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Les Bourbons bibliophiles, Rois & Princes, Reines & Princesses

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The Project Gutenberg eBook of Les Bourbons bibliophiles, Rois & Princes, Reines & Princesses

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Title: Les Bourbons bibliophiles, Rois & Princes, Reines & Princesses

Author: Eugène Asse

Author of introduction, etc.: Georges Vicaire

Release date: November 29, 2016 [eBook #53634]
Most recently updated: October 23, 2024

Language: French

Credits: Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
file was produced from images generously made available
by The Internet Archive/Canadian Libraries)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES BOURBONS BIBLIOPHILES, ROIS & PRINCES, REINES & PRINCESSES ***

Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.

LES
BOURBONS BIBLIOPHILES

Il a été tiré de cet ouvrage
TROIS CENT SOIXANTE-QUINZE EXEMPLAIRES:

  • 10 exempl. sur pap. du Japon (A à J).
  •  5 exempl. sur pap. de Chine (K à O).
  •   10 exempl. sur pap. de Hollande (P à Y).
  • 350 exemplaires sur alfa vergé (1 à 350).

Droits réservés pour tous pays y compris la
Suède, la Norvège et le Danemark

COLLECTION DU BIBLIOPHILE PARISIEN


LES BOURBONS
BIBLIOPHILES
Rois & Princes
Reines & Princesses
PAR
EUGÈNE ASSE

Avant-propos
PAR
GEORGES VICAIRE

logo

Paris
HENRI DARAGON, libraire
10, rue Notre-Dame de Lorette, 10


1901

Eugène Asse, bibliothécaire à l'Arsenal, décédé il y a quelques mois à peine, était un passionné du livre. Il l'aimait de toutes les manières, sous toutes ses formes, pour ce qu'il contenait et pour sa décoration extérieure. Sa bibliothèque, généreusement léguée par lui à la ville de Versailles, formait, au point de vue de l'histoire comme à celui des lettres, un ensemble des plus importants et des mieux choisis. Mais s'il ne possédait point sur ses rayons des maroquins armoriés, de provenance célèbre, des reliures des Eve, des Ruette, des Le Gascon, des Derome et des Padeloup, des manuscrits précieux ou des estampes rares.—Non licet omnibus adire Corinthum—du moins professait-il pour tous ces trésors un culte respectueux qui confinait à la dévotion. Il fallait voir Asse caresser amoureusement les plats d'une ancienne reliure, tourner les feuillets d'un volume, en examiner les armes ou l'ex-libris, son visage s'illuminait aussitôt. Et si, par hasard, quelque profane s'était permis, en sa présence, de manquer à un livre, vieil ou jeune, des égards qui lui sont dus, Asse devenait terrible, inexorable et le mécréant n'avait plus qu'à s'esquiver.

A cet amour du livre, mon regretté confrère joignait une érudition des plus solides et un goût fort délicat. Rien de notre littérature ou de notre histoire ne lui était étranger; le dix-huitième siècle surtout l'avait attiré; il le possédait à fond.

Nul plus qu'Eugène Asse, n'était donc qualifié pour écrire l'étude bibliophilique que M. H. Daragon vient de faire entrer dans sa «Collection du bibliophile parisien» et qui y trouve sa place naturelle.

Les Bourbons bibliophiles parurent jadis dans une revue. Depuis, l'auteur des Petits Romantiques, qui avait projeté de réunir ces intéressantes pages en volume, revisa, dans cette intention, son premier travail, le corrigea, le compléta de telle sorte que le livre d'aujourd'hui apparait, non seulement comme une première édition en librairie mais presque comme une édition originale. La mort n'a pas laissé le temps à Eugène Asse de réaliser lui-même son projet et c'est à moi qu'il appartient d'accomplir le vœu de celui qui fut mon collaborateur dévoué et mon ami fidèle.

La mission m'est d'autant plus douce à remplir que, tout en honorant la mémoire du consciencieux écrivain, je livre à ses confrères en bibliophilie une étude qui, j'en suis persuadé, ne manquera pas de les intéresser et de recueillir leurs suffrages.

