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Le moyen de parvenir, tome 2/3

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The Project Gutenberg eBook of Le moyen de parvenir, tome 2/3

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Title: Le moyen de parvenir, tome 2/3

Author: Béroalde de Verville

Release date: September 9, 2018 [eBook #57879]

Language: French

Credits: Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the
Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net
(This book was produced from scanned images of public
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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 2/3 ***

LE
MOYEN
DE
PARVENIR.

NOUVELLE ÉDITION.

Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres.

Caritas inter jocosve regnat Moria.

TOME SECOND.

A LONDRES.

M. DCC. LXXXI.

On a recopié, dans cette version électronique, le sommaire de ce tome second, extrait du tome premier de l'original.

SOMMAIRE
DES CHAPITRES.

TOME SECOND.

I. Il continue sa dissertation, & se jette un peu sur la friperie des parvenus, & de la façon de parvenir dans ce monde de désordre & de dissolution.

Plaisant parti d'un domestique, p. 6.

II. L'histoire de Quenault & de sa serpe est coupée de diverses instructions très-profitables. On y voit la différence d'une femme de par dieu, d'avec une femme de par le diable. Sermon du curé de Busançois, divisé en trois points.

Le conte de Quenault & de Thibault, page 7.

Sermon en trois points, du curé de Busançois, p. 10.

III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie: castigat ridendo mores. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un prêtre, &c.

Conte du ministre qui avoit rime & raison, p. 14.

Conte de la malvoisie, p. 16.

Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie, p. 19.

IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un besacier, l'autre pour l'avoir rebuté.

Ruisseau à faire la forte bierre, page 20.

Conte de la Le Page & de la Gousson, p. 23; contin. p. 24.

Interrogatoire de maître Pierre, p. 23.

Propos de pisseurs, p. 28.

V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué. Pourquoi le cela de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule. Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le Moyen de Parvenir, que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du chose. La section finit par une question, dont le titre de la section suivante fait la réponse.

Aventure de Platon & de Prédicat, page 30.

Bonne logique d'une chambriere, p. 32.

Plaisante origine des minimes, p. 34.

Description élégante de la sphere, p. 35.

Conte des trois filles, p. 36; contin. p. 37.

Propos d'un curé & d'un charpentier, p. 37.

Question d'une chambriere, p. 38.

VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape, qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les femmes Allemandes de ce temps-là, & qui pourroit très-bien convenir aux femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent leurs noms par des du, de, le, &c. Origine du proverbe: s'il a bon cœur, qu'il mange de la merde.

Conte du cul de la femme d'Esculape, p. 42.

Changemens de noms, p. 44.

Conte de Stace avec la femme peteuse, p. 45.

VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quillebœuf ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre.

Trois féves qui font le mariage d'une fille, p. 47.

Conte de la femme à moitié épilée, p. 48.

Obstination d'un marinier, p. 49.

Disputes de deux maquerelles, p. 50.

VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit le comment a nom de sa femme un gardon. Origine de la solution de continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison. Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos facétieux.

Lamentation de putain, p. 51.

Femme qui montre son cela, sans y prendre garde, p. 52.

Conte de jeune femme & vieux mari, page 53.

La couture des mâles & femelles, p. 54.

Le beurre net de la Soldée, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin. p. 63.

Propreté des femmes, p. 57.

Caractere des moines, p. 58.

IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section, toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI, tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le bon âge, & avance que le cela des hommes est plus fort dans la vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete.

Emploi d'un contrat de mariage, p. 60.

Expérience de Sculpture, p. 63.

Conte du médecin, p. 65.

Mot à double entente, p. 67.

X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine du proverbe, afin que le bon homme ait son sac. Quelques-uns des convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin, rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se fendre la bouche.

Le revenant, p. 71.

Conte du sac du bon homme, p. 72.

Réponse humble d'un valet, p. 73.

Propos naïf d'une fille, p. 75.

XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre. Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous œuvre, de l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée. Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots.

XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation sur le Pheros ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames. Interprétation du mot apprendre. Conte fort plaisant à ce sujet. Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure, & de la naïveté du procureur avec son écritoire.

Conte du bonnet tombé, p. 83.

Bonne leçon d'une vieille servante, p. 85.

Conte du moulin à barbe, p. 87.

Chanoine pris par son propos, p. 88.

Conte de l'écritoire du procureur, p. 89.

XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un moine.

Plaisante réponse d'un homme gras, p. 93.

Le jeune homme en couche, p. 93.

Quiproquo d'un domestique, p. 94.

Nom tronqué, p. 95.

Conte de la dispute d'Erasme, p. 95.

Plaisant jugement, p. 96.

Description du pays de papimanie, p. 99.

XIV. Mœurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan & Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité, & l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux, les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre supérieure du mari par l'autre.

Eloge de la vis des tuileries, p. 100.

Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle, p. 103, contin. p. 104.

Les beaux sont les gros, p. 105.

XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere.

Conte d'un moine pris en partie, comme une souris, p. 108.

XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise. Véritable explication du mot quasimodo, & de quelques autres intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé un cocu. Maniere d'être poussé.

Sermon dont le texte est plaisant, page 110.

Conte du moine & des voleurs, p. 110.

Conte du fagot, p. 112.

Le mot quasimodo expliqué, p. 113.

Secret pour être poussé, p. 116.

XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue; cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur du terme de chausse-pied de mariage.

Conte canonique d'un homme & d'une femme, p. 117.

Conte de l'âne volé sous son maître, p. 120.

Confession d'une femme, p. 121.

Bon avis d'un galant homme, p. 124.

XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait.

Conte des hommes vissés, p. 124.

Conte de la courtisanne Conscience, page 130.

XIX. Le bon prédicateur fait bonnes mœurs; exemple d'un qui détournoit ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend & continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame l'amiralle, vient égayer. (Nota. Dame de compagnie, auprès des dames de haut-parage, est même chose qu'esprit, auprès de leurs maris. On dit: monsieur D. est l'esprit du duc D.)

Conte des prédicateurs ennemis des paillardises, p. 134.

Naïveté de la belle Dubois, p. 137.

XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours vérité & honneur, (serment sans conséquence.)

Vérité dans la bouche d'une Normande, p. 145.

Conte du Prieur de Marmoutier, p. 146.

XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers & conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'in illo tempore à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit, pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes.

La ville de Lubec, p. 148.

XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris dont les enfans ont cheveux de deux couleurs.

Conte de l'origine du putanisme, p. 155.

XXIII. Explication du terme de putain, faite par plusieurs, & terminée de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c. &c. &c. Trois choses sont à éviter; trois vœux à faire. Satyre contre la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de fesse tondue. Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés béats peres.

Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain, page 163.

Conte de la fesse tondue, p. 162.

L'éguillette nouée et dénouée, p. 168.

Le Chanoine dupe, p. 170.

XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet; dissertation sur l'origine des mitres.

XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison. Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot tu autem. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou, deux moines.

Conte d'un page attrapé, page 177.

Jean Dissolez, voleur de poires, p 180.

Aventure de Ferrand & Margeou, p. 183, continuée, p. 192.

XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se reprend & se termine.

Musique d'un moine, page 188.

Les deux moines en fonction, p. 188, continuée, p. 191.

Origine du proverbe de la chape à l'évêque, p. 189.

XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie naturelle d'une présidente.

Histoire d'une femme de sergent, p. 194.

Conte de Jacques Adriot, p. 197, contin. p. 198.

Plaisant mot d'une présidente, p. 198.

XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église, diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier. Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est que femmes pour bien juger des choses.

Conte de la femme d'un huissier, p. 200.

Conte des religieuses de Poissi, p. 203.

Conte sur le mot groseille, p. 204.

Résolution académique de trois nonnains, p. 205.

XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon. Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé & inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces. Façon d'un curé d'imposer silence.

Le conte de Nabuchodonosor, p. 207, contin. p. 209.

La confession sincere, page 214.

Conte d'une femme avare de beurre, p. 218.

XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle. Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle.

Femme soumise aux volontés du roi, p. 220.

Conte du chaudron, p. 223.

Le fromage mou & l'aveugle, p. 228.

XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un appareil mis sur une blessure.

Le cheval de Rabelais, p. 229.

Conte du mulet, p. 231.

XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie. Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne & Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines.

Le ministre en cave, p. 238.

Franchise d'un hôtelier, p. 242.

La huguenote en colere, p. 244.

XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans ses souhaits.

Conte de l'époussetée de deux façons, p. 251.

Prudence d'une servante dans ses souhaits, p. 255.

XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées. Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des prunes.

Bans publiés, p. 256.

Curé égrillard puni, p. 257, continuée, page 259.

Le jardinier & les prunes, p. 258.

XXXV. Propos dissolus de moines prêchans. Conte du thuribulum. Quelques explications de phrases latines.

Le conte de thuribulum, p. 266.

LE
MOYEN
DE
PARVENIR.

Parlement.

I. Je sais qu'il y a un autre univers que Dieu a fait. Mais nous; id est, nos peres, les hommes & femmes, en avons fait un autre plus accompli, si Aristote dit vrai. Ne dit-il pas que les femmes sont plus parfaites que les filles, parce qu'elles sont dépucelées, & qu'ainsi elles ont une forme acquise plus notable & excellente qu'auparavant? Dieu fit la fille, & l'homme l'a faite femme. Hé bien, voilà pas les hommes qui font bien des choses plus accomplies? Ainsi est-il du monde de piperie plus accord, plus joli, plus parfait, plus délicat, & mieux sentant son bien que le premier. Et qu'y a-t-il de remarquable? Une quintessence céleste, direz-vous. Vraiment, vous avez raison, votre âne pette, & au nôtre qu'y a-t-il? Quoi, qué, qué? Une quintessence plus profitable, plus pénétrante, plus glorieuse, plus intelligible & plus vivifiante: les sages & les parvenans l'ont reconnue, & l'ont apprise à plusieurs. Ceux qui ont été plus subtils, & ont reconnu les quatre élémens de piperie, extraits ainsi de la supposition ecclésiastique, judiciaire, médecinale & trafiquante, ont tâché à y entrer pour parvenir: aussi n'y a-t-il point d'autres moyens à cet effet, outre ceux-ci, qu'un qui est la vraie quintessence, selon laquelle plus aisément, & avec moins de peine, on gagne davantage; ayant plus loisir & plus grand profit. Et c'est ceci qui se remarque en tous ordres, où le moyen de parvenir est proposé, auquel, comme en toutes vacations, ceux qui font le plus de bruit, ont le plus de soin & de peine; s'avançant en plus de travail, gagnent le moins: & par conséquent ceux qui sont les plus accommodés ont moins de sollicitude, & avec moins de difficultés emportent plus de profit. Ceci observé de siecle en siecle, parce que les vignerons ne boivent pas le bon vin, les miniers ne possedent gueres d'or, encore qu'ils le serrent en grands labeurs, sans que pour le préparer, il leur demeure ès mains. Il n'y a que maquereaux pour être aisé, d'autant qu'ils entendent aussi les matieres. Le grand Alexandre n'avança jamais qu'un voleur, un maquereau & un traître. O belle chose à imiter! Là, là, passez & touchez; (votre âne a pissé) il est avenu que les gens de bon esprit ont traité la quintessence, non comme ces tristes enfumés, qui le plus souvent ont plus de trébillons que de testons, desquels le cul paroît pour mieux souffler; mais en habiles, savans & industrieux attrapeurs de commodités. Et de fait, ils l'ont trouvée, à savoir ès finances, où se pratique, non par transpiration imperceptible, mais par emplissement naturel, le plus saint, magnifique & commode secret d'amasser. Le diantre y ait part, j'ai été de tous les honnêtes métiers du monde, hormis de cettui-là, & professeur en folie. De venir aux finances, il n'y a plus moyen à ceux qui ne les pratiquent d'heure. Quant à l'autre, j'étois hier en pensée de m'y faire passer maître, comme un de vous autres; mais encore qu'il n'y ait personne, qui eût plus d'envie d'être fou que lui, parce qu'aux fous tout est permis pour rire; si ai-je quelqu'honneur qui m'en empêche: aussi n'oserois-je sauter ce bâton de peur de perdre les bonnes graces de ma maîtresse. Toutefois je vous proteste que, s'il y avoit autant d'honneur qu'aux folies d'être chancelier ou premier président, ou de telle autre qualité de fous qui foussoient les autres fous, il n'y auroit gueres de bons esprits qui ne fissent paroître que, quisque abundat in suo sensu, c'est-à-dire, chacun est, sera, ou est dit, ou deviendra, s'il ne l'est, fou par la tête. Or notez, amiables freres, & dressez les oreilles, comme la queue d'une vache qui mouche, que je vous ai déclaré la vraie matiere, & la juste quintessence, dont le magnifique usage est tel, que l'on vient, en l'obtenant, à bout de toutes entreprises; on l'obtient, en l'ayant, ce qu'on pourchasse; & on fait ce qu'on veut. Parquoi, vous avez en somme succintement tout du long, proportionnément au petit pied, & sans allégories, les élémens, principes, fondemens, raisons, résolutions, évidences, puissances & causes de parvenir tout du long, à l'usage de Genève, imprimé à Rome, & sans rien requérir, comme une quille de beurre frais.

Bias. Vous ne faites que parler de parvenir, sans possible en savoir la pratique, à quoi peut-être vous êtes stilé, comme un âne à jouer du flageolet. Voudriez-vous bien dire que vous l'eussiez de la sorte que je l'ai, qui porte tout mon avoir avec moi, de peur d'avoir bien faute de poux; & qui sais, comme me le font accroire ces Crisotechnes, cette belle science qui rend riches?

L'autre. Je me suis tant amusé à vos fadaises de sagesse étant jeune, que j'ai laissé passer les oiseaux. Par mon serment, si jamais la paix est faite, j'irai à la guerre aussi-bien que les autres. Croyez que, si j'eusse su maintenant, je fusse dedans; & à cette heure que je sais le secret, on se défie de moi. Que male foire embrene le nez de ceux qui m'ont fait perdre le temps; que cent coups de cornes au cul leur déchirent le fondement; que puissent-ils devenir cocus, après le trépas de leurs femmes de bien. Je gage que vous ne savez ce que je veux dire; [ni moi aussi, dit Chipon, quand il perdit le manteau de son maître. Je gage, dit ce seigneur, que ce coquin a perdu mon manteau. Gagez, monsieur, vous gagnerez. Le paillard l'avoit détourné, pour s'en approprier.

Lycurgus. Ce fut un moyen de parvenir.] Voilà, il y en a qui parviennent diversement; les uns, sans y penser; les autres, par artifice; aucuns, par danger; quelques-uns, rencontrant d'un en cherchant d'autre; aucuns, courant comme ils attrapent quelques autres en dépit d'eux; & s'en faut rapporter aux exemples, ainsi qu'une truie qui avorte.

Bodin. Voilà de belles maximes, & desquelles je pourrois tirer beaucoup de science; j'éplucherons, en passant, ceux qui parviennent.

Verset.

II. Il y en a infinis qui ne savent pas leurs élémens; & s'ils les savent, c'est par grand pitié de hazard & routine, & trop souvent par fausse entente, ainsi qu'il avint à Quenaut, qui se promenant un jour vers le colombier, & voulant passer une haie pour aller au travers, il coupa une branche avec son outil, qui lui échappa dans l'enclos du jardin. Là étoit le maître du jardin avec sa femme de par le diable.

Pinaut. Qu'est-ce à dire?

Chilo. Que d'interruptions! Voilà grand cas qu'il faut passer jusques en Grece, pour savoir sa femme de par le diable. C'est-à-dire, sa garce en françois, comme si vous disiez une femme de prêtre en révérence. Les gens du monde, les gens du siecle sont mariés de par dieu; & ont des enfans de par dieu; & les autres en ont de même, mais c'est de par le diable, qui sera le ménestrier à vos dernieres noces. La sienne étant donc avec lui & ses enfans, Thibaut, son gendre, qui avoit épousé sa plus grande fille, qui étoit belle & désirable, comme un jeune cheval qui sort d'apprentissage, ils devisoient se devisant près la peinte archidiaconalement. Quenaut, qui ne savoit rien de cette compagnie, parloit assez haut, répondant à son compagnon, qui lui reprochoit sa longue demeure, & s'il avoit repris sa serpe, & disoit: je l'aurai, je la vois. Thibaut, qui ouit ces mots, croyant qu'on parloit de sa femme, qui peut-être aimoit l'amble, (comme étant de nos sœurs, dieu merci, & vous qui a fille de femme de plaisir) tout en colere, vint vers le lieu où il oyoit cette voix, & faisant le fendant, répond: toi, tu l'auras, toi, pance de bœuf? Non, auras pargoi. Si aurai, dit Quenaut. Tu auras menti, par la double tigne qui te puisse coëffer. Mais toi, ou le diable t'emportera. J'ai bonne épée. Si ai bien moi. Sur ces propos, Quenaut s'avançant, vit Thibaut, lui dit: que diable tu te fais de peine! Et que te faut-il de tant jurer pour ma serpe qui est chute en ton jardin? Je te fais grand tort de la vouloir ravoir? Si j'ai fait dommage, demande-le moi, ou sors & nous battons. Je ne te demande que ma serpe; que prétends-tu? L'autre l'oyant lui dit: prends-là, si tu veux; qui t'en empêche? Tu as peut-être tant bu, que tu es fâché d'autre chose. Voilà comme ils parvenoient tous deux.

Cleobule. Vous impliquez contrariété. Nous n'aurons meshui fait. Cette canaille de sages nous fera devenir fous. Au diable l'importunité de ces pédans. Je suis perdu, puisque vous en venez-là. Si est-ce que je crois que je suis homme, si ceux qui sont faits comme moi le sont; encore ne sais-je si je suis mâle ou femelle. S'il n'y a un autre devant moi, & qu'en tâtant, je compare pour savoir ce qui en est, & lors me trouvant gros de résolution, parce qu'elle n'appartient à autre animal, je vous dirai des choses que vous ni moi n'entendons, ni entendrons, ni n'avons entendus; ou je me tairai, comme fit le Curé du Busançois, qui dit: je vous prêcherois aujourd'hui; mais nous n'avons pas le loisir. Toutefois je vous dirai un bout de sermon, que nous diviserons en trois parties. La premiere, je l'entends & vous ne l'entendez pas. La seconde, vous l'entendez, & je ne l'entends pas. La troisieme, ni vous, ni moi ne l'entendons. La premiere, que j'entends, & vous n'entendez pas, c'est que vous fassiez rebâtir le presbytere. La seconde que vous entendez & que je n'entends pas, c'est que vous entendez que je chasse ma chambriere, & je ne l'entends pas. La troisieme, que vous ni moi n'entendons pas, est l'Evangile d'aujourd'hui; parquoi, n'en disons mot. Adieu.

