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Le livre des masques: Portraits symbolistes

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A. Gide

ANDRÉ GIDE

J'écrivais en 1891, à propos des Cahiers d'André Walter, oeuvre anonyme, ces notes: «—Le journal est une forme de littérature bonne et la meilleure peut-être pour quelques esprits très subjectifs. M. de Maupassant n'en ferait rien: le monde est pour lui le tapis d'un billard, il note les rencontres des billes, quand les billes s'arrêtent, s'arrête aussi, car s'il n'a plus aucun mouvement matériel à percevoir, il n'a plus rien à dire. Le subjectif puise en lui-même dans la réserve de ses sensations emmagasinées; et, par une occulte chimie, par d'inconscientes combinaisons dont le nombre approche de l'infinité, ces sensations, souvent d'un très loin jadis, se métamorphosent, se multiplient en idées. Alors on raconte, non pas des anecdotes, mais sa propre anecdote à soi, la seule que l'on dise bien et que l'on puisse redire bien plusieurs fois, si l'on a du talent et le don de varier les apparences. Ainsi vient de faire et ainsi fera encore l'auteur de ces cahiers. C'est un esprit romanesque et philosophique, de la lignée de Goethe; une de ces années, lorsqu'il aura reconnu l'impuissance de la pensée sur la marche des choses, son inutilité sociale, le mépris qu'elle inspire à cet amas de corpuscules dénommé la Société, l'indignation lui viendra, et, comme l'action, même illusoire, lui est à tout jamais fermée, il se réveillera armé de l'ironie: cela complète singulièrement un écrivain: c'est le coefficient de sa valeur d'âme. La théorie du roman, exposée en une note de la page 120, n'est pas médiocrement intéressante: il faut espérer que l'auteur, à l'occasion, s'en souviendra. Quant au présent livre, il est ingénieux et original, érudit et délicat, révélateur d'une belle intelligence: cela semble la condensation de toute une jeunesse d'étude, de rêve et de sentiment, d'une jeunesse repliée et peureuse. Cette réflexion (p. 142) résume assez bien l'état d'esprit d'André Walter: «O l'émotion quand on est tout près du bonheur, qu'on n'a plus qu'à toucher—et qu'on passe.»

Il y a un certain plaisir à ne pas s'être trompé au premier jugement porté sur le premier livre d'un inconnu; maintenant que M. Gide est devenu, après maintes oeuvres spirituelles, l'un des plus lumineux lévites de l'église, avec autour du front et dans les yeux toutes visibles les flammes de l'intelligence et de la grâce, les temps sont proches où d'audacieux révélateurs inventeront son génie, sonner, pour qu'il sorte et s'avance, la trompette de la première colonne. Il mérite la gloire, si aucun la mérita (la gloire est toujours injuste), puisqu'à l'originalité du talent le maître des esprits a voulu qu'en cet être singulier se joignît l'originalité de l'âme. C'est un don assez rare pour qu'on en parle.

Le talent d'un écrivain n'est souvent que la faculté terrible de redire en phrases qui semblent belles les éternelles clameurs de la médiocre humanité; des génies même, et gigantesques, comme Victor Hugo ou Adam de Saint-Victor furent destinés à proférer d'admirables musiques dont la grandeur est de recéler l'immense vacuité des déserts; leur âme est pareille à l'âme informe et docile des sables et des foules; ils aiment, ils songent, ils veulent les amours, les songes, les désirs de tous les hommes et de toutes les bêtes; poètes, ils crient magnifiquement ce qui ne vaut pas la peine d'être pensé.

Le genre humain, sans doute, en son ensemble de ruche ou de colonie, n'est que parce que nous en sommes, prééminent au genre bison ou au genre martin-pêcheur; ici et là c'est le triste automate; mais la supériorité de l'homme est qu'il peut arriver à la conscience: un petit nombre y parvient. Acquérir la pleine conscience de soi, c'est se connaître tellement différent des autres qu'on ne sent plus avec les hommes que des contacts purement animaux: cependant entre âmes de ce degré, il y a une fraternité idéale basée sur les différences,—tandis que la fraternité sociale l'est sur les ressemblances.

Cette pleine conscience de soi-même peut s'appeler l'originalité de l'âme,—et tout cela n'est dit que pour signaler le groupe d'êtres rares auquel appartient M. André Gide.

Le malheur de ces êtres, quand ils se veulent réaliser, est qu'ils le font avec des gestes si singuliers que les hommes ont peur de les approcher; ils doivent souvent faire évoluer leur vie de relation dans le cercle bref des fraternités idéales;—ou, quand la foule veut bien admettre de telles âmes, c'est comme curiosités et pièces de musée. Leur gloire finalement est d'être aimés un peu de loin et compris presque, comme vus et lus des parchemins dans le coffre aux vitres scellées.

Mais tout cela est raconté dans Paludes, histoire, comme on sait, «des animaux vivant dans les cavernes ténébreuses et qui perdent la vue à force de ne pas s'en servir»; c'est aussi, avec un charme plus familier que dans le Voyage d'Urien, un peu de l'histoire ingénue d'une âme très compliquée, très intellectuelle et très originale.


P. Louys

PIERRE LOUYS

Il y a en ce moment un petit mouvement de néo-paganisme, de naturisme sensuel, d'érotisme à la fois mystique et matérialiste, un renouveau de ces religions purement charnelles où la femme est adorée jusque dans les laideurs de son sexe, car au moyen de métaphores on peut adoniser l'informe et diviniser l'illusoire. Un roman de M. Marcel Batilliat, jeune homme inconnu, est peut-être, malgré de graves défauts, le plus curieux spécimen de cette religiosité érotique que des coeurs zélés se donnent pour songe ou pour idéal; mais il y eut une manifestation fameuse, l'Aphrodite de M. Pierre Louys, dont le succès étouffera sans doute d'ici longtemps, comme sous des roses, toutes les autres revendications du romanesque sexuel.

Ce n'est pas, quoique l'apparence ait trompé les critiques, jeunes ou vieux, un roman historique, tel que Salammbô ou même Thaïs. La parfaite connaissance que M. Pierre Louys a des religions et des moeurs alexandrines lui a permis de vêtir ses personnages de noms et de costumes véridiquement anciens, mais il faut lire le livre dépouillé de ces précautions qui ne sont là, ainsi, qu'en plus d'un roman du xviiie siècle, que le paravent brodé d'hiératiques phallophores derrière lequel s'agitent des moeurs, des gestes et des désirs d'un incontestable aujourd'hui.

Par la vulgarisation de l'art l'amour nous est enfin revenu du nu. C'est à l'époque de la floraison du calvinisme que le nu commença d'être proscrit des moeurs et qu'il se réfugia dans l'art qui seul en garda la tradition. Jadis et encore au temps de Charles-Quint, il n'y avait pas de fêtes publiques sans théories de belles filles nues; on craignait si peu le nu que les femmes adultères étaient promenées nues par les villes; il est hors de doute que, dans les mystères, tels rôles, Adam et Ève, étaient tenus par des personnages abstraits du maillot, luxe hideux. Aimer le nu, et d'abord féminin avec ses grâces et ses insolences, c'est traditionnel en des races que la dure réforme n'a pas tout à fait terrorisées. Admise l'idée du nu, le costume peut se modifier, tendre vers la robe flottante et lâche, les moeurs s'adoucir et un peu de rayonnement charnel éclairer la tristesse de nos hypocrisies. Aphrodite a signalé par sa vogue le retour possible à des moeurs où il y aurait un peu de liberté: venu à sa date, ce livre a la valeur d'un contrepoison.

Mais aussi qu'une telle littérature est fallacieuse! Toutes ces femmes, toutes ces chairs, tous ces cris, toute cette luxure si animale et si vaine, et si cruelle! Les femelles mordillent les cervelets et mangent les cervelles; la pensée fuit éjaculée; l'âme des femmes coule comme par une plaie; et toutes ces copulations n'engendrent que le néant, le dégoût et la mort.

