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Les Romanciers d'Aujourd'hui

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CHAPITRE VIII
LES ROMANTIQUES

CHAPITRE VIII
LES ROMANTIQUES

Léon Cladel.—Catulle Mendès.—Clovis Hugues.—René Maizeroy.—Jacques Madeleine.—Henry d'Argis.—M. de Souillac.—Jean Richepin.—Joséphin Péladan.—Villiers de l'Isle-Adam—Emile Bergerat.—Mme Judith Gautier.—Bertrand Robidou.—Jean Rameau.—Elémir Bourges.—Barbey d'Aurevilly.

Et le maître étant mort, ceux-ci sont les héritiers du maître, les derniers romantiques, les grands «faiseurs de monstres» dont la race semblait à jamais éteinte, Léon Cladel, Barbey d'Aurevilly, Catulle Mendès, Joséphin Péladan, Jean Richepin, Villiers de l'Isle-Adam, d'autres. Leur romantisme, pour avoir traversé Beaudelaire, diffère assez peu du romantisme de 1830. Ils ont gardé le souci du rare, de l'exception, des cas isolés et extraordinaires. Et la théorie romantique est là toute. Han d'Islande, Hernani, Quasimodo, Marguerite de Bourgogne, Tragaldabas, Albertus, vingt types, l'incarnent au théâtre et dans le roman, en prose et en vers. Les «monstres» prennent pied dans la littérature. Pétrus Borel fait dévorer un père par son fils, après quoi cet anthropophage s'adresse au bourreau, et, sur un ton d'exquise politesse: «Monsieur le bourreau, je désirerais que vous me guillotinassiez.» O psychologie! Jules Vabre écrit son Essai sur l'incommodité des commodes; Célestin Nanteuil propose qu'on scalpe les quarante; Gautier les compare à des genoux; Jehan du Seigneur se bat en duel parce qu'on l'a traité de «bourgeois» [139]; Philothée O'Neddy s'écrie dans Feu et Flamme: Les préjugés ont une telle puissance que si j'assassine par hasard l'homme qui a insulté ma maîtresse,

Les sots, les vertueux, les niais m'appelleront
Chacal...

Et la bonne et douce George Sand elle-même se résigne à «faire des monstres», puisque la mode du temps est aux monstres [140]. D'autres modes, ni meilleures ni pires, ont succédé à celle-là. Mais à lui être demeurés fidèles, par tempérament ou par éducation, il se sera trouvé les sept ou huit mousquetaires qu'on sait, et ce n'est pas là, après tout, une des moindres curiosités de cette fin de siècle, où, faute d'un concept nouveau, les plus antiques formes d'art ont été tour à tour reprises et rajeunies.

I

D'abord Léon Cladel. Au physique, un corps d'ogre et une tête de Christ. La tête émerge d'un hoqueton jaune de terre qu'il porte en ville et aux champs et qu'il surmonte d'un feutre graisseux et démesuré, les jours de pluie. Ce costume-là est déjà une indication.

Les titres de ses livres sont aussi très particuliers: Raca, Les Va-nu-pieds, N'a qu'un œil (que ce candide proposa comme feuilleton à la République française de Gambetta), Mi-diable, Une brute, Gueux de marque, Le Bouscassié, L'homme de la Croix-aux-bœufs, Kerkadec le garde-barrière. Tout cela sonne terriblement. Et à la vérité, les héros de M. Cladel sont à la fois terribles et horribles. C'est la lignée de Han d'Islande et de Gilliat. Voit-il ses semblables ainsi? Sans doute. En toute chose, le simple et l'humain sont ce qui frappe et ce qu'on voit le moins. Il faut une psychologie très affinée pour y être sensible. Et peut-être n'est-ce point le cas de M. Cladel, ni des romantiques en général.