Pittacus. Que direz-vous?

Cleobulus. Je vous dirai vos vérités malicieuses, si je parle; & si je me tais, je ferai démonstration que vous n'êtes que pleins de vent & de néant.

Pithou. Quant à moi, voyant bien que vous me voulez donner le trait pour vous piquer, je vous déclare que je ne sais rien que tout le monde ne sache, ou pis; aussi je me contregarde si bien, que je n'offense que Dieu & le monde. Et si je vous dirai que je ne peche que par plaisir; c'est que je suis amoureux des femmes & des filles. Ce que j'en fais, c'est pour naturaliser & parfaire les symboles d'éternité, n'y ayant plaisir au monde semblable à celui de la chouserie: foin, de par le diantre, foin.

Pelicier. Ne le flattez point; nommez le diable tout-à-fait.

Jamais.

III. Jamais ces gens, qui font tant la petite bouche, ne furent qu'hipocrites. Ils jurent par ma finte; ils n'osent proférer le mauvais; ils ne savent dire les choses par leur nom: & cependant leur cœur est plein de déception & tromperie, d'autant que leur ame symbolise à leur bouche, Tu…

Gaza. Bien donc, là, ne nous détournez plus, & n'en parlons plus, de par le diable, sans blasphêmer. Bran, vous n'en faites que causer, c'est assez. Pourquoi?

Quelqu'un. Parce que l'on fait des réponses qui ne sont pas bonnes. Pensez la belle chose que c'est, de mettre des ignorans au rang des doctes. C'est pour avoir de belles interprétations. Si je n'avois peur d'être cause que plusieurs blasphêmeroient, je vous conterois une infinité d'interprétations que les Cordeliers m'ont apprises. Or, bien que nous fassions ici mine de rire, si le disons-nous à la honte de ces dépouilleurs d'andouilles pour les nettoyer, & qui nous voudroient reprendre, encore que toute leur vie soit confite d'actions impudentes. Vous, Prélats, qui voyez comme nous faisons ici les fous en découvrant les folies, faites-les cesser, corrigez les fautes, détournez les impiétés, ôtez les mauvaises coutumes, minez l'ignorance; & les œuvres d'icelle s'écouleront. Sachez que ce volume est fait pour vous jetter la paille en l'œil, afin que vous abbatiez la simonie. Hé bien! diront-ils, on ne baillera plus d'argent pour les bénéfices; on n'entendra plus les écritures. Ce n'est pas-là le mal; il faut faire des prêtres, qui ne prennent point d'argent, pour distribuer les sacremens, & autres opérations ecclésiastiques.

Socrate. Or là, fendez, frappez, tirez, faites de belles défonçades d'entendement; il n'y a plus moyen de vous tenir. Cent mille petits diablotins de deçà & delà les monts, qui vous extravaguent, vous puissent casser des noix; que la gorge vous coupe le cou, il n'y a ni rime ni raison en votre fait.

Leri. J'aimerois autant les habitans de Versoi, du temps que la parole étoit de l'Evangile, lesquels avoient un Ministre, qui sans cesse leur reprochoit leur ignorance & indécence de mœurs, leur reprochant qu'il n'y avoit ni rime ni raison en leurs affaires; & si souvent leur tint ces propos, qu'il en devint fâcheux; tellement que la visitation étant, ils demanderent un autre pasteur; & ce avec grande instance, disant que cetui-là leur étoit insupportable. Le Consistoire averti, tant de la simplicité de ce peuple, que de la façon du Ministre trop rude pour agréer à ce petit troupeau, leur en adjugea un autre qui fut averti. Celui-ci les prêcha quelque temps par essai, puis pour l'établir absolument, il fut question d'assembler les habitans, pour savoir si ce nouveau venu leur seroit agréable. Ce qu'étant fait, & un de la compagnie des habitans étant délégué pour parler au Ministre, & lui faire trouver bon qu'il demeurât, lui dit: Monsieur, vous êtes agréable à tous nous autres, tant parce que vous êtes bel homme, que principalement à cause qu'il n'y a ni rime ni raison à tout votre fait.

L'autre. Ainsi en est-il de ce livre, qui jadis fut fait en belle rime croisée: mais celui qui l'a transcrit, sans y aviser, mêlant ce qui étoit deçà & delà, a fait qu'il n'y a ce semble, ni rime ni raison en apparence, non plus qu'à l'élection d'un Cardinal de ce temps, selon l'ordre hiérarchique du bon temps, que l'on s'alloit cacher & jetter dans les puits, de peur de devenir Evêque, pour la peine & labeur qu'il y a. Qu'ainsi vous en puisse avenir, Monsieur le Commissaire, qui êtes venu réformer les pavés qui usent trop les souliers. Je m'enquis de cette histoire du Ministre, passant par-là, d'autant que je ne veux rien dire, ni présenter, ni ouir, s'il n'est vrai. Si vous vous en souvenez, Monsieur de Pise, nous allions à une Diete en Suisse; & lors j'étois avec Mylord Bochow, lequel le Baron de Tierci, parce que baccon à Genève signifie du lard, le nommoit Monsieur du Lard? Comme nous soupions, je donnai à notre Prélat d'alors une tête de poulet; & par honneur, j'en présente une fendue de même au Baron de Kitblitz, Allemand, alquemiste. Il me cuida humer la vue avec les yeux, & manger le blanc du cul, tant il me regarda creux, comme si je l'eusse estimé sans cervelle. Ce ne fut pas tout. On n'y ose demander de malvoisie; c'est à propos de la morue rouge d'Ablis. Les femmes des pêcheurs de Versoi étoient allées à Geneve, (qui est le Paris de ce pays-là; c'est pourquoi le Duc de Savoye la voudroit avoir, pour faire le Roi) elles y avoient porté leur poisson, qu'elles vendirent fort bien; aussi étoit-il jeûne: & de fait, on s'escrime de jeûnes en ce pays-là avec un bâton à deux bouts, en disant que de se frotter d'une peau de jambon sans la savourer, est plus méritoire, que de se crever de poisson. Ces femmes avoient fait grand gain, parce que déja on surfait la marchandise en ce pays-là; & des Allemands avoient acheté leurs denrées à leurs mots à beaux quarts comptant, sans l'autre monnoye. Cette joie fut cause qu'elles s'accorderent de bere in peu de malvesia; & allerent en un cabaret, près la Fusterie, où elles eurent ce qu'elles demanderent pour de l'argent, (cela s'entend aussi bien qu'à Rome. Qui a nez pour sentir, qu'il flaire.) Elles s'en trouverent si bien, qu'en cet aise elles redemanderent de cette bonne liqueur; ce qui fut tant poursuivi, qu'à la fin, & gain, & fonds, tout y alla; & encore quelque bague d'argent à six tours demeura pour gage avec les plates. Tant que le bon goût & les vapeurs durerent, elles ne se soucioient de rien. Ainsi gaies & gaillardes, elles s'en retournerent. Ayant un peu passé la franchise, & trouvé un endroit de belle verdure, (c'étoit en été) elles s'aviserent de dormir un petit, qui dura jusqu'à presque soleil couchant, qu'une se réveilla qui réveilla les autres. Cette premiere, encore toute étourdie, avisa une bouteille verte, qu'une d'elles avoit emplie d'huile avant boire, elle s'écria: ô di, comera la Guernera, vede; vede vo le gro lizard ver? De cela, les autres épouvantées se leverent; & toutes ensemble, comme cette-là, à belles pierres, se mirent à lapider cette bouteille; & la bouteille se cassant, elles disoient, l'oyant casser: les ous se cassent; & puis, l'huile épandue, disoient; c'est le velain qu'il rend; vees commi il mode. Depuis ce temps-là, la malvoisie a été à si bon marché, que qui en demande à Versoi, en a pour soi & pour sa chartée de beurre frais.

Conteri. J'attendois que vous parleriez de ce petit ruisseau que nous passâmes avec cette compagnie-là, quand nous y fûmes pour les affaires des ubiquitaires. Je me souviens qu'ayant passé le pont de beurre, Curion, notre hôte de Basle, nous fit baisser, pour voir ce ruisseau tant célebre. (Le seigneur Chevalier, grand Hébreu, & si savant qu'il en étoit bossu, a mis l'histoire dans le Talmuld, qu'il a revu, quand nous le faisions imprimer à Basle. Je le vous dirai; aussi-bien il n'y a personne qui ne le sache; & c'est pour vous montrer que j'ai de l'esprit, & que je m'entends à l'hébreu, comme une pie à étendre du beurre frais sur du pain. Quand j'en faisois leçon, cela alloit à la balance, comme un chat qui pese des doublons en une bouteille. Même, s'il vous souvient, je le vous dirai en notre langue, pour survenir à ceux qui n'entendent pas le chrétien. Un jour, pour faire le mignon, j'avois en l'Eglise mon Pseautier en Hébreu, où je lisois ne plus ne moins qu'un singe qui épluche des noisettes vertes. Je devois dire la leçon; je laisse mon livre & m'en vais au lutrin. Si-tôt que je fus descendu de ma chaire, notre ami Chastin prit mon livre, & l'ouvrit: mais aussi-tôt il le laissa & se retira de-là, allant se plaindre aux autres chanoines, que je tenois des livres méchans; que j'étois magicien: & que je ne portois à l'Eglise que des livres prophanes, comme une bible, & autres de telle farine. Par dépit, je dirai mon histoire en langage que tout le monde entendra, s'il s'y connoît: je la dirois bien tout autrement; mais je n'y entends que le haut Allemand; il est trop froid; cela ne seroit jamais fait).

Passage.

IV. Es pays d'Alsassie, en un endroit assez beau, [si vous n'y avez été, cela ne vous servira de rien de vous le décrire, parce que vous n'y connoîtrez rien; & si vous y avez été, c'est assez, cela vous importuneroit de le rapporter, sinon allez-y.] Là, les dames sont assez libres, mais sages; & pour le bien faire paroître, elles ne pissent qu'une fois la semaine: & c'est au vendredi qu'elles s'assemblent, au matin, toutes par bandes; ce qu'il fait étrangement beau voir] & selon leurs dignités, s'en vont en pisserie, comme on va à la foire: de quoi elles n'ont non plus de honte, que les femmes de bien, qui montrent l'appanage de leur fessier aux eaux de Pougues. Que c'est que des coutumes des pays! On ne le trouveroit pas bon ici; & là il est délectable: ainsi qu'ès villes de Normandie, où plusieurs en leur pochette gauche portent un mouchoir pour le cul, ainsi qu'en la droite un pour le nez. Ces femmes étant arrivées au lieu de la pissoire, ou pissotiere, elles se disposent comme les montagnes d'Angleterre, chacune où elle est, y gardant dignités, prérogatives & honneurs, ainsi qu'ès actes publics & notables, ne plus ne moins que se mettent les chevaliers en leur rang, le jour de leur cérémonie. En cette commodité, abondamment, joyeusement, & à la copieuse & bénigne décharge des reins, elles vuident leurs vessies, & pissent tant, que cette riviere en est faite & continuée; & de-là les Allemans, Flamans & Anglois font venir la bonne eau, pour faire de la biere, la plus double & du plus haut goût. Cela est cause que leurs femmes ne les aiment pas tant, qu'elles font les François, d'autant que ces femmes-là pensent que leurs maris leur veulent derechef reverser leur urine dans le corps. Que s'il y a des femmes qui ne savent bien pisser, on les envoie à Genève, d'autant que là il y a plusieurs belles écoles, où on apprend à pisser & chier en public & en compagnie, au grand soulagement des honteux, qui là apprennent à perdre la sotte honte qui resserre le boyau culier. Et je vous dirai que ce qu'ils font est, parce qu'il n'y a point de moines en ce pays-là; & partant point de frocs, & par ainsi point d'instrumens de deshonterie. On m'a assuré que depuis, ceux d'Amiens en ont dressé de belles écoles aux Botrues, où l'on fait leçon de chierie.

Durantius. Vous vous êtes équivoqué, sans faillir; mais vous n'avez pas commencé à l'origine de cette riviere. Il falloit le dire. Ce que je vous dirai, tiré du Zohar, que le bon vieillard Postel a traduit, après qu'il eut conféré avec un juif qui devint chrétien. Après avoir lu cette histoire, laquelle aussi fit réduire quelques huguenots à se faire catholiques, aussi-bien que les moines qui s'en firent huguenots; & ce que ceux-ci en ont fait, est pour se mieux entendre en garces. Quant au juif, il l'a fait pour avoir congé de manger du lard & du salé, afin de trouver le vin meilleur. Du temps que les bons hommes [c'est-à-dire non les minimes, qui sont très-petits; & jamais bonté ne se mit en peu de lieu] alloient par le monde, [je n'entends pas des faiseurs de mines, mais des simples & sages] il y eut un saint personnage, qui, passant chemin, se rencontra à Barace, près de Durtal en Anjou. [Je ne parle pas de maître Pierre, que le prévôt des maréchaux cherchoit: & l'ayant un jour rencontré, ne sachant pas que ce fût lui, le laissa, ne le connoissant point. Avant que le laisser, il lui demanda: qui es-tu? Je suis un pauvre homme, petit marchand. Comment as-tu nom? Pierre Chaillou, ou Caillou. D'où es-tu? De Durtal. Où va-tu? A Rochefort. De quel métier es-tu? Sabotier. Que diable! tu es dur, il ne te faut plus qu'être vêtu d'une cuirasse, pour t'achever de durcir.

Calpin. Comment diriez-vous une cuirasse ou corselet en latin? C'est, dit frere Jean de Laillée, durabit. Or taisez-vous; vous empêchez l'affaire de ce saint homme. Achevez, monsieur le doguetter.)

Durantius. Ce personnage s'étant assez reposé sur le bord de la fontaine, avisa le tard; donc il s'en vint au village, & s'adressa chez le Page à la dame du logis, priant ladite dame de le loger cette nuit-là, pour l'honneur de dieu. Elle qui étoit avaricieuse, comme un financier qui a fait ses affaires, & n'a point d'enfans, s'excusa, & le pria d'avoir pour agréable son refus, qui ne venoit qu'à cause que son mari étoit chiche & grondeur. Le bon homme passa outre, & va droit s'affraper chez la chambriere de Chiquetiere, nommée la Gousson, de laquelle, lui ayant fait sa requête, il fut reçu fort honorablement, & bien traité de la pauvre femme, qui le mit en un bon lit, cette bonne femme.

Eschines. La bonne femme n'est pas encore levée.

Durantius. Taisez-vous; bran: ces poëtes en veulent toujours aux femmes, qui les affrontent aussi; & cela leur est employé comme fievre en corps de moine. Cette bonne femme donc lui avoit fait du mieux qu'elle avoit pu; & lui, le matin, s'en trouvant bien édifié, étant levé & voulant partir, lui dit: madame je vous remercie bien humblement de tant de bien que vous m'avez fait; & vous prie de m'excuser, si vous n'avez autre paiement de moi. Ho, dit-elle, monsieur, vous avez été le bien venu; & le serez toutes les fois qu'il vous plaira venir céans. Ce n'est point l'espoir de paiement qui m'a fait vous recueillir, en cette maison où vous demeurez, s'il vous plaît, à votre volonté. Je vous ferez au moins mal que je pourrai, pour l'amitié du maître que vous servez. Madame, je vous rends graces infinies de tant de biens & d'amitié: je prie le bon dieu qu'il lui plaise de vous bénir; si que la premiere besogne que vous ferez aujourd'hui lui soit tant agréable, que ne puissiez tout le jour faire autre chose. Il partit; & elle, qui n'y pensoit point, l'ayant recommandé à dieu, se fit apporter un peu de buée qu'elle avoit étendu le jour précédent, & se mit à ployer son linge; & tant ploya, & encore tant ploya, que plus elle ployoit, plus il y avoit à ployer & ployer; & ployoit toujours, tellement qu'elle avoit de grands monceaux de toutes sortes de linge, qui multiplioit au touchement de ses mains. Par hazard, celle qui avoit refusé le bon homme, vint quérir quelque chose chez la Gousson. La voyant empêchée, lui dit: hé bien, ma mie la Gousson, que faites-vous? Donc elle lui conta toute l'aventure & cause de ce grand bien. Adoncques l'autre fut bien étonnée & fort triste d'avoir laissé passer une telle commodité: parquoi, sans faire semblant, elle s'en va, & puis se mit au chemin où elle pensoit trouver ce personnage; & suivant par avis son train, ayant su en s'en enquérant, qu'il étoit allé vers Vieille-ville, elle faisoit mine de cueillir des herbes pour sa vache. Puis l'ayant apperçu, elle fait de l'étonnée; elle s'approche de lui & lui dit? monsieur, que je suis aise de vous avoir trouvé! Que faites-vous ici à vous morfondre? En dà, le bon dieu a bien changé mon mari; & je ne le savois pas. Quand je lui dis hier que je vous avois éconduit, il me cuida venir méchef, tant il me tança. Je loue le bon dieu de son amendement. Je vous prie de ne le prendre point en mauvaise part; mais de nous faire ce bien de venir ce soir loger chez nous. Bien; madame, j'irai, quand j'aurai achevé mon service. Il n'y fit faute; & fut le bien reçu avec joie & grande chere, & traité en apériateur de commodités. Au matin, se retirant, il fit sa petite excuse à l'usage de besace; & son hôtesse lui dit: par ma finte, monsieur mon ami, je n'en voulois rien: pour dieu soit, si dieu plaît, je n'en veux rien. Bien donques, grand merci madame; je prie dieu que la premiere besogne que vous ferez aujourd'hui, se continue tant, que ne fassiez autre œuvre de tout le jour. Grand merci, monsieur. Elle étoit déja ennuyée qu'il ne se hâtoit, pour aviser à son fait. Aussi-tôt qu'il eut montré les talons, elle dit à sa servante: or çà, Marquise, va là-haut quérir ce linge, j'en aurai aussi-bien que la Gousson. Apporte ces serviettes, ce menu; que je ploie. La chambriere ayant tout apporté, voilà que le Page voulant mettre la main à l'œuvre, s'avisa d'aller pisser, afin de ne se débaucher point. Ainsi, toute en hâte, elle sort en sa cour, où elle s'accroupit pour pisser. Mais ce fut ici une efficace terrible, d'autant qu'elle commença pisserie, qui continua tout le jour. Jan, elle avoit dit qu'elle auroit force linge; mais elle coula force eau, & fit ce ruisseau qui passe au pied des Loges, & va jusqu'aux Indes. Ses amies la venant voir, & la trouvant ainsi distillant le dissolvant philosophique, lui demandoient: hé quoi, ma commere! Hélas! disoit-elle, hélas!…

Cassiodore. Elle leur répondit, comme mon compere Bonin, qui se leva d'auprès sa dame, & alla pisser par la fenêtre. Il avoit bu, au soir, & il pleuvoit. Il oyoit l'eau de la goutiere qui tomboit, & il tenoit son pauvre petit, étant toujours à la fenêtre. Elle lui dit: hoi, Bonin, aurez-vous tantôt pissé: Je pisserai tant qu'il plaira à dieu.

