La Princesse De Clèves par Mme de La Fayette: Edited with Introduction and Notes
QUATRIÈME PARTIE.
Peu de jours après la mort du Roi, on résolut d'aller à Reims[1] pour le sacre.[2] Sitôt qu'on parla de ce voyage, Madame de Clèves, qui avoit toujours demeuré chez elle, feignant d'être malade, pria son mari de trouver bon qu'elle ne suivît point la Cour, et qu'elle s'en allât à Colomiers prendre l'air et songer à sa santé. Il lui répondit qu'il ne vouloit point pénétrer si c'étoit la raison de sa santé qui l'obligeoit à ne pas faire le voyage, mais qu'il consentoit qu'elle ne le fît point. Il n'eut pas de peine à consentir à une chose qu'il avoit déjà résolue. Quelque bonne opinion qu'il eût de la vertu de sa femme, il voyoit bien que la prudence ne vouloit pas qu'il l'exposât plus longtemps à la vue d'un homme qu'elle aimoit.
Monsieur de Nemours sut bientôt que Madame de Clèves ne devoit pas suivre la Cour; il ne put se résoudre à partir sans la voir, et, la veille du départ, il alla chez elle aussi tard que la bienséance le pouvoit permettre, afin de la trouver seule. La fortune favorisa son intention. Comme il entra dans la cour, il trouva Madame de Nevers et Madame de Martigues qui en sortoient, et qui lui dirent qu'elles l'avoient laissée seule. Il monta avec une agitation et un trouble qui ne se peut comparer qu'à celui qu'eut Madame de Clèves, quand on lui dit que Monsieur de Nemours venoit pour la voir. La crainte qu'elle eut qu'il ne lui parlât de sa passion, l'appréhension de lui répondre trop favorablement, l'inquiétude que cette visite pouvoit donner à son mari, la peine de lui en rendre compte ou de lui cacher toutes ces choses, se présentèrent en un moment à son esprit, et lui firent un si grand embarras, qu'elle prit la résolution d'éviter la chose du monde qu'elle souhaitoit peut-être le plus. Elle envoya une de ses femmes à Monsieur de Nemours, qui étoit dans son antichambre, pour lui dire qu'elle venoit de se trouver mal, et qu'elle étoit bien fâchée de ne pouvoir recevoir l'honneur qu'il lui vouloit faire. Quelle douleur pour ce prince de ne pas voir Madame de Clèves, et de ne la pas voir parce qu'elle ne vouloit pas qu'il la vît! Il s'en alloit le lendemain, il n'avoit plus rien à espérer du hasard; il ne lui avoit rien dit depuis cette conversation de chez Madame la Dauphine, et il avoit lieu de croire que la faute d'avoir parlé au Vidame avoit détruit toutes ses espérances; enfin, il s'en alloit avec tout ce qui peut aigrir une vive douleur.
Sitôt que Madame de Clèves fut un peu remise du trouble que lui avoit donné la pensée de la visite de ce prince, toutes les raisons qui la lui avoient fait refuser disparurent; elle trouva même qu'elle avoit fait une faute; et si elle eût osé, ou qu'il eût encore été assez à temps, elle l'auroit fait rappeler.
Mesdames de Nevers et de Martigues, en sortant de chez elle, allèrent chez la Reine Dauphine; Monsieur de Clèves y étoit. Cette princesse leur demanda d'où elles venoient; elles lui dirent qu'elles venoient de chez Monsieur de Clèves, où elles avoient passé une partie de l'après-dînée avec beaucoup de monde, et qu'elles n'y avoient laissé que Monsieur de Nemours. Ces paroles, qu'elles croyoient si indifférentes, ne l'étoient pas pour Monsieur de Clèves, quoiqu'il dût bien s'imaginer que Monsieur de Nemours pouvoit trouver souvent des occasions de parler à sa femme. Néanmoins, la pensée qu'il étoit chez elle, qu'il y étoit seul, et qu'il lui pouvoit parler de son amour, lui parut dans ce moment une chose si nouvelle et si insupportable, que la jalousie s'alluma dans son cœur avec plus de violence qu'elle n'avoit encore fait. Il lui fut impossible de demeurer chez la Reine; il s'en revint, ne sachant pas même pourquoi il revenoit, et s'il avoit dessein d'aller interrompre Monsieur de Nemours. Sitôt qu'il approcha de chez lui, il regarda s'il ne verroit rien qui lui pût faire juger si ce prince y étoit encore: il sentit du soulagement en voyant qu'il n'y étoit plus, et il trouva de la douceur à penser qu'il ne pouvoit y avoir demeuré longtemps. Il s'imagina que ce n'étoit peut-être pas Monsieur de Nemours dont il devoit être jaloux; et, quoiqu'il n'en doutât point, il cherchoit à en douter; mais tant de choses l'en avoient persuadé, qu'il ne demeuroit pas longtemps dans cette incertitude qu'il désiroit. Il alla d'abord dans la chambre de sa femme, et, après lui avoir parlé quelque temps de choses indifférentes, il ne put s'empêcher de lui demander ce qu'elle avoit fait, et qui elle avoit vu: elle lui en rendit compte. Comme il vit qu'elle ne lui nommoit point Monsieur de Nemours, il lui demanda en tremblant si c'étoit tout ce qu'elle avoit vu, afin de lui donner lieu de nommer ce prince, et de n'avoir pas la douleur qu'elle lui en fît une finesse.[1] Comme elle ne l'avoit point vu, elle ne le lui nomma point, et Monsieur de Clèves, reprenant la parole avec un ton qui marquoit son affliction: "Et Monsieur de Nemours, lui dit-il, ne l'avez-vous point vu, ou l'avez-vous oublié?"
"Je ne l'ai point vu en effet, répondit-elle; je me trouvois mal, et j'ai envoyé une de mes femmes lui faire des excuses."
"Vous ne vous trouviez donc mal que pour lui, reprit Monsieur de Clèves, puisque vous avez vu tout le monde? Pourquoi des distinctions pour Monsieur de Nemours? Pourquoi ne vous est-il pas comme un autre? Pourquoi faut-il que vous craigniez sa vue? Pourquoi lui laissez-vous voir que vous le craignez? Pourquoi lui faites-vous connoître que vous vous servez du pouvoir que sa passion vous donne sur lui? Oseriez-vous refuser de le voir, si vous ne saviez bien qu'il distingue vos rigueurs de l'incivilité? Mais pourquoi faut-il que vous ayez des rigueurs pour lui? D'une personne comme vous, Madame, tout est des faveurs, hors l'indifférence."
"Je ne croyois pas, reprit Madame de Clèves, quelque soupçon que vous ayez sur Monsieur de Nemours, que vous puissiez me faire des reproches de ne l'avoir pas vu."
"Je vous en fais pourtant, Madame, répliqua-t-il, et ils sont bien fondés. Pourquoi ne le pas voir, s'il ne vous a rien dit? Mais, Madame, il vous a parlé; si son silence seul vous avoit témoigné sa passion, elle n'auroit pas fait en vous une si grande impression; vous n'avez pu me dire la vérité toute entière, vous m'en avez caché la plus grande partie; vous vous êtes repentie même du peu que vous m'avez avoué, et vous n'avez pas eu la force de continuer. Je suis plus malheureux que je ne l'ai cru, et je suis le plus malheureux de tous les hommes. Vous êtes ma femme, je vous aime comme ma maîtresse, et je vous en vois aimer un autre! Cet autre est le plus aimable de la Cour, et il vous voit tous les jours, il sait que vous l'aimez. Et j'ai pu croire, s'écria-t-il, que vous surmonteriez la passion que vous avez pour lui! Il faut que j'aie perdu la raison, pour avoir cru qu'il fût possible."
"Je ne sais, reprit tristement Madame de Clèves, si vous avez eu tort de juger favorablement d'un procédé aussi extraordinaire que le mien; je ne sais si je ne me suis trompée d'avoir cru que vous me feriez justice."
"N'en doutez pas, Madame, répliqua Monsieur de Clèves; vous vous êtes trompée; vous avez attendu de moi des choses aussi impossibles que celles que j'attendois de vous. Comment pouviez-vous espérer que je conservasse de la raison? Vous aviez donc oublié que je vous aimois éperdument, et que j'étois votre mari? L'un des deux peut porter aux extrémités; que ne peuvent point les deux ensemble! Hé! que ne font-ils point aussi! continua-t-il. Je n'ai que des sentiments violents et incertains dont je ne suis pas le maître: je ne me trouve plus digne de vous; vous ne me paroissez plus digne de moi; je vous adore, je vous hais; je vous offense, je vous demande pardon; je vous admire, j'ai honte de vous admirer; enfin, il n'y a plus en moi ni de calme ni de raison. Je ne sais comment j'ai pu vivre depuis que vous me parlâtes à Colomiers, et depuis le jour que vous apprîtes de Madame la Dauphine que l'on savoit votre aventure. Je ne saurois démêler par où elle a été sue, ni ce qui se passa entre Monsieur de Nemours et vous sur ce sujet: vous ne me l'expliquerez jamais, et je ne vous demande point de me l'expliquer; je vous demande seulement de vous souvenir que vous m'avez rendu le plus malheureux homme du monde."
Monsieur de Clèves sortit de chez sa femme après ces paroles, et partit le lendemain sans la voir; mais il lui écrivit une lettre pleine d'affliction, d'honnêteté et de douceur. Elle y fit une réponse si touchante et si remplie d'assurance de sa conduite passée et de celle qu'elle auroit à l'avenir, que comme ses assurances étoient fondées sur la vérité, et que c'étoit en effet ses sentiments, cette lettre fit de l'impression sur Monsieur de Clèves, et lui donna quelque calme; joint que, Monsieur de Nemours allant trouver le Roi, aussi bien que lui, il avoit le repos de savoir qu'il ne seroit pas au même lieu que Madame de Clèves. Toutes les fois que cette princesse parloit à son mari, la passion qu'il lui témoignoit, l'honnêteté de son procédé, l'amitié qu'elle avoit pour lui, et ce qu'elle lui devoit, faisoient des impressions dans son cœur qui affoiblissoient l'idée de Monsieur de Nemours; mais ce n'étoit que pour quelque temps, et cette idée revenoit bientôt plus vive et plus présente qu'auparavant.
Les premiers jours du départ de ce prince, elle ne sentit quasi pas son absence; ensuite elle lui parut cruelle; depuis qu'elle l'aimoit, il ne s'étoit point passé de jour qu'elle n'eût craint ou espéré de le rencontrer; et elle trouva une grande peine à penser qu'il n'étoit plus au pouvoir du hasard de faire qu'elle le rencontrât.
Elle s'en alla à Colomiers, et, en y allant, elle eut soin d'y faire porter de grands tableaux qu'elle avoit fait copier sur des originaux qu'avoit fait faire Madame de Valentinois pour sa belle maison d'Anet.[1] Toutes les actions remarquables qui s'étoient passées du règne du Roi étoient dans ces tableaux. Il y avoit entre autres le siége de Metz, et tous ceux qui s'y étoient distingués étoient peints fort ressemblants; Monsieur de Nemours étoit de ce nombre, et c'étoit peut-être ce qui avoit donné envie à Madame de Clèves d'avoir ces tableaux.
Madame de Martigues, qui n'avoit pu partir avec la Cour, lui promit d'aller passer quelques jours à Colomiers. Elle trouva Madame de Clèves dans une vie fort solitaire. Cette princesse avoit même cherché le moyen d'être dans une solitude entière, et de passer les soirs dans les jardins, sans être accompagnée de ses domestiques. Elle venoit dans ce pavillon où Monsieur de Nemours l'avoit écoutée; elle entroit dans le cabinet qui étoit ouvert sur le jardin. Ses femmes et ses domestiques demeuroient dans l'autre cabinet, ou sous le pavillon, et ne venoient point à elle qu'elle ne les appelât. Madame de Martigues n'avoit jamais vu Colomiers; elle fut surprise de toutes les beautés qu'elle y trouva, et surtout de l'agrément de ce pavillon; Madame de Clèves et elle y passoient tous les soirs. La liberté de se trouver seules, la nuit, dans le plus beau lieu du monde, ne laissoit pas finir la conversation entre deux jeunes personnes qui avoient des passions violentes dans le cœur; et, quoiqu'elles ne s'en fissent point de confidence, elles trouvoient un grand plaisir à se parler. Madame de Martigues auroit eu de la peine à quitter Colomiers, si, en le quittant, elle n'eût pas dû aller dans un lieu où étoit le Vidame; elle partit pour aller à Chambort,[2] où la Cour étoit alors.
Le sacre avoit été fait à Reims par le cardinal de Lorraine, et l'on devoit passer le reste de l'été dans le château de Chambort, qui étoit nouvellement bâti. La Reine témoigna une grande joie de revoir Madame de Martigues; et, après lui en avoir donné plusieurs marques, elle lui demanda des nouvelles de Madame de Clèves et de ce qu'elle faisoit à la campagne. Monsieur de Nemours et Monsieur de Clèves étoient alors chez cette Reine. Madame de Martigues, qui avoit trouvé Colomiers admirable, en conta toutes les beautés, et elle s'étendit extrêmement sur la description de ce pavillon de la forêt, et sur le plaisir qu'avoit Madame de Clèves de s'y promener seule une partie de la nuit. Monsieur de Nemours, qui connoissoit assez le lieu pour entendre ce qu'en disoit Madame de Martigues, pensa qu'il n'étoit pas impossible qu'il y pût voir Madame de Clèves sans être vu que d'elle. Il fit quelques questions à Madame de Martigues pour s'en éclaircir encore; et Monsieur de Clèves, qui l'avoit toujours regardé pendant que Madame de Martigues avoit parlé, crut voir dans ce moment ce qui lui passoit dans l'esprit. Les questions que fit ce prince le confirmèrent encore dans cette pensée, en sorte qu'il ne douta point qu'il n'eût dessein d'aller voir sa femme. Il ne se trompoit pas dans ses soupçons: ce dessein entra si fortement dans l'esprit de Monsieur de Nemours, qu'après avoir passé la nuit à songer au moyen de l'exécuter, dès le lendemain matin il demanda congé au Roi pour aller à Paris, sur quelque prétexte qu'il inventa.
Monsieur de Clèves ne douta point du sujet de ce voyage; mais il résolut de s'éclaircir de la conduite de sa femme, et de ne pas demeurer dans une cruelle incertitude. Il eut envie de partir en même temps que Monsieur de Nemours, et de venir lui-même, caché, découvrir quel succès auroit ce voyage; mais, craignant que son départ ne parût extraordinaire, et que Monsieur de Nemours, en étant averti, ne prît d'autres mesures, il résolut de se fier à un gentilhomme qui étoit à lui, dont il connoissoit la fidélité et l'esprit. Il lui conta dans quel embarras il se trouvoit; il lui dit quelle avoit été jusque alors la vertu de Madame de Clèves, et lui ordonna de partir sur les pas de Monsieur de Nemours, de l'observer exactement, de voir s'il n'iroit point à Colomiers, et s'il n'entreroit point la nuit dans le jardin.
