Le Livre 010101, Tome 2 (1998-2003)
En janvier 2001, Barnes & Noble, autre géant du livre, se lance dans l'aventure en créant Barnes & Noble Digital. Barnes & Noble est non seulement une chaîne de librairies traditionnelles doublée d'une librairie en ligne, en partenariat avec Bertelsmann pour cette dernière, mais aussi un éditeur de livres classiques et illustrés. Pour attirer les auteurs, l'éditeur leur propose de leur verser 35% du prix de vente des livres numériques vendus sur le site et les sites affiliés. Un pourcentage moindre que celui offert par Random House, mais nettement supérieur à celui versé par les autres éditeurs en ligne: ces droits, après avoir été de 15% à l'origine, seraient début 2001 de 25% en moyenne. L'opération vise bien sûr à convaincre les auteurs de best-sellers de l'intérêt d'une version numérique à côté de la version imprimée. Parallèlement, Barnes & Noble Digital débute la publication numérique de titres tombés dans le domaine public.
7.3. Une progression régulière
Comme on vient de le voir, si elle existe dès mai 1998 avec la commercialisation des premiers titres numériques par les éditions 00h00, la vente de livres numériques ne commence vraiment à se généraliser qu'à l'automne 2000. Elle est effectuée soit directement par les éditeurs, soit par le biais des libraires, avec impression à la demande grâce aux nouvelles technologies d'impression numérique développées notamment par les sociétés Xerox, Océ et IBM.
On voit apparaître aussi les premières librairies numériques, à savoir des librairies vendant exclusivement des livres numériques, le plus souvent par téléchargement, et dans plusieurs formats. L'étape suivante sera la vente de livres "en pièces détachées", à savoir un chapitre seul, ou une partie de livre, ou un article à l'unité, ou encore une carte ou un tableau statistique. En 2002, ce type de vente est déjà chose possible à titre expérimental, par exemple dans la librairie numérique Numilog, ou encore dans la librairie en ligne de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).
Le prix du livre numérique est en général inférieur de 30% à celui du livre imprimé. Sa commande et sa livraison sont quasi immédiates via l'internet. Quant à sa taille et son poids, ils sont nuls, bien qu'en pareil cas il faille bien sûr prendre en compte la taille et le poids de la machine nécessaire pour le lire. Un assistant personnel (PDA) de type Pocket PC ou Palm Pilot pesant environ 200 g permet d'emporter avec soi une quinzaine de romans de 200 pages, en plus des autres fonctionnalités présentes dans la machine. Un ordinateur ultra-portable disposant d'un disque dur de 6 Go (giga-octets), pesant moins de 1,5 kg et équipé des logiciels de bureautique standard permet de stocker environ 5.000 livres.
Quelle est la taille d'un livre numérique, et son temps de téléchargement? Quelques exemples sont donnés à titre indicatif dans la FAQ (foire aux questions) de la librairie numérique Numilog. Une nouvelle de 50 pages représente un fichier de 150 Ko (kilo-octets). Le temps nécessaire à son téléchargement est de 37 secondes avec un modem 56 Kbps (56 kilobits par seconde) et de 3 à 6 secondes avec une connexion à haut débit (câble ou DSL - digital subscriber line). Un roman de 300 pages représente un fichier de 1 Mo (méga-octet). Son temps de téléchargement est de 4 minutes avec un modem 56 Kbps et de 20 à 40 secondes avec une connexion à haut débit. Un guide pratique de 200 pages incluant des tableaux représente un fichier de 1,5 Mo. Son temps de téléchargement est de 6 minutes avec un modem 56 Kbps et de 30 à 60 secondes avec une connexion à haut débit. Un livre illustré avec des photos représente un fichier de 10 Mo. Son temps de téléchargement est de 41 minutes avec un modem de 56 Kbps et de 3 à 6 minutes avec une connexion à haut débit.
Outre le fait qu'il faille une machine pour le lire - mais après tout c'est ce qui le caractérise, en attendant le papier électronique de demain - l'obstacle majeur à la diffusion du livre numérique reste le faible nombre de titres. "Le volume de titres disponibles en format de lecture à l'écran est ridicule par rapport aux quelque 600.000 titres existant en français", indique en février 2001 Denis Zwirn, PDG de Numilog. Nombre d'éditeurs sont maintenant en train de numériser - ou faire numériser - leurs fonds, à la perspective d'un marché naissant qui devrait connaître une forte expansion dans les prochaines années. Editeurs en ligne et libraires numériques négocient patiemment les droits auprès des éditeurs traditionnels, et ce non sans mal puisque, à tort ou à raison, la profession est encore très inquiète des risques de piratage.
Selon Zina Tucsnak, ingénieure d'études en informatique à l'ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française), interviewée en novembre 2000, "l'ebook offre une combinaison d'opportunités: la digitalisation et l'internet. Les éditeurs apportent leurs titres à tous les lecteurs du monde. C'est une nouvelle ère de la publication." Mais le livre numérique est encore dans l'enfance. Comme l'explique en janvier 2001 Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée) d'Abidjan, "il faut voir par la suite comment il se développera et quelles en seront surtout les incidences sur la production, la diffusion et la consommation du livre. A coup sûr cela va entraîner de profonds bouleversements dans l'industrie du livre, dans les métiers liés au livre, dans l'écriture, dans la lecture, etc."
Chez les adeptes du livre numérique, l'enthousiasme des années 2000 et 2001 fait place à plus de mesure en 2002 et 2003. On ne parle plus du tout numérique pour le proche avenir, mais plutôt de la publication simultanée d'un même titre en deux versions, numérique et imprimée. Pour mettre en place ce nouveau mode de distribution, la tâche est rude. Il faut constituer les collections, améliorer les logiciels de lecture, rendre le prix des appareils de lecture abordable et, plus difficile encore, habituer le grand public à lire un livre à l'écran. Alors que, en octobre 2000, l'ebook est l'une des vedettes de la Foire internationale du livre de Francfort, il se fait beaucoup plus modeste les années suivantes. La même remarque vaut pour le Salon du livre de Paris qui, après avoir proposé un Village eBook en mars 2000, puis le premier sommet européen de l'édition numérique (eBook Europe 2001) en mars 2001, n'organise pas de grande manifestation spécifique les deux années suivantes.
Cependant, malgré le pessimisme relatif ayant succédé aux déclarations enthousiastes, le livre numérique poursuit patiemment son chemin. En 2001, le grand éditeur Random House vend deux fois plus de livres numériques qu'en 2000. Tous éditeurs confondus, les ventes de 2001 se chiffrent par milliers pour le New World College Dictionary de Webster, les ouvrages de fiction de Stephen King et Lisa Scottolini, les livres d'économie et les manuels pratiques. En mars 2002, Palm Digital Media, qui vend des titres pour Palm Pilot et Pocket PC, annonce la vente de 180.000 livres numériques pour l'année 2001, soit une augmentation de 40% par rapport à l'année précédente.
7.4. Livres numériques braille et audio
La généralisation des livres numériques représente un tournant important pour l'accès des personnes handicapées visuelles au livre. Le document numérique permettant de dissocier contenu et présentation, le lecteur malvoyant peut désormais influer sur cette dernière en changeant la taille et la police des caractères, en inversant les contrastes, en supprimant la couleur ou en la modifiant. Quant au contenu, on dispose maintenant des technologies permettant de le convertir automatiquement dans un autre système de codage ou dans une autre langue, y compris en braille et en synthèse vocale.
= Le livre numérique braille
Alphabet tactile inventé en 1829 par le français Louis Braille, le braille est le seul système d'écriture accessible aux aveugles. Il s'agit d'un système de six points composé de deux colonnes de trois points. La combinaison de ces six points permet de former toutes les lettres de l'alphabet, les signes de ponctuation et les symboles. Le braille est d'abord embossé sur papier au moyen d'une tablette et d'un poinçon. A partir de la fin des années 1970, il est produit à l'aide d'un afficheur braille piézo-électrique permettant un affichage dynamique. A cet afficheur succède la machine Perkins avec son clavier de six touches. Puis apparaît le matériel informatique, par exemple le bloc-notes braille, qui sert à la fois de machine à écrire le braille et (quand il est connecté à un ordinateur) d'écran tactile permettant de lire l'écran standard. Le braille informatique peut s'afficher sur huit points, ce qui permet d'augmenter par quatre le nombre de combinaisons possibles.
Dans de nombreux pays, malgré l'existence d'un matériel informatique adapté, l'édition braille reste encore confidentielle sinon clandestine, le problème des droits d'auteur sur les transcriptions n'étant pas résolu. L'édition braille française serait de 400 titres par an, dont 200 livres scolaires. Les livres en gros caractères ou sur cassettes sont eux aussi peu nombreux par rapport aux milliers de titres paraissant chaque année, malgré tous les efforts dispensés par des éditeurs spécialisés et des organismes bénévoles. Interviewé en janvier 2001, Patrice Cailleaud, directeur de la communication de Handicapzéro, explique que, si le livre numérique est "une nouvelle solution complémentaire aux problèmes des personnes aveugles et malvoyantes, (…) les droits et autorisations d'auteurs demeurent des freins pour l'adaptation en braille ou caractères agrandis d'ouvrage. Les démarches sont saupoudrées, longues et n'aboutissent que trop rarement." D'où la nécessité impérieuse de lois nationales et d'une loi internationale du droit d'auteur pour les personnes atteintes de déficience visuelle.
La transcription en braille peut pourtant être rapide quand existent à la fois la motivation et les moyens. Aux Etats-Unis, Harry Potter and the Goblet of Fire (en français Harry Potter et le gobelet de feu), best-seller de Joanne K. Rowling, est publié par la National Braille Press (NBP) fin juillet 2000, vingt jours seulement après sa sortie en librairie, avec un premier tirage de 500 exemplaires. Si les 734 pages du livre imprimé par Scholastic donnent 1.184 pages en braille, le prix du livre braille n'est pas plus élevé. Ce très court délai est dû à deux facteurs. D'une part, Scholastic a fourni le fichier électronique, une initiative dont feraient bien de s'inspirer d'autres éditeurs. D'autre part, les 31 membres de l'équipe de la National Braille Press ont travaillé sans relâche pendant quinze jours. Comme pour les autres titres de la NBP, le livre est également disponible au format PortaBook, à savoir un fichier en braille informatique abrégé stocké sur disquette et lisible au moyen d'un lecteur braille portable ou d'un logiciel braille sur micro-ordinateur.
= Des collections numériques braille
Dans le monde francophone, fait qui reste encore trop rare, un éditeur et une association se mobilisent dans ce domaine. En décembre 1999, lors du Salon du livre de la jeunesse de Montreuil, les éditions 00h00 et l'association BrailleNet lancent l'opération "2.000 livres jeunesse sur internet pour les aveugles et malvoyants en l'an 2000". Cette opération correspond à la création d'un service internet permettant de commander en ligne des livres pour enfants en différents formats. Ces ouvrages sont soit des versions imprimées en gros caractères ou en braille, soit des versions numériques consultables sur micro-ordinateur, sur plage braille ou sur synthèse vocale.
Pour répondre au problème soulevé par le manque d'ouvrages adaptés, BrailleNet crée aussi la base de données Hélène. En partenariat avec plusieurs organismes (associations, éditeurs, établissements d'enseignement), Hélène propose en accès restreint des livres numériques permettant des impressions en braille ou en gros caractères. Ces livres sont des oeuvres littéraires récentes, des documentations techniques, des ouvrages scientifiques, des manuels scolaires et des supports de cours adaptés. La bibliothèque virtuelle est développée en partenariat avec l'INRIA Rhône-Alpes (INRIA: Institut national de recherche en informatique et en automatique).
Malgré ces efforts, il reste beaucoup à faire pour proposer dans les pays francophones un véritable service public du type de celui offert depuis août 1999 aux Etats-Unis par un département de la Library of Congress, le NLS/BPH (National Library Service for the Blind and Physically Handicapped). Un serveur permet aux personnes handicapées visuelles de télécharger des livres, soit au format braille pour une lecture sur plage braille, soit au format NISO/DAISY (National Information Standards Organization / Digital Audio Information System) pour une écoute sur synthèse vocale. A l'ouverture du service, 3.000 livres en braille abrégé sont disponibles par téléchargement ou consultables en ligne. Les sources sont codées pour une impression sur imprimante braille ou pour une lecture en ligne effectuée en braille abrégé (à l'aide d'une plage braille ou de toute autre interface d'accès braille). Ce service fournit aussi un synthétiseur de parole, qui est un logiciel permettant de désagréger le texte pour lecture sur synthèse vocale.
= Bookshare.org
Une autre réalisation particulièrement intéressante est celle de Benetech, une société de la Silicon Valley qui se donne pour objectif de mettre la technologie au service de tous les êtres humains, et pas seulement de quelques-uns. Benetech décide de créer et financer Bookshare.org, une grande bibliothèque numérique à l'intention des aveugles et malvoyants résidant aux Etats-Unis. Bookshare.org est mis en ligne en février 2002. Après avoir soumis la preuve écrite de leur handicap et s'être acquittés de la somme de 25 dollars pour l'inscription, les adhérents ont accès à la bibliothèque moyennant un abonnement annuel de 50 dollars. Scannés par une centaine de volontaires, les 7.620 titres de départ sont disponibles en deux formats, le format BRF et le format DAISY. Le format BRF (braille format) est destiné à une lecture sur plage braille ou une impression sur imprimante braille. Le format DAISY (digital audio information system) permet l'écoute du texte sur synthèse vocale.
Bookshare.org n'aurait pu voir le jour sans le travail d'une centaine de volontaires scannant les livres imprimés, et sans la volonté bien ancrée de l'équipe de faire appliquer un amendement de la loi de 1997 sur le copyright (United States Code, titre 17, section 121). Cet amendement autorise la distribution d'oeuvres littéraires dans des formats adaptés, et ce auprès des personnes handicapées visuelles, des personnes souffrant d'un handicap de lecture (par exemple la dyslexie) et des personnes à la motricité réduite (par exemple celles qui ne peuvent tenir un livre dans les mains ou bien tourner les pages). Toute version numérique doit obligatoirement inclure la mention du copyright, avec le nom de l'éditeur détenteur des droits et la date originale de publication.
L'initiative de Bookshare.org constitue une avancée considérable. L'objectif de l'association est assez différent de celui du département spécialisé de la Library of Congress. Ce dernier offre un nombre de titres très inférieur et les textes sont numérisés avec le plus grand soin. Dans le cas de Bookshare.org, il s'agit au contraire de proposer le plus grand nombre possible de livres numérisés à moindre coût. Si, jusque-là, moins de 5% des titres publiés aux Etats-Unis sont disponibles en version braille ou en version audio, la seule limite devient désormais celle du nombre de volontaires scannant les livres. Sur son site, l'association fait appel aux bonnes volontés pour grossir les rangs de l'équipe actuelle, afin de proposer à terme plusieurs dizaines de milliers de livres, y compris toutes les nouveautés. Le nombre de livres et de volontaires augmente rapidement. En un an, de février 2002 à février 2003, le catalogue passe de 7.620 titres à 12.000 titres, et le nombre de volontaires de 100 à 200 personnes. En août 2003, le catalogue approche les 14.000 titres.
Bookshare.org propose aussi des oeuvres du domaine public en téléchargement libre. Accessibles à tous, abonnés ou non, ces oeuvres sont disponibles dans quatre formats différents: HTML (hypertext markup language), TXT (text), BRF (digital braille) et DAISY (digital audio information system). Toujours en tête de file lorsqu'il s'agit de lecture pour tous, le Projet Gutenberg met à la disposition de l'association l'ensemble de ses collections, soit, en 2003, les textes électroniques de 8.000 oeuvres du domaine public.
= Le livre audionumérique
Dans le service spécialisé de la Library of Congress comme dans Bookshare.org, les titres sont disponibles non seulement en version numérique braille mais aussi en version audionumérique. Quelle est l'origine du livre audionumérique?
Depuis vingt ans sinon plus, les personnes handicapées visuelles écoutent des livres sur bande magnétique ou sur cassettes, enregistrés au fil des ans par des centaines de bénévoles. Depuis une dizaine d'années, elles peuvent aussi se procurer en librairie des livres audio sur cassettes et sur CD-Rom. Fait récent, les technologies numériques permettent désormais de convertir automatiquement un document numérique en "voix" grâce à la synthèse vocale. Un logiciel de synthèse vocale devrait d'ailleurs être intégré aux outils informatiques standard de demain, tout comme un logiciel de traduction automatique.
Si les techniques de synthèse vocale s'améliorent, de l'avis de certains, rien ne remplace une vraie voix, c'est-à-dire une voix humaine, moins parfaite peut-être, mais vivante, avec des nuances, des intonations, des inflexions, etc. Or de nombreux organismes disposent d'enregistrements réalisés en analogique (sur bande magnétique et sur cassette) par des bénévoles. La numérisation de tous ces enregistrements permettrait de les utiliser non seulement dans la communauté desservie mais partout ailleurs. D'une part chaque organisme pourrait accroître ses collections de manière exponentielle, d'autre part de nouvelles bibliothèques audio pourraient être créées à moindre coût, notamment dans les pays en développement.
De nombreux spécialistes décident d'unir leurs forces pour oeuvrer en commun. Ils fondent en mai 1996 le DAISY Consortium (DAISY: Digital Audio Information System), un consortium international chargé d'assurer la transition entre le livre audio analogique et le livre audionumérique. Sa tâche est immense: définir une norme internationale, déterminer les conditions de production, d'échange et d'utilisation du livre audionumérique, organiser la numérisation du matériel audio à l'échelle mondiale. Les activités du consortium comprennent entre autres la définition de normes de spécification de fichiers à partir de celles du World Wide Web Consortium (W3C), la conception de logiciels de conversion des bandes son analogiques en bandes son numériques, la gestion d'ensemble de la production, l'échange de livres audionumériques entre bibliothèques, la définition d'une loi internationale du droit d'auteur pour les personnes atteintes de déficience visuelle, la protection des documents soumis au droit d'auteur, et enfin la promotion de la norme DAISY à l'échelle mondiale.
La norme DAISY se base sur le format DTB (digital talking book), qui permet l'indexation du livre audio et l'ajout de signets pour une navigation facile au niveau du paragraphe, de la page ou du chapitre. Une fois téléchargé dans l'ordinateur de l'usager, le texte électronique stocké dans le fichier DAISY peut être lu sur synthèse vocale. Au printemps 2003, il existe près de 41.000 livres audionumériques répondant à cette norme.
= L'écoute et la lecture
Même si les documents audio ont une importance qu'il ne faut pas négliger, une enquête menée en 2000 et 2001 sur l'accessibilité du web aux aveugles et malvoyants montre la nécessité d'une véritable sensibilisation des voyants au fait que les personnes handicapées visuelles ont elles aussi droit à deux modes de connaissance - la lecture et l'écoute - tout comme les voyants (pour lire l'ensemble des réponses, lancer la requête "aveugles" dans la base interactive des Entretiens). Si les professionnels du livre interrogés suggèrent presque tous la généralisation des documents audio, beaucoup ne savent pas qu'il est désormais possible de convertir un texte électronique en braille numérique. Pourquoi les aveugles devraient-ils se limiter à l'écoute, alors que le développement du numérique leur ouvre enfin largement accès à la lecture?
Ce dernier point est souligné par Richard Chotin, professeur à l'Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille, qui se réjouit des progrès réalisés dans ce domaine. "Ma fille vient d'obtenir la deuxième place à l'agrégation de lettres modernes, écrit-il en mai 2001. Un de ses amis a obtenu la maîtrise de conférence en droit et un autre a soutenu sa thèse de doctorat en droit également. Outre l'aspect performance, cela prouve au moins que, si les aveugles étaient réellement aidés (tous les aveugles n'ont évidemment pas la chance d'avoir un père qui peut passer du temps et consacrer de l'argent) par des méthodes plus actives dans la lecture des documents (obligation d'obtenir en braille ce qui existe en "voyant" notamment), le handicap pourrait presque disparaître."
Datée de mai 2001, la directive 2001/29/CE de la Commission européenne sur "l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information" insiste dans son article 43 sur la nécessité pour les Etats membres d'adopter "toutes les mesures qui conviennent pour favoriser l'accès aux oeuvres pour les personnes souffrant d'un handicap qui les empêche d'utiliser les oeuvres elles-mêmes, en tenant plus particulièrement compte des formats accessibles" Il reste à appliquer cet article à large échelle.
Il faut signaler aussi dans ce domaine le travail inlassable de l'association Handicapzéro, dont le but est d'améliorer l'autonomie des personnes handicapées visuelles, à savoir plus de 10% de la population francophone. En France par exemple, une personne sur mille est aveugle, une personne sur cent est malvoyante, et une personne sur deux a des problèmes de vue. Mis en ligne en septembre 2000, le site web de l'association devient rapidement le site adapté le plus visité de France, avec 10.000 requêtes mensuelles.
En février 2003, l'association lance un portail offrant en accès libre l'information nationale et internationale en temps réel (en partenariat avec l'Agence France-Presse), l'actualité sportive (avec L'Equipe), les programmes de télévision (avec Télérama), la météo (avec Météo France) et un moteur de recherche (avec Google). Le portail propose aussi toute une gamme de services dans les domaines de la santé, de l'emploi, de la consommation, des loisirs, des sports et de la téléphonie.
Les aveugles peuvent accéder au site au moyen d'une plage braille ou d'une synthèse vocale. Les malvoyants peuvent paramétrer sur la page d'accueil la taille et la police des caractères ainsi que la couleur du fond d'écran pour une navigation confortable, en créant puis modifiant leur profil selon leur potentiel visuel. Ce profil est utilisable aussi pour la lecture de n'importe quel texte situé sur le web, en faisant un copier-coller dans la fenêtre prévue à cet effet. Les voyants peuvent correspondre en braille avec des aveugles par le biais du site, Handicapzéro assurant gratuitement la transcription et l'impression braille des courriers ainsi que leur expédition par voie postale. L'association entend ainsi démontrer "que, sous réserve du respect de certaines règles élémentaires, l'internet peut devenir enfin un espace de liberté pour tous".
8. DES APPAREILS DE LECTURE
[8.1. Les livres électroniques / 8.2. Les assistants personnels (PDA) / 8.3. L'avenir des machines de lecture / 8.4. Le papier électronique]
Les livres numériques sont d'abord lisibles sur l'écran de notre ordinateur: ordinateur du domicile ou du bureau, ordinateur portable et ordinateur ultra-portable. Pour plus de mobilité, certains constructeurs conçoivent aussi des appareils de lecture appelés livres électroniques, alors que d'autres intègrent des logiciels de lecture dans leurs assistants personnels (PDA). Plus tard viendra le papier électronique, qui devrait permettre de concilier les avantages du numérique et le confort d'un matériau souple proche du papier.
8.1. Les livres électroniques
Pour le distinguer du livre numérique, qui est un livre en version numérisée, l'appareil exclusivement dédié à la lecture de livres numériques est appelé ici livre électronique, en attendant peut-être une terminologie plus adaptée.