Et comme il voit les êtres, il voit les objets. Il n'y a rien d'amusant comme la nature décrite par M. Cladel, si ce n'est peut-être l'histoire commentée par lui [141]. Je renvoie sur ce point à N'a qu'un œil, dont les très calamiteuses aventures se déroulent à la veille de la Révolution. Il est malaisé d'accumuler plus d'horreurs (pillages, viols, meurtres, tortures, incendies) en trois cents pages. Mais M. Cladel met à cette besogne une candeur de petit garçon épelant dans une école primaire la leçon de son instituteur. Il n'est point cause, au reste, si les choses lui apparaissent ainsi. La réalité se déforme naturellement pour lui, comme pour ces bœufs dont on dit qu'ils voient les objets quatre fois au-dessus de leur grandeur vraie. Il voit, il pense, il écrit de même. Sa phrase, pareille à ces grosses souches raboteuses, éclate en jets et en enchevêtrements de toute sorte. C'est inextricable; on y étouffe, et il fait bon d'en sortir. Que restera-t-il de son œuvre? Hélas! Vous souvenez-vous de ce Langlade dont parle quelque part M. Halévy? «Langlade était l'auteur de la plus grande phrase de toute la littérature française: cette phrase avait 72 lignes.»—Et c'est tout ce que la postérité se rappelait de Langlade.

II

Mais M. Catulle Mendès restera. Il restera, parmi les romantiques de la dernière heure, comme le plus magnifique exemplaire de l'art du décalque. Son tempérament ne le disposait à aucun genre bien particulier. Il s'est fait romantique, comme il se serait fait naturaliste ou symboliste avec une égale souplesse. Car c'est un merveilleux virtuose, capable de se plier à toutes langues et de les parler toutes, fors la sienne. Dans son romantisme, il n'y a à bien prendre qu'une chose qui lui appartienne en propre: la sensualité, une sensualité raffinée et d'autant plus excitante, qui n'est pas là seulement pour chatouiller et gagner la clientèle, mais qui s'épand aussi, je crois, par quelque vice de l'encéphale. Dans ce genre, les amateurs possèdent de lui toute une bibliothèque de chaise longue: Pour lire au bain, Tendrement, Lili et Colette, les Iles d'amour, Le nouveau décaméron, de ces livres comme les aimait la belle dame de Jean-Jacques et qu'elle ne trouvait incommodes qu'en ce qu'on ne les peut lire que d'une main [142]. La plupart de ces livres sont, au reste, de simples recueils de nouvelles. Mais dans les romans (Zo'har, la Première maîtresse, etc.), la veine libertine coule tout aussi large. Mettons à part, si vous voulez, un livre entièrement beau et sain: Les mères ennemies.

Malheureusement, il n'est pas que cette littérature n'ait fait école. M. Clovis Hugues, qui fut mieux inspiré, jadis, a donné dans Madame Phaéton une contrefaçon assez réussie des romans de M. Mendès. C'est suffisamment lubrique et atourné. Je crois bien que le délicat M. Maizeroy relève aussi du genre. Sur le champ littéraire, tout au moins, l'auteur de Deux amies [143] peut tendre le petit doigt à l'auteur de Zo'har. En somme, toutes ces classifications reviennent à: dis-moi qui te lit, je te dirai de qui tu procèdes. Ce qui fait que M. Jacques Madeleine avec Un couple, M. d'Argis avec Sodome, et M. de Souillac, avec Zé Boïm, pourraient bien appartenir à la même école d'indécence et de préciosité.

III

Avec MM. Richepin, Péladan, Villiers de l'Isle-Adam, celui-ci zingari, celui-là mage, cet autre chevalier de l'Ordre de Malte, nous entrons dans un romantisme plus honnête et quelquefois aussi plus original.