M. Pierre Louys a bien senti que ce livre de chair aboutissait logiquement à la mort: Aphrodite se clôt par une scène de mort, par des funérailles.

C'est la fin d'Atala (Châteaubriand plane invisible sur toute notre littérature), mais refaite et renouvelée avec grâce, avec art, avec tendresse,—si bien qu'à l'idée de la mort vient se joindre l'idée de la beauté; et les deux images, enlacées comme deux courtisanes, tombent lentement dans la nuit.


Rachilde

RACHILDE

La sincérité, exigence énorme s'il s'agit d'une femme! Les plus vantées pour leur candeur furent comédiennes encore, telle cette lacrymatoire Marceline, actrice d'ailleurs, et qui pleura sa vie ainsi qu'un rôle, avec la conscience que donnent les applaudissements du public. Depuis que les femmes écrivent nulle, n'a eu la bonne foi de se dire et de s'avouer en toute fière humilité, et les seules notions que la littérature recèle des psychologies féminines, il faut les demander à la littérature des hommes: il y a plus à apprendre sur les femmes dans la seule Lady Roxana que dans les oeuvres complètes de George Sand. Ce n'est peut-être pas mensonge; c'est plutôt incapacité de nature à se penser soi-même, à prendre conscience de soi en son propre cerveau et non dans les yeux et sur les lèvres d'autrui; même quand elles écrivent ingénuement pour elles-mêmes en de petits cahiers secrets, les femmes pensent au dieu inconnu qui lit—peut-être—par dessus leur épaule. Avec une semblable nature il faudrait à une femme, pour se mettre au premier rang des hommes, un génie plus haut que le génie même des hommes les plus surélevés: c'est pourquoi si les oeuvres marquantes des hommes sont assez souvent supérieures à l'homme, les oeuvres les plus belles des femmes sont toujours inférieures à la valeur de la femme qui les a produites.

L'incapacité n'est pas personnelle; elle est générique et absolue. Il faudrait donc comparer les femmes entre elles, exclusivement, les juger comme des femmes et ne pas les mépriser pour ce qui leur manque d'égoïsme ou de personnalité: ce défaut, hors de la littérature et de l'art, est généralement estimé à l'égal d'une vertu positive.

Qu'elles essaient leurs grâces dans la perversité ou dans la candeur, les femmes réussiront mieux à vivre qu'à jouer leur comédie; elles sont faites pour la vie, pour la chair, pour la matérialité,—et leurs rêves les plus romantiques, elles les réaliseraient avec joie si elles ne se trouvaient arrêtées par l'indifférence de l'homme dont les nerfs, plus sensibles, souffrent de vibrer dans le vide. Il y a une évidente contradiction entre l'art et la vie; on n'a guère vu jamais un homme vivre à la fois l'action et le songe, transposer en écritures des gestes d'abord réels; ou, si cela arrive, l'homme qui a d'abord vécu ne tire de ses aventures aucun profit: l'équivalence des sensations est certaine et les affres de la peur peuvent être dites par qui les imagina mieux que par celui qui les ressentit. Au contraire la prédominance des tendances à vivre, dans un tempérament, émousse l'acuité des facultés imaginatives: chez les femmes les plus intelligentes et les mieux douées pour les métiers cérébraux, les images motrices se traduisent plus facilement en actes qu'en art. Vérité de fait et physiologique, état de nature qu'il serait aussi absurde de reprocher aux femmes qu'aux hommes l'exiguité de leurs mamelles ou la brièveté de leurs cheveux. D'ailleurs s'il s'agit d'art, le débat, qui touche un si petit nombre de créatures, n'a pour l'humanité, comme toutes les questions purement intellectuelles, qu'un intérêt de clocher pu de coin de rue.

Tout cela donc étant admis et admis aussi que si l'Animale est le livre le plus singulier de Rachilde (quoique pas le plus équivoque), le Démon de l'Absurde est le meilleur, j'ajouterais volontiers, non pour le seul plaisir de me contredire et d'annihiler la vertu des précédentes pages, que ce recueil de contes et d'imaginations dialoguées m'affirme un effort réalisé de véritable sincérité artistique. Des pages comme la Panthère ou les Vendanges de Sodome montrent qu'une femme peut avoir des phases de virilité, écrire, à telle heure, sans le souci des coquetteries obligées ou des attitudes coutumières, faire de l'art avec rien qu'une idée et des mots, créer.


J.-K. Huysmans

J.-K. HUYSMANS

«Le Romanée et le Chambertin, le Clos-Vougeot et le Corton faisaient défiler devant lui des pompes abbatiales, des fêtes princières, des opulences de vêtements brochés d'or, embrasés de lumière! Le Clos-Vougeot surtout l'éblouissait. Ce vin lui semblait être le sirop des grands dignitaires. L'étiquette brillait devant ses yeux, comme ces gloires munies de rayons, placées dans les églises, derrière l'occiput des Vierges.»

L'écrivain qui, en 1881, au milieu du marécage naturaliste, avait, devant un nom lu sur une carte des vins, une telle vision, même ironique, de splendeurs évoquées, devait inquiéter ses amis, leur faire soupçonner une défection prochaine. A quelques années de là, en effet, surgissait l'inattendu A Rebours qui fut, non le point de départ, mais la consécration d'une littérature neuve. Il ne s'agissait plus tant de faire entrer dans l'Art, par la représentation, l'extériorité brute, que de tirer de cette extériorité même des motifs de rêve et de surévélation intérieure. En Rade développa encore ce système dont la fécondité est illimitée—tandis que la méthode naturaliste s'est montrée plus stérile encore que ses ennemis n'auraient osé l'espérer—système de la plus stricte logique et d'une si merveilleuse souplesse qu'il permet, sans forfaire à la vraisemblance, d'intercaler, en des scènes exactes de vie campagnarde, des pages comme «Esther», comme le «Voyage sélénien».

L'architecture de Là-Bas est érigée sur un plan analogue, mais la liberté s'y trouve, non sans profit, restreinte par l'unité du sujet, qui est absolue sous ses faces multiples: ni le Christ de Grunewald, en son extrême violence mystique, son atterrante et consolante hideur, n'est une fugue hors des lignes, ni la démoniaque forêt de Tiffauges, ni la cruelle Messe noire, ni aucun des «morceaux» ne sont déplacés ou inharmoniques; pourtant, avant la liberté du roman on les eût critiqués, pas en eux-mêmes, mais tels que non rigoureusement nécessaires à la marche du livre. Par bonheur, le roman est enfin libre, et pour dire plus, le roman, ainsi que le conçoivent encore M. Zola ou M. Bourget, nous apparaît d'une conception aussi surannée que le poème épique ou la tragédie. Seul, l'ancien cadre peut encore servir; il est quelquefois nécessaire, pour amorcer le public à des sujets très ardus, de simuler de vagues intrigues romanesques, que l'on dénoue selon son propre gré, quand on a dit tout ce que l'on voulait dire. Mais l'essentiel de jadis est devenu l'accessoire, et un accessoire de plus en plus méprisé: très rares sont à l'heure actuelle les écrivains assez ingénieux ou assez forts pour se soutenir en un genre aussi démoli, pour éperonner encore avec assez d'autorité la cavalerie fatiguée des sentimentalités et des adultères.