Le livre électronique étant monotâche, les premiers modèles des années 1999-2001 résistent mal à la concurrence des assistants personnels (PDA), qui permettent eux aussi de lire des livres numériques tout en offrant d'autres fonctionnalités (agenda, dictaphone, lecteur de MP3, etc.). Les ventes des appareils pionniers que sont le Rocket eBook, le Softbook Reader, le Cybook et les modèles de Gemstar eBook sont très inférieures aux pronostics. La vente du Cybook cesse en juillet 2002, et celle des Gemstar eBook en juin 2003. Si le concept de livre électronique reste intéressant pour les gros lecteurs, il doit être entièrement repensé à la lumière de ces premières expériences.
= Les premiers modèles
Mis sur le marché en 1999, les premiers livres électroniques sont conçus et développés en 1998 dans la Silicon Valley, en Californie. Le modèle le plus connu, le Rocket eBook, est créé par la société NuvoMedia, en partenariat avec la chaîne de librairies Barnes & Noble et le géant des médias Bertelsmann. Un deuxième modèle, le Softbook Reader, est développé par la société Softbook Press, en partenariat avec les deux grandes maisons d'édition Random House et Simon & Schuster. Plusieurs autres modèles ont une durée de vie assez courte, par exemple l'Everybook, appareil à double écran créé par la société du même nom, ou encore le Millennium eBook, créé par Librius.com. A cette époque, qui n'est pas si lointaine, toutes ces tablettes électroniques pèsent entre 700 g et 2 kg et peuvent stocker une dizaine de livres.
= Les modèles de Gemstar eBook
Lancés en octobre 2000 à New York, les deux premiers modèles de Gemstar eBook sont les successeurs du Rocket eBook (conçu par la société NuvoMedia) et du Softbook Reader (conçu par la société Softbook Press), suite au rachat de NuvoMedia et de Softbook Press par Gemstar-TV Guide International en janvier 2000. Commercialisés en novembre 2000 aux Etats-Unis, ces deux modèles - le REB 1100 (écran noir et blanc, successeur du Rocket eBook) et le REB 1200 (écran couleur, successeur du Softbook Reader) - sont construits et vendus sous le label RCA (appartenant à Thomson Multimedia). Le système d'exploitation, le navigateur et le logiciel de lecture sont spécifiques au produit, tout comme le format de lecture, basé sur le format OeB (open ebook).
Le REB 1100 (18 cm x 13,5 cm) a une taille comparable à celle d'un (très) gros livre broché. Son poids est de 510 grammes. Son autonomie est de 15 heures. Il dispose d'un modem de 36,6 Kbps (kilobits par seconde). Sa mémoire compact flash de 8 Mo (méga-octets) permet de stocker 20 romans, soit 8.000 pages de texte. La mémoire peut être étendue à 72 Mo pour permettre un stockage de 150 livres, soit 60.000 pages de texte. L'écran tactile noir et blanc rétro-éclairé a une résolution de 320 x 480 pixels. Le REB 1100 est vendu par la chaîne de magasins SkyMall au prix de 300 dollars.
Un peu plus volumineux, le REB 1200 (23 cm x 19 cm) a la taille d'un grand livre cartonné. Son poids est de 750 grammes. Son autonomie est de 6 à 12 heures. Il dispose d'un modem de 56 Kbps et d'une connexion Ethernet permettant l'accès à l'internet par câble et DSL (digital subscriber line). Sa mémoire compact flash de 8 Mo permet de stocker 5.000 pages. La mémoire peut être étendue à 128 Mo pour permettre un stockage de 80.000 pages. L'écran tactile couleur rétro-éclairé a une résolution de 480 x 640 pixels. Le REB 1200 est vendu par la chaîne de magasins SkyMall au prix de 699 dollars.
La commercialisation du modèle européen, le GEB 2200, débute en octobre 2001 en commençant par l'Allemagne. Le GEB 2200 a les mêmes caractéristiques que le REB 1200. Son poids est un peu supérieur (970 grammes) parce qu'il inclut une couverture en cuir protégeant l'écran. Son prix est de 649 euros. Ce prix inclut deux abonnements - un abonnement de six semaines à la version électronique de Der Spiegel et un abonnement de quatre semaines à la version électronique du Financial Times Deutschland - ainsi que deux best-sellers et quinze oeuvres classiques en version numérique.
Aux Etats-Unis, les ventes sont très inférieures aux pronostics. En avril 2002, un article du New York Times annonce l'arrêt de la fabrication de ces appareils par RCA. A l'automne 2002, leurs successeurs, le GEB 1150 et le GEB 2150, sont produits sous le label Gemstar et vendus par SkyMall à un prix beaucoup plus compétitif, avec ou sans abonnement annuel ou bisannuel à la librairie numérique de Gemstar eBook. Le GEB 1150 coûte 199 dollars sans abonnement, et 99 dollars si on prend un abonnement annuel (de 20 dollars par mois). Le GEB 2150 coûte 349 dollars sans abonnement, et 199 dollars si on prend un abonnement bisannuel (de 20 dollars par mois). Les deux modèles GEB 1150 et GEB 2150 sont livrés non seulement avec un dictionnaire intégré, le Webster's Pocket American Dictionary (publié par Random House), mais aussi avec la version anglaise du Tour du monde en 80 jours, de Jules Verne (publiée par eBooks Classics), best-seller universel qui poursuit ainsi sa carrière en version numérique. En Allemagne, on parle du remplacement du GEB 2200 par le GEB 1150 courant 2003. Mais le livre numérique au format propriétaire semble désormais condamné au profit du livre numérique distribué dans des formats "universels". Gemstar met fin à ses activités eBook en cessant la vente de ses appareils de lecture en juin 2003 et celle de ses livres numériques le mois suivant.
= Le Cybook de Cytale
Premier livre électronique européen, le Cybook (21 cm x 16 cm) est conçu et développé par la société française Cytale, et commercialisé en janvier 2001. Son poids est de 1 kg. Sa mémoire - 32 Mo (méga-octets) de mémoire SDRAM (synchronous dynamic random access memory) et 16 Mo de mémoire flash - permet de stocker 15.000 pages de texte, soit 30 livres de 500 pages. Son autonomie est de 5 h. Il est équipé d'un modem 56 Kbps (kilobits par seconde), d'un haut-parleur, d'une sortie stéréo avec prise casque et de plusieurs ports pour périphériques. L'écran tactile couleur rétro-éclairé a une résolution de 600 x 800 pixels. L'affichage est possible en mode portrait ou paysage. Le Cybook utilise le système d'exploitation Windows CE de Microsoft, le navigateur Internet Explorer et un logiciel de lecture spécifique basé sur le format OeB (open ebook). Il intègre un dictionnaire Hachette de 35.000 mots. En mars 2002, il coûte 883 euros sans abonnement, et 456 euros pour ceux qui prennent un abonnement minimal d'un an au prix mensuel de 20 euros. Le téléchargement des livres s'effectue à partir du site web de Cytale, suite à des partenariats avec plusieurs éditeurs et sociétés de presse.
"J'ai croisé il y a deux ans le chemin balbutiant d'un projet extraordinaire, le livre électronique, écrit en décembre 2000 Olivier Pujol, PDG de Cytale. Depuis ce jour, je suis devenu le promoteur impénitent de ce nouveau mode d'accès à l'écrit, à la lecture, et au bonheur de lire. La lecture numérique se développe enfin, grâce à cet objet merveilleux: bibliothèque, librairie nomade, livre 'adaptable', et aussi moyen d'accès à tous les sites littéraires (ou non), et à toutes les nouvelles formes de la littérature, car c'est également une fenêtre sur le web."
Cytale développe aussi le Cybook Pro, une version du Cybook à destination des entreprises, des universités et des collectivités pour la gestion de leurs documents numérisés (dossiers clients, normes techniques, procédures, catalogues, cartes, etc.).
Par ailleurs, en collaboration avec l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), Cytale adapte son logiciel de lecture pour permettre la lecture de livres numériques sur plage braille ou sur synthèse vocale. La société développe le Cybook Vision, un livre électronique adapté aux besoins des malvoyants et distribué par un réseau d'opticiens. "Toutes les opérations de navigation, en mode autonome, ont été élaborées sur les conseils d'orthoptistes et à partir des suggestions de malvoyants, lit-on sur le site web. Réduites à l'essentiel, elles autorisent la création de stratégies de lecture personnalisées. L'appareil, qui fonctionne comme un enregistreur, est doté d'une capacité de mémoire qui autorise une contenance d'environ trente livres. Chaque ouvrage est lisible dans deux polices et six tailles de caractères. La catégorie la plus grande correspond à un corps de texte 28 ou à la taille P. 20 selon les normes des orthoptistes. La résolution d'écran 'Super VGA' (super video graphics adapter) de 100 DPI (dots per inch) offre une excellente netteté des caractères. Le rétro-éclairage de cet écran autorise la lecture dans une ambiance peu lumineuse. Le contraste et la luminosité peuvent être réglés séparément et sont activés par un bouton. Une icône autorise le changement de couleur de fond, qui passe du blanc au jaune pour répondre à certains problèmes de photosensibilité. Les textes peuvent être lus en corps noir sur blanc ou blanc sur noir, jaune sur noir ou noir sur jaune."
Pour les trois modèles, les ventes sont très inférieures aux pronostics. Ces ventes insuffisantes forcent la société à se déclarer en cessation de paiement, l'administrateur ne parvenant pas à trouver un repreneur après le redressement judiciaire prononcé en avril 2002. Cytale est mis en liquidation judiciaire en juillet 2002 et cesse ses activités.
= Le baladeur de textes @folio
Si le concept de livre électronique séduit les professionnels du livre, les premiers modèles sont loin de susciter l'enthousiasme. "S'il doit s'agir d'un ordinateur portable légèrement 'relooké', mais présentant moins de fonctionnalités que ce dernier, je n'en vois pas l'intérêt, explique en juin 2001 Emilie Devriendt, élève professeure à l'Ecole normale supérieure (ENS) de Paris. Tel qu'il existe, l'ebook est relativement lourd, l'écran peu confortable à mes yeux, et il consomme trop d'énergie pour fonctionner véritablement en autonomie. A cela s'ajoute le prix scandaleusement élevé, à la fois de l'objet même et des contenus téléchargeables; sans parler de l'incompatibilité des formats constructeur, et des 'formats' maison d'édition. J'ai pourtant eu l'occasion de voir un concept particulièrement astucieux, vraiment pratique et peu coûteux, qui me semble être pour l'heure le support de lecture électronique le plus intéressant: celui du 'baladeur de textes' ou @folio, en cours de développement à l'Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg. Bien évidemment, les préoccupations de ses concepteurs sont à l'opposé de celles des 'gros' concurrents qu'on connaît, en France ou ailleurs: aucune visée éditoriale monopolistique chez eux, puisque c'est le contenu du web (dans l'idéal gratuit) que l'on télécharge."
Conçu dès octobre 1996 par Pierre Schweitzer, architecte designer à Strasbourg, @folio (qui se prononce: a-folio) est considéré par son créateur moins comme un livre électronique que comme un support de lecture nomade permettant de lire des textes glanés sur l'internet. @folio cherche à mimer, sous forme électronique, le dispositif technique du livre, afin de proposer une mémoire de fac-similés reliés en hypertexte pour faciliter le feuilletage.
"J'hésite à parler de livre électronique, écrit Pierre Schweitzer en janvier 2001, car le mot "livre" désigne aussi bien le contenu éditorial (quand on dit qu'untel a écrit un livre) que l'objet en papier, génial, qui permet sa diffusion. La lecture est une activité intime et itinérante par nature. @folio est un baladeur de textes, simple, léger, autonome, que le lecteur remplit selon ses désirs à partir du web, pour aller lire n'importe où. Il peut aussi y imprimer des documents personnels ou professionnels provenant d'un CD-Rom. Les textes sont mémorisés en faisant: "imprimer", mais c'est beaucoup plus rapide qu'une imprimante, ça ne consomme ni encre ni papier. Les liens hypertextes sont maintenus au niveau d'une reliure tactile. (…)
Le projet est né à l'atelier Design de l'Ecole d'architecture de Strasbourg où j'étais étudiant. Il est développé à l'Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg avec le soutien de l'Anvar-Alsace. Aujourd'hui, je participe avec d'autres à sa formalisation, les prototypes, design, logiciels, industrialisation, environnement technique et culturel, etc., pour transformer ce concept en un objet grand public pertinent." La commercialisation d'@folio devrait débuter en 2004.
8.2. Les assistants personnels (PDA)
Le principal concurrent du livre électronique se trouve être l'assistant numérique personnel, appelé plus généralement assistant personnel ou encore PDA (personal digital assistant). Lorsque le livre numérique (livre en version numérisée) commence à se généraliser en 2000, les fabricants de PDA décident d'intégrer un logiciel de lecture dans leur machine, en plus des fonctionnalités habituelles (agenda, dictaphone, lecteur de MP3, etc.). Parallèlement, à partir de la production imprimée existante, ils négocient les droits de diffusion numérique de centaines de titres. Si certains professionnels du livre s'inquiètent de la petitesse de l'écran, les adeptes de la lecture sur PDA assurent que la taille de l'écran n'est pas un problème.
= Les modèles de Psion
Marie-Joseph Pierre, enseignante-chercheuse à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE, section Sciences religieuses, Paris-Sorbonne), utilise un Psion depuis plusieurs années pour lire et étudier dans le train lors de ses fréquents déplacements entre Argentan, sa ville de résidence, et Paris. Elle achète son premier Psion en 1997, un Série 3, remplacé ensuite par un Série 5, remplacé lui-même par un Psion 5mx en juin 2001. En février 2002, elle raconte: "J'ai chargé tout un tas de trucs littéraires - dont mes propres travaux et dont la Bible entière - sur mon Psion 5mx (16 + 16 Mo), que je consulte surtout dans le train ou pour mes cours, quand je ne peux pas emporter toute une bibliothèque. J'ai mis les éléments de programme qui permettent de lire page par page comme sur un véritable ebook. Ce qui est pratique, c'est de pouvoir charger une énorme masse documentaire sur un support minuscule. Mais ce n'est pas le même usage qu'un livre, surtout un livre de poche qu'on peut feuilleter, tordre, sentir…, et qui s'ouvre automatiquement à la page qu'on a aimée. C'est beaucoup moins agréable à utiliser, d'autant que sur PDA, la page est petite: on n'a pas de vue d'ensemble. Mais une qualité appréciable: on peut travailler sur le texte enregistré, en rechercher le vocabulaire, réutiliser des citations, faire tout ce que permet le traitement informatique du document, et cela m'a pas mal servi pour mon travail, ou pour mes activités associatives. Je fais par exemple partie d'une petite société poétique locale, et nous faisons prochainement un récital poétique. J'ai voulu rechercher des textes de Victor Hugo, que j'ai maintenant pu lire et même charger à partir du site de la Bibliothèque nationale de France: c'est vraiment extra."
Psion, société britannique, lance dès 1984 le Psion Organiser, qui se trouve donc être le vétéran des agendas électroniques. Au fil des ans, la gamme des appareils s'étend et la société se développe à l'international. En 2000, les différents modèles (série 7, série 5mx, Revo, Revo Plus) sont fortement concurrencés par le Palm Pilot et le Pocket PC. Suite à une baisse des ventes, la société décide de diversifier ses activités. Fondé en septembre 2000 suite au rachat de Teklogix, Psion Teklogix développe des systèmes informatiques mobiles sans fil à destination des entreprises. Créé en 2001, Psion Software développe les logiciels de la prochaine génération d'appareils mobiles utilisant la plate-forme Symbian OS, par exemple ceux du smartphone Nokia 9210, modèle précurseur commercialisé la même année.
= L'eBookMan de Franklin
Basée dans le New Jersey (Etats-Unis), la société Franklin commercialise dès 1986 le premier dictionnaire consultable sur une machine de poche. Quinze ans après, Franklin distribue 200 ouvrages de référence sur des machines de poche: dictionnaires unilingues et bilingues, encyclopédies, bibles, manuels d'enseignement, ouvrages médicaux et livres de loisirs. En octobre 2000, Franklin lance l'eBookMan, un assistant personnel multimédia qui, entre autres fonctionnalités (agenda, dictaphone, etc.), permet la lecture de livres numériques sur le logiciel de lecture Franklin Reader. A la même date, l'eBookMan est récompensé par l'eBook Technology Award de la Foire internationale du livre de Francfort. Trois modèles (EBM-900, EBM-901 et EBM-911) sont disponibles début 2001. Leurs prix respectifs sont de 130, 180 et 230 dollars. Le prix est fonction de la taille de la mémoire vive (8 ou 16 méga-octets) et de la qualité de l'écran à cristaux liquides, rétro-éclairé ou non selon les modèles. Nettement plus grand que celui de ses concurrents, l'écran n'existe toutefois qu'en noir et blanc, contrairement à la gamme Pocket PC ou à certains modèles Palm avec écran couleur. L'eBookMan permet aussi l'écoute de livres audio et de fichiers musicaux au format MP3.
En octobre 2001, Franklin décide de ne pas intégrer le Microsoft Reader à l'eBookMan, mais de lui préférer le Mobipocket Reader, logiciel de lecture jugé plus performant (et primé à la même date par l'eBook Technology Award de la Foire de Francfort). Parallèlement, le logiciel de lecture Franklin Reader devient progressivement disponible pour les gammes Psion, Palm, Pocket PC et Nokia. Franklin développe aussi une librairie numérique sur son site en passant des partenariats avec plusieurs éditeurs, notamment avec Audible.com, ce qui lui permet d'accéder à une collection de 4.500 livres audionumériques.
= Le Palm Pilot et le Pocket PC
Les usagers intéressés par la lecture de livres numériques se tournent bientôt vers deux autres gammes de PDA, les Palm Pilot et les Pocket PC.
La société Palm lance le premier Palm Pilot en mars 1996 et vend 23 millions de machines entre 1996 et 2002. Le Palm Pilot utilise un système d'exploitation éponyme, le Palm OS, et le logiciel de lecture Palm Reader. En mars 2001, les modèles Palm permettent aussi la lecture de livres numériques sur le Mobipocket Reader.
Commercialisé par Microsoft en avril 2000 pour concurrencer le Palm Pilot, le Pocket PC utilise un système d'exploitation spécifique, Windows CE. Il intègre le logiciel de lecture Microsoft Reader, lancé à la même date dans ce but. En octobre 2001, le Pocket PC troque Windows CE pour le système d'exploitation Pocket PC 2002, qui permet entre autres de lire des livres numériques sous copyright. Ces livres sont protégés par un système de gestion des droits numériques intitulé Microsoft DAS Server (DAS: digital asset server). En 2002, le Pocket PC permet la lecture sur trois logiciels: le Microsoft Reader bien sûr, le Mobipocket Reader et le Palm Reader.
8.3. L'avenir des machines de lecture
= L'avis des professionnels du livre
A l'exception de quelques spécialistes enthousiastes, les professionnels du livre restent assez sceptiques sur le confort de lecture procuré par une machine. Tous attendent une amélioration des appareils de lecture. "Je pense qu'on est loin des formats et des techniques définitifs, déclare en novembre 2000 Nicolas Pewny, fondateur des éditions du Choucas. Beaucoup de recherches sont en cours, et un format et un support idéal verront certainement le jour sous peu."
Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses livres, écrit à la même date: "Le livre électronique est avant tout un moyen pratique d'atteindre différemment une certaine catégorie de lecteurs composée pour partie de curieux aventuriers des techniques modernes et pour partie de victimes du mode résolument technologique. (…) Je suis assez dubitative sur le "plaisir" que l'on peut retirer d'une lecture sur un écran d'un roman de Proust. Découvrir la vie des personnages à coups de souris à molette ou de descente d'ascenseur ne me tente guère. Ce support, s'il possède à l'évidence comme avantage la disponibilité de toute oeuvre à tout moment, possède néanmoins des inconvénients encore trop importants. Ceci étant, sans nous cantonner à une position durablement ancrée dans un mode passéiste, laissons à ce support le temps nécessaire pour acquérir ses lettres de noblesse."
Cet avis est partagé par Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires. Interviewé en octobre 2000, il explique: "L'ebook est sans aucun doute un support extraordinaire. Il aura son rôle à jouer dans la diffusion des oeuvres ou des journaux électroniques, mais il ne remplacera jamais le véritable bouquin papier de papa. Il le complétera. (…) Voyez la monnaie électronique: on ne paie pas encore son boulanger ou ses cigarettes avec sa carte de crédit et on a toujours besoin d'un peu de monnaie dans sa poche, en plus de sa carte Visa. L'achat d'un livre n'est pas un acte purement intellectuel, c'est aussi un acte de sensualité que ne comblera jamais un ebook. Naturellement, l'édition classique devra en tenir compte sur le plan marketing pour se différencier davantage, mais je crois que l'utilisation des deux types de supports sera bien distincte. Le téléphone n'a pas tué le courrier, la radio n'a pas tué la presse, la télévision n'a pas tué la radio ni le cinéma… Il y a de la place pour tout, simplement, ça oblige à chaque fois à une adaptation et à un regain de créativité. Et c'est tant mieux!"
Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8, écrit pour sa part en janvier 2001: "J'attends de voir concrètement comment ils fonctionnent et si les éditeurs sont capables de proposer des produits spécifiques à ce support car, si c'est pour reproduire uniquement des livres imprimés, je suis assez sceptique. L'histoire des techniques montre qu'une technique n'est adoptée que si - et seulement si… - elle apporte des avantages concrets et conséquents par rapport aux techniques auxquelles elle prétend se substituer."
Ce scepticisme est partagé par Olivier Bogros, directeur de la médiathèque municipale de Lisieux (Normandie), qui s'exclame en août 2000: "De quoi parle-t-on? Des machines monotâches encombrantes et coûteuses, avec format propriétaire et offre éditoriale limitée? Les Palm, Psion et autres hand et pocket computers permettent déjà de lire ou de créer des livres électroniques (appelés ici livres numériques, ndlr), et en plus servent à autre chose. Ceci dit, la notion de livre électronique m'intéresse en tant que bibliothécaire et lecteur. Va-t-il permettre de s'affranchir d'un modèle économique à bout de souffle (la chaîne éditoriale n'est pas le must en la matière)? Les machines à lire n'ont de mon point de vue de chance d'être viables que si leur utilisateur peut créer ses propres livres électroniques avec (cf. cassettes vidéo)."
Patrick Rebollar, professeur de français et d'informatique dans des universités japonaises, écrit en décembre 2000: "Je trouve enthousiasmant le principe de stockage et d'affichage mais j'ai des craintes quant à la commercialisation des textes sous des formats payants. Les chercheurs pourront-ils y mettre leurs propres corpus et les retravailler? L'outil sera-t-il vraiment souple et léger, ou faut-il attendre le développement de l'encre électronique? Je crois également que l'on prépare un cartable électronique pour les élèves des écoles, ce qui pourrait être bon pour leur dos…"
Olivier Gainon, fondateur de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne, manifeste lui aussi un certain scepticisme à l'égard des modèles actuels. Il explique à la même date: "Je ne crois pas trop à un objet qui a des inconvénients clairs par rapport à un livre papier (prix / fragilité / aspect / confort visuel / etc.), et des avantages qui me semblent minimes (taille des caractères évolutifs / plusieurs livres dans un même appareil / rétro-éclairage de l'écran / etc.). De même, je vois mal le positionnement d'un appareil exclusivement dédié à la lecture, alors que nous avons les ordinateurs portables d'un côté, les téléphones mobiles de l'autre et les assistants personnels (dont les Pocket PC) sur le troisième front. Bref, autant je crois qu'à terme la lecture sur écran sera généralisée, autant je ne suis pas certain que cela se fera par l'intermédiaire de ces objets."