Le gentilhomme, qui étoit très-capable d'une telle commission, s'en acquitta avec toute l'exactitude imaginable. Il suivit Monsieur de Nemours jusqu'à un village à une demie lieue de Colomiers, où ce prince s'arrêta, et le gentilhomme devina aisément que c'étoit pour y attendre la nuit. Il ne crut pas à propos de l'y attendre aussi; il passa le village et alla dans la forêt, à l'endroit par où il jugeoit que Monsieur de Nemours pouvoit passer. Il ne se trompa point dans tout ce qu'il avoit pensé: sitôt que la nuit fut venue, il entendit marcher, et, quoiqu'il fît obscur, il reconnut aisément Monsieur de Nemours; il le vit faire le tour du jardin, comme pour écouter s'il n'y entendroit personne, et pour choisir le lieu par où il pourroit passer le plus aisément. Les palissades étoient fort hautes, et il y en avoit encore derrière, pour empêcher qu'on ne pût entrer; en sorte qu'il étoit assez difficile de se faire passage.
Monsieur de Nemours en vint à bout néanmoins. Sitôt qu'il fut dans ce jardin, il n'eut pas de peine à démêler où étoit Madame de Clèves: il vit beaucoup de lumières dans le cabinet; toutes les fenêtres en étoient ouvertes; et, en se glissant le long des palissades, il s'en approcha avec un trouble et une émotion qu'il est aisé de se représenter. Il se rangea derrière une des fenêtres qui servoient de porte, pour voir ce que faisoit Madame de Clèves. Il vit qu'elle étoit seule; mais il la vit d'une si admirable beauté, qu'à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue. Il faisoit chaud, et elle n'avoit rien sur sa tête et sur sa gorge, que ses cheveux confusément rattachés. Elle étoit sur un lit de repos, avec une table devant elle, où il y avoit plusieurs corbeilles pleines de rubans; elle en choisit quelques-uns, et Monsieur de Nemours remarqua que c'étoit des mêmes couleurs qu'il avoit portées au tournoi. Il vit qu'elle en faisoit des nœuds à une canne des Indes fort extraordinaire qu'il avoit portée quelque temps, et qu'il avoit donnée à sa sœur, à qui Madame de Clèves l'avoit prise sans faire semblant de la reconnoître pour avoir été à Monsieur de Nemours. Après qu'elle eut achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur que répandoient sur son visage les sentiments qu'elle avoit dans le cœur, elle prit un flambeau et s'en alla proche d'une grande table vis-à-vis du tableau du siége de Metz, où étoit le portrait de Monsieur de Nemours; elle s'assit et se mit à regarder ce portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner.
On ne peut exprimer ce que sentit Monsieur de Nemours dans ce moment. Voir, au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu'il adoroit; la voir sans qu'elle sût qu'il la voyoit, et la voir toute occupée de choses qui avoient du rapport à lui et à la passion qu'elle lui cachoit, c'est ce qui n'a jamais été goûté ni imaginé par nul autre amant.
Ce prince étoit aussi tellement hors de lui-même, qu'il demeuroit immobile à regarder Madame de Clèves, sans songer que les moments lui étoient précieux. Quand il fut un peu remis, il pensa qu'il devoit attendre à lui parler qu'elle allât dans le jardin; il crut qu'il le pourroit faire avec plus de sûreté, parce qu'elle seroit plus éloignée de ses femmes; mais, voyant qu'elle demeuroit dans le cabinet, il prit la résolution d'y entrer. Quand il voulut l'exécuter, quel trouble n'eut-il point! Quelle crainte de lui déplaire! Quelle peur de faire changer ce visage où il y avoit tant de douceur, et de le voir devenir plein de sévérité et de colère!
Il trouva qu'il y avoit eu de la folie, non pas à venir voir Madame de Clèves sans être vu, mais à penser de s'en faire voir; il vit tout ce qu'il n'avoit point encore envisagé. Il lui parut de l'extravagance dans sa hardiesse de venir surprendre, au milieu de la nuit, une personne à qui il n'avoit encore jamais parlé de son amour. Il pensa qu'il ne devoit pas prétendre qu'elle le voulût écouter, et qu'elle auroit une juste colère du péril où il l'exposoit par les accidents qui pouvoient arriver. Tout son courage l'abandonna, et il fut prêt plusieurs fois à prendre la résolution de s'en retourner sans se faire voir. Poussé néanmoins par le désir de lui parler, et rassuré par les espérances que lui donnoit tout ce qu'il avoit vu, il avança quelques pas, mais avec tant de trouble qu'une écharpe qu'il avoit s'embarrassa dans la fenêtre, en sorte qu'il fit du bruit. Madame de Clèves tourna la tête, et, soit qu'elle eût l'esprit rempli de ce prince, ou qu'il fût dans un lieu où la lumière donnoit assez pour qu'elle le pût distinguer, elle crut le reconnoître; et, sans balancer ni se retourner du côté où il étoit, elle entra dans le lieu où étoient ses femmes.
Elle y entra avec tant de trouble, qu'elle fut contrainte, pour le cacher, de dire qu'elle se trouvoit mal, et elle le dit aussi pour occuper tous ses gens, et pour donner le temps à Monsieur de Nemours de se retirer. Quand elle eut fait quelque réflexion, elle pensa qu'elle s'étoit trompée, et que c'étoit un effet de son imagination d'avoir cru voir Monsieur de Nemours. Elle savoit qu'il étoit à Chambort; elle ne trouvoit nulle apparence qu'il eût entrepris une chose si hasardeuse: elle eut envie plusieurs fois de rentrer dans le cabinet, et d'aller voir dans le jardin s'il y avoit quelqu'un. Peut-être souhaitoit-elle autant qu'elle le craignoit d'y trouver Monsieur de Nemours; mais enfin la raison et la prudence l'emportèrent sur tous ses autres sentiments, et elle trouva qu'il valoit mieux demeurer dans le doute où elle étoit, que de prendre le hasard de s'en éclaircir. Elle fut longtemps à se résoudre à sortir d'un lieu dont elle pensoit que ce prince étoit peut-être si proche, et il étoit quasi jour quand elle revint au château.
Monsieur de Nemours étoit demeuré dans le jardin tant qu'il avoit vu de la lumière: il n'avoit pu perdre l'espérance de revoir Madame de Clèves, quoiqu'il fût persuadé qu'elle l'avoit reconnu, et qu'elle n'étoit sortie que pour l'éviter; mais, voyant qu'on fermoit les portes, il jugea bien qu'il n'avoit plus rien à espérer. Il vint reprendre son chemin tout proche du lieu où attendoit le gentilhomme de Monsieur de Clèves. Ce gentilhomme le suivit jusqu'au même village d'où il étoit parti le soir. Monsieur de Nemours se résolut d'y passer tout le jour, afin de retourner la nuit à Colomiers, pour voir si Madame de Clèves auroit encore la cruauté de le fuir, ou celle de ne se pas exposer à être vue.
Il attendit la nuit avec impatience; et quand elle fut venue, il reprit le chemin de Colomiers. Le gentilhomme de Monsieur de Clèves, qui s'étoit déguisé afin d'être moins remarqué, le suivit jusqu'au lieu où il l'avoit suivi le soir d'auparavant, et le vit entrer dans le même jardin. Ce prince connut bientôt que Madame de Clèves n'avoit pas voulu hasarder qu'il essayât encore de la voir: toutes les portes étoient fermées. Il tourna de tous les côtés pour découvrir s'il ne verroit point de lumières; mais ce fut inutilement.
Madame de Clèves, s'étant doutée que Monsieur de Nemours pourroit revenir, étoit demeurée dans sa chambre; elle avoit appréhendé de n'avoir pas toujours la force de le fuir, et elle n'avoit pas voulu se mettre au hasard de lui parler d'une manière si peu conforme à la conduite qu'elle avoit eue jusqu'alors.
Quoique Monsieur de Nemours n'eût aucune espérance de la voir, il ne put se résoudre à sortir sitôt d'un lieu où elle étoit si souvent. Il passa la nuit entière dans le jardin, et trouva quelque consolation à voir du moins les mêmes objets qu'elle voyoit tous les jours. Le soleil étoit levé devant qu'il pensât à se retirer; mais enfin la crainte d'être découvert l'obligea à s'en aller.
Il lui fut impossible de s'éloigner sans voir Madame de Clèves; et il alla chez Madame de Mercœur, qui étoit alors dans cette maison qu'elle avoit proche de Colomiers. Elle fut extrêmement surprise de l'arrivée de son frère. Il inventa une cause de son voyage assez vraisemblable pour la tromper, et enfin il conduisit si habilement son dessein, qu'il l'obligea à lui proposer d'elle-même d'aller chez Madame de Clèves. Cette proposition fut exécutée dès le même jour, et Monsieur de Nemours dit à sa sœur qu'il la quitteroit à Colomiers, pour s'en retourner en diligence trouver le Roi. Il fit ce dessein de la quitter à Colomiers, dans la pensée de l'en laisser partir la première; et il crut avoir trouvé un moyen infaillible de parler à Madame de Clèves.
Comme ils arrivèrent, elle se promenoit dans une grande allée qui borde le parterre. La vue de Monsieur de Nemours ne lui causa pas un médiocre trouble, et ne lui laissa plus douter que ce ne fût lui qu'elle avoit vu la nuit précédente. Cette certitude lui donna quelque mouvement de colère, par la hardiesse et l'imprudence qu'elle trouvoit dans ce qu'il avoit entrepris. Ce prince remarqua une impression de froideur sur son visage qui lui donna une sensible douleur. La conversation fut de choses indifférentes, et néanmoins il trouva l'art d'y faire paroître tant d'esprit, tant de complaisance, et tant d'admiration pour Madame de Clèves, qu'il dissipa malgré elle une partie de la froideur qu'elle avoit eue d'abord.
Lorsqu'il se sentit rassuré de sa première crainte, il témoigna une extrême curiosité d'aller voir le pavillon de la forêt; il en parla comme du plus agréable lieu du monde, et en fit même une description si particulière, que Madame de Mercœur lui dit qu'il falloit qu'il y eût été plusieurs fois pour en connoître si bien toutes les beautés. "Je ne crois pourtant pas, reprit Madame de Clèves, que Monsieur de Nemours y ait jamais entré; c'est un lieu qui n'est achevé que depuis peu."
"Il n'y a pas longtemps aussi que j'y ai été, reprit Monsieur de Nemours en la regardant, et je ne sais si je ne dois point être bien aise que vous ayez oublié de m'y avoir vu."
Madame de Mercœur, qui regardoit la beauté des jardins, n'avoit point d'attention à ce que disoit son frère. Madame de Clèves rougit, et, baissant les yeux sans regarder Monsieur de Nemours: "Je ne me souviens point, lui dit-elle, de vous y avoir vu; et, si vous y avez été, c'est sans que je l'aie su."
"Il est vrai, Madame, répliqua Monsieur de Nemours, que j'y ai été sans vos ordres, et j'y ai passé les plus doux et les plus cruels moments de ma vie."
Madame de Clèves entendoit trop bien tout ce que disoit ce prince; mais elle n'y répondit point: elle songea à empêcher Madame de Mercœur d'aller dans ce cabinet, parce que le portrait de Monsieur de Nemours y étoit, et qu'elle ne vouloit pas qu'elle l'y vît. Elle fit si bien que le temps se passa insensiblement, et Madame de Mercœur parla de s'en retourner; mais quand Madame de Clèves vit que Monsieur de Nemours et sa sœur ne s'en alloient pas ensemble, elle jugea bien à quoi elle alloit être exposée: elle se trouva dans le même embarras où elle s'étoit trouvée à Paris, et elle prit aussi le même parti. La crainte que cette visite ne fût encore une confirmation des soupçons qu'avoit son mari ne contribua pas peu à la déterminer; et, pour éviter que Monsieur de Nemours ne demeurât seul avec elle, elle dit à Madame de Mercœur qu'elle l'alloit conduire jusques au bord de la forêt, et elle ordonna que son carrosse la suivît. La douleur qu'eut ce prince de trouver toujours cette même continuation des rigueurs en Madame de Clèves fut si violente qu'il en pâlit dans le même moment. Madame de Mercœur lui demanda s'il se trouvoit mal; mais il regarda Madame de Clèves, sans que personne s'en aperçût, et il lui fit juger, par ses regards, qu'il n'avoit d'autre mal que son désespoir. Cependant il fallut qu'il les laissât partir sans oser les suivre; et, après ce qu'il avoit dit, il ne pouvoit plus retourner avec sa sœur. Ainsi il revint à Paris, et en partit le lendemain.
Le gentilhomme de Monsieur de Clèves l'avoit toujours observé; il revint aussi à Paris; et, comme il vit Monsieur de Nemours parti pour Chambort, il prit la poste, afin d'y arriver devant lui, et de rendre compte de son voyage. Son maître attendoit son retour comme ce qui alloit décider du malheur de toute sa vie.
Sitôt qu'il le vit, il jugea, par son visage et par son silence, qu'il n'avoit que des choses fâcheuses à lui apprendre. Il demeura quelque temps saisi d'affliction, la tête baissée, sans pouvoir parler; enfin, il lui fit signe de la main de se retirer. "Allez, lui dit-il, je vois ce que vous avez à me dire; mais je n'ai pas la force de l'écouter."
"Je n'ai rien à vous apprendre, lui répondit le gentilhomme, sur quoi on puisse faire de jugement assuré. Il est vrai que Monsieur de Nemours a entré deux nuits de suite dans le jardin de la forêt, et qu'il a été le jour d'après à Colomiers, avec Madame de Mercœur."
"C'est assez, répliqua Monsieur de Clèves, c'est assez, en lui faisant encore signe de se retirer, et je n'ai pas besoin d'un plus grand éclaircissement."
Le gentilhomme fut contraint de laisser son maître abandonné à son désespoir. Il n'y en a peut-être jamais eu un plus violent, et peu d'hommes d'un aussi grand courage et d'un cœur aussi passionné que Monsieur de Clèves ont ressenti en même temps la douleur que cause l'infidélité d'une maîtresse et la honte d'être trompé par une femme.
