du karité. Obtenu, au contraire, dans un vase à l’air libre, il se présente sous l’aspect d’une masse de couleur blanchâtre, légèrement teintée de rose. Vue sous une faible épaisseur, la gutta est absolument opaque. Réduit en boule et pétri, le coagulum, obtenu comme nous venons de le dire, donne au palper la sensation d’un corps gras.

Nous croyons, en effet, que la gutta du karité n’est pas absolument pure et doit contenir des matières grasses en quantité relativement considérable.

L’exploitation des karités au Soudan français, au point de vue de la gutta, pourra-t-elle se faire dans des conditions assez peu onéreuses et surtout rémunératrices ? Car il convient de ne pas perdre de vue que cette question de la gutta est absolument capitale pour plusieurs branches importantes de notre industrie nationale. Le jour est peut-être plus proche qu’on ne le pense où l’isonandra aura complètement disparu. Il faudra alors demander ce précieux produit au karité et aux autres végétaux similaires de la famille des Sapotacées, quitte à le débarrasser de ses impuretés, à moins toutefois que d’ici là le problème ne soit résolu par la chimie. Nous ne craignons pas tout d’abord de dire qu’au point de vue de l’extraction, on se heurtera à de grandes difficultés matérielles. Il ne faut pas oublier que les régions où l’on trouve le karité en Afrique sont fort éloignées de la côte. Le plus grand obstacle que l’on aura en premier lieu à surmonter sera donc celui que présentent les moyens de transport. Les dépenses qu’il y aura à faire pour amener la substance à la côte ou même simplement à un point quelconque où le transport pourra se faire plus économiquement, soit par eau, soit à l’aide d’animaux, soit par voie ferrée, quintupleront au moins sa valeur intrinsèque, et le prix de revient en sera de ce fait remarquablement élevé. En second lieu, par qui faire exploiter ? Les habitants des pays de production le pourraient évidemment, mais il y aura là à lutter contre la routine, l’inertie si connue des noirs. Il faudra bien des années pour arriver à leur faire comprendre tout l’avantage qu’ils pourraient avoir à se livrer à cette industrie. Cela n’est pas dans leurs habitudes, et il est bien difficile de leur en faire prendre de nouvelles. Faire exploiter par des Européens, il n’y faut pas songer. Il en est bien peu qui résisteraient à l’influence pernicieuse du climat. Le mieux, croyons-nous, en ce qui concerne la côte occidentale d’Afrique serait de dresser à ce travail des indigènes de Saint-Louis, Dakar, Rufisque, Gorée, des Ouolofs. Ils y arriveraient rapidement et pourraient aisément, sous la direction de quelques contremaîtres blancs ou mulâtres, enseigner aux indigènes du pays les procédés d’extraction. Mais le meilleur remède serait encore d’introduire, de multiplier, de cultiver les végétaux à gutta dans toutes celles de nos colonies tropicales où ils seraient susceptibles de s’acclimater et de prospérer. L’objection qui me fut faite un jour que j’exprimais ce desiratum au sujet du karité, à savoir « qu’on ne voyait pas l’utilité de cette propagation, puisqu’on trouvait ce végétal au Soudan », ne me paraît même pas digne d’être discutée. Sans doute, les résultats ne seront pas immédiats. Il faudra des années avant que l’on puisse récolter le fruit de son travail. Mais, comme je l’écrivais dernièrement dans mon mémoire La France en Gambie, « l’égoïsme contemporain ne saurait trouver place dans les questions si importantes de colonisation et de commerce d’outre-mer. » Il convient de songer à l’avenir et, par une négligence coupable, de ne pas, dans un temps plus ou moins lointain, laisser péricliter, au profit de nos voisins, notre industrie nationale. C’est là une œuvre non seulement de première nécessité, mais encore éminemment patriotique. Faisons donc tous nos efforts pour que ceux qui viendront après nous ne nous adressent pas le reproche amer de ne pas avoir su interpréter dans son sens le plus large et vraiment humanitaire ce beau vers du poète :

Insere, Daphni, piros ; carpent tua poma nepotes.

Il existe encore au Soudan, paraît-il, mais en très petites quantités, vers Siguiri et Kangaba surtout, et dans le nord des états de Samory, un autre végétal qui donne de la gutta-percha. C’est encore une Sapotacée, l’Achras Sapota, L. (Sapotillier). C’est un bel arbre à feuilles entières alternes ; fleurs blanchâtres ; calice et corolle à six divisions. Douze étamines dont six stériles. Ovaire supère, pluriloculaire. Fruit charnu très délicat à épiderme grisâtre. Graines noirâtres. Elles passent pour être diurétiques. On sait depuis longtemps que le latex du sapotillier donne par évaporation de la gutta-percha. Mais on ignorait qu’il en existât au Soudan. Les indigènes qui apportaient ce produit à la côte se le voyaient régulièrement refuser par les négociants, comme étant un caoutchouc de mauvaise qualité. Le hasard fit qu’un jour un échantillon tomba entre les mains d’un pharmacien de la marine[4] qui l’analysa. Le résultat de cette analyse fut que le produit dont il s’agissait n’était nullement du caoutchouc, mais bien de la gutta-percha. Je dois dire ici que nulle part dans le bassin de la Gambie, ni dans aucune des autres parties du Soudan français que j’ai visitées, je n’ai rencontré de sapotillier. Je dirai plus, c’est qu’à Kayes notamment, ce végétal est loin de prospérer. Je me souviens, en effet, que mon bon camarade, M. Louisy, commissaire adjoint des colonies, créole des Antilles et grand amateur de ce fruit, en avait fait des essais de culture. Aucun des individus qu’il avait obtenus par semis ne vécut en pleine terre, malgré les soins attentifs dont il les entoura. Jusqu’à plus ample informé, nous ne pouvons donc citer l’achras sapota que sous toutes réserves. Comme ce végétal ressemble beaucoup au karité et qu’à cette époque le professeur Heckel n’avait pas encore publié dans la Nature son mémoire sur la gutta donnée par cette dernière sapotacée, il a pu parfaitement se faire que l’on ait confondu et que l’on ait pris l’un pour l’autre. Nous croyons toutefois que, vu la nature du climat des régions moyennes et méridionales de la boucle du Niger, il serait possible d’y introduire le sapotillier et de l’y cultiver.

VIII. — Végétaux donnant de la gomme et de la résine.

Nous ne nous occuperons pas ici d’une façon complète de cette question si importante de la gomme. Cette étude ne rentrerait pas dans le cadre de notre travail. Nous nous contenterons donc de parler simplement des quelques végétaux qui donnent cette précieuse substance et que l’on peut rencontrer dans le bassin de la Gambie. D’une façon générale, d’ailleurs, les variétés d’acacias qui donnent de la gomme sont peu abondantes dans toute cette région. On n’en trouve guère que dans sa partie la plus septentrionale, dans le Kalonkadougou, le Bondou, le Ferlo-Bondou, le Gamon, le Tenda, le Dentilia et le Badon, et encore leurs produits sont-ils peu commerciaux.

L’Acacia Verek, Guill. et Perr., Légumineuse mimosée, qui donne la gomme de meilleure qualité, est très rare. On ne le trouve que dans le Bondou, le Ferlo, le Ferlo-Bondou et le Kalonkadougou, et encore les individus produisent-ils si peu que les indigènes ne s’en occupent même pas. C’est un petit arbre à rameaux pâles, glabres. Feuilles alternes, biparipennées, stipulées, composées ; fleurs disposées en épis. Calice gamosépale, corolle à cinq divisions alternes et libres. Étamines nombreuses en nombre variable. Anthères biloculaires, introrses. Ovaire supère, uniloculaire, pluriovulé (huit ou dix ovules). Style terminal. Le fruit est une gousse s’ouvrant en deux valves et renfermant cinq ou six graines à peu près rondes.

L’Acacia tomentosa, Wild. (Neb-Neb des Ouolofs) se distingue du précédent par son fruit surtout. C’est comme celui du précédent une gousse, mais, quand il est arrivé à maturité, il est couvert d’un duvet abondant. De plus, les ramuscules et les pétioles sont pubescents. On le trouve presque uniquement dans le Bondou et le Ferlo-Bondou.

L’Acacia Seyal, Del. est un arbre de moyenne taille. Écorce brun rougeâtre ou blanc laiteux. Les rameaux sont munis de grandes épines d’un blanc laiteux. Feuilles glabres longuement pétiolées. Deux épines à la base du pétiole. Pétioles secondaires portant de huit à vingt paires de folioles. Fleurs en capitules pédonculés. Pétales plus longs que le calice. Le fruit est une gousse falciforme. On le rencontre particulièrement dans le Kalonkadougou, le Gamon et le Badon. Il donne une gomme de qualité inférieure.

L’Acacia astringens, Cunning, ou Adansonii, Guill. et Perr. (Gonakié) est un arbre de 10 à 12 mètres de hauteur, très commun dans toute la partie nord du bassin de la Gambie. Il donne une gomme dite gomme de gonakié, rouge, et qui est peu estimée dans le commerce. Il en est de même de la gomme du Khadd (Acacia albicans, Kunth.) et de celle des acacias Néboueb et fasciculata. Ces deux dernières variétés se rencontrent surtout dans le Gamon, le Badon et le sud du Bondou. La première est surtout commune dans le Dentilia et le Tenda.

Gomme de Kellé. — Il existe encore dans le Bondou notamment, le Bambouck et les pays avoisinants, un sorte de gomme que les Toucouleurs nomment Kellé, et les Malinkés Kelli. D’après les renseignements que nous avons pu nous procurer à son sujet, ce ne serait pas, à proprement parler, une gomme véritable. Ses caractères la rapprocheraient davantage de la gutta-percha. Il nous a été impossible de nous en procurer. Les indigènes lui attribuent, en effet, des propriétés remarquables. D’après eux, tout noir qui posséderait dans sa case un fragment de kellé serait assuré de voir tout lui réussir et d’acquérir une grosse fortune. Aussi, quand ils en possèdent, ils la cachent précieusement, avec un soin jaloux. De même, quand ils connaissent l’existence quelque part d’un échantillon du végétal qui la produit, ils se gardent bien d’en faire part à qui que ce soit. Je n’ai jamais pu le voir. Quoi qu’il en soit, cette plante est très rare et est regardée comme fétiche dans toutes les régions où on la rencontre. On trouverait aussi, paraît-il, la gomme de kellé au Gabon.