Nicolas Ancion, écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique, partage le même sentiment. "Ces appareils ne me paraissent pas porteurs d'avenir dans le grand public tant qu'ils restent monotâches (ou presque), écrit-il en avril 2001. Un médecin ou un avocat pourront adopter ces plates-formes pour remplacer une bibliothèque entière, je suis prêt à le croire. Mais pour convaincre le grand public de lire sur un écran, il faut que cet écran soit celui du téléphone mobile, du PDA ou de la télévision. D'autre part, je crois qu'en cherchant à limiter les fournisseurs de contenus pour leurs appareils (plusieurs types d'ebooks ne lisent que les fichiers fournis par la bibliothèque du fabricant), les constructeurs tuent leur machine. L'avenir de ces appareils, comme de tous les autres appareils technologiques, c'est leur ouverture et leur souplesse. S'ils n'ont qu'une fonction et qu'un seul fournisseur, ils n'intéresseront personne. Par contre, si, à l'achat de son téléphone portable, on reçoit une bibliothèque de vingt bouquins gratuits à lire sur le téléphone et la possibilité d'en charger d'autres, alors on risque de convaincre beaucoup de monde."
= Les atouts de l'assistant personnel
D'après Seybold Reports.com, en avril 2001, à l'échelle de la planète, on compte 100.000 livres électroniques pour 17 millions d'assistants personnels (PDA). Deux ans plus tard, en juin 2003, plus aucun livre électronique n'est commercialisé. De nouveaux modèles pourront-ils réussir à s'imposer face à l'assistant personnel (PDA), qui offre aussi d'autres fonctionnalités? Existera-t-il une clientèle spécifique pour les deux machines, la lecture sur assistant personnel étant destinée au grand public, et la lecture sur livre électronique étant réservée aux gros consommateurs de documents que sont les lycéens, les étudiants, les professeurs, les chercheurs ou les juristes?
Au début des années 2000, le choix des gros lecteurs semble se porter vers l'ordinateur ultra-portable, du fait de ses fonctions multi-tâches. Outre le stockage d'un millier de livres sinon plus, celui-ci permet l'utilisation d'outils de bureautique standard et de l'internet, l'écoute de fichiers MP3 et le visionnement de vidéos ou de films. Certains gros lecteurs sont tentés par le webpad, un ordinateur-écran sans disque dur disposant d'une connexion sans fil à l'internet, apparu en 2001, ou la tablette PC, une tablette informatique équipée d'un écran tactile, apparue fin 2002.
Parallèlement, le marché des assistants personnels poursuit sa croissance. 13,2 millions de PDA sont vendus dans le monde en 2001, et 12,1 millions en 2002. En 2002, Palm est toujours le leader du marché (36,8% des machines vendues), suivi par la gamme Pocket PC de Microsoft et les modèles de Hewlett-Packard, Sony, Handspring, Toshiba et Casio. Les systèmes d'exploitation utilisés sont essentiellement le Palm OS (pour 55% des machines) et le Pocket PC (pour 25,7% des machines). Si le marché se tasse un peu en 2002 et 2003, une reprise est annoncée pour les prochaines années, grâce à l'amélioration des produits, une plus grande diversité des modèles et la baisse des prix chez tous les fabricants.
= Les futurs appareils de lecture
Les PDA seront eux-mêmes concurrencés par les smartphones, une nouvelle génération de téléphones portables intégrant les fonctions de l'assistant personnel. Le premier smartphone est le Nokia 9210, modèle précurseur mis sur le marché en 2001 par la société finlandaise Nokia, premier fabricant mondial de téléphones portables. Le Nokia 9210 est suivi de la gamme Nokia Series 60 et du Sony Ericsson P800. Ces différents modèles permettent de lire des livres numériques sur le Mobipocket Reader.
Si les livres numériques ont une longue vie devant eux, ceci est beaucoup moins probable pour les appareils de lecture, qui risquent de muer régulièrement. En février 2003, Denis Zwirn, PDG de la librairie numérique Numilog, résume bien la situation. "L'équipement des individus et des entreprises en matériel pouvant être utilisé pour la lecture numérique dans une situation de mobilité va continuer de progresser très fortement dans les dix prochaines années sous la forme de machines de plus en plus performantes (en terme d'affichage, de mémoire, de fonctionnalités, de légèreté…) et de moins en moins chères. Cela prend dès aujourd'hui la forme de PDA (Pocket PC et Palm Pilot), de tablettes PC et de smartphones, ou de smart displays (écrans tactiles sans fil). Trois tendances devraient être observées: la convergence des usages (téléphone / PDA), la diversification des types et tailles d'appareils (de la montre-PDA-téléphone à la tablette PC waterproof), la démocratisation de l'accès aux machines mobiles (des PDA pour enfants à 15 euros). Si les éditeurs et les libraires numériques savent en saisir l'opportunité, cette évolution représente un environnement technologique et culturel au sein duquel les livres numériques, sous des formes variées, peuvent devenir un mode naturel d'accès à la lecture pour toute une génération."
8.4. Le papier électronique
Considéré par beaucoup comme transitoire, l'appareil de lecture ne serait qu'une étape vers le papier électronique. De l'avis d'Alex Andrachmes, explorateur d'hypertexte, interviewé en décembre 2000, "c'est l'arrivée du fameux 'papier électrique' qui changera la donne. Ce projet du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui consiste à charger électriquement une fine couche de 'papier' - dont je ne connais pas la formule - permettra de charger la (les) feuille(s) de nouveaux textes, par modification de cette charge électrique. Un ebook sur papier, en somme, c'est ce que le monde de l'édition peut attendre de mieux."
Lucie de Boutiny, romancière multimédia, écrit en juin 2000: "Et voici le changement que j'attends: arrêter de considérer les livres électroniques comme le stade ultime post-Gutenberg. L'ebook rétro-éclairé a pour l'instant la mémoire courte: il peut accueillir par exemple dix livres contenant essentiellement du texte mais pas une seule oeuvre multimédia riche en son et images, etc. Donc ce que l'on attend pour commencer: l'écran souple comme une feuille de papier légère, transportable, pliable, autonome, rechargeable, accueillant tout ce que le web propose (du savoir, de l'information, des créations…) et cela dans un format universel avec une résolution sonore et d'image acceptable."
Pierre-Noël Favennec, expert à la direction scientifique de France Télécom R&D, explique en février 2001: "Si l'invention du livre-papier avait été faite après celle de l'ebook, nous l'aurions tous trouvé géniale, Mais un ebook a un avenir prometteur si on peut télécharger suffisamment d'ouvrages, si la lecture est aussi agréable que sur le papier, s'il est léger (comme un livre), s'il est pliable (comme un journal), s'il n'est pas cher (comme un livre de poche)… En d'autres mots, l'ebook a un avenir s'il est un livre, si le hard fait croire que l'on a du papier imprimé… Techniquement, c'est possible, aussi j'y crois. Au niveau technologique, cela exigera encore quelques efforts (chimie, électronique, physique…)."
Les recherches sur le papier électronique sont en cours. Il s'agira d'un support souple d'une densité comparable au papier plastifié ou au transparent. Ce support pourra être utilisé indéfiniment et le texte changé à volonté au moyen d'une connexion sans fil. Si le concept est révolutionnaire, le produit lui-même est le résultat d'une fusion entre trois sciences, la chimie, la physique et l'électronique. Plusieurs équipes travaillent à des projets différents. Les deux projets les plus avancés émanent des sociétés E Ink et Gyricon Media. Philips travaille quant à lui sur un projet de papier électronique couleur qui serait disponible dans une dizaine d'années.
Fondée en avril 1997 par des chercheurs du Media Lab du MIT (Massachusetts Institute of Technology), la société E Ink met au point un support utilisant l'encre électronique. Prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de microcapsules contiennent chacune des particules noires et blanches (ou une autre combinaison de couleurs) en suspension dans un fluide clair. Un champ électrique positif ou négatif permet de faire apparaître le groupe de particules souhaité à la surface du support, afin d'afficher, de modifier ou d'effacer des données. En juillet 2002, E Ink présente le prototype du premier écran couleur utilisant cette technologie, un écran de haute résolution à matrice active développé en partenariat avec les sociétés Toppan et Philips. La commercialisation de cet écran est prévue en 2004, pour équiper des assistants personnels (PDA), des appareils de communication mobile et des livres électroniques (appareils de lecture). Dans un deuxième temps seront envisagés des livres et journaux électroniques sur support souple.
Parallèlement, des chercheurs de PARC (Palo Alto Research Center), le centre Xerox de la Silicon Valley, travaillent depuis 1997 à la mise au point d'une technique d'affichage dénommée gyricon. Le procédé est un peu différent de celui d'E Ink. Prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de micro-alvéoles contiennent des microbilles bicolores en suspension dans un liquide clair. Chaque bille est pourvue d'une charge électrique. Cette fois, c'est une impulsion électrique extérieure qui permet la rotation des billes, et donc le changement de couleur, permettant ainsi d'afficher, de modifier ou d'effacer les données. Intitulé SmartPaper, le matériau correspondant sera produit en rouleaux, tout comme le papier traditionnel. Sa commercialisation sera assurée par la société Gyricon Media, créée en décembre 2000 dans ce but. Le marché pressenti est d'abord celui de l'affichage commercial, qui utilise le système SmartSign, développé par Gyricon Media en complément du SmartPaper. La vente d'affichettes fonctionnant sur piles devrait débuter en 2004. Viendront ensuite les panneaux de signalisation, puis le papier électronique et le journal électronique.
Christian Vandendorpe, professeur à l'Université d'Ottawa et spécialiste des théories de la lecture, résume les développements probables de ces dix prochaines années. "Le livre électronique va accélérer cette mutation du papier vers le numérique, surtout pour les ouvrages techniques, écrit-il en mai 2001. Mais les développements les plus importants sont encore à venir. Lorsque le procédé de l'encre électronique sera commercialisé sous la forme d'un codex numérique plastifié offrant une parfaite lisibilité en lumière réfléchie, comparable à celle du papier - ce qui devrait être courant vers 2010 ou 2015 -, il ne fait guère de doute que la part du papier dans nos activités de lecture quotidienne descendra à une fraction de ce qu'elle était hier. En effet, ce nouveau support portera à un sommet l'idéal de portabilité qui est à la base même du concept de livre.
Tout comme le codex avait déplacé le rouleau de papyrus, qui avait lui-même déplacé la tablette d'argile, le codex numérique déplacera le codex papier, même si ce dernier continuera à survivre pendant quelques décennies, grâce notamment au procédé d'impression sur demande qui sera bientôt accessible dans des librairies spécialisées. Avec sa matrice de quelques douzaines de pages susceptibles de permettre l'affichage de millions de livres, de journaux ou de revues, le codex numérique offrira en effet au lecteur un accès permanent à la bibliothèque universelle. En plus de cette ubiquité et de cette instantanéité, qui répondent à un rêve très ancien, le lecteur ne pourra plus se passer de l'indexabilité totale du texte électronique, qui permet de faire des recherches plein texte et de trouver immédiatement le passage qui l'intéresse. Enfin, le codex numérique permettra la fusion des notes personnelles et de la bibliothèque et accélérera la mutation d'une culture de la réception vers une culture de l'expression personnelle et de l'interaction."
9. BIENTOT DES LIVRES MULTILINGUES?
[9.1. Les systèmes de codage / 9.2. Des communautés linguistiques / 9.3. L'importance de la traduction]
En 1998 et 1999, la nécessité d'un web multilingue occupe tous les esprits. Au début des années 2000, le web, devenu multilingue, permet une très large diffusion des textes électroniques sans contrainte de frontières, mais la barrière de la langue est loin d'avoir disparu. En 2003, la priorité semble être la création de passerelles entre les communautés linguistiques pour favoriser la circulation des écrits dans d'autres langues, en augmentant fortement les activités de traduction. Les technologies numériques facilitant grandement le passage d'une langue à l'autre, il reste à créer ou renforcer la volonté culturelle et politique dans ce sens.
9.1. Les systèmes de codage
Le premier système de codage informatique est l'ASCII (American standard code for information interchange), créé en 1963 par l'American National Standards Institute (ANSI). L'ASCII est un code standard de 128 caractères traduits en langage binaire sur sept bits (A=1000001, B=1000010, etc.). Les 128 caractères comprennent 26 lettres sans accent, les chiffres, les signes de ponctuation et les symboles. L'ASCII permet donc uniquement la lecture de l'anglais. Il ne permet pas de prendre en compte les lettres accentuées présentes dans bon nombre de langues européennes, et à plus forte raison les systèmes non alphabétiques (chinois, japonais, coréen, etc.).
Ceci ne pose pas de problème majeur les premières années, tant que l'échange de fichiers électroniques se limite essentiellement à l'Amérique du Nord. Mais le multilinguisme devient bientôt une nécessité vitale. Solution provisoire, les alphabets européens sont traduits par des versions étendues de l'ASCII codées sur huit bits, afin de pouvoir traiter un total de 256 caractères, dont les lettres avec accents. L'extension pour le français est définie par la norme ISO-Latin-1 (ISO-8859-1:1998). Mais le passage de l'ASCII à l'ASCII étendu devient vite un véritable casse-tête, y compris au sein de l'Union européenne, les problèmes étant entre autres la multiplication des systèmes d'encodage, la corruption des données dans les étapes transitoires, ou encore l'incompatibilité des systèmes entre eux, les pages ne pouvant être affichées que dans une seule langue à la fois.
Avec le développement du web, l'échange des données s'internationalise de plus en plus, et ne peut donc plus se limiter à l'utilisation de l'anglais et de quelques langues européennes, traduites par un système d'encodage datant des années 1960. Fondé en janvier 1991, l'Unicode Consortium regroupe des sociétés informatiques, des sociétés commercialisant des bases de données, des concepteurs de logiciels, des organismes de recherche et différents groupes d'usagers. Il a pour tâche de développer l'Unicode, un système d'encodage sur 16 bits spécifiant un nombre unique pour chaque caractère, et de donner toutes les explications techniques nécessaires aux usagers potentiels.
Les usagers non anglophones étant de plus en plus nombreux, l'Unicode répond partiellement à leurs problèmes, puisqu'il est lisible quels que soient la plate-forme, le logiciel et la langue utilisés. Il peut traiter 65.000 caractères uniques, et donc prendre en compte tous les systèmes d'écriture de la planète. L'Unicode (qui, en 2003, en est à sa 4e version) remplace progressivement l'ASCII. Les versions récentes du système d'exploitation Windows de Microsoft (Windows 2000, Windows XP, Windows NT, Windows Server 2003) utilisent l'Unicode pour les fichiers texte, alors que les versions précédentes utilisaient l'ASCII.
Mais l'Unicode ne peut résoudre tous les problèmes, comme le souligne en juin 2000 Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, un espace d'écritures multimédias: "Les systèmes d'exploitation se dotent peu à peu des kits de langues et bientôt peut-être de polices de caractères Unicode à même de représenter toutes les langues du monde; reste que chaque application, du traitement de texte au navigateur web, emboîte ce pas. Les difficultés sont immenses: notre clavier avec ses ± 250 touches avoue ses manques dès lors qu'il faille saisir des Katakana ou Hiragana japonais, pire encore avec la langue chinoise. La grande variété des systèmes d'écritures de par le monde et le nombre de leurs signes font barrage. Mais les écueils culturels ne sont pas moins importants, liés aux codes et modalités de représentation propres à chaque culture ou ethnie."
Que préconise Olivier Gainon, créateur de CyLibris et pionnier de l'édition littéraire en ligne? "Première étape: le respect des particularismes au niveau technique, explique-t-il en décembre 2000. Il faut que le réseau respecte les lettres accentuées, les lettres spécifiques, etc. Je crois très important que les futurs protocoles permettent une transmission parfaite de ces aspects - ce qui n'est pas forcément simple (dans les futures évolutions de l'HTML, ou des protocoles IP, etc.). Donc, il faut que chacun puisse se sentir à l'aise avec l'internet et que ce ne soit pas simplement réservé à des (plus ou moins) anglophones. Il est anormal aujourd'hui que la transmission d'accents puisse poser problème dans les courriers électroniques. La première démarche me semble donc une démarche technique. Si on arrive à faire cela, le reste en découle: la représentation des langues se fera en fonction du nombre de connectés, et il faudra envisager à terme des moteurs de recherche multilingues."
En été 2000, les usagers non anglophones dépassent la barre des 50%. Ce pourcentage continue ensuite de progresser, comme le montrent les statistiques de la société Global Reach, mises à jour à intervalles réguliers. Le nombre d'usagers non anglophones est de 52,5% en été 2001, 57% en décembre 2001, 59,8% en avril 2002 et 63,5% en été 2003 (dont 35,5% d'Européens non anglophones et 28,3% d'Asiatiques).
9.2. Des communautés linguistiques
"Comme l'internet n'a pas de frontières nationales, les internautes s'organisent selon d'autres critères propres au médium", écrit en septembre 1998 Randy Hobler, consultant en marketing internet de produits et services de traduction. "En termes de multilinguisme, vous avez des communautés virtuelles, par exemple ce que j'appelle les 'nations des langues', tous ces internautes qu'on peut regrouper selon leur langue maternelle quel que soit leur lieu géographique. Ainsi la nation de la langue espagnole inclut non seulement les internautes d'Espagne et d'Amérique latine, mais aussi tous les hispanophones vivant aux Etats-Unis, ou encore ceux qui parlent espagnol au Maroc."
= L'anglais reste prépondérant
Principale langue d'échange internationale, l'anglais reste prépondérant et ceci n'est pas près de disparaître. Comme l'indique en janvier 1999 Marcel Grangier, responsable de la section française des services linguistiques centraux de l'Administration fédérale suisse, "cette suprématie n'est pas un mal en soi, dans la mesure où elle résulte de réalités essentiellement statistiques (plus de PC par habitant, plus de locuteurs de cette langue, etc.). La riposte n'est pas de 'lutter contre l'anglais' et encore moins de s'en tenir à des jérémiades, mais de multiplier les sites en d'autres langues. Notons qu'en qualité de service de traduction, nous préconisons également le multilinguisme des sites eux-mêmes. La multiplication des langues présentes sur internet est inévitable, et ne peut que bénéficier aux échanges multiculturels."
Dès décembre 1998, Henri Slettenhaar, professeur en technologies des communications à la Webster University de Genève, insiste sur la nécessité de sites bilingues, dans la langue originale et en anglais. "Les communautés locales présentes sur le web devraient en tout premier lieu utiliser leur langue pour diffuser des informations. Si elles veulent également présenter ces informations à la communauté mondiale, celles-ci doivent être aussi disponibles en anglais. Je pense qu'il existe un réel besoin de sites bilingues. (…) Mais je suis enchanté qu'il existe maintenant tant de documents disponibles dans leur langue originale. Je préfère de beaucoup lire l'original avec difficulté plutôt qu'une traduction médiocre." En août 1999, il ajoute: "A mon avis, il existe deux types de recherches sur le web. La première est la recherche globale dans le domaine des affaires et de l'information. Pour cela, la langue est d'abord l'anglais, avec des versions locales si nécessaire. La seconde, ce sont les informations locales de tous ordres dans les endroits les plus reculés. Si l'information est à destination d'une ethnie ou d'un groupe linguistique, elle doit d'abord être dans la langue de l'ethnie ou du groupe, avec peut-être un résumé en anglais."
Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique, dénonce pour sa part la main-mise anglophone sur le réseau. "Tout ce qui peut contribuer à la diversité linguistique, sur internet comme ailleurs, est indispensable à la survie de la liberté de penser, explique-t-il en mars 2001. Je n'exagère absolument pas: l'homme moderne joue là sa survie. Cela dit, je suis très pessimiste devant cette évolution. Les Anglo-saxons vous écrivent en anglais sans vergogne. L'immense majorité des Français constate avec une indifférence totale le remplacement progressif de leur langue par le mauvais anglais des marchands et des publicitaires, et le reste du monde a parfaitement admis l'hégémonie linguistique des Anglo-saxons parce qu'ils n'ont pas d'autres horizons que de servir ces riches et puissants maîtres. La seule solution consisterait à recourir à des législations internationales assez contraignantes pour obliger les gouvernements nationaux à respecter et à faire respecter la langue nationale dans leur propre pays (le français en France, le roumain en Roumanie, etc.), cela dans tous les domaines et pas seulement sur internet. Mais ne rêvons pas…"
Tôt ou tard, le pourcentage des langues sur le réseau correspondra-t-il à leur répartition sur la planète? Rien n'est moins sûr à l'heure de la fracture numérique entre riches et pauvres, entre zones rurales et zones urbaines, entre régions favorisées et régions défavorisées, entre l'hémisphère nord et l'hémisphère sud, entre pays développés et pays en développement. Selon Zina Tucsnak, ingénieure d'études à l'ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française), interviewée en octobre 2000, "le meilleur moyen serait l'application d'une loi par laquelle on va attribuer un 'quota' à chaque langue. Mais n'est-ce pas une utopie de demander l'application d'une telle loi dans une société de consommation comme la nôtre?" Interviewé à la même date, Emmanuel Barthe, documentaliste juridique, exprime un avis contraire: "Des signes récents laissent penser qu'il suffit de laisser les langues telles qu'elles sont actuellement sur le web. En effet, les langues autres que l'anglais se développent avec l'accroissement du nombre de sites web nationaux s'adressant spécifiquement aux publics nationaux, afin de les attirer vers internet. Il suffit de regarder l'accroissement du nombre de langues disponibles dans les interfaces des moteurs de recherche généralistes."
= Le français sur le réseau
Dès le milieu des années 1990, quelques pionniers oeuvrent pour le développement du français sur le réseau, par exemple Jean-Pierre Cloutier ou Olivier Bogros.
En novembre 1994, Jean-Pierre Cloutier, journaliste québécois, décide de passer en revue le web francophone dans une chronique hebdomadaire qu'il intitule Les Chroniques de Cybérie. "Au début, les Chroniques traitaient principalement des nouveautés (nouveaux sites, nouveaux logiciels), relate-t-il en juin 1998. Mais graduellement on a davantage traité des questions de fond du réseau, puis débordé sur certains points d'actualité nationale et internationale dans le social, le politique et l'économique."
En juin 1996, Olivier Bogros, bibliothécaire français, crée la Bibliothèque électronique de Lisieux, l'une des premières bibliothèques numériques francophones. "Les bibliothèques ont la possibilité d'élargir leur public en direction de toute la francophonie, explique-t-il en juin 1998. Cela passe par la mise en ligne d'un contenu qui n'est pas seulement la mise en ligne du catalogue, mais aussi et surtout la constitution de véritables bibliothèques virtuelles."
Deux exemples parmi d'autres puisque les initiatives individuelles et collectives ont fleuri, d'abord au Québec, ensuite en Europe et maintenant en Afrique.