D'autre part, l'esthétique tend à se spécialiser en autant de formes qu'il y a de talents: parmi beaucoup de vanités, il y a d'admissibles orgueils auxquels on ne peut refuser le droit de se créer ses normes personnelles. M.Huysmans est de ceux-là: il ne fait plus de romans, il fait des livres, et il les conçoit selon un agencement original; je crois que c'est une des causes pour quoi quelques-uns contestent encore sa littérature et la trouvent immorale. Ce dernier point est facile à expliquer d'un seul mot: pour le non-artiste, l'art est toujours immoral. Dès que l'on veut, par exemple, traduire en une langue nouvelle les relations des sexes, on est immoral parce que, fatalement, l'on fait voir des actes, qui, traités par les ordinaires procédés, demeureraient inaperçus, perdus dans le brouillard des lieux communs. C'est ainsi qu'un écrivain nullement érotique peut être, par des sots ou par des malveillants, accusé devant le public de stupides attentats. Il ne semble pas, cependant, que les faits d'amour ou plutôt d'aberration génésique rapportés dans Là-Bas soient bien alléchants pour la simplicité des ignorances virginales. Ce livre donne plutôt le dégoût ou l'horreur de la sensualité qu'il n'invite à des expériences folles ou même à des jonctions permises. L'immoralité, si l'on se place à un point de vue particulier et spécialement religieux, ne serait-ce pas au contraire d'insister sur les exquisités de l'amour charnel et de vanter les délices de la copulation légitime? L'immoralité absolue, pour les mystiques, c'est la joie de vivre.

Le moyen âge ne connut pas nos hypocrisies. Il n'ignora rien des éternelles turpitudes, mais, dit Ozanam, il sut les haïr. Il n'usa ni de nos ménagements, ni de nos délicatesses; il publia les vices, il les sculpta sur les porches de ses cathédrales et dans les strophes de ses poètes; il eut moins souci de ne pas effaroucher les timoraisons des âmes mômières que de fendre les robes et montrer à l'homme, pour lui faire honte, toutes les laideurs de sa basse animalité. Mais il ne roule pas la brute dans son vice; il l'agenouillé et lui fait relever la tête. M. Huysmans a compris tout cela, et c'était difficile à conquérir. Après les horreurs de la débauche satanique, avant la punition terrestre, il a, comme le noble peuple en larmes qu'il évoque, pardonné même au plus effrayant des massacreurs d'enfants, au sadique le plus turpide, à l'orgueilleux le plus monstrueusement fou qui fut jamais.

Ayant absous un tel homme, il put sans pharisaïsme s'absoudre lui-même et, avec l'aide de Dieu, quelques secours plus humbles et tout fraternels, de bonnes lectures, la fréquentation des douces chapelles conventuelles, M. Huysmans un jour se trouva converti—au mysticisme, et écrivit En Route, ce livre pareil à  une statue de pierre qui tout à coup se mettrait à pleurer. C'est du mysticisme un peu rauque et un peu dur, mais M. Huysmans est dur, comme ses phrases, comme ses épithètes, comme ses adverbes. Le mysticisme lui est entré plus avant dans l'oeil que dans l'âme. Il observa les faits religieux avec la peur d'en être dupe et l'espoir qu'ils seraient absurdes; il a été pris dans les mailles mêmes du credo-quia-absurdum,—victime heureuse de sa curiosité.

Maintenant, fatigué d'avoir regardé les visages hypocrites des hommes, il regarde des pierres, préparant un livre suprême sur «La Cathédrale». Là, s'il s'agit de sentir et de comprendre, il s'agit surtout de voir. Il verra comme personne n'a vu, car nul n'a jamais été doué d'un regard aussi aigu, aussi vrillant, aussi net, aussi adroit à s'insinuer jusque dans les replis des visages, des rosaces et des masques.

Huysmans est un oeil.


J. Laforgue

JULES LAFORGUE

Il y a dans les Fleurs de bonne Volonté une petite complainte, comme d'autres, appelée Dimanches:

Le ciel pleut sans but, sans que rien l'émeuve,
Il pleut, il pleut, bergère! sur le fleuve....

Le fleuve a son repos dominical;
Pas un chaland, en amont, en aval.

Les vêpres carillonnent sur la ville,
Les berges sont désertes, sans une île.

Passe un pensionnat, ô pauvres chairs!
Plusieurs ont déjà leurs manchons d'hiver.

Une qui n'a ni manchon ni fourrure
Fait tout en gris une bien pauvre figure;

Et la voilà qui s'échappe des rangs
Et court: ô mon Dieu, qu'est-ce qui lui prend?

Elle va se jeter dans le fleuve.
Pas un batelier, pas un chien de Terre-Neuve....

Et voilà bien, et prophétisée, la mort brusque et absurde, la vie de Laforgue. Il avait trop froid au coeur; il s'est en allé.

C'était un esprit doué de tous les dons et riche d'acquisitions importantes. Son génie naturel fait de sensibilité, d'ironie, d'imagination et de clairvoyance, il avait voulu le nourrir de connaissances positives, de toutes les philosophies, de toutes les littératures, de toutes les images de nature et d'art; et même les dernières vues de la science semblent lui avoir été familières. C'était le génie orné et flamboyant, prêt à construire des architectures infiniment diverses et belles, à élever très haut des ogives nouvelles et des dômes inconnus; mais il avait oublié son manchon d'hiver et il mourut de froid, un jour de neige.

C'est pourquoi son oeuvre, déjà magnifique, n'est que le prélude d'un oratorio achevé dans le silence.

De ses vers beaucoup sont comme roussis par une glaciale affectation de naïveté, parler d'enfant trop chéri, de petite fille trop écoutée, —mais signe aussi d'un vrai besoin d'affection et d'une pure douceur de coeur,—adolescent de génie qui eût voulu encore poser sur les genoux de sa mère son «front équatorial, serre d'anomalies»;—mais beaucoup ont la beauté des topazes flambées, la mélancolie des opales, la fraîcheur des pierres de lune, et telles pages, celle qui commence ainsi:

Noire bise, averse glapissante
Et fleuve noir, et maisons closes....

ont la grâce triste, mais tout de même consolante, des aveux éternels: l'éternellement la même chose, Laforgue la redit en tel mode qu'elle semble rêvée et avouée pour la première fois[3]. Et je songe que ce qu'il faut demander aux traducteurs du rêve c'est, non pas de vouloir fixer pour toujours la fugacité d'une pensée ou d'un air, mais de chanter la chanson de l'heure présente avec tant de force candide qu'elle soit la seule que nous entendions, la seule que nous puissions comprendre. Il faudrait peut-être, à la fin, devenir raisonnables, nous réjouir du présent et des fleurs nouvelles, sans souci, sinon de botaniste, des prairies fanées. Chaque époque de pensée, d'art et de sentiment devrait jouir de soi-même, profondément, et se coucher sur le monde avec l'égoïsme et la langueur d'un lac superbe qui, souriant aux ruisseaux anciens, les reçoit, les calme, et les boit.

Il n'y eut pas de présent pour Laforgue, sinon parmi un groupe d'amis: il mourut comme allaient naître ses Moralités Légendaires, mais offertes encore au petit nombre, et à peine put-il savoir de quelques bouches que ces pages le vouaient inévitablement à vivre, de la vie de gloire, parmi ceux que les Dieux créèrent à leur image, dieux aussi et créateurs. C'est de la littérature entièrement renouvelée et inattendue, et qui déconcerte et qui donne la sensation curieuse (et surtout rare) qu'on n'a jamais rien lu de pareil; la grappe avec tout son velouté dans la lumière matinale, mais des reflets singuliers et un air comme si les grains du raisin avaient été gelés en dedans par un souffle de vent ironique venu de plus loin que le pôle.

Sur un exemplaire de l'Imitation de Notre-Dame la Lune, offert à M. Bourget (et jeté depuis parmi les vieux papiers du quai) Laforgue écrivait: «Ceci n'est qu'un intermezzo. Attendez donc encore, je vous prie, et donnez-moi jusqu'à mon prochain livre....»;—mais il était de ceux qui s'attendent toujours eux-mêmes au prochain livre, des nobles insatisfaits qui ont trop à dire pour jamais croire qu'ils ont dit autre chose que des prolégomènes et des préfaces. Si son oeuvre interrompue n'est qu'une préface, elle est de celles qui contrebalancent une oeuvre.

[3]

On lira avec plaisir sur Jules Laforgue l'étude éloquente et de si profonde sympathie écrite récemment par M. Camille Mauclair.