Monsieur de Clèves ne put résister à l'accablement où il se trouva. La fièvre lui prit dès la nuit même, et avec de si grands accidents que dès ce moment sa maladie parut très-dangereuse. On en donna avis à Madame de Clèves: elle vint en diligence. Quand elle arriva, il étoit encore plus mal; elle lui trouva quelque chose de si froid et de si glacé pour elle, qu'elle en fut extrêmement surprise et affligée. Il lui parut même qu'il recevoit avec peine les services qu'elle lui rendoit; mais enfin elle pensa que c'étoit peut-être un effet de sa maladie.
D'abord qu'elle fut à Blois[1], où la Cour étoit alors, Monsieur de Nemours ne put s'empêcher d'avoir de la joie de savoir qu'elle étoit dans le même lieu que lui. Il essaya de la voir, et alla tous les jours chez Monsieur de Clèves, sur le prétexte de savoir de ses nouvelles; mais ce fut inutilement. Elle ne sortoit point de la chambre de son mari, et avoit une douleur violente de l'état où elle le voyoit. Monsieur de Nemours étoit désespéré qu'elle fût si affligée; il jugeoit aisément combien cette affliction renouveloit l'amitié qu'elle avoit pour Monsieur de Clèves, et combien cette amitié faisoit une diversion dangereuse à la passion qu'elle avoit dans le cœur. Ce sentiment lui donna un chagrin mortel pendant quelque temps; mais l'extrémité du mal de Monsieur de Clèves lui ouvrit de nouvelles espérances. Il vit que Madame de Clèves seroit peut-être en liberté de suivre son inclination, et qu'il pourrait trouver dans l'avenir une suite de bonheur et de plaisirs durables. Il ne pouvoit soutenir cette pensée tant elle lui donnoit de trouble et de transports, et il en éloignoit son esprit par la crainte de se trouver trop malheureux s'il venoit à perdre ses espérances.
Cependant Monsieur de Clèves étoit presque abandonné des médecins. Un des derniers jours de son mal, après avoir passé une nuit très-fâcheuse, il dit, sur le matin, qu'il vouloit reposer. Madame de Clèves demeura seule dans sa chambre. Il lui parut qu'au lieu de reposer, il avoit beaucoup d'inquiétude; elle s'approcha, et se vint mettre à genoux devant son lit, le visage tout couvert de larmes. Monsieur de Clèves avoit résolu de ne lui point témoigner le violent chagrin qu'il avoit contre elle; mais les soins qu'elle lui rendoit, et son affliction, qui lui paroissoit quelquefois véritable, et qu'il regardoit aussi quelquefois comme des marques de dissimulation et de perfidie, lui causoient des sentiments si opposés et si douloureux, qu'il ne les put renfermer en lui-même.
"Vous versez bien des pleurs, Madame, lui dit-il, pour une mort que vous causez et qui ne vous peut donner la douleur que vous faites paroître. Je ne suis plus en état de vous faire des reproches, continua-t-il avec une voix affoiblie par la maladie et par la douleur; mais je meurs du cruel déplaisir que vous m'avez donné. Falloit-il qu'une action aussi extraordinaire que celle que vous aviez faite de me parler à Colomiers eût si peu de suite? Pourquoi m'éclairer sur la passion que vous aviez pour Monsieur de Nemours, si votre vertu n'avoit pas plus d'étendue pour y résister? Je vous aimois jusqu'à être bien aise d'être trompé, je l'avoue à ma honte; j'ai regretté ce faux repos dont vous m'avez tiré. Que[1] ne me laissiez-vous dans cet aveuglement tranquille dont jouissent tant de maris? J'eusse peut-être ignoré toute ma vie que vous aimiez Monsieur de Nemours. Je mourrai, ajouta-t-il; mais sachez que vous me rendez la mort agréable, et qu'après m'avoir ôté l'estime et la tendresse que j'avois pour vous, la vie me feroit horreur. Adieu, Madame. Vous regretterez quelque jour un homme qui vous aimoit d'une passion véritable et légitime. Vous sentirez le chagrin que trouvent les personnes raisonnables dans ces engagements, et vous connoîtrez la différence d'être aimée comme je vous aimois, à l'être par des gens qui, en vous témoignant de l'amour, ne cherchent que l'honneur de vous séduire; mais ma mort vous laissera en liberté, ajouta-t-il, et vous pourrez rendre Monsieur de Nemours heureux sans qu'il vous en coûte des crimes. Qu'importe, reprit-il, ce qui arrivera quand je ne serai plus, et faut-il que j'aie la foiblesse d'y jeter les yeux!"
Madame de Clèves étoit si éloignée de s'imaginer que son mari pût avoir des soupçons contre elle, qu'elle écouta toutes ces paroles sans les comprendre et sans avoir d'autre idée, sinon qu'il lui reprochoit son inclination pour Monsieur de Nemours. Enfin, sortant tout d'un coup de son aveuglement: "Moi, des crimes! s'écria-t-elle; la pensée même m'en est inconnue. La vertu la plus austère ne peut inspirer d'autre conduite que celle que j'ai eue, et je n'ai jamais fait d'action dont je n'eusse souhaité que vous eussiez été témoin."
"Eussiez-vous souhaité, répliqua Monsieur de Clèves en la regardant avec dédain, que je l'eusse été des nuits que vous avez passées avec Monsieur de Nemours? Ah! Madame, est-ce de vous dont je parle,[1] quand je parle d'une femme qui a passé des nuits avec un homme?"
"Non, Monsieur, reprit-elle; non, ce n'est pas moi dont vous parlez; je n'ai jamais passé ni de nuits ni de moments avec Monsieur de Nemours; il ne m'a jamais vue en particulier; je ne l'ai jamais souffert ni écouté, et j'en ferois tous les serments."
"N'en dites pas davantage, interrompit Monsieur de Clèves; de faux serments ou un aveu me feroient peut-être une égale peine."
Madame de Clèves ne pouvoit répondre; ses larmes et sa douleur lui ôtoient la parole; enfin, faisant un effort: "Regardez-moi, du moins; écoutez-moi, lui dit-elle; s'il n'y alloit que de mon intérêt,[1] je souffrirois ces reproches; mais il y va de votre vie. Écoutez-moi pour l'amour de vous-même; il est impossible qu'avec tant de vérité je ne vous persuade mon innocence."
"Plût à Dieu que vous me la puissiez persuader, s'écria-t-il; mais que me pouvez-vous dire? Monsieur de Nemours n'a-t-il pas été à Colomiers avec sa sœur, et n'avoit-il pas passé les deux nuits précédentes avec vous dans le jardin de la forêt?"
"Si c'est là mon crime, répliqua-t-elle, il m'est aisé de me justifier; je ne vous demande point de me croire; mais croyez tous vos domestiques, et sachez si j'allai dans le jardin de la forêt la veille que Monsieur de Nemours vint à Colomiers, et si je n'en sortis pas le soir d'auparavant deux heures plus tôt que je n'avois accoutumé."
Elle lui conta ensuite comme elle avoit cru voir quelqu'un dans ce jardin; elle lui avoua qu'elle avoit cru que c'étoit Monsieur de Nemours. Elle lui parla avec tant d'assurance, et la vérité se persuade si aisément lors même qu'elle n'est pas vraisemblable, que Monsieur de Clèves fut presque convaincu de son innocence.
"Je ne sais, lui dit-il, si je me dois laisser aller à vous croire: je me sens si proche de la mort, que je ne veux rien voir de ce qui me pourroit faire regretter la vie. Vous m'avez éclairci trop tard; mais ce me sera toujours un soulagement d'emporter la pensée que vous êtes digne de l'estime que j'ai eue pour vous. Je vous prie que je puisse encore avoir la consolation de croire que ma mémoire vous sera chère, et que, s'il eût dépendu de vous, vous eussiez eu pour moi les sentiments que vous avez pour un autre." Il voulut continuer, mais une foiblesse lui ôta la parole. Madame de Clèves fit venir les médecins; ils le trouvèrent presque sans vie. Il languit néanmoins encore quelques jours et mourut enfin avec une constance admirable.
Madame de Clèves demeura dans une affliction si violente qu'elle perdit quasi l'usage de la raison. La Reine la vint voir avec soin et la mena dans un couvent, sans qu'elle sût où on la conduisoit. Ses belles-sœurs la ramenèrent à Paris, qu'elle n'étoit pas encore en état de sentir distinctement sa douleur. Quand elle commença d'avoir la force de l'envisager, et qu'elle vit quel mari elle avoit perdu, qu'elle considéra qu'elle étoit la cause de sa mort, et que c'étoit par la passion qu'elle avoit eue pour un autre qu'elle en étoit cause, l'horreur qu'elle eut pour elle-même et pour Monsieur de Nemours ne se peut représenter.
Ce prince n'osa, dans ces commencements, lui rendre d'autres soins que ceux que lui ordonnoit la bienséance. Il connoissoit assez Madame de Clèves pour croire qu'un plus grand empressement lui seroit désagréable; mais ce qu'il apprit ensuite lui fit bien voir qu'il devoit avoir longtemps la même conduite.
Un écuyer qu'il avoit lui conta que le gentilhomme de Monsieur de Clèves, qui étoit son ami intime, lui avoit dit, dans sa douleur de la perte de son maître, que le voyage de Monsieur de Nemours à Colomiers étoit cause de sa mort. Monsieur de Nemours fut extrêmement surpris de ce discours; mais, après y avoir fait réflexion, il devina une partie de la vérité, et il jugea bien quels seroient d'abord les sentiments de Madame de Clèves, et quel éloignement elle auroit de lui, si elle croyoit que le mal de son mari eût été causé par la jalousie. Il crut qu'il ne falloit pas même la faire sitôt souvenir de son nom, et il suivit cette conduite, quelque pénible qu'elle lui parût.
Il fit un voyage à Paris, et ne put s'empêcher d'aller néanmoins à sa porte pour apprendre de ses nouvelles. On lui dit que personne ne la voyoit, et qu'elle avoit même défendu qu'on lui rendît compte de ceux qui l'iroient chercher. Peut-être que ces ordres si exacts étoient donnés en vue de ce prince et pour ne point entendre parler de lui. Monsieur de Nemours étoit trop amoureux pour pouvoir vivre si absolument privé de la vue de Madame de Clèves. Il résolut de trouver des moyens, quelque difficiles qu'ils pussent être, de sortir d'un état qui lui paroissoit si insupportable.
La douleur de cette princesse passoit les bornes de la raison. Ce mari mourant, et mourant à cause d'elle et avec tant de tendresse pour elle, ne lui sortoit point de l'esprit; elle repassoit incessamment tout ce qu'elle lui devoit, et elle se faisoit un crime de n'avoir pas eu de la passion pour lui, comme si c'eût été une chose qui eût été en son pouvoir. Elle ne trouvoit de consolation qu'à penser qu'elle le regrettoit autant qu'il méritoit d'être regretté, et qu'elle ne feroit, dans le reste de sa vie, que ce qu'il auroit été bien aise qu'elle eût fait s'il avoit vécu.[1]
Elle avoit pensé plusieurs fois comment il avoit su que Monsieur de Nemours étoit venu à Colomiers; elle ne soupçonnoit pas ce prince de l'avoir conté, et il lui paroissoit même indifférent qu'il l'eût redit, tant elle se croyoit guérie et éloignée de la passion qu'elle avoit eue pour lui. Elle sentoit néanmoins une douleur vive de s'imaginer qu'il étoit cause de la mort de son mari, et elle se souvenoit avec peine de la crainte que Monsieur de Clèves lui avoit témoignée en mourant qu'elle ne l'épousât; mais toutes ces douleurs se confondoient dans celle de la perte de son mari, et elle croyoit n'en avoir point d'autre.
Après que plusieurs mois furent passés, elle sortit de cette violente affliction où elle étoit et passa dans un état de tristesse et de langueur. Un jour, ne pouvant demeurer avec elle-même, elle sortit et alla prendre l'air dans un jardin hors des faubourgs, où elle pensoit être seule. Elle crut, en y arrivant, qu'elle ne s'étoit pas trompée; elle ne vit aucune apparence qu'il y eût quelqu'un, et elle se promena assez longtemps.
Après avoir traversé un petit bois, elle aperçut au bout d'une allée, dans l'endroit le plus reculé du jardin, une manière de cabinet ouvert de tous côtés, où elle adressa ses pas. Comme elle en fut proche, elle vit un homme couché sur des bancs, qui paroissoit enseveli dans une rêverie profonde, et elle reconnut que c'étoit Monsieur de Nemours. Cette vue l'arrêta tout court; mais ses gens, qui la suivoient, firent quelque bruit qui tira Monsieur de Nemours de sa rêverie. Sans regarder qui avoit causé le bruit qu'il avoit entendu, il se leva de sa place pour éviter la compagnie qui venoit vers lui et tourna dans une autre allée, en faisant une révérence fort basse qui l'empêcha même de voir ceux qu'il saluoit.
S'il eût su ce qu'il évitoit, avec quelle ardeur seroit-il retourné sur ses pas! Mais il continua à suivre l'allée, et Madame de Clèves le vit sortir par une porte de derrière où l'attendoit son carrosse. Quel effet produisit cette vue d'un moment dans le cœur de Madame de Clèves! Quelle passion endormie se ralluma dans son cœur, et avec quelle violence! Elle s'alla asseoir dans le même endroit d'où venoit de sortir Monsieur de Nemours; elle y demeura comme accablée. Ce prince se présenta à son esprit, aimable au-dessus de tout ce qui étoit au monde, l'aimant depuis longtemps avec une passion pleine de respect et de fidélité, méprisant tout pour elle, respectant jusqu'à sa douleur, songeant à la voir sans songer à en être vu, quittant la Cour, dont il faisoit les délices, pour venir rêver dans des lieux où il ne pouvoit prétendre de la rencontrer, enfin un homme digne d'être aimé par son seul attachement, et pour qui elle avoit une inclination si violente, qu'elle l'auroit aimé quand il ne l'auroit pas aimée; mais de plus, un homme d'une qualité élevée et convenable à la sienne. Plus de devoir, plus de vertu,[1] qui s'opposassent à ses sentiments: tous les obstacles étoient levés, et il ne restoit de leur état passé que la passion de Monsieur de Nemours pour elle et que celle qu'elle avoit pour lui.
Toutes ces idées furent nouvelles à cette princesse. L'affliction de la mort de Monsieur de Clèves l'avoit assez occupée pour avoir empêché qu'elle n'y eût jeté les yeux. La présence de Monsieur de Nemours les amena en foule dans son esprit; mais, quand il en eut été pleinement rempli et qu'elle se souvint aussi que ce même homme qu'elle regardoit comme pouvant l'épouser étoit celui qu'elle avoit aimé du vivant de son mari et qui étoit la cause de sa mort; que même en mourant il lui avoit témoigné de la crainte qu'elle ne l'épousât, son austère vertu étoit si blessée de cette imagination, qu'elle ne trouvoit guère moins de crime à épouser Monsieur de Nemours, qu'elle en avoit trouvé à l'aimer pendant la vie de son mari. Elle s'abandonna à ses réflexions si contraires à son bonheur; elle les fortifia encore de plusieurs raisons qui regardoient son repos et les maux qu'elle prévoyoit en épousant ce prince. Enfin, après avoir demeuré deux heures dans le lieu où elle étoit, elle s'en revint chez elle, persuadée qu'elle devoit fuir sa vue comme une chose entièrement opposée à son devoir.