Glose.

V. Quelqu'un. L'année passée, le petit Travers eut une autre opinion. Monsieur de Beaumont nous avoit donné à souper, où étoient plusieurs chantres, qui, ayant trinqué & chanté, voulurent s'en aller, afin de pisser. Moi qui m'en apperçus, je leur dis: attendons un peu à nous en aller, & allons pisser. C'est cela, dirent-ils, & chacun se mit à pisser. Travers avoit pissé, & un autre pissoit d'en-haut. Quoi, lui dit Multon, frere, tu pisses encore, & tu as remis ton cas! O, ho, se dit-il, grand merci. Et lui de le reprendre, & le laisser là à l'air fort long-temps; dont il lui avint un grand inconvénient, c'est que depuis il fut enrhumé. Et y prennent garde les pisseurs, pour ce qu'à faute de resserrer son engin, on se morfond en bon escient; ce qui peut aussi avenir aux femmes, quand elles n'étament pas bien leur cas du devant de la chemise, afin de lui clorre les mâchoires, de peur que le vent n'y souffle.

Ovide. Il y a trois ans que j'étois à Vezins; & Prédicat étoit avec vous, & Platon aussi, lequel, au soir, fut laissé avec les demoiselles faire des anagramatismes; & Prédicat s'en alla coucher: son lit avoit été préparé en la couchette, fort près de la cheminée. Quelques heures après, ainsi qu'il dormoit, Platon s'en vint coucher au grand lit, qui étoit de l'autre côté de la cheminée. Je ne sais s'il avoit bu egregiè, (c'est-à-dire en Grec) il se leva d'auprès de moi, la nuit, pour pisser; & ne trouvant le pot, il alla pour s'évacuer en la cheminée, ainsi qu'on fait aux hotelleries, sur le chemin de Paris. Il se fourvoya, prenant le droit pour le côté; & se mit à pisser roide contre le visage du dormeur, & lui flaquoit des ondes d'urine si fort sur le minois, qu'il l'éveilla, & fit tousser, comme un bœuf qui avale une plume. A ce bruit; il eut si belle peur, que si le douzil n'eût tenu, il l'eût laissé cheoir, tant il eut belles affres, cuidant qu'il y eût quelque démon dans les briques de la cheminée. En cette émotion mutuelle, & qu'il étoit tout troublé de reste de sommeil, & l'autre d'aspersion pissotiere, Platon se retira tout bellement, & s'étant remis au lit & rassuré, se doutant bien ce qu'il y avoit, demanda: quel bruit est-ce cela? C'est moi, dit l'autre. Je ne savois rien de cette affaire, & ne pensant à aucun mal, je lui dis ainsi: je ne sais ce qu'il y a; mais cet homme est fort troublé. Hélas! oui, dit-il, & d'un nouvel accident. C'est que j'avois la tête panchée sous la cheminée; & il m'a plû en la gorge si chaud & si salé, que j'en ai le gosier tout écorché. Le paillard rioit, en se mordant la langue; & le consoloit, faisant de l'endormi. Le lendemain, il en fit le conte aux filles, qui en menerent bien le patient de la pluie salée: mais Platon y perdit, d'autant que, faisant ce discours devant les dames nos sœurs; Prédicat dit que cette eau venoit filant douge comme petits filets de soie: de quoi elles conclurent qu'à mêche si déliée, la chandelle ne devoit guere être grosse. Il avoit une maîtresse, qui pour cela fut fort dégoûtée de lui, tellement qu'elle le prit à partie; elle se moquoit de lui, & le vit lui pendoit, lui faisant plusieurs opprobres. Lui pendoit-il comme à Georges de Bœuf de Chinon, qui, pissant, un jour, contre une muraille, tenoit son écritoire, aliàs la gaine de son couteau, pensant tenir son fait ou canon à pisser; il pissoit dans ses chausses?

Anacreon. Si Rolette, chambriere de Maldonar, l'eût tenu, elle se fût bien moquée de lui. Elle me reprochoit, un jour, que notre bête étoit bien sotte de ne pouvoir pisser seule: & qu'il la falloit mener par la main; & que la sienne pissoit sans aide & net, d'autant qu'il se fait un joli petit pet, & par ainsi le cul souffle les bourriers tout autour.

Virgile. Pourquoi est-ce que l'on pette en pissant?

Afrodisee. Hé, pauvres médécins, qui cherchez des causes étrangeres ès minimes, que je vous plains! Sachez cette maxime; c'est que l'on n'en peut avoir sans vent.

L'Escot. Il étoit bien besoin que vous parlassiez de messieurs les minimes.

Afrodisee. Foi de nourrice, je ne pensois point à eux; & toutefois je m'en avise: aussi bien faut-il, par-ci, par-là, ranger ces gens d'église, desquels si nous ne parlons, il leur semblera avis que nous les craignons, ou que nous les méprisons comme hérétiques. Mais ce n'est rien de ceux-ci au prix des capucins & feuillans. Je voudrois, par fin desir, qu'il n'y eût pas un de ceux qui veulent avec tant de desir devenir gueux honorables, & gentilshommes coquins, qui n'eût le vit d'or & le nez d'argent. Mais, se dit le sire du Quesnoi, parlez de qui vous voudrez; & laissez-là les bons minimes, ayant révérence à l'antiquité.

Paul-Jove. Quelle antiquité! Cet ordre est tout nouveau; je l'ai vu naître. Il n'est donc pas antique: joint que, pour être antique; il faudroit qu'il y eût mille ans; ancien, deux cents; vieil, plus de cent ans.

Cassiodore. Ils sont fort anciens, voire plus qu'antiques. Je le sais; ils sont du temps de la famine universelle, quand l'Egypte avoit seule de vivres; témoin Joseph, qui, parlant à ses freres, & leur faisant l'inconnu, leur demanda: ubi est frater vester minimus? où est votre frere le minime.

Munster. Tout beau, ne mêlons point le saint avec le profane.

Higinus. Vous le mêlez, comme Boispierre, qui parloit du corps de leur métropolitaine: lequel avoit une cure à deux lieues de là, où il alloit, & laissoit quelquefois sa charge. Quoi, dit cettui-ci, ce compagnon-là ne devroit bouger de l'église: on ne peut servir à deux maîtres, à dieu & au diable. Sainte dame? voilà un grand mot. Et lequel étoit le diable? Je n'en parle plus; demeurons en notre antiquité.

Tite-Live. Je me ris de vous ouir parler de l'antiquaille; & m'est avis, voyant ainsi jaser de l'anticle, de l'ancien, du vieil, que j'oi le maître horlogeur de Geneve, qui me discouroit de l'épée, me disant que c'étoit un calibre yeuxcellent, où il y avoit plusieurs sarches & points à noter; qu'il y avoit l'épaule antique, & l'épaule authentique, par le travers desquels passoit le duc de Saxe: au milieu étoit les quatre os ou écarteleures, qui en bande étoit tranché par le soudiacre, aux bords duquel étoient les deux hypocrites, coupés par deux saichés qui venoient des épaules, lesquels sont les deux couleuvres de laisse-faire: au haut & bas sous les deux épaulieres; à l'entour est la raison, qui est coupée du médionneur. Mais je laisse là ce pifre, parce que, quand il vint chez nous, il chia au lit, & devint ortlogeux. Il étoit aussi bon interlogue, que l'apothicaire de monsieur de Tours, qui lui conseilloit de ne sortir point, un jour de saint André, parce que le temps étoit aromatique. Par le plus S. faux serment que je dois à la race féminine, qui me nomme le bon homme Trompecon, j'oubliois mon conte, pensant à la folie que vous faites sur la comparaison du temps passé. Je ne cuide pas que ce qu'il y a mille ans qui est passé & anéanti, soit plus vieil que ce qui se passe tous les jours, & qui va dans le sac de vielliesse, dans l'écrin de l'oubli; & ce qu'on propose de plus ou moins vieil, est d'aussi bonne grace que la question de Martin Chabert, qui aimoit trois filles, auxquelles il dit, pour arrêt, un jour, mes filles mignonnes, je ne puis vous épouser toutes trois, bien que je vous aime de toute ma loyale frussure, & plus chacune l'une que l'autre. Je ne sais comment faire, sinon qu'il faut que j'aie à choisir: & pour nous ôter de cette peine, je vous dirai, si vous voulez, un moyen; c'est que j'épouserai celle qui me dira la plus naïve vérité de ce que je lui demanderai. Elles s'y accorderent. Or, çà, dit-il, lequel est le plus vieil de vô chouse ou de vô bouche?) J'ai quasi bronché des mâchoires. Mais pourquoi dit-on confitures? Que ne dit-on ficontures, ou fiturescon? Et tant d'autres mots qui commencent ainsi, comme congrégation, conscience?

Elphis. C'est bien entendu pour un philosophe? ne savez vous pas bien qu'il est devant & jamais derriere? Et pourtant il faut le colloquer en la tête. Le charpentier, qui demande au curé: pourquoi dites-vous, dominus vobiscum? Que ne dites-vous, dominus vobiscu? Le curé lui dit: pourquoi dites-vous un compas? Que ne dites-vous un cupas?

Higinus. Sainte Marrande, vous avez raison; mais faites parler ces filles).

Tite-Live. L'aînée répondit: c'est mon cela qui est le plus vieil, d'autant qu'il a de la barbe; & ma bouche n'en a point. La seconde: c'est ma bouche qui est la plus vieille, parce qu'elle a des dents; & mon petit n'en a point. La petite dit: je dis comme ma sœur. Dites donc, mignonne, une belle raison comme nous. Elle pétilloit & frétilloit comme une marmote déchaînée. C'est, dit-elle, ma bouche qui est la plus vieille, pour autant qu'elle est sévrée; & mon con tette tous les jours. A, ha! hé, or devinez, vous autres, & jugez laquelle a le mieux dit, afin que Martin soit le marié comme les autres. Jan par la certebieu, dit Coypeau; aussi étoit-il tout réformé. Alors j'aimerois autant ma chambriere, qui, nous oyant ainsi discourir, me reprocha que, si ce n'étoit leur cas, je ne saurions que dire; & là-dessus me dit: vous qui en savez très-tant, si vous aviez trouvé un con tout seul, que lui diriez-vous?

Sermon VI.

VI. Néanmoins, messieurs, beuvez pour la pareille. Aussi bien peut-on mentir en liberté de conscience, deux fois l'an: l'une en été, disant: je n'ai pas soif: l'autre en hiver, disant: je n'ai pas froid. Mais pourquoi est-ce que, quand on demande à boire, fusse à un laquais, on y va courtoisement, de même qu'à requérir une garce de dormir avec elle théologalement? Nous en sommes bien! Voilà de belles demandes, dit Sapho! C'est parce que cela coule comme foutre de prêcheur. Achevez; aussi bien cette fille a voué son pucelage à autre chair qu'à vie consacrée; & nous dites la résolution de la caupeaude. Ha, vous en souvenez vous? Hé, bel engin de dame! ainsi vous puisse-t-il croître de jour en jour. Nous demeurâmes tous cois, & plus étonnés qu'un évêque sans mitre. Elle nous ferma la bouche, & nous dit, il lui faudroit dire: con sans cul, que fais-tu là? Epaminondas, qui venoit de racoûtrer ses chausses, rentra à table à ces mots; & les ayant ouis, il dit: que répondroit-il? Voire, voire, c'est bien parlé à moi; mais pourquoi est-ce qu'un tel cas, puisqu'on le nomme ainsi, ne parle point, vu qu'il a une langue!

Albert. C'est parce que le cul est auprès, qui lui dit paix.

Evimquarbre. Quel sermon est-ceci? Vous ne parlez que du cul.

Nostradamus. Ce seroit belle chose de parler du cul; ce seroit un langage excellent; il seroit plein de toutes sentences: & si cela étoit, on parleroit comme on s'assiet; & si on écrivoit de même, vraiment on verroit de belles orthographes de femmes, qui souvent écriroient du cul. Cela me fait souvenir de ceux qui parlent du nez, s'ils écrivoient comme ils parlent, ils écriroient du nez. Or, mon bel ami, sans cul on ne fait rien. Savez-vous pas que c'est la base & le vrai milieu du corps, le mignon de l'ame; d'autant que, s'il ne se porte bien, & que ses affaires soient incommodées, elle s'en déplaît & s'enfuit par-là. Je parle pour les doctes. Or donc, doctes, venez ici succer la moëlle de doctrine; venez apprendre de beaux secrets, sans vous amuser à brider chevaux au rebours, id est, leur mettant le mords au cul, tout ce qui se fait au monde est pour exercer monsieur du cul, pour lequel boucher sans y toucher, (grand miracle) il ne faut rien permettre entrer en la bouche. Mais devant que j'acheve, je vous demande à vous, François & Anglois, à qui le baiser est commun, lequel vous aimeriez mieux baiser une fille au dernier nœud de l'échine ou à l'entonnoir du cul?

Hypocrate. A, ha, e, hé, l'entonnoir du cul est la bouche. Et de fait, tout ce que l'on apprête de plus friand, n'est enfin que pour faire de la merde entre les dents, & partant pour mettre en œuvre maître cul, id est, frater culus, frere cul, qui est le gouvernail de tout le corps, & le mignon de l'ame. Je le vous prouve. Si le cul ne se porte bien & ne fait bonne chere, que ces affaires ne soient en bon état, l'ame en est incommodée, & le plus souvent sort par le dédain qu'elle en a, & nommément quand les matieres sont par trop claires, & que l'ame s'y laisse couler faute de glu. Le cul n'est-il pas le prince des membres, puisque tous lui font service, & que ses dédains, ou ennuis, ou coleres les affligent tous? Puis, c'est lui, à qui tous font honneur, le faisant seoir le plus dignement & le premier: & de fait, il chemine en prélat, après tous les autres membres, allant en procession.

Forbin. Je ne m'étonne pas si vous en parlez tant, ayant été disciple d'Esculape, qui voyoit le jour par le cul de sa femme.

Diogenes Laertius. Il y en a beaucoup qui voient le jour par le cul, comme vous diriez les chaudronniers, & ceux & celles qui travaillent de l'éguille, & les bons buveurs, qui voient le cul & le montrent aux autres. Mais comment voyoit-il le jour par le cul de sa femme?

Froben. Sur ses vieux jours, ce bon preud'homme épousa une femme Allemande. En allemand, une femme est appellée frau, c'est-à-dire, tromperie. Voilà pourquoi les dames Allemandes aiment mieux les François, que ces gros pifres d'Allemands, qui ne font que souffler & les injurier. Le pauvre grand bon hommet, quelquefois ayant veillé après ses études, & s'étant couché tard, s'endormoit: puis sur le matin, ainsi que toutes les femmes, après avoir été approvisionnées, (je vous le conte comme il me le racontoit) je voulois, disoit-il, à cause de ce bon vin grec, étant tapis dans le lit, fomenter ma complexion. Alors ma femme qui m'aime tant, qu'elle tire de son ventre pour me le donner, étant confite en humeurs, ouvrant les yeux, elle ouvre le cul & laisse aller une vesse ou une vesne épouventable, & qui, couvée entre les replis de gras double, a une odeur de tous les mille diables. Adonc sentant cette alenée postérieure, (femmes ont beaucoup de conduits, évaporant des parfums de plus haute odeur que civette) moi qui crains ces venues culieres, à cause de l'air mélancolique & coëde, qui, rendant le cerveau rélant, cause l'épilepsie par un effet de corrosion punaise, à quoi sont sujets les hommes du siecle qui sont mariés, (aussi pour cette cause, moines & prêtres sont plus longuement sains, d'autant qu'ils s'abstiennent de la fréquentation des femelles, joint que, s'ils les hantoient, l'odeur leur feroit bander la cervelle.) Je dis; je (sans plus faire de parenthèse) odorant ce spécifique exodin & abominable, je jette le nez hors du lit, ouvrant les yeux, de peur d'y avoir enfermé cette espece de vapeurs & corps momentaires, ne tombant que sous un sens; je vois le jour tout clair, parquoi me résous à me relever: & voilà un des bons usages de ce benoît cul.

Stat. C'étoit une vesniere que cette femme; & à cela je me souviens, lui changeant de nom, de ces messieurs d'Angers, qui changerent leurs noms, sur quoi un oyant qu'ils avoient mis du, de, ou le, &c. à leurs noms, dit: j'ai nom Vanier; & me nommerai le Vesnier.

Puc. Mais vous ne dites pas de celui, qui voulut servir de secrétaire à notre Prélat; & il avoit nom Meusnier. Monsieur voulut qu'il eût nom Mesnier; parce que, dit-il, mon ami, quand vous viendriez après moi, on diroit: meusnier touche ton âne.

Rabelais. Mais vraiment, pour mieux dire, cette femme étoit ou devoit être une belle grande vesse, d'autant que chaque espece engendre sa semblable.

Statius. Je ne sais pas qu'en dire; mais elle étoit fort haute à la main, & possible aussi au nez. Ce fut elle qui me mit une fois en colere. Vraiment, la porte en est bien étroite: joint que chacun sait que je n'y entrai jamais, qu'alors qu'elle m'appella beau vaisseau, & je l'appellai, belle vesse, elle. Lui faisois-je tort?

Licofron. Il faut avoir bien dur cœur, & encore en soupant, pour supporter telles paroles, & tant ordes.