J. Moréas

JEAN MORÉAS

M. Raymond de la Tailhade glorifie ainsi M. Moréas:

Tout un silence d'or vibrant s'est abattu,
Près des sources que des satyres ont troublées,
Claire merveille éclose au profond des vallées,
Si l'oiselet chanteur du bocage s'est tu.

Oubli de flûte, heures de rêves sans alarmes,
Où tu as su trouver pour ton sang amoureux
La douceur d'habiter un séjour odoreux
De roses dont les dieux sylvains te font des armes.

Là tu vas composant ces beaux livres, honneur
Du langage français et de la noble Athènes.

Ces vers sont romans, c'est-à-dire d'un poète pour qui toute la période romantique n'est qu'une nuit de sabbat où s'agitent de sonores et vains gnomes, d'un poète (celui-ci a du talent) qui concentre tout son effort à imiter les Grecs d'anthologie à travers Ronsard et à dérober à Ronsard le secret de sa phrase laborieuse, de ses épithètes botaniques et de son rythme malingre. Quant à ce qu'il y a d'exquis en Ronsard, comme ce peu a passé dans la tradition et dans les mémoires, l'École romane le doit négliger sous peine d'avoir perdu bientôt ce qui seul fait son originalité. Il y a on ne sait quoi de provincial, de pas au courant de la vie, de retardataire dans ce souci d'imitation et de restauration. Quelque part, M. Moréas chante la louange

De ce Sophocle, honneur de la Ferté-Milon,[4]

et c'est bien cela: l'École romane a toujours l'air d'arriver de la Ferté-Milon.

Mais Jean Moréas, qui a rencontré ses amis en chemin, parti de plus loin, s'annonce plus fièrement.

Venu à Paris comme tout autre étudiant valaque ou levantin, et déjà plein d'amour pour la langue française, M. Moréas se mit à l'école des vieux poètes et fréquenta, jusqu'à Jacot de Forest et jusqu'à Benoît de Sainte-Maure. Il voulut faire le chemin auquel devrait se vouer tout jeune sage ambitieux de devenir un bon harpeur; il jura d'accomplir le plein pèlerinage: à cette heure, parti de la Chanson de Saint-Léger, il en est, dit-on, arrivé au xviie siècle, et cela en moins de dix années: ce n'est pas si décourageant qu'on l'a cru. Et maintenant que les textes se font plus familiers, la route s'abrège: d'ici peu de haltes, M. Moréas campera sous le vieux chêne Hugo et, s'il persévère, nous le verrons atteindre le but de son voyage, qui est, sans doute, de se rejoindre lui-même. Alors, rejetant le bâton souvent changé, coupé en des taillis si divers, il s'appuiera sur son propre génie et nous le pourrons juger, si cela nous amuse, avec une certaine sécurité.

Tout ce qu'il faut dire aujourd'hui, c'est que M. Moréas aime passionnément la langue et la poésie françaises et que les deux soeurs au coeur hautain lui ont plus d'une fois souri, contentes de voir sur leurs pas un pèlerin si patient et un chevalier armé de tant de bonne volonté.

Cavalcando l'altrjer per un cammino,
Pensoso dell' andar che mi sgradia,
Trovai Amor in mezzo della via
In abito legger di pellegrino.

Ainsi s'en va M. Moréas, tout attentif, tout amoureux et «en habit léger de pèlerin». Lorsqu'il appela un de ses poèmes le Pèlerin passionné, il donna de lui-même, et de son rôle, et de ses jeux parmi nous, une idée excellente et d'un symbolisme très raisonnable.

Il y a de belles choses dans ce Pèlerin, il y en a de belles dans les Syrtes, il y en a d'admirables ou de délicieuses et que (pour ma part) je relirai toujours avec joie, dans les Cantilènes, mais puisque M. Moréas, ayant changé de manière, répudie ces primitives oeuvres, je n'insisterai pas. Il reste Ériphyle, mince recueil fait d'un poème et de quatre «sylves», le tout dans le goùt de la Renaissance et destiné à être le cahier d'exemples où les jeunes «Romans», aiguillonnés aussi par les invectives un peu intempérantes de M. Charles Maurras, doivent étudier l'art classique de faire difficilement des vers faciles. En voici une page:

Astre brillant, Phébé aux ailes étendues,
O flamme de la nuit qui croîs et diminues,
Favorise la route et les sombres forêts
Où mon ami errant porte ses pas discrets!
Dans la grotte au vain bruit dont l'entrée est tout lierre,

Sur la roche pointue aux chèvres familière,
Sur le lac, sur l'étang, sur leurs tranquilles eaux,
Sur les bords émaillés où plaignent les roseaux,
Dans le cristal rompu des ruisselets obliques,
Il aime à voir trembler tes feux mélancoliques.
............................................................

Phébé, ô Cynthia, dés sa saison première,
Mon ami fut épris de ta belle lumière;
Dans leur cercle observant tes visages divers,
Sous ta douce influence il composait ses vers.
Par dessus Nice, Eryx, Seyre et la sablonneuse
Ioclos, le Tmolus et la grande Epidaure,
Et la verte Cydon, sa piété honore
Ce rocher de Latmos où tu fus amoureuse.

M. Moréas a beau, comme sa Phébé, prendre des visages divers et même couvrir sa face de masques, on le reconnaît toujours entre ses frères: c'est un poète.

[4]

Après avoir compulsé des dictionnaires et des manuels, je ne voyais de possibles Sophocles que les deux Robert Garnier, nés à la Ferté-Bernard, quand je songeai à Racine. M. Moréas ne comprendra jamais combien il est ridicule d'appeler Racine le Sophocle de la Ferté-Milon.


S. Merrill

STUART MERRILL

La logique d'un amateur de littérature est blessée s'il découvre que ses admirations ne concordent pas avec celles du public, mais il n'est pas surpris, il sait qu'il y a des élus de la dernière heure. L'attitude du public est moins bénigne lorsqu'on l'entretient du désaccord qui s'observe entre lui, public, maître obscur des gloires, et l'opinion du petit nombre oligarchique: habitué à accoupler ces deux idées, renommée et talent, il montre de la répugnance à les disjoindre; il n'admet pas, car il a un sens secret de la justice ou de la logique, qu'un auteur illustre ne le soit, que par hasard, ou qu'un auteur obscur mérite la lumière. Il y a là un malentendu, vieux sans doute des six mille ans d'âge que La Bruyère donnait à la pensée humaine; et, ce malentendu, basé sur un raisonnement très logique et très solide, nargue du haut de son socle tous les essais de conciliation. Pour en finir, il faut se borner à de timides insinuations philosophiques et demander si vraiment nous connaissons la «chose en soi», s'il n'y a pas une certaine petite différence inévitable entre l'objet de la connaissance et la connaissance de l'objet? Sur ce terrain-là, comme on se comprendra moins, l'accord sera plus facile et ensuite l'on admettra volontiers la légitime différence des opinions, puisqu'il s'agit non de capter la Vérité—ce reflet de lune dans un puits,—mais de mesurer par approximation, comme on fait pour les étoiles, la distance ou la différence qu'il y a entre le génie d'un poète et l'idée que nous en avons.

S'il fallait, ce qui est bien inutile, s'exprimer plus clairement, on dirait que, de l'avis de quelques-uns, qui en valent peut-être beaucoup d'autres, toute l'histoire littéraire n'est, rédigée par des professeurs selon des vues éducatives, qu'un amas de jugements presque tous à casser et que, en particulier, les histoires de la littérature française ne sont que le banal catalogue des applaudissements et des couronnes échus aux plus habiles ou aux plus heureux. Il est peut-être temps d'adopter une autre méthode et de donner, parmi les gens célèbres, une place à ceux qui auraient pu l'être—si la neige n'était tombée le jour qu'ils publièrent la gloire du printemps nouveau.

M. Stuart Merrill et M. Saint-Pol-Roux sont de ceux que la neige contraria. Si le public connaît leurs noms moins que tels autres, ce n'est pas qu'ils aient moins de mérite, c'est qu'ils eurent moins de bonheur.