Mais cette persuasion, qui étoit un effet de sa raison et de sa vertu, n'entraînoit pas son cœur. Il demeuroit attaché à Monsieur de Nemours avec une violence qui la mettoit dans un état digne de compassion et qui ne lui laissa plus de repos. Elle passa une des plus cruelles nuits qu'elle eût jamais passé.
Cependant, lassé d'un état si malheureux et si incertain, Monsieur de Nemours résolut de tenter quelque voie d'éclaircir sa destinée. "Que veux-je attendre? disoit-il, il y a longtemps que je sais que j'en suis aimé; elle est libre, elle n'a plus de devoir à m'opposer; pourquoi me réduire à la voir sans en être vu et sans lui parler? Est-il possible que l'amour m'ait si absolument ôté la raison et la hardiesse, et qu'il m'ait rendu si différent de ce que j'ai été dans les autres passions de ma vie? J'ai dû respecter la douleur de Madame de Clèves; mais je la respecte trop longtemps et je lui donne le loisir d'éteindre l'inclination qu'elle a pour moi."
Après ces réflexions il songea aux moyens dont il devoit se servir pour la voir. Il crut qu'il n'y avoit plus rien qui l'obligeât à cacher sa passion au vidame de Chartres; il résolut de lui en parler et de lui dire le dessein qu'il avoit pour sa nièce.
Le Vidame étoit alors à Paris; tout le monde y étoit venu donner ordre à son équipage et à ses habits pour suivre le Roi, qui devoit conduire la Reine d'Espagne. Monsieur de Nemours alla donc chez le Vidame et lui fit un aveu sincère de tout ce qu'il lui avoit caché jusque alors, à la réserve des sentiments de Madame de Clèves, dont il ne voulut pas paroître instruit.
Le Vidame reçut tout ce qu'il lui dit avec beaucoup de joie et l'assura que, sans savoir ses sentiments, il avoit souvent pensé, depuis que Madame de Clèves étoit veuve, qu'elle étoit la seule personne digne de lui. Monsieur de Nemours le pria de lui donner les moyens de lui parler et de savoir quelles étoient ses dispositions.
Le Vidame lui proposa de le mener chez elle; mais Monsieur de Nemours crut qu'elle en seroit choquée, parce qu'elle ne voyoit encore personne. Ils trouvèrent qu'il falloit que Monsieur le Vidame la priât de venir chez lui, sur quelque prétexte, et que Monsieur de Nemours y vînt par un escalier dérobé, afin de n'être vu de personne. Cela s'exécuta comme ils l'avoient résolu: Madame de Clèves vint; le Vidame l'alla recevoir et la conduisit dans un grand cabinet au bout de son appartement; quelque temps après Monsieur de Nemours entra, comme si le hasard l'eût conduit. Madame de Clèves fut extrêmement surprise de le voir; elle rougit et essaya de cacher sa rougeur. Le Vidame parla d'abord de choses indifférentes et sortit, supposant[1] qu'il avoit quelque ordre à donner. Il dit à Madame de Clèves qu'il la prioit de faire les honneurs de chez lui et qu'il alloit rentrer dans un moment.
L'on ne peut exprimer ce que sentirent Monsieur de Nemours et Madame de Clèves de se trouver seuls et en état de se parler pour la première fois. Ils demeurèrent quelque temps sans rien dire; enfin Monsieur de Nemours rompant le silence: "Pardonnerez-vous à Monsieur de Chartres, Madame, lui dit-il, de m'avoir donné l'occasion de vous voir et de vous entretenir, que vous m'avez toujours si cruellement ôtée?"
"Je ne lui dois pas pardonner, répondit-elle, d'avoir oublié l'état où je suis et à quoi il expose ma réputation." En prononçant ces paroles elle voulut s'en aller, et Monsieur de Nemours la retenant: "Ne craignez rien, Madame, répliqua-t-il, personne ne sait que je suis ici, et aucun hasard n'est à craindre. Écoutez-moi, Madame, écoutez-moi; si ce n'est par bonté, que ce soit du moins pour l'amour de vous-même, et pour vous délivrer des extravagances où m'emporteroit infailliblement une passion dont je ne suis plus le maître."
Madame de Clèves céda pour la première fois au penchant qu'elle avoit pour Monsieur de Nemours, et le regardant avec des yeux pleins de douceur et de charmes: "Mais qu'espérez-vous, lui dit-elle, de la complaisance que vous me demandez? Vous vous repentirez peut-être de l'avoir obtenue, et je me repentirai infailliblement de vous l'avoir accordée. Vous méritez une destinée plus heureuse que celle que vous avez eue jusqu'ici, et que celle que vous pouvez trouver à l'avenir, à moins que vous ne la cherchiez ailleurs."
"Moi, Madame, lui dit-il, chercher du bonheur ailleurs! Et y en a-t-il d'autre que d'être aimé de vous? Quoique je ne vous aie jamais parlé, je ne saurois croire, Madame, que vous ignoriez ma passion, et que vous ne la connoissiez pour la plus véritable et la plus violente qui sera jamais. À quelle épreuve a-t-elle été par des choses qui vous sont inconnues, et à quelle épreuve l'avez-vous mise par vos rigueurs!"
"Puisque vous voulez que je vous parle, et que je m'y résous, répondit Madame de Clèves en s'asseyant, je le ferai avec une sincérité que vous trouverez malaisément dans les personnes de mon sexe. Je ne vous dirai point que je n'aie pas vu l'attachement que vous avez eu pour moi; peut-être ne me croiriez-vous pas quand je vous le dirois; je vous avoue donc, non-seulement que je l'ai vu, mais que je l'ai vu tel que vous pouvez souhaiter qu'il m'ait paru."
"Et si vous l'avez vu, Madame, interrompit-il, est-il possible que vous n'en ayez point été touchée, et oserois-je vous demander s'il n'a fait aucune impression dans votre cœur?"
"Vous en avez dû juger par ma conduite, répliqua-t-elle; mais je voudrois bien savoir ce que vous en avez pensé."
"Il faudroit que je fusse dans un état plus heureux pour vous l'oser dire, répliqua-t-il; et ma destinée a trop peu de rapport à ce que je vous dirois. Tout ce que je puis vous apprendre, Madame, c'est que j'ai souhaité ardemment que vous n'eussiez pas avoué à Monsieur de Clèves ce que vous me cachiez, et que vous lui eussiez caché ce que vous m'eussiez laissé voir."
"Comment avez-vous pu découvrir, reprit-elle en rougissant, que j'aie avoué quelque chose à Monsieur de Clèves?"
"Je l'ai su par vous-même, Madame, répondit-il; mais, pour me pardonner la hardiesse que j'ai eue de vous écouter, souvenez-vous si j'ai abusé de ce que j'ai entendu, si mes espérances en ont augmenté, et si j'ai eu plus de hardiesse à vous parler."
Il commença à lui conter comme il avoit entendu sa conversation avec Monsieur de Clèves; mais elle l'interrompit avant qu'il eût achevé. "Ne m'en dites pas davantage, lui dit-elle; je vois présentement par où vous avez été si bien instruit; vous ne me le parûtes déjà que trop chez Madame la Dauphine, qui avoit su cette aventure par ceux à qui vous l'aviez confiée."
Monsieur de Nemours lui apprit alors de quelle sorte la chose étoit arrivée. "Ne vous excusez point, reprit-elle; il y a longtemps que je vous ai pardonné, sans que vous m'ayez dit de raison; mais puisque vous avez appris par moi-même ce que j'avois eu dessein de vous cacher toute ma vie, je vous avoue que vous m'avez inspiré des sentiments qui m'étoient inconnus devant que de vous avoir vu, et dont j'avois même si peu d'idée qu'ils me donnèrent d'abord une surprise qui augmentoit encore le trouble qui les suit toujours. Je vous fais cet aveu avec moins de honte, parce que je le fais dans un temps où je le puis faire sans crime, et que vous avez vu que ma conduite n'a pas été réglée par mes sentiments."
"Croyez-vous, Madame, lui dit Monsieur de Nemours en se jetant à ses genoux, que je n'expire pas à vos pieds de joie et de transport?"
"Je ne vous apprends, lui répondit-elle en souriant, que ce que vous ne saviez déjà que trop."
"Ah! Madame, répliqua-t-il, quelle différence de le savoir par un effet du hasard, ou de l'apprendre par vous-même, et de voir que vous voulez bien que je le sache!"
"Il est vrai, lui dit-elle, que je veux bien que vous le sachiez, et que je trouve de la douceur à vous le dire. Je ne sais même si je ne vous le dis point plus pour l'amour de moi que pour l'amour de vous: car, enfin, cet aveu n'aura point de suite, et je suivrai les règles austères que mon devoir m'impose."
"Vous n'y songez pas, Madame, répondit Monsieur de Nemours; il n'y a plus de devoir qui vous lie; vous êtes en liberté, et, si j'osois, je vous dirois même qu'il dépend de vous de faire en sorte que votre devoir vous oblige un jour à conserver les sentiments que vous avez pour moi."
"Mon devoir, répliqua-t-elle, me défend de penser jamais à personne, et moins à vous qu'à qui que ce soit au monde, par des raisons qui vous sont inconnues."
"Elles ne me le sont peut-être pas, Madame, reprit-il; mais ce ne sont point de véritables raisons. Je crois savoir que Monsieur de Clèves m'a cru plus heureux que je n'étois, et qu'il s'est imaginé que vous aviez approuvé des extravagances que la passion m'a fait entreprendre sans votre aveu."
"Ne parlons point de cette aventure, lui dit-elle; je n'en saurais soutenir la pensée; elle me fait honte, et elle m'est aussi trop douloureuse par les suites qu'elle a eues. Il n'est que trop véritable que vous êtes cause de la mort de Monsieur de Clèves: les soupçons que lui a donnés votre conduite inconsidérée lui ont coûté la vie comme si vous la lui aviez ôtée de vos propres mains. Voyez ce que je devrois faire si vous en étiez venus ensemble à ces extrémités, et que le même malheur en fût arrivé. Je sais bien que ce n'est pas la même chose à l'égard du monde; mais, au mien, il n'y a aucune différence, puisque je sais que c'est par vous qu'il est mort, et que c'est à cause de moi."
"Ah! Madame, lui dit Monsieur de Nemours, quel fantôme de devoir opposez-vous à mon bonheur! Quoi! Madame, une pensée vaine et sans fondement vous empêchera[1] de rendre heureux un homme que vous ne haïssez pas! Quoi! j'aurois pu concevoir l'espérance de passer ma vie avec vous; ma destinée m'auroit conduit à aimer la plus estimable personne du monde; j'aurois vu en elle tout ce qui peut faire une adorable maîtresse; elle ne m'auroit pas haï, et je n'aurois trouvé dans sa conduite que tout ce qui peut être à désirer dans une femme! Car enfin, Madame, vous êtes peut-être la seule personne en qui ces deux choses se soient jamais trouvées au degré qu'elles sont en vous: tous ceux qui épousent des maîtresses dont ils sont aimés tremblent en les épousant et regardent avec crainte, par rapport aux autres, la conduite qu'elles ont eue avec eux; mais en vous, Madame, rien n'est à craindre, et on ne trouve que des sujets d'admiration. N'aurois-je envisagé, dis-je, une si grande félicité, que pour vous y voir apporter vous-même des obstacles? Ah! Madame, vous oubliez que vous m'avez distingué du reste des hommes: ou plutôt vous ne m'en avez jamais distingué; vous vous êtes trompée, et je me suis flatté."
"Vous ne vous êtes point flatté, lui répondit-elle; les raisons de mon devoir ne me paroîtroient peut-être pas si fortes sans cette distinction dont vous vous doutez, et c'est elle qui me fait envisager des malheurs à m'attacher à vous."
"Je n'ai rien à répondre, Madame, reprit-il, quand vous me faites voir que vous craignez des malheurs; mais je vous avoue qu'après tout ce que vous avez bien voulu me dire, je ne m'attendois pas à trouver une si cruelle raison."
"Elle est si peu offensante pour vous, reprit Madame de Clèves, que j'ai même beaucoup de peine à vous l'apprendre."
"Hélas! Madame, répliqua-t-il, que pouvez-vous craindre qui me flatte trop, après ce que vous venez de me dire?"
"Je veux vous parler encore avec la même sincérité que j'ai déjà commencé, reprit-elle, et je vais passer par dessus toute la retenue et toutes les délicatesses que je devrois avoir dans une première conversation; mais je vous conjure de m'écouter sans m'interrompre.
"Je crois devoir à votre attachement la foible récompense de ne vous cacher aucun de mes sentiments et de vous les laisser voir tels qu'ils sont. Ce sera apparemment la seule fois de ma vie que je me donnerai la liberté de vous les faire paroître; néanmoins, je ne saurois vous avouer sans honte que la certitude de n'être plus aimée de vous comme je le suis me paroît un si horrible malheur, que, quand je n'aurois point des raisons de devoir insurmontables, je doute si je pourrois me résoudre à m'exposer à ce malheur. Je sais que vous êtes libre, que je le suis et que les choses sont d'une sorte que le public n'auroit peut-être pas sujet de vous blâmer ni moi non plus, quand nous nous engagerions ensemble pour jamais; mais les hommes conservent-ils de la passion dans ces engagements éternels? Dois-je espérer un miracle en ma faveur, et puis-je me mettre en état de voir certainement finir cette passion dont je ferois toute ma félicité? Monsieur de Clèves étoit peut-être l'unique homme du monde capable de conserver de l'amour dans le mariage. Ma destinée n'a pas voulu que j'aie pu profiter de ce bonheur; peut-être aussi que sa passion n'avoit subsisté que parce qu'il n'en avoit pas trouvé en moi. Mais je n'aurois pas le même moyen de conserver la vôtre; je crois même que les obstacles ont fait votre constance; vous en avez assez trouvé pour vous animer à vaincre, et mes actions involontaires ou les choses que le hasard vous a appris vous ont donné assez d'espérance pour ne vous pas rebuter."
"Ah! Madame, reprit Monsieur de Nemours, je ne saurois garder le silence que vous m'imposez: vous me faites trop d'injustice, et vous me faites trop voir combien vous êtes éloignée d'être prévenue en ma faveur."