GEORGES VICAIRE.

V

ROIS ET PRINCES

VI I

On a compté les grands capitaines, les soldats valeureux que la maison de Bourbon a donnés à la France, depuis Pierre Ier, arrière-petit-fils de saint Louis, qui tomba à Poitiers, jusqu'à Jean II qui vengea son aïeul en battant les Anglais à Formigny; depuis ces deux ducs d'Enghien dont le jeune front fut illuminé l'un par la gloire de Rocroy, l'autre par celle de Cérisoles, jusqu'à l'aide de camp de Dumouriez à Valmy et au vainqueur d'Abd-el-Kader. Nous entreprenons une tâche bien différente, celle d'énumérer les bibliophiles que la maison de Bourbon posséda parmi ses princes. Ils sont presque aussi nombreux que les guerriers, et l'on peut dire que chez eux l'amour des livres le disputa à l'amour des armes, quand ces deux passions ne se partageaient pas également leur cœur.

I

Il faut remonter jusqu'au XIVe siècle, jusqu'aux anciens ducs de Bourbon, descendants immédiats de Robert de Clermont, pour trouver la première trace de l'amour que ces princes eurent de tout temps pour les livres. Dans la ville de Moulins, capitale de leur duché, ils avaient réuni de bonne heure une riche collection de livres, qui rivalisait avec celle que les rois de France de la maison de Valois commençaient, vers la même époque, à réunir eux-mêmes dans la grosse tour du Louvre. Nous voyons la femme de Louis Ier, Marie de Hainaut, morte en 1354, posséder déjà de beaux livres, et son nom se lit sur un manuscrit du roman de Lancelot que possède la Bibliothèque nationale. Mais le véritable fondateur de la bibliothèque des ducs de Bourbon à Moulins fut le petit-fils de cette princesse, Louis II, dit le Bon, qui mourut en 1410, et dont la sœur, Jeanne de Bourbon, épousa Charles V.

Si Raoul de Presles, un contemporain, nous représente le roi de France «estudiant continuelement en divers livres et sciences», le chroniqueur Jean Cabaret nous montre son beau-frère, le duc de Bourbon, se faisant «lire à son disner continuelement les gestes des tres renommez princes jadis roys de France et d'autres dignes d'honneur». Laurent de Premier-fait, qui traduisit pour lui, et sur son désir, les deux traités de Cicéron sur la Vieillesse et sur l'Amitié, l'a loué «d'aimer et hanter les livres» autant que «les hommes raisonnables». D'autres auraient peut-être demandé au roi de France des fiefs et des seigneuries; lui, il lui demandait des livres; c'est ainsi, comme le constate M. Léopold Delisle dans son histoire du Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, qu'il se fit donner par son neveu, Charles VI, dont il fut l'un des tuteurs, deux beaux volumes de la librairie du Louvre, un Tite-Live en 1392, et une Bible en 1397. Sous lui, la «librairie» de Moulins devint «l'une des plus belles et considérables» de l'époque. Elle était riche en «nombreux velins couverts de velours rouge et tanné, garnys de fermaux de leton, de boulhons et de carrees.»

Le petit-fils de Louis II, Charles Ier, qui, bien qu'époux d'Agnès de Bourgogne, fille de Jean sans Peur, embrassa le parti du roi de France contre le parti bourguignon, contribua beaucoup à la paix d'Arras et mourut en 1456, a laissé un magnifique témoignage de son amour pour les livres. C'est le précieux armorial où sont figurés les blasons et les châteaux du Bourbonnais, de l'Auvergne et du Forez, et qu'il fit exécuter par son héraut Guillaume Revel.

Jean II, son fils (1426-1488) et successeur, ne fut pas seulement célèbre par ses victoires de Formigny sur les Anglais, et de Gy sur le comte de Roucy, capitaine de Charles le Téméraire, qui vinrent puissamment en aide à la politique de Louis XI, dont il avait épousé la sœur, Jeanne de France; il aima aussi et protégea les savants.