Le poète des Fastes dit, par le choix seul de ce mot, la belle franchise d'une âme riche et d'un talent généreux. Ses vers, un peu dorés, un peu bruyants, éclatent et sonnent vraiment pour des jours de fête et de fastueuses parades, et quand les jeux du soleil s'éteignent, voici des torches allumées dans la nuit pour éclairer le somptueux cortège des femmes surnaturelles. Femmes ou poèmes, elles sont parées, sans doute, de trop de bagues et de trop de rubacelles et leurs robes sont brodées de trop d'or; ce sont des courtisanes royales plutôt que des princesses, mais on aime leurs yeux cruels et leurs cheveux roux.

Après de si éclatantes trompettes, les Petits Poèmes d'Automne, le bruit du rouet, un son de cloche, un air de flûte dans un ton de clair de lune: c'est l'assoupissement et le rêve attristé par le silence des choses et l'incertitude des heures:

C'est le vent d'automne dans l'allée,
Soeur, écoute, et la chute sur l'eau
Des feuilles du saule et du bouleau,
Et c'est le givre dans la vallée,

Dénoue—il est l'heure—tes cheveux
Plus blonds que le chanvre que tu files....

Et viens, pareille à ces châtelaines
Dolentes à qui tu fais songer,
Dans le silence où meurt ton léger
Rouet, ô ma soeur des marjolaines!

Et ainsi, en M. Stuart Merrill on découvre le contraste et la lutte d'un tempérament fougueux et d'un coeur très doux, et selon que l'emporte l'une des deux natures, on entend la violence des cuivres ou le murmure des violes. Pareillement sa technique oscille, des Gammes à ses derniers poèmes, de la raideur parnassienne au verso suelto des nouvelles écoles et que seuls n'admettent pas encore les sénateurs de l'art. Le vers libre, qui favorise les talents originaux et qui est l'écueil des autres, devait séduire un poète aussi bien doué et une intelligence aussi novatrice; voici comment il le comprend:

Venez avec des couronnes de primevères dans vos mains
O fillettes qui pleurez la soeur morte à l'aurore.
Les cloches de la vallée sonnent la fin d'un sort,
l'on voit luire des pelles au soleil du matin.

Venez avec des corbeilles de violettes, ô fillettes
Qui hésitez un peu dans le chemin des hêtres,
Par crainte des paroles solennelles du prêtre.
Venez, le ciel est tour sonore d'invisibles alouettes....

C'est la fête de la mort, et l'on dirait dimanche,
Tant les cloches sonnent, douces au fond de la vallée;
Les garçons se sont cachés dans les petites allées;
Vous seules devez prier au pied de la tombe blanche....

Quelque année, les garçons qui se cachent aujourd'hui
Viendront vous dire à toutes la douce douleur d'aimer,
Et l'on vous entendra, autour du mât de mai,
Chanter des rondes d'enfance pour saluer la nuit.

M. Stuart Merrill ne s'est pas embarqué en vain, le jour qu'il voulut traverser les Atlantiques, pour venir courtiser la fière poésie française et lui planter une fleur dans les cheveux.


Saint-Pol-Roux

SAINT-POL-ROUX

L'un des plus féconds et des plus étonnants inventeurs d'images et de métaphores. Pour trouver des expressions nouvelles, M. Huysmans matérialise le spirituel et l'intellectuel, ce qui donne à son style une précision un peu lourde et une clarté assez factice: des âmes cariées (comme des dents) et des coeurs lézardés (comme un vieux mur); c'est pittoresque et rien de plus. Le procédé inverse est plus conforme au vieux goût des hommes de prêter aux choses de vagues sentiments et une obscure conscience; il reste fidèle à la tradition panthéiste et animiste, sans laquelle il n'y aurait de possible ni art ni poésie: c'est la profonde source où viennent se remplir toutes les autres, eau pure que le moindre soleil transforme en pierreries vivantes comme les colliers des fées. D'autres «métaphoristes», tel M. Jules Renard, se risquent à chercher l'image soit dans une vision réformatrice, un détail séparé de l'ensemble devenant la chose même, soit dans une transposition et une exagération des métaphores en usage[5]; enfin, il y a la méthode analogique selon laquelle, sans que nous y coopérions volontairement, se modifie chaque jour la signification des mots usuels. M. Saint-Pol-Roux amalgame tous ces procédés et les fait tous concourir à la fabrication d'images qui, si elles sont toutes nouvelles, ne sont pas toutes belles. On en dresserait un catalogue ou un dictionnaire:

     Sage-femme de la lumière veut dire: le coq.
     Lendemain de chenille en
       tenue de bal..........        --     papillon.
     Péché-qui-tette.........        --     enfant naturel.
     Quenouille vivante......        --     mouton.
     La nageoire des charrues        --     le soc.
     Guêpe au dard de fouet..        --     la diligence.
     Mamelle de cristal......        --     une carafe.
     Le crabe des mains......        --     main ouverte.
     Lettre de faire part....        --     une pie.
     Cimetière qui a des ailes.      --     un vol de corbeaux.
     Romance pour narine.....        --     le parfum des fleurs.
     Le ver à soie des cheminées     --           ?
     Apprivoiser la mâchoire
       cariée de bémols d'une
       tarasque moderne......        --     jouer du piano.
     Hargneuse breloque du
       portail...............        --     chien de garde.
     Limousine blasphémante.         --     roulier.
     Psalmodier l'alexandrin de
       bronze................        --     sonner minuit.
     Cognac du père Adam.....        --     le grand air pur.
     L'imagerie qui ne se voit
       que les yeux clos.....        --     les rêves.
     L'oméga.................        --     en grec πυγή
     Feuilles de salade vivante.     --     les grenouilles.
     Les bavard s vertes.....        --     les grenouilles.
     Coquelicot sonore.......        --     chant du coq.

Le plus distrait, ayant lu cette liste jugera que M. Saint-Pol-Roux est doué d'une imagination et d'un mauvais goût également exubérants. Si toutes ces images, dont quelques-unes sont ingénieuses, se suivaient à la file vers les Reposoirs de la Procession où les mène le poète, la lecture d'une telle oeuvre serait difficile et le sourire viendrait trop souvent tempérer l'émotion esthétique; mais semées çà et là, elles ne font que des taches et ne brisent pas toujours l'harmonie de poèmes richement colorés, ingénieux et graves. Le Pèlerinage de Sainte-Anne, écrit tout entier en images, est pur de toute souillure et les métaphores, comme le voulait Théophile Gautier, s'y déroulent multiples, mais logiques et liées entre elles: c'est le type et la merveille du poème en prose rythmée et assonnancée. Dans le même tome, le Nocturne dédié à M. Huysmans n'est qu'un vain chapelet d'incohérentes catachrèses: les idées y sont dévorées par une troupe affreuse de bêtes. Mais l'Autopsie de la Vieille fille, malgré une faute de ton, mais Calvaire immémorial, mais l'Ame saisissable sont des chefs-d'oeuvre. M. Saint-Pol-Roux joue d'une cithare dont les cordes sont parfois trop tendues: il suffirait d'un tour de clef pour que nos oreilles soient toujours profondément réjouies.

[5]

Dire, par exemple, joue en fruit, parce que l'on dit une joue en fleur, pour vermeille. Cf. Alfred Vallette, Notes d'esthétique: Jules Renard (Mercure de France, t. VIII, p. 161).