C'est M. Richepin qui l'a dit lui-même: «En moi cohabitent un rhétoricien de la décadence et un zingari de la grande route, rétameur de casseroles, maquignon et acrobate.» Le curieux, c'est qu'il ait vu aussi clair en lui. Rhétoricien, il l'est, par une virtuosité de langue au moins égale à celle de M. Mendès, par l'aisance avec laquelle il se plie au ton de chaque genre, par son amour du lieu commun et de l'antithèse. Je laisse de côté ici le poète; dans le roman, il a des pages de description minutieuse et pointilleuse qui rappellent Dickens [144]; telles de ses tirades à panache sont d'un Alexandre Dumas supérieur [145]; la sobriété et l'horreur muette de certains dialogues font penser à Mérimée [146]; par le heurté et le vif de quelques analyses, il dépasse Vallès [147]; d'autres fois,—moins souvent—c'est M. de Montépin en personne qu'il nous présente, mais un Montépin correct et presque académisable [148]. Du rhéteur, il a encore l'ampleur d'accent, l'adroite sophistique qui sait plaider le faux et le vrai, les généralisations faciles surtout. Ses grossièretés, rhétorique; ses blasphèmes, rhétorique toujours. Il a cherché une affaire au bon Dieu pour avoir l'occasion de jongler avec des vocables plus sonores. Il peut tout, il est capable de tout. Il n'est pas jusqu'à la simplicité qu'il n'ait atteinte quand il a voulu. Sœur Doctrouvé est la merveille du genre. Dans les premières pages de Césarine, rien que par sa notation nette et sèche des choses, il emplit l'âme d'une grande horreur physique. Rhéteur donc, si vous voulez, mais assurément un maître rhéteur, et, comme il dit encore, comme cette étrange Miarka, la «fille à l'ours», qu'un caprice de la destinée jeta de sa roulante tribu à la banalité des villes, une sorte de zingari civilisé, un zingari qui aurait fait ses classes, traversé la rue d'Ulm et les littératures anciennes, et qui garderait du tempérament ancestral les fièvres, les colères, les spasmes, l'amour enfantin du tam-tam et des paillettes, et le culte aussi des grandes choses naturelles [149].

Vous avez vu le zingari; ci-joint le mage. C'est M. Joséphin Péladan que je veux dire. Que cette magie ne contienne pas un tantinet de mystification, je n'oserais pas l'affirmer; je n'oserais pas affirmer le contraire non plus. M. Péladan a l'air si convaincu, et M. de Gayda, et M. Jouhney, et Mme Olympe Audouard! Dès qu'il s'y mêle une religion, toute pratique devient respectable. Au reste, M. Berthelot vous dira que la chimie est sortie de l'alchimie, que tout n'est point à mépriser chez les théurges, et que c'est à l'un d'eux, par exemple, Cardan, qu'on doit en algèbre la solution des équations du 3e degré. M. Péladan n'a fait, que je sache, aucune découverte algébrique notable. Mais il a écrit sous ce titre général: La décadence latine, une série de romans [150] qu'il est permis de trouver lourds, confus, prétentieux, mais dont je reconnais ici la très éclatante puissance. Au demeurant livres malsains pour la santé de l'esprit, gardez-vous-en précieusement, âmes faibles déjà. J'aurais peur pour ma raison de vivre avec de pareils livres...