"J'avoue, répondit-elle, que les passions peuvent me conduire, mais elles ne sauroient m'aveugler; rien ne me peut empêcher de connoître que vous êtes né avec toutes les dispositions pour la galanterie et toutes les qualités qui sont propres à y donner des succès heureux. Vous avez déjà eu plusieurs passions; vous en auriez encore; je ne ferois plus votre bonheur; je vous verrais pour une autre comme vous auriez été pour moi; j'en aurais une douleur mortelle, et je ne serois pas même assurée de n'avoir point le malheur de la jalousie. Je vous en ai trop dit pour vous cacher que vous me l'avez fait connoître, et que je souffris de si cruelles peines le soir que la Reine me donna cette lettre de Madame de Thémines, que l'on disoit qui s'adressoit à vous, qu'il m'en est demeuré une idée qui me fait croire que c'est le plus grand de tous les maux. Par vanité ou par goût, toutes les femmes souhaitent de vous attacher; il y en a peu à qui vous ne plaisiez; mon expérience me feroit croire qu'il n'y en a point à qui vous ne puissiez plaire. Je vous croirais toujours amoureux et aimé, et je ne me tromperois pas souvent. Dans cet état, néanmoins, je n'aurais d'autre parti à prendre que celui de la souffrance; je ne sais même si j'oserois me plaindre. On fait des reproches à un amant, mais en fait-on à un mari quand on n'a qu'à lui reprocher de n'avoir plus d'amour? Quand pourrois-je m'accoutumer à cette sorte de malheur, pourrois-je m'accoutumer à celui de croire voir toujours Monsieur de Clèves vous accuser de sa mort, me reprocher de vous avoir aimé, de vous avoir épousé, et me faire sentir la différence de son attachement au vôtre? Il est impossible, continua-t-elle, de passer par dessus des raisons si fortes: il faut que je demeure dans l'état où je suis, et dans les résolutions que j'ai prises de n'en sortir jamais."
"Hé! croyez-vous le pouvoir, Madame? s'écria Monsieur de Nemours. Pensez-vous que vos résolutions tiennent contre un homme qui vous adore et qui est assez heureux pour vous plaire? Il est plus difficile que vous ne pensez, Madame, de résister à ce qui nous plaît et à ce qui nous aime. Vous l'avez fait par une vertu austère, qui n'a presque point d'exemple; mais cette vertu ne s'oppose plus à vos sentiments, et j'espère que vous les suivrez malgré vous."
"Je sais bien qu'il n'y a rien de plus difficile que ce que j'entreprends, répliqua Madame de Clèves; je me défie de mes forces, au milieu de mes raisons; ce que je crois devoir à la mémoire de Monsieur de Clèves seroit foible, s'il n'étoit soutenu par l'intérêt de mon repos; et les raisons de mon repos ont besoin d'être soutenues de celles de mon devoir; mais, quoique je me défie de moi-même, je crois que je ne vaincrai jamais mes scrupules, et je n'espère pas aussi de surmonter l'inclination que j'ai pour vous. Elle me rendra malheureuse, et je me priverai de votre vue, quelque violence qu'il m'en coûte. Je vous conjure, par tout le pouvoir que j'ai sur vous, de ne chercher aucune occasion de me voir. Je suis dans un état qui me fait des crimes de tout ce qui pourroit être permis dans un autre temps, et la seule bienséance interdit tout commerce entre nous."
Monsieur de Nemours se jeta à ses pieds et s'abandonna à tous les divers mouvements dont il étoit agité. Il lui fit voir, par ses paroles et par ses pleurs, la plus vive et la plus tendre passion dont un cœur ait jamais été touché. Celui de Madame de Clèves n'étoit pas insensible; et, regardant ce prince avec des yeux un peu grossis par les larmes: "Pourquoi faut-il, s'écria-t-elle, que je vous puisse accuser de la mort de Monsieur de Clèves? Que n'ai-je commencé à vous connoître depuis que je suis libre, ou pourquoi ne vous ai-je pas connu devant que d'être engagée? Pourquoi la destinée nous sépare-t-elle par un obstacle si invincible?"
"Il n'y a point d'obstacle, Madame, reprît Monsieur de Nemours: vous seule vous opposez à mon bonheur; vous seule vous imposez une loi que la vertu et la raison ne vous sauroient imposer."
"Il est vrai, répliqua-t-elle, que je sacrifie beaucoup à un devoir qui ne subsiste que dans mon imagination. Attendez ce que le temps pourra faire: Monsieur de Clèves ne fait encore que d'expirer,[1] et cet objet funeste est trop proche pour me laisser des vues claires et distinctes. Ayez cependant le plaisir de vous être fait aimer d'une personne qui n'auroit rien aimé, si elle ne vous avoit jamais vu; croyez que les sentiments que j'ai pour vous seront éternels et qu'ils subsisteront également, quoi que je fasse. Adieu, lui dit-elle; voici une conversation qui me fait honte; rendez-en compte à Monsieur le Vidame: j'y consens et je vous en prie."
Elle sortit en disant ces paroles, sans que Monsieur de Nemours pût la retenir. Elle trouva Monsieur le Vidame dans la chambre la plus proche. Il la vit si troublée qu'il n'osa lui parler, et il la remit en son carrosse sans lui rien dire. Il revint trouver Monsieur de Nemours, qui étoit si plein de joie, de tristesse, d'étonnement et d'admiration, enfin, de tous les sentiments que peut donner une passion pleine de crainte et d'espérance, qu'il n'avoit pas l'usage de la raison. Le Vidame fut longtemps à obtenir qu'il lui rendît compte de sa conversation. Il le fit enfin, et Monsieur de Chartres, sans être amoureux, n'eut pas moins d'admiration pour la vertu, l'esprit et le mérite de Madame de Clèves, que Monsieur de Nemours en avoit lui-même. Ils examinèrent ce que ce prince devoit espérer de sa destinée, et quelques craintes que son amour lui pût donner, il demeura d'accord avec Monsieur le Vidame qu'il étoit impossible que Madame de Clèves demeurât dans les résolutions où elle étoit. Ils convinrent néanmoins qu'il falloit suivre ses ordres, de crainte que, si le public s'apercevoit de l'attachement qu'il avoit pour elle, elle ne fît des déclarations et ne prît engagement[1] vers le monde, qu'elle soutiendroit dans la suite par la peur qu'on ne crût qu'elle l'eût aimé du vivant de son mari.
Monsieur de Nemours se détermina à suivre le Roi. C'étoit un voyage dont il ne pouvoit aussi bien se dispenser, et il résolut à s'en aller, sans tenter même de revoir Madame de Clèves, du lieu où il l'avoit vue quelquefois. Il pria Monsieur le Vidame de lui parler. Que ne lui dit-il point pour lui redire! Quel nombre infini de raisons pour la persuader de vaincre ses scrupules! Enfin, une partie de la nuit étoit passée devant que Monsieur de Nemours songeât à le laisser en repos.
Madame de Clèves n'étoit pas en état d'en trouver; ce lui étoit une chose si nouvelle d'être sortie de cette contrainte qu'elle s'étoit imposée, d'avoir souffert pour la première fois de sa vie qu'on lui dît qu'on étoit amoureux d'elle, et d'avoir dit d'elle-même qu'elle aimoit, qu'elle ne se connoissoit plus. Elle fut étonnée de ce qu'elle avoit fait; elle s'en repentit; elle en eut de la joie; tous ses sentiments étoient pleins de trouble et de passion. Elle examina encore les raisons de son devoir, qui s'opposoient à son bonheur; elle sentit de la douleur de les trouver si fortes, et se repentit de les avoir si bien montrées à Monsieur de Nemours. Quoique la pensée de l'épouser lui fût venue dans l'esprit sitôt qu'elle l'avoit revu dans ce jardin, elle ne lui avoit pas fait la même impression que venoit de faire la conversation qu'elle avoit eue avec lui, et il y avoit des moments où elle avoit de la peine à comprendre qu'elle pût être malheureuse en l'épousant. Elle eût bien voulu se pouvoir dire qu'elle étoit mal fondée, et dans ses scrupules du passé, et dans ses craintes de l'avenir.
La raison et son devoir lui montraient, dans d'autres moments, des choses tout opposées, qui l'emportoient rapidement à la résolution de ne se point remarier et de ne voir jamais Monsieur de Nemours; mais c'étoit une résolution bien violente à établir dans un cœur aussi touché que le sien et aussi nouvellement abandonné aux charmes de l'amour. Enfin, pour se donner quelque calme, elle pensa qu'il n'étoit point encore nécessaire qu'elle se fît la violence de prendre des résolutions; la bienséance lui donnoit un temps considérable à se déterminer; mais elle résolut de demeurer ferme à n'avoir aucun commerce avec Monsieur de Nemours.
Le Vidame la vint voir et servit ce prince avec tout l'esprit et l'application imaginables. Il ne la put faire changer sur sa conduite ni sur celle qu'elle avoit imposée à Monsieur de Nemours. Elle lui dit que son dessein étoit de demeurer dans l'état où elle se trouvoit; qu'elle connoissoit que ce dessein étoit difficile à exécuter, mais qu'elle espéroit d'en avoir la force. Elle lui fit si bien voir à quel point elle étoit touchée de l'opinion que Monsieur de Nemours avoit causé la mort à son mari, et combien elle étoit persuadée qu'elle feroit une action contre son devoir en l'épousant, que le Vidame craignit qu'il ne fût malaisé de lui ôter cette impression. Il ne dit pas à ce prince ce qu'il pensoit; et, en lui rendant compte de sa conversation, il lui laissa toute l'espérance que la raison doit donner à un homme qui est aimé.
Ils partirent le lendemain, et allèrent joindre le Roi. Monsieur le Vidame écrivit à Madame de Clèves, à la prière de Monsieur de Nemours, pour lui parler de ce prince; et, dans une seconde lettre, qui suivit bientôt la première, Monsieur de Nemours y mit quelques lignes de sa main. Mais Madame de Clèves, qui ne vouloit pas sortir des règles qu'elle s'étoit imposées, et qui craignoit les accidents qui peuvent arriver par les lettres, manda au Vidame qu'elle ne recevroit plus les siennes, s'il continuoit à lui parler de Monsieur de Nemours; et elle le lui manda si fortement, que ce prince le pria même de ne le plus nommer.
La Cour alla conduire la Reine d'Espagne jusqu'en Poitou. Pendant cette absence, Madame de Clèves demeura à elle-même; et, à mesure qu'elle étoit éloignée de Monsieur de Nemours et de tout ce qui l'en pouvoit faire souvenir, elle rappeloit la mémoire de Monsieur de Clèves, qu'elle se faisoit un honneur de conserver. Les raisons qu'elle avoit de ne point épouser Monsieur de Nemours lui paroissoient fortes du côté de son devoir, et insurmontables du côté de son repos. La fin de l'amour de ce prince et les maux de la jalousie, qu'elle croyoit infaillibles dans un mariage, lui montroient un malheur certain où elle s'alloit jeter; mais elle voyoit aussi qu'elle entreprenoit une chose impossible, que de résister en présence au plus aimable homme du monde, qu'elle aimoit et dont elle étoit aimée, et de lui résister sur une chose qui ne choquoit ni la vertu ni la bienséance. Elle jugea que l'absence seule et l'éloignement pouvoient lui donner quelque force; elle trouva qu'elle en avoit besoin, non-seulement pour soutenir la résolution de ne se pas engager, mais même pour se défendre de voir Monsieur de Nemours, et elle résolut de faire un assez long voyage pour passer tout le temps que la bienséance l'obligeoit à vivre dans la retraite. De grandes terres qu'elle avoit vers les Pyrénées lui parurent le lieu le plus propre qu'elle pût choisir. Elle partit peu de jours avant que la Cour revînt; et, en partant, elle écrivit à Monsieur le Vidame pour le conjurer que l'on ne songeât point à avoir de ses nouvelles ni à lui écrire.
Monsieur de Nemours fut affligé de ce voyage comme un autre l'auroit été de la mort de sa maîtresse. La pensée d'être privé pour longtemps de la vue de Madame de Clèves lui étoit une douleur sensible, et surtout dans un temps où il avoit senti le plaisir de la voir, et de la voir touchée de sa passion. Cependant, il ne pouvoit faire autre chose que s'affliger; mais son affliction augmenta considérablement. Madame de Clèves, dont l'esprit avoit été si agité, tomba dans une maladie violente sitôt qu'elle fut arrivée chez elle; cette nouvelle vint à la Cour. Monsieur de Nemours étoit inconsolable: sa douleur alloit au désespoir et à l'extravagance. Le Vidame eut beaucoup de peine à l'empêcher de faire voir sa passion au public; il en eut beaucoup aussi à le retenir et à lui ôter le dessein d'aller lui-même apprendre de ses nouvelles. La parenté et l'amitié de Monsieur le Vidame fut un prétexte à y envoyer plusieurs courriers. On sut enfin qu'elle étoit hors de cet extrême péril où elle avoit été, mais elle demeura dans une maladie de langueur qui ne laissoit guère d'espérance de sa vie.
Cette vue si longue et si prochaine de la mort fit paroître à Madame de Clèves les choses de cette vie de cet œil si différent dont[1] on les voit dans la santé. La nécessité de mourir, dont elle se voyoit si proche, l'accoutuma à se détacher de toutes choses, et la longueur de sa maladie lui en fit une habitude. Lorsqu'elle revint de cet état, elle trouva néanmoins que Monsieur de Nemours n'étoit pas effacé de son cœur, mais elle appela à son secours, pour se défendre contre lui, toutes les raisons qu'elle croyoit avoir pour ne l'épouser jamais. Il se passa un assez grand combat en elle-même; enfin elle surmonta les restes de cette passion, qui étoit affoiblie par les sentiments que sa maladie lui avoit donnés. Les pensées de la mort lui avoient reproché la mémoire de Monsieur de Clèves. Ce souvenir, qui s'accordoit à son devoir, s'imprima fortement dans son cœur. Les passions et les engagements du monde lui parurent tels qu'ils paroissent aux personnes qui ont des vues plus grandes et plus éloignées. Sa santé, qui demeura considérablement affoiblie, lui aida à conserver ces sentiments; mais, comme elle connoissoit ce que peuvent les occasions sur les résolutions les plus sages, elle ne voulut pas s'exposer à détruire les siennes ni revenir dans les lieux où étoit ce qu'elle avoit aimé. Elle se retira, sur le prétexte de changer d'air, dans une maison religieuse, sans faire paroître un dessein arrêté de renoncer à la Cour.