Metrodorus. O le délicat! tu es né entre la merde & le pissat; & tu en veux conter! Mais à quoi est-ce qu'on connoît le bon cœur d'un homme? C'est quand il mange la merde, d'autant qu'il faut avoir bon cœur pour la manger. Après que vous avez bien senti les fleurs, vous entamez le fruit.

Leon Hebreu. Quel fruit d'abomination! Cela me contamine. Je ne serai net de trois fois sept jours. Je suis bien venu à l'heure de corruption; & pource, je suis d'avis que l'arbre, la fleur & le fruit ayons en abomination. O dà, je m'équivoque. Et qu'est-ce que je deviendrois? Je suis fils du ventre d'une femme. Fruit du ventre, c'est merde. Je suis donc merde. Ah! pargoi, bran & merde fine soit pour ce beau jaseur, qui nous a appris à syllogiser; le Lucifer des ténebres le puisse sigilliser & syllogiser en enfer!

Pitagoras. Tu es tant savant en tes spéculations, que tu es fou.

Diette.

VII. Je suis d'avis, mon ami du coude, du montoir, ou de quelqu'autre façon & race, que tu laisses arbre & fruit non vivant, id est, mort; & que tu l'aies en horreur ainsi que moi, & les Ecclésiastiques Romains, qui rejettent l'outil des femmes comme feves, dont il porte la figure, ayant la raie noire, & le bas contre mont. Notez bien feves, pour le symbole éminent qu'elles ont; c'est que, quand quelqu'un y a été attrapé, qu'une goule sans dents lui a donné une morsure; il est dit le roi de la feve: sur quoi je m'avise d'un beau ménage. Le Maugrin vit un jour sa chambriere, qui jettoit, en balayant, trois feves; elle lui dit: vraiment, baboine, ce sera-là ton mariage. Elle les prit, & les sema; & en eut d'an en an, assez pour la marier. Et de-là j'infere que, si le roi défendoit de mettre des feves aux gâteaux des rois, & qu'il prît ces feves-là, & les semât; il en tireroit un grand soulagement pour le peuple. Or, sans nous amuser à ces gueux de rois, si tu veux être libre, n'aie jamais de femme; parce que, si tu es marié, tu seras obligé; tu paieras la taille & la taxe aussi, & il faut que tu le fasses par contrat: ainsi sont tenus les gens mariés; ce à quoi les libres ecclésiastiques ne sont obligés, n'ayant affaire au particulier ni à la raye publique; que pour leur plaisir & récréation; & ce les après-dînées, & au temps d'ébat, non pour tenir femmes avolées toutes nuits, parce qu'à leur réveil ils sont obligés de dire leurs heures à jeun; & ils auroient bu de l'ordinaire, comme les Ministres; & on les accuseroit d'être hérétiques: tellement qu'ils auroient bu la façon de leur journée, ayant bu de l'ordinaire.

Lucrece. Je mourus par ce poison; toutefois c'est tout un. Tandis que nous sommes encore aux fauxbourgs, avisons un peu à ces trois filles; parce que celle-là, qui a dit que son cul avoit de la barbe, me fait souvenir de monsieur Libreau, Avocat à Paris. Cette mignonne étoit allée aux étuves, avec des dames de ses amies; & ce, par le congé de son mari qui étoit fort chiche. Sur quoi, les autres, qui avoient su qu'il ne lui avoit donné qu'un quart d'écu, s'aviserent de lui faire une méchanceterie: ce qu'elles exécuterent. Et avint que, comme elle fut retournée & couchée avec son mari, ainsi qu'il l'amignotoit & prenoit son jouet, il n'y trouvoit du poil que d'un côté. Voilà, dit-elle, mon ami, on ne m'a fait de la besongne que pour mon argent. Aussi je vous avois demandé demi écu. Que ne me le bailliez-vous? Cela a été cause que je n'ai eu le poil fait qu'à moitié; on n'a fait mon affaire qu'à demi. Cette remontrance fut occasion, qu'elle eut le lendemain un demi écu, pour se rajeunir par le bas.

Aretin. Les avocats & les mariniers ne sont pas de même opinion. Un marinier de Quillebœuf fit tout autrement, ayant été long-temps absent. A sa venue, sa femme, pour le récréer & rajeunir, avoit fait ras & net le poil de son chose; & ce maître rustaut, se voulant jetter sur elle, comme dans le fond de son bateau, & passant la main à la breche, & n'y trouvant point de poil, il méconnut l'étable ordinaire de son courtaut; & s'écria, en disant: ha! méchante vilaine, che n'est chi mie mon coin. Si est, dit-elle. Ne n'est: tu l'as laissé chez ces quenoines; va le quérir; va, je veux poil & tout. Il fallut qu'elle fût absente, tant qu'elle l'eût trouvé, d'autant disoit-il encore toujours: ce n'est point le mien; je le veux avoir avec le poil.

Seneque. Il m'est avis que cela n'est pas beau de parler ainsi des femmes. Il semble que vous en dites, comme si elles n'étoient pas femmes de bien.

Perse. Vous avez raison, mon pere, mon ami; vous êtes digne d'être empereur, d'autant que la reine d'Egypte vous aime (parlez bas, de peur de ce que je ne sais, tant j'ai de peur de faillir). C'est de par le gibet, aussi je me souviens que l'année que j'étois Recteur en l'Université de Paris, sous le nom de Marius, ce grand Consul Romain, je vis prendre une maquerelle du bourg de Four. La raison étoit qu'elle se battoit avec une autre, qui lui dit; ha! chienne, tu veux ici faire de la reine d'Egypte. Tu as menti, dit-elle; je suis femme de bien. Quant aux fillettes qui sont du tiers ordre, je les plains en ma conscience. Hé que j'ai bu! Je pense que je sors de propos, & vais de la truye au levain.

Archimedes. Qui sont celles que vous appellez fillettes?

L'autre. Chacun en dira sa ratelée, m'ayant oui.

Annotation.

VIII. Fillettes nous disons, celles qui sont capables de rendre compte par déduction; ainsi sont-elles propres au déduit. Il y en a généralement de trois sortes, & ceci pour simple intelligence de ce qu'on dira tantôt. Notre bon ami que voici, (je ne dis pas vessi; mais chassez ces chiens; ces femmes ont vessi). Or donc il y a trois ordres de ces commeres. Il y a celles, qui tiennent rang entre les femmes de bien; il y a des filles d'église, lesquelles demeurent aux cloîtres, actu, aut potentiâ, vel potestate; & les autres, qui sont comme à Geneve, à Camp de Fior, près de Lorrache, celles-là sont du tiers ordre. Hélas! l'autre jour, je fus tout embaumé de commisération, pour une pauvre petite qui pleuroit chaudement. Les larmes lui tomboient des yeux, de la grosseur de cirons d'Inde; & crioit que ces brigans de sergens, & autres de telle étoffe, leur pilloient en un jour tout ce qu'elles avoient pu gagner en un mois, à la sueur de leur corps. Puis, après cela, elle rioit avec les autres, se réconfortant, & par dépit disoit: mais dis-moi, hé! maquerelle ma mie, s'il y avoit en un sac un sergent, un meunier & un coûturier; qui sortiroit le premier? Voire, voire, dit-elle, à tout ce qu'elles répondoient, ce seroit un larron. La femme de mon compere Bignon les regardoit, toute ravie de voir ces garces ainsi affligées, & incontinent consolées; & en cette entente, elle étoit je ne sais comment assise, & si bien qu'en dà presque paroissoit le but mignon de ficherie? Son mari, qui l'apperçut, lui dit: ho! ma mie, venez ici, & fermez la boutique, il est aujourd'hui fête. Je vous dis vraiment qu'en se remuant de cet état, où elle étoit si proportionnément assise, je vis ce qui se peut voir de son gardon à la dérobée.

Quintilien. Quelle cornucopie est ceci? Quel nom amenez-vous?

Seneque. Encore avez-vous bien dit, d'autant que la copie & les originaux des cornes se font illecque.

L'autre. Je vous dirai. Le bon homme Genebrard avoit épousé une jeune, belle, mignonne femme, avec laquelle étant couché, l'ayant baisée, il mit la main à son comment a nom, & le tapant, dit: gardon, ma mie, gardon. Ce qu'il continua souvent, sans autre effet. Le vendredi d'après, la chambriere (c'étoit à Paris, où les servantes, qui vont à l'emplette, gagnent le moins de gages) eut commission d'aller à la poissonnerie, & demanda à sa maîtresse ce qu'elle apporteroit. Ce que tu voudras, dit la dame. Apporterai-je des gardons? Va à tous les diables! Je n'orai jamais parler ici que de gardon.

Ganpil. Vous faites bien de les nommer gardons, à cause des gardes que nature y a mises, lesquelles si elles n'y étoient, vu cette grande solution de continuité, les femmes seroient toujours enrouées. Et c'est merveille comment, cela étant si déjoint, il est toute-fois si conjoint.

Sapho. C'est une décoûture au bas du corps; ce qui avint, quand Jupiter eut coupé l'androgine. Il commanda à Mercure de recoudre le ventre à l'un & à l'autre; cela est cause que le ventre est si délicat. Il cousit l'homme avec un lacet trop long; tellement qu'à la fin de la coûture il en resta un bout. Et cousant la femme, il prit le lacet trop court, si qu'il y eut faute, & il y demeura une fente, faute de points. Et en avez-vous? Mettez cela en la boëte au saffran. Mais encore, messieurs les savans, savez-vous bien les sept merveilles du monde? Vous ne dites mot. Je vous ferai savoir de belles choses, si je veux. Or préparez-vous à ouir. Ne vous recordez-vous point que les souris courent en la paille, sans se pocher les yeux? Je vous dirai des secrets plus notables, & qui contiennent toutes sciences. Les sept miracles, ou merveilles, sont 1o. Une poule noire, qui fait un œuf blanc. 2o. Le vin clairet, qui est beu comme le vin blanc, & pissé blanc non rouge. 3o. Le bout d'un homme, qui n'a point d'oreilles, & oit quand on parle d'accrocher. 4o. Le cas d'une femme, qui est un vaisseau qui a la gueule contre bas & est étanché. 5o. Le paillard outil d'un amant, qui se bande sans guindal, de lui-même. 6o. Le bouton d'amour d'une femme, qui tire la moëlle des os, sans le casser. 7o. Et le cul, qui se ferme & ouvre, comme une bourse, sans tirans. A, a, a, ha, hé. Toute la compagnie se mit à rire; & nous nous trouvâmes joyeux & alegres, comme une belle troupe de jeunes ou nouveaux cardinaux.

Batile. Vraiment, Sapho, vous avez tort; vous êtes bien salaude: jamais vous ne direz rien de net. Non, dit-elle, non plus que la Soldée ne peut jamais faire de beurre net.

Quintilien. Je vous prie de nous expliquer votre dire.

Sapho. Par mes amours, je le veux: mais me direz-vous la vérité de ce que je vous demanderai?

Quintilien. Oui.

Sapho. Si mon cul vous baisoit; le baiseriez-vous?

Quintilien. Passe outre.

Sapho. Quelle difference y a-t-il entre votre nez & le cul du chien? Le cul du chien a le poil dehors, & votre nez dedans; ainsi différent vérité & raison. Si votre nez étoit en mon cul de derriere, il seroit vérité; mais ce ne seroit pas raison qu'il y demeurât. Or voilà comment je leurre ces savans; que le dianche les puisse saupoudrer. Ils ont tout leur engin en la cervelle. J'aimerois autant qu'un savant, qu'un pédant, qu'un de ces doctes de lettres me fichât une cheville en l'œil, que me copuler amoureusement, tant leur consuétude est fade. Il n'est que bons compagnons, qui savent la mignotise pour s'en ébattre; & non point se faire payer pour cela, comme ces entendus, qui, à vrai dire, sont veaux de double pelisse. Mais avant; & puis. Là, vous me voulez remettre; j'y suis, bien que ce ne soit pas là, ains autre part, qu'il me démange. La Soldée étoit une honnête beurriere de Bourgueil en chrétienté: (c'est auprès de Touraine, & non en Touraine. Si cela fût avenu en ce pays là, on n'en eût fait que rire, parce que les fous y croissent comme en votre pays, monsieur le Lisart). Un jour devisant, son mari lui reprochoit sa saleté. Vraiment, ma commere, tu ne saurois faire de beurre net, tant tu es mal propre. Agà, si ferai; j'en ferai, & le ferai si net, que t'en ferai manger; & le salerai pour ton carême, que je te ferai mieux faire, que ne font les moines, qui mettent du sain doux en leurs choux en carême, pour épargner le beurre par humilité, à cause des hérétiques de Saumur. Or bien notre Soldée (qui étoit aussi propre que la femme de Périclès, qui se torchoit le cul au bout de la nappe, & presque aussi sotte que celle de Tite-Live, qui, voyant des béliers, demandoit ce que c'étoit qui leur pendoit encre les cuisses: c'est leur couille, dit gros Jean. Comme elle vit venir les brebis, & voyant leur pis enflé, elle disoit: elles ont belles couilles, nos brebis.

L'autre. Ainsi Pindare, hier, dînant avec nous chez Mécénas, louoit fort une bonne tétine de bœuf routie, & mise à la sauce douce. Mais n'oubliez pas le beurre: c'est la douceur d'entre les jambes.

Madame. Vous êtes si sage, que vous êtes fou.

L'autre. Ho, ho, gardez-vous de prononcer, ainsi que fit Charlotte à Blois; durant les états, que nous étions avec ce moine de Bourmoyen, qui rioit tant avec trois nonnains. Le voyant ainsi rigolant, je dis tout haut, ce moine est fort crêté & frétillard après ces nonnains. Voire, dit Charlotte, il est fou trois fois la semaine.

Denis. Sec, frere Jean, il le feroit neuf fois, à chacune trois fois, sans les autres; outre cela il aime bien besogne d'église faite.

Micleot. Il n'en est pas toujours si ardent; il est feru, comme un chien d'un bâton. Si on lui dit: allez à l'église. Qui y est? Ils y sont tous. Ils sont donc assez. Une autre fois: qui y est? Il n'y a personne. Je n'y ferois rien tout seul.

Hésiode. Vous vous êtez trompé du lieu: cettui-là étoit de Mermoutier, c'est-à-dire de la mer des moûtiers.

Denis. Non étoit.

Hésiode. Si étoit.

Denis. Vous avez menti bien humblement.

Hésiode. C'est vous, si je puis.

Denis. Mais bien vous, sans vous faire tort.

Hésiode. Mais vous, sans péché, comme disoit mon compere Guillaume. Et bien, mon ami tant gai, où est le temps que nous besongnions ces belles garces, çà & là, sans offenser dieu?

Madame. Paix, paix.

Hésiode. Bien je reviens, je le sais, je ne dis rien sans en être bien informé, & tout de même que l'étoit Hérode qui radote: & par ma digne conscience qui est aussi nette de mensonge, que d'ulcere le corps d'un vérolé.

Bénédiction.

IX. Madame. N'oubliez pas le beurre, encore une fois.

Sapho. On dit que les femmes sont grandes parloires; mais vous l'avez gagné à ce coup sur moi; & est venu à propos, parce que cela est cause qu'encore aux carmes, à Paris, on crie: (n'oubliez pas le beurre.) Or donc Soldée, ayant reproché à sa femme qu'elle ne feroit jamais de beurre net, parce qu'elle n'étoit pas si propre que mademoiselle de Lausnai, (qui, pour aller au privé, prenoit son masque, sa devantiere & tout son harnois à chevaucher, pour mieux serrer les poings, c'est-à-dire, chier; d'autant qu'une femme, faisant du gros, serre les poings; faisant du menu, elle les dilate. Mais, belles dames, ne soyez dégoûtées de beurre, à cause de ce que je dirai; ainsi que le fut la fille du président de notre ville, qui fut plus d'un an sans en manger, parce qu'elle avoit oui beautems raconter; comme ayant couru plusieurs postes, & étant à Moulins, il prit un parchemin, (C'étoit le contrat de mariage de la dame de la poste) & le couvrit de beurre qu'il se posa au cul, qu'il avoit tout effleuré sans croupiere. Ce beurre ne fut jamais mangé: celui de Soldée fut fait avec beaucoup de propreté. Elle avoit pris une chemise blanche, une gorgerette, un garderobe; bref elle étoit en beau point, & si propre qu'un jeune coureur de fortune l'eût volontiers encochée. Ainsi ajoppée & bien lavée, elle se mit environ son beurre. Son mari tout émerveillé, considéroit cette grande aventure: & déja espéroit que sa femme le feroit mentir, tant son cas étoit propre. Le beurre étant prêt, mis en livres, demi-livres, quarterons, & n'y restant plus que la petite façon dessus; (c'est que les biens-disans disent le verbe, le garbe, ou comme vous voudrez.) Cette joliveté s'y faisoit avec un petit bois taillé, qui étoit enveloppé dans un linge net, & mis sur le badaut. Badaut est un engin qui tient au plancher; & ainsi plusieurs badauts y a qui ainsi pendent vis-à-vis. La Soldée, voulant prendre ce petit bois sur ce badaut, monta sur une selle à trois pieds. Qu'au diantre soit celui qui fit la maison, où fut marié le pere de l'évêque, lequel sacra le prêtre, qui maria la mere de celui qui forgea la cognée dont fut coupé le bois où fut émanché le pic, dont on releva la terre, pour planter l'arbre, duquel fut faite la premiere selle à trois pieds. Comme cette pauvre femme, si propre, s'élança de dessus sa sellette; voilà cette abominable selle qui va broncher, & ma pauvrette: ayant une jambe en l'air, & autre assez près, qui coula avec la selle, va faisant une petite ruine, sans se dépécer, & tomba si à point, pour n'être pas offensée, que son cul donna en plate forme, & si proportionnément dans sa gidelle sur son beurre, qu'elle le remit en chaos, défaisant toutes ces figures distinctes; & le repaîtrit malheureusement par la pesanteur de son fessier, qui, de la roideur du coup, étampa l'impression de ses fesses si abondamment, que le beurre en fit la vénérable remembrance en creux.

Rabelais. Vous avez vu des culs relevés; si vous en voulez voir de creux, faites faire tel essai; il n'y a rien de si propre à mouler fesses fermes, que beurre frais. Je l'ai appris des Ecossois Insubériens, qui se délectent à la vue des fesses, parce que là est la parfaite beauté qui ne se hâle point. Ho! dit maître Jérôme, vous m'avez blessé; & là, le nez; je n'y joue plus. Achevez.