Et s'avance le chevalier de Malte, M. le comte de Villiers de l'Isle-Adam [151]. Ah! peuple de gobeurs que nous sommes! Je ne me soucie guère du chevalier, mais pour le «penseur» comme on dit, c'est le plus beau vide avec la plus belle affectation de la profondeur que je sache [152]. Affectation? Et de quel autre mot d'abord veut-on que j'appelle tout cet étalage de guillemets, de tirets, de points de suspension et de lettres italiques et majuscules, où M. de Villiers cherche ses effets les plus sûrs?—«L'Année Dernière, Au Clair de Lune, au Colosseum, la Petite Voix Séduisante M'EST Venue et M'A DIT: Smith ou Jones (le Nom de l'Auteur N'est Ni Celui-ci, Ni Celui-là), Mon Bon Ami, etc., etc.»—La phrase est de Thakeray singeant chez les snobs d'outre-Manche un charlatanisme analogue: mais, pour le ridicule et le creux, pour la manie de fixer sur des riens notre attention surprise et déroutée, elle pourrait être tout aussi bien de M. de l'Isle-Adam. Car, même ce procédé-là, il n'y a rien de neuf chez lui. Et, pour le reste, sa plaisanterie de pince-sans-rire n'est qu'une traduction assez basse de l'humour de Swift; son Tribulat Bonhomet n'est que la caricature du Homais de Flaubert, sorti lui-même du pharmacien anonyme d'Hermann et Dorothée [153]; son macabre fait sourire à côté de celui de Poë, et, dans la farce, Marc Twain, qu'il transpose [154], lui est vingt fois supérieur. Reste son style. Je me garderai d'en rien dire. Il l'a trop bien jugé lui-même, le jour qu'il l'a fait consister en «d'étranges consonnances, presque nulles (oh! combien nulles, parfois!) de signification».

IV

On peut grouper encore à cette place, sous la rubrique «romantiques», quelques écrivains, comme M. Bergerat ou M. Elémir Bourges, dont le romantisme se tempère d'observation. Ce ne sont point des romantiques «purs»; mais la nuance ne laisse pas que d'offrir quelque intérêt.

M. Emile Bergerat est surtout connu par les chroniques qu'il signe au Figaro du pseudonyme de Caliban. Dans ces chroniques-là, M. Bergerat est «zutiste», et c'est un peu lui qui a créé le groupe ou qui l'a baptisé, tout au moins. Romancier, il rentre dans le rang. Voir Le viol, où il y a le souvenir de Mlle de Maupin. Le petit Moreau est une étude à part (très honnête, très discrète, attristée et douce) du sentiment maternel.

Mme Judith Gautier, fille du grand Théo et belle-sœur de M. Bergerat [155], reste aussi dans la tradition. On cite ses drames, ses «salons», ses bons mots; on ne cite presque jamais ses romans, et c'est dommage, car il y a de la chaleur et de l'emportement dans Le lion de la victoire et dans La reine de Bengalore.

M. Bertrand Robidou, qu'on connaît moins [156], a prodigué dans tous les genres, histoire, philosophie, roman, théâtre, poésie, un talent qui semble n'avoir rien perdu à se répandre sur un objet si vaste. Ses vers sont fort beaux, particulièrement l'épisode d'Elohim et Jaweh que cite M. Jules Tellier (Nos poètes). Dans le roman, n'eût-il écrit que la Dame de Coëtquen, qu'il mériterait une place distinguée entre ses confrères. Mais je recommanderai surtout de lui Les Mériahs, où j'ai trouvé sous la fantasmagorie du sujet un sens philosophique très profond.

M. Jean Rameau est aussi un poète, et ses débuts firent quelque fracas, voici quatre ans. Comme romancier, on cite de lui Possédée d'amour et le Satyre. S'il faut dire, ce dernier livre n'est point tout à fait indigne de M. de Montépin, et telles pages, dans le premier, atteignent au dramatique sombre de Ponson du Terrail.

Le cas de M. Elémir Bourges mériterait une dissertation à part qui pourrait s'intituler: Comment on ne doit pas se faire un style [157]. Voici un romancier plein de vie, très au courant de son art, expert au groupement des personnages et au jeu des sentiments; ce romancier rencontre par surcroît une donnée de premier ordre, quelque chose, si vous voulez, comme la donnée des Rois en exil. Bien entendu que le sujet est tout moderne, qu'il ne s'agit point d'une reconstitution archaïque à la Flaubert. M. Bourges est ce romancier-là, et pour traiter ce sujet-là, avec ces qualités-là, il ira emprunter à Saint-Simon (voyez la belle idée), au maître du style soudain, primesautier, tout en à-coups, au classique par excellence de l'incorrection et de la négligence, quoi? Ses incorrections, ses négligences d'abord; il se fera un cahier de ses expressions et de ses tours les plus ordinaires; il étudiera méticuleusement jusqu'aux places des que, des si, des virgules; il s'embrouillera à plaisir d'incidentes; il ne risquera de métaphores qu'autant qu'elles auront déjà servi aux Mémoires; et ainsi pendant trois cents pages. Le résultat, c'est qu'un lettré ne saurait lire toutes ces belles choses, ramené qu'il est perpétuellement à leur origine, et que voilà trois cents pages et bien du talent de gaspillés.