Gomme d’anacarde. — L’écorce du tronc de l’anacarde (Anacardium occidentale, L.), Térébinthacées, dont nous avons déjà eu à parler au cours de ce mémoire, laisse exsuder une résine jaune, dure, désignée sous le nom de gomme d’anacarde. Les Anglais l’appellent Cashew-Gum. Elle est soluble dans l’eau et employée aux mêmes usages que la gomme arabique.

L’écorce du Ben ailé (Moringa pterygosperma, Gærtn), Capparidacées, laisse également exsuder une gomme qui se gonfle dans l’eau et passe pour être abortive.

Le Bois à cochon (Symphonia globulifera) produit un suc résineux qui sert à goudronner les cordages et les navires et à faire des torches.

Le Niattout (Bdellium africana, H. Bn., Balsamodendron africanum, Arn.), Burséracées, est un arbrisseau de 3 à 4 mètres de hauteur, à feuilles alternes, imparipennées, trifoliées. Fleurs petites, rougeâtres, axillaires, hermaphrodites ; calice tubuleux à quatre dents, persistant ; corolle à quatre pétales linéaires ; huit étamines libres ; ovaire libre biloculaire, biovulé. Le fruit est un drupe sec, pisiforme, à un noyau, à exocarpe se séparant en deux valves.

Cet arbuste produit le Bdellium d’Afrique, gomme-résine dont les Maures se servent parfois pour frauder la gomme qu’ils apportent à nos escales. Ils lui donnent le nom de Mounass. Cette introduction du bdellium n’est, du reste, qu’accidentelle, car il communique à la gomme qui avoisine ses fragments une odeur spéciale qui la ferait rejeter tout au moins pour les emplois en pharmacie et en confiserie. Le bdellium se présente sous l’aspect de morceaux d’un gris jaunâtre, rougeâtre ou verdâtre, à cassure terne, cireuse, d’une odeur balsamique pénétrante et d’une saveur amère.

Les Maures s’en servent, ainsi que les noirs, comme parfum, et en font brûler fréquemment sous leurs tentes ou dans l’intérieur de leurs cases pour en chasser les « mauvaises maladies » (sic). Il renferme de la gomme, de la résine, de l’huile volatile, etc., etc. Il était autrefois employé comme excitant. Il est aujourd’hui complètement délaissé et n’entre plus que dans l’emplâtre de Vigo.

Le Fromager (Bombax Ceiba, L.), Malvacées, donne aussi une gomme-résine qui sert parfois à frauder la gomme arabique. On retire également du Caïlcédrat (Khaya Senegalensis, G. et Per.), Cédrélacées, une matière gomme-résineuse qui n’a pas encore été utilisée.

Hammout. — Il existe dans tout le bassin de la Gambie, mais particulièrement dans la région sud du Bondou et dans le pays de Gamon, un végétal qui laisse exsuder une résine dont l’odeur rappelle celle de l’encens. Ce végétal, d’après Heckel, appartiendrait au genre Balsamodendron (Burséracées) et serait voisin du Balsamodendron africanum, Arn. Sa hauteur dépasse rarement 3 mètres et il croît, de préférence, dans les terrains pauvres. Le diamètre de son tronc est d’environ 20 à 25 centimètres au maximum. Bien qu’on trouve le hammout un peu partout au Soudan français, il est cependant relativement rare. Les individus vivent fort éloignés les uns des autres et c’est surtout dans le Ferlo-Baliniama qu’il est le plus commun. On en trouve également en notable quantité dans cette partie déserte qui se trouve aux environs de Koussan-Almany (Bondou), entre Kéniémalé, Kouddy, Hodioliré et le marigot d’Auguidiouol, entre Koukoudak et Kounamba, dans le Tiali.

Cette résine s’extrait, annuellement, du commencement de décembre à la fin d’avril. C’est, paraît-il, l’époque pendant laquelle elle est le plus abondante, et où le rendement est le plus avantageux et la qualité meilleure. De plus, comme en cette saison les indigènes ne sont pas retenus chez eux par les travaux des champs, ils peuvent se livrer plus facilement à cette récolte, qui est pour eux la source de quelques profits.

Pour l’extraire, les indigènes pratiquent sur le tronc de la plante, jusqu’aux maîtresses branches, des incisions en nombre variable, huit ou dix au plus. Ces entailles intéressent l’écorce dans toute son épaisseur. La résine qui en découle est peu abondante, et il faut attendre six à huit jours avant d’en avoir une petite boule de la grosseur d’une noisette. On procède alors à la récolte. A l’air libre, la résine durcit par le froid et elle prend une consistance telle que, pour la détacher, il faut se servir d’une tige de fer, spécialement fabriquée pour cela, ou bien de petites hachettes dont les indigènes usent pour défricher leurs lougans. La liqueur qui vient sourdre à l’incision est généralement blanche et limpide, mais, en se coagulant, elle prend une couleur opaline légèrement teintée en jaune.

En enlevant la petite boule de hammout qui s’est ainsi formée, les noirs ont l’habitude de détacher toujours en même temps la partie de l’écorce du végétal à laquelle elle adhère d’ordinaire si fortement. Revenus au village, ils mettent le produit de la récolte à chauffer au soleil pendant quelques jours pour le ramollir et afin de le débarrasser de la plus grande partie des détritus végétaux qu’il renferme. Quand il s’est refroidi et durci, il est pilé, de nouveau ramolli à la chaleur solaire, et pétri en forme de boules qui sont renfermées dans des coques de fruits de Cantacoula, comme je l’ai dit plus haut en parlant de ce dernier végétal.

La résine durcit alors à la fraîcheur ; elle adhère fortement aux parois du récipient qui la contient, et, pour l’en retirer, il faut se servir de la pointe d’un solide couteau. Cette résine se présente alors sous l’aspect d’une masse noirâtre, au milieu de laquelle se distinguent aisément les fragments d’écorce qui n’ont pu être enlevés. Son odeur est légèrement térébenthinée et sa saveur très aromatique. C’est sous cette forme que l’on trouve le hammout sur les marchés du Soudan.

Il ne faut pas confondre le hammout avec le Tiéoué, qui est une autre variété d’encens que les Dioulas du Fouta-Djallon, où on le récolte surtout, apportent annuellement dans nos comptoirs et sur nos marchés de Bakel, Kayes et Médine. Cet encens est, d’après les indigènes, de qualité absolument inférieure. Il est généralement présenté sur les marchés sous forme de grosses boules grisâtres, à cassure terne et citreuse, non transparentes, se ramollissant sous la dent, et contenant une notable quantité d’écorce. Leur odeur est moins térébenthinée que celle du hammout, et sa saveur est également aromatique. Le végétal d’où il s’extrait habite surtout le Fouta-Djallon. On le trouve également dans cette partie du Bondou qui confine au Tenda et au pays de Badon. Les noirs ne lui attribuent qu’à un faible degré les propriétés bienfaisantes du hammout.

Le hammout est l’objet au Soudan d’un petit commerce qui est assez actif sur les marchés de Kayes, Bakel et Médine. Les traitants de ces comptoirs accaparent presque tout ce qui est apporté et le revendent soit à Saint-Louis aux Ouolofs, soit aux habitants du Khasso, du Logo, du Natiaga, du Kaarta et du Guidimakha. Mais de tous, ce sont les Ouolofs et les Khassonkés qui en sont les plus avides. Les femmes ouoloves de Saint-Louis le font brûler sur des charbons ardents, dans des espèces de petits fourneaux fabriqués ad hoc. Le hammout ainsi brûlé produit une fumée blanchâtre et dont l’odeur se rapproche un peu de celle de l’encens. Les indigènes s’en servent pour parfumer leurs cases. En outre, ils lui attribuent de puissantes vertus curatives. D’après eux, en effet, le hammout serait, pour ainsi dire, une panacée universelle. Sa fumée serait très saine pour la santé. Elle chasserait les miasmes nuisibles, ferait disparaître les maux de tête, guérirait les bronchites et les rhumes de cerveau, et développerait surtout l’intelligence, etc., etc.

Le prix du hammout varie suivant les époques et les régions. Avant la récolte, une boule de moyenne grosseur se vend, à Kayes, de 2 à 3 francs ; mais quand les arrivages commencent à se faire plus nombreux, le prix baisse rapidement. Ainsi, à Bakel, par exemple, il n’est pas rare, à ce moment, de trouver jusqu’à soixante boules pour une pièce de guinée, soit 10 à 12 francs environ.

A Saint-Louis, le hammout se vend couramment de 1 fr. 50 à 2 francs la boule. Dans le Guidimakha, trois boules coûtent environ 2 fr. 50 en mil, et dans le Khasso, à Kouniakary, par exemple, trois boules se vendent environ 5 francs en mil ou en étoffes.

IX. — Végétaux pouvant être utilisés pour les constructions, la menuiserie et l’ébénisterie.

C’est, à notre avis, une profonde erreur que de croire que les régions intertropicales sont des pays couverts de forêts impénétrables. La simple expression de « paysage tropical » éveille de suite dans l’esprit l’image d’oasis délicieuses, d’arbres touffus toujours verts, de fleurs parfumées et resplendissantes des couleurs les plus vives. Quant à la « forêt vierge », c’est un véritable labyrinthe dans lequel les plus belles essences botaniques sont couvertes d’un feuillage si épais que les rayons du soleil eux-mêmes n’y peuvent pénétrer, et dont le sol est couvert de lianes si vigoureuses qu’en s’entrelaçant elles forment, pour ainsi dire, de véritables cloisons qu’on ne peut franchir que la hache à la main. Eh bien ! du moins en ce qui concerne nos possessions sénégambiennes et soudaniennes, il faut beaucoup rabattre de ce captivant tableau. Ce que nous venons de dire peut être vrai pour les régions équatoriales de l’Amérique et de l’Afrique centrale, mais c’est avec regret que nous sommes forcé d’avouer qu’il est loin d’en être ainsi pour les contrées tropicales proprement dites. Sans doute les végétaux acquièrent là-bas des proportions remarquables, gigantesques même, mais nous y sommes bien loin de ces belles forêts préhistoriques dont les poètes se plaisent à nous faire une si enchanteresse description. Dans le bassin de la Gambie, notamment, la végétation est bien d’une remarquable puissance ; mais la forêt compacte dont il était certainement couvert aux temps les plus reculés de l’histoire a presque complètement disparu partout, et, dans sa partie la plus septentrionale, nous ne trouvons plus que la steppe sénégalienne, avec toute son aridité, toute sa décevante et désespérante monotonie. Et d’où vient cet inexplicable dépeuplement ? me dira-t-on. Uniquement, répondrons-nous, de l’exploitation à outrance et sans méthode aucune de ces immenses richesses forestières ! Certainement, les modifications survenues, à travers les âges, aux conditions climatériques de ces régions, ont puissamment contribué à la disparition d’un grand nombre des espèces végétales qui les habitaient jadis. Mais la principale cause doit être cherchée surtout dans les sacrifices innombrables auxquels l’indigène est forcé de se livrer pour satisfaire aux besoins de sa vie journalière, et aussi dans les immenses incendies qu’il allume, avec cette insouciance qui lui est propre, pour donner au sol l’engrais salin qui lui assurera des récoltes faciles.

