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La première flétrissure

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Alexandre Dumas fils a écrit, dans l’Affaire Clémenceau :

« On s’étonne de l’immoralité, du scepticisme, de la dépravation des temps modernes : entrez dans le premier collége venu, remuez cette apparente jeunesse, appelez à la surface ce qui est au fond, analysez cette vase, vous ne vous étonnerez plus. La source est empoisonnée depuis longtemps : et quand on n’a pas été un enfant, on ne devient pas un homme. »

Cette analyse dont parle Dumas fils, j’ai tenté de la faire pour l’édification des pères de famille.

Quelques-uns crieront : Au scandale ! — Je réponds à ceux-là qu’il faut étaler sincèrement la plaie pour la pouvoir inspecter et guérir.

D’autres diront : Enfantillages ! — Je ne partage point cet optimisme.

Je n’ai pas prononcé un mot qui ne soit exact, ni rapporté un fait dont je ne puisse fournir des preuves, produire des témoins.

J’ai laissé de côté les procédés d’instruction stériles, l’enseignement mécanique, pour m’attacher exclusivement à la question des mœurs. On veut réformer les études : cela est fort bien. Mais je voudrais qu’on réformât l’éducation.

Le vice germe spontanément sur cet engrais malsain du collége : en tant que régime d’emprisonnement et d’agglomération, l’internat est mortel aux inclinations honnêtes, et, — pardon du mot, — à la vertu. Toutes les améliorations qu’on pourra inventer sont inutiles.

Je plaide la suppression radicale de l’internat, la fermeture de mauvais lieux, où sous prétexte de latin et de grec, la chair et l’esprit de nos enfants sont gâtés et s’atrophient sans retour.

Que l’affection que j’analyse soit uniquement due à l’internat, je ne le prétends point, mais je montre que l’internat la développe au point de la rendre quelquefois incurable. Loin de moi la pensée d’attaquer ni l’Université ni aucun corps enseignant : je fais le procès d’un système.

Que vos enfants soient instruits au dehors, soit. Mais c’est vous seul, père de famille, qui devez élever vos enfants, parce qu’il n’existe pas un individu sur la terre qui vous puisse remplacer dans ce quotidien labeur.

Ne le voulez-vous point ? Eh bien ! sachez au moins ce que fera d’eux le collége, et voyez si, pour reconquérir nos provinces et notre honneur perdus, nous pouvons compter sur la France de demain.

J. A.


Il n’est pas inutile d’avertir que, par le mot collége fréquemment employé au cours de ces pages, je désigne tout établissement qui recueille un certain nombre d’enfants, les loge, les nourrit, prétend les élever en lieu et place de leurs parents.

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