V

J'ai gardé pour la fin et pour la bonne bouche, comme on dit, M. Barbey d'Aurevilly.

M. Jules Barbey d'Aurevilly ne veut point paraître notre contemporain. Voilà quatre-vingt et un ans qu'il se meurt à petit feu d'être né dans ce méchant siècle de bourgeoisie, et les protestations dont il emplit ses volumes sont encore le seul prétexte qu'il ait trouvé à vivre.

Du moins, on l'a «distingué». Il dit d'un de ses héros qu'il était pareil à un portrait qui marche [158]. M. d'Aurevilly a un peu de cet air-là, et un peu aussi de celui d'une gravure de modes. Mais il soigne cet archaïsme et ce dandysme, et volontiers se condamne au petit lit de fer dans une mansarde mal close pour quelque belle cravate blanche à pois d'or, dont il épinglera méticuleusement les ailes sur son pourpoint de casimir, comme un grand papillon. On ne peut trop l'admirer. J'ouvre son Memorandum, et j'y lis de huit pages en huit pages: «Le coiffeur est venu.» J'y lis aussi qu'il compte acheter une limousine de charretier normand et la doubler de velours noir pour l'hiver. Et je vois, sur son portrait, qu'il est beau, d'un genre de beauté qui n'est point, pour parler sa langue, la beauté niaise et tempéramenteuse d'Antinoüs, mais la beauté insolente, impériale, juanesque, qu'il donne, comme un peu de lui, à ses héros Mesnilgrand et Ravilès. Porter beau est pour lui une première manière de se «distinguer», dans ce siècle où la figure humaine, tolérable seulement chez la femme et l'enfant, «s'en va comme tout le reste» [159]. Et, par le reste, entendez les mœurs, la suprématie des nobles, la religion, tout, jusqu'aux ridicules, qui chez nous «ont moins de gaieté et de variété par eux-mêmes que ceux de nos pères» [160]. Je crois voir que M. d'Aurevilly s'est étudié à fond. Il est donc aristocrate, et c'est sa seconde manière de se «distinguer.» Son aristocratisme consiste surtout à dire: Tudieu! Il est le dernier gentilhomme au monde qui sache dire encore: Tudieu! Que voilà un joli juron: Tudieu! Mais il a aussi un répertoire de phrases sévères sur la civilisation actuelle. Cette civilisation, il n'y découvre «que des usines et des latrines [161].» C'est bien dur. Les «classes moyennes» le dégoûtent. «Bourgeois, cela dit tout [162].» Monsieur Thiers, fi! Odilon Barrot, pouah! Ils étaient petits, laids et honnêtes. Sodérini, qui fut gonfalonnier à Florence et la pire des canailles, valait mieux, s'étant conservé très beau dans le portrait de Vinci. Et Sodérini fut bon catholique, ce qui le rapproche encore de M. Barbey. Car ce dandy et cet aristocrate s'est fait une troisième et dernière «distinction» de son catholicisme, mais un catholicisme que vous n'imaginez point, bonnes âmes, et où il entre des hystéries, du sadisme et de la diablerie, un catholicisme à la Gilles de Retz et d'il y a quatre cents ans. En vérité, et quoi qu'il dise, bien en a pris à M. d'Aurevilly de naître notre contemporain. Le Saint-Office aurait pu ne pas trouver à son goût ce genre de dévotion-là [163].