Aujourd’hui, les essences précieuses ont presque complètement disparu partout où l’accès était relativement facile, près des centres habités et le long des voies de communication. Il faut s’avancer loin dans l’intérieur des terres pour les y retrouver encore. Il commence même à en être de même pour les espèces les plus communes, si bien qu’à Saint-Louis, Foundioungne, Bathurst, Mac-Carthy, etc., etc., où l’on ne se sert que de bois pour les besoins de la cuisine, il ne se paie pas moins de 4 et 5 francs le stère, prix énorme si l’on songe que l’on est là en pays à peine exploré. Nous pourrions même citer de nombreux villages, profondément situés dans l’intérieur, où il se fait journellement un véritable trafic de ce précieux combustible.

Toutefois, je me hâte de dire que le tableau est loin d’être aussi sombre qu’on se le pourrait imaginer à la lecture de ce qui précède. Le mal est loin d’être sans remède, et une réglementation sage et méthodique de l’exploitation pourrait aisément le conjurer et amener rapidement le repeuplement de régions aujourd’hui absolument désertes, incultes et inhabitées. Mais c’est là une question d’administration et de haute économie forestière et rurale, qui ne saurait trouver place dans ce mémoire. Nous n’insisterons donc pas davantage, et nous nous contenterons de faire une revue rapide des végétaux originaires du bassin de la Gambie, que la menuiserie, l’ébénisterie, le charpentage, etc., etc., pourraient utiliser avec profit.

Le Rônier (Borassus flabelliformis, L.), Palmiers. Les rives de la Gambie sont couvertes de ce précieux végétal, et il en existe des forêts d’une étendue relativement considérable où l’on peut remarquer des échantillons de ce végétal qui atteignent des dimensions vraiment gigantesques. C’est le plus grand des palmiers, le Borassus flabelliformis, L. Il est facilement reconnaissable à son port élevé et caractéristique. Sa tige est très grande et peut atteindre parfois jusqu’à 25 et 30 mètres. Elle est renflée au milieu et ses parties inférieures et supérieures sont bien moins volumineuses et bien plus effilées. Son écorce est noirâtre et porte les cicatrices des blessures qu’y font les feuilles en tombant. Le bois, bien qu’il ait l’aspect spongieux, est très dur et est difficilement attaquable par la scie. Les billes de rôniers sont plus lourdes que l’eau. C’est un des rares bois qui ne flottent pas. Il est d’une longue durée et d’une solidité remarquable. Inattaquable par les insectes et par l’humidité, il est excellent pour les pilotis, et l’on s’en sert couramment dans la construction des ponts et des appontements. Les arbres mâles sont seuls employés ; les arbres femelles ne peuvent servir qu’à des palissades, car ils sont creux et peu résistants.

Les feuilles d’un rônier adulte sont groupées en un bouquet volumineux situé au faîte de la tige et présentent de profondes découpures. Le tronc n’en porte jamais, sauf quand il est jeune. Leur couleur vert foncé et leur résistance rappellent de loin les feuilles artificielles en zinc de certains décors de théâtre et de girouettes. Les plus jeunes, fortement imbriquées et engainantes au sommet du végétal, sont d’un blanc d’ivoire. Très tendres, elles forment le chou palmiste. Elles ne tombent qu’après dessiccation complète. Terminales, elles présentent un limbe arrondi, étalé en éventail, à divisions bifides. Les indigènes utilisent les feuilles du rônier pour couvrir les constructions provisoires qu’ils font dans leurs villages de cultures. Nous nous sommes très bien trouvé de les avoir employées pour nos campements. Avec les jeunes feuilles, ils fabriquent aussi, en les tressant, des liens très résistants. Nous avons été à même d’apprécier leur solidité quand nous avons traversé en radeau la Gambie au gué de Bady. Le rônier, il ne faut pas l’oublier, est un arbre dioïque. Les fleurs sont disposées en spadices sortant du milieu des feuilles, les mâles plus volumineux et plus ramifiés que les femelles. Les fleurs mâles sont disposées dans les logettes d’un chaton à écailles imbriquées ; calice à trois folioles, corolle à trois divisions. Six étamines stériles, ovaire triloculaire, ovules solitaires. Le fruit est une drupe connue sous le nom de rônes, de forme globuleuse. Ils sont disposés en grappes de quarante ou cinquante environ, et très lourds. L’enveloppe en est verte quand ils sont jeunes ; à maturité, elle est jaune orange. Le mésocarpe charnu, d’abord mou et blanc, puis jaune, est parcouru par des fibres ténues. Il est aqueux et d’un goût agréable, mais légèrement térébenthiné. Les indigènes en font une grande consommation en temps de disette. Les graines sont volumineuses, noirâtres, discoïdes ou en forme de sphère aplatie aux deux pôles. Leur albumen est régulier, cartilagineux et creux à maturité.

Outre les fruits, les noirs mangent encore les racines des jeunes plants ; elles ont un goût légèrement astringent et assez déplaisant.

Vène (Pterocarpus erinaceus, Poir.), Légumineuses papilionacées. Ce végétal, appelé vène en ouolof et kino en malinké, est un bel arbre dont la tige, généralement droite, atteint parfois de 12 à 15 mètres de hauteur. Feuilles alternes, imparipennées, à onze et quinze folioles alternes, ovales, oblongues, obtuses ; fleurs jaunes en grappes solitaires groupées sur le vieux bois ; gousse stipitée, membraneuse, veloutée, sinuée, ondulée et épineuse au centre.

L’écorce blanchâtre du vène permet aisément de le reconnaître dans la forêt et de ne pas le confondre avec ses voisins. Son feuillage est généralement maigre et d’un blanc terne. Il fleurit vers la fin de janvier. Son bois est à grain fin, très dur, serré et propre pour la menuiserie fine. Il est moins attaqué que les autres bois par les termites. On le trouve en grande quantité dans le bassin de la Gambie et dans tout le Soudan, et pourrait être l’objet d’une exploitation sérieuse.

Les indigènes utilisent les propriétés astringentes de son écorce contre les diarrhées rebelles et comme fébrifuges. Ils en font des macérations très concentrées dont ils boivent par jour environ la valeur de deux verres à bordeaux matin et soir. A l’incision, son écorce laisse découler une sorte de cachou à saveur excessivement astringente. C’est le kino de Gambie, soluble en grande partie dans l’eau. Il n’est plus utilisé aujourd’hui.

Le vène est utilisé dans nos ateliers pour la menuiserie et pour la construction de nos chalands. On s’en sert également avec avantage pour fabriquer des traverses de chemin de fer et pour la construction des charpentes de nos postes.

Le Kaki (Diospyros mespiliformis, Hochst.), Ébénacées, est un arbre de taille moyenne, de 6 à 15 pieds de hauteur. Il croît de préférence sur le sommet des collines et est assez rare dans tout le Soudan. C’est ce végétal que l’on désigne généralement sous le nom de faux ébénier. Feuilles oblongues ou elliptiques, arrondies à chaque extrémité, un peu coriaces. Fleurs dioïques, blanches, à cinq divisions, axillaires. Fleurs mâles, à calice campanulé, à cinq divisions ovales, soyeuses en dehors ; corolle urcéolée, dix à seize étamines. Fleurs femelles solitaires, six à huit staminodes ; ovaire ovoïde, à quatre et huit loges uniovulées. Fruit subglobuleux, glabre, accompagné par le calice accru. Le fruit est comestible.

Le bois du kaki est compact, excessivement serré. Lorsqu’il est poli, il est impossible d’y découvrir traces de fibres. C’est ce qui lui a fait donner le nom d’ébène. Il est loin d’être du noir parfait de ce dernier. Il est rare de rencontrer des échantillons sans défaut, et fréquemment il est veiné de blanc. Très cassant, surtout quand il est sec, les indigènes ne s’en servent guère qu’aux environs de nos postes. Ils en fabriquent des cannes, qu’ils vendent aux Européens. En certains cas, il pourrait remplacer l’ébène, dont il est loin toutefois d’avoir le brillant. Les Maures, avec les plus beaux échantillons de kaki, confectionnent des bracelets qu’ils incrustent d’argent et qui ne manquent pas d’une certaine originalité. Ils en font également de curieux manches de poignards.

Le Fromager (Bombax ceiba, L.), Bombacées, possède un bois qui ne peut guère être utilisé que pour les charpentes. Encore est-il particulièrement attaqué par les insectes. La variété Dondol donne un bois qui ressemble, à s’y méprendre, à celui du peuplier, dont il a, du reste, toutes les qualités, et je me souviens avoir entendu dire, en 1892, par mon excellent camarade M. le capitaine Huvenoit, de l’artillerie de marine, alors directeur des travaux du chemin de fer de Kayes à Bafoulabé, aujourd’hui décédé, victime de cet épouvantable climat du Soudan, qu’il en avait fait débiter des planches dont il avait tiré grande utilité.

Le Caïlcédrat (Khaya senegalensis, G. et Per.), Cédrélacées, est un des plus beaux arbres non seulement du bassin de la Gambie, où il est très commun, mais encore du Soudan tout entier. Il peut atteindre 30 à 35 mètres de hauteur et 1 mètre de diamètre. Feuilles alternes, paripennées, à folioles opposées, ovales, oblongues, entières. Fleurs blanches. Inflorescence en panicules terminales et axillaires. Calice à quatre divisions imbriquées. Quatre pétales étalés. Huit étamines. Ovaire à quatre loges multiovulées. Le fruit est une capsule ligneuse à quatre loges, septicide de haut en bas. Sa tige, droite, prend parfois de telles proportions qu’on y peut creuser des pirogues de toutes pièces. Je me souviens avoir franchi la Gambie à Sillacounda (Niocolo), dans une embarcation de ce genre qui n’avait pas moins de 4 mètres de longueur sur 0m50 de largeur et 0m35 de profondeur. Elle avait été creusée dans une seule bille de caïlcédrat, ce qui permet de supposer que l’arbre qui l’avait fournie devait être énorme.