R. de Montesquiou

ROBERT DE MONTESQUIOU

Au premier envol de ses Chauves-souris en velours violet, la question fut très sérieusement posée de savoir si M. de Montesquiou était un poète ou un amateur de poésie et si la vie mondaine se pouvait concilier avec le culte des Neuf Soeurs ou de l'une d'elles, car neuf femmes font beaucoup de femmes. Mais disserter sur de tels propos, c'est avouer que l'on n'est pas familier avec l'opération de logique qui s'appelle la dissociation des idées, car il semble de justice élémentaire d'évaluer séparément la valeur ou la beauté de l'arbre et de ses fruits, de l'homme et de ses oeuvres. Si l'on veut, joyau ou caillou, le livre sera jugé en soi, sans souci de la mine, de la carrière ou du torrent dont il sort, et le diamant ne changera pas de nom, qu'il vienne du Cap ou de Golconde. La vie sociale d'un poète importe aussi peu au critique qu'à Polymnie elle-même, qui accueille en son cercle, indifféremment, le paysan Burns et le patricien Byron, Villon le coupeur de bourses et Frédéric II, le roi: l'armorial de l'Art et celui d'Hozier ne se rédigent pas du même style.

Donc nous ne nous inquiéterons pas de démêler le lin de cette quenouille ni de rechercher ce que le nom de M. de Montesquiou et son état d'homme du monde ont pu ajouter d'illusoire à la renommée du poète.

Le poète, ici, est «une Précieuse».

Vraiment si ridicules ces femmes qui, pour se mettre au ton de plusieurs fins et galants poètes, imaginaient de nouvelles façons de dire et, par haine du commun, singularisaient leur esprit, leurs costumes et leurs gestes? Leur crime, après tout, fut de ne pas vouloir «faire comme tout le monde» et il semble qu'elles l'aient assez payé cher, elles—et toute la poésie française qui, pendant un siècle et demi, craignit vraiment trop le ridicule. Les poètes sont enfin délivrés de telles affres; tous les jours davantage il leur est permis d'avouer toute leur originalité; loin de leur défendre de se mettre à nu, la critique les encourage à l'habit sommaire et franc du gymnosophiste: seulement quelques-uns le portent tatoué.

Et voici enfin la vraie querelle à faire à M. de Montesquiou: son originalité est tatouée excessivement. La beauté de cet aède rappelle, non sans mélancolie, les figurations compliquées dont se voulaient ornementés les anciens chefs australiens, mais en vérité il se pare avec un art moins ingénu; il y a même un raffinement singulier dans les nuances et dans le dessin et des hardiesses amusantes de ton et de lignes. Il réussit l'arabesque mieux que la figure et la sensation mieux que la pensée. S'il pense, c'est comme les Japonais, par des signes idéographiques:

Poisson, grue, aigle, fleur, bambou qu'un oiseau ploie.
Tortue, iris, pivoine, anémone et moineaux.

Il aime ces juxtapositions de mots, et quand il les choisit, comme ceux-là, doux et vivants, le paysage qu'il veut s'évoque assez agréablement, mais souvent on ne voit, se découpant sur un ciel artificiel, que des formes inconnues et dures, des processions de larves carnavalesques. Ou bien, femmes, fillettes, oiseaux, ce sont des bibelots déformés par une fantaisie trop orientale; bibelots et babioles:

Je voudrais que ce vers fût un bibelot d'art.

dit l'esthétique de M. de Montesquiou, mais le bibelot n'est qu'une chose amusante et fragile à mettre sous une vitrine ou dans une armoire,—oui, plutôt dans une armoire. Alors, allégé de toute cette rocaille, de toutes ces laques, de toutes ces pâtes tendres et, comme lui-même le dit spirituellement, de tous ces «infusoires d'étagères», le musée du poète deviendrait un agréable promenoir, où l'on rêverait avec plaisir devant les multiples métamorphoses d'une âme inquiète de donner à la beauté une grâce neuve et nuancée. Avec la moitié des Hortensias bleus, on ferait un tome, encore très dense, qui serait presque tout entier de fine ou de fière ou de douce poésie. L'auteur d'Ancilla, de Mortuis ignotis et de Tables vives apparaîtrait ce qu'il est vraiment, hors de tout travesti,—un bon poète.

Voici une partie de Tables vives, dont le titre est obscur, mais dont les vers sont de belle clarté, malgré le son trop connu de quelques rimes trop parnassiennes et quelques incertitudes verbales:

... Apprenez à l'enfant à prier les flots bleus,
Car c'est le ciel d'en bas dont la nue est l'écume,
Le reflet du soleil qui sur la mer s'allume
Est plus doux à fixer pour nos yeux nébuleux.

Apprenez à l'enfant à prier le ciel pur,
C'est l'océan d'en haut dont la vague est nuage.
L'ombre d'une tempête abondante en naufrage
Pour nos coeurs est moins triste à suivre dans l'azur.

Apprenez à l'enfant à prier toutes choses:
L'abeille de l'esprit compose un miel de jour
Sur les vivants ave du rosaire des roses,
Chapelet de parfums aux dizaines d'amour....

En somme, M. de Montesquiou existe: hortensia bleu, rose verte ou pivoine blanche, il est de ces fleurs qu'on regarde avec curiosité dans un parterre, dont on demande le nom et dont on garde le souvenir.


G. Kahn

GUSTAVE KAHN

Domaine de Fée, un Cantique des cantiques récité par une voix seule, très douce et très amoureuse, dans un décor verlainen,—ô éternel Verlaine!

O bel avril épanoui,
Qu'importe ta chanson franche,
Tes lilas blancs, tes aubépines et l'or fleuri
De ton soleil par les branches,
Si loin de moi la bien-aimée
Dans les brumes du nord est restée.

Voilà le ton. C'est très simple, très délicat, très pur et parfois biblique:

J'étais allé jusqu'au fond du jardin,
Quand dans la nuit une invisible main
Me terrassa plus forte que moi—
Une voix me dit: C'est pour ta joie.

Dilectus meus descendit in hortum ... mais ici le poète, aussi chaste, est moins sensuel: l'oriental a revêtu comme un surplis une âme d'Occident, et s'il cultive encore des lys dans son jardin clos, des grands lys blancs, il s'est instruit au plaisir de s'en aller, par de secrets sentiers connus des fées «qui rient sans bruit dans la forêt», cueillir les liserons, les genêts,

Et les fleurettes aventurières le long des haies.

Ce poème de xxiv feuillets est sans doute le plus délicieux livret de vers d'amour qui nous fut donné depuis les Fêtes Galantes et avec les Chansons d'amant les seuls vers peut-être de ces dernières années où le sentiment ose s'avouer en toute candeur, avec la grâce parfaite et touchante de la divine sincérité. S'il reste encore, en quelques-unes des pages, un peu de rhétorique, c'est que M. Kahn, même aux pieds de la Sulamite, n'a pas renoncé à nous surprendre par une adresse toujours neuve de jongleur et de virtuose, et s'il traite parfois la langue française en tyran, c'est qu'elle a toujours eu pour lui des complaisances d'esclave. Il abuse un peu de son pouvoir, donnant à tels mots des significations trop d'à côté, pliant les phrases à une syntaxe trop sommaire, mais ce sont de mauvaises habitudes qui ne lui sont pas exclusivement personnelles; il n'emprunte à nul sa science du rythme et sa maîtrise à manier le vers rénové.

M. Kahn fut-il le premier? A qui doit-on le vers libre? A Rimbaud, dont les Illuminations parurent dans la Vogue en 1886, à Laforgue qui à la même époque, dans la même préçieuse petite revue—que dirigeait M. Kahn—publiait Légende et Solo de lune, et, enfin, à M. Kahn lui-même; dès lors il écrivait:

Voici l'allégresse des âmes d'automne,
La ville s'évapore en illusions proches,
Voici se voiler de violet et d'orange les porches
De la nuit sans lune
Princesse, qu'as-tu fait de ta tiare orfévrée?

—, et surtout à Walt Whitman, dont on commençait alors à goûter la licence majestueuse.

Cette minuscule Vogue, qui, aujourd'hui, se vend au prix des parchemins à miniatures, qu'elle fut lue sous les galeries de l'Odéon, et avec quelle joie! par de timides jeunes gens enivrés, de l'odeur de nouveau qui sortait des pâles petites pages!