Sapho. La soldée bien étonnée, se résolut en sa disgrace; & pour réparer son désastre, se mit à arracher de son cul à belles mains, le beurre qui y étoit attaché.

Hypocrate. Mais les chymiques disent qu'ils cherchent les esprits: & de là il sembleroit que vous voulussiez conclure que les femmes ayant plus de cul, eussent plus d'esprit que les hommes.

Celsus. Cela est vrai, & y paroît. Qu'ainsi ne soit; une fille de sept ans pissera plus gros que ne fera un garçon de dix-neuf, comme étant plus coupable, & partant ayant davantage de jugement.

Oronce. Vous ne mettez en avant que des redites. Que pensez-vous? Croyez que plusieurs savent ce qui se fait ici. Qu'y ferez-vous, puisqu'aussi-bien tout ce qui est dit ailleurs est pris d'ici, qui est la source de toutes sciences? J'ai étudié plus de cinquante ans en ce livre, tant je l'ai trouvé de savoir inépuisable.

L'autre. Boute, mon ami, boute; écris tout ce que nous disons; tu transcris & nous récitons par cœur; & puis un bon œuvre n'est jamais prescrit.

Prician. Ceux qui disent: j'ai vu ceci ou cela autre part, sont des chétifs averlans. Quand on mange d'un chapon, est-ce le chapon qu'il y a plus de cent ans qui fut mangé & chié?

Quelqu'un. O que vous dites bien, sage vieillard, que vous avez un bel âge.

L'autre. Ne vous déplaise; je vous dis que vingt-cinq ans est un plus bel âge; & n'en déplaise à Caton, qui disoit tantôt qu'il étoit si bon compagnon, qu'à l'âge de soixante ans il le faisoit encore deux fois.

Caton. O! lourdaut mignon, mon ami; c'est une fois en été, & l'autre en hiver. J'aimerois autant le vieil médecin qui me nommoit son fils, quand il me voyoit, & je l'appellois pater, parce qu'ils sont relatifs: il disoit qu'en son vieil âge il le faisoit mieux que jamais, d'autant qu'il y étoit plus long-tems, & y prenoit beaucoup plus de peine; & qu'aussi son instrument étoit plus fort que sa jeunesse, parce que jadis il se bandoit seul; & maintenant, encore qu'ils fussent deux, si n'en pouvoient-ils venir presque à bout.

Cettui-ci. Tandis que nous tenons ce médecin, je veux dire comme il me gaussa l'année que je me fis chanoine; sur quoi vous pourrez apprendre pour votre usage, un des plus exquis secrets de ce monde, nature étant restituée; ce fut en la présence d'un médecin & d'un financier. Il me dit donc: il y avoit un badin (notate verba, & colligite signa; ainsi disons-nous, nous autres Latins) qui ayant fait une grande remontrance à son fils, sur ce qu'il devoit devenir, lui proposa l'infidélité des marchands, la déloyauté des gens de justice, les impostures des médecins, toutes les voleries des financiers, la tromperie des artisans, la perfidie des précepteurs, touchant au vif ceux qui, de toutes ces sortes, ne sont pas gens de bien. Puis après, il lui demanda quelle condition il vouloit suivre? Le fils ayant justement pensé, lui dit: mon pere, je ne veux aucun de ces états que vous avez dit; je desirerois être de la vacation de ceux qui portent des peaux de veau sur le bras gauche. A cela je réponds: grand merci, monsieur; hachez menu, la chair est dure; touchez-le doucement, je hais la peau délicate, ne le sanglez pas si fort, qu'il ne pette. A cela il me tend la main (or avoit-il femme jeune & belle encore;) j'avance main; & prenant la sienne, je lui dis bien humblement: voici la main de celui qui, dieu merci, a besongné mademoiselle votre femme, ou n'a tenu qu'à lui. Je parlois de la sienne; & il ne l'entendoit pas. Et dà, pourquoi est-ce que nous portons l'aumuce? c'est-à-dire, cette peau sur le bras. (Cette peau de veau, à propos de vous, qui disiez tantôt… Or là, dites. Le bon homme étoit tout pensif de ce que je lui avois dit, aussi-bien que mon procureur, qui a belle jeune femme, auquel parlant des femmes, je lui dis: par mon serment, cousin, j'ai besongné votre femme aussi-bien que vous. Il est vrai, peuple ententif, parce que je ne le besongne jamais, ni elle aussi: je les avois donc besongné l'un comme l'autre.) Alors je dis à mon médecin: il faut que je vous le déclare, pour vous ôter de songerie; c'est signe que nous ne mourrons pas en la peau de veau comme vous autres.

Properce. Que ne savois-je ces belles réponses, & ces doctrines! Je suis fort déplaisant, & meurs de regret, que je n'attendis à écrire, pour être le secrétaire de ce simpose, qui m'eût plus apporté de réputation, que n'en auront tous les écrivains, toutes les écritures & tous les écrits ensemble. Or c'est tout un; j'ai la copie des discours, tant verbaux que couchés par écrit, comme disoit notre avocat: je me tiens à mes demandes faites par requêtes verbales, desquelles la copie est en mon sac. Et voilà comment je me tiens aussi à ces futures sentences qui sont ja écrites. En outre, je prévois pour tout que ce banquet sera le grand, unique & universel sur tous autres, & monarque des simposes œcuméniques.

Zoroastes. Je suis tout ému d'esprit prophétique, & connois devant & derriere qu'ici se résoudront toutes les questions du monde; ainsi qu'il est ordinaire, que sans le boire & le manger, on prend, on a pris & prendra occasion d'enseigner cela qui est tout parfait; & comme la vérité & la vanité, l'excellence & la sottise s'affrontent, l'un & l'autre se pratiqueront en ce lieu; & on verra souvent la gloire proposer à son client l'honneur du premier lieu à la mangeoire, comme aux privés publics, on s'entre-fait place honorable pour fianter glorieusement; & même à Genève l'assiette, pour poser le fondement, est aussi nette que le tranchoir sur lequel vous mangez.

Texte.

X. Comme j'étions ententifs: & qui sommes nous? Je sommes ce que je sommes; je jouons. Et que jouons je? Je jouons ce que j'ons. Et qu'ons-je? J'ons ce que j'ons. Ons-je en jeu. Si je n'y ons, j'y fons. Foin, ces Parisiens-ci me troublent. Paix, ou que la merde vous puisse baiser.

Gualter. A propos, si vous étiez en prison environné d'étrons, qu'aimeriez-vous mieux, ou en sortir par amitié, ou par force? Par amitié; il faudroit donc les baiser les uns après les autres. Par force; il faudroit donc leur donner à chacun un coup de dent. Et vous, taisez-vous, que j'acheve; & que nous prenions garde à tant de parfaites doctrines. Quelques-uns de la compagnie, pour faire une pause récréative, se donnerent le petit mot du guet. C'étoit la fleur des plus sages, qui firent un complot de gaieté, pour faire rire la compagnie; & allerent en une autre chambre, inventer une comédie à l'Italienne. Je vous dirai qui furent ceux-là, à la charge que, si vous le dites, & qu'il m'en soit fait quelque reproche, le diable vous emporte. C'étoient Socrates, Plutarque, Rabelais, Gaguin, Luther, Ronsart, Pindare, Marot, & quelques autres de même farine & pareils brans, & assez sages & fous pour contenter le monde.

Lucien. Quelle différence mettez-vous entre farine & bran, vu que la plupart de ceux-ci sont, comme dit l'autre, tournés en farine de diable?

L'autre. Vous ne changerez jamais, encore que notre bon ami Pithagoras vous ait fait passer par son alambic; si est-ce que vous êtes toujours de même; & je crois que c'est vous qui en êtes la vraie farine de diable, d'autant que Dieu vous fit bon comme farine, & vous êtes méchant comme bran. Et afin que vous le sachiez, je vous dirai d'où vient ce dictaire; je me dépêcherai, afin que le bon homme ait son sac. Il y avoit un pauvre petit paysan, qui avoit quantité d'enfans, & n'avoit point de pain pour leur donner, pour lors que la famine pressoit. Une nuit s'étant endormi de tristesse, il songea qu'il trouva le diable qui le consola, & lui dit que, s'il vouloit, il lui donneroit de quoi bailler à dîner à son menu peuple, & là-dessus le mena en une forêt obscure où il lui montra de grands sacs pleins de farine. Le paysan ébahi & aise, dit: mais comment trouverai je ce lieu, si j'en pars? Le diable lui dit: eh! chie auprès, pour le remarquer. Le triste pauvre homme s'efforça, & fianta dans le lit, plus que six ladres constipés ne feroient par un clystere enforcé de quadruple dose de fine bénédicte. A son réveil, il trouva le bran, en quoi s'étoit réduite toute cette diabolique farine.

Lucien. Mais encore, puisque vous y êtes, déclarez-nous un peu d'où vient ce bon mot, afin que le bon homme ait son sac.

Guevarre. Cela avint en Anjou, en un bois qui est près de la Rochefouque. Un gentilhomme avoit fort recherché une demoiselle du pays, sienne voisine, qui ne l'osa accommoder de son ustensile, parce que la commodité ne s'y offroit pas, & que possible, lorsqu'il le vouloit, il y en avoit quelqu'autre (& notez, qu'il n'y a que ces deux raisons, avec celle qui a été dite tantôt, qui empêchent les femmes de prêter leur gnomon.) Un matin cette demoiselle, ayant affaire en une sienne métairie (possible alloit-elle voir un de ses amis) passant à travers ce bois, fut rencontrée du gentilhomme, qui alloit giboyer & n'avoit en main que son arquebuse. Le gentilhomme prit la rencontre, & dit à celle-ci: vraiment, il y a assez long-temps que vous m'attermoyez. Je vous prie que ce soit à cette heure; il y a toute occasion à propos. Hélas! lui dit-elle, que pensez-vous faire? Attendez à une autre fois. A cette-ci, & à une autre, tout sera bon. Mais quoi! je suis en manteau; je me salirai toute. Ce gentilhomme, levant la tête, vit un pied-gris passant auprès d'eux, lequel avoit un sac. Il le prit, & lui dit: compere, attendez-moi. Ayant ce sac, il le lui montra. Et bien, dit-il, voilà pour mettre sous vous. Elle, se voyant pressée, & qu'il falloit passer par-là, en dépit qu'elle le vouloit bien, lui dit: là donc, dépêchez, afin que le bon homme ait son sac. Achevez, je vous prie. Socrates, comme le plus fou (ainsi disent ceux qui passent une porte: je passerai le premier comme le plus fou; ergò, les autres fous en leur présence, à leur nez, & sans contredit. Mon sot de valet ne fut pas si sot. Un soir qu'il falloit porter la chandelle, pour éclairer aux gens d'honneur qui sortoient, il ne vouloit jamais passer devant, disant que l'honneur ne lui en appartenoit pas. Cette petite bande entra de même, & le sire Socrates marchant en gravité posée, comme monsieur le chantre de Paris aux bonnes & nobles fêtes, ayant toussé, & s'étant monocordisé sur son geste, préparé en pompe minoise, après avoir remué sa trogne scientifique, ainsi que voulant annoncer quelque grande chose avec un accent admirable, va dire: hem, hem, hem. JE SUIS. Et ainsi qu'il faisoit une trop grande pose présidentale, pour exciter à émotion audienciere, la reine d'Egypte, qui vraiment y étoit par honneur, se fâchant d'attendre si long-temps, ajouta à son propos, UN SOT. Tout le monde, jusques aux anges & aux serpens, sans les pierres et les cailloux qui en creverent, se mit à rire si fort, que la mule du Curé de Saint Eustache en foira de si pure joie, que la vie lui en faillit par le fondement. Ainsi la farce fut gâtée & tout le cidre répandu, & la gentillesse remise à une autre fois; & chacun fit comme aux nôces.

Arnob. Vraiment, Socrates mon ami, tu devois bien y aller. Et que diable! tu es fat, de te faire moquer de toi, sous ombre de l'opinion que tu as d'être savant & sage, plein de doctrine comme la gibeciere d'un hermite frais tondu. Voilà ce que c'est, tu es présomptueux; parce que tu n'as fait toute ta vie que chanter aux latrines avec les couillaux.

Barlet. Parlez net.

Arnob. Je pensois dire lettrain avec les choriaux, ma langue a suivi l'usage commun. Ne savez-vous pas qu'il y a des églises, où les chanoines ont des vicaires qui font pour eux, & sont dits choriaux? Mais, parce que ce nom est rude, les filles ont inventé de dire couillaux; comme celle qui disoit qu'elle ne vouloit pas que l'on tournât son nom, de peur que l'on n'y trouvât quelque couillonnerie: elle vouloit dire quelque coyonnerie. C'est tout un, la douceur en vient.

Sinode.

XI. Par la vertu de l'herbe de la Saint-Jean, penses-tu qu'il te sied bien de faire le fou? Ces grands sages n'ont point d'esprit à boufonner; ils ont l'échine trop plate, le col trop roide & la cuisse trop avalée, & s'ils s'en veulent mêler, cela avient, comme une huiliere à coëffer une reine, tellement qu'ils trébuchent si roide, qu'ils paroissent fous de haute alkimie, & au-delà. Tandis que César écoutoit ceci, son laquais, qui depuis fut roi d'Espagne, étoit derriere lui, pour avoir de la chair. Etant importuné, il se retourna, & lui dit: cap de biou, mon laquais, je vous donnerai mornifle: & tout sert. Si tu veux de la chair, prens-toi au fesses.

Boece. Il a mis cela en effet, & est cause qu'il y a tant de dames bossues, d'autant qu'il savoit en plusieurs lieux que celles qu'il attraperoit, il les happeroit aux fesses; comme étant les plus savoureuses & mieux faisandées, joint qu'il étoit assez aisé parce qu'alors les dames n'avoient point de culotte. Il est vrai, (oui; je ne dis point comme les autres fois, quand je mentois par oüi dire. Je l'ai vu): c'est que pour crainte que cela n'avînt, plusieurs ont fait faire des calleçons, ou brides à fesses, afin de se garantir; & les autres, qui n'avoient pas cette industrie, pour sauver leur cul, craignant la dent laquaïsme, ont mis la chair de leurs fesses sur leurs épaules. Cela est donc cause des bossues. Vraiment, si elles engendroient leurs semblables, bientôt le monde seroit bossu. Fi, fi; il ne le faut faire qu'aux belles; la bosse leur sert de grace: & puis tous choses sont choses. Sec, gardez-vous de cheoir, madame Safy, il y a un grand trou devant vous; si vous mettez le pied dedans, vous vous gâterez.

Madame. En dà, si vous aviez le nez dedans, & deux autres de même autour des deux yeux, vous auriez une belle paire des lunettes.

Boece. Taisez-vous; vous êtes belle. Que sera cela? Les belles se font prier, & les laides prient; chacun fait ce qu'il peut pour vivre. Pourquoi faire des lunettes?

César. Pour mieux voir.

Boece. De quoi voit-on le plus?

César. Des yeux.

Boece. Si votre nez étoit en mon cul, vous ne verriez que des fesses.

Le bon homme. Que voici de sentences accomplies! Que vous êtes heureux, vous qui les savourez, tandis que ceux-là boivent sans nous ouir; & je gage que; vous auriez beau dire, ils ne l'entendroient pas, d'autant que ceux qui oient en beuvant, tiennent de la ladrerie, comme le tient & afferme Janotin, maître apothicaire, du métier dont il se mêle.

Socrates. En dà, vous avez mieux dit qu'un four, & n'avez pas la goule si grande. Pourquoi fait-on des fours?

Elphis. C'est pour cuire du pain.

Socrates. Voire, le niais! C'est pour cuire.

Elphis. Va te promener; & me dis la raison, qui fait que l'on boit les uns aux autres?

Socrates. C'est parce que celui qui boit perd la parole, & devant qu'il lui avienne mal, prie que l'on l'assiste s'il lui survenoit danger; tandis qu'il est ainsi entre la vie & la mort, comme une ame qui sort de purgatoire, ou qui pense y aller. Je ne m'y connois encore guère; je suis à pardonner, parce que ce pauvre homme possible est prêt à se noyer.

L'autre. O vous trois fois pleins de béatitude, qui, accomplissant votre félicité, venez lire, étudier & méditer ici nuit & jour, pour trouver la pierre philosophale, que j'ai cachée en ces traits plus finement, occultement, clairement, & patepeluement, que ne firent oncques Gebert, Théophraste, Lulle, ou autres affineurs; mais de meilleure grace, & de front plus minon, pour la rendre plus aisée à trouver, & divertir les beaux esprits qui consument trop de temps au feu; & les inciter plus gaîment à poinçonner leurs intellects, qui, pleins de concupiscence célestes, s'agitent après ces fideles commentaires. Et encore, messieurs, un mot en passant. Là, croyez-vous, dites, que toutes ces bonnes gens fussent ici, & que ceux du temps à venir y étoient? Nous avons celé les noms de quelques-uns, de peur qu'ils fussent reconnus, & que plusieurs allassent au-devant, quand ils viendroient, pour leur ôter leur argent, comme font les gentilshommes, en tems de paix. Or je vous avertis que j'en dirai un; voire sans rien nommer, c'est que, d'ici à plusieurs jours, l'empereur entendra le midi; il sera fils d'onze heures; il mettra le midi à une heure, comme à Bâle en sottise (je cuidois dire en Souisse) Pardon, Souissercons; je vous tiens pour gens de bien, deussai-je mentir. Le petit diable de la nouvelle étoile vous puisse chatouiller, pour vous faire rire. Et dà, vous en grincez déja les dents. En ce tems si tranquille de cette benoîte aventure impériale, personne ne fondra dispute ni secte, que pour se réjouir sur l'intelligence de ces mémoires, qui seront divisés en dix-sept parties, à l'honneur des dix-sept Provinces philosophiques; & on les reverra avec une attention. Même il y aura devant ou après un beau joyeux petit prélat de Basse-Bretagne, qui traduira ce code en toutes langues, depuis celle de bœuf, jusques à celle de carpe pour le carême, & mettra par rôles les colomnes de cet original, de peur des fausses positions, afin de secourir les enfans de la science, & y fera-t-on des commentaires, comme sur une pannerée d'air, une aulne de tems, une poignée d'ombre, & une coudée de vessi, bon, chaud & humide, frayant comme un limaçon sans coque. Mais quelque difficile galopin de piéfayés me viendra faire ici une distinction, (je parle ici des hérétiques comme de chiens, parce que les gens de bien rient toujours comme à eux tous seuls, auxquels la joie appartenant & prenant en bonne part, louent l'intention telle que je l'ai, qui est de profiter comme une poule égarée au renard) & pensera, ce clabaut, me montrer quelque faute ou erreur, d'autant qu'il ne l'entend pas; ou bien il est une bête, parquoi se faut taire, de peur de honte: si on oit ou voit quelque gentillesse, il ne la faut point juger; mais en rire & l'admirer, comme les Italiens & Espagnols qui font la finesse. Or, que ce mignon ne me fâche point. Que s'il le fait, cordié, morgoi, sandé, &c. Je sais bien que je rapporte tout à propos; & ainsi que je lui dirai qu'il est un sot, par maniere de dire; & moi, pauvre pifre, me prens-tu pour un apprivoiseur de mouches? Que l'aze te puisse saillir en place. C'est une belle chose de savoir tout! C'est que notre langue françoise est la plus ample de toutes. Sic probo. Elle a le plus de termes, pour remarquer la copulation, qui est cause que tout est produit. Ergò, elle est la plus produisante.