L’écorce du caïlcédrat est large, cintrée, légèrement fendillée, rougeâtre et couverte d’un épiderme presque lisse et d’un gris blanchâtre. Sa cassure est grenue en dehors, puis un peu lamelleuse, et formée en dedans par une série simple de fibres ligneuses aplaties et agglutinées. Elle est dure, cassante, fort lourde, amère et légèrement odorante. Si on y pratique une incision intéressant toute son épaisseur, il s’écoule par la blessure un liquide rougeâtre qui se coagule à l’air libre en une petite masse résineuse de couleur brune très foncée. Si, enfin, on fait brûler des morceaux du bois, la fumée qu’ils donnent exhale une odeur douce et caractéristique. Aussi est-il impossible de s’en servir pour faire cuire les aliments grillés ou rôtis, car ils s’en imprègnent tellement qu’ils sont, de ce fait, absolument exécrables à manger. Les cendres que l’on obtient en faisant brûler le caïlcédrat à l’air libre renferment une grande quantité de nitrate de potasse et sont d’une blancheur immaculée. C’est, du reste, à la présence de ce sel, je crois, qu’il faut attribuer la propriété toute particulière que possède ce végétal de brûler rapidement, même lorsqu’il est vert. Je me souviens, étant à Koundou, avoir ainsi enflammé une planche de caïlcédrat rien qu’en y posant mon cigare allumé. En quelques minutes, 5 centimètres carrés se consumèrent de ce fait.

Le bois est rouge foncé, à teinte vineuse, droit, assez serré, mais gardant mal le poli, se conservant dans l’eau à cause de la résine qu’il contient, mais se fendant par dessiccation. Il ressemble à l’acajou, et c’est pourquoi on lui a donné le nom d’acajou du Sénégal. Il est dur et très cassant. Malgré cela, on en fait à Saint-Louis et au Soudan de beaux meubles. Il se laisse facilement travailler. Il pourrait, en France, servir utilement pour la charpente, la tabletterie et pour les travaux d’ébénisterie les plus délicats.

Les indigènes s’en servent pour la construction de leurs cases et de leurs pirogues, et pour la fabrication de certains ustensiles de ménage, tabourets, pilons et mortiers à couscouss.

Samboni ou Bois-guitare (Cytharexylum quadrangulare, Jacq.), Verbénacées. C’est un bel arbre de 5 à 15 mètres de hauteur. Feuilles elliptiques, oblongues. Fleurs en grappes allongées. Calice subsessile. Quatre étamines. Ce fruit est un drupe noir qui renferme deux noyaux. Son bois, à fibres bien parallèles, peut être utilisé pour la menuiserie fine et la confection des instruments de musique. C’est pourquoi on lui a donné le nom de Bois-guitare.

Les espèces dites Luteum et Villosum peuvent également être employées pour l’ébénisterie.

Dialium nitidum, Guill. et Perr., Légumineuses césalpinées, Cocito en malinké. Bel arbre de 5 à 6 mètres de hauteur, très rameux. Son tronc ne dépasse pas 0m75 à 1 mètre de diamètre. Feuilles alternes, imparipennées. Folioles alternes. L’inflorescence est une grappe composée de cimes terminales. Calice à cinq sépales. Corolle nulle dans les fleurs latérales supérieures, à un seul pétale dans les fleurs terminales, deux étamines latérales, ovaire uniloculaire, biovulé. Le fruit est une baie noire et veloutée remplie d’une pulpe farineuse.

Le tronc du dialium est tortueux. Son bois est dur, incorruptible dans l’eau salée. Il est, par le fait, propre aux petites constructions navales. Il peut être également employé avec avantage au tour et pour la menuiserie fine.

Le Guiguis (Bauhinia reticulata, Guill. et Perr.), Légumineuses césalpinées, est un arbre à feuilles alternes, simples. Fleurs en grappes axillaires ou terminales, pentamères. Dix étamines. Ovaire uniloculaire, multiovulé. Le fruit est une gousse. Très commun au Sénégal, plus rare dans le bassin de la Gambie. Son bois peut être utilisé dans l’ébénisterie, la menuiserie et le charronnage. Il est dur, facile à travailler et de longue durée.

Le Manguier (Mangifera indica, L.), Térébinthacées, ne pousse pas spontanément dans le bassin de la Gambie. Il y a été importé et il y est excessivement rare. On n’en trouve que quelques individus isolés dans le sud, à Gérèges, Vintang, etc. C’est un grand arbre à feuilles alternes entières. Fleurs polygames dioïques. Panicules terminales, cinq sépales, cinq pétales, cinq étamines dont une fertile ; ovaire uniloculaire, uniovulé. Le fruit est un drupe à gros noyaux fibreux. Ce fruit, connu sous le nom de mangue, est délicieux, parfumé, mais son goût légèrement térébenthiné ne plaît pas à tout le monde. L’espèce commune, connue sous le nom de mango, est la seule que l’on rencontre en Gambie. Elle donne un fruit bien inférieur à celui du manguier greffé.

Le bois du manguier, assez dur, lourd, homogène et liant, est d’un bon emploi dans les pays tempérés ; mais, dans les régions chaudes, il est de peu de durée. Il est, en effet, rapidement attaqué par les insectes. On s’en sert pour la fabrication du charbon de bois, et pour la confection des charrettes.

Le Berre ou Mampata (Parinarium senegalense, Perr. Neou., et Parinarium excelsum, Sab.), Rosacées, est un arbre de 5 à 10 mètres de hauteur environ. Feuilles alternes, simples, persistantes, sessiles, stipulées. Fleurs d’un blanc rosé. Inflorescence en cimes corymbiformes. Calice subbilabié, corolle à cinq divisions. Étamines nombreuses en nombre indéterminé, pas toutes fertiles ; ovaire biloculaire, loges uniovulées. Le fruit est un drupe ovoïde à mésocarpe charnu. Le bois est à grain dur et serré. Très beau, il est précieux pour l’ébénisterie et la menuiserie fine. Il peut être aussi employé pour les constructions.

Karité (Butyrospermum Parkii, Kotschy), Sapotacées. Son bois, très fin et très résistant, peut servir à plusieurs usages. On peut l’employer avec succès pour la menuiserie, le charpentage et pour les meubles. La plupart des charpentes de nos postes du Soudan ont été construites avec ce bois, et, de ce fait, à Kita, Koundou, Niagassola et Bammako on a été forcé d’en abattre des quantités considérables. Il a également servi à fabriquer bon nombre des meubles qu’on y trouve. Les indigènes l’emploient principalement pour la fabrication des mortiers et pilons à couscouss et pour la confection de ces petits sièges sur lesquels les femmes s’assoient dans la cour intérieure des cases. Comme il est relativement moins attaqué par les insectes que les autres essences, on a tenté de l’utiliser pour fabriquer des traverses du chemin de fer de Kayes à Bafoulabé ; mais, pas plus que les autres, il n’a pu résister à la dent cruelle des termites.

Le Gonakié (Acacia astringens, Cunning, ou Adansonii, Guill. et Perr.), Légumineuses mimosées, possède un bois très dur, très fin et qui se conserve longtemps. Il est difficile à travailler à sec. A Kayes, c’est le bois dont on se sert pour fabriquer les membrures des chalands de la flottille du Haut-Sénégal. On a tenté également de l’utiliser pour fabriquer des traverses de chemin de fer ; mais il est attaqué par les termites aussi bien que le karité et les autres essences. De plus, certains insectes l’affectionnent particulièrement et le rongent rapidement. Aussi ne l’emploie-t-on que fort peu dans les constructions. Par contre, il possède la propriété de durcir dans l’eau et de ne s’y corrompre que lentement. On pourrait alors s’en servir avec avantage pour la construction des pilotis et pour les constructions navales.

Les différentes espèces de Ficus pourraient être utilisées sur place. Il n’y aurait, à notre avis, aucun avantage à les importer en Europe ; car leur bois n’a pas une valeur qui permette d’en faire une exploitation rémunératrice.

Le Ficus afzelii, L., Ulmacées, est un très grand arbre assez commun. Son bois, analogue à celui du sapin, est blanc, léger et employé aux mêmes usages.

Le Sycomore (Ficus sycomorus, L.), Ulmacées, est moins abondant que ce dernier. Les Égyptiens s’en servaient pour fabriquer des cercueils et pour sculpter des figures qui remontent jusqu’aux temps les plus reculés. Il peut être employé pour la menuiserie. Il en est de même des espèces angustissima, L., macrophylla, Desf., laurifolia, Lamk., racemosa, L., etc., etc. Le Ficus ferruginea, L., que les Mandingues de la Gambie appellent Scotto, donne un bon bois pour la menuiserie. Mais il faut écorcher l’arbre dès qu’il est abattu, car, dans le cas contraire, il est rapidement attaqué par les insectes. Quant au Banyan (Ficus religiosa, W.), qui est si commun dans le Badon, le Niocolo et le Dentilia, il donne un bois assez dur et de couleur jaune sale dont on peut faire usage pour la menuiserie et le tour.

Le Benténier (Eriodendron anfractuosum, D. C.), Malvacées, croît, de préférence, sur les plateaux élevés, mais riches en terre végétale. Relativement rare dans les plaines, on le rencontre surtout dans le Kalonkadougou et le Bambouck. C’est un bel arbre de 15 à 20 mètres d’élévation, à tige droite, se terminant par un bouquet de rameaux au feuillage touffu et toujours vert. Feuilles palmées, à cinq et huit folioles entières, lancéolées, dont la face supérieure est d’un vert foncé, et la face inférieure blanchâtre et légèrement veloutée. Fleurs grandes, jaunâtres. Calice à cinq divisions irrégulières, corolle à cinq pétales, étamines en nombre variable. Le fruit est une capsule à cinq loges contenant un nombre indéfini de graines qu’entoure une bourre dense qui ressemble à de la laine. Son bois est tendre et léger, facile à travailler. Les indigènes l’emploient pour construire des pirogues d’une seule pièce. Il pourrait être employé dans les charpentes comme madriers.

Le Canéficier (Cassia fistula, L. ; Cathartocarpus fistula, Pers.), Légumineuses césalpinées, donne un bois léger, rougeâtre ou gris rougeâtre, à grain grossier, de peu de durée et très facile à travailler. Il pourrait être utilisé pour la marqueterie et la tabletterie. Les indigènes s’en servent pour confectionner des pilons et mortiers à couscouss et des manches d’outils.