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CHAPITRE IX
LES ÉCLECTIQUES

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CHAPITRE IX
LES ÉCLECTIQUES

Hector Malot.—Victor Cherbuliez.—Jules Case.—Albert Delpit.—Ernest Daudet.—Camille Le Senne.—Adolphe Belot.—Mario Uchard.—Francisque Sarcey.—François Coppée.—Amédée Pigeon.—Edouard Cadol.—Paul Perret.—Mme de Peyrebrune.—Gustave Toudouze.—Albert Cim.—Léon de Tinseau.—Charles Foley.—Léon Tyssandier.—Ph. Audebrand.—Gaston Bergeret.—Charles Beaumont.—Jacques Normand.—Marcel Sémezies.—Henry Baüer.—Hippolyte Buffenoir.—Henri Beauclair.—Louis Tiercelin.—Alfred Bonsergent.—Alain Beauquesne.—Jules Hoche.—Jules Vidal.—Gilbert Stenger.—Victor Meunier.—L. Martin-Laya.—Gustave Vinot.—Saint-Maxent.—Armand Charpentier.—A. Richard.—Antoine Mathivet.—Yveling Rambaud.—De Beausire-Seyssel.—Georges Ohnet.

Les écrivains que voici n'appartiennent, je crois, à aucune école bien déterminée. Ce ne sont ni des idéalistes, ni des impressionnistes, ni des symbolistes. Ils n'ont point de formule; ce sont simplement des romanciers, et comme on était romancier avant tous ces pugilats d'écoles, c'est-à-dire avec l'unique préoccupation d'intéresser. Balzac, que l'on accapare, pourrait bien être leur vrai patron [164]. Il fut comme eux et d'abord un grand agenceur de drames; si la part d'observation est la plus forte dans ses livres, elle y est bien mêlée: réalisme, fantaisie, mysticité, il entre bien des éléments dans la composition de ce colosse. Il ne se raisonnait pas; il produisait. C'était tout, excepté un romancier à système. Aussi sa vraie lignée, peut-être n'est-ce point, malgré l'apparence, M. Zola et M. de Goncourt, et point davantage M. Bourget; mais plutôt M. Malot, M. Delpit, M. Case. Je ne dis point que ceux-là soient restés étrangers à toute préoccupation d'école. Le courant a réagi certainement sur eux dans un sens ou dans l'autre, et suivant que leur nature les disposait à l'idée ou au fait. Mais ils n'ont point penché tout entiers d'un côté ni de l'autre; ils sont restés des éclectiques. Ne sourions point du genre: s'il n'a pas produit de chefs-d'œuvre, il a produit plus d'une œuvre vive, sensée, intéressante. Sans autre discipline que la naturelle, il s'est développé à côté des genres classés et tranchés. Les chefs-d'œuvre sont rares partout. Heureux, dirons-nous avec Sainte-Beuve, le roman, fût-il inégal, où il y a de la vérité et qu'a visité la grâce!

Hector Malot.—C'est M. Taine qui fit la réputation littéraire d'Hector Malot dans un article resté célèbre du Journal des Débats. J'y renvoie le lecteur. Il y verra pour quelles raisons M. Taine admire M. Malot, et comment il l'établit dans la succession de Balzac. Pour la fécondité, peut-être (Le seul énoncé des livres de M. Malot prendrait toute une page: Zyte, Micheline, Les millions honteux, Ghislaine, Le sang bleu, Le lieutenant Bonnet, Une belle-mère, Clotilde Martory, Sans famille, Madame Obernin, etc.), pour la langue, qui est chez M. Malot plus franche, plus ferme, moins mêlée que chez Balzac, pour le tour de l'intrigue, la bonne charpente du drame, la force et la variété des situations, j'y consens encore. Mais ce large sens de la vie, cette puissance créatrice, cette rude et indélébile empreinte que Balzac applique à Rubempré, à Gobsek, à Vautrin, à Ursule Mirouet, au vieux Grandet et qui les fait reconnaître entre tous pour ses fils et filles, je pense qu'il n'en faut point trop parler à M. Malot.