Diligit et doctos doctior ipse viros,

dit un vers de Paulus Senilis. C'est pour lui que fut copié, vers 1480, le bel exemplaire de la Danse des aveugles et de l'Abusé en court, où figurent vingt-trois écussons de la famille de Bourbon. N'étant encore que comte de Clermont, c'est-à-dire très jeune, il possédait déjà un beau manuscrit italien de la Divine Comédie.

Deux frères du duc Jean II, Charles, cardinal de Bourbon, mort en 1488, et Louis, bâtard de Bourbon, amiral de France, mort en 1486, ont droit également au titre de bibliophiles: le premier par la Complainte de la ville de Lyon et l'Evangile grec qui porte sa devise: N'ESPOIR NE PEUR; le second, par une traduction des Stratagèmes de Frontin, et surtout par une Vie de Jésus-Christ, par Ludolfe, copiée par Gilles Richard, où se trouve un portrait de ce prince. (Bibl. nat., mss. franç. ancien fonds 177-179).

Au duc Jean II, mort sans postérité légitime, succéda son frère Pierre II, sire de Beaujeu (1439-1503). L'époux un peu effacé de cette Anne de France, fille de Louis XI, si célèbre dans l'histoire sous le nom de dame de Beaujeu, fut un très délicat et très passionné bibliophile, s'il ne fut pas le plus grand politique de sa maison. Il enrichit sa «librairie» de Moulins de la collection remarquable des ducs de Nemours, qu'il avait achetée de Jean d'Armagnac, fils du décapité, avec les comtés de Murat et de Carlat, et, en 1467, à la mort de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, son oncle maternel, il sut obtenir quelques manuscrits de la fameuse bibliothèque que ce prince avait formée à Bruges. «Les manuscrits qu'il faisait exécuter, dit M. Le Roux de Lincy, étaient aussi remarquables par la beauté des miniatures qui les décorent que par l'habileté des calligraphes qu'il employait.» Parmi ceux qui sont parvenus jusqu'à nous, il faut citer l'Histoire universelle, écrite en 1364 par Mathias du Rivau, et les Antiquités, de Joseph, illustrées de douze belles miniatures de Jehan Fouquet. Ce fut lui aussi qui plaça dans la «librairie» de Moulins une cinquantaine de volumes imprimés sur vélin «en molle», comme dit l'inventaire du temps, chefs-d'œuvre de la typographie naissante. Sur ses livres on voit son écusson aux armes de Bourbon, brisées d'un lionceau de sable sur la partie supérieure de la bande. Plusieurs aussi portent la devise: ESPÉRANCE, écrite de la main de son secrétaire François Robertet. C'est en sa personne que finit la lignée masculine de ces premiers ducs de Bourbon, dont le titre et les biens passèrent à la branche des Bourbons-Montpensier par le mariage de l'héritière de la branche aînée avec Charles III, comte de Montpensier.

Le fameux connétable de Bourbon ne fut pas lui-même sans donner ses soins à l'accroissement de la bibliothèque de ses prédécesseurs, malgré les soucis et les mécomptes d'une politique qui devait lui être fatale. L'éducation très lettrée que lui fit donner la veuve de Pierre II, Anne de France, devenue plus tard sa belle-mère, par son mariage, en 1505, avec la fille de cette princesse, Suzanne de Bourbon, avait contribué sans doute à développer en lui ce goût délicat. Il fit exécuter pour son usage et pour celui de sa femme plusieurs manuscrits. C'est à lui que l'on doit probablement l'idée de ce Recueil d'emblèmes, de proverbes, d'adages, d'allégories et de portraits, dessins à la gouache et en couleur, accompagnés de devises en prose et en vers, que fit faire pour lui ce même François Robertet, secrétaire du défunt sire de Beaujeu, frère du fameux Florimond Robertet, ministre des rois Louis XII et François Ier, et qui fut lui-même, sous Charles VIII, secrétaire et bibliothécaire des rois de France.

Au folio 139 recto de ce volume (Bibl. nat., F. La Vallière 44), on voit le portrait de Charles de Bourbon à cheval, armé de toutes pièces, galopant l'épée haute, tel qu'il était à la bataille d'Agnadel.