À la première nouvelle qu'en eut Monsieur de Nemours, il sentit le poids de cette retraite, et il en vit l'importance. Il crut dans ce moment qu'il n'avoit plus rien à espérer. La perte de ses espérances ne l'empêcha pas de mettre tout en usage pour faire revenir Madame de Clèves; il fit écrire la Reine, il fit écrire le Vidame, il l'y fit aller, mais tout fut inutile. Le Vidame la vit; elle ne lui dit point qu'elle eût pris de résolution; il jugea néanmoins qu'elle ne reviendroit jamais. Enfin, Monsieur de Nemours y alla lui-même sur le prétexte d'aller à des bains. Elle fut extrêmement troublée et surprise d'apprendre sa venue. Elle lui fit dire par une personne de mérite qu'elle aimoit, et qu'elle avoit alors auprès d'elle, qu'elle le prioit de ne pas trouver étrange si elle ne s'exposoit point au péril de le voir, et de détruire par sa présence des sentiments qu'elle devoit conserver; qu'elle vouloit bien qu'il sût qu'ayant trouvé que son devoir et son repos s'opposoient au penchant qu'elle avoit d'être à lui, les autres choses du monde lui avoient paru si indifférentes qu'elle y avoit renoncé pour jamais; qu'elle ne pensoit plus qu'à celles de l'autre vie, et qu'il ne lui restoit aucun sentiment que le désir de le voir dans les mêmes dispositions où elle étoit.
Monsieur de Nemours pensa expirer de douleur en présence de celle qui lui parloit. Il la pria vingt fois de retourner à Madame de Clèves, afin de faire en sorte qu'il la vît; mais cette personne lui dit que Madame de Clèves lui avoit non-seulement défendu de lui aller redire aucune chose de sa part, mais même de lui rendre compte de leur conversation. Il fallut enfin que ce prince repartît, aussi accablé de douleur que le pouvoit être un homme qui perdoit toutes sortes d'espérances de revoir jamais une personne qu'il aimoit d'une passion la plus violente, la plus naturelle et la mieux fondée qui ait jamais été. Néanmoins il ne se rebuta point encore, et il fit tout ce qu'il put imaginer de capable de la faire changer de dessein. Enfin, des années entières s'étant passées, le temps et l'absence ralentirent sa douleur et éteignirent sa passion. Madame de Clèves vécut d'une sorte qui ne laissa pas d'apparence qu'elle pût jamais revenir; elle passoit une partie de l'année dans cette maison religieuse, et l'autre chez elle, mais dans une retraite et dans des occupations plus saintes que celles des couvents les plus austères; et sa vie, qui fut assez courte, laissa des exemples de vertu inimitables.
NOTES.
FIRST PART.
Page 1.—1. Henry II., son of Francis I. and Claude de France, was born at Saint Germain-en-Laye, March 31, 1519. Upon his accession to the throne of France in 1547, he filled the Court with favorites of his own, among whom the highest position was occupied by Diana of Poitiers (see page 8, note 1). Although he continued his father's persistent persecution of the French Protestants, he was, at the same time, at the head of the league of Protestant princes opposed to Charles V. In this conflict he was successful and took Toul, Metz, and Verdun from Germany in 1552. After the accession of Philip II. to the throne of Spain, the war against the French was carried on with varying success for seven years. In 1558, after the Battle of Gravelines, proposals of peace were made and the treaty was signed at Câteau-Cambrésis, April 3, 1559. Henry II. was shortly after wounded in a tournament, and died on July 10, 1559.
2. Madame Elisabeth de France (1543-1568) was the daughter of Henry II. and Catherine de Medici. She was promised in marriage to Edward VI. of England, but the latter died before attaining his majority. Philip II. of Spain sought her as a match for his son, Don Carlos; but in the meantime his wife, Mary of England, died, and he demanded and obtained the princess for himself. The romantic attachment of Don Carlos to her is vividly depicted in Schiller's drama, though it must be borne in mind that Schiller's picture is very far from being an accurate historical representation. Her death took place shortly after that of Don Carlos. "She was," says Brantôme, "the best princess of her time, and was loved by every one. She was extremely beautiful, and to this she joined a demeanor of incomparable majesty. She was endowed with a lively understanding and was a great lover of poetry and the arts."
3. Marie Stuart (1542-1587) was born at Linlithgow, a small town not far from Edinburgh. She was the daughter of James V. of Scotland by his second wife, Mary of Lorraine. Henry VIII. desired her as a match for the Prince of Wales, but her mother favored a marriage with the Dauphin, afterwards Francis II. She accordingly set out for France in 1548 and the marriage took place on April 24, 1558. From this time until the death of Henry II., Francis and Mary Stuart were called le Roi Dauphin and la Reine Dauphine respectively. The young princess soon drew upon herself the enmity of her mother-in-law, Catherine de Medici, and shortly after her husband's death she left for Scotland (August 15, 1561). Her checkered career from this time on is well known.
4. Monsieur le Dauphin, Francis (afterwards Francis II.), son of Henry II., was born at Fontainebleau, January 19, 1543. He was married to Mary Stuart in 1558 and the next year ascended the throne of France. Owing to his weak health and mental incapacity the affairs of the kingdom fell into the hands of the Guises, uncles of Mary Stuart. This led to great discontent among the people, which was aggravated by the fierce religious factions of the times. The young ruler died on December 5, 1560. The agitation of the Court was so great that neither his mother nor any of his family paid him the last duties, and his body was borne to St. Denis accompanied only by two noblemen and the Bishop of Senlis.
5. La Reine, Catherine de Medici (1519-1589), was born in the city of Florence. She was the daughter of Lorenzo de Medici and the niece of Pope Clement VII. Her marriage with Henry II. took place at Marseille, October 28, 1533. Her ambitious schemes were repressed during the reign of her husband and of Francis II.; but, as she had charge of affairs during the minority of Charles IX., she made good use of this opportunity to destroy her enemies both political and religious. She designed the massacre of St. Bartholomew and was continually fomenting strife among her sons. After the death of Charles IX. she again became regent for a short time till the return of Henry III. Never did Italian craftiness and cruelty wield such influence in France. At last, however, the people grew weary of the rule of the foreigner, and Catherine's later years were marked by the loss of all political power.
6. Madame, Sœur du Roi, Marguerite de France, daughter of Francis I., was born in 1525 at Saint Germain-en-Laye. In 1559 she married the Duke of Savoy. She was a patron of literature and art, and drew many celebrated men to the University of Turin. Her kindly disposition won her the title of "Mother of the People." She died on the 14th of September, 1574.
7. François Ier (1494-1547), son of Charles, Comte d'Angoulême. At the age of twenty he married Claude, daughter of Louis XII., and succeeded his father-in-law, January 1, 1515. His first act was to undertake the conquest of the French possessions in Italy which had been lost during the reign of Louis XII. He was successful and regained Milan with Lombardy. Upon the death of the German Emperor Maximilian in 1519, he became the rival candidate of Charles V. for the imperial crown. Upon his loss of the latter, he attempted an alliance with Henry VIII. of England against the Emperor. Henry, however, soon afterwards united with the Emperor and the Papacy against Francis; the French troops in Italy were defeated and Francis was captured at Pavia and carried as prisoner to Madrid. He was released the next year. From this time almost till his death he was engaged in expeditions against the German Emperor, and on two occasions went so far as to make an alliance with the Turks. He was the first to give to the French Court that magnificence which afterwards made it the envy of all the Courts of Europe. In religion he pursued a double policy: while he severely persecuted the Protestants in France, he did all in his power to encourage the German Protestants and, in this way, to weaken the power of his old enemy, Charles V.
Page 2.—1. Le Roi de Navarre. Antoine de Bourbon, King of Navarre, was born April 22, 1518. He was the son of Charles de Bourbon, Duke of Vendôme, and Françoise d'Alençon. In 1548 he married Jeanne d'Albret, daughter of Henry II., King of Navarre. By this marriage he obtained the crown of Navarre and the Seniory of Béarn. His son, Henry of Navarre (Henry IV. of France), was born in 1553. During the first part of Antoine de Bourbon's political career he belonged to the Huguenots and was associated with them at the conspiracy of Amboise (see page 64, note 2), but after the death of Francis II. he passed over to the Catholic party, was appointed lieutenant-général of the kingdom, and formed, with the Duke of Guise and the Constable of Montmorency, the union which was called "the Triumvirate." During the siege of Rouen he received a severe wound, from which he died thirty-five days after, on November 17, 1562.
2. Le duc de Guise, François de Lorraine, second Duke of Guise (1519-1563), was the eldest son of Claude, first Duke of Guise. In his early life he showed a love of danger and thirst for renown. Having been placed in charge of the French troops in the "Three Bishoprics," he sustained against 100,000 imperial troops the memorable siege of Metz. In 1557 he had charge of the army sent into Italy at the request of Paul IV., to undertake the conquest of the kingdom of Naples. After the disastrous defeat of Saint-Quentin, he was placed in command of all the armies, both within and without the kingdom; then followed a series of brilliant victories for the French, resulting in the capture of Calais, Guines, and Thionville. A ghastly face-wound at the hands of the English at Boulogne got him the name of "Balafré." He wielded great influence at Court and was a chief promoter of the persecution of the Huguenots, figuring prominently in the Massacre of Vassy and the siege of Rouen. During his attack on Orleans he was shot by a Protestant named Poltrot de Méré.
3. Le cardinal de Lorraine, Charles, second cardinal of Lorraine (1524-1574), was the second son of Claude of Guise. He was by far the ablest of the Guises. At the age of twenty-three he was taken into the confidence of Henry II. and gained universal favor by his agreeable and flattering address. In early life he was appointed Archbishop of Rheims and not long after was made cardinal. At first he was inclined to favor the Protestants, but subsequently used his influence toward their extermination. During the reign of Francis II. he was, together with his brother, the Duke of Guise, in virtual control of the government.
4. Le chevalier de Guise, François de Lorraine, was born in 1537; joined the order of Malta and became Grand Prior towards 1555, and about the same time was made General of the Galleys. He led an expedition from Malta to Rhodes, where he was wounded. He was one of the nobles who accompanied Mary Stuart to Scotland in 1561, and while returning visited the Court of England. He got overheated at the battle of Dreux (December 12, 1562) and died of pleurisy a few weeks later. He had already in 1562 waged successful war against the Huguenots in Normandy. Brantôme, his secretary, describes him at length in vol. v., pp. 62-77, Mérimée's edition, Paris, 1858.
5. Le prince de Condé. Louis I. of Bourbon, Prince of Condé (1530-1569), was the son of Charles of Bourbon, Duke of Vendôme. During the wars of Francis I. he took part in the defence of Metz against Charles V., and was afterwards a vigorous leader of the Protestants against the Guises. He was implicated in the conspiracy of Amboise and sentenced to death, but was saved by the early death of Francis II. After the massacre at Vassy (1562) he was again in arms and was taken prisoner at Dreux, but regained his liberty by the peace of 1565. During the wars of religion he was relentlessly pursued by the Catholic powers and took refuge in La Rochelle. He was killed in the battle of Jarnac, March 13, 1569.
6. Le duc de Nevers. Francis I. of Clèves, Duke of Nevers (1516-1562), was the son of Charles of Clèves. In 1539 he obtained the establishment of Nevers and in 1545 the government of Champagne. His first military expedition was in Piedmont under Marshall Montmorency. In 1551 he was entrusted with the protection of the frontier of Lorraine. He took part in all the campaigns against Charles V. and Philip II., and was one of the most valiant defenders of Metz. He was present at the defeat of Saint-Quentin, and by his skillful manœuvres saved a great part of the French forces from destruction. In 1560 he revealed to Francis II. the conspiracy of Amboise. His death took place on February 13, 1562.
7. Le prince de Clèves, second son of Francis I. of Nevers. "Ce prince," says Brantôme, "qui s'appelloit Jacques de Clèves, bien qu'il fût de faible habitude, si promettoit-il beaucoup de soi, car il avoit en lui beaucoup de vertu." He died in 1564.
Page 3.—1. Le Vidame de Chartres (1522-1560). Francis of Vendôme, Vidame of Chartres, Prince of Chabanois, was one of the most distinguished courtiers of his time. "He was as great," says Brantôme, "in his lineage and his enormous wealth as in his valor and illustrious deeds, so that in his time men spoke only of the Vidame of Chartres; and if the people celebrated his prowess, they did not forget his magnificence and liberality." In Francis I.'s Italian campaign he furnished at his own cost a splendid company of a hundred noblemen. He was one of the hostages sent into England to confirm the treaty of peace between the two countries. In 1558 he was placed in command of the armies in Piedmont. After the battle of Gravelines, he was appointed lieutenant-général of the kingdom, but soon relinquished this office in favor of the Prince of Condé. He was shortly after suspected of complicity in the conspiracy of Amboise, and was imprisoned in the Bastille by order of Francis II. During his life at Court he had been passionately loved by Catherine de Medici, but he showed only indifference toward her. She avenged herself later on by ill-treating him, and it is suspected that his death was caused by poison given to him by her order. He died on December 16, 1560, "aussi mal content de cette dame qu'elle de lui," says Brantôme naïvely. The title Vidame is derived from vice (Latin vicem) and dame (Latin dominus), hence "vice-lord." The Low-Latin is vice-dominus.
2. Le duc de Nemours (1531-1585). Jacques de Savoie, Duke of Nemours, was born at the Abbey of Vaulinsant in Champagne. At the age of fifteen he was brought to the Court of Francis I. He served in the campaigns against Charles V., was present at the siege of Metz, and afterwards fought with great bravery in Flanders and in Italy. He was one of the tenants in the tournament in which Henry II. lost his life. Having been branded with suspicion, he was compelled to leave the Court during the reign of Henry III., but was soon recalled. In 1562 he aided in the capture of Bourges from the Protestants and later succeeded the Marshall of St. André as Governor of Dauphiné. In 1566 he married Anne d'Este, widow of the Duke of Guise. His later years were spent in retirement from the Court. He died at Annecy, June 25, 1585. Brantôme says of him: "C'étoit un très-beau prince et de très-bonne grâce, brave et vaillant, aimable et accostable, bien disant, bien écrivant autant en rime qu'en prose; s'habillant des mieux. Il étoit pourvu d'un grand sens et d'esprit; il aimoit toutes sortes d'exercices et si y étoit si universel qu'il étoit parfait en tous, si bien que qui n'a vu Monsieur de Nemours, il n'a rien vu, et qui l'a vu le peut baptiser par tout le monde la fleur de toute la chevalerie."
3. Saint-Quentin, a city in the Department of Aisne, about eighty miles northeast of Paris. It is the center of the French manufacture of linen, muslin, and gauze. The battle of Saint-Quentin took place on July 29, 1557; the French forces met with a great defeat at the hands of the Spaniards, who were reinforced by a body of English troops.