Barrelette. Voilà dit cela; & si vous êtes si pauvre de ne l'entendre pas, je vous le ferai entendre.

Tome.

XII. Entendez donc que les bêtes chevalines saillent, les ânes baudouinent, les chiens couvrent, les pourceaux souillent, les chevres forboucsient, les taureaux vétillent, les beliers empreignent les brebis, les cerfs rutent, les poissons fraient, les cocqs cochent, les chats margaudent. Cherchez les autres; j'ai hâte. Mais que font les hommes avec les femmes? Ils font. Quoi font? Cela: proprement, c'est le faire. Je dirois bien comme disoit hier madame, qui se promenant en l'isle sauta un fossé, & je lui aidai, & sa coeffure demeura: vraiment, dit-elle, se remontant de tête; j'ai perdu je ne sais quoi; je laisse tomber ma coifoutre, c'est-à-dire, ma coeffe, outre ce fossé. Encore n'est-ce pas tout; j'en hais ce fat qui vient blâmer notre entreprise, & me dit: vere; Socrates n'a pu y être avec vous où l'on boit & mange, puisqu'il est mort. Va, prophete de Mahon; il y a long-temps que tu aurois le cul écorché, si les veaux portoient croupieres. Ne sais-tu pas bien qu'il y a provision pour tous? Les chairs des bêtes sont pour ceux qui ont corps & ames; & si les bons trépassés nous sont venus voir; ne seront-ils point fêtoyés? Tu admets les banquets des dieux; tu y fais des songes creux, & les admire: & nous ici, riant de ta sotise, nous avons recouvré de ces cuisinieres du temps passé; qui savent apprêter cette viande nommée Pheros, mangeaille de dieux, & béchées de déesses, qui se fait de divers apprêts & parties des ames de bêtes assommées, lesquelles par ce moyen sont consommées. Sachez que ces douillettes ames toutes chaudes, sont fort délicates, & étant assaisonnées de fumées & quintessence de nos sauces à l'ombre de votre feu, à l'odeur de vos épices, aux vapeurs de votre rôti, & de toutes les délices du monde, faisant bonne chere, elles sont confites en goût trop délectable. Voire, oserois-tu point dire que; sitôt que l'animal est jugulé, c'est pour te faire plaisir & t'apprendre; (comme disoit la vieille à Jean Hardi. Ce compagnon étoit un de nos closiers, qui avoit une belle jeune femme. Il avoit aussi une vieille servante: tous trois n'avoient qu'un lit. Une fois, que sa femme s'étoit levée pour aller pisser, cettui-ci, ne s'en étant apperçu, & désirant évacuer nature ritillante, se jetta sur la vieille, pensant que ce fût sa femme. Comme il s'en fut avisé, il cuida s'ôter. La vieille lui dit: ne bougez, ne bougez: ce n'est pas pour bien que vous me fassiez, ce n'est que pour vous apprendre.) Si vous en parlez davantage, vous gâterez tout; vous rendrez honnie toute la doctrine des colléges; & n'y aura plus de plaisir de s'étudier après les fadaises de la science des poëtes anciens. Si vous déclarez ainsi le secret des esprits, vous troublerez l'apothéose, (je voulois dire: vous découvrirez le pot aux roses.) Pensez-vous que ce soit bien fait? Je ne dirai pas tout: non, je ne veux que reprendre ceux qui pensent que l'animal, étant comme mort, le soit; & pour l'amour de vous, je ne vous ferai qu'une démonstration. L'ame du brochet ne s'en ira jamais, que le brochet ne soit cuit, d'autant qu'elle veut être mangée plus cordialement par quelques beaux esprits. Qu'ainsi ne soit; ne voyez-vous pas ès cuisines des grands, que l'on en met le cœur sur le bout de la table, pour voir si le corps sera cuit? Certes ce cœur remuera, tant que la cuisson soit parfaite. Je me retiens par le bon, vraiment; & je fais bien, parce que je dirois choses & autres, au préjudice des bons garçons, qui n'ont conscience qu'en apparence, & cependant cuident que, tandis qu'ils sont dispos, ils accommodent à cœur gai ces fillettes, depuis que l'on en a fait conscience, & que ces hérétiques ont parlé de réformer, comme ceux de Geneve qui veulent que ceux, qui vont demeurer en leur ville, aient lettre d'habitation authentiquée; & toutefois ils ne veulent pas qu'on habite. Nous n'avons point eu de bien, depuis que les talons des souliers ont été aculés, & les andouilles ont pué la merde. (En tout honneur, il est aussi aisé que de dire, jeu sans vilénie, quand on dit feutre à fourche, & fourche à feutre.) Et les secrets ayant été ainsi étalés devant le monde, les gentillesses sont allés au bourdel, & les excellences se sont changées en vétilles. Et voilà que c'est de parler devant le monde; par quoi je ne veux plus rien dire de rare: d'autant que, si je continuois, je dirois tant de choses, que, force de les étudier, le monde deviendroit fou comme vous.

Cassiodore. C'est ce que je vous disois; il est vrai que, quelque peine que j'aie prise à mettre tout d'accord, en tirant le bon bout de mon côté, & que, prostituant ainsi les sciences, on a parlé des doctrines en la présence intelligible des femmes, on n'a vu que des hérésies, & les hémorroïdes en sont chutes au fondement, & les barbes ont été pirement faites que ci-devant. Et y regardez; vous ne verrez plus de barbes bien faites, parce que l'on n'y entend plus rien. De mon jeune temps, on alloit gaiement & sans artifice chez l'émouleur; & on avoit la barbe faite en deux coups, mettant une joue sur la meule, & puis l'autre, après cela faisoit frac, rest, zest; une barbe étoit faite toute prête.

Xilander. Vraiement, vous êtes un beau danseur! C'étoient de belles barbes! Elles étoient faites en queues d'hirondes, & les cheveux comme l'écuelle d'un ladre. Laissons-là les laïques, auxquels je ne me plais point. Je vous dirai bien que, de mon temps, les gens d'église avoient la barbe rase; & je vous dirai une remarque: c'est que, quand le pape a la barbe grande, les prêtres la veulent avoir de même; s'il a le menton ras, les prêtres le veulent aussi; parce que chacun prétend au papal. Ainsi donc les sages portoient leurs barbes; les ras n'avoient garde de les porter, puisque le menton étoit ras; la barbe ôtée étoit demeurée chez le barbier. A cela fut pris Hauteroue, chanoine de S. Martin de Tours. (Il faut tout dire, de peur des garces qui nous écoutent, parce que la fréquence de toutes femelles y abondoit jadis, avant notre réformation, ainsi qu'aux autres lieux.) Il y songeoit; & le fit paroître, un matin que l'on le vit barboyé; & un autre chanoine le voyant, lui dit: monsieur, vous avez aujourd'hui donné de l'eau bénite à la barbe ôtée. Lui, comme reus, va dire: per meam, je ne la connois point. A cela, je jugeai de l'innocence de tous les autres, qui se passent de garces, comme un bon procureur d'écritoire.

L'autre. J'en prends à témoin mon compere Livet, procureur au châtelet de Paris, qui ne laissoit jamais son écritoire. Il avint, par malencontre de bas avis, que madame sa femme, voyant un gai, gaillard & jeune maure, eut envie d'en être couverte. Elle le fit entrer; &, pour remédier à un mal d'estomac qu'elle avoit, elle le fit coucher sur elle. Ce qu'elle en faisoit, étoit qu'elle considéroit que sa peau, vu sa nation, seroit plus chaude que celle d'un François. Le jeune homme ayant été là assez long-tems, fut remercié & salarié de son bon office, où il n'y avoit point de mal, vu que cela tendoit à la santé. Mais que c'est des impressions! Il lui avint que son mari venant à la copuler, elle qui se souvint du maure, en engendra un; ce qui parut, quand elle accoucha. Sa commere voyant à son enfantement, cette aventure si noire, l'en avisa; & la pauvrette lui dit sa friande imagination; à quoi la bonne commere & amie pourvut, & s'en alla au châtelet faire appeller Livet, qui venu lui dit: hé bien, ma mie, qu'avons-nous? Un beau fils, lui dit-elle; mais je vous prie, dites-moi en conscience, mon compere, n'avez-vous jamais accolé ma commere, que vous eussiez votre écritoire à votre côté? O que si ai, plus de trente fois. Vraiment, vous avez bien besongné! Je m'en doutois bien; voilà, il est chut de l'encre dedans, si que vous avez fait un enfant noir comme un maure.

Tibere. Que vous avez belle envie d'échapper.

Allégation.

XIII. Or çà, belles entendoires, qui tous avez hâte pour amasser des argumens cornus, & changer vos thêmes; pourquoi est-ce que les gens d'église ont en plusieurs lieux, comme jadis, le menton ras?

Cassiodore. Foin sans blasphémer.

Tibere. Je ne veux plus nommer personne; venez voir qui y sera: c'est trop se déclarer. Qui sont les gens d'église?

Xilander. Hé dà, ce sont les prêtres.

Tibere. Ne vous déplaise, par la gorge, ce sont les images qui y sont jour & nuit, qui jeûnent sans cesse, comme y étant idoines. Toujours ils ne font point ce qu'il ne faut point faire; ils s'abstiennent & sont tels que doivent être vrais gens d'église.

Socrates. Distinguo, s'il vous plaît: votre mule pisse: elle se morfondra par le fondement. Telles gens d'église sont toujours en un état comme les rois du palais, y habitant sempiternellement de sempiternité lapidaire; mais ceux dont vous parlez, ne sont gens d'église que par adoption. J'entends parler des corps animés, qui vont & viennent à l'église pour la servir, qui sont hommes vifs; & toutefois qui sont intellectement comme nous sommes, vivans de la vie du monde, bien qu'ils soient boivans & mangeans, & chians & pissans; lesquels toutefois sont hommes sains & mortifiés, & de saison; lesquels pour n'être affectés en apparence publique, sont dits morts par excellence, vu la mine. Et de fait, on les nomme morts, pour autant que l'outil qui perpétue la vie, leur est bouclé par la vertu de certaines paroles conférantes ordre supernaturel; & ainsi l'usage naturel leur est interdit par vœu. Ils s'en rasoient le menton, afin que le regret qu'ils ont de n'oser ni vouloir fréquenter la douceur du monde ne parût aucunement, joint qu'ils doivent être joyeux, (venite exultemus) & que leur état est une joie perpétuelle, laquelle il faut faire paroître, encore qu'elle ne fût pas. C'est la cause pour laquelle ils se font raser le menton, parce qu'il semble qu'un homme, ainsi réparé du minois, rie toujours. Et y prenez garde; & s'il n'est vrai, que de quinze jours ne puissiez-vous aller à vos affaires. De-là est venu & procédé ce canon du concile de Quarante: le prêtre fera sa barbe en couene de lard, afin qu'il paroisse toujours riant, friant, fringant, donec, &c.

Caton. C'est pourquoi le bon homme Hugonis étoit toujours joyeux.

Albert le Grand. Voire, ce moine l'étoit vraiment; & de fait, il étoit gros & gras, comme un mâtin qui tete deux fesses, il étoit ample autant que le cul d'un ministre qui accouche en liberté. Une fois qu'il passoit près de S. Avoye une belle demoiselle le voyant, dit à une autre par admiration: que voilà un moine qui est gros! Il l'ouit, d'autant que, ses membres étant proportionnés, il avoit belles oreilles, & lui répondit: mademoiselle, il y a long-temps que je fusse accouché, si j'eusse trouvé une sage-femme.

L'autre. Pourquoi est-ce qu'on appelle sages-femmes celles qui reçoivent les enfans, & ont le gouvernement des pays-has.

Héliodore. C'est parce qu'elles voient de grands cas. Je me souviens que j'étois encore bien vieil, la cour de parlement étant à Tours, que de bons garçons firent une galantise à une sage-femme. Ils mirent un gars, en guise de femme prête d'accoucher, dans un lit; & firent venir une sage-femme, qui, mettant la main dessous les draps, & trouvant son braquemart, dit tout haut: courage, l'enfant viendra bientôt; j'en tiens le bras. Elle le vouloit remettre, sans qu'elle reconnût ce que c'étoit: or devinez. (Un jour je pissois contre une muraille; & une belle dame me regardoit; je lui dis: devinez ce que je tiens, & vous l'aurez.)

Caton. Encore faut-il que je me souvienne de ce bon homme Hugonis, qui a été mon maître, d'autant que les huguenots faisoient bruit par la France. Que le diantre y avise, puisque les autres n'en veulent rien faire; bran, cela m'est échappé. En ce temps-là que j'étois si fort étudiant, ce mien maître hantoit ce bon prince catholique, le pere de cette pauvre dévoyée, qui a tant fait disputer. Il avint un jour, que le basque étant à la porte de notre prince, Hugonis vint heurter; je le suivois. Comme on eut demandé: qui est-ce? Je dis; c'est notre maître Hugonis. Le basque va dire à monsieur: c'est maître Conin, qui est là-bas, qui veut parler à vous. Quoi! dit monsieur, ce pipeur? Va lui dire qu'il aille autre part faire ses tours de passe-passe. Un jour durant, il fut estimé hérétique; mais cela passa, par une prédication que j'en fis tout chaudement, tellement que ceux qui cuidoient que monseigneur sentît mal de la foi, furent résolus; & le tout se tourna en risée domestique.

Erasme. Cela me fait souvenir de ce que me dit frere Lucas.

Caton. Quoi! qui? frere Lucas qui avoit mal au chose, & on le lui coupa, si que, le cas lui étant ôté, il n'est plus que frere Lu?

Erasme. Non, ce n'est pas cela; je parle bien d'un docteur: c'est de celui qui, à ma réception, me prit par la main, & me dit: mon frere, mon ami, doctissime baccalaure, j'ai une parole de très-grande conséquence à vous dire: c'est que vous sentez mal de l'hérésie.

Caton. Que lui répondites-vous?

Erasme. Je me mis en colere; & lui dis que mon âne étoit plus sage que lui. Il me fit appeller; & je lui prouvai mon dire: parce que mon âne venoit bien de la riviere tout seul ayant bu; & lui, il le falloit rapporter de la taverne, quand il avoit trinqué. Je gagnai mon procès, faisant quinaut le juge, en lui demandant: pourquoi est-ce que mon âne va à pied? Il ne le sut dire; & je lui ai enseigné, disant: c'est parce qu'il n'a point de cheval comme vous, monsieur le Juge. Il se trémoussoit comme une pie en gésine, & me dit: regardez à qui vous parlez; je suis gentilhomme. Il me remâcha cette parole, étant descendu du siége: & alors ne le craignant plus, je lui dis: vraiment vere, si tous les gentilshommes du monde avoient les jambes cassées, vous ne lairiez pas de courir. Mais je suis gentilhomme; oui, je veux bien que vous le sachiez. Si j'avois pour un liard de telle noblesse dans le ventre, je prendrois pour cinquante écus de rhubarbe, pour la chasser. Le Juge dit: si je remonte en mon siége, je vous ferai affront. Vous me feriez comme le Juge de la Fleche, qui condamna un homme à être pendu & étranglé, sauf son recours contre qui il verroit bon être. Aian, répondit-il, encore un coup, ne me fâchez pas. Bien, lui dis-je, pour vous appaiser, je vous veux apprendre un secret. Pourquoi est-ce que les femmes pissent, quand elles en ont envie? Vous voilà à pied des raisons, le cul aussi près de terre qu'un pâtissier qui n'a que faire. C'est parce qu'un autre ne sauroit pisser pour elle. Et moi je chierois bien pour vous.

Caton. Fi, fi, cela se sentiroit mieux & plutôt que l'hérésie.

Socrates. Comment la sent-on?

Erasme. Il faut mettre le nez au cul de l'hérétique, & en retenir le goût & l'odeur; puis aller sentir au cul des bons Docteurs & Cordeliers, pour voir s'ils sentiront de même. Mais n'allez pas sentir au cul des minimes; je pense qu'ils flairent horriblement le clystere, à cause que leur cul est une sentine d'huile perpétuelle.

Néron. Comme vous parlez impudemment! Il semble qu'il n'y a ici qu'à se détraver en sales paroles, & que toute honnêteté & vergongne soit perdue.

Diogenes. Tout est permis ici; nous sommes pair à compagnon: on doit faire & dire ici tout ce qu'on peut & pense.

Alexandre. Vous y perdriez, pauvre homme, parce que, si tout étoit permis, je vous battrois bien à cette heure, pour me venger de l'affront, que, l'année qui vient, vous me fîtes en Grece.

Daneau. Est-ce en graisse dure ou fondante, de quoi vous parlez? Certes je suis en suspens, quand j'en oi parler, à cause des gréges qui engraissent les personnes pour les faire mourir, & les autres les engraissent pour les faire vivre.

Robert Etienne. Je ne m'en soucie pas: je voudrois avoir trouvé un bon moyen de m'engraisser; je me porterois bien. En dà, je suis aussi maigre que le vendredi oré, & aussi défait que la semaine peneuse; & dà, je suis aussi maigre qu'un millier de clous.