Il existe encore dans tout le bassin de la Gambie un grand nombre d’autres végétaux dont le bois pourrait être utilement employé. Nous citerons particulièrement le Tamarinier (Tamarindus Indica, L.), Légumineuses césalpinées, dont le bois dur, dense, solide et liant, est bon pour le charronnage. On s’en sert beaucoup à Kayes pour faire des couples d’embarcation. Le Khoss (Nauclea inermis, H. Bn. ; Nauclea africana, Walh), Rubiacées, donne un bois facile à travailler, d’assez longue durée et se fendant peu. Il est utilisable pour la menuiserie et pour la charpente ; mais ses dimensions sont assez restreintes. Le Rhatt (Combretum glutinosum, Perr.), Combrétacées, est très bon pour la menuiserie. De même que le Souroure (Acacia species, L.), Légumineuses mimosées, le Nété (Parkia biglobosa, H. Bn.), Légumineuses mimosées, le Touloucouna (Carapa touloucouna, Guil. et Perr.), Méliacées, donne un bois peu attaquable par les insectes. Il pourrait être employé pour les charpentes s’il ne se fendait pas aussi facilement. Il peut être utilisé pour de petits travaux de menuiserie. Le Dank (Detarium microcarpum, Guill. et Perr.), Légumineuses césalpinées, dont le bois est excessivement dur, peut être utilisé pour les constructions navales. Le Khad-Kred (Cratæva Adansonii, D. C., ou religiosa, Forst), Capparidacées, possède un bois dur à grain fin, bon pour le tour. Le N’taba (Sterculia cordifolia, Guill. et Perr., Kola cordifolia, Rob. Brown), Malvoïdées sterculiacées, dont le bois est dur et difficilement attaqué par les insectes, pourrait être avantageusement employé pour les grandes constructions navales. Le bois du Téli (Erythrophlæum guineense, Afz.), Légumineuses césalpinées, est très dur et incorruptible. Il se conserve longtemps dans l’eau. Il est tellement serré, dur et compact, qu’il résiste même au feu des incendies que les indigènes, pour défricher, allument dans la brousse. Il pourrait être utilisé pour les pilotis, les constructions navales et les grandes charpentes. Les noirs, à cause de ses propriétés toxiques, ne l’utilisent en aucune façon. Le Cordia macrophylla, V., Borraginées, serait précieux pour l’ébénisterie, car sa texture est fine et serrée, il se polit facilement. Le Gardenia Jovis Tonantis, Hiern., Rubiacées, est ainsi nommé parce qu’il possède, disent les indigènes, la propriété de conjurer la foudre. Les noirs du sud du bassin de la Gambie, les Diolas particulièrement, en plantent, dans ce but, des rameaux au sommet de leurs cases. Son bois est lourd, très durable, compact et jaunâtre. Il peut être employé avec avantage pour l’ébénisterie et le tour, car il se fend difficilement même sous l’action de la chaleur. Il en est de même du Mabolo (Conocarpus racemosa, L. ; Laguncularia racemosa, Gærtn.), Combrétacées, du Mboull (Sapindus saponaria, L., et du Kener (Sapindus senegalensis, Poir.), Sapindacées. Le bois du Baobab (Adansonia digitata, L.), Malvacées, est mou et léger. Les indigènes s’en servent pour construire des pirogues d’une seule pièce. Je me rappelle avoir lu, dans je ne sais quel livre, que les noirs l’employaient pour fabriquer des cercueils. Jamais, de mémoire d’homme, dans n’importe quel village indigène du Sénégal ou du Soudan, le cadavre d’un noir n’a été enfermé dans un cercueil quelconque pour être inhumé. L’auteur faisait allusion sans doute à ce fait que, dans certaines régions, le Djolof, par exemple, on avait l’habitude de creuser dans le tronc des baobabs la sépulture des griots. Cette caste si méprisée y est, de ce fait, exclue des cimetières communs. On jugera par là combien sont grandes les dimensions que peut atteindre ce végétal.

X. — Végétaux pouvant être employés à d’autres usages industriels.

Les végétaux de cette catégorie sont relativement peu nombreux, et après ce que nous avons dit au cours de ce mémoire, il ne nous reste plus que quelques rares essences à signaler à l’attention du lecteur.

Le Tabac. — La variété de tabac qui est cultivée dans le bassin de la Gambie et dans tout le Soudan français est la Nicotiane rustique, ou tabac à feuilles rondes (Nicotiana rustica, L.), Solanacées. Il diffère sensiblement du Nicotiana tabacum, L. C’est une plante glutineuse et velue, dont les feuilles sont ovales, obtuses, pétiolées. Les fleurs sont en cimes paniculées denses. La corolle, d’un vert jaunâtre, est à tube court et velu. Son fruit est une capsule arrondie. De toutes les Solanacées, c’est la plus commune au Soudan, et celle qui est cultivée avec le plus de soin. Elle croît surtout à merveille dans les terrains riches en humus et aime un climat chaud et humide. On conçoit dès lors qu’elle prospère d’une façon remarquable dans tout le bassin de la Gambie.

Le terrain dans lequel cette plante est cultivée est préparé avec un soin méticuleux et on n’y voit jamais le moindre brin d’herbe. De plus, chose rare au Soudan, j’ai vu, dans certains villages, fumer avec de la bouse de vache et le crottin des chevaux la terre destinée à recevoir la semence. Les semis sont généralement faits à la fin de juin ou au commencement de juillet. Quand la plante a atteint environ douze à quinze centimètres de hauteur, les pieds sont repiqués dans les jardins préparés ad hoc. Ils sont placés à peu près à trente ou quarante centimètres les uns des autres dans le plus grand ordre. Ils sont sarclés tous les deux jours et arrosés matin et soir avec soin. La récolte des feuilles a lieu dans le courant de janvier, et celle des graines vers la fin de février. Sur les bords des fleuves et rivières, le tabac est cultivé toute l’année. Les eaux, en se retirant, laissent une couche relativement épaisse de limon, qui conserve son humidité pendant longtemps et qui permet au tabac de se bien développer. Cette plante prospère à merveille dans tout le Soudan et ses feuilles y atteignent de remarquables dimensions. Le rendement qu’elle donne est considérable. Il est à peu près de 2,500 kilog. à l’hectare. Les feuilles brutes se vendent sur les marchés couramment 1 fr. 50 le kilog.

Jusqu’à ce jour, il n’a été fait que des essais de culture absolument insuffisants. Rien de systématique et de méthodique n’a été tenté, et pourtant tout permet de croire que des efforts sérieux seraient couronnés de succès et qu’il serait facile d’acclimater dans ces régions les tabacs de qualités supérieures.

Les indigènes prisent et fument le tabac. Mais, avant de s’en servir, ils lui font subir une préparation qui diffère dans les deux cas :

1o Tabac à priser. — On procède de la même façon, que l’on ait affaire au tabac du commerce ou au tabac indigène. Les feuilles, réduites en petits morceaux, sont mises à sécher au soleil ou devant le feu. Il est préférable qu’elles soient séchées au soleil. Elles sont ensuite pilées dans un mortier ad hoc avec un pilon spécial et réduites en poudre absolument impalpable. Mortier et pilon sont de petites dimensions. Ce sont surtout les femmes qui sont chargées de ce soin, ou bien des vieillards qui ont acquis dans cet art une véritable habileté. La poudre ainsi obtenue est étendue sur un linge et de nouveau mise à sécher au soleil. Puis (voilà l’opération délicate), on prend des tiges de petit mil que l’on fait brûler. La cendre obtenue est mise à bouillir dans une petite marmite avec de l’eau. On fait chauffer jusqu’à ce que l’eau, étant absolument évaporée, la cendre soit entièrement desséchée et adhérente aux parois de la marmite. On râcle alors cette cendre, on la réduit en poudre très fine et on la mélange au tabac dans la proportion du cinquième. Puis on ajoute à tout cela un peu de beurre ou de graisse de mouton. On mélange bien, on fait sécher, on triture de nouveau et voilà le produit que le noir s’introduit avec tant de délices et en si grande quantité dans le nez. D’après ce qui disent les indigènes, la cendre de mil aurait pour résultat de donner plus de montant au tabac. Le beurre lui donnerait un arome tout spécial et très recherché des amateurs, et aurait surtout pour effet de lui enlever toute son âcreté. Quoi qu’il en soit, nous avons maintes fois essayé d’en priser et nous lui avons trouvé une force que n’ont pas nos tabacs européens.

2o Tabac à fumer. — On ne lui fait guère subir de préparation spéciale. Les feuilles sont simplement séchées au soleil, écrasées dans la main et fumées ainsi dans la pipe.

Au Soudan, l’homme est surtout priseur et c’est la femme qui fume le plus. Pour priser, on introduit le tabac dans les narines avec les doigts ou bien on se sert d’une sorte de petite spatule en fer ou en laiton à l’aide de laquelle on puise dans la tabatière. A son extrémité étroite est percé un trou dans lequel passe une petite lanière en cuir qui sert à la suspendre au cou. L’extrémité large, couverte de tabac, est appliquée contre les narines alternativement et on n’a qu’à humer la poudre. Dans certaines régions, et, chez les Malinkés particulièrement, on ne se contente pas seulement de priser le tabac en poudre, on le chique de plus pour ainsi dire. Pour cela, on en place une volumineuse pincée sur la langue soit à la main, soit à l’aide du petit instrument dont nous venons de parler. Les femmes l’introduisent avec une merveilleuse dextérité entre la lèvre et l’arcade dentaire inférieure.

Pour fumer, la femme se sert d’une pipe généralement en caïlcédrat, dont le tuyau est en bambou. Cette pipe est des plus rudimentaires. Il est rare qu’une femme fume sans offrir de temps en temps sa pipe à ses voisines. Les hommes font également de même.

Nous avons souvent essayé de fumer de ce tabac et nous avons toujours été forcé d’y renoncer. Son âcreté est telle qu’après deux ou trois bouffées au plus nous éprouvions à la langue et aux gencives une douleur si vive que nous étions forcés de cesser. Toutefois nous avons constaté que le tabac français fumé dans ces pipes avait un arome tout particulier et très délicat.

Les peuples de race mandingue fument et prisent beaucoup plus que les peuples de race peulhe. Ils préfèrent de beaucoup notre tabac au leur, et le cadeau le plus apprécié que l’on puisse faire à un chef est de lui offrir un litre de tabac à priser et quelques têtes de tabac en feuilles. On nomme ainsi au Sénégal et au Soudan ces petits paquets de cinq ou six feuilles de tabac liées ensemble par le pétiole et dont on fait un commerce relativement important. De même aussi ils ont une préférence bien marquée pour les pipes en terre de Marseille ou de Valenciennes que nous leur vendons.