4. Charles-Quint (Carolus Quintus). Charles V. (1500-1558) was the eldest son of Philip, Archduke of Austria, and Joanna, daughter of Ferdinand and Isabella. Upon the death of Ferdinand in 1516, Charles ascended the throne of Spain, and also became ruler of the Netherlands, Naples, Sicily, and Sardinia. By the death of his paternal grandfather, Emperor Maximilian, he obtained possession of Austria and was elected Emperor of Germany. The other candidates for the imperial crown were Henry VIII. of England and Francis I. of France. Charles soon became involved in a long struggle with the French, in which he was for the most part successful, and captured Francis I. (see page 1, note 7). The war was continued by Henry II. and a portion of Lorraine was taken from the Emperor. The latter, not long after, retired to the monastery of Yuste in Estremadura, where he died after two years.
5. Metz, formerly capital of the Department of Moselle, situated at the confluence of the Seille and the Moselle. During the war with Henry II. it was besieged by Charles V. and gallantly defended by the Duke of Guise. The siege lasted sixty-five days, and on December 26, 1552, the imperial troops left Metz as a permanent possession of the French. It remained one of their most important strongholds till its cession to Germany in 1870. Charles V.'s remark upon his defeat is well known: "I see that Fortune is just like a woman; she favors a young king more than an old emperor."
6. Cercamp, a city in the Department of Pas-de-Calais (Artois). The chief industry of the place consists in its woolen factories. Here, on October 15, 1558, the plenipotentiaries appointed by the French met those of Spain, with whom were associated the ambassadors of Mary of England and of the Duke of Savoy. Stipulations for a peace were proposed; a truce of fifteen days was proclaimed, which was several times renewed; part of the troops were dismissed and the rest went into winter-quarters. However, before any definite arrangements could be made, Mary, Queen of England, died, and the meeting was dissolved.
Page 4.—1. Don Carlos, son of Philip II. of Spain and of his first wife, Doña Maria of Portugal, was born at Valladolid on July 8, 1545, and died at Madrid on July 14, 1568. In 1559, at the Treaty of Câteau-Cambrésis, Philip negotiated a marriage between his son and Elisabeth, daughter of Henry II., but he afterwards married the princess himself. The loss of his chosen bride in this manner appeared to have a deep effect upon Don Carlos, and the sympathy shown him by Elisabeth and the gratitude thus awakened in the heart of the young prince aroused a feeling of jealousy in the mind of the Spanish King. In 1560 Don Carlos was proclaimed heir to the throne of Spain, but not long after was removed from Court and sent away from the capital. In 1562 he was wounded in the head by a fall, and it is thought by many that his reason was thereby impaired. His father's treatment of him became harsher, and the important positions at the Court were occupied by his enemies; he made two vain attempts to escape from Spain, and intelligence was brought to the King that his son was forming designs against his life. On January 18, 1568, Don Carlos was seized and placed in close confinement. The Council of State condemned him to death, but before the sentence could be executed the prince died in an unknown manner. (See Gachard: Don Carlos et Philippe II., Bruxelles, 1863.)
2. Monsieur de Savoie. Emmanuel Philibert, Duke of Savoy, was born at Chambéry, July 8, 1528. He was an officer in the army of Charles V., and in 1557 won the battle of Saint-Quentin. He died August 30, 1580.
3. Marie, reine d'Angleterre (1516-1558), was the daughter of Henry VIII. by his first wife, Catherine of Aragon. She became Queen of England in 1553. On July 25, 1554, she married Philip II. of Spain, and from this time on her energies were directed to the destruction of Protestantism in England. Her death took place on November 17, 1558.
4. Elisabeth (1533-1603), daughter of Henry VIII. and Anne Boleyn. She ascended the English throne in 1558.
5. De La Ferrière, in his Projets de Mariage de la Reine Elisabeth, says: "Elisabeth was very desirous of making the acquaintance of the Duke of Nemours. She received the Count of Randan and directed the conversation upon the Duke. Randan drew so flattering a picture of the latter that he soon awakened in her a spark of love which could easily be perceived in the face and manner of the Queen. It was a matter of no difficulty for him to obtain her request for a meeting. On his return to France he announced this to Nemours. The Duke sent Lignerolles, his most trusted servant, to London; the response brought back by Lignerolles was encouraging. Nemours then lavished money on his apparel, arms, and horses; the King also aided him with his purse, and the flower of the young nobility contended for the honor of following him to England; but at the last moment the expedition 'se rompit et demeura court,' for, continues the chronicler, 'd'autres amours serroient le cœur du duc et le tenoient captif.'"
Page 8.—1. Madame de Valentinois, Diana of Poitiers, eldest daughter of Jean de Poitiers, was born September 3, 1499. At the age of thirteen she married Louis de Brézé, Comte de Maulevrier, who died in 1531. She became the mistress of Francis I., and afterwards of his son, Henry II. Her influence over Henry was boundless; even the beauty and wit of Catherine de Medici could not weaken the King's attachment to her. He loaded her with favors, and in 1548 donated to her for life the Duchy of Valentinois. Upon the death of Henry, Madame de Valentinois was banished from the Court by Catherine. Abandoned by all her friends, she retreated to Anet, where she died in 1566.
Page 10.—1. Chez les Reines, in the apartments of Catherine de Medici and of Mary Stuart.
2. Aux assemblées, "in company."
Page 11.—1. Avoit le cœur très-noble et très-bien fait, "had a very noble and generous disposition."
Page 12.—1. Louvre, one of the most famous buildings of Paris, situated in the western part of the city, on the right bank of the Seine. It was at first designed as a fortress for the protection of the river. In 1204 Philip Augustus erected in the center of the court of the Louvre a tower to serve as a state prison. Later on, several of the kings of France placed their libraries there. Charles V. selected this palace as his residence in 1347, and it served as the abode of the royal family till the reign of Louis XIV., who preferred Versailles. Since the days of the Empire it has been used as a museum.
Page 13.—1. Le duc de Nevers, Francis II. of Nevers, elder brother of the Prince of Clèves (see page 2, note 7).
2. Le duc de Lorraine, Charles III., called "the Great," was the son of Francis I., Duke of Lorraine, and of Christina of Denmark, niece of the Emperor Charles V. He was born at Nancy, February 15, 1543. After the death of his father in 1546, his mother ruled over the Duchy during the minority of her son. He was sent to Paris and in 1559 married Claude, daughter of Henry II. He subsequently took charge of the affairs of his state, and ruled long and peacefully, dying at Nancy, May 14, 1608.
Page 16.—1. Courre la bague, "riding at the ring." Courre is an old infinitive of the verb courir, used only in a few expressions, as: courre le cerf.
Page 18.—1. Le maréchal de Saint-André. Jacques d'Albon, Marshal of Saint-André, was one of the most valiant commanders of the sixteenth century. He early won recognition from the Dauphin, afterwards Henry II., and distinguished himself at Boulogne and Cerisoles. He was appointed Marshal in 1547. He took an active part in the subsequent campaigns and was taken prisoner at Saint-Quentin, but was soon exchanged. Shortly after the death of Henry II., Saint-André, together with the Duke of Guise and the Constable of Montmorency, formed the famous "triumvirate" for the suppression of heresy in France. He was a most active upholder of the Catholic cause during the civil wars, and was killed at Dreux, December 19, 1562. A contemporary describes him as the "most elegant courtier of his time."
2. Elle fit dire qu'on ne la voyoit point, "she sent word that she would not receive."
3. Sa qualité lui rendoit toutes les entrées libres, "his rank allowed him always to be admitted" (even in spite of the order that had just been given).
4. Maîtresse = the lady who is loved; not "mistress" in the modern sense.
Page 19.—1. Duc de Ferrare. Alphonso II. of Este, Duke of Ferrara, was the son of Hercules of Ferrara and grandson of Alphonso I. He was a cousin of Henry II. and served in all the military expeditions of this monarch. He was a great favorite at Court and made a great display both in his own country and in Italy, whither he accompanied the French King. His brother was the famous Cardinal d'Este.
Page 20.—1. Qu'elle fît la malade: "that she should pretend to be ill."
Page 22.—1. Château-Cambrésis (usually written Câteau-Cambrésis), a city in the Department of Nord, situated upon a hill overlooking the Selle, about fifteen miles southeast of Cambrai. Here was signed, on April 3, 1559, a treaty between Henry II. and Philip II., by which certain cities, as Thionville, Montmédy, etc., were made over to Spain, and France recovered Saint-Quentin. The possession of Calais and of the three bishoprics (Metz, Toul, and Verdun) were also assured to Henry II.
Page 24.—1. devant que, obsolete for avant que. Vaugelas in Remarques sur la langue française says "'Avant que,' 'devant que.' Tous deux sont bons, mais 'avant que' est plus de la cour et plus en usage."
Page 25.—1. Pour être affligée, "although she was in distress."
2. Il s'en falloit peu qu'elle ne crût le haïr, "she almost believed she hated him."
SECOND PART.
Page 29.—1. Monsieur d'Anville, a famous warrior and courtier during the reigns of Henry II., Francis II., and Charles IX. During the campaigns in Italy he was placed in charge of the light cavalry in the Piedmont. He defeated the Spaniards at the bridge de la Stura and in 1557 won great renown by his victories about Fossano.
Page 30.—1. Courtenay. Edward Courtenay, Earl of Devonshire, born about 1526, was the only son of Henry Courtenay, Marquis of Exeter and Earl of Devonshire. At the age of twelve he was imprisoned with his father in the Tower and was not released till 1553. In this year he was appointed Earl of Devonshire by Queen Mary and not long afterwards was honored with the dignity of Knight of the Bath. He was at one time looked upon as a probable match for the English Queen, but Philip of Spain was preferred. He was for a long time regarded with affection by Elisabeth, and was suspected of plotting to obtain her hand and to seize upon the throne of England. He was therefore arrested and sent to the Tower in March, 1554, and in the following May was taken to Fotheringay. In 1555 he was released on parole and exiled. He traveled to Brussels and then to Padua, where he suddenly died in September, 1556.
Page 32.—1. Madame = Madame Elisabeth de France, daughter of Henry II.
Page 33.—1. Les dernières visites, "the latest callers"; a not infrequent use of the abstract noun for the person.
2. Cette princesse étoit sur son lit. It was customary for ladies to receive callers while reclining on a couch in their bedroom.
Page 34.—1. Pour peu qu'elles soient aimables, "provided that they are charming." Pour used in this sense before pronouns and adjectives is followed by the concessive subjunctive. (See Mätzner, Französische Syntax, ii., §435.)
Page 37.—1. À l'heure du cercle, "at the time that she was holding a reception."
2. His death was caused by an accident that happened to him while jousting with the Duke of Montgomery (see page 92).
3. The death of Guise is thus described by Brantôme: "The said Poltrot was accustomed to go out with Monsieur de Guise together with the rest of us, who were members of his household, and he was continually in search of a suitable occasion to commit the deed. Monsieur passed over the water in a little boat which waited for him every evening and then went on horseback to his lodging, which was at some distance. Being on a cross-road which is right well known, the other, who was waiting for him in ambush, gave him the blow and then began to run and cry, 'Catch him, catch him.' Monsieur de Guise, feeling himself wounded, staggered a little, and said: 'That has been kept in store for me, but I believe it will result in nothing.' With great courage he retired into his lodging, where he was dressed and attended to by the best surgeons in France; nevertheless, he died at the end of a week."
Page 38.—1. Que je le fisse appeler, "that I should send him a challenge."
Page 39.—1. D'un premier mouvement, "impulsively."
Page 40.—1. Portraits en petit, "miniatures."
2. Quand used in the sense of si, a not unfrequent usage by Madame de La Fayette (see page 62, line 29; page 124, line 5, etc.).
THIRD PART.
Page 43.—1. Le duc d'Albe (1508-1582). Ferdinand Alvarez of Toledo, Duke of Alva, was a descendant of one of the most illustrious families of Spain. He early showed a genius for war and politics, and in the service of Charles V. was a violent opponent of the Protestants of Germany. He commanded the imperial forces at Metz opposed to the Duke of Guise, and not long after he was sent into Italy, where he reduced the power of the Pope. In 1559 he espoused Elisabeth of France in behalf of Philip II. In 1566 he was sent into Flanders to take charge of the Spanish forces sent against the Netherlanders; on account of his cruelties he was superseded in 1575. On his return to Spain he was treated with great distinction, but was subsequently banished from the court and exiled on account of some act of disobedience. He was, however, soon recalled and put in command of the army sent against Portugal, and succeeded in bringing back that country in allegiance to Spain.
2. Tenants du tournoi, "champions of the tournament." The tenants are those who begin the tournament and proclaim the first challenges by means of notices which are published by the heralds with the number of courses and the names of the combatants. The name is derived from tenir, because these champions undertook to hold (tenir) their places against every assailant. (See Le Père Ménestrier, Des Tournois, p. 194.)
3. Château des Tournelles, a palace built at the end of the present Rue des Francs-Bourgeois. On account of its connection with the death of Henry II., Catherine de Medici ordered the edifice to be demolished. Henry IV. began the erection on its site of the Place Royale, which was completed a year or two after his death. The revolutionists of 1789 deprived the square of its name and took away the statue of Louis XIII. erected by Richelieu. It is now known as the Place des Vosges.
Page 44.—1. Chastelart. Pierre de Bascosel de Chastelart was grandson of the celebrated Bayard, whom he resembled in personal appearance. On being presented to Mary Stuart, he conceived a violent passion for her and celebrated her charms in verse. He followed her to Scotland, but was soon compelled to return to Paris; there he mourned for her a year, and at last contrived to pass over again to Scotland. On account of his rashness and imprudence he was condemned to death; his affection for the princess, however, lasted till the end. Brantôme says of him: "Chastelard had as great talent and wrote as sweet and refined poetry as any nobleman in France."
2. This episode is probably based upon an event that took place shortly after the death of Louis XIII. Madame de Montbazon was the rival at court of the Duchess of Longueville, daughter of the Prince of Condé. One day, two unsigned love-letters were found in the salon of the former, who alleged that they were written in Madame de Longueville's hand and were the property of Maurice de Coligny. They were, however, written by Madame de Fouquerelles, and their real owner was the Marquis of Maulevrier. At the suggestion of the latter, La Rochefoucauld proved the falsity of Madame de Montbazon's accusations, recovered the letters, and burnt them in the presence of the Queen. The affair did not end here, but led to a duel, in which Coligny received a mortal wound at the hands of Henry of Guise, the champion of Madame de Montbazon. (See "The Last Duel in the Place Royale," Macmillan's Magazine, October, 1895.)
Page 50.—1. On lui en fit la guerre, "They taunted him about it" (see page 83, line 9).