Bakayoko Bourahima, bibliothécaire à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée) d'Abidjan, écrit en juillet 2000: "Pour nous les Africains francophones, le diktat de l'anglais sur la toile représente pour la masse un double handicap d'accès aux ressources du réseau. Il y a d'abord le problème de l'alphabétisation qui est loin d'être résolu et que l'internet va poser avec beaucoup plus d'acuité, ensuite se pose le problème de la maîtrise d'une seconde langue étrangère et son adéquation à l'environnement culturel. En somme, à défaut de multilinguisme, l'internet va nous imposer une seconde colonisation linguistique avec toutes les contraintes que cela suppose. Ce qui n'est pas rien quand on sait que nos systèmes éducatifs ont déjà beaucoup de mal à optimiser leurs performances, en raison, selon certains spécialistes, des contraintes de l'utilisation du français comme langue de formation de base. Il est donc de plus en plus question de recourir aux langues vernaculaires pour les formations de base, pour 'désenclaver' l'école en Afrique et l'impliquer au mieux dans la valorisation des ressources humaines. Comment faire? Je pense qu'il n'y a pas de chance pour nous de faire prévaloir une quelconque exception culturelle sur la toile, ce qui serait de nature tout à fait grégaire. Il faut donc que les différents blocs linguistiques s'investissent beaucoup plus dans la promotion de leur accès à la toile, sans oublier leurs différentes spécificités internes."
Richard Chotin, professeur à l'Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille, rappelle à juste titre que la suprématie de l'anglais a succédé à celle du français. "Le problème est politique et idéologique: c'est celui de l''impérialisme' de la langue anglaise découlant de l'impérialisme américain, explique-t-il en septembre 2000. Il suffit d'ailleurs de se souvenir de l''impérialisme' du français aux 18e et 19e siècles pour comprendre la déficience en langues des étudiants français: quand on n'a pas besoin de faire des efforts pour se faire comprendre, on n'en fait pas, ce sont les autres qui les font."
= Les langues "minoritaires"
De plus, cet impérialisme linguistique, politique et idéologique n'est-il pas universel, malheureusement? La France elle aussi n'est pas sans exercer pression pour imposer la suprématie de la langue française sur d'autres langues, comme en témoigne Guy Antoine, créateur du site Windows on Haiti, qui écrit en juin 2001:"J'ai fait de la promotion du kreyòl (créole haïtien) une cause personnelle, puisque cette langue est le principal lien unissant tous les Haïtiens, malgré l'attitude dédaigneuse d'une petite élite haïtienne - à l'influence disproportionnée - vis-à-vis de l'adoption de normes pour l'écriture du kreyòl et le soutien de la publication de livres et d'informations officielles dans cette langue. A titre d'exemple, il y avait récemment dans la capitale d'Haïti un salon du livre de deux semaines, à qui on avait donné le nom de 'Livres en folie'. Sur les 500 livres d'auteurs haïtiens qui étaient présentés lors du salon, il y en avait une vingtaine en kreyòl, ceci dans le cadre de la campagne insistante que mène la France pour célébrer la francophonie dans ses anciennes colonies. A Haïti cela se passe relativement bien, mais au détriment direct de la créolophonie.
En réponse à l'attitude de cette minorité haïtienne, j'ai créé sur mon site web Windows on Haiti deux forums de discussion exclusivement en kreyòl. Le premier forum regroupe des discussions générales sur toutes sortes de sujets, mais en fait ces discussions concernent principalement les problèmes socio-politiques qui agitent Haïti. Le deuxième forum est uniquement réservé aux débats sur les normes d'écriture du kreyòl. Ces débats sont assez animés, et un certain nombre d'experts linguistiques y participent. Le caractère exceptionnel de ces forums est qu'ils ne sont pas académiques. Je n'ai trouvé nulle part ailleurs sur l'internet un échange aussi spontané et aussi libre entre des experts et le grand public pour débattre dans une langue donnée des attributs et des normes de la même langue."
En septembre 2000, Guy Antoine a pour projet de rejoindre l'équipe dirigeante de Mason Integrated Technologies, dont l'objectif est de créer des outils permettant l'accessibilité des documents créés dans des langues dites minoritaires. "Etant donné l'expérience de l'équipe en la matière, nous travaillons d'abord sur le créole haïtien (kreyòl), qui est la seule langue nationale d'Haïti, et l'une des deux langues officielles, l'autre étant le français. Cette langue ne peut guère être considérée comme une langue minoritaire dans les Caraïbes puisqu'elle est parlée par huit à dix millions de personnes."
Autre expérience, celle de Caoimhín Ó Donnaíle, professeur d'informatique à l'Institut Sabhal Mór Ostaig, situé sur l'île de Skye, en Ecosse. Il dispense ses cours en gaélique écossais. Il est aussi le webmestre du site de l'institut, bilingue anglais-gaélique, qui se trouve être la principale source d'information mondiale sur le gaélique écossais. Sur ce site, il tient à jour European Minority Languages, une liste de langues minoritaires elle aussi bilingue, avec classement par ordre alphabétique de langues et par famille linguistique. Interviewé en mai 2001, il raconte: "Nos étudiants utilisent un correcteur d'orthographe en gaélique et une base terminologique en ligne en gaélique. (…) Il est maintenant possible d'écouter la radio en gaélique (écossais et irlandais) en continu sur l'internet partout dans le monde. Une réalisation particulièrement importante a été la traduction en gaélique du logiciel de navigation Opera. C'est la première fois qu'un logiciel de cette taille est disponible en gaélique."
Plus généralement, "en ce qui concerne l'avenir des langues menacées, l'internet accélère les choses dans les deux sens. Si les gens ne se soucient pas de préserver les langues, l'internet et la mondialisation qui l'accompagne accéléreront considérablement la disparition de ces langues. Si les gens se soucient vraiment de les préserver, l'internet constituera une aide irremplaçable."
En 1999, Robert Beard co-fonde yourDictionary.com, portail de référence pour toutes les langues sans exception, avec une section importante consacrée aux langues menacées (Endangered Language Repository). "Les langues menacées sont essentiellement des langues non écrites, écrit-il en janvier 2000. Un tiers seulement des quelque 6.000 langues existant dans le monde sont à la fois écrites et parlées. Je ne pense pourtant pas que le web va contribuer à la perte de l'identité des langues et j'ai même le sentiment que, à long terme, il va renforcer cette identité. Par exemple, de plus en plus d'Indiens d'Amérique contactent des linguistes pour leur demander d'écrire la grammaire de leur langue et de les aider à élaborer des dictionnaires. Pour eux, le web est un instrument à la fois accessible et très précieux d'expression culturelle."
9.3. L'importance de la traduction
= Un nombre de traductions insuffisant
L'internet étant une source d'information à vocation mondiale, il semble indispensable d'augmenter fortement les activités de traduction. Auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités du réseau, Jean-Pierre Cloutier déplore en août 1999 "qu'il se fasse très peu de traductions des textes et essais importants qui sont publiés sur le web, tant de l'anglais vers d'autres langues que l'inverse. (…) La nouveauté d'internet dans les régions où il se déploie présentement y suscite des réflexions qu'il nous serait utile de lire. À quand la traduction des penseurs hispanophones et autres de la communication?" Professeure d'espagnol en entreprise et traductrice, Maria Victoria Marinetti écrit à la même date: "Il est très important de pouvoir communiquer en différentes langues. Je dirais même que c'est obligatoire, car l'information donnée sur le net est à destination du monde entier, alors pourquoi ne l'aurions-nous pas dans notre propre langue ou dans la langue que nous souhaitons lire? Information mondiale, mais pas de vaste choix dans les langues, ce serait contradictoire, pas vrai?"
Si toutes les langues sont désormais représentées, on oublie trop souvent que de nombreux usagers sont unilingues. C'est le cas de Miriam Mellman, qui travaille dans le service de télévente du San Francisco Chronicle, un quotidien à fort tirage. "Ce serait formidable que des gens paresseux comme moi puissent disposer de programmes de traduction instantanée, raconte-t-elle en juin 2000. Même si je décide d'apprendre une autre langue que l'anglais, il en existe bien d'autres, et ceci rendrait la communication plus facile." Ce souhait est également partagé par ceux qui parlent plusieurs langues, comme Gérard Fourestier, créateur du site Rubriques à Bac, ensemble de bases de données pour les lycéens et les étudiants. "Je suis de langue française, écrit-il en octobre 2000. J'ai appris l'allemand, l'anglais, l'arabe, mais je suisencore loin du compte quand je surfe dans tous les coins de la planète. Il serait dommage que les plus nombreux ou les plus puissants soient les seuls qui 's'affichent' et, pour ce qui est des logiciels de traduction, il y a encore largement à faire."
Il importe en effet d'avoir à l'esprit l'ensemble des langues et pas seulement les langues dominantes, comme le souligne en février 2001 Pierre-Noël Favennec, expert à la direction scientifique de France Télécom R&D: "Les recherches sur la traduction automatique devraient permettre une traduction automatique dans les langues souhaitées, mais avec des applications pour toutes les langues et non les seules dominantes (ex.: diffusion de documents en japonais, si l'émetteur est de langue japonaise, et lecture en breton, si le récepteur est de langue bretonne…). Il y a donc beaucoup de travaux à faire dans le domaine de la traduction automatique et écrite de toutes les langues."
= La traduction automatique
Il va sans dire que la traduction automatique n'offre pas la qualité de travail des professionnels de la traduction, et qu'il est très préférable de faire appel à ces derniers quand on a le temps et l'argent nécessaires. Les logiciels de traduction sont toutefois très pratiques pour fournir un résultat immédiat et à moindres frais, sinon gratuit. Des logiciels en accès libre sur l'internet permettent de traduire en quelques secondes une page web ou un texte court, avec plusieurs combinaisons de langues possibles.
Le but d'un logiciel de traduction automatique est d'analyser le texte dans la langue source (texte à traduire) et de générer automatiquement le texte correspondant dans la langue cible (texte traduit), en utilisant des règles précises pour le transfert de la structure grammaticale. Comme l'explique l'EAMT (European Association for Machine Translation) sur son site, "il existe aujourd'hui un certain nombre de systèmes produisant un résultat qui, s'il n'est pas parfait, est de qualité suffisante pour être utile dans certaines applications spécifiques, en général dans le domaine de la documentation technique. De plus, les logiciels de traduction, qui sont essentiellement destinés à aider le traducteur humain à produire des traductions, jouissent d'une popularité croissante auprès des organismes professionnels de traduction."
En 1998, un historique de la traduction automatique était présent sur le site de Globalink, société spécialisée dans les produits et services de traduction. Le site a depuis disparu, Globalink ayant été racheté en 1999 par Lernout & Hauspie (lui-même racheté en 2002 par ScanSoft). Voici cet historique résumé dans les deux paragraphes qui suivent.
La traduction automatique et le traitement de la langue naturelle font leur apparition à la fin des années 1930, et progressent ensuite de pair avec l'évolution de l'informatique quantitative. Pendant la deuxième guerre mondiale, le développement des premiers ordinateurs programmables bénéficie des progrès de la cryptographie et des efforts faits pour tenter de fissurer les codes secrets allemands et autres codes de guerre. Suite à la guerre, dans le secteur émergent des technologies de l'information, on continue de s'intéresser de près à la traduction et à l'analyse du texte en langue naturelle. Dans les années 1950, la recherche porte sur la traduction littérale, à savoir la traduction mot à mot sans prise en compte des règles linguistiques. Le projet russe débuté en 1950 à l'Université de Georgetown représente la première tentative systématique visant à créer un système de traduction automatique utilisable. Tout au long des années 1950 et au début des années 1960, des recherches sont également menées en Europe et aux Etats-Unis. En 1965, les progrès rapides en linguistique théorique culminent avec la publication d'Aspects de la théorie syntaxique, de Noam Chomsky, qui propose de nouvelles définitions de la phonologie, la morphologie, la syntaxe et la sémantique du langage humain. Toutefois, en 1966, un rapport officiel américain donne une estimation prématurément négative des systèmes de traduction automatique, mettant fin au financement et à l'expérimentation dans ce domaine pour la décennie suivante.
Il faut attendre la fin des années 1970 pour que des expériences sérieuses soient à nouveau entreprises, parallèlement aux progrès de l'informatique et des technologies des langues. Cette période voit aussi le développement de systèmes de transfert d'une langue à l'autre et le lancement des premières tentatives commerciales. Des sociétés comme Systran et Metal sont persuadées de la viabilité et de l'utilité d'un tel marché. Elles mettent sur pied des produits et services de traduction automatique reliés à un serveur central. Mais les problèmes restent nombreux: des coûts élevés de développement, un énorme travail lexicographique, la difficulté de proposer de nouvelles combinaisons de langues, l'inaccessibilité de tels systèmes pour l'utilisateur moyen, et enfin la difficulté de passer à de nouveaux stades de développement.
En 1999 et 2000, la généralisation de l'internet et les débuts du commerce électronique provoquent la naissance d'un véritable marché. Trois sociétés - Systran, Softissimo et Lernout & Hauspie - lancent des produits à destination du grand public, des professionnels et des industriels.
Systran développe un logiciel de traduction utilisé notamment par le moteur de recherche AltaVista. Softissimo commercialise la série de logiciels de traduction Reverso, à côté de produits d'écriture multilingue, de dictionnaires électroniques et de méthodes de langues. Reverso équipe par exemple Voilà, le moteur de recherche de France Télécom. Lernout & Hauspie (racheté depuis par ScanSoft) propose des produits et services en dictée, traduction, compression vocale, synthèse vocale et documentation industrielle.
En mars 2001, IBM se lance à son tour dans un marché en pleine expansion. Il commercialise un produit professionnel haut de gamme, le WebSphere Translation Server. Ce logiciel traduit instantanément en plusieurs langues (allemand, anglais, chinois, coréen, espagnol, français, italien, japonais) des pages web, des courriers électroniques et des dialogues en direct (chats). Il interprète 500 mots à la seconde et permet l'ajout de vocabulaires spécifiques.
En juin 2001, les sociétés Logos et Y.A. Champollion s'associent pour créer Champollion Wordfast, une société de services d'ingénierie en traduction et localisation et en gestion de contenu multilingue. Wordfast est un logiciel de traduction automatique avec terminologie disponible en temps réel, contrôle typographique et compatibilité avec le WebSphere Translation Server d'IBM, les logiciels de TMX et ceux de Trados. Une version simplifiée de Wordfast est téléchargeable gratuitement, tout comme le manuel d'utilisation, disponible en 16 langues différentes.
De nombreux organismes publics participent eux aussi à la R&D (recherche et développement) en traduction automatique. Voici trois exemples parmi d'autres, l'un dans la communauté anglophone, l'autre dans la communauté francophone, le troisième dans la communauté internationale.
Rattaché à l'USC/ISI (University of Southern California / Information Sciences Institute), le Natural Language Group traite de plusieurs aspects du traitement de la langue naturelle: traduction automatique, résumé automatique de texte, gestion multilingue des verbes, développement de taxinomies de concepts (ontologies), génération de texte, élaboration de gros lexiques multilingues et communication multimédia.
Au sein du laboratoire CLIPS (Communication langagière et interaction personne-système) de l'Institut d'informatique et mathématiques appliquées (IMAG) de Grenoble, le GETA (Groupe d'étude pour la traduction automatique) est une équipe pluridisciplinaire formée d'informaticiens et de linguistes. Ses thèmes de recherche concernent tous les aspects théoriques, méthodologiques et pratiques de la traduction assistée par ordinateur (TAO), et plus généralement de l'informatique multilingue.
Le GETA participe entre autres à l'élaboration de l'UNL (universal networking language), un métalangage numérique destiné à l'encodage, au stockage, à la recherche et à la communication d'informations multilingues indépendamment d'une langue source donnée. Ce métalangage est développé par l'UNL Program, un programme international impliquant de nombreux partenaires dans toutes les communautés linguistiques. Créé dans le cadre de l'UNU/IAS (United Nations University / Institute of Advanced Studies), ce programme se poursuit désormais sous l'égide de l'UNDL Foundation (UNDL: Universal Networking Digital Language).
CONCLUSION
Si le ralentissement de la nouvelle économie observé depuis la fin 2000 affecte l'industrie du livre, le développement du livre numérique ne semble pas subir de contre-coup majeur. Le tout est de ne pas le limiter à son aspect commercial, et de cesser de l'opposer au livre imprimé pour le considérer plutôt comme un mode de diffusion complémentaire. Le livre numérique est encore dans l'enfance, et de nombreuses questions restent posées quant à sa présentation, sa distribution et ses supports de lecture.
= Le rôle de l'internet
L'internet est devenu le principal véhicule de l'information, que celle-ci transite par le courrier électronique, les listes de diffusion, les forums de discussion, la presse électronique, les sites web, etc. Sous-ensemble de l'internet, le web doit rester cet outil de communication et de diffusion créé en 1990 pour favoriser les échanges au niveau personnel, local et global, en dépit des pressions exercées par les multinationales et autres canaux dirigistes pour contrôler cette information.
Lucie de Boutiny, romancière multimédia, écrit en juin 2000: "Des stratégies utopistes avaient été mises en place mais je crains qu'internet ne soit plus aux mains d'internautes comme c'était le cas. L'intelligence collective virtuelle pourtant se défend bien dans divers forums ou listes de discussions, et ça, à défaut d'être souvent efficace, c'est beau. Dans l'utopie originelle, on aurait aimé profiter de ce nouveau média, notamment de communication, pour sortir de cette tarte à la crème qu'on se reçoit chaque jour, merci à la société du spectacle, et ne pas répéter les erreurs de la télévision qui n'est, du point de vue de l'art, jamais devenue un média de création ambitieux."
Xavier Malbreil, auteur hypermédia, est plus optimiste. "Concernant l'avenir de l'internet, je le crois illimité, explique-t-il en mars 2001. Il ne faut pas confondre les gamelles que se prennent certaines start-up trop gourmandes, ou dont l'objectif était mal défini, et la réalité du net. Mettre des gens éloignés en contact, leur permettre d'interagir, et que chacun, s'il le désire, devienne son propre fournisseur de contenu, c'est une révolution dont nous n'avons pas encore pris toute la mesure."
Cet optimisme est partagé par Christian Vandendorpe, professeur à l'Université d'Ottawa, interviewé à la même date: "Cet outil fabuleux qu'est le web peut accélérer les échanges entre les êtres, permettant des collaborations à distance et un épanouissement culturel sans précédent. Mais cet espace est encore fragile. (…) Il existe cependant des signes encourageants, notamment dans le développement des liaisons de personne à personne et surtout dans l'immense effort accompli par des millions d'internautes partout au monde pour en faire une zone riche et vivante."
= La convergence multimédia
L'industrie du livre subit le contrecoup de ce qu'on appelle la convergence multimédia. Celle-ci peut être définie comme la convergence des secteurs de l'informatique, du téléphone, de la radio et de la télévision dans une industrie de la communication et de la distribution utilisant les mêmes autoroutes de l'information. Cette convergence entraîne l'unification progressive des secteurs liés à l'information (imprimerie, édition, presse, conception graphique, enregistrements sonores, films, etc.). Ces secteurs utilisent désormais les mêmes techniques de numérisation pour le traitement du texte, du son et de l'image alors que, par le passé, ce traitement était assuré par divers procédés sur des supports différents (papier pour l'écriture, bande magnétique pour la musique, celluloïd pour le cinéma).
La numérisation permettant désormais de créer, enregistrer, stocker, combiner, rechercher et transmettre des données de manière simple et rapide, le processus matériel de production s'en trouve considérablement accéléré. Si, dans certains secteurs, ce nouveau type de production entraîne de nouveaux emplois, par exemple ceux liés à la production audio-visuelle, d'autres secteurs sont soumis à d'inquiétantes restructurations. La convergence multimédia a aussi d'autres revers, à savoir des contrats occasionnels et précaires pour les salariés, l'absence de syndicats pour les télétravailleurs, le droit d'auteur souvent mis à mal pour les auteurs, etc. Et, à l'exception du droit d'auteur, étant donné l'enjeu financier qu'il représente, il est rare que ces problèmes fassent la Une des journaux.
Si les débats relatifs au droit d'auteur sur l'internet ont été vifs ces dernières années, Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique, ramène ce débat aux vrais problèmes. "Le débat sur le droit d'auteur sur le web me semble assez proche sur le fond de ce qu'il est dans les autres domaines où le droit d'auteur s'exerce, ou devrait s'exercer, écrit-il en mars 2001. Le producteur est en position de force par rapport à l'auteur dans pratiquement tous les cas de figure. Les pirates, voire la simple diffusion libre, ne menacent vraiment directement que les producteurs. Les auteurs ne sont menacés que par ricochet. Il est possible que l'on puisse légiférer sur la question, au moins en France où les corporations se revendiquant de l'exception culturelle sont actives et résistent encore un peu aux Américains, mais le mal est plus profond. En effet, en France comme ailleurs, les auteurs étaient toujours les derniers et les plus mal payés avant l'apparition d'internet, on constate qu'ils continuent d'être les derniers et les plus mal payés depuis. Il me semble nécessaire que l'on règle d'abord la question du respect des droits d'auteur en amont d'internet. Déjà dans le cadre général de l'édition ou du spectacle vivant, les sociétés d'auteurs - SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), SGDL (Société des gens de lettres), SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), etc. - faillissent dès lors que l'on sort de la routine ou du vedettariat, ou dès que les producteurs abusent de leur position de force, ou tout simplement ne payent pas les auteurs, ce qui est très fréquent."
Par ailleurs, de nombreux auteurs et créateurs sont soucieux de respecter la vocation première du web, créé pour être un réseau de communication et de diffusion à l'échelon mondial. De ce fait les adeptes du copyleft sont donc de plus en plus nombreux. Conçu à l'origine pour les logiciels, formalisé par la GNU General Public License (GPL) et étendu ensuite à toute oeuvre de création, le copyleft contient la déclaration normale du copyright affirmant la propriété et l'identification de l'auteur. Son originalité est de donner au lecteur le droit de librement redistribuer le document et de le modifier. Le lecteur s'engage toutefois à ne revendiquer ni le travail original, ni les changements effectués par d'autres. De plus, tous les travaux dérivés de l'oeuvre originale sont eux-mêmes soumis au copyleft.
= La nouvelle économie
Facteur inquiétant lié à la nouvelle économie, les conditions de travail laissent parfois fort à désirer. Pour ne prendre que l'exemple le plus connu, en 2000, la librairie en ligne Amazon.com ne fait plus seulement la Une pour son modèle économique, mais aussi pour les conditions de travail de son personnel. Malgré la discrétion d'Amazon.com sur le sujet et les courriers internes adressés aux salariés sur l'inutilité des syndicats au sein de l'entreprise, les problèmes commencent à filtrer. Ils attirent l'attention de l'organisation internationale Prewitt Organizing Fund et du syndicat français SUD PTT Loire Atlantique (SUD signifiant: solidaires unitaires démocratiques, et PTT signifiant à l'origine: poste, télégraphe et téléphone, et couvrant maintenant la Poste et France Télécom). En novembre 2000, les deux organismes débutent une action de sensibilisation commune auprès du personnel d'Amazon France pour les inciter à demander de meilleures conditions de travail et des salaires plus élevés. Des représentants des deux organisations rencontrent une cinquantaine de salariés du centre de distribution de Boigny-sur-Bionne, situé dans la banlieue d'Orléans (au sud de Paris). Dans le communiqué qui suit cette rencontre, SUD PTT dénonce chez Amazon France "des conditions de travail dégradées, la flexibilité des horaires, le recours aux contrats précaires dans les périodes de flux, des salaires au rabais, et des garanties sociales minimales". Le Prewitt Organizing Fund mène ensuite une action similaire dans les filiales d'Amazon en Allemagne et en Grande-Bretagne.