Avant d'acquérir par son mariage la bibliothèque des ducs de Bourbon à Moulins, Charles de Bourbon possédait en propre celle que les comtes de Montpensier avaient réunie à leur château d'Aigueperse, et qui s'était elle-même enrichie de plusieurs volumes des comtes de Clermont et de Sancerre ornés de leurs armes: au 1 et 4 d'or au dauphin d'azur; au 2 et 3 d'azur à la bande d'argent côtoyée de deux cotices potencées et contre-potencées d'or, avec un lambel de gueules à trois pendant sur le tout.

L'on sait comment la révolte du connétable de Bourbon amena en 1523 la confiscation de ses biens. La «librairie» de Moulins fut comprise dans cette confiscation. Après avoir été soigneusement inventoriée par Pierre Antoine, commissaire du roi, en présence de Mathieu Espinette, chanoine de Moulins, garde des livres du duc de Bourbon, elle fut réunie à celle du roi, déposée alors au château de Fontainebleau. C'est de là que nous sont parvenus les soixante-seize manuscrits splendides que M. Léopold Delisle signale parmi ceux de la Bibliothèque nationale comme ayant appartenu aux anciens ducs de Bourbon.

Aux Bourbons-Montpensier, descendants de Jean Ier, duc de Bourbon, et de Marie de Berry, éteints en la personne du connétable de Bourbon, succédèrent, comme chefs de la maison de Bourbon, les Bourbons-Vendôme, issus eux-mêmes de la branche des comtes de la Marche dont l'origine remontait à Louis Ier, premier duc de Bourbon, fils de Robert de Clermont. C'est de Charles de Bourbon, comte, puis duc de Vendôme en 1515, mort en 1537, et de François d'Alençon, que descendent, par son fils Antoine de Bourbon, roi de Navarre, toutes les branches de Bourbon qui subsistent aujourd'hui, et par son autre fils, Louis de Bourbon, prince de Condé, les branches éteintes de Condé, de Soissons et de Conti.

Les Bourbons-Vendôme, eux aussi, aimèrent les livres et en formèrent de belles collections. Telle fut celle du château de Vendôme, dont le domaine était entré dans leur maison, dès 1364, par Catherine, comtesse de Vendôme, femme de Jean Ier de Bourbon, comte de la Marche. Antoine de Bourbon, devenu roi de Navarre par son mariage avec Jeanne d'Albret, l'enrichit sans doute d'une partie des livres des anciens souverains de Béarn. Le Père Jacob, dans son Traité des plus belles bibliothèques, affirme en effet, après La Croix du Maine, que la bibliothèque des rois de Navarre «était autrefois conservée à Vendôme». Ce qui est certain, c'est que son frère, le célèbre cardinal de Bourbon que les ligueurs firent roi sous le nom de Charles X, et qui mourut en 1590, fut un des plus passionnés collectionneurs de livres du XVIe siècle. «Il a laissé, dit le même Père Jacob, cette mémoire à la postérité d'avoir été le plus grand amateur des gens de lettres et de livres qui fut en son temps.»

Ses livres, qui étaient «excellemment reliés en maroquin», furent légués par lui, vers 1580, à la maison professe des Jésuites de la rue Saint-Antoine, qu'il avait lui-même établie sur l'emplacement de l'ancien hôtel d'Anville. Ils furent dispersés lors de la première expulsion des Jésuites en 1595. Son neveu, Charles III de Bourbon, deuxième cardinal de Bourbon, fils du premier prince de Condé, qui lui succéda sur le siège archiépiscopal de Rouen, et mourut en 1594, à trente-deux ans, n'aima pas moins passionnément les livres. Il fut le restaurateur de la belle bibliothèque formée au château de Gaillon par le cardinal d'Amboise. Ses livres étaient uniformément reliés en maroquin bleu ou rouge, la tranche dorée, sur le dos ses armes: de France, au bâton péri en bande de gueules, et un médaillon représentant un lis au naturel avec la devise: Candore superat et odore.

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