Jolivet. Il faut donc que vous alliez en un pays que j'ai fréquenté, que vous appreniez ce que les gens de-là font, pour s'engraisser. Vraiment ils sont-là toujours gras & en bon point, comme de beaux petits moines de bonne étoffe. Les moines sont gras comme de belles vaches portantes; mais les vaches ayant vellé, elles deviennent maigres, & les bons moines qui n'ont point vellé, sont toujours gras. Je parle aux doctes sorets, harengs sorets & massorets.

Avis.

XIV. En ce pays que je vous dis, tout y est gras; même aussi les jours maigres y sont graissés: & je vous dirai une belle invention, que m'ont apprise ceux qui font exercice. Ces bonnes gens prennent les jours maigres dès la veille, & les châtrent, puis les mettent en mue. Je ne fus jamais si étonné, que quand j'y vis monsieur de carême en une grande mue, où trois vieilles croupieres l'appâtoient des pâtons de blanc de chapons. Vraiment il n'étoit plus, comme je l'avois vu autrefois à Rome; il étoit gras & refait comme le chien d'un vielleux; il étoit si engraissé, que la graisse lui sortoit par les yeux, comme les puces sautent dans un four qui sue de froid.

Diogenes. Vous parlez de suer; & en quel temps est-ce que les vis suent?

Cesar. Fi, fi, vous êtes salaud.

Madame. Oui, je l'entends comme vous; je dis jeu sans vilénie, comme nous disons nous autres filles; c'est quand il menace de pluie, que la vis de notre grenier sue, & qu'elle est relente, & si le noyau de la vis, ou la vis même est de pierre, tant mieux, elle en durera davantage, ainsi que celle des tuileries.

Dioscorides. Vraiment, l'autre jour que j'y étois, je voyois des dames Parisiennes, qui admirent cet ouvrage, y montant, elles relevoient leurs cottes & s'entredisoient? madame, ma mie, que voici une belle entrée de vis! Jean voire, leur dis-je à deux belles, que puissiez-vous jamais n'être à votre aise, que je, n'en aie fait la preuve par essai naturel.

Héliodore. C'est votre souverain bien que ces imaginations, & plus encore quand vous en tenez la cause: je ne dis pas les imaginaisons: il faudroit avoir les doigts bien subtils. Il est vrai que ces esprits familiers, ainsi montant, sont de bonne rencontre & facile accès.

Jamblique. Ne parlez point des esprits, je m'y suis trop rompu la tête, & n'en ai su venir à bout.

L'autre. Ce n'est que votre faute, d'autant que le familier s'approche aisément. Et qui en sait plus que moi? Vere, vere, ce sont abus que vos contes de loup, d'esprits fantastiques.

Cardan. Vous vous paillardez lanterniérement sur l'éloquence, & faites ainsi admirer la suite d'une vaine rencontre d'esprits: ce qui se trouve inepte & fat, sans fruit, cela n'étant que rêverie: & pourtant je vous dis que vos frivoles conceptions ne sont rien au prix de la douceur & mignonne rencontre, non d'esprits qui ne sont pas, mais d'essences vraies. Et n'y a rien tel, pour le contentement, que la formelle embrassade d'un esprit familier, incube ou succube, id est, femelle pour nous, & mâle pour les dames, qui les appellent foulons, qui vont la nuit fouler le monde, & leur presser la rate.

L'autre. Vos contes sont fadaises, & ne sont que folles fantaisies; mais la réalité temporelle, sensitive & communicable d'une vérité perceptible est la perfection produisante bon & singulier effet de délices, bien loin des pensées mélancoliques, qui sont persuadées par crainte, folie ou sotte curiosité. Il y en a tant qui desirent des esprits familiers; jamais personne n'en eut faute: l'ayant voulu autrement, nul n'a osé entamer le propos ni la piece, ni congner ou laisser congner en l'entamée ou entameure. Il faut tout dire; ceux qui sont savans s'y connoissent; & puis dites, ô vous qui vous macerez: le diable me tente. Tu nous la bailles belle! C'est votre propre nature nerveuse, qui s'excite selon la loi naturelle vîte & sainte; & vous faites semblant de ne l'entendre pas. Il faudroit, afin que ce que vous dites fût vrai, que le diable vous soufflât au jaret, comme il fit à Andocidès, ainsi qu'on le pratique aux veaux. Cependant, cruels hypocrites, vous ne voulez pas donner gloire à madame nature qui opere; vous aimez mieux en faire auteur le diable; & ainsi vous lui faites hommage, lui attribuant une puissance qui est en vous. C'est grande pitié! Cela vient de la folle spéculation. Et ces messieurs les parfaits réformés, qui coursoient leur bonnet selon leur fantaisie! Qu'ainsi ne soit; je le prouverai par raison; il n'y a homme, tant soit-il débile, qui ne le fasse mieux qu'un diable, encore que l'on dise: il le fait en diable. Ce qu'il faut entendre sainement. C'est-à-dire: il le fait autant (quand c'est un bon faiseur) comme un diable seroit desireux de le faire, s'il savoit ce que c'est. On ne dit point en diablesse; aussi les mâles font tout: les femmes font comme gueux; elles ne font que tendre leur écuelle.

Darius. Appellez-vous cela une écuelle? Quand le cancre de mer prit les levres du cas de madame, il n'avoit à ce conte pris que le bord d'une écuelle.

Madame. Sachons cette menée, je vous prie.

Darius. Je le veux. Monsieur le gouverneur, (alors nous habitions un port de mer) étant à la ville, ainsi qu'à tels seigneurs le menu peuple fait force présens, reçut, de quelques pêcheurs, un présent d'une pannerée de fort beaux cancres vifs tous choisis (on dit beaux les plus gros; ainsi étoit un fort bel homme, le gros Chenu d'Orléans, qui étoit gros comme une pipe; & tel monsieur de la Contiere d'Anjou, qui se faisoit porter sur une charrette, ne pouvant aller à pied, & qui, un soir de vendredi saint, voulant jeûner, mangea seulement un boisseau de pruneaux, ce qui tint si peu de place en son ventre, qu'il cuida défaillir de faim avant minuit; ainsi étoit une belle femme la dame des Carneaux). Mondit seigneur, ayant reçu ces cancres, les fit poser près de la cheminée. Tandis qu'il s'amusoit, un des cancres se glissa, & se rampant, s'enlassa entre une tapisserie & la muraille. Les autres furent portés à la cuisine, pour y être troussés comme mugette. La nuit que chacun dormoit, ce maître cancre, ayant affaire d'eau, & la sentant à l'odeur marine, va au pot à pisser, où il se rangea en si peu qu'il y avoit; & ainsi glissé au fond du pot, s'y tenoit, attendant miséricorde. Quelques heures après, madame eût envie de se consoler à la décharge de ses reins chargés d'urine, déja tirée en la vessie, dont la pesanteur par filandres tire à soi les roignons, qui se délectent de son évacuation; & prenant le pot, s'étant un peu relevée, se flanqua dessus, de peur de pisser au lit; & ainsi madame…

Archimede. (Baisez-la au cul, si c'est la vôtre, tandis que je chercherai la mienne; c'est une regle de géométrie.

Darius. Petit follet, laissez-moi en paix; il n'est pas possible que vous me fâchiez, comme vous le desirez; il n'y a qu'un moyen de me faire taire: prenez un rateau, & me baillez des dents au cul; & j'aurai tant de douleur, que je me tairai). Voilà donc madame, qui laisse aller l'eau de la goutiere naturelle entre les arcs-boutans des crevasses physiques, & pissant roide comme une pucelle qui n'ose, arrousa de cette liqueur fraîche & chaudement émouvée le paillard cancre, qui soudain se dilate & releve; en ouvrant un de ses bras, qui est de telle condition que s'étant ouvert & pris à quelque sujet, il ne le laisse point. Que prit-il, bonnes gens? A l'aide! Il trouva & prit. Quoi? Cela est si délicat & mignon, que je n'ose le dire. Il happa & serra le bord, le limbe, la levre, l'ornement, la mâchoire, cette fente mignarde, extrémité éminente qui se releve en crête de fossé, au bas du ventre féminin sur le devant, pour faire honneur aux babines du chose de madame. Cela est si sensible, qu'elle s'en écria si haut, qu'elle éveilla son mari, qui lui demanda ce qu'elle avoit. Hélas! dit-elle, je suis perdue. Elle soupiroit, & n'osoit le dire. Toutefois sa douleur lui fit déclarer que quelque fantaisie la mordoit au bord de son cas. Monsieur, en bon mari, ayant fait apporter la chandelle, & vu l'effet ès parties naturelles de la femme: paix, ma mie, paix, dit-il; je lui ferai bien lâcher prise; je sais le secret: il ne faut que souffler contre. Il se mit à souffler; & le cancre, levant l'autre bras, l'empoigna à la levre d'auprès le nez. Il faisoit beau voir cette remembrance. Il avoit le nez bien près du cela de sa femme; il pouvoit bien voir si d'autres y étoient: il n'eût pas été cocu sans avis. Le valet de chambre, qui survint avec des ciseaux, coupa les deux bras du cancre, mit monsieur & madame en liberté.

Madame. J'eusse bien voulu voir la grimace qu'ils faisoient. Je ne sais si cette femme avoit envie de rire, voyant l'humilité de son mari.

Petronius. Cela me fait souvenir de la fortune de frere Jean Laillée notre bon ami.

Commentaire.

XV. Un jour, proche des avents, allant à Angers, il ne put attrapper la ville, si qu'il coucha chez une bonne femme qui le connoissoit de longue main: s'il m'en souvient, c'étoit chez la jeune Coibaude. Comme il fut au lit, on lui mit sur la selle d'auprès le chevet un pot de nuit: or sur la même chaire, il y avoit une ratiere quarrée & creuse en rond; ce n'étoit pas de celles qui ont une porte, mais un ressort qui serre le rat par le milieu du corps: cet engin-là, qui a pour le moins demi-pied de diametre, & est en cube, étoit fort tendu & le ressort fort bandé. Frere Jean se réveilla, pour faire de l'eau; & prit cet engin par le bord, cuidant que ce fut un vaisseau à pisser, & y présenta son outil, qui s'avançant donna jusques à la détente; parquoi le ressort échappa, & prit le pauvre cas du cordelier, qui sentit plutôt cela que le jour. Il se prit à crier si haut, que Lucifer s'en fût éveillé; & on lui apporta de la chandelle pour le dégager. La chambriere en rioit d'aise, d'autant qu'elle étoit bien vengée d'une autrefois qu'il logea là-dedans; c'étoit en été; & parce qu'il y avoit presse, lui qui étoit des amis, coucha en la chambre basse, où la bonne femme & sa chambriere couchoient en l'autre lit. Ce mignon se leva, pour prendre l'air; la nuit étoit un peu noire; il appella la chambriere: marquise, je suis égaré: je te prie, viens me quérir. Cette pauvrette se leve, & va à lui, qui avoit troussé sa chemise & levé fort haut le bras. Prens-moi la main, je te prie. Elle tâtonnoit & trouva son bout. Hélas, ce dit-elle, que vous avez les doigts gros! ho, & c'est votre bras. Il n'y a point de main! & qu'est-ce? en dà, je n'en ferai rien. Elle lui tira une secousse, & le laissa là.

Simler. Maître Jean Pinaut, ministre de Genève, m'a conté qu'il lui en prit autant à Chamberi.

Distinction.

XVI. A cause de quoi, il avient toujours quelque disgrace à ces pauvres innocents, & leur tombe quelque échec; témoin celui qui précédoit à Dampierre, quand nous y cherchons la pierre philosophale, avec tous ces barons de Normandie, & que nous bûmes le bon vin que Nabot avoit persuadé à monsieur de Chansegré d'y faire apporter, pour en faire de la poudre de projection. Il y avoit blanc & rouge; c'étoit faire la pierre pour la projection de l'argent & de l'or potable. J'avois avec moi mon Pierre, qui étoit un bon vaurien. Le dimanche venu, nous ouimes le sermon d'un cordelier qui avoit une ulcere en une jambe; & le thême de son prêchement étoit Modicum, qu'il répéta plusieurs fois, ce qui fut cause que mon valet sortit, disant: que diable avons-nous affaire, si le maudit con lui a fait tort? Les faucons engendrent les mauvais, & les mauvais les faucons. Quand ce moine fut guéri, il s'en alla & prit congé du cul & de la tête, comme c'étoit la coutume: or, étoit-il galant de sa personne, dispos & courageux, (j'ai quasi dit vaillant, ce qui n'appartient qu'à nous, chevaliers & écuyers.) Le frere, passant sur l'étang de la Ferriere, fut rencontré de deux voleurs à pied, qui eurent envie de son habit, par quoi ils lui dirent: frere, cet habit vous est trop chaud & importun; baillez-le nous un peu à porter pour votre santé. Sans faute, dit-il, messieurs, tout est à vous, corps aussi; je vous supplie me donner congé de me dévétir, & n'outragez point ma pauvre personne. Ce qu'ayant dit, il met son bâton à deux bouts à terre, le pied dessus, & dévêt le froc, qu'il leur jetta aux pieds, puis reprend son bâton, & tout en pourpoint leur dit humblement: messieurs, prenez-le. Un d'eux se baissant pour l'amasser, le moine lui vint décharger un si grand revers de son bâton sut l'autre flanc, qu'il l'envoya béchever du long de la levée. Cette épauliere ainsi déchargée sur le haut de la personne de ce vilain, qui cheut sur le ventre comme une grenouille éhanchée, épouvanta tant le compagnon de l'écrasé, qu'il s'enfuit; & le cordelier de le supplier courtoisement de venir au reste. Le trébuché, qui craignoit le demeurant, disoit: ha, frere Gilles! Mon bon pere confesseur, je me jouois, vous êtes bien rude de ne prendre rien en jeu! Et le moine s'avança de lui apprendre les dimensions, non du baculus de Jacob, mais du bâton de Gilles, & le pauvret de crier: hélas, monsieur, pardon! A ce mot de monsieur, il le recommanda à tous les diables, & s'en alla aussi. Il y a trois sortes de gens qui n'aiment point à être appellés par leur nom: comme vous diriez chien & chat, moines, ministres, prêtres, putains & bâteleurs. Minon & chat, c'est-à-dire, monsieur; à cela vous connoîtrez qu'il faut dire mignon, monsieur le prieur, notre maître, &c.

Œcolampade. Le docteur de chez nous ne fut pas si habile, quand sa garce le battit, parce qu'il se laissa égratigner le visage; & le lendemain, comme on lui demanda qui l'avoit ainsi marqué, il dit que c'étoit un fagot.

Empedocles. Diantre, quel fagot! C'est possible un fagot de foin, ainsi que le rapporta maître Alain, qui fut trouvé avec une garce; il ne s'excusa pas comme Denost, qui, au chapitre, quand on le tença qu'il ne bougeoit d'avec les garces: certes, ce dit-il, je n'y ai pas été depuis Quasimodo. Aussi venoit-il de coucher avec une.

Simler. Tu en as toi qui parlois tantôt de foin pour chair: mais, si on te tournoit de langage, te donnant à déjeuner, & que pour de la chair on te donnât du foin, que seroit-ce?

Leon Hébreu. Ah! voilà bien argumenté pour un vieil plaideur. Notez que tout honnête homme ne mange point de morceau de bœuf, ni de morceau de pourceau. Pourquoi? parce qu'un morceau de bœuf est une poignée de foin; & un morceau de pourceau, c'est un étron, qui vous puisse servir de masque à carême prenant.

Periclès. Les gens ont tort; & celui qui parle a raison; mais il mâche de travers, & si je vous dirai qu'il n'y a gueres qu'il le sait: il ne le dit encore gueres bien.

Empedocles. Vous n'avez pas dit, comme on dit monsieur en moine.

Simler. Ho, vous en souvient-il? J'étois bien loin. Et que sais-je? Notez que ceux qui parlent tant des friponniers d'un état doivent en être, en avoir été, ou les avoir trop fréquentés. J'étois vragnant en Savoye, où j'écoutois parler à son altesse.

Vives. Et moi à Rome, où j'oyois supplier sa sainteté.

Cardan. Et moi en enfer, où j'oyois dire sa diablerie.

L'autre. Et moi chez notre archevêque, où l'on baisoit les mains de son archiepiscoperie; & il répondit à son suffragant: j'honore votre espiscoperie; & à un chanoine: je me recommande à votre chanoinerie.

Simler. Je voyois un mignon qui parloit à un jurisconsulte, & lui disoit: comment se porte votre conseillerie. Aussi sa conseillerie lui avoit donné à dîner. Comme sa majesté lui avoit donné sa lettrerie, j'ai pensé dire sa ladrerie, soient sauvées les jumens. Nous sommes, je dis vous autres, de grands sots. Je ne pensois pas que cette femme eût la tête si fausse, de taper ainsi son pauvre maître de docteur.

Textor. Je vous prie, parlez bas, & ne vous mariez point de peur d'être cocu. Mais je me trompe, j'ois ce beau procureur qui en parle; il est marié, il est heureux, sa femme est grosse, elle accouchera.

Simler. Parlez sobrement des femmes.

Textor. Tu y devois bien venir, toi qui a si belle femme. Par ma conscience, elle est belle & de mérite, & des plus jolies du monde: & je suis fâché pour elle d'une chose; c'est qu'elle est la femme d'un cocu, qui a pendu aux fesses les trébillons d'un veau.

Simler. Par Hercules, à la fin, tu troubleras ma patience. A ce conte, tu ferois ma femme putain?

Textor. Si je l'avois couverte, sans doute elle le seroit, & l'aurois faite telle.

Simler. Mais qu'as-tu affaire de dire cela? Tu sais bien qu'elle est femme de bien; à grand-peine seroit-elle débauchée. Vraiment, elle n'aime point le déduit; aussi je ne prens pas plaisir d'avoir affaire à elle.

Textor. J'y en prendrois bien, quant à moi.

Simler. Si tu me fâches, je te pousserai & te hâterai d'aller.

Textor. Je ne veux qu'aller au palais de Paris, pour être poussé, ainsi que répondit Limois au conseiller son maître, qui lui promettoit de le pousser. Pargoi, monsieur, je serai plus poussé en demi-heure, à la sortie du châtelet, ou du palais, que ne sauriez me pousser, toute votre vie. Au reste, pauvre homme, je voudrois que tu m'eusses tant hâté d'aller, que j'eusse passé le mauvais tems.