Victor Cherbuliez [165].—Et parlons-en bien moins encore à M. Cherbuliez. Il serait le premier à sourire; il se prend si peu au sérieux qu'il sourit à chaque instant de lui-même. Que par bonne fortune il mette la main sur un vrai type, comme son Jean Têterol, ou sur un cas de vraie passion, comme dans Ladislas Boski, la préoccupation de l'esprit le point, le retourne, l'enlève à la réalité entrevue. Et le voilà qui part à tout railler, mais avec tant de grâce, de finesse, une politesse de si bon ton, qu'on est vite consolé du change. Il se peut même, après tout, que ce soit là son grand charme. Du moins, pour le Comte Kostia, est-il bien certain que l'attrait du livre vient de ces sautes continuelles de la passion et de l'esprit. M. Cherbuliez ne veut être qu'un amuseur; mais c'est l'amuseur des délicats.

Jules Case [166].—Pour M. Case, quoique jeune encore, il occupe une place très honorable dans le roman contemporain. Je citerai particulièrement de lui Bonnet-Rouge et Une Bourgeoise. Le premier de ces romans est une étude de psychologie politique: Olivier Dathan, le héros de Bonnet-Rouge, à force de compromissions et de volte-face, devient un personnage; le second roman, une étude d'adultère, s'agite dans un milieu manufacturier. Talent réfléchi, bien littéraire, répugnant à la grossièreté sans dédaigner l'exactitude, ami de l'idée qu'il concilie avec le fait, M. Case se montre à nous dans ces deux romans comme un des bons disciples de Balzac.

Albert Delpit [167]; Ernest Daudet [168]; Camille le Senne [169]; Adolphe Belot [170].—Je goûte moins M. Albert Delpit, dont le tempérament, plus audacieux, sans doute, garde toujours quelque chose de mélodramatique. Sa langue reste médiocre; c'est cette langue semi-poétique que vous connaissez, et qui est toute tissue de métaphores courantes (Les barques comme des mouettes frileuses, etc. Et pourquoi frileuses?) On peut lui reprocher encore d'être trop docile à l'actualité dans le choix de ses sujets. Voyez, par exemple, Solange de Croix-Saint-Luc, qui est la mise en œuvre du triste drame de Solesmes. L'inconvénient de ces sortes de livres, c'est qu'ils subordonnent l'art à la réalité; le romancier n'est plus son maître, mais une manière de juge instructeur. Nous touchons une fois de plus ici à cette question du «reportage dans le roman», qui a pris tant de gravité en ces dernières années. Les romanciers du genre de M. Delpit,—et ils sont nombreux, depuis M. Camille le Senne et M. Ernest Daudet jusqu'à M. Adolphe Belot,—«commencent, dit M. Brunetière [171], par faire une espèce d'enquête générale sur l'état de l'opinion. Quel est l'événement parisien de l'année dernière dont le retentissement dure encore ou dont on puisse espérer, à tout le moins, de réveiller aisément l'écho? Et quel enchaînement de faits divers, ou quelle heureuse combinaison de menus scandales du boulevard et du bois, pourrait bien grossir l'aventure jusqu'aux proportions d'un volume?» Et la question résolue, vous voyez paraître ou Solange de Croix-Saint-Luc, de M. Delpit, ou Défroqué, de M. Ernest Daudet, ou Louise Mengal, de M. Camille Le Senne, ou La bouche de Madame X..., de M. Belot. Que ce souci de l'actualité, ce soin de flatter le goût du public, ôtent de ses moyens au romancier, la chose, je pense, n'est point contestable. Il arrive ainsi que des romanciers bien doués, ayant