Raphia vinifera, P. Beauv. — Ce palmier est peu commun au Sénégal et au Soudan. Ce n’est guère qu’à partir de la Gambie qu’on commence à le trouver en assez grand nombre. Sa tige est, en général, peu élevée, épaisse, irrégulièrement crénelée. Feuilles grandes. Inflorescence en spadices très grands. Fleurs roses, jaunâtres, monoïques dans le même spadice, en épis comprimés, distiques. Calice campanulé à trois dents peu marquées. Corolle mâle trifide. Six à douze étamines libres. Corolle femelle infundibuliforme. Ovaire trilobulaire. Le fruit est une baie jaune verdâtre, à noyau dur, oblong et aigu aux deux extrémités.

Ce palmier habite surtout la Guinée, Sierra-Leone et le Congo. Nous n’en avons rencontré que de rares échantillons dans le Coniaguié. Les pétioles servent à faire des meubles légers. Les feuilles donnent des fibres textiles. Les indigènes des pays où il croît en récoltent la sève qui, légèrement fermentée, donne le vin de palme dont ils sont si friands et avec lequel ils aiment tant à s’enivrer. C’est une boisson aigrelette que l’Européen lui-même ne dédaigne pas. Les indigènes donnent à ce vin le nom de bourdou.

Rônier (Borassus flabelliformis, L.), Palmiers. — Outre les différents usages auxquels peut être employé le palmier-rônier, dont nous avons déjà parlé au cours de ce mémoire, ce végétal est encore précieux à plus d’un titre. Dans l’Inde, où il est très commun, un poème tamul ne lui attribue pas moins de quatre-vingts usages. Le suc sucré qui en découle abondamment par les incisions faites en temps voulu et à l’époque favorable au niveau de l’insertion des spadices, est très estimé comme boisson. Par la fermentation, il donne une liqueur alcoolique analogue au vin de palme. Les rôniers mâles en laissent découler en plus grande quantité que les rôniers femelles. Les indigènes du sud du bassin de la Gambie, du Combo, du Coniaguié et du Bassaré, en sont particulièrement friands. Dès que l’arbre peut supporter l’opération, c’est-à-dire dès qu’il a atteint environ deux ou trois mètres de hauteur, ils le saignent sans pitié. La récolte du vin de palme est, dans ces conditions, relativement facile ; mais quand le rônier a atteint son complet développement, comme alors il est très élevé et qu’il peut atteindre de grandes dimensions (nous en avons vu qui n’avaient pas moins de 25 à 30 mètres de hauteur), elle est plus délicate. Si vigoureux que soit un noir et si parfaite que puisse être sa ressemblance avec le singe, il lui serait difficile de grimper aussi haut à l’aide seulement des pieds et des mains. Alors, de distance en distance, et au fur et à mesure qu’il s’élève, il fixe dans la bille même de l’arbre et d’une façon symétrique de solides chevilles en bois, longues d’environ 40 ou 50 centimètres, qui transforment le tronc en une véritable échelle. Dès qu’il est arrivé au faîte, il pratique les incisions nécessaires pour que le suc puisse s’écouler, et au-dessous attache pour le recevoir des calebasses ou des courges ayant une forme appropriée à cet usage. Ces récipients portent le nom de boulines. Les Mandés Dioulas de la boucle du Niger, qui ont un penchant tout particulier pour cette liqueur, lui donnent le nom de mboin.

Le bourgeon terminal du rônier est très tendre. C’est un chou palmiste moins savoureux assurément que celui de l’Oreodoxa oleracea, Mart., mais qui est quand même fort apprécié par les Européens. Coupé en petits fragments de deux centimètres carrés et bien assaisonné d’huile, de vinaigre, sel et poivre, on en fait une excellente salade, surtout si on a eu la précaution de la faire macérer pendant vingt-quatre heures. Voici, au sujet du chou palmiste, en général, ce qu’écrit dans son remarquable Manuel des cultures tropicales notre excellent maître et ami, M. le pharmacien en chef des colonies E. Raoul : « Un des meilleurs légumes des pays chauds est le chou palmiste, c’est-à-dire le bourgeon terminal tendre de certains palmiers dépouillé de ses enveloppes extérieures. Cuit, il est très agréable et peut se comparer au fond d’artichaut, auquel il est bien supérieur cependant. Cru et divisé en lanières minces, il peut se manger en salade. Pour le recueillir, il faut sacrifier l’arbre qui le porte, l’abattre à la hache au moment le plus convenable, couper sa cime et débarrasser le bourgeon tendre des feuilles qui l’entouren et des enveloppes dures qui le recouvrent. Les palmiers sont souvent si communs, soit dans les forêts, soit au bord des cours d’eau, soit en bouquets dans les savanes ou sur leurs bords que l’on peut en détruire sans dommage un certain nombre. On pourrait en couper sans regret un plus grand nombre si on avait la prévoyance d’aider par quelques soins leur repeuplement et leur multiplication. Plusieurs palmiers différents donnent un bourgeon tendre volumineux, de saveur douce et d’un usage alimentaire excellent ; mais un très grand nombre n’ont qu’un bourgeon trop petit pour être utilisé. Chez quelques-uns le bourgeon est amer et présente même un principe nuisible et narcotique. »

Bambou (Bambusa arundinacea, Retz.), Graminées. Le bambou, par ses usages multiples, est un des végétaux les plus précieux des régions équatoriales et intertropicales. En Cochinchine, où il n’en existe pas moins de huit espèces auxquelles les Annamites donnent les noms de Tre-lang-nga, Tre-xiem, Tam-vong, Tre-lau, Tre-mo, Tre-gai, Tre-bong, Tre-buong ; ils s’en servent pour faire des poteaux, des poutres, des manches de lances, d’outils, des pieux, des bancs, des sièges, des objets de vannerie, etc., etc. A la Martinique, où il est très commun et où il acquiert des dimensions considérables, il constitue l’espèce végétale la plus utile par sa force de résistance, la dureté de son épiderme siliceux et la légèreté que lui communique la cavité centrale de ses tiges sans nuire à sa résistance. On l’y utilise particulièrement pour faire des tuyaux pour le drainage, des gouttières, des charpentes, etc. A la Nouvelle-Calédonie, le bambou est surtout employé par les Canaques pour confectionner des cannes, des piques. Ses éclats tiennent lieu d’instruments de chirurgie, de couteaux, etc., etc. A Tahiti, où les Maoris lui donnent le nom de Ohe, il sert aux usages les plus nombreux et les plus variés. A Nossi-Bé, il prospère à merveille, et les Malgaches en tirent le plus grand parti. Dans tout l’Extrême-Orient, outre les usages que nous venons de mentionner plus haut, on se sert de ses fibres pour fabriquer des nattes, des paniers, de la pâte à papier, etc., etc. Sa sève sucrée sert à faire une boisson qui jouit d’une certaine faveur. L’emploi que l’on fait en Europe du bambou pour la menuiserie, l’ébénisterie, la bimbeloterie, etc., etc., est trop connu pour que nous insistions davantage. C’est un végétal dont la tige solide, creuse, résistante, présente des nœuds nombreux au niveau desquels se trouvent les rameaux. L’inflorescence est un épillet en panicules à fleurs nombreuses, imbriquées, distiques. Glumes mutiques, concaves. Deux glumelles coriaces. Six étamines. Ovaire sessile uniloculaire, uniovulé. Le fruit est un caryopse libre dans les glumelles.

Le bambou est assez commun au Soudan et dans tout le bassin de la Gambie ; mais il est loin d’y avoir les proportions énormes auxquelles il atteint à la Guyane, en Extrême-Orient et à la Martinique. Malgré cela, tel qu’on l’y trouve, il présente déjà des dimensions fort respectables. Il y en existe deux variétés dont l’une a la tige creuse, tandis que, chez la seconde, elle est pleine. On le rencontre un peu partout, mais surtout dans le Bambouck, le Bafing, le Konkodougou, le Gamon, le Tenda, le Damantan, le Badon, le Niocolo, etc., etc. Il croît dans presque tous les terrains ; mais c’est surtout sur les bords des marigots et dans certaines plaines à fond d’argiles, inondées pendant la saison des pluies, qu’il est le plus commun et qu’il acquiert ses plus grandes dimensions. Toutefois, sa tige n’atteint pas au Soudan, dans les terrains qui lui sont le plus propices, un diamètre de plus de 6 à 8 centimètres et sa hauteur 4 ou 5 mètres. Sur les plateaux rocheux, il ne dépasse pas 2 mètres d’élévation et 3 centimètres au plus de diamètre. Il est là toujours très peu vigoureux.

Ce végétal, si abondant autrefois dans le Gamon, le Badon, le Dentilia, y est devenu, depuis cinq ou six années, plus rare et finira par y disparaître complètement. Il est atteint depuis ce temps d’une maladie que les indigènes désignent sous le nom de diambarala. Je n’ai pas besoin de dire qu’elle est attribuée à des pratiques de sorcellerie et que les génies malfaisants (les Mamma-Diombos) sont accusés de l’en avoir frappé. Cette maladie, cependant, est causée par un cryptogame parasite qui croît à l’aisselle des jeunes rameaux et qui, en un an, deux au plus, finit par tuer le végétal. La tige se flétrit, les feuilles tombent, le bambou sèche sur pied, et il suffit d’un vent léger pour en abattre des bouquets entiers. Les tiges ainsi couchées ne peuvent plus servir à rien, car elles ont perdu toute leur souplesse et sont devenues excessivement cassantes. C’est dans ces seules régions que nous avons trouvé cette maladie. Nous ne l’avons constatée nulle part ailleurs. Les indigènes du Gamon, du Badon et du Dentilia sont très affectés de voir ainsi disparaître cette graminée qui leur est si précieuse. Dans tout le Soudan, en effet, on s’en sert pour construire les charpentes des toits des cases, on l’utilise pour fabriquer des nattes, des corbeilles, des cordes, des ruches pour les abeilles et pour construire les clôtures des petits jardinets que l’on trouve aux environs des jardins. Les bambous pleins sont préférés pour les constructions et les bambous creux pour les autres usages. Les Bambaras de la boucle du Niger utilisent aussi les jeunes tiges de bambous pleins pour fabriquer leurs flèches, et la corde de leurs arcs est presque toujours faite avec ce végétal.

Le feuillage du bambou constitue un excellent fourrage dont les animaux, les chevaux surtout, sont excessivement friands. Le meilleur et le plus tendre est fourni par les rameaux les plus jeunes. Ce fourrage doit probablement ses qualités nutritives à la quantité relativement considérable de sucre que contiennent les jeunes pousses et les jeunes feuilles de cette plante. Cependant, d’après certains indigènes auxquels je l’ai entendu dire, il pourrait à la longue devenir nuisible et il faut bien se garder d’en faire la nourriture absolument exclusive des bestiaux.