Les problèmes auxquels la nouvelle économie est confrontée depuis la fin 2000 n'arrangent rien. On assiste à l'effondrement des valeurs internet en bourse. De plus, alors qu'elles représentent souvent la principale source de revenus des sociétés internet, les recettes publicitaires sont moins importantes que prévu. Dans tous les secteurs, y compris l'industrie du livre, le ralentissement de l'économie entraîne la fermeture d'entreprises ou bien le licenciement d'une partie de leur personnel. C'est le cas par exemple de Britannica.com en 2000, d'Amazon.com et BOL.fr en 2001, de Cytale, Vivendi et Bertelsmann en 2002, et de Gemstar en 2003.
En novembre 2000, la société Britannica.com, qui gère la version web de l'Encyclopaedia Britannica, annonce sa restructuration dans l'optique d'une meilleure rentabilité. 75 personnes sont licenciées, soit 25% du personnel. L'équipe qui travaille à la version imprimée n'est pas affectée.
En janvier 2001, la librairie Amazon.com, qui emploie 1.800 personnes en Europe, annonce une réduction de 15% de ses effectifs et la restructuration du service clientèle européen, qui était basé à La Haye (Pays-Bas). Les 240 personnes qu'emploie ce service sont transférées dans les centres de Slough (Royaume-Uni) et Regensberg (Allemagne). Aux Etats-Unis, dans la maison-mère, suite à un quatrième trimestre 2000 déficitaire, les effectifs sont eux aussi réduits de 15%, ce qui entraîne 1.300 licenciements.
En juillet 2001, après deux ans d'activité, la librairie en ligne française BOL.fr ferme définitivement ses portes. Créée par deux géants des médias, l'allemand Bertelsmann et le français Vivendi, BOL.fr faisait partie du réseau de librairies BOL.com (BOL: Bertelsmann on line).
En avril 2002, la société française Cytale, qui avait lancé en janvier 2001 le Cybook, premier livre électronique européen, doit se déclarer en cessation de paiement, le nombre d'appareils vendu étant très inférieur aux pronostics. L'administrateur ne parvenant pas à trouver un repreneur, Cytale est mis en liquidation judiciaire en juillet 2002 et cesse ses activités.
En juillet 2002, la démission forcée de Jean-Marie Messier, président-directeur général de Vivendi Universal, multinationale basée à Paris et à New York, marque l'arrêt des activités fortement déficitaires de Vivendi liées à l'internet et au multimédia, et la restructuration de la société vers des activités plus traditionnelles.
En août 2002, la multinationale allemande Bertelsmann décide de mettre un frein à ses activités internet et multimédias afin de réduire son endettement. Bertelsmann se recentre lui aussi sur le développement de ses activités traditionnelles, notamment sa maison d'édition Random House et l'opérateur européen de télévision RTL.
En juin 2003, Gemstar, société américaine spécialisée dans les produits et services numériques pour les médias, décide de cesser son activité eBook. L'arrêt de la vente des appareils de lecture, les Gemstar eBook, est suivi de l'arrêt de la vente de livres numériques en juillet 2003. Cette cessation d'activité sonne également le glas des éditions 00h00, pionnier français de l'édition numérique, créé en mai 1998 et racheté par Gemstar en septembre 2000.
Francfort et Paris sont eux aussi atteints par le pessimisme ambiant. Si, en octobre 2000, le livre électronique est l'une des vedettes de la Foire internationale du livre de Francfort, il se fait beaucoup plus modeste lors de la Foire de 2001. La même remarque vaut pour le Salon du livre de Paris, qui en mars 2000 a son Village eBook, en mars 2001 héberge le premier sommet européen de l'édition numérique (eBook Europe 2001), et en 2002 et 2003 n'a pas de manifestation ebook particulière.
Toutefois, pendant la même période, les ventes d'assistants personnels (PDA) sont en forte progression, tout comme le nombre de titres lisibles au moyen de logiciels de lecture conçus pour PDA. Un beau démenti au scepticisme de certains professionnels du livre qui jugent leur écran beaucoup trop petit et voient mal l'activité noble qu'est la lecture voisiner avec l'utilisation d'un agenda, d'un dictaphone ou d'un lecteur de MP3.
= La progression du livre numérique
Après avoir sonné un peu vite le glas du papier, on ne parle plus du "tout numérique" pour le proche avenir, mais plutôt de la juxtaposition papier et pixel, et de la publication simultanée d'un livre en deux versions. Il reste au livre numérique à faire ses preuves face au livre imprimé, un modèle économique qui a plus de cinq cents ans et qui est donc parfaitement rôdé. Le travail est gigantesque et comprend entre autres la constitution des collections, la mise en place d'un réseau de distribution, l'amélioration des supports de lecture et la baisse de leur prix.
Plus important encore, les lecteurs doivent s'habituer à lire des livres à l'écran. Si elle offre des avantages certains (recherche textuelle, sommaire affiché en permanence, etc.), l'utilisation d'une machine (ordinateur, assistant personnel ou livre électronique) est pour le moment loin d'égaler le confort procuré par le livre imprimé. Cependant, malgré les difficultés rencontrées, les adeptes de la lecture numérique sont de plus en plus nombreux. Ils attendent patiemment des appareils de lecture plus satisfaisants, puis des livres et journaux électroniques sur support souple.
Contrairement aux déclarations pessimistes ayant suivi l'enthousiasme des débuts, si la progression du livre numérique est lente, elle est constante, comme en témoigne le marché du livre numérique sur assistant personnel (PDA). Tous éditeurs confondus, les ventes de 2001 se chiffrent par milliers pour le New World College Dictionary de Webster, les romans de Stephen King et de Lisa Scottolini, les livres d'économie et les manuels pratiques. La librairie numérique Palm Digital Media annonce 180.000 titres vendus en 2001, lisibles sur le Palm Reader et le Microsoft Reader, soit 40% de plus qu'en 2000. PerfectBound, le service électronique de l'éditeur HarperCollins, propose 10% du catalogue imprimé sous forme numérique. Le nombre de titres vendus pendant le premier semestre 2002 dépasse largement celui des ventes de 2001. Chez le grand éditeur Random House, le nombre de livres numériques vendus en 2001 double par rapport à celui de 2000. En 2002, Random House décide d'assurer simultanément pour le même titre la fabrication du livre imprimé et celle du livre numérique.
= Livre numérique et livre imprimé
Nous vivons une période transitoire quelque peu inconfortable, marquée par la généralisation des documents numériques et la numérisation à grande échelle des documents imprimés, mais qui reste fidèle au papier. Une enquête menée en 2000 et 2001 montre que, pour des raisons aussi bien pratiques que sentimentales, pratiquement personne ne peut se passer du livre imprimé et de ce matériau qu'est le papier, dont certains nous prédisaient la mort prochaine mais dont la longévité risque de nous surprendre (pour lire l'ensemble des réponses, lancer les requêtes "papier" ou "imprimé" dans la base interactive des Entretiens).
Contrairement aux idées reçues, il ne semble pas opportun d'opposer livre numérique et livre imprimé, comme le rappelle Olivier Pujol, promoteur du Cybook, premier livre électronique européen. Interviewé en décembre 2000, il écrit: "Le livre électronique, permettant la lecture numérique, ne concurrence pas le papier. C'est un complément de lecture, qui ouvre de nouvelles perspectives pour la diffusion de l'écrit et des oeuvres mêlant le mot et d'autres médias (image, son, image animée…). Les projections montrent une stabilité de l'usage du papier pour la lecture, mais une croissance de l'industrie de l'édition, tirée par la lecture numérique, et le livre électronique. De la même façon que la musique numérique a permis aux mélomanes d'accéder plus facilement à la musique, la lecture numérique supprime, pour les jeunes générations comme pour les autres, beaucoup de freins à l'accès à l'écrit."
Certains s'inquiètent cependant de la multiplication des formats, logiciels et machines de lecture. "Il a fallu inventer la hache de pierre avant de construire la Tour Eiffel, écrit à la même date Jean-Paul, explorateur d'hypertexte. Le but des dinosaures industriels qui s'entretuent pour imposer leur format de livre électronique est de détourner vers eux la partie rentable du contenu des bibliothèques (rebaptisé "information"). Ils travaillent aussi pour nous, en contribuant à banaliser l'usage de l'hyperlien."
Ces appareils de lecture ne sont probablement qu'une étape transitoire. Après être passé du papier au numérique entre 2000 et 2005, avec lecture par le biais d'une machine, il est probable que le livre retourne au papier entre 2005 et 2010. Ce papier serait cette fois électronique, à savoir un support permettant de concilier les avantages du numérique et le plaisir d'un matériau souple s'apparentant au papier.
= La littérature numérique
De l'avis de Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8, interviewé en février 2002, "les technologies numériques sont une chance extraordinaire du renouvellement du littéraire". Depuis 1998, de nombreux genres ont vu le jour: sites d'écriture hypermédia, oeuvres de fiction hypertexte, romans multimédias, hyper-romans, mail-romans, etc. On peut désormais parler d'une véritable littérature numérique, qui est elle-même un sous-ensemble de l'art numérique puisque, de plus en plus, le texte fusionne avec l'image et le son en intégrant dessins, graphiques, photos, chansons, musique ou vidéo.
Lucie Boutiny, qui participe à ce vaste mouvement, relate en juin 2000: "Depuis l'archaïque minitel si décevant en matière de création télématique, c'est bien la première fois que, via le web, dans une civilisation de l'image, l'on voit de l'écrit partout présent 24 h / 24, 7 jours / 7. Je suis d'avis que si l'on réconcilie le texte avec l'image, l'écrit avec l'écran, le verbe se fera plus éloquent, le goût pour la langue plus raffiné et communément partagé." Un beau pari pour les écrivains des années 2000.
Cet avis est partagé par Nicolas Pewny, consultant en édition électronique, qui écrit en février 2003: "Je vois le livre numérique du futur comme un 'ouvrage total' réunissant textes, sons, images, vidéo, interactivité: une nouvelle manière de concevoir et d'écrire et de lire, peut-être sur un livre unique, sans cesse renouvelable, qui contiendrait tout ce que l'on a lu, unique et multiple compagnon."
= L'édition électronique
De même que la littérature numérique contribue au renouvellement du littéraire, l'édition électronique contribue au renouvellement de l'édition. De nombreux auteurs mettent leurs espoirs dans l'édition électronique, commerciale ou non, pour bousculer une édition traditionnelle qui aurait fort besoin d'une cure de rajeunissement et d'une redéfinition de ses objectifs. Quelque peu oubliée, semble-t-il, la tâche d'un éditeur n'est-elle pas d'abord de découvrir des auteurs et de promouvoir leurs oeuvres?
Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditant ses oeuvres, se réjouit du mouvement qui se dessine dans ce sens. En mai 2001, elle écrit: "Certains éditeurs on line tendent à se comporter comme de véritables éditeurs en intégrant des risques éditoriaux comme le faisaient au début du siècle dernier certains éditeurs classiques. Il est à ma connaissance absolument inimaginable de demander à des éditeurs traditionnels d'éditer un livre en cinquante exemplaires. L'édition numérique offre cette possibilité, avec en plus réédition à la demande, presque à l'unité. (…) Je suis ravie que des techniques (internet, édition numérique, ebook…) offrent à des auteurs des moyens de communication leur permettant d'avoir accès à de plus en plus de lecteurs."
De plus, l'existence de livres numériques braille et audio permet pour la première fois aux personnes handicapées visuelles d'accéder à l'ensemble du patrimoine scientifique et littéraire. Toutefois, dans de nombreux pays, l'édition spécialisée est toujours confidentielle sinon clandestine, le problème du droit d'auteur sur les transcriptions n'étant toujours pas résolu.
= La diffusion libre du savoir
Fait qui vaut aussi pour les voyants, certains préfèrent la rentabilité économique à la diffusion gratuite du savoir, y compris pour les oeuvres tombées dans le domaine public. On a d'un côté des éditeurs électroniques qui vendent notre patrimoine littéraire en version numérique, de l'autre des bibliothèques numériques qui le scannent en mode texte pour le diffuser gratuitement à l'échelle de la planète. De même, on a d'une part des organismes publics et privés qui monnaient leurs bases de données au prix fort, d'autre part des éditeurs et des universités qui mettent leurs publications et leurs cours en accès libre sur le web. Reste à savoir si, pour les premiers, les profits dégagés en valent vraiment la peine. Dans de nombreux cas, il semblerait que la somme nécessaire à la gestion interne soit au moins équivalente aux gains réalisés. Est-il vraiment utile de mettre un pareil frein à la diffusion de l'information pour un profit finalement nul? Comme l'explique en février 2001 Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto, "il est crucial que ceux qui croient à la libre diffusion des connaissances veillent à ce que le savoir ne soit pas bouffé, pour être vendu, par les intérêts commerciaux."
La diffusion gratuite du savoir n'est toutefois possible que parce qu'il existe en amont des organismes financeurs, par exemple des universités ou des laboratoires de recherche. Ou alors parce qu'une petite équipe en place (rémunérée) est relayée par un vaste réseau de volontaires (bénévoles) gagnant leur vie par ailleurs et décidant de consacrer une partie de leur temps à une activité qu'ils estiment importante pour le bien de la collectivité. C'est le cas du Projet Gutenberg, pionnier des bibliothèques numériques, ou encore de Bookshare.org, bibliothèque numérique à destination des aveugles et malvoyants résidant aux Etats-Unis.
= De nombreuses questions
"L'internet pose une foule de questions et il faudra des années pour organiser des réponses, imaginer des solutions, écrit en janvier 2001 Pierre Schweitzer, concepteur du baladeur de textes @folio. L'état d'excitation et les soubresauts autour de la dite 'nouvelle' économie sont sans importance, c'est l'époque qui est passionnante."
En effet, nombreuses sont les zones vierges à explorer, et nombreux sont les modèles - économiques ou non - à créer. Des choix politiques et culturels s'imposent puisque, aussi sophistiquées soient-elles, les technologies numériques ne sont jamais que des moyens permettant de véhiculer un contenu. On dispose maintenant des techniques permettant une très large diffusion des livres par-delà les frontières, les langues et les handicaps, et ceci à moindres frais. Reste à créer ou renforcer la volonté politique et culturelle dans ce sens, à tous les échelons.
Il importe aussi de ne pas oublier la formation des professionnels du livre, comme le précise Emilie Devriendt, élève professeure à l'Ecole nationale supérieure (ENS) de Paris et responsable du site Translatio. "Tous les cursus 'littéraires' sont loin de comprendre une formation obligatoire aux nouvelles technologies (qu'il s'agisse d'ailleurs de bureautique, de recherche documentaire ou d'analyse textuelle), explique-t-elle en février 2003. Or sans un apprentissage sérieux de ce type risque paradoxalement de se constituer une nouvelle forme d'analphabétisme au sein même d'une population intellectuelle, les étudiants, les enseignants, les chercheurs; ou, à tout le moins, une informatisation 'à deux vitesses' de cette population."
De plus, pour les oeuvres contemporaines, comment concilier respect du droit d'auteur et diffusion auprès d'un large public? L'activité des auteurs numériques et des éditeurs électroniques, commerciaux ou non, leur permettra-t-elle un jour de gagner leur vie? Ou devront-ils continuer d'être informaticiens, enseignants, traducteurs, etc., et exercer cette activité sur leur temps libre?
Il semblerait aussi que le système en place oublie trop souvent que ce sont les auteurs qui font les livres. Nombre d'entre eux se plaignent à juste titre d'être les parents pauvres de l'édition, ce qui est tout de même un comble. Il serait donc grand temps que les auteurs prennent leur destin en main, sans plus se laisser impressionner par tous ceux pour lesquels le livre ne sera jamais qu'un produit dégageant un profit, l'auteur étant le dernier servi. L'internet et les technologies numériques offrent de nouveaux outils, et des possibilités de diffusion sans précédent. Reste à créer de nouvelles structures pour l'édition et la distribution, en évitant de copier les anciennes.
# [ANNEXE] REPERTOIRES
[Répertoires généralistes / Répertoires de bibliothèques / Répertoires de bibliothèques numériques / Répertoires d'éditeurs / Répertoires de librairies / Répertoires de presse / Répertoires en sciences de l'information]
Sur la gigantesque encyclopédie qu'est le web, tous les secteurs du livre sont représentés. On y trouve les auteurs, les libraires, les éditeurs, les bibliothèques, la presse (secteur connexe du livre), sans parler des dizaines de milliers de livres du domaine public en accès libre. Voici vingt-cinq répertoires de qualité, francophones, anglophones et multilingues.
#Répertoires généralistes
= Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les)
Une sélection commentée de 2.000 sites et pages web choisis par les bibliothécaires de la BnF.
= Ministère de la Culture (France) - L'internet culturel
Un annuaire qui comporte entre autres des rubriques sur les langues, le livre et la lecture, les médias, le multimédia, les régions de France et les sciences humaines et sociales.
= Zazieweb - Annuaire des sites
Plus de 5.000 sites littéraires sont recensés dans l'annuaire de Zazieweb. Créé en juin 1996 par Isabelle Aveline, Zazieweb est un espace de documentation, d'orientation et de ressources internet suivant de près l'actualité du livre et du réseau.
= Librarians - Index to the Internet
Créé en 1990 par Carole Leita, bibliothécaire de référence à la Berkeley Public Library (Californie), ce répertoire rejoint en mars 1997 le site de la Berkeley Digital Library. Poursuivi en octobre 2001 par Karen Schneider (qui remplace Carole Leita, partie à la retraite), il recense 10.000 ressources internet sélectionnées par plus de cent bibliothécaires.
= WWW Virtual Library (VL)
La WWW Virtual Library est le plus ancien annuaire du web. Ce catalogue par sujets est débuté par Tim Berners-Lee comme outil d'analyse du développement du World Wide Web (WWW) qu'il venait de créer en 1990. Le travail est ensuite poursuivi pendant plusieurs années par Arthur Secret, avant que chaque section ne soit prise en main par des spécialistes d'un sujet donné. Réputée pour sa qualité, la WWW Virtual Library est désormais un annuaire coopératif constitué de très nombreux répertoires situés sur des centaines de serveurs. Les pages centrales sont gérées par Gerard Manning.
#Répertoires de bibliothèques
= Catalogue collectif de France (CCFr)
Le CCFr répertorie 4.000 bibliothèques et 1.200 fonds documentaires. Il offre aussi une interface unique à trois grands catalogues: le catalogue des fonds des bibliothèques municipales rétroconvertis (BMR), le catalogue des imprimés de la Bibliothèque nationale de France (BN-Opale Plus) et le catalogue des bibliothèques universitaires (SUDOC: Système universitaire de documentation), le tout représentant près de 15 millions de notices. En novembre 2002, le CCFr débute la gestion via l'internet d'un service de prêt entre bibliothèques.
= Oriente-Express (L')
Géré par la Bibliothèque du Centre Pompidou (Paris), l'Oriente-Express est un répertoire de bibliothèques et centres de documentation privés ou publics, situés à Paris ou en région parisienne, ouverts à un large public ou faisant référence dans leur domaine.
= Gabriel (Gateway to Europe's National Libraries)
Trilingue (français, anglais, allemand), Gabriel est le serveur web de 41 bibliothèques nationales européennes. Il permet d'offrir un point d'accès unique à leurs services, leurs collections et leurs catalogues.
= Libweb: Library Servers via WWW
Géré par Thomas Dowling dans le cadre de la Digital Berkeley Library (Californie), ce répertoire recense les sites web de 6.600 bibliothèques dans 115 pays différents, avec mise à jour quotidienne.
= UNESCO Libraries Portal
Géré par l'UNESCO (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture), un portail à vocation internationale pour les bibliothèques et leurs usagers. Plusieurs rubriques: bibliothèques, associations et réseaux, accès et conservation, bibliothéconomie, formation, ressources en ligne, conférences et réunions.
#Répertoires de bibliothèques numériques
= Athena Literature Resources
Un répertoire mondial des ressources littéraires en ligne. Ce répertoire fait partie d'Athena, une bibliothèque numérique fondée par Pierre Perroud et hébergée sur le site de l'Université de Genève.
= The Online Books Page - Archives
Un autre répertoire mondial de ressources littéraires en ligne. Ce répertoire fait partie de The Online Books Page, géré par John Mark Ockerbloom pour recenser les textes électroniques anglophones librement disponibles en ligne. http://onlinebooks.library.upenn.edu/archives.html
#Répertoires d'éditeurs
= BIEF - Editeurs adhérents
Le répertoire des quelque 250 éditeurs membres du Bureau international de l'édition française (BIEF), organisme de promotion de l'édition française à l'étranger.
= Publishers' Catalogues
Géré par Northern Lights Internet Solutions, société basée à Saskatoon, dans la province de Saskatchewan (Canada), un répertoire international de 7.700 éditeurs, avec recherche possible par titre, ville, état/province, pays, sujet et type de publication (livres, magazines, ebooks, etc.).
= WWW Virtual Library (The) - Publishers
Un répertoire d'éditeurs tenu à jour par Jonathan Bowen dans le cadre du Museophile Archive de la South Bank University (Londres). http://archive.museophile.sbu.ac.uk/publishers/
#Répertoires de librairies
= Lalibrairie.com
Lalibrairie.com est le portail de 460 librairies françaises indépendantes, avec classement par département. Le portail donne accès à leur catalogue, avec possibilité d'achat en ligne. Il est complété par un agenda des événements littéraires et par un espace emploi pour les professionnels du livre.
= Numilog
Lancée en septembre 2000 par Denis Zwirn, cette librairie numérique propose 3.500 ebooks (livres et périodiques) en français et en anglais, grâce à un partenariat avec une quarantaine d'éditeurs. Les livres numériques sont disponibles par téléchargement et dans plusieurs formats, pour lecture sur ordinateur ou sur assistant personnel (PDA).
= Livre-rare-book
Créé en novembre 1995 par Pascal Chartier, gérant de la librairie du Bât d'Argent (Lyon), ce site professionnel propose en août 2003 un catalogue de plus d'un million de livres émanant de quelque 320 librairies, et un annuaire électronique international recensant près de 4.000 librairies.
= Syndicat national de la librairie ancienne et moderne (SLAM)
Le site du SLAM (France) regroupe des catalogues en ligne, un service de recherche de livres rares ou épuisés, un annuaire des librairies avec plusieurs critères de recherche (nom de la librairie, nom du libraire, lieu, spécialités), un guide du livre ancien avec lexique et liste d'abréviations, etc.