Simler. Encore tu te moques? Va, je veux bien être cocu; mais si tu me courouces, je te ferai porter les stigmates des cornes de cocus.

Dioscoride. Voilà une drogue dont je n'ai jamais ouï parler: apprenez-la moi, pour la mettre en mon livre.

Madelaine. Voilà cette belle Diotine, qui est enragée de faire leçon aux doctes. Demandez-lui. Toutefois j'en sais plus qu'elle; mon mari me l'a appris.

Partie.

XVII. Quand je tenois école d'écriture à Toulouse, avec les chanoines de Saint Sernin, d'entre lesquels il y en avoit un qui étoit curé là auprès, & entretenoit la premiere femme de mon mari, laquelle étoit belle. Un jour, j'oyois ce mari qui parloit à elle: d'où viens-tu? fit-il. Du four, fit-elle. Que faire? fit-il. Un tourteau, fit-elle. Est-il bon? fit-il. Tâtez-y, fit-elle. Est-il chaud? fit-il. Soufflez-y, fit-elle. Et où, fit-il. A mon cul, fit-elle. Ha putain! fit-il. Ha cocu? fit-elle. Ha, ha, fit-il. A, a, fit-elle. Voilà comment je suis femme de cocu; & si, je suis femme de bien; ce que l'on ne penseroit jamais. Cependant je conserve bien mon bon homme en sa qualité, sans faire faute de mon corps, non plus qu'une nonnain griesche. Si est-ce pource que je me tenois assez mignonne, on parloit mal de moi; en dà, on avoit tort; c'est parce que je n'eusse su faire que ce qui déja étoit fait. Et puis, comme j'ai appris des docteurs que j'ai fréquentés jour & nuit, le cocuage est un caractere indélébile, tenant comme moinerie au corps & à l'ame d'un profès; & bien plus fort, mais non si visiblement que merde en derriere de chemise. Et parce que cela étoit, je me contenois fort en devoir, aimant bien mon mari, que je mignardois, tout ne plus ne moins que si j'eusse été un peu putain. Et de fait, comme, étant femme, je sais la nature féminine, je vous assure qu'il n'est aux hommes que d'avoir femmes qui en tiennent tant soit peu: cela est levain de perfection, pourvu qu'elles n'en soient âpres; & ce d'autant que telles femmes aiment mieux les hommes, & les servent mieux quand ils sont malades, & avec moins de dédain que ces sottes femmes de bien. Encore que je traitasse bien mon preud'homme, si est-ce que quelquefois il se fâchoit contre moi: & sur-tout une fois, qu'il me trouva devisant d'affaires avec un commandeur, qui, pour me guérir du mal de la colique, m'avoit appliqué sa croix sur le bas de l'estomac, & me disoit à l'oreille les paroles qu'il y falloit dire pour ma santé. Mon vieillard eut une fausse impression, dont il me querella; mais je le fis taire. Or sus paix, c'est assez. Que tu es méchante. Voire, si je ne l'eusse fait taire, il eût huché jusques à demain. Je l'eusse volontiers battu, sans que dieu & vergogne le défendent; & y eût paru, parce que je lui eusse fait sentir, non les cornes de cocu, ains celles de sa femme.

Mecenas. Mais quelles sont les cornes d'un cocu, & celles des femmes, qu'elles fassent ainsi mal?

Madelaine. Sont les ongles. Il vous faudroit mettre dessus; encore ne vous en appercevriez-vous, non plus que le pauvre meûnier qui étoit sur son âne, & fut surpris d'une grande procession, qui le pressoit fort; & lui, ayant son bonnet à la main, dandinoit, regardant la banniere & les beaux joyaux. Deux ou trois fripons, approchant de lui, couperent les sangles de son bât, & soutinrent le bât assez long-temps, portant le drôle, tandis qu'un autre arrêta le mulet, le tenant par la queue, comme une anguille. Quand ils l'eurent assez porté, ils le planterent-là; & le pauvret de crier & hucher: & où est mon âne? O, va le chercher. Or, puisqu'il faut tout dire, ce bon homme étant mort, j'épouse, pour la seconde fois, le plus grand sot du monde, tant à cause de lui que de moi. Je n'ai point honte d'ainsi parler, puisque je ne ments point. Voilà! son âne m'étoit contraire: ainsi, par ma finte, il avoit eu deux autres femmes, dont la seconde étoit une des plus femmes de bien de la terre; & elle ne fut pas si-tôt avec lui, que l'astre de cet homme ne la rangeât au point des sœurs. Je dis donc ceci avec toute gloire, à cette heure que je suis fille pénitente, & qu'il y a du plaisir à raconter les vieilles vétilles, & que c'est un grand mérite, que de se souvenir de ses fautes, dont par ainsi la rétribution est grande en pardons, abondant sur l'iniquité. En ce mien mariage, je me gouvernai en femme de bien, ne plus ne moins que les dames de Paris, qui ont des intervis.

Cesar. Quels diables sont-ce?

Madelaine. Vous le saurez tantôt. Et ne m'avint qu'une douce infortune, en quoi je ne fis point de faute, parce que Pichonneau disoit, en chaire, que ce n'étoit point péché, quand on n'en tiroit ni profit, ni plaisir. Il y eut un beau jeune homme de bonne maison, qui me fit l'honneur de m'aimer; &, parce qu'il étoit fort apparenté, crainte que je fusse cause qu'il lui avînt du mal, je le laissai faire de moi ce qu'il put, sans que j'y apportasse aucun consentement: aussi je n'y prenois aucun plaisir. Je le laissois faire à son aise pour le gratifier, & pour le grand amour qu'il me portoit, afin qu'il ne m'en pensât tant son obligée, & qu'il en prétendît récompense: je lui permettois & voulois bien qu'il eût tout plaisir qu'il vouloit de moi, puisqu'il disoit qu'il y en trouvoit, encore que cela ne m'en fît aucunement.

Porcena. A qui fait-il plus de bien, aux hommes ou aux femmes?

Geber. C'est aux hommes, dit Saint-Gelave. A, ha, ha, dit mon compere Bardou, vous vous trompez; c'est aux femmes. Avisez que si l'oreille vous démange, & que la gratiez de votre petit doigt, qui a plus de plaisir & de bien? N'est-ce point l'oreille? Et puis il y a en la chanson: vous aurez sur l'oreille.

Madelaine. Je ne sais rien de tout ce que vous dites; vous êtes des causeurs; je ne prends point de plaisir à si peu de chose. Bien que l'on me l'ait assez voulu persuader, à ce que l'on disoit, & qu'on a dit de moi ce qu'on a voulu, je me suis pourtant portée en tout honneur. Pensez-vous qu'une femme ne puisse pas coucher avec un homme, sans toutes ces badineries là? Pour autant que cet honnête bon seigneur avoit couché avec moi, & que l'on disoit qu'il y avoit danger, ce que je ne trouvai onques, je fus à confesse; & comme le prêtre m'enquêtoit soigneusement, je répondis avec un bel excès de contrition de cœur, selon les péchés que j'avois commis, ajoutant que j'avois fait un oiseau. Comment, ce me dit-il tout émerveillé, un oiseau, ma mie? Oui, monsieur. Le pauvre petit bon homme n'entendoit pas que je parlois d'un cocu; & de-là vint le proverbe, que depuis on a dit: pauvre prêtre, vu la pauvreté de cettui-ci en science. Et pour vous faire entendre l'excellence & la vive nature de cet oiseau, il est convenable de savoir qu'il ne s'engendre point comme les autres. Il est éclos, fait, parfait, dressé & accompli en un moment; il ne faut qu'un coup de bandage. Aussi monsieur des Fléches m'en avoit averti, me voyant deviser avec ce gentilhomme. Il me dit: par le corbeau du bois, ma mie, ce godelureau te scellera un passeport sur le ventre. Cela ne s'est pu détourner; les destinées le vouloient: il est vrai que je l'aimois; & si j'eusse été à marier, je l'eusse aimé pour ami, & non pour mari, d'autant qu'il n'avoit point de chausse-pied de mariage.

Mécenas. J'ai beaucoup vu & ouï des poëtes à ma table, & en mes particuliers discours, & infinis philosophes & autres docteurs; mais je n'avois jamais ouï parler de tel outil.

Madelaine. Ce sont les filles de ville, & sur-tout de Paris, qui parlent ainsi; & voyant quelque jeune homme qui est pourvu de quelque état ou office, elles disent: il a un chausse-pied à con.

Mécenas. Je ne savois pas cela.

Section.

XVIII. Bien ai-je ouï dire à Philon Juif, quand il me fréquentoit, qu'il avoit demeuré en un pays, où les gens mariés sont en grand peine, au prix de ceux de ce pays; c'est que, quand l'homme se veut ébattre naturellement avec sa femme, il faut qu'il ait deux serviteurs, ou deux autres personnes ou amis, à la pareille, qui lui aident & le tournent sur sa femme, comme quand on perce le noyau moyen ou bouton d'une roue; & les tours se comptent selon les qualités des personnes, pour faire mâle ou femelle, roi, prince ou empereur. Il est vrai que, si on n'est pas capable d'engendrer ce qu'on a apposé, le bout se trouve si petit, que l'on ne peut plus tourner. Et de-là est venue l'origine des fils de putain, bâtards, avoutres, gueux & pendus; & pour connoître si les tours sont achevés, il est aisé, d'autant que la femme tourne; & c'est le signe qu'il n'y a plus de quoi virer masculinement. Je m'enquis, avec ample diligence, de la cause de cette affaire; & je sus qu'en ce pays-là les femmes avoient leur cas fait à vis; tellement qu'y ayant fait, il faut retourner, comme disoit dame Jaqueline que son cas sentoit le revas-y.

Mela. Notre coutume vaut mieux; tant d'artifice est triste; ce n'est jamais bien fait.

Mélanton. Aussi en faisant, on fait. Mais qui est le sujet le plus imparfait qui soit au monde? Il y en eut quelqu'un qui dit: ce sont les cocus, d'autant qu'ils ont cornes, & ne les voit-on point. Ce sont les chats, ils crient & chousent ensemble; aussi n'y a-t-il animal si farouche, qui ne s'arrête quand on l'affourche.

L'autre. Voilà bien à propos! Vous n'y êtes pas, & n'aurez meshui fait. C'est la femme, d'autant qu'il y a toujours à besogner, & sur-tout à celle d'un cocu.

Mela. Que diable, vous en voulez bien à ces pauvres cocus! Je pense que vous le soyez, ou l'ayez été, ou ayez envie de l'être, comme un beau financier qui n'a pas payé son état. Et là-dessus, monsieur le beau diseur, je vous demande, qu'est ce qu'un cocu? C'est, dit Vigenaire, un oiseau qui pond au nid d'un autre.

Geber. C'est bien chié en trois lieux. Il faut, à ce que je vois, que je vous leve le voile qui empêche votre cœur de comprendre les sciences; & je vous dirai des choses notables. Ce fut par la déclaration de ce secret, que l'empereur des Turcs me fit si grand, quand je reniai le christianisme, où je retournai pourtant, à cause que l'on m'apprit la vérité de la pierre: & pour le sujet proposé, il n'y a personne qui vous en parle plus sainement que moi, & sans passion, d'autant que j'ai été cocu. Dieu merci, je me porte bien: qu'ainsi soit-il de vous. Et de cela je m'en trouvois bien, sans m'en fâcher, d'autant que j'en étois fort aise, parce que j'étois toujours le maître: on me craignoit, révéroit & honoroit. Et qu'avons-nous davantage en ce monde pour l'accomplissement de nos desirs ambitieux? Or, sachez tous en gros & en détail, que le cocu est un animal capable de douceur, humble & pacifique, craint, redouté & honoré de sa femme, & des amis d'icelle, desquels il est considéré comme maître du gibier; & ne se faut pas amuser au nom de cet oiseau, mais d'un autre plus meilleur. Il n'y a guere d'animaux entiers mâles qui aient plus de faveur que le coq (entier est le contraire de châtré) puisque je vois que vous le voulez savoir; le coq a plusieurs femmes qu'il fournit & appointe, tant il est délibéré & bon; mais sitôt qu'il est usé, les poules le chassent & le battent, & n'en veulent plus, & ainsi le destinent à châtrerie, & en admettent d'autres vigoureux & bons. Ces femmes qui couvent & font des cocus, sont de même naturel que les poules. Qu'ainsi ne soit, une femme prête à faire l'enfant, crie comme une poule qui veut pondre: je voudrois être morte. Etant délivrée, elle chante comme celle qui a pondu; il n'est que l'être; cependant que le coq chante: qu'un con est cru! & s'en rit, disant: je le fais quand je veux. Ainsi sont nos femmes en leurs actions & desirs, tellement que, leurs maris étant usés, ou les estimant tels, ou les voulant ménager de peur de les user, vont à d'autres: en quoi je vous admoneste de la différence du péché mortel & du véniel. Le péché mortel est, si vous allez voir la femme d'autrui chez lui, & qu'il vous tue; sans faute la mort sera toute notoire. Faites venir la dame chez vous; le péché sera véniel. Les dames faisant ainsi le petit divorce vertueux, il ne se peut faire que les sages amies ne le sachent; parquoi les avertissant de leur salut, elles leur disent: comment, pauvre femme, ma mie, votre mari est donc cocuusé? Et ce mot venant à être commun, & qu'aussi on coupe la queue à ces pauvres innocens, on dit simplement cocu: & certes, sans mahumétiser, je vous dirai que c'est bien avoir la queue coupée, que de la mettre en danger d'être prophanée dans un évier public ou commun. Or, le cocu est un oiseau qui, pour ce qu'il a deux pieds, chante mieux & plus distinctement que nul autre, ayant de la raison jusques au cul. Que si cela passoit outre, il ne seroit pas cornard.

Zabarel. Mais voyez cet alchimiste, comme il avale gros & mâche menu! Je ne sais s'il court comme il attrape. Corpo di gallina. J'ai fait tout ce que j'ai pu, pour savoir & entendre parfaitement la philosophie: mais je vois que jusques à cette heure, s'il dit vrai, je n'y ai rien entendu. Il n'est que monnoyeur pour se connoître en billon. Notre ami & bon maître Aristote ne fait aucune mention de tels oiseaux. Notez bien ce que je dirai à l'honneur des dames, contre celui de tantôt qui les appelloit bêtes, afin que l'on n'ait pas opinion que je fusse entaché du péché qui les fait hair. Je dis que ce fat étoit tant niais, tant veau de dîme, âne de plat pays, sot d'outre mesure, Badeau de Paris, & bestion de si grande conséquence, qu'il pensoit que ce mot animal, fut à dire bête. Il me fit souvenir de feue Conscience, belle courtisane, qui ne vouloit pas que ma petite chienne fût une créature, & ne lui plaisoit pas d'être animal. Hoi, disoit-elle; Bichonne n'est point créature, & je ne suis point animal. Or, maintenant j'ai reçu une grande lumiere d'entendoire; je suis illuminé comme un fallot qui tombe tout du long d'un degré, & je conçois qu'il y a des oiseaux de poing, des oiseaux de leurre, des oiseaux d'épaules, comme ces oiseaux de maçons, & des oiseaux de selle. Les deux premiers, je les laisse à messieurs de la volerie, autrucherie, fauconnerie, & autres qui savent appliquer le vent aux aîles. Je croyois qu'il y eût des autruchers qui portassent les autruches sur le doigt; & les derniers je les spéculerai: d'autant que je trouve, en les minoisant intelligiblement, une grande, creuse & profonde sapience, en tant qu'ils se font naturellement, & se procréent par imperceptible transpiration de substance, faisant une grande mutation sans changement, acquérant une forme sans altération. O admirable & épouvantable secret, entre tous les secrets! Ceux qui ainsi deviennent oiseaux, le sont parfaitement, sans qu'on les touche, sans qu'ils le sentent, & souvent sans qu'ils le voient ou sachent; de s'en douter, gare! Il est permis de se douter de tout: n'y a presque homme qui n'en ait quelque doute. Or, pour être cocu, il en faut être capable; & pour cet effet, il faut avoir une femme épousée; & ne faut pas seulement avoir égard à la mine ou encolure mystique qu'un homme en peut avoir, à cause de l'influence sous laquelle il est né, selon son idée naturelle & prédestinée: mais il faut considérer le vouloir & pouvoir des parties intervenantes en cette métamorphose, qui agit exactement autant de loin que de près. Il n'y a rien en tout de semblable; &, disent les alchemistes ce qu'ils voudront de leur poudre de projection, ou cendre à faire des nuances; cela n'est rien au prix, d'autant qu'il faut qu'il y ait de la présence, ce qui est le contraire en ceci. Celui qui aura fait le fou tout le long des jours gras, n'assagira pas le mercredi par la cendre, si elle ne lui est posée en propre personne présente. Et tel sera joyeusement cocu, quand il seroit à l'autre bout de la terre; & ce en un instant. Cette forme court plus vîte que l'éclair. On dit, selon le conte des bonnes femmes, que les tortues couvent leurs œufs avec les yeux: aussi font tous animaux, parce qu'ils ne les laissent pas, si de fortune ils ne les ont perdus, comme la borgne, à laquelle nous savonâmes tous les fauxbourgs du derriere, l'année passée. Et bien les œufs de tortues, auxquels elles ne touchent point, éclosent à la fin; & il se fait une mutation formelle, comme il convient ès transformations naturelles, si elles ne sont chimico-mentales. Ces changemens se voient en ce qui est commun; mais en ces oiseaux rien n'y paroît de changé, ni en la forme, ni ès accidens, ni en la naturelle, ni en l'espece intrinseque, ès formes qui se reçoivent sans mutation de substance; encore y a-t-il du mouvement au sujet de muance. Mais en cettui-ci, soit qu'il s'émeuve, ou ne s'émeuve point, & quelque absent qu'il soit, il est pénétré, transpercé, outrepercé, surpris, enduit, enveloppé, & tellement organisé en spécifique & disposée formation, que subitement, subtilement, tout d'un coup, voilà un homme cocu, comme il sera démontré tantôt.

Epître.

XIX. Nicole. J'ai ouï autrefois en notre ville de Paris, un prêcheur, (je ne dirai pas de quel ordre, de peur de scandale) qui se mettant à prêcher, fit une ample déclamation des péchés. Comment, disoit-il, encore celui qui jure, il relâche son cœur & demande pardon; celui qui vole, c'est pour s'accommoder, & ainsi des autres, comme dit notre rime.

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