Les entre-nœuds des tiges de bambou renferment souvent des concrétions siliceuses, analogues à l’opale. Elles sont désignées sous le nom de tabaschirs. Elles ont été préconisées contre un grand nombre de maladies, mais sans avoir en réalité aucune efficacité.

Palétuvier (Rhizophora Mangle, L.), Rhizophoracées. — Le palétuvier, que l’on désigne encore sous le nom de manglier, est très commun à l’embouchure de la Gambie et dans tous les marigots qui en sont tributaires et dont les eaux sont saumâtres.

Il existe plusieurs variétés de palétuviers : le palétuvier blanc (Avicennia nitida, Jacq.), Verbénacées, très commun à la Guyane, surtout dans les vases salées à l’embouchure des fleuves, et dont le bois droit et élevé est utilisé pour la mâture des petits bâtiments. Le duramen est excellent pour les constructions dans l’eau salée. Il est remarquable par l’entre-croisement en tous sens de ses fibres. Le palétuvier jaune, originaire de la Guadeloupe, donne un bon bois pour le charronnage et les charpentes. Enfin le palétuvier rouge se rencontre particulièrement à la Martinique, à la Guyane et à la côte occidentale d’Afrique. C’est celui que l’on trouve uniquement en Gambie. On le rencontre également en grande quantité dans le Saloum, la Casamance, etc., etc., et en général dans tous les fleuves de la côte de Guinée, à Joal et à Portudal. Ce végétal présente les caractères suivants : racines adventives qui le maintiennent solidement au bord de l’eau et auxquelles viennent s’attacher en grande quantité ces petites huîtres si précieuses dans les pays chauds que l’on désigne sous le nom d’huîtres de palétuviers. Tige épaisse à feuilles opposées, entières, elliptiques, coriaces, glabres, stipulées. Inflorescence en forme de cimes. Fleurs axillaires, régulières, hermaphrodites. Calice à quatre sépales persistants. Corolle à quatre pétales. Huit étamines. Ovaire infère à deux loges biovulées. Fruit coriace, indéhiscent, monosperme. La graine germe sur l’arbre.

Le bois du palétuvier est de petites dimensions, serré, dur et d’une couleur rougeâtre qui permet de le reconnaître aisément. Il peut être employé pour confectionner les couples des petites embarcations. Inattaquable par l’eau de mer, il sert aussi à faire des palissades sur le rivage. Son écorce laisse exsuder un suc qui, concentré au soleil, donne le kino de Colombie. Voici ce que dit Cauvet de cette substance : « Le kino de Colombie est en pains de 1,000 à 1,500 grammes, aplatis, offrant l’empreinte d’une feuille de palmier et couverts d’une poussière rouge. Ces pains se divisent aisément en fragments irréguliers, transparents sur les bords et d’un rouge un peu jaunâtre ; leur cassure est inégale, brune, brillante, leur saveur amère et très astringente, leur odeur faible, particulière.

Ce kino fournit une poudre rouge orangé ; il se dissout assez bien dans l’eau froide, davantage dans l’eau bouillante et presque complètement dans l’alcool ; ces solutés ont une belle couleur rouge. Si on le dissout dans l’eau froide et qu’on évapore la solution avec soin, on obtient un extrait rouge foncé brillant, fragile, qui ne diffère du kino d’Amboine que par l’absence de cannelures. » Ce kino s’emploie contre les mêmes affections que le cachou ; mais il a moins d’énergie.

Le végétal désigné vulgairement sous le nom d’Yeux-Crabes appartient à la famille des Sapindacées. C’est le Cupania sapida, D. C. Il est particulièrement commun dans le Ouli, le Sandougou, le Niani, le Fouladougou et le Kantora. C’est un arbre à feuilles alternes, imparipennées. Fleurs blanches, régulières, polygames, dioïques. Inflorescence en grappes de cimes simples. Corolle et calice à cinq divisions. Huit étamines. Ovaire triloculaire. Loges uniovulées. Le fruit est déhiscent. C’est une capsule loculicide, rouge, charnue. Ce fruit est comestible et, d’après de Lanessan, sert à préparer avec du sucre et de la cannelle une conserve employée contre les diarrhées. Cuit sous la cendre, il est appliqué comme maturatif sur les abcès. Les fleurs, dont l’odeur est suave, servent à préparer par distillation une eau parfumée. L’infusion de l’écorce et des feuilles passe pour être stomachique.

Le Palmier-nain (Chamærops humilis, L.), Palmiers, possède une tige peu élevée ; feuilles palmatifides ; inflorescence en spadice ; fleurs dioïques, polygames ; le fruit est une baie.

Les tiges du palmier-nain sont employées comme crin, sous le nom de crin végétal. On les fait rouir dans l’eau, puis on les expose au soleil, et quand elles sont parfaitement sèches, on détache l’écorce ainsi que les feuilles ; on met ainsi à nu les fibres de la tige. Ce crin remplace le crin animal pour la confection des matelas. Ce palmier est relativement rare dans le bassin de la Gambie ; mais il y prospère parfaitement et il serait d’autant plus facile de l’y multiplier qu’il ne demande que peu de soins pour se développer.

Les graines du Gombo (Hibiscus esculentus, L.), Malvacées, appelées graines d’ambrette, contiennent une oléo-résine jaune et ont une odeur musquée très prononcée. Elles sont utilisées dans la parfumerie. De plus, les racines de ce végétal peuvent remplacer la guimauve et des fibres pourraient être employées pour fabriquer le papier. La tige du Bananier (Musa ensete, L.), Musacées, donne une fibre textile de bonne qualité. Enfin, nous citerons en dernier lieu parmi les végétaux de cette catégorie le Nymphæa lotus, L., Nymphéacées. Nous l’avons particulièrement trouvé dans le haut cours du Sandougou, aux environs de Koussanar (Ouli) et dans les marigots du Tenda, du Kantora et du Damantan. C’est une plante herbacée, vivace, habitant les eaux douces. La tige est un rhizome. Feuilles alternes, longuement pétiolées ; limbe pelté et flottant à la surface de l’eau. Fleurs grandes, longuement pédonculées. Calice à quatre divisions. Pétales en nombre indéfini. Étamines nombreuses, en nombre variable. Ovaires nombreux ; loges multiovulées. Le fruit est une baie spongieuse s’ouvrant irrégulièrement ; graines nombreuses, plongées dans une substance gommeuse. Il existe deux variétés de nymphæa lotus : l’une à fleurs blanches, l’autre à fleurs rouges. Le rhizome féculent est comestible, de même que les graines. Les fleurs sont astringentes et se prescrivent contre les diarrhées et les affections du foie.

Nous venons, dans cette longue énumération, de passer en revue la plus grande partie des végétaux utiles que l’on rencontre dans le bassin de la Gambie. Il y a là, comme on a pu s’en rendre compte, de véritables richesses botaniques. Malheureusement, le manque absolu de voies de communication en rendra de longtemps l’exploitation difficile, et pourtant on ne peut s’empêcher de reconnaître qu’il y aurait, dans toute cette région, de puissantes ressources pour notre commerce et notre industrie. Cette flore si intéressante et si belle, étant donnée surtout la situation géographique et climatérique de ces régions littéralement à cheval sur les deux zones qui se partagent le Soudan français, la zone aride des steppes et la zone fertile des tropiques, est absolument typique. Ce qui précède pourrait s’appliquer parfaitement à toute notre vaste colonie soudanienne et notre Mémoire aurait aussi bien pu s’intituler la Flore utile du Soudan français. Mais, comme il est des parties de ce vaste territoire que nous n’avons pas visitées, nous avons cru, de crainte d’erreurs ou d’omissions, devoir lui donner simplement le titre sous lequel nous le présentons au lecteur et n’y parler que de régions que nous connaissons bien.

Après avoir traité des végétaux qui croissent naturellement dans le bassin de la Gambie, il y aurait assurément grand intérêt à parler de ceux qui y pourraient être introduits. Peut-être un jour ou l’autre le ferons-nous, car cette étude est, à notre avis, la seconde et logique partie de notre travail.

[Décoration]

NOTES :

[1]L’expression période secondaire dont nous nous sommes fréquemment servi dans nos différentes études sur la constitution du sol du Soudan français ne caractérise pas pour nous l’époque géologique que l’on est aujourd’hui convenu d’appeler ainsi. Nous l’employons pour désigner cette seconde partie de la période primaire dans laquelle sont classés les terrains de sédiment et dont les grès, les quartz et les schistes sont les roches fondamentales. (Note de l’auteur.)

[2]Les M’Pongués du Gabon désignent, en effet, le Dioscorea bulbifera sous le nom de pembarogué ogolli, et appellent le Tacca involucrata, pembarogué iba. Ogolli, en langue m’pongué, signifie grimpant.

[3]Nous avons le regret de ne pas partager, à ce sujet, l’opinion du vaillant explorateur et d’être d’un avis contraire à celui de notre regretté collègue et ami le Dr Crozat. L’expression korté, du moins dans le Bambouck et le Konkodougou, ne signifie pas poison en général. Elle sert pour désigner un poison tout spécial, qui a pour base le téli (Erythrophlæum guineense, Rich). Le poison dans la composition duquel entre le strophantus porte en bambara le nom de kouna et en malinké celui de kouno.

[4]Cet échantillon fut remis en notre présence, en 1885, à M. le Dr Castaing, alors pharmacien de première classe de la marine, par mon excellent ami M. Beynis, agent général, à Saint-Louis, de la Maison Maurel et Prom. Autant que je puisse me le rappeler, il avait les caractères macroscopiques de la gutta du karité.