2. À l'heure même, "immediately." (See also page 57, line 32; page 63, line 11; page 75, line 7.) On the position of même, see Mätzner, Französische Syntax, ii, § 534, 12.
3. Qui avoit l'esprit prévenu, "who felt assured."
Page 52.—1. See note on Vidame de Chartres, page 3, note 1.
2. Madame de Thémines, Anne de Puymisson, wife of Jean, Seigneur de Lousière, de Thémines, and Chevalier de l'Ordre du Roi, Governor of Beziers.
3. Fontainebleau, a residence of the kings of France since Louis VII. It is situated about 38 miles southeast of Paris in the beautiful forest of Fontainebleau. The palace is composed of numerous buildings and galleries erected at different epochs; among the most magnificent are the Gallery of Henry II., and the Chapel of the Holy Trinity, built in 1529. Fontainebleau was greatly enriched by St. Louis, Francis I., Henry II., Henry IV., Louis XIV., and Napoleon. Here in 1685 Louis XIV. signed the revocation of the Edict of Nantes, and here also, on April 4, 1814, Napoleon abdicated in favor of his son. Fontainebleau is the birthplace of Henry III. and Louis XIII.
Page 54.—1. Madame de Martigues, Marie de Beaucaire, daughter of Jean de Puyguillon, Seneschal of Poitou. She was familiarly known as Mademoiselle de Villemontays. She married Sébastien de Luxembourg, Viscomte de Martigues, called "le chevalier sans peur," by reason of his bravery while serving under Henry II., Francis II., and Charles IX.; he was killed during the siege of Saint-Jean d'Angely, November 20, 1569. Madame de Martigues died in 1613.
Page 58.—1. Sans chercher de détours, "openly." Compare such phrases as: user de détour, "to use evasions"; agir sans détour, "to act uprightly."
Page 61.—1. Chez la Reine, i.e. la Reine Dauphine.
Page 62.—1. Il n'y a que vous de femme au monde, "there is no other woman in the world except you."
Page 63.—1. Dire des choses plaisantes, "to jest."
Page 64.—1. The student must not be misled by Madame de La Fayette's ingenious explanation of Catherine de Medici's persecution of Mary Stuart and the subsequent expulsion of the widowed Queen from France. The real causes were Catherine's jealousy of the rising power of the Guises and her desire to avenge her private wrongs. The young Queen had availed herself of every opportunity to show her dislike for Catherine, and took special delight in humbling her pride by applying to her the contemptuous epithet of "fille de marchand." The bad feeling between the two rose to such a pitch that when, upon the death of Francis II., Mary's power was at an end, "the queen-mother," in the words of Michel de Castlenau, "found it very good and expedient to rid herself of the princess." (See Chéruel, Marie Stuart et Catherine de Médici, p. 19.)
2. La conjuration d'Amboise. In 1560 those who were opposed to the Guises and the Court, including a large number of Huguenots, made an effort to get Francis II. into their hands. Their design was to surprise the Court, which was then at the castle of Amboise (a town on the Loire, near Tours), and seize the King and Queen. The conspiracy was discovered by the Guises, and numbers of those implicated were executed. Although the Prince of Condé was really the instigator of the conspiracy, he could not be convicted, and was therefore released.
Page 65.—1. Qu'elle étoit d'intelligence avec Monsieur de Nemours, "that there was an understanding between her and Monsieur de Nemours."
Page 66.—1. Compiègne, a city on the left bank of the Oise, about fifty-two miles northeast of Paris. It was built by the Gauls and enlarged in 876 by Charles the Bald. In 833 the council was here held, by which Louis the Pious was deposed. Joan of Arc was taken prisoner in this city in 1430.
2. Journée, "day's journey."
Page 67.—1. La Duchesse de Mercoeur, Jeanne de Savoie, second wife of Nicholas, Count of Vaudemont, Duke of Mercoeur. Her son was the celebrated Philippe-Emmanuel of Lorraine, Duke of Mercoeur.
2. À toute bride, "at full speed." A similar phrase is à bride abattue.
Page 70.—1. Que tout ce qu'il y a jamais eu de femmes au monde, "than any woman who has ever lived." The neuter relative in a personal sense is not infrequently used by Madame de la Fayette (see page 16, line 29).
Page 72.—1. Je ne vous saurois croire, "I cannot believe you." ("In the conditional and pluperfect savoir is employed for pouvoir."—Littré.)
Page 79.—1. Le Connétable, Anne, Duke of Montmorency (1492-1567). He distinguished himself during the wars of Francis I. and was made Constable in 1538. Some time after he was banished from the Court and retired to his estates till the accession of Henry II., when he was again invested with his former dignities. During the wars of religion he commanded the royal army against the Huguenots, and was fatally wounded at Saint-Denis.
2. Le Prince d'Orange (1533-1584). William of Nassau, Prince of Orange, founder of the Republic of Holland, was the son of William the Old, Count of Nassau. In 1544 he received the title of Prince of Orange. He was brought up at the Court of Charles V., and in 1554 was placed in command of the army in Flanders. He won the confidence of the Emperor, and was sent into France to hasten the Treaty of Câteau-Cambrésis, Philip II., however, was not favorably disposed toward the Prince, and appointed the Duke of Alva as governor in the Netherlands; the cruelties of the latter drew upon him the opposition of the people, and the Prince of Orange made himself their leader. The removal of Alva was accompanied by a temporary withdrawal of the Spanish forces; upon their return, the Prince again took the people's part, and, on January 29, 1579, induced them to adopt the famous treaty called the Union of Utrecht, which forms the foundation of the liberties of Holland. After various attempts had been made against the life of the Prince, he was at length assassinated at Delft.
Page 80.—1. Elle n'avoit pas le jour au visage, "her face was in the dark."
Page 85.—1. Cette seule curiosité, "that curiosity alone." (See also page 126, line 15: la seule bienséance.)
Page 90.—1. L'Évêché, the Episcopal Palace.
2. L'Hôtel de Villeroy, a palace on the Rue des Poulies. It was built in the middle of the thirteenth century by Alphonse, brother of St. Louis. From 1421 it was called l'Hôtel d'Alençon. At the beginning of the sixteenth century it passed into the hands of Nicholas de Neufville, Seigneur de Villeroy, and took the name of l'Hôtel de Villeroy. It was sold in 1568 to the Duke of Anjou (afterwards Henry III.), and for some time was called after him. Later on it was greatly improved and partly rebuilt by the Duchess of Longueville, and since then has been known as l'Hôtel de Longueville.
Page 91.—1. Grand-maître, "major-domo."
2. panetier, "head butler," from an old verb paneter, "to make bread," from Latin panis.
3. Échanson, "cup-bearer," from Low Latin scancio = "I pour out to drink." These ancient menial offices were revived and bestowed upon the highest courtiers at the time of the establishment of the Court.
4. Machines, "devices"; they were spectacular representations of all kinds.
5. incarnat, "incarnadine," a color about midway between cherry and rose.
6. Brantôme writes: "Monsieur de Nemours wore yellow and black, two colors which were very suitable to him, signifying as they do, joy and steadfastness; for he was at that time (so it was rumored) enjoying the favor of one of the most beautiful ladies in the world, and therefore he ought to be steadfast and faithful to her by good reason."
Page 92.—1. "These four princes were the best men-at-arms to be found anywhere... and it could not be told to whom special glory was to be given; yet the king was one of the best and most skilful horsemen in the realm" (Brantôme, iv., 104).
2. Avoit fourni sa carrière, "had run over the course," an expression of the tournament. Similar phrases are: franchir la carrière, "to run the distance"; arriver au bout de la carrière, "to reach the goal"; parcourir la carrière, etc.; these expressions are now used in a figurative sense. The carrière is a piece of ground enclosed by barriers and arranged for races.
3. Le comte de Montgomery. Gabriel de Montgomery was the eldest son of Jacques de Montgomery, Seigneur de Lorges. He took a prominent part in political affairs under Francis I., and in 1545 was sent to Scotland with some troops to render aid to Mary of Lorraine. After the unfortunate encounter with Henry II., he retired to his estates in Normandy. At the outbreak of the wars of religion, he took the part of the Protestants against the Crown, was present at the taking of Rouen, and narrowly avoided being captured. He was in Paris at the time of the massacre of St. Bartholomew, and saved himself by flight. Shortly after, he made his way to England, and in 1573 appeared before La Rochelle, in command of an English fleet. A few months later he was again in France, and fought bravely on the Huguenot side, but having been driven to extremities, he surrendered at Domfront; he was immediately tried, condemned, and executed on May 27, 1574.
4. Qu'il se mît sur la lice, "that he enter the lists." A similar expression is: entrer dans la lice. La lice = "a level space marked off by a rope or railing, and surrounded with galleries for spectators."
5. La barrière, the enclosure where knightly encounters took place.
Page 94.—1. Compare this description with that of Brantôme (iv., p. 103): "La mal fortune fut que sur le soir il voulut encore rompre une lance; et pour ce manda au comte de Montgomery qu'il comparût et se mît en lice. Lui refusa tout à plat... mais le roi, fâché de ses réponses, lui manda résolument qu'il le vouloit. La reine lui manda et pria par deux fois qu'il ne courût plus pour l'amour d'elle. Rien pour cela, mais lui manda qu'il ne couroit que cette lance pour l'amour d'elle. Et pour ce, l'autre ayant comparu en lice, le roi courut. Ou fut que le malheur le voulût ainsi, ou son destin l'y poussât, il fut atteint du contre coup par la tête dans l'œil où lui demeura un grand éclat de la lance, dont aussi tôt fut relevé de ses écuyers, et Monsieur de Montgomery vint à lui qui le trouva fort blessé. Toutefois il ne perdit cœur et n'étonna point, et dit que ce n'étoit rien, et soudain pardonna audict comte de Montgomery.... Il mourut au bout de quelques jours en très bon Chrétien et ainsi ce grand roi qui avoit été en tant de guerres et les avoit tant aimées, n'y a pu mourir et est mort là."
FOURTH PART.
Page 96.—1. Reims, a celebrated city in the Department of Marne, 107 miles northeast of Paris. Clovis was baptized here in 496. In the eighth century it was made an archbishopric, and from 1179 till the time of Charles X. it was the coronation place of the kings of France.
2. "On the fifteenth day of the month of September (1559), King Francis II. made his entry into the city of Reims, where he was received with all devotion and honor by the inhabitants of this city. And on the following Monday, his Majesty was anointed and consecrated in the great church by the Cardinal of Lorraine, in the presence of the princes of the blood and many other great lords, and all the ceremonies required and preserved by immemorial custom were there observed. Immediately afterwards he departed from that place and abode for some time in the city of Blois" (Nicole Gilles and Belle-Forest in their Annales de France, quoted by Godefroy: Le Cérémonial François, i., p. 311).
The consecration of the King of France was attended with many elaborate ceremonies. The new monarch made a journey to Reims, and was escorted into the city by the high secular authorities; masses were then offered, in which the King took part. On the coronation day he was conducted to the Church of Notre Dame; the sacred vessel containing the anointing oil was brought in and delivered into the hands of the archbishop. This was followed by the administration of the oath, by which the King promised to preserve the faith of the Church, to suppress evil-doers, to rule with justice and mercy, and to endeavor to exterminate all heresy within the realm. He was then anointed on the head, on the breast, between the two shoulders, on the right and on the left shoulder, and on the right and left arms; at each application the Monsieur de Reims exclaimed: "Ungo te in Regem de oleo sanctificato, in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti." The King was then clothed in his royal garments, the sceptre placed in his hand and the crown upon his head. After the celebration of a mass, he was led back to the palace amid the shouts of the people: "Vivat Rex in æternum!"
Page 98.—1. Qu'elle lui en fît une finesse, "that she was deceiving him." ("La finesse dans ce sens est la finesse d'esprit conduite jusqu'à un mauvais usage."—Littré.)
Page 101.—1. Anet, a chateau built in 1552 by Philibert Delorme, by order of Henry II., for Diana of Poitiers. It was embellished by the best artists of France,—Goujon, Pilon, Cousin, etc. The building was partly destroyed during the Revolution.
2. Chambort, a magnificent palace about ten miles west of Paris, constructed by Pierre Napren for Francis I., and decorated by Cousin, Pilon, and others. It was afterwards owned by King Stanislaus, then by the family of Polignac, afterwards by Marshal Berthier. In 1821 it was granted to the Duke of Bordeaux, and is now in the possession of his descendants.
Page 110.—1. Blois, chief city of the Department of Loir-et-Cher, on the right bank of the Loire, about 110 miles south-southwest of Paris. Its Counts were of the family of Hugh Capet. During the reign of Charles the Simple, it was in the possession of Thibaut, Count of Chartres. It remained to his descendants till 1491, when it came into the hands of the Duke of Orleans, afterwards Louis XII., who united it to the possessions of the Crown. Blois then became a favorite resort of the House of Valois; Francis I. and Charles IX. resided there. A fine description of the palace is given in Balzac's Catherine de Medici.
Page 111.—1. Que in the sense of pourquoi. (See also page 126, line 23.)
Page 112.—1. Est-ce de vous dont je parle? such is the reading of the edition edited by E. Flammarion, which text has been mostly followed in this edition. A preferable reading is that of the edition of P.A. Moutardier, edited by Étienne and Jay: est-ce vous dont je parle? Compare ce n'est pas moi dont vous parlez (line 24), and ce n'est pas vous dont vous parlez (page 83, line 28). The reading of the edition of Garnier Frères is: est-ce de vous que je parle?
Page 113.—1. S'il n'y alloit que de mon intérêt, "if my interests alone were at stake."
Page 115.—1. This tender and praiseworthy resolution of Madame de Clèves furnishes the true explanation of her actions toward the Duke of Nemours after the death of her husband,—a course of conduct which some of Madame de La Fayette's critics find so inexplicable. (See d'Haussonville's Vie de Mme. de La Fayette, p. 190.)
Page 116.—1. Plus de devoir, plus de vertu, "no more requirements of duty or virtue."
Page 119.—1. Supposant, "under the pretext."
Page 122.—1. Notice the use of the future and the conditional in interjectional expression in the sense of the present and past tenses. Translate: "Can it be that a mere fancy prevents you from giving happiness to a man," etc.
Page 126.—1. Monsieur de Clèves ne fait encore que d'expirer, "M. de Clèves has just died."
Page 127.—1. Elle ne fît de déclarations et ne prît engagement, "lest she should make certain promises and bind herself," referring possibly to her withdrawal from the world into a religious house, or perhaps to a simple vow never to marry again.
Page 131.—1. Dont, an incorrect use of the relative, noticed by Valincour. Dont is not used as a compound relative; the correct expression would be de celui dont.