#Répertoires de presse
= AFP - Liens / Médias francophones
Le répertoire de l'Agence France-Presse pour la France et les pays francophones. Donne accès à d'autres répertoires pour les médias germanophones, anglophones, hispanophones et lusophones.
= Webdopresse
Proposé par Webdo, site créé en 1995 par l'hebdomadaire genevois L'Hebdo, Webdopresse est un annuaire international recensant 16.000 médias. Trois grandes catégories: a) presse généraliste, b) presse spécialisée (classée en rubriques), c) radio / TV.
= Internet Public Library (IPL) - Newspapers & Magazines
L'Internet Public Library (IPL) sélectionne, organise et catalogue les ressources disponibles sur le réseau. Elle gère entre autres deux répertoires de presse. L'un est une liste de journaux en ligne avec classement géographique et alphabétique. L'autre est une liste de magazines en ligne répertoriés par sujets.
= Ingenta
Lancé en mai 1998, Ingenta est une base documentaire de 15 millions d'articles issus de 28.000 périodiques imprimés (rassemblés depuis l'automne 1988) et 5.400 périodiques en ligne. Payant, l'envoi des documents est possible par courrier électronique, fax ou Ariel (service de transmission électronique). La recherche dans les différentes bases de données est gratuite.
#Répertoires en sciences de l'information
= ENSSIB
Une mine d'informations procurée par l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, située à Villeurbanne, près de Lyon.
= IFLANET
Le site de l'IFLA (International Federation of Library Associations and Institutions), organisme indépendant à destination des bibliothécaires du monde entier. L'IFLA se veut un carrefour pour l'échange d'idées et la promotion de la coopération internationale et de la recherche.
= Lex Mercatoria: Intellectual Property
La section de la Lex Mercatoria consacrée à la propriété intellectuelle. Créé en octobre 1993 par Ralph Ammisah, l'International Trade Law Monitor (devenu ensuite: Lex Mercatoria) est à l'époque le premier site juridique consacré au droit commercial international et au commerce électronique. Hébergé par l'Université d'Oslo (Norvège), et propriété du grand éditeur britannique Cameron May depuis octobre 2000, ce site de référence est poursuivi par son créateur et, selon son voeu, toujours en accès libre.
# [ANNEXE] PERSPECTIVES
[Jean-Pierre Balpe, professeur, chercheur et écrivain / Olivier Bogros, créateur de La bibliothèque électronique de Lisieux / Emilie Devriendt, responsable du site Translatio / Gérard Fourestier, créateur de Rubriques à Bac / Pierre François Gagnon, créateur d'Editel / Jean-Paul, explorateur d'hypermédia / Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditeur / Nicolas Pewny, consultant en édition électronique / Marie-Joseph Pierre, enseignante-chercheuse à La Sorbonne / Philippe Renaut, gérant des éditions du Presse-Temps / François Vadrot, PDG de FTPress / Russon Wooldridge, créateur du Net des études françaises / Denis Zwirn, PDG de Numilog]
En février et mars 2003, comment les professionnels du livre voient-ils l'avenir du livre numérique (au sens large, et pas seulement commercial), dans le cadre de leur activité professionnelle et/ou en général? Voici leurs réponses.
= Jean-Pierre Balpe, professeur, chercheur et écrivain
Directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8, écrivain, chercheur et théoricien de la littérature informatique, Jean-Pierre Balpe nous envoie ses réponses le 10 février 2003.
En ce qui concerne son activité: "Prenant ma retraite l'an prochain, mes 'activités' se réduisent mais je compte toujours utiliser les capacités du numérique pour faire du livre hors du livre: projets de spectacles, installations, etc. (…) Ce qui m'intéresse est d'explorer cette voie-là, du moins tant que j'aurai envie d'écrire ou de faire écrire."
En ce qui concerne l'avenir du livre numérique en général: "L'avenir est déjà assuré par la numérisation des livres et tout ce qu'elle permet. Cela ne peut que se développer. Si votre question porte sur l'e-book, je n'y crois pas dans les configurations techniques actuelles. Pour qu'il ait un réel avenir il faudrait un support souple aussi pratique que le papier et aussi bon marché. Ça viendra, mais je crains que nous en soyons loin. En plus le livre n'existe pas, il y a des quantités de types de livres, romans, encyclopédies, poèmes, livres scolaires, livres techniques, manuels, etc., et chaque type a un avenir différent dans le numérique: le manuel scolaire numérique est appelé à remplacer le livre dès que les élèves seront suffisamment équipés. Je crois qu'il faut raisonner en secteurs et voir quels sont les besoins particuliers de ces secteurs auxquels la 'numérisation du livre' peut répondre et sous quelle forme."
= Olivier Bogros, créateur de La bibliothèque électronique de Lisieux
Directeur de la médiathèque municipale de Lisieux (Normandie), Olivier Bogros crée en juin 1996 La bibliothèque électronique de Lisieux, une des premières bibliothèques francophones du réseau. Début 2003, la bibliothèque électronique comprend 540 textes, numérisés en mode texte à partir des collections de la médiathèque. A titre personnel, Olivier Bogros est aussi l'auteur du site Miscellanées, un mélange de textes choisis par ses soins.
Le 8 mars 2003, Olivier Bogros écrit:
"L'avenir du livre numérique, j'y crois beaucoup, même si sa forme matérielle définitive reste encore à venir. Les fichiers de livres numériques existent sur de nombreux sites et sous de nombreux formats. Et puis il y a le web et les pages html qui s'affichent librement sur les écrans de nos machines. Je pense bien sûr et d'abord dans mon domaine de compétence aux textes patrimoniaux ou du domaine public qu'encore trop peu de bibliothèques françaises mettent en ligne ou alors sous des formats image trop lourds et contraignants. Des initiatives particulièrement innovantes sont aussi à l'oeuvre: Grisemine (bibliothèques de l'Université de Lille 1, ndlr), @rchiveSic, les étonnantes collections de la BIUM (Bibliothèque interuniversitaire de médecine) de Paris, ColiSciences, … qui s'ajoutent à des réalisations plus anciennes mais toujours dynamiques. De plus en plus d'internautes font du réseau, à tort ou à raison, le lieu unique de leur recherche documentaire; les institutions publiques ont l'obligation de répondre à cette demande."
= Emilie Devriendt, responsable du site miroir Translatio
Emilie Devriendt est élève professeure à l'Ecole normale supérieure (ENS) de Paris et doctorante à l'Université de Paris 4-Sorbonne. Elle est aussi la responsable du site Translatio, créé en septembre 2001. Translatio est le site miroir de trois sites académiques dédiés à la diffusion de ressources documentaires dans le domaine des études françaises, et plus particulièrement de l'histoire de la langue française.
Le 9 février 2003, Emilie Devriendt écrit:
"Je ne parlerai pas du livre numérique à strictement parler, concept qui semble aujourd'hui s'être révélé un échec total pour les entreprises qui ont tenté de le commercialiser. Je constate d'ailleurs que des projets datant d'il y a quelques années, projets selon moi plus astucieux, plus ergonomiques, et à l'évidence moins coûteux comme celui du 'baladeur de texte' (@folio), n'ont toujours pas 'percé'. Loin d'être au fait de tous les aspects qui ont contribué et contribuent à cet état de fait, je ne me risquerai pas à prédire quoi que ce soit dans ce domaine très circonscrit.
Si l'on envisage l'avenir non plus du 'livre', mais du 'texte' électronique, celui-ci n'apparaît pas plus prévisible ou prédictible, mais il est quelques points que l'on peut souligner, et quelques évolutions que l'on pourrait à tout le moins appeler de ses voeux. Dans ce domaine que l'on appelle parfois l'informatique littéraire, deux aspects du texte électronique m'intéressent plus particulièrement, dans une perspective d'enseignement ou de recherche: la publication de ressources textuelles, par exemple littéraires, sur le Web au format texte ou au format image (exemple: Gallica ou la Bibliothèque électronique de Lisieux); la publication de bases de données textuelles interactives, c'est à dire d'outils de recherche et d'analyse linguistique appliqués à des textes électroniques donnés (exemple: la Nefbase du Net des Etudes Françaises ou, si l'on veut citer une banque de données payante, Frantext). Aujourd'hui ce type de ressources est relativement bien développé (même si aucune 'explosion' ne semble avoir eu lieu si l'on compare la situation actuelle à celle d'il y a deux ou trois ans). En revanche, on ne peut véritablement mesurer les usages qui en sont faits.
La situation au sein de l'Université française, telle qu'elle m'apparaît, ne conduit pas spontanément à l'optimisme de ce point de vue. Tous les cursus 'littéraires' sont loin de comprendre une formation obligatoire aux nouvelles technologies (qu'il s'agisse d'ailleurs de bureautique, de recherche documentaire ou d'analyse textuelle). Or sans un apprentissage sérieux de ce type risque paradoxalement de se constituer une nouvelle forme d'analphabétisme au sein même d'une population intellectuelle, les étudiants, les enseignants, les chercheurs ; ou, à tout le moins, une informatisation 'à deux vitesses' de cette population. Ici, l'idéal de l'accessibilité (formats libres, gratuité) des ressources textuelles publiées en ligne prend véritablement tout son sens."
= Gérard Fourestier, créateur de Rubriques à Bac
Diplômé en science politique et professeur de français à Nice, Gérard Fourestier crée en 1998 le site Rubriques à Bac, un ensemble de bases de données à destination des lycéens et étudiants. ELLIT (Eléments de littérature) regroupe des centaines d'articles sur la littérature française du 12e siècle à nos jours, ainsi qu'un répertoire d'auteurs. RELINTER (Relations internationales) recense 2.000 liens sur le monde contemporain de 1945 à nos jours. Ces deux bases de données sont accessibles par souscription, avec version de démonstration en accès libre. Lancée en juin 2001 dans le prolongement d'ELLIT, la base de données Bac-L (baccalauréat section lettres) est en accès libre.
Le 8 février 2003, Gérard Fourestier écrit:
"Bien que ça et là, on assiste à des avancées pédagogiques par l'intégration des nouvelles technologies, l'institution de l'Education nationale est par trop timorée quant à un projet global qui aurait enfin fait entrer l'école dans le siècle du numérique.
Espérons qu'avec les nouvelles générations de profs qui vont débouler au fur et à mesure des retraites de leurs aînées, se fera sentir par la base la nécessité d'une autre approche de la lecture au travers d'un produit que le 'ludique' n'a pas hésité à s'approprier à grande échelle.
L'ère Gûtemberg a vécu, du moins dans son monopole, faute d'un mieux technologique et pratique jusqu'à une époque récente, mais les décideurs d'encore aujourd'hui sont toujours ceux d'hier. Pourtant, et à l'évidence, les avantages du numérique sont nombreux: gain de poids dans les cartables, accroissement du volume d'information, diminution des contingence de stockage; possibilités offertes aux mal-voyants, sans parler de l'aspect création qui rend plus attrayant un outil plus performant, etc.
Bref, le numérique, c'est déjà le présent et c'est incontournable, sauf que les formats sont encore trop nombreux, et que c'est aussi sûrement un frein à un essor plus rapide.
J'ai bien pensé mettre mes sites en ligne sur des supports 'e-book' mais un 'livre' de ce type serait comme une goutte d'eau dans l'océan s'il ne bénéficie pas d'une structure qui en fait la promotion. Tant que je n'aurai pas l'assurance de cette promotion et parce qu'il faut des moyens que je n'ai pas, je différerai cette nouvelle aventure et je le regrette vivement." Pierre François Gagnon, créateur d'Editel
Dès avril 1995, Pierre François Gagnon, poète et essayiste québécois, décide d'utiliser le numérique pour la réception des textes, leur stockage et leur diffusion. Il crée Editel, site pionnier de l'édition littéraire francophone et premier site web d'auto-édition collective de langue française. Editel devient ensuite un site de cyberédition non commerciale en partenariat avec quelques auteurs maison (notamment Jacques Massacrier et Mostafa Benhamza), ainsi qu'un webzine littéraire.
Le 11 février 2003, Pierre François Gagnon nous envoie ce texte, intitulé: Eloge du Livre unique.
"Le 'Livre unique' aux multiples pensées tous azimuts, est appelé à constituer, grâce à l'objet-support ultime que sera le papier électronique, la plate-forme de lancement globale de la Civilisation numérique, laquelle n'est encore exprimée qu'à l'état d'ébauche farouche et sauvage sur le Web d'aujourd'hui.
Il nous manque de toute urgence cette épée de feu, de justice divine érigée entre les mains de tous et chacun dans la lutte contre la pauvreté et l'ignorance dans lesquelles les élites de pouvoir et d'argent croient avoir tout intérêt à maintenir leurs peuples respectifs.
Et, n'en déplaise aux gourous de la pop-philo qui nous prêchent le statu quo techno-culturel du haut de leur notoriété, il ne s'agit pas seulement d'une nouvelle utopie néoromantique qui serait issue de la postmodernité prétendument antihumaniste. Il s'agit bien plus prosaïquement des conditions d'émergence spirituelle d'une classe moyenne supérieure qui soit également prospère et unie dans le monde entier.
Nous sommes rien de moins, à l'époque de ces Nouvelles Lumières, que face à une révolution démocratique et altermondialiste, virtuellement libre de tout droit ultralibéral, enfin affranchissable à l'échelle planétaire de l'économie de marché facho-totalitaire sous l'empire états-unien.
Voilà donc ce qui fait si peur aux classes possédantes du savoir-faire de ce temps de transition que je qualifierais presque de transhistorique, tant il m'apparaît nécessaire et évident: que tout cela leur échappe de justesse, elles qui contrôlent pourtant les moyens de conception et de production de la science et des technologies!
C'est dire ainsi combien la Société - et non pas tant l'Amour - est désormais à réinventer bien au-delà de la droite et de la gauche, au risque sinon, de nous engluer dans les prolongements dévastateurs du 20e siècle, guerres, famines et maladies endémiques. Ça n'a malheureusement rien à voir avec autant de prophéties de malheur.
Au contraire, c'est exactement, au début de l'an 2003, ce qui est en train de se produire sous nos yeux ahuris, ne serait-ce qu'à commencer par les projets d'un bombardement nucléaire soi-disant 'limité' que les Pentagone nourrissent pour les États voyous tels que l'Irak.
Plus l'essentiel des connaissances de toute nature demeurera gratuitement accessible à tous et à toutes, sans conditions matérielles particulières, plus le niveau moyen de l'intelligence collective sous toutes ses formes tendra à s'élever pour le meilleur, et espérons-le, sans le pire.
Dès lors, les exigences sociales et culturelles se raffermiront toujours davantage, désamorçant volontairement l'économie prédatrice. La nature du travail, définitivement transformée, la démocratie, profondément rénovée, la communauté pourra redevenir aussi vivante et créative qu'au temps jadis. Il ne sera plus jamais ridicule et absurde de parler tout simplement de bonheur domestique.
Je fais maintenant l'éloge du développement durable de la pensée universelle, libre et sans contraintes, ubiquitaire et fraternelle, à travers le réseautage polyglotte de toutes les cultures. Le Livre unique comme pierre philosophale remplacera tous les objets de culte de la communication et de l'information tout en sacrifiant les pyramides aliénantes.
Imaginez tous les cerveaux supérieurement intelligents, interconnectés en permanence, dans l'élaboration transcendant les divers Âges de l'Humanité, d'un tout nouveau projet de civilisation conçu et réalisé sur une base numérique, qui soit finalement assez fluide pour évoluer sans trop de heurts vers la paix et la prospérité perpétuelles. Voilà la seule anti-utopie que je connaisse d'avance, réaliste et réalisable, car elle est d'ores et déjà indispensable à notre survie commune.
La déesse Gaïa est notre jardin intérieur. La révolution industrielle a été son viol collectif. Tout autour de soi, pour qui a pu accéder à ce tragique niveau de conscience cosmique, il n'y a plus que ruines et désolation. La légalité immorale, cruelle et violente, étend sa domination pratiquement absolue dans tous les domaines, en particulier dans l'édition.
La sagesse du livre fut pétrifiée vivante et enfermée à perpétuité, sous bonne garde capitaliste, par l'imprimerie de papier, laquelle n'aura été qu'une technique de conservation et de diffusion des idées plutôt rustique et rudimentaire. Et inefficace à part peut-être le papier d'amiante à l'épreuve de tout - à titre par exemple de double système de sécurité quant à l'archivage total et quasi définitif! Il nous faut finir d'abattre les bastilles qui menacent de s'écrouler avec nous dans l'oubli et la poussière d'étoiles, faute d'assurer la libre circulation immédiate des oeuvres!
Numérisons et libérons la Culture tout entière avant que les vendeurs du Temple ne s'en emparent au nom de l'État sous leur propre gouverne néolibérale ou gauchisante de travers! On ne peut pas voler ni dilapider le domaine public; pis encore, il se trouve trop longtemps restreint aux ayant droits de l'auteur à sa mort: 70 ans, quelle folie! Cet héritage collectif devrait être imposable sans aucun délai: diffusé, distribué inconditionnellement, un point c'est tout!
À les en croire, le patrimoine culturel (ou même génétique) serait marchandisable. Le pillage corporatif de toute façon institutionnalisé à mort, la commercialisation des classiques fait rouler depuis belle lurette la planche à billets des éditeurs. Les États se refusent aujourd'hui à débloquer des budgets conséquents pour la numérisation systématique et exhaustive du fonds public de leurs bibliothèques nationales, tandis que le dépôt légal électronique et sécurisé tarde à devenir obligatoire. Quel espoir subsiste-t-il en ce moment même pour l'avenir du livre numérique, sauf dans le néant constellé d'effroi du sempiternel Marché-Dieu?"
= Jean-Paul, explorateur d'hypermédia
Aussi discret que présent dans le monde de l'hyperfiction francophone, Jean-Paul, écrivain, est explorateur d'hypermédia. Il est le webmestre des Cotres furtifs, un site hypermédia collectif racontant des histoires en 3D. "Les membres des cotres, 'ensemble flou à géométrie variable', aiment jouer avec les mots en y associant images et sons, non pas comme de simples illustrations, mais comme partie intégrante du récit et de ses architectures. Ils s'intéressent donc plus à l'hypermédia qu'à l'hypertexte au sens strict. On ne les trouve que sur le net parce que c'est le dernier espace, instable, fluide et non-fermé, dont tous les passages ne sont pas encore contrôlés."
Le 4 février 2003, Jean-Paul écrit:
"L'avenir, 3 ans après le 5 août 1999…
Vaticinons donc.
L'avenir, s'il doit être, est à la révolution,
( n. f. Didac. Mouvement d'un mobile (partic. d'un astre) accomplissant une courbe fermée; durée de ce mouvement. La révolution de la Terre autour du Soleil.)
qui est retour à la case départ.
Rappel historique:
Aux débuts de l'hyperlien, la technique était rude & les tuyaux étroits: ce fut le règne de l'écriture nue, sans images, sans son.
Une poignée de pingoins sans boussole se creusaient la cervelle et lançaient avec les moyens du bord des écrits labyrinthiques dont le public n'existait pas.
L'intérêt fut vif (il y eut des articles, et des soirées de bars animées), mais restreint. Quel public aurait pu lire ces écrits, sur quel support?
Pas de public, pas d'argent. Hyperauteurs en quête de sponseurs, d'institutions, 'résidences', détournements & autres hold-ups légaux.
Un jour, que certains crurent de gloire ('enfin, ça démarre!'), déboulèrent de Jurrassik-Land & Fiscal Paradise des jumbos monstrueux, vracquiers gros-porteurs. Leurs soudures craquaient de trop d'or, qui dormait, mal (ce n'est pas bon pour le fric, de dormir).
Leurs radars venaient de signaler une mine, aux veines épaisses comme des pipe-line; un off-shore abstrait, virtuel, aussi abstrait, aussi virtuel que des lignes de cotation boursières: la Toile, où s'ébattaient nos pingoins bénévoles & croqueurs de grains non-décaféïnés.
Ce fut la ruée, on vit un Vivendi payer un simple nom de portail au prix de la tanzanite, la pierre dure la + précieuse, aussi dure qu'un mental de gagneur, mais précieuse.
Quelques billets $£[EUR] voletèrent jusqu'aux chercheurs, inventeurs, petites mains tricoteuses du html & autres entoileurs de 'Projet En Cours'. La technique suivait, élargissant les tuyaux étroits pour en faire du haut-débit.
L'hypertexte put muer, passer hypermedia.
Et…
ce fut l'implosion, qui emporta les gros-porteurs 'partenaires financiers' (tant mieux) mais aussi (hélas) des projets passionnants, vrais hypermedia où l'image et le son faisaient enfin jeu égal avec les mots, au lieu d'être cantonnés à leur second rôle ancien de faire-valoir.
Les survivants se retrouvent avec des carte-bleues flasques. Gueule de bois & ventre creux, mais la volonté farouche d'avancer.
Retour à la case départ, donc.
(fin du rappel)
Mais la case a changé, le temps est passé sur elle, et sur nous. Durant ces courtes années excitantes, nous avons appris à jouer sur notre tas de sable avec des armes qui ne nous étaient pas destinées (n'oublions jamais que tout cela vient d'Arpanet, de nécessité militaire. Du sérieux, pas des rêveurs). On s'en est mis plein les yeux.
Les scores (provisoires) du mundial des e-sumos & autres JM6 nous ont aussi montré que la question du support est secondaire & se résoudra toute seule: il y aura finalement (prenez des notes, capital-risqueurs) 3 formats: écran téléphone, écran livre, écran album-BD/jeu-video.
Or, ces armes, il faut bien qu'elles servent. Et puisque leur rime est: larmes, notre but du jour sera: faire pleurer Nikita, de rire et d'autre. La toucher plein coeur, qu'elle soit prête à payer pour connaître la fin d'un roman hypermedia, en PDF, en CDRom ou même en imprimé.
Bref, l'avenir?
Il se présente à nous sous le soleil d'Icare & des horribles travailleurs.
Sauf que, dans notre domaine DNS, l'avenir n'existe pas, ni le passé (où vont les liens morts?): l'hyperlien, c'est l'immobilité absolue, le déplacement sans la durée. Pas de ligne du temps, pas d'horaire d'embarquement… No past, no future: présents."
= Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditeur
Anne-Bénédicte Joly, romancière et essayiste, habite en région parisienne. En avril 2000, elle décide d'auto-publier ses oeuvres en utilisant l'internet pour les faire connaître. "Mon site a plusieurs objectifs, raconte-t-elle en juin 2000, deux mois après son ouverture. Présenter mes livres (essais, nouvelles et romans auto-édités) à travers des fiches signalétiques (dont le format est identique à celui que l'on trouve dans la base de données Electre) et des extraits choisis, présenter mon parcours (de professeur de lettres et d'écrivain), permettre de commander mes ouvrages, offrir la possibilité de laisser des impressions sur un livre d'or, guider le lecteur à travers des liens vers des sites littéraires."
Le 13 février 2003, Anne-Bénédicte Joly écrit:
"Le livre numérique ne sera un progrès pour tous que s'il permet un réel accès universel à la culture, que s'il renforce la libre expression de la pensée et le plaisir de créer, que s'il propose une alternative aux solutions d'édition existantes et enfin, que s'il offre un moyen d'expression universelle.