Le dernier recueil de M. Kahn, la Pluie et le Beau temps, n'a pas modifié l'opinion que l'on a de son talent et de son originalité: il y demeure égal à lui-même avec ses deux tendances, ici moins bien d'accord, au sentiment et au pittoresque, très visibles si l'on compare avec Image, si dolent cantique,

O Jésus couronné de ronces,
Qui saigne en tous coeurs meurtris,

le Dialogue de Zélande,

Bonjour mynher, bonjour myffrau,

joli et doux comme telle vieille estampe d'almanach. Voici, dans le ton moyen, un lied qui est vraiment sans défaut:

L'heure du nuage blanc s'est fondue sur la plaine
En reflets de sang, en flocons de laine,
O bruyères roses, ô ciel couleur de sang.

L'heure du nuage d'or a pâli sur la plaine,
Et tombent des voiles lents et longs de blanche laine,
O bruyères mauves—ô ciel couleur de sang.

L'heure du nuage d'or a crevé sur la plaine,
Les roseaux chantaient doux sous le vent de haine,
O bruyères rouges—ô ciel couleur de sang.

L'heure du nuage d'or a passé sur la plaine
Éphémèrement: sa splendeur est lointaine.
O bruyère d'or—ô ciel couleur de sang.

Des mots, des mots! Sans doute, mais bien choisis et mêlés avec art. M. Kahn est avant tout un artiste: il est quelquefois davantage.


P. Verlaine

PAUL VERLAINE

M. Gaston Boissier, en couronnant (touchante coutume) un poète quinquagénaire, le félicitait de n'avoir, pas innové, d'avoir exprimé des idées ordinaires en un style facile, de s'être conformé avec scrupule aux lois traditionnelles de la poétique française. Ne pourrait-on rédiger une histoire de notre littérature en négligeant les novateurs? Ronsard serait remplacé par Ponthus de Thyard, Corneille par son frère, Racine par Campistron, Lamartine par M. de Laprade, Victor Hugo par M. Ponsard et Verlaine par M. Aicard; ce serait plus encourageant, plus académique et peut-être plus mondain, car, en France, le génie semble toujours un peu ridicule.

Verlaine est une nature, et tel, indéfinissable. Comme sa vie, les rythmes qu'il aime sont des lignes brisées ou enroulées; il acheva de désarticuler le vers romantique et, l'ayant rendu informe, l'ayant troué et décousu pour y vouloir faire entrer trop de choses, toutes les effervescences qui sortaient de son crâne fou, il fut, sans le vouloir, un des instigateurs du vers libre. Le vers verlainien à rejets, à incidences, à parenthèses, devait naturellement devenir le vers libre; en devenant «libre» il n'a fait que régulariser un état.

Sans talent et sans conscience, nul ne représenta sans doute aussi divinement que Verlaine le génie pur et simple de l'animal humain sous ses deux formes humaines: le don du verbe et le don des larmes.

Quand le don du verbe l'abandonne, et qu'en même temps le don des larmes lui est enlevé, il devient ou l'iambiste tapageur et grossier d'Invectives ou l'humble et gauche élégiaque de Chansons pour Elle. Poète, par ses dons mêmes, voué à ne dire heureusement que l'amour, tous les amours, et d'abord celui dont les lèvres ne s'inclinent qu'en rêve sur les étoiles de la robe purificatrice, celui qui fit les Amies fit des cantiques de mois de Marie: et du même coeur, de la même main, du même génie, mais qui les chantera, ô hypocrites! sinon ces mêmes Amies, ce jour-là blanches et voilées de blanc?

Avouer ses péchés d'action ou de rêve n'est pas un péché; nulle confession publique ne peut scandaliser un homme car tous les hommes sont pareils et pareillement tentés; nul ne commet un crime dont son frère ne soit capable. C'est pourquoi les journaux pieux ou d'académie assumèrent en vain la honte d'avoir injurié Verlaine, encore sous les fleurs; le coup de pied du sacristain et celui du cuistre se brisèrent sur un socle déjà de granit, pendant que dans sa barbe de marbre, Verlaine souriait à l'infini, l'air d'un Faune qui écoute sonner les cloches.


BIBLIOGRAPHIE

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Chair molle, 1885;—Soi, 1886;—Le Thé che; Miranda, 1886;—Les Demoiselles Goubert, 1887;—La Glèbe, 1887;—Être, 1888;—En Décor, 1890;—Essence de Soleil 1890;—Robes rouges, 1891;—Le Vice filial, 1892;—Les Coeurs utiles, 1892;-Princesses Byzantines, 1893;—Les Images sentimentales, 1893;—Critique des moeurs, 1893;-Le Conte futur, 1894;—L'Automne, 1894;—La Parade amoureuse, 1894;—Le Mystère des Foules, 1895;—La Force du mal, 1896; —Le Cuivre, 1896;—Les Coeurs nouveaux, 1896.

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J.-K. Huysmans (1848).

Le Drageoir à épices, 1874,—Marthe, 1876;—Les Soeurs Vatard, 1879;—Croquis Parisiens, 1880;—En Ménage, 1881;—A Vau-l'Eau, 1882;—L'Art moderne, 1883;—A Rebours, 1884;—En Rade, 1887;—Certains, 1889;—La Bièvre, 1890;—Là-Bas, 1891;—En Route, 1895;—Sac au dos (dans les Soirées de Médan), 1880;—Pierrot sceptique (avec Léon Hennique), 1881.

Gustave Kahn (1859).

Les Palais nomades, 1887;—Chansons d'amant, 1891;—Domaine de Fée, 1895;—La pluie et le beau temps, 1895;—Le Roi fou, 1896.

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Les Complaintes, 1885;—L'Imitation de Notre-Dame la Lune, 1886;—Le Concile féerique, 1886;—Moralités légendaires, 1887;—Chroniques parisiennes, dans la Revue Indépendante, 1887;—Des Fleurs de bonne volonté, dans la Revue Indépendante, 1888 et Vers inédits, dans la Revue Indépendante, 1888.—Fragments inédits, dans Entretiens politiques et littéraires, 1891-1892;—Revue Blanche, 1894-1896, etc.

Comte de Lautréamont (1846-1874).

Les Chants de Maldoror, chant Ier, 1868;—Poésies (I-II), 1870;—Les Chants de Maldoror (I-VI), 1874; 2e éd. 1890.

Pierre Louys (....).

Astarté, 1892;—Les Poésies de Méléagre, 1893;—Léda, 1893;—Chrysis, 1893;—Scènes de la Vie des Courtisanes, de Lucien, I, 1894;—Ariane, 1894;—La Maison sur le Nil, 1894;—Les Chansons de Bilitis, 1894;—Aphrodite, 1896.

Maurice Maeterlinck (1862).

Serres chaudes, 1889;—La Princesse Maleine, 1889;—Les Aveugles, l'Intruse, 1890;—L'Ornement des Noces spirituelles, de Ruysbroeck, 1891;—Les Sept Princesses, 1891:—Pelléas et Mélisande, 1892;—Alladine et Palomides, Intérieur, La Mort de Tintagiles, 1894;—Annabella, de John Ford, 1894:—Les Disciples à Sais et les Fragments de Novalis, 1895;—Le Trésor des Humbles, 1896;—Aglavaine et Sélysette, 1896.

Stéphane Mallarmé (1842).

Le Corbeau (traduit d'Edgar Poe), 1875;—La Dernière Mode, 1875;—L' Après-midi d'un Faune, 1876;—Préface à Vathek, 1876;—Les Mots anglais, 1877;—Les Dieux antiques, 1878;—Poésies (édition autographe), 1887;—Les Poèmes d'Edgar Poe, 1888;—Le Ten o'clock de M. Whistler, 1888;—Pages, 1890 et 1891;—Les Miens: Villiers de l'Isle-Adam, 1892;—Vers et prose, 1892;—La Musique et les Lettres, 1894.