INDEX DES NOMS SCIENTIFIQUES


Pages.
A
Acacia Adansonii 124, 137
 — albicans 124
 — astringens 124, 137
 — fasciculata 124
 — Neboueb 124
 — Seyal 123
 — species 139
 — tomentosa 123
 — verek 123
Achras sapota 121
Adansonia digitata 37, 59, 95, 140
Agavus americana 96
Aloe 96
Amomum melegueta 30, 90
Anacardium occidentale 45, 54, 88, 124
Angræcum fragrans 80
Arachis hypogæa 22, 36, 46
Argemone mexicana 88
Arum Heckeli 21
Asclepias curassavica 80
Avicennia africana 90, 149
B
Balsamodendron africanum 55, 125
Bambusa arundinacea 95, 146
Bauhinia reticulata 89, 136
Bdellium africanum 55, 125
Bixa orellana 97
Bixine 97
Bombax ceiba 93, 125, 133
 — Cornui 95
Borassus flabelliformis 96, 130, 144
Boscia Senegalensis 89
Bromelia ananas 96
Brucea antidysenterica 89
Butyrospermum Parkii 37, 50, 90, 109, 137
C
Calotropis procera 90, 96, 100
Canthium Afzelianum 90
Capsicum frutescens 29
Carapa guyanensis 46, 53, 88
 — Touloucouna 46, 53, 88, 139
Cardiospermum halicacabum 80
Carica papaya 89
Cassia absus 89
 — alata 89
 — fistula 79, 139
 — genuina 78
 — obovata 78
 — obtusata 78
 — occidentalis 87
 — platycarpa 78
 — tora 89
Cassophy 89
Cathartocarpus fistula 139
Celastrus Senegalensis 90
Ceratanthera Beaumetzii 55
Chamærops humilis 151
Cissampelos Pareira 80
Citrus decumana 102
Cleome pentaphylla 87
Cocos nucifera 54
Combretum glutinosum 97, 139
 — Raimbaultii 65
Connarus africanus 89
Conocarpus racemosa 140
Cordia macrophylla 140
Coula edulis 53
Coumarine 80
Cratæva Adansonii 139
 — religiosa 139
Crescentia Cujete 36, 90
Cupania sapida 150
Cytharexylum luteum 135
 — quadrangulare 135
 — villosum 135
D
Datura tatula 86
Daturine 86
Detarium senegalense 87, 139
Dialium nitidum 89, 135
Dioscorea alata 35
 — bulbifera 26
Diospyros mespiliformis 133
Dolichos lablab 25
Doundakine 84
E
Ecorce de mudar 90, 102
Elæis guineensis 51
Eriodendron anfractuosum 89, 138
Erythrophlæum guineense 60, 139
Eugenia guineensis 90
F
Ficus Afzelii 100, 138
 — angustissima 138
 — elastica 100
 — laurifolia 138
 — macrophylla 100, 138
 — racemosa 138
 — religiosa 100, 138
 — rugosa 100
 — Sycomorus 100, 138
G
Gardenia Jovis tonantis 140
Gossypium acuminatum 93
 — Barbadense 93
 — hirsutum 93
 — Indicum 93
 — intermedium 93
 — punctatum 53, 91
Guiera Senegalensis 90
H
Hibiscus esculentus 36, 151
 — sabdariffa 31
I
Indigofera tinctoria 96
Ipomœa Batatas 25
J
Jatropha curcas 48, 89
 — gossypifolia 86
 — Manihot 34
K
Khaya Senegalensis 68, 125, 134
Kino 89, 132, 150
Kola acuminata 91
 — cordifolia 38, 139
L
Lagenaria vulgaris 36
Laguncularia racemosa 140
Lawsonia inermis 99
Luffa acutangula 55
M
Mangifera domestica 46
 — Indica 46, 136
Manihot edulis 34
Momordica muricata 96
 — operculata 96
Morinda citrifolia 84, 98
Moringa pterygosperma 54, 89, 124
Musa ensete 151
 — paradisiaca 96
N
Nauclea africana 139
 — inermis 86, 98, 139
Nicotiana rustica 141
 — tabacum 141
Nymphæa lotus 151
O
Orelline 97
Oryza sativa 17
P
Parinarium excelsum 54, 136
 — Senegalense 54, 136
Parkia biglobosa 38, 139
Pelosine 81
Penicellaria spicata 19
Perianthopodus globulosus 90
Phasæolus vulgaris 22, 23
Physostigma venenosum 74, 77
Pterocarpus erinaceus 89, 132
Q
Quassia africana 89
R
Raphia vinifera 144
Rhizophora Mangle 149
Rhus typhina 46
Ricinus communis 49, 89
Rocou 97
S
Sapindus Senegalensis 140
Sarcocephalus esculentus 81
Simaba africana 89
Solanum melongena 33
Sorghum vulgare 8, 98
Sterculia acuminata 91
 — cordifolia 38, 90, 139
 — verticellata 91
Strophantus gratus 72
 — hispidus 72
Symphonia globulifera 125
Syzygium guineensis 90
T
Tacca involucrata 28
 — pinnatifida 28
Tamarindus Indica 68, 139
Terminalia macroptera 90
Terra Lemnia 60
Terre Sigilée de Lemnos 60
Tinospora Bakis 85
Touloucounin 54
Traumaticine 119
V
Vahea florida 106
 — Heudelotii 105
 — Senegalensis 102
Vitis Chantini 44
 — Durandi 44
 — Faidherbi 44
 — Lecardi 44
 — Narydi 44
 — quadrangularis 90
X
Ximenia Seno 41
Z
Zanthoxylum Senegalense 89
Zea maïs 15
Zingiber officinalis 58

INDEX DES NOMS INDIGÈNES ET DES NOMS VULGAIRES


Pages.
A
Abololo 56
Acajou à pommes 45
 — du Sénégal 68, 135
Aconit 75
Agave 96
Aloès 96
Amande de palme 52
Amelliky 81
Anacarde 45, 54, 88
Ananas 96
Arachide 36, 46
B
Bachunkarico 56
Baciba 10, 98
Baci-niébé 24
Bakat 12
Bakis 85
Bambou 95, 146
Bananier 37, 96
Banyan 100, 138
Baobab 37, 59, 95, 140
Baralili 56
Barambara 71
Baticolon 56
Belancoumfo 55
Ben ailé 54, 89, 124
Bentamaré 87
Benténier 138
Berre 54, 136
Beurre de palme 52
 — de karité 50, 90
Bois-à-cochon 125
Bois-guitare 135
Bois-Ortolan 86
Bonghi 105
Boudou 61
Boudu 61
Boulines 145
Bourdou 144
Bouré 28
C
Café nègre 87
Caïlcédrat 68, 125, 134
Caïlcédrin 68
Calama 97
Calebassier 35, 36, 90
Canéficier 79, 139
Cantacoula 30, 37, 43
Cashew-gum 124
Casse 72
Cassiou 56
Cassophy 89
Chou palmiste 131, 145
Citronnier 37
Cléome 87
Cocito 89, 135
Cocotier 54
Cotonnier 53, 91
Coula 53
Courges 35
Crin végétal 151
D
Dadigogo 56
Dakissé 31
Dank 139
Dartrier 89
Dattier 37
Dekkélé 19
Delbi 104
Détar 87
Diabé 99
Diabéré 21
Diabéro 21
Diakato 32
Diala 68
Dialili 56
Diambarala 148
Dion-Mousso-Dion-Soulo 70
Djandam 89
Dolique 25
Dolo 14, 16
Dondol 94, 133
Dougoura 37, 39
Doundaké 81
Doy 81
E
Ecorce de mudar 90, 102
Enoué 30, 90
Essoun 56
F
Fafetone 96, 100
Faham 80
Fanto 24
Faux ébénier 133
Fève de Calabar 77
Fogan 79
Fonio 19
Fouff 85
Fromager 93, 125, 133
G
Gadiaba 9
Garaboubiré 56
Garigari 90
Gingembre 58
Gombo 36, 151
Gogoféré 56
Gogué 56
Gomme d’anacarde 45, 124
 — de gonakié 124
 — de kellé 124
Gonakié 124, 137
Gourou 91
Guénoudek 90
Guessékélé 9, 98
Guieb-golo 90
Guiguis 89, 136
Graines d’ambrettes 151
H
Hamariboubou 10
Hammout 43, 125
Herbe au diable 86
Herbe au mal de ventre 87
Herbe de la femme captive 70
Herbe puante 87
Hojou 88
Huile de palme 52
Huîtres de palétuviers 149
I
Igname 35
Indigo 96
J
Judali 81
K
Kaki 133
Karité 37, 50, 109, 137
Kéré 98
Khassaou 65
Khed-kred 139
Khoss 86, 98, 139
Kinkélibah 64
Kino 89
Kino de Colombie 150
 — de Gambie 89, 132
Kodioli 98
Kola 37, 91
Korté 61, 62
Kouna 62, 73
Kouno 62, 73
L
Lalo 59
Laré 37, 102
Liane-torchon 96
M
Mabolo 140
Madio 10
Maïs blanc 15
 — jaune 15
Mambo 87
Mampata 136
Mana 110
Manaba 87
Manglier 149
Mango 136
Mangue 136
Manguier 46, 136
Manioc 34
M’Bolon M’Bolon 37
M’Boull 140
Médicinier cathartique 48
Méli 87
Mil 8, 98
Mil des oiseaux 12
Morinde 98
Moule 19
Mounass 125
N
Néré 38, 139
Nété 37, 38, 139
N’Dimb 38
N’Guéné 11
N’Hydiar 58
Niamoco 30
Niattout 55, 125
Niébé 23
Niébé-Gherté 22
Noix d’acajou 45
 — de ben 89
 — de kola 91
N’Taba 37, 38, 90, 139
N’Té N’Toulou 52
O
Oignon 34
Oranger 37
Oseille de Guinée 31
Ouoro 91
Oussoudié 21
P
Pain de singe 59
Palétuvier blanc 149
 — jaune 149
 — rouge 149
Palmier nain 151
 — oléifère 51
Pamplemousse 102
Papayer 37, 89
Paqué 56
Pareira brava 81
Patates douces 25
Pêcher des nègres 81
Pembarogué Iba 28
 — Ogolli 28
Piment 29
Pois-de-cœur 80
Poivre 30
Poivre de Cayenne 29
Pouddi 99
Pourghère 48, 89
R
Rehatt 97, 139
Rhatt 97, 139
Ricin 49, 89
Riz 17
Riz malinké 18
Rocou 97
Rocouyer 97
Rônes 131
Rônier 96, 130, 144
S
Saba 37, 102
Samboni 135
Sanga-Tamba 28
Sanglé 60
Sanio 11
Sankalé 13
Sapotillier 121
Scotto 138
Sekhaou 65
Sendiègne 85
Séné 78
Séno 37, 41
Shee 50, 109
Soo 23
Souna 11
Souroure 139
Soso 23
Sottio 71
Sycomore 138
T
Tabac 141
Tabaschirs 149
Tamarinier 68, 139
Téli 60, 139
Thé de Gambie 72
Tiéoué 127
Tigalo N’galo 22
Tiokandé 12
Tirba 79
Tirbo 79
Tomates 32
Tomate cerise 33
Touloucouna 46, 53, 88, 139
Traumaticine 119
V
Vène 89, 132
Vigne du Soudan 37, 44
Vin de palme 144
Y
Yeux-crabes 150

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