C'est dire que, dans le cadre de mes activités d'auteur auto-éditant ses oeuvres, je suis en droit de fonder de grands espoirs sur le livre numérique.
Internet est avant tout un merveilleux vecteur de diffusion et de promotion. Je tente de m'inscrire dans cette logique en proposant sur mon site non seulement une présentation synthétique de mes travaux mais aussi des extraits de mes écrits afin que les lecteurs-internautes puissent découvrir mon univers littéraire. Ne disposant pas de l'appui d'une maison d'édition, ni encore moins de son réseau de communication et de diffusion, la question de la présentation de mon livre au public se pose. Le livre numérique me permettrait, en affinant une politique de prix (les internautes lecteurs semblent disposés à payer un e-book à 50% de sa valeur en version papier), de proposer mes écrits à un plus grand nombre de lecteurs. Puisque le net est un promoteur de l'accès à des livres moins connus (ou absents des réseaux admis de diffusion), je réfléchis actuellement à l'idée de pousser la logique jusqu'à offrir l'accès au livre lui-même. La question de la diffusion serait donc réglée.
Par ailleurs, se pose aussi la question de la quantité de tirage d'un livre. J'édite en moyenne un ouvrage à 300 voire 400 exemplaires. Dommage(s), mon dernier roman paru en janvier 2003, a été édité à 300 exemplaires. Cette limitation étant directement liée au coût de fabrication du livre, à l'investissement global et à la détermination du point mort (combien faut-il que je vende de livres pour rentrer dans mes frais?). Prenons le cas de deux de mes précédents livres (Le meublé livres et Deux par d'eux) qui sont aujourd'hui épuisés. J'ai eu, depuis mon site et directement par certains lecteurs, quelques demandes concernant ces livres. Malheureusement, à chaque fois ma réponse est la même. 'Je suis navrée, le livre est épuisé. Vous ne le rééditerez pas? A priori non.' Je ne peux pas, en effet, financer la réédition (et dans quelles quantités?) de ces livres. Le livre numérique constitue, pour autant que les lecteurs souhaitent lire mes écrits sous ce format, une alternative possible.
Bien entendu, comme tout créateur, je suis très attentive (et parfois même inquiète) à l'utilisation illicite de mes écrits. La question de la protection de mes oeuvres occupe une place centrale dans ma réflexion. Il existe aujourd'hui des techniques interdisant les copies illicites et infinies des oeuvres, les impressions totales ou partielles des textes… Bref la réponse technologique existe.
Enfin, je réfléchis également sur la perception des droits d'auteur induits par la diffusion d'une oeuvre sur le net. Dans une récente étude (réalisée en 1999 par Médiangles pour le compte de la SGDL - Société des gens de lettres), 82% des 2.372 personnes interrogées considèrent que les auteurs devraient toucher des droits pour la diffusion de leurs oeuvres sur le net. Je partage évidemment cette position même si elle reste difficile à mettre en oeuvre tant du point de vue pratique, que du point de vue du mode de perception des droits.
En conclusion, et parce que je me situe déjà en dehors des rouages classiques de la diffusion d'un livre, je considère que le e-book constitue à n'en pas douter une nouvelle voie de développement pour accroître la diffusion de mes livres et me permettre de rencontrer un public encore plus large.
En règle générale, le livre numérique offre des avantages significatifs. Il peut être acheté 24h/24 et 7j/7 depuis n'importe quelle partie du monde et être téléchargé facilement. Le prix est toujours inférieur à la version papier, alors que la qualité (graphisme, mise en page…) n'est en rien diminuée. Les fonctionnalités multimédia sont accessibles et le support 'livre' devient un outil interactif: navigation hypertexte, signets, notes, commentaires… Le livre numérique est moins gourmand en terme de stockage (bibliothèque) et il est, de fait, plus aisément transportable. Il s'abîme moins. Il n'est jamais épuisé. Bref, du point de vue des 'fabricants' et des 'producteurs' les avantages sont certains.
Côté lecteur, hormis les capacités techniques répondant à des besoins réels pour les lecteurs malvoyants de modifier à dessein la taille des caractères, je ne sais pas si le plaisir lié à l'objet livre sera identique… Ouvrir un livre, sentir sa couverture craquer légèrement, respirer l'odeur des feuilles, de l'encre, toucher le papier, manipuler le livre. Bref tout ce qui nous permet de considérer le livre comme un objet vivant, comme objet à vivre. De même, comment s'émerveiller numériquement devant une édition originale, ou encore la finesse de gravures sur bois dans un ouvrage?
Enfin, au-delà de la littérature, les avantages sont incontestablement très nombreux dans des domaines aussi variés que l'éducation (remplacer les livres scolaires par des e-books), les milieux professionnels devant se référer à de véritables annuaires ou ayant recours à des 'bibles' techniques ou commerciales, ou encore offrir un produit de substitution aux quotidiens, aux magazines et autres revues en facilitant un accès simple, rapide et direct à l'information.
En conclusion, je pense que le livre numérique offre une foultitude d'avantages en sacrifiant peut-être, pour la littérature, les livres d'art et la poésie, la notion de plaisir de lire.
Or les écrivains n'écrivent-ils pas avant tout pour être lus avec plaisir?
En tout cas, je suis avec un grand intérêt l'évolution des mentalités en la matière."
= Nicolas Pewny, consultant en édition électronique
Nicolas Pewny est le fondateur du Choucas, petite maison d'édition basée en Haute-Savoie et spécialisée dans les polars, la littérature, les livres de photos et les livres d'art. Nicolas Pewny tient aussi à avoir des activités non commerciales, afin de faire connaître des livres pour lesquels il a un coup de coeur, par exemple les Fables pour l'an 2000 de l'écrivain-paysan normand Raymond Godefroy. Les éditions du Choucas cessent malheureusement leur activité en mars 2001, une disparition de plus à déplorer chez les petits éditeurs indépendants. Nicolas Pewny met désormais ses compétences éditoriales et numériques au service d'autres organismes.
Le 9 février 2003, Nicolas Pewny écrit:
"Quel chemin parcouru depuis le temps du papyrus ou du parchemin! Le 15e siècle a vu naître le livre imprimé et le 19e siècle a démultiplié cette révolution. Au 20e l'informatique et le numérique ont encore tout bouleversé…
A l'aube du 21e il est facile de constater que l'Internet a évolué, et l'importance du 'contenu' s'est accrue, il est devenu un élément primordial. L'accès à ce 'contenu' devient peu à peu payant. Et le public concerné - en forte augmentation - est prêt à payer pour un contenu riche et ciblé.
La presse s'en est rendue compte la première, et des journaux tels que Le Monde ont mis en place une version numérique, souvent interactive, d'où le nom de l'édition, incluant des 'services' comme l'accès aux archives, la possibilité de stocker les informations en ligne, etc.
Des éditeurs (Campus Press, Eyrolles, Eni, par exemple) s'en sont rendus compte aussi, et produisent des ouvrages numériques pour des sujets tels que l'informatique, l'Internet, les nouvelles technologies, sciences & techniques, etc. Plus pratiques à utiliser et bien moins chers que la version 'papier'!
Personnellement je me suis tellement habitué à trouver toute information en ligne ou dans des ouvrages sous forme numérique que je serais désemparé si j'étais privé de ces moyens de recherche.
L'informatique évolue rapidement. Les ordinateurs se libèrent des fils de connexion, deviennent plus rapides et maniables, les écrans plus confortables, les techniques du 'numérique' vont évoluer également, évoluent déjà.
Je vois le livre numérique du futur comme un 'ouvrage total' réunissant textes, sons, images, vidéo, interactivité: une nouvelle manière de concevoir et d'écrire et de lire, peut-être sur un livre unique, sans cesse renouvelable, qui contiendrait tout ce que l'on a lu, unique et multiple compagnon.
Utopique? Invraisemblable? Peut-être pas tant que cela!"
= Marie-Joseph Pierre, enseignante-chercheuse à La Sorbonne
Marie-Joseph Pierre, enseignante-chercheuse à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE, section Sciences religieuses, Paris-Sorbonne), est depuis toujours férue de nouvelles technologies, bien avant que cela ne devienne dans l'air du temps. Elle fait partie de ces professeurs et chercheurs toujours prêts à mettre leur savoir à la disposition d'autrui, aussi bien ses collègues et étudiants que les habitants d'Argentan (Normandie), dont elle est l'une des maires-adjoints.
Le 8 février 2003, Marie-Joseph Pierre écrit:
"Il me paraît évident que la publication des articles et ouvrages au moins scientifiques se fera de plus en plus sous forme numérique, ce qui permettra aux chercheurs d'avoir accès à d'énormes banques de données, constamment et immédiatement évolutives, permettant en outre le contact direct et le dialogue entre les auteurs. Nos organismes de tutelle, comme le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) par exemple, ont déjà commencé à contraindre les chercheurs à publier sous ce mode, et incitent fortement les laboratoires à diffuser ainsi leurs recherches pour qu'elles soient rapidement disponibles. Nos rapports d'activité à deux et à quatre ans - ces énormes dossiers peineux résumant nos labeurs - devraient prochainement se faire sous cette forme. Le papier ne disparaîtra pas pour autant, et je crois même que la consommation ne diminuera pas… Car lorsque l'on veut travailler sur un texte, le livre est beaucoup plus maniable. Je m'aperçois dans mon domaine que les revues qui ont commencé récemment sous forme numérique commencent à être aussi imprimées et diffusées sur papier dignement relié. Le passage de l'un à l'autre peut permettre des révisions et du recul, et cela me paraît très intéressant."
= Philippe Renaut, gérant des éditions du Presse-Temps
Philippe Renaut est gérant des éditions du Presse-Temps. Fondé en 2002 par cinq associés passionnés de littérature, Le Presse-Temps est une maison d'édition littéraire qui mise avant tout sur la qualité et le suivi de chaque livre, avec un tirage prévu de 2.000 exemplaires par titre et un rythme de publication d'une dizaine de livres par an, loin des considérations du "toujours plus, toujours plus vite" du marché actuel. Philippe Renaut est aussi le rédacteur en chef d'Edition-actu, une lettre électronique bimensuelle (deux fois par mois) décalée, informative et humoristique sur le monde de l'édition. Edition-actu est publié par l'éditeur CyLibris, qui fut en son temps un pionnier de l'édition électronique.
Le 21 février 2003, Philippe Renaut écrit:
"Commençons tout d'abord par établir un sens clair au terme Livre numérique. Car le Livre numérique est bien un Livre et pas un sous-produit dérivé de l'informatique. En effet, si on tente de décrire le livre en fonction de son support physique (objet relié, avec des pages etc.), on arrive vite à une impasse, car dès lors faut-il bannir le livre de poche sous prétexte que sa qualité est inférieure et que l'on y retrouve pas 'le plaisir de l'objet livre'? Non, car le livre de poche est un instrument essentiel de diffusion de la culture, vers le grand public et en ce sens est un livre à part entière. Aussi, plutôt que de s'attacher au support attachons-nous au contenu. Même si le livre numérique possède par essence un contenu plus volatile, téléchargeable, effaçable, etc, il est avant tout vecteur de transmission d'un contenu culturel, et d'un contenu culturel fruit d'un travail éditorial. C'est plutôt par la conjonction de ces deux éléments essentiels - vecteur de communication d'un contenu travaillé éditorialement - que l'on peut définir le livre par opposition à la mise en ligne ou mise à disposition massive de texte sans un regard ou une labellisation professionnels. En effet sans pouvoir assurer que magiquement l'oeil d'un éditeur permet de déceler le mauvais du bon, il reste néanmoins l'instrument par lequel un lecteur peut tenter de trier dans la production désormais pléthorique de livres. Parfois des ouvrages de qualité se retrouveront malheureusement auto-édités pour n'avoir su être décelés, et d'autres médiocres se retrouveront édités envers et contre tout, mais cela ne change rien au processus de base qui veut que le tamis éditorial joue son rôle et aide le public dans ses choix (il suffit de considérer le niveau moyen des manuscrits reçus par une maison d'édition pour s'en convaincre!). De la même manière, un surfeur sur le Web va utiliser ses annuaires préférés pour identifier les sites qui lui sembleront les plus adaptés, seuls outils permettant encore un tri dans la masse désordonnée et titanesque d'informations qui lui est accessible.
Dans ce cadre le Livre numérique à toute sa place puisqu'il reste un Livre et que le support numérique lui offre des possibilités nouvelles. Encore une fois, de même que le poche n'est pas venu supplanter le livre, mais est venu compléter le marché du livre en permettant à de nouveaux acheteurs d'accéder à la culture, le livre numérique n'est pas là en remplacement du livre mais en accompagnement. A l'heure d'aujourd'hui il est encore bien difficile de discerner quelles seront les utilisations les plus fréquentes du livre numérique et c'est ce flou qui rend fragiles les entreprises qui tentent depuis quelques années déjà de s'emparer du marché. Car pour vendre il faut cibler et pour cibler il faut anticiper, hors en ce domaine l'anticipation est ardue. Les premières tentatives ont tenté de créer une demande qui n'existait pas et ce fut un échec. La nouvelle vague saura sûrement mieux pressentir dans un marché plus mûr les désirs et les manques du lectorat. Documentation technique, grands voyageurs, personnes handicapées visuelles, base encyclopédique, et nouveaux romans interactifs, sont autant de portes entrouvertes qui méritent un nouveau coup de boutoir.
A quelques années près, le Livre numérique, quelque soit son support propriétaire, PDA, ou autre devrait percer dans très peu de temps."
= François Vadrot, PDG de FTPress
En août 1999, François Vadrot fonde la société de cyberpresse FTPress (French Touch Press), basée à Paris. En septembre 1999, il lance Internet Actu, qui remplace LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu). D'autres publications suivent, ainsi que des réalisations multimédias et des émissions de télévision, dont certaines suivent de près l'actualité du livre.
Le 9 février 2003, François Vadrot écrit:
"De façon générale, pour ma part je reste à lire les livres sur papier. Quant aux oeuvres en général, sur internet, elles prennent et prendront des formes que le livre imprimé ne permet pas, notamment par l'insertion de créations multimédia, insérées à l'intérieur, à l'instar des illustrations et photos dans les livres papier. Concernant FTPress, pour l'instant nous ne sommes pas sur cette voie de l'édition, mais plus sur celle de la communication multimédia pour les entreprises ou administrations. Cela commence à bouger dans ce sens."
= Russon Wooldridge, créateur du Net des études françaises
Russon Wooldridge est professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto et créateur de ressources littéraires librement accessibles en ligne. En mai 2000, il fonde le Net des études françaises (NEF), suite au colloque qu'il organise pour un groupe de francophones (Colloque international sur les études françaises favorisées par les nouvelles technologies d'information et de communication, Toronto, mai 2000). Le Net des études françaises se veut d'une part "un filet trouvé qui ne capte que des morceaux choisis du monde des études françaises, tout en tissant des liens entre eux", d'autre part un réseau dont les "auteurs sont des personnes oeuvrant dans le champ des études françaises et partageant librement leur savoir et leurs produits avec autrui".
Le 9 mars 2003, Russon Wooldridge écrit:
"D'abord, qu'est-ce que le livre? C'est toujours, dans l'esprit des gens comme dans l'usage de la langue, un objet plus ou moins portable fait d'un ensemble de feuillets de papier reliés. Du point de vue historique c'est le codex de papyrus, de parchemin ou de papier connu depuis deux millénaires. Le livre contient un texte dont la lecture se fait linéairement de manière suivie et dont la maîtrise peut s'aider d'une lecture linéaire ponctuelle ou d'une lecture verticale permises par l'éventuelle structuration donnée par une table des matières ou un index. (Voir à ce sujet Alberto Manguel, A History of Reading, 1996.)
Le livre numérique serait une version électronique du contenu du codex sans son contenant. On doit distinguer deux types de livres numériques: ceux qui retiennent l'image du codex - il s'agit des livres en 'portable document format' (pdf), par exemple - et ceux qui profitent du médium informatique pour en permettre lectures linéaires et verticales - il s'agit alors, pour ce qui est du World Wide Web, des formats 'hypertext markup language' (html) ou 'text only' (txt).
Comment se prononcer sur l'avenir du livre numérique? Faisons une première constatation sur le degré d'acceptation des nouvelles technologies. Si l'expression un téléphone portable s'est très vite abrégée en un portable, c'est que cet appareil permet à son usager de téléphoner à tout moment et en tout lieu. Jusqu'ici l'expression un livre numérique ne s'est pas, du moins pas encore, abrégée en *un numérique. Le substantif numérique n'a toujours que le sens 'ce qui relève du domaine numérique' et ne s'emploie qu'avec l'article défini: le numérique. Quand je voyage dans le métro, dans un tramway, un autobus, un train ou un avion, je vois autour de moi des gens qui dorment, qui sont plongés dans leurs pensées, qui conversent ou qui lisent. Certains lisent un journal ou un magazine, beaucoup lisent un livre en papier. Aucun ne lit un livre numérique. Bien que le monde du livre ait été modifié par les forces du marché et les effets des développements technologiques, les grandes librairies du type Indigo ou Chapters attirent un grand nombre de personnes de tout âge et de tous les goûts, que l'on y voit lisant un livre papier confortablement installés dans des fauteuils ou assis dans la section café à discuter littérature, cuisine ou jardinage. Le prix de £16.99 (27 euros/dollars, ndlr) et les 768 pages du dernier Harry Potter, qui doit sortir en librairie le 21 juin 2003, n'ont pas nui aux précommandes et on a prévu un premier tirage de plusieurs millions d'exemplaires.
Autrement dit, l'écran n'a pas réussi à concurrencer le papier dans la lecture personnelle, qui est le mode usuel d'utilisation ou d'appropriation du livre.
Quelle est donc la place du livre numérique et, si celui-ci a une place, quel en est l'avenir? Disons tout de suite qu'il a une place certaine, cruciale, celle de rendre accessibles des textes difficilement trouvables en librairie ou en bibliothèque. Le patrimoine livresque d'une culture se trouve ainsi protégé et diffusé par des programmes tels que Gallica, de la Bibliothèque nationale de France, ou le Project Gutenberg.
Dans quelle mesure cependant ce patrimoine est-il vraiment protégé? L'encre posée sur le papier est toujours lisible plusieurs siècles après; le livre numérique sera-t-il encore lisible dans cent ans? Il y aurait lieu, je crois, d'évoquer Le chêne et le roseau de La Fontaine. Il y a des livres numériques lourds et fragiles, d'autres légers et résistants. La lourdeur se mesure en termes de complexité du langage de stockage et d'affichage, la fragilité en termes d'utilisabilité du support. La plupart des logiciels de gestion de bases de données tels que ceux utilisés par les projets Frantext ou ARTFL, par exemple, sont complexes et dépendants de systèmes d'opération particuliers. Il n'est pas certain que les fichiers pdf ou les CD-ROMs et DVD-ROMs soient utilisables à long terme. En revanche, les textes en format html ou txt sont légers (simples) et pourront être lus pendant longtemps, quels que soient les plate-formes ou systèmes d'opération.
À ce titre, les éditeurs de livres numériques les plus importants seraient ceux de programmes collaboratifs comme le Project Gutenberg, dont les textes sont librement accessibles en ligne sur des sites comme The Online Books Page, The Internet Public Library, Eldritch Press ou ClassicReader.com; ou des entreprises individuelles comme Athena, Maupassant par les textes ou la Bibliothèque électronique de Lisieux. Ma propre contribution personnelle à cet effort est quelques textes de la Renaissance française accessibles en ligne en mode lecture (html), plus quelques dictionnaires de la même période (voir RenDico) stockés en format ASCII-DOS sur un ordinateur à Toronto et un serveur à Paris."
= Denis Zwirn, PDG de Numilog
Denis Zwirn fonde en avril 2000 la société Numilog, avec Hervé Zwirn et Patrick Armand. Mise en ligne en septembre 2000, la librairie numérique Numilog est la première librairie à vendre exclusivement des livres numériques, par téléchargement et dans plusieurs formats. Quant à la société Numilog, elle est à la fois une librairie en ligne, un studio de fabrication et un diffuseur de livres numériques. Début 2003, le catalogue comprend plus de 3.000 ebooks (livres et numéros de revues) en français et en anglais, aux formats PDF (Acrobat Reader), LIT (Microsoft Reader) ou PRC (Mobipocket Reader), grâce à un partenariat avec une quarantaine d'éditeurs.
Le 3 février 2003, Denis Zwirn écrit:
"Nul n'est prophète en son pays, et je suis donc probablement mal placé, en tant que libraire numérique, pour faire de la prospective pertinente sur les livres numériques. On peut d'ailleurs se demander si quiconque est à même d'en faire, si tant est qu'en matière de technologie et de société, la prévision - ou la prophétie - est une discipline peu scientifique (on peut lire à ce sujet la critique faite par Karl Popper dans Misère de l'Historicisme). On peut en outre constater le tort que cause actuellement au développement serein du secteur des livres numériques les prophéties exubérantes faites au début de l'année 2000 par certains et reprises abondamment par la presse, qui s'acharne aujourd'hui et sans plus de nuances qu'hier à démolir ce qu'elle a adoré quelques mois.
En tant qu'acteur de la distribution de livres numériques, je me dois toutefois bien sûr d'avoir une stratégie, fondée sur des anticipations, c'est-à-dire sur des 'paris raisonnables' compte tenu de notre information du moment. Mais encore une fois, ces anticipations ne sont pas des prévisions: elles ont à la fois un caractère probabiliste (incertain) et conditionnel (elles décrivent des conditions d'évolution du marché). Ces précautions épistémologiques étant faites, voici quelques anticipations sur lesquelles se fonde la stratégie actuelle de Numilog (le 3 février 2003):
1. L'équipement des individus et des entreprises en matériel pouvant être utilisé pour la lecture numérique dans une situation de mobilité va continuer de progresser très fortement dans les dix prochaines années sous la forme de machines de plus en plus performantes (en terme d'affichage, de mémoire, de fonctionnalités, de légèreté…) et de moins en moins chères. Cela prend dès aujourd'hui la forme de PDA (Pocket PC et Palm Pilot), de Tablettes PC et de Smart phones, ou de Smart displays (écrans tactiles sans fil). Trois tendances devraient être observées: la convergence des usages (téléphone / PDA), la diversification des types et tailles d'appareils (de la montre-PDA-téléphone à la Tablette PC waterproof), la démocratisation de l'accès aux machines mobiles (des PDA pour enfants à 15 euros). Si les éditeurs et les libraires numériques savent en saisir l'opportunité, cette évolution représente un environnement technologique et culturel au sein duquel les livres numériques, sous des formes variées, peuvent devenir un mode naturel d'accès à la lecture pour toute une génération.
2. En dehors du contexte de la mobilité, la mise à disposition de publications numériques (livres, revues, thèses…) a des applications évidentes pour tous ceux qui travaillent avec des documents: enseignants, chercheurs, étudiants, journalistes, consultants… Trois avantages sont particulièrement significatifs dans ce domaine: l'accès instantané à distance, la modularité (accès limité aux chapitres, articles ou pages pertinents), les fonctionnalités informatiques de recherche dans une base. Le support de lecture privilégié est alors simplement l'ordinateur, qui permet notamment d'imprimer des pages de ces documents (mais les frontières ordinateurs / tablettes mobiles vont devenir floues). Plusieurs modèles de distribution émergeront probablement pour ces publications: l'accès sur abonnement à des vastes banques de textes numérisés, le prêt de documents numériques.