Poésies dans: Le Papillon, 1862;—l'Artiste, 1863;—Parnasse satirique, 1864;—Parnasse contemporain, 1866, 1869;—Revue critique, 1884;—Revue Indépendante, 1885, 1887;—Revue Wagnérienne, 1885;—La Vogue, 1886;—Les Hommes d'aujourd'hui, 1887;—La Revue Blanche, La Plume, 1889, 1895, 1896;—Le Figaro, 1895, 1896;—Le Chap Book, 1895; etc.

Proses dans: l'Artiste, 1863;—la Saison à Vichy, 1865,—Revue des Lettres et des Arts, 1868;—Journal d'un Défenseur de Paris, 1870-71;—La Patrie, 1871;—Le National, 1872;—La Renaissance, 1872;—L'Illustration, 1873;—Revue du Monde nouveau, 1874;—République des Lettres, 1876;—L'Art et la Mode, 1884, 1885;—Revue Wagnérienne, 1885;—Gazette Letteraria, 1886;—Les Hommes d'aujourd'hui, 1886;—Revue Indépendante, 1887;—La Revue Blanche, 1894, 1895, 1896;—Le National Observer, 1894;—Le Mercure de France, 1894;—Le Chap Book, 1896; etc.

Robert de Montesquiou (....).

Les Chauves-Souris, 1893;—Le Chef des Odeurs suaves, 1894;—Le Parcours du Rêve au Souvenir 1895;—Les Hortensias bleus, 1896.

Jean Moréas (1856).

Les Syrtes, 1884;—Le Thé chez Miranda, 1886;—Les Cantilènes, 1886;—Les Demoiselles Goubert, 1857;—Le Pèlerin passionné, 1890;—Êryphile, 1894.

Francis Poictevin (....).

La Robe du Moine, 1882;—Ludine, 1883;—Songes, 1884;—Petitau, 1885;—Seuls, 1887;—Paysages et Nouveaux Songes, 1888;—Derniers Songes, 1889;—Double, 1890;—Presque, 1891;—Heures, 1892;—Tout Bas, 1893;—Ombres, 1894.

Pierre Quillard (1864).

La Fille aux mains coupées, 1886;—La Gloire du Verbe, 1890;—L'Antre des Nymphes, de Porphyre, 1893;—Le Livre des Mystères, de Jamblique, 1895;—Lettres rustiques de Claudius Aelianus, 1895.

Rachilde (1860).

Monsieur de la Nouveauté, 1880;—Monsieur Vénus, 1882;—Queue de Poisson, 1883;—Histoires bêtes, 1884;—Nono, 1885;—La Virginité de Diane, 1885;—A Mort! 1886;—La Marquise de Sade, 1887;—Le Tiroir de Mimi-Corail, 1887;—Madame Adonis, 1888;—L'Homme Roux, 1888;—Le Mordu, 1889;—Minette, 1889;—La Sanglante Ironie, 1891;—Théâtre, 1891;—L'Animale, 1893;—Le Démon de l'Absurde, 1894;—La Princesse des Ténèbres, 1896.

Henri de Régnier (1864).

Lendemains, 1885;—Apaisement, 1886;—Sites, 1887;—Épisodes, 1888;—Poèmes anciens et romanesques, 1890; —Épisodes, Sites et Sonnets, 1891;—Tel qu'en Songe, 1892;—Contes à soi-même, 1893;—Le Bosquet de Psyché, 1894;—Le Trèfle Noir, 1895;—Aréthuse, 1895;—Poèmes (1887-1892), 1896.

Jules Renard (1864).

Les Rosés, 1886;—Crime de Village, 1888;—Sourires pinces, 1890.;—L'Êcornifleur, 1892;—Coquecigrues, 1893;—Deux Fables sans morale, 1893;—La Lanterne sourde, 1893;—Poil de Carotte,1894;—Le Vigneron dans sa vigne, 1895;—Histoires naturelles, 1896;—La Maîtresse, 1896.

Adolphe Retté (1862).

Cloches en la nuit, 1889;—Thulé des Brumes, 1892;—Une belle Dame passa, 1893;—Réflexions sur l'Anarchie, 1894; —Trois Dialogues nocturnes, 1895;—Paradoxe sur l'amour, 1895;—L'Archipel en fleurs, 1895;—Similitudes, 1896;—La Forêt bruissante, 1896;—Propos subversifs, 1896.

Arthur Rimbaud (1854-1891).

La Saison en Enfer, 1873;—Les Illuminations, 1886;—Reliquaire, 1891.

Saint-Pol-Roux (1861).

L'Ame noire du Prieur blanc, 1893;—Épilogue des Saisons Humaines, 1893;—Les Reposoirs de la Procession, 1, 1893.

Albert Samain (1859).

Au Jardin de l'Infante, 1893

Stuart Merrill (1863).

Les Gammes, 1887;-Pastels en prose, 1890;—Les Fastes, 1891;—Petits Poèmes d'Automne, 1895.

Laurent Tailhade (1854).

Le Jardin des Rêves, 1879;—Un douzain de Sonnets, 1882;—Le Paillasson, pasquille hebdomadaire, 1886-1887;—Au pays du Mufle, 1891;—Vitraux, 1891 et 1894.

Émile Verhaeren (1855).

Les Flamandes, 1883;—Contes de Minuit, 1884;—Les Moines, 1886;—Les Soirs, 1887;—Les Débâcles, 1890;—Les Flambeaux noirs, 1891;—Aux Bords de la Route, 1891;—Les Apparus dans mes chemins, 1891;—Les Campagnes hallucinées, 1893; —Almanach, 1894;—Les Villages illusoires, 1895;—Les Villes tentaculaires, 1896;—Poèmes (Les Bords de la Route, les Flamandes, les Moines), 1896;—Poèmes (Les Soirs, les Débâcles, les Flambeaux noirs), 1896.

Deux brochures: Joseph Heymans et Fernand Khnopff.

Paul Verlaine (1844-1896).

Poèmes Saturniens, 1866;—Fêtes Galantes, 1870;—La Bonne Chanson, 1871;—Romances sans paroles, 1872;—Les Poètes maudits,1872 et 1888;—Sagesse, 1871;—Jadis et Naguère, 1881;—Louise Leclercq (suivi de Le Poteau, Pierre Duchâtelet, Madame Aubin), 1887;—Mémoires d'un veuf, 1887;—Amour, 1888;—Parallèlement, 1889;—Bonheur, 1889;—Dédicaces, 1890;—Chansons pour Elle, 1891;—Liturgies intimes, 1892; —Mes Hôpitaux, 1893;—Quinze jours en Hollande, 1894;—Dans les Limbes, 1894;—Confessions, 1895;—Invectives, 1896.

Francis Vielé-Griffin (1864).

Cueille d'Avril, 1886;—Les Cygnes, 1887;—Ancaeus, 1888;—Joies, 1889;—Diptyque (Le Porcher, Eurythmie), 1891;—Les Cygnes, nouveaux poèmes, 1892;—La Chevauchée d'Yeldis, 1893;—Swanhilde, 1894;—πάλαι, 1895;—Laus Veneris (traduit de Swinburne), 1895;—Poèmes et Poésies (1886-1893), 1895.

Villiers de l'Isle-Adam (1838-1889).

Morgane, 1855;—Deux Essais de Poésies, 1858;—Premières Poésies, 1860;—Isis, 1862;—Elën, 1864;—Claire Lenoir, 1867 (dans la Revue des Lettres et des Arts, devenu Tribulat Bonhomet, 1887);—L Évasion, 1870;—La Révolte, 1870;—Azraël, 1878;—Le Nouveau Monde, 1880;—Contes Cruels, 1880;—L'Ève future, 1886;—Axël, 1856 (dans la Jeune France; en volume, 1890);—Akëdyssëril, 1886;—L'Amour suprême, 1886;—Histoires insolites, 1888;—Nouveaux Contes cruels, 1889;—Chez les Passants, 1890;—Propos d'Au-delà, 1893.

Fragments inédits, dans le Mercure de France, 1890-91-92-93.


TABLE DES MATIÈRES

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