3. Dans l'univers numérique comme dans l'univers traditionnel, la distribution est en général mieux assurée par des professionnels de la distribution offrant un large catalogue de produits de marques différentes. Même si Internet est un formidable media permettant la distribution directe des livres par les auteurs (menaçant les éditeurs?) et par les éditeurs (menaçant les distributeurs?), une part extrêmement majoritaire des ventes de livres numériques sera effectuée par des distributeurs offrant des catalogues 'multi-auteurs' et 'multi-éditeurs', plus riche à consulter par les lecteurs. Ces distributeurs ne se limiteront pas nécessairement aux seules librairies en ligne actuelles (du type www.amazon.fr): il peut également s'agir de portails, ayant un accès à un grand nombre de visiteurs (du type www.yahoo.fr) ou de portails spécialisés sur des thèmes (du type www.laportedudroit.com). C'est une des manières dont le numérique peut changer le processus de distribution actuel. Ce modèle permet également de penser qu'il y a un rôle à jouer pour des 'diffuseurs numériques', offrant à ces différents points de distribution des catalogues clés en main (droits, fichiers, technologies de gestion des droits numériques). Numilog, au-delà de sa librairie www.numilog.com, a l'ambition de devenir un de ces diffuseurs.
4. Enfin, l'avenir du marché des livres numériques dépend de la possibilité de trouver un compromis entre trois éléments: le très légitime souci des auteurs et des éditeurs ne pas voir leurs oeuvres piratées et diffusées librement sur des sites Peer to Peer (du type Kazaa), la demande des lecteurs de ne pas être pénalisés en terme de droits d'usage sur les livres par une protection excessive et enfin le prix des livres numériques. Les controverses actuelles en France sur la notion d' 'exception de copie privée' dans le cadre de la transposition de la directive européenne sur la protection des droits d'auteur numériques en sont une excellente illustration, bien qu'elles se focalisent pour le moment plutôt sur la musique. On peut faire le pari que les compromis qui seront dégagés seront de nature multiples, selon le type de livres, le type de supports, le type de public et qu'aucun modèle uniforme ne s'imposera. A ce titre, les modèles cités plus haut d'accès sur abonnement à des banques de textes numériques et de sites de prêt de livres numériques sont de bonnes pistes. En ce qui concerne les livres vendus en 'pay-per-view', le prix des livres numériques s'ajustera probablement à la baisse sur les droits d'usage qui sont attachés à ces livres, une baisse de prix significative étant par ailleurs un des meilleurs moyens de limiter la tentation du piratage et de susciter la création d'un vaste marché. Enfin, de nombreux sites, y compris des sites commerciaux, proposeront des textes gratuits liés à différents usages: échange de textes au sein de communautés de recherche ou de débat, inédits testés par le public avant de passer dans le circuit commercial, textes du domaine public sans travail d'édition, extraits promotionnels de livres, livres publicitaires?… Cet espace d'accès libre à des ressources gratuites, qui se développera et représente un des bénéfices attendus d'Internet, est tout à fait compatible avec des espaces commerciaux d'accès payant et devrait même en être conçu comme complémentaire dans le cadre des multiples opportunités de synergies entre différentes formes de distribution qu'offrent les publications numériques."
# [ANNEXE] COMMENTAIRES
Ce travail de recherche a vu le jour dès 1995. Il s'est d'abord intitulé De l'imprimé à Internet, avec une première synthèse publiée en 1999 par les éditions 00h00 (version PDF et version imprimée) puis en 2001 par le Net des études françaises (version web). Il s'est poursuivi au fil des ans avec deux nouveaux titres: Entretiens (1998-2001), qui regroupe une centaine d'entretiens avec des professionnels du livre et apparentés, et Le Livre 010101 (1993-2003), un ouvrage de synthèse en deux volumes (voir plus haut). L'ensemble est publié en ligne sur le Net des études françaises (NEF), basé à l'Université de Toronto (Canada), tout comme nombre d'enquêtes et d'articles connexes. A la demande des adeptes du format PDF, Le Livre 010101 est également distribué gratuitement par la librairie numérique Numilog. Voici les commentaires de plusieurs participants, rassemblés pour la plupart au cours de l'année 2005.
Anne-Bénédicte Joly, écrivain-éditeur, qui auto-édite ses oeuvres et les promeut sur son site web: "J'ai collaboré à trois reprises avec Marie Lebert dans le cadre de ses travaux de recherche. Non seulement l'expérience s'est parfaitement déroulée grâce au très grand professionnalisme dont Marie Lebert a su faire preuve tout au long de nos travaux (tant durant la phase analyse que durant la phase restitution avant validation), mais aussi elle a accompagné ces démarches d'un soutien et d'une communication de tous les instants. Une fois les travaux effectués et les données rassemblées dans un ouvrage, dont la qualité et la pertinence font aujourd'hui référence (dans le monde de l'édition numérique), Marie Lebert a attaché une grande importance au retour d'information auprès des personnes interviewées. Participer dans ces conditions à de tels travaux d'analyse et collaborer de cette manière ont été des étapes particulièrement intéressantes à de nombreux égards." (février 2005)
Olivier Bogros, directeur de la Médiathèque de Lisieux et créateur de la Bibliothèque électronique de Lisieux: "Notre première collaboration avec Marie Lebert remonte à juin 1998, époque à laquelle elle s'était lancée dans sa série d'entretiens en ligne consacrés aux acteurs de l'internet littéraire, encore pionniers. La simplicité apparente de sa méthode faisait apparaître par la confrontation des opinions la richesse du sujet et du projet. Les mises à jour des entretiens permettent de suivre au fil des ans les modifications importantes des sites littéraires liées au développement de l'internet grand public." (mars 2005)
Pierre Schweitzer, architecte designer, inventeur du projet @folio, une tablette numérique de lecture nomade: "J'ai participé en janvier 2001 aux Entretiens de Marie Lebert et découvert sa prodigieuse enquête sur le texte, le livre, l'imprimé et leurs mutations à l'heure des nouvelles technologies de l'information et d'internet. L'enquête réalisée par Marie est à ma connaissance une des plus approfondies et des mieux fouillées sur le sujet. Sortant des sentiers battus, son enquête agrège une somme impressionnante d'interviews, tout à fait remarquable par la diversité des éclairages offerts et par la variété des points de vue recueillis. Les Entretiens de Marie furent pour moi-même une source d'information passionnante et un document de référence vers lequel j'ai pris l'habitude de renvoyer mes interlocuteurs ou certains amateurs éclairés. Car son travail est aussi agréable et efficace dans sa forme: l'écriture hypertexte est investie avec passion, goût et malice: la mise en ligne et les traductions offertes en facilitent grandement l'accès. Voici en quelques mots succincts ma perception du travail patient et généreux de Marie, qui fait d'elle, à mes yeux, une des spécialistes les mieux avisés et les plus constants d'un domaine qui, malgré les soubresauts et certaines désillusions, n'a pas encore fini de nous dire ses derniers mots…" (avril 2005)
Nicolas Pewny, fondateur des éditions du Choucas, puis consultant publishing et internet: "J'ai eu le plaisir de suivre les recherches de Marie Lebert. Elle s'est intéressée à l'internet et au télétravail à une époque où ils n'étaient connus que de quelques initiés. Elle a su voir très tôt les conséquences des bouleversements apportés dans le monde du livre par l'internet et les technologies numériques. Marie Lebert a fait un gigantesque travail de recherche, véritable travail de précurseur, pour en faire l'historique et la synthèse, dans ses ouvrages Le Livre 010101. Ces ouvrages sont et resteront des documents incontournables pour qui veut comprendre les mutations profondes que l'internet engendre." (février 2005)
Peter Raggett, directeur du Centre de documentation et d'information (CDI) de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques): "J'ai participé aux Entretiens de Marie Lebert dans le cadre de son projet de recherche Le Livre 010101 et j'ai été impressionné par ses connaissances des derniers développements dans le domaine de l'édition électronique et par l'étude approfondie qu'elle a rédigée. Cette étude est l'une des oeuvres les plus importantes sur l'utilisation des nouvelles technologies dans l'édition." (avril 2005)
Philippe Renaut, rédacteur en chef d'Edition-actu, lettre d'information de CyLibris, et gérant des éditions du Presse-Temps: "J'ai eu l'occasion de collaborer avec Marie Lebert dans le cadre de ses recherches en ligne. Marie fait preuve d'un professionnalisme et d'une honnêteté intellectuelle sans faille qui apporte à tous ses travaux une crédibilité et une dynamique exceptionnelles. Sa recherche sur l'édition en ligne, fouillée et argumentée, a été diffusée logiquement sur le web par moyens numériques, apportant ainsi une preuve supplémentaire de la conviction de Marie pour l'avènement d'une ère numérique dans la lecture et la diffusion de la culture." (avril 2005)
Jean-Paul, webmestre du site hypermédia cotres.net: "C'était la dernière décennie de notre 2e millénaire. L'Histoire frappe à la porte, puis la fracasse: l'Internet (il porte encore une majuscule) fait irruption. C'est l'ère, l'erre et l'aire des pionniers de la Toile, des chemineaux de ce continent incertain que des banquiers terrorisés tentent de coloniser avant leurs concurrents, que des mohicans éblouis explorent dans le ravissement. Marie en est. Elle arpente le net (c'est encore possible pour un/e solitaire), va de l'un à l'autre, interviewe, noue des liens, suscite les rencontres, les échanges. Fidèle à l'esprit du temps, cela se fait dans la transparence, d'égal à égal, à la terrasse ouverte des cafés pas toujours virtuels. D'année en année, les mises à jour se font quasiment en direct, on peut suivre l'évolution (ultra-rapide) du bouleversement qu'opère l'impérialisme du réseau des réseaux sur toutes sortes d'activités humaines, tout particulièrement dans le royaume d'élection de Marie: l'écriture, et tout ce qui s'y rattache, de la plume (d'acier) à la presse (de plomb). Le Livre 010101 sera la somme de cette expérience: une mine d'infos et d'adresses indispensables à quiconque cherchait quelques amers dans le vaste océan du net." (décembre 2005)
Marc Autret, journaliste et infographiste: "C'est tout naturellement chez Numilog que la journaliste Marie Lebert a mis en circulation sa remarquable enquête: Le Livre 010101 (version 2002, 158 pp., 1 Mo, ndlr). En quelque 158 pages, elle présente d'innombrables acteurs de l'édition numérique, leur démarche, leurs problèmes, leurs espoirs. Une somme d'entretiens et d'analyses qui, par sa densité et sa qualité, tient de la prouesse. A découvrir." (Ecrire & Editer, nº 41, décembre-janvier 2003)
Denis Zwirn, président de Numilog, grande librairie de livres numériques et prestataire de services: "Marie Lebert est entrée en contact avec la société Numilog en février 2001 à l'occasion de la rédaction de son livre d'entretiens avec des spécialistes du livre électronique Le Livre 010101. Cet ouvrage, qui porte sur deux périodes (1993-1998 et 1998-2003), fait un point extrêmement complet sur l'historique et les développements actuels des livres numériques dans le monde. Il recense, compare et classifie de manière très instructive les points de vue et expériences de la plupart des pionniers de l'édition numérique, en particulier francophone. Le travail d'interviews effectué par Marie Lebert témoigne d'une grande connaissance des enjeux et problématiques de ce secteur. Il invite les spécialistes de ces nouvelles manières d'écrire, d'éditer et de distribuer des livres à engager avec Marie Lebert une discussion constructive afin d'éclaircir leur propre contribution et leur propre analyse de ce secteur. L'édition numérique représente une innovation forte et profonde de la filière livre, qui comporte des aspects multidisciplinaires et concerne des acteurs de types très différents: auteurs, éditeurs, universitaires, entreprises de commerce électronique. Marie Lebert a accompli à cet égard à travers cet ouvrage un important travail de pionnier pour en effectuer la toute première synthèse francophone existant au monde et pour la communiquer à tous les publics intéressés par ces innovations, par l'unité qu'elles peuvent receler, les paris sur lesquels elles reposent et les interrogations qu'elles soulèvent quant à son avenir. Marie Lebert est devenue de ce fait une des meilleures spécialistes mondiales du sujet. Son travail lui a par ailleurs permis de créer un réseau de communication unique entre les spécialistes du livre électronique, utile à toute la filière dans la mesure où par son intermédiaire de nombreux et utiles échanges ont pu se nouer entre différents professionnels et donner naissance à des projets concrets de coopération.
Marie Lebert accomplit avec une grande rigueur un travail indispensable et qui restera une référence pour l'étude de ce nouveau secteur, porteur d'une révolution potentiellement majeure pour l'édition et au-delà pour la diffusion de la connaissance et pour l'éducation. Elle le fait avec un grand sérieux dans l'analyse, dans l'utilisation des concepts, tant théoriques que techniques ou économiques, si tant est que tous ces plans d'analyse sont nécessaires pour comprendre de manière complémentaire et en profondeur les enjeux de l'édition numérique. Son approche très objective et complète des enjeux du secteur permet par ailleurs de présenter à la fois les modèles non commerciaux d'édition numérique, liés aux approches d'écrivains inventant de nouvelles formes de création et de diffusion littéraire ou aux tenants de l'internet libre et gratuit, et les modèles commerciaux, liés aux entreprises d'édition ou aux professionnels du commerce électronique. Elle invite à réfléchir sur les contradictions et/ou les complémentarités entre ces deux types de modèles, une question essentielle qui traverse aujourd'hui toute l'économie d'internet et des biens numériques culturels. Compte tenu de sa valeur, la librairie Numilog a choisi de diffuser le travail de Marie Lebert sur son site afin que ses visiteurs puissent librement le télécharger, le consulter et mieux s'informer sur les livres numériques qui représentent notre activité principale." (février 2005)
[Quelques années après, Le Livre 010101 est suivi d'un nouveau livre de synthèse, Les mutations du livre, publié en septembre 2007.]
SITES ET PAGES WEB
Plutôt que la bibliographie d'usage, voici une liste de sites et pages web, nettement plus facile à utiliser étant donné le sujet. Cette liste est classée par ordre alphabétique.
ABU: la bibliothèque universelle: http://abu.cnam.fr/
AcqWeb's Directory of Publishers and Vendors: http://acqweb.library.vanderbilt.edu/acqweb/pubr.html
Acrobat eBook Reader: http://www.adobe.com/products/ebookreader/
Acrobat Reader: http://www.adobe.com/products/acrobat/
Acrobat Reader (France): http://www.adobe.fr/products/acrobat/
ADBS-info: http://www.adbs.fr/wws/info/adbs-info
AddALL: http://www.addall.com/
Administration fédérale suisse - Dictionnaires électroniques: http://www.admin.ch/ch/f/bk/sp/dicos/dicos.html
Adobe Acrobat: http://www.adobe.com/products/acrobat/
Adobe Content Server: http://www.adobe.com/products/contentserver/
Adobe eBooks Central: http://www.adobe.com/epaper/ebooks/
Adobe Reader: http://www.adobe.com/products/acrobat/readermain.html
Adobe Systems: http://www.adobe.com/
Adobe Systems France: http://www.adobe.fr/
@folio: http://atfolio.u-strasbg.fr/
Agence France-Presse (AFP) - Médias: http://www.afp.com/francais/links/?cat=links
Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF): http://agence.francophonie.org/
Agence universitaire de la francophonie (AUF): http://www.auf.org/
@graph: http://www.agraph.org/
Alapage: http://www.alapage.com/
Alis Technologies: http://www.alis.com/
Amazon.com: http://www.amazon.com/
Amazon.com eBooks: http://www.amazon.com/ebooks/
Amazon.fr: http://www.amazon.fr/
American National Standards Institute (ANSI): http://www.ansi.org/
American Society for Information Science and Technology (ASIST): http://www.asis.org/
Anacoluthe: http://www.anacoluthe.com/
Analyse et traitement informatique de la langue française (ATILF): http://www.atilf.fr/
Ancion, Nicolas (site): http://ibelgique.ifrance.com/ancion/
Andrachmes, Alex (site): http://www.webserial.be.tf/
APELSE (Association pour la promotion de l'écriture et de la lecture sur support électronique): http://www.apelse.asso.fr/
APELSE - Forum: http://www.apelse.asso.fr/forum/
Apple: http://www.apple.com/
Ariel: http://www.infotrieve.com/ariel/
ARTFL (American and French Research on the Treasury of the French Language): http://humanities.uchicago.edu/orgs/ARTFL/
ASCII (American standard code for information interchange): http://www.asciitable.com/
Association des professionnels de l'information et de la documentation (ADBS): http://www.adbs.fr/
Association européenne pour les ressources linguistiques (ELRA): http://www.icp.grenet.fr/ELRA/
Association for Computational Linguistics (ACL): http://www.cs.columbia.edu/~acl/
Association française pour la lecture: http://www.lecture.org/
Association of Research Libraries (ARL): http://www.arl.org/
Association pour la promotion de l'écriture et de la lecture sur support électronique (APELSE): http://www.apelse.asso.fr/
Athena: http://un2sg4.unige.ch/athena/
Athena Literature Resources: http://un2sg4.unige.ch/athena/html/booksite.html
ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française): http://www.atilf.fr/
Audible.com: http://www.audible.com/
Autre Terre (Une): http://www.une-autre-terre.net/
Bac-L: http://www.bac-l.com/
Barnes & Noble: http://www.bn.com/
Barnes & Noble Digital: http://ebooks.bn.com/bn_digital
Barnes & Noble eBooks: http://ebooks.bn.com/
Benetech: http://www.benetech.org/
Berkeley Libraries: http://library.berkeley.edu/
Berners-Lee, Tim (site): http://www.w3.org/People/Berners-Lee/
Bertelsmann: http://www.bertelsmann.de/
Bible de Gutenberg: http://prodigi.bl.uk/gutenbg/
Biblio-fr: http://www.cru.fr/Listes/biblio-fr@cru.fr/
Biblio On Line: http://www.biblionline.com/
Bibliopolis: http://www.bibliopolis.fr/
Bibliothèque électronique de Lisieux (La): http://www.bmlisieux.com/
Bibliothèque et Archives du Canada: http://www.nlc-bnc.ca/
Bibliothèque municipale de Lyon: http://www.bm-lyon.fr/
Bibliothèque nationale de France (BnF): http://www.bnf.fr/
Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les): http://www.bnf.fr/pages/liens/
Bibliothèque nationale du Québec (BNQ): http://www.bnquebec.ca/
Bibliothèque nationale du Québec (BNQ) - Catalogue multimédia: http://www.biblinat.gouv.qc.ca:6611/
Bibliothèque publique d'information (Centre Pompidou): http://www.bpi.fr/
BIEF (Bureau international de l'édition française): http://bief.org/
BIEF - Editeurs: http://bief.org/editeurs/
Blackwell's: http://www.blackwell.com/
Bluetooth: http://www.bluetooth.com/
Bogros, Olivier (site): http://www.miscellanees.com/
BOL.com: http://www.bol.com/
BookFinder.com: http://www.bookfinder.com/
BookSense.com: http://www.booksense.com/
Bookshare.org: http://www.bookshare.org/
Bookweb.org: http://www.bookweb.org/
Boutiny, Lucie de (site): http://www.synesthesie.com/boutiny/
BrailleNet: http://www.braillenet.org/
BrailleNet - Base de données Hélène: http://www.braillenet.org/bv/helene/
BrailleNet - Bibliothèque virtuelle: http://www.inrialpes.fr/braillenet/BV/
BrailleNote: http://www.braillenote.com/
Brandenbourger, Anne-Cécile (site): http://www.anacoluthe.com/
British Library (The): http://www.bl.uk/
British Library Public Catalogue (BLPC) (The): http://blpc.bl.uk/
Budapest Open Access Initiative: http://www.soros.org/openaccess/
Bureau international de l'édition française (BIEF): http://bief.org/
Calcre.com - Information et défense des auteurs: http://www.calcre.com/
Captain-doc: http://www.captaindoc.com/
Catalogue collectif de France (CCFr): http://www.ccfr.bnf.fr/
Catalogue critique des ressources textuelles sur internet (CCRTI): http://www.terminalf.net/ccrti/
Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI: http://arbiter.wipo.int/center/index-fr.html
Centre international francophone de documentation et d'information (CIFDI): http://cifdi.francophonie.org/
Champollion Wordfast: http://www.wordfast.org/
Charte des Nations Unies: http://www.un.org/french/aboutun/charte/
Charter of the United Nations: http://www.un.org/aboutun/charter/
Choucas (Le): http://www.choucas.com/
Chroniques de Cybérie (Les): http://cyberie.qc.ca/chronik/
Cloutier, Jean-Pierre (site): http://cyberie.qc.ca/jpc/
Club des poètes: http://www.franceweb.fr/poesie/
Coelho, Paulo (site): http://www.paulocoelho.com/
Commissariat aux langues officielles (CLO) du Canada: http://www.ocol-clo.gc.ca/
Consortium DAISY: http://www.daisy.org/
Consortium Unicode: http://www.unicode.org/consortium/consort.html
Consortium W3C: http://www.w3.org/
Convention universelle sur le droit d'auteur: http://www2.unesco.org/clt-bv/html_fr/convauteur1.htm
Cotres furtifs: http://www.cotres.net/
Courrier international - Kiosque: http://www.courrierinternational.com/kiosk/kiosq.htm
CyLibris: http://www.cylibris.com/
DAISY Consortium: http://www.daisy.org/
Dall'Armellina, Luc (site): http://lucdall.free.fr/
Dawson Holdings PLC: http://www.dawson.co.uk/
Decitre: http://www.decitre.fr/
Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLF): http://www.culture.fr/culture/dglf/
DialogWeb: http://www.dialogweb.com/
Diamedit: http://www.royalement-votre.com/diamedit/
Dictionnaire universel francophone en ligne: http://www.francophonie.hachette-livre.fr/
Dictionnaires (ATILF): http://www.atilf.fr/dictionnaires/
Dictionnaires électroniques: http://www.admin.ch/ch/f/bk/sp/dicos/dicos.html
DictSearch: http://www.foreignword.com/Tools/dictsrch.htm
Digital Audio Information System (DAISY): http://www.daisy.org/
DOI (Digital Object Identifier): http://www.doi.org/
DOI Foundation: http://www.doi.org/welcome.html
eBook Community (The): http://groups.yahoo.com/group/ebook-community/
eBook Europe (Paris): http://www.ebook-europe.com/
eBookMan (Franklin): http://www.franklin.com/ebookman/
Ebrary: http://www.ebrary.com/
Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques
(ENSSIB): http://www.enssib.fr/
Ecole normale supérieure (ENS) de Paris: http://www.ens.fr/
Ecole pratique des hautes études (EPHE): http://www.ephe.sorbonne.fr/
Ecrire & Editer Magazine: http://www.calcre.com/cat/mag/
E-critures: http://fr.groups.yahoo.com/group/e-critures/
Editel: http://www.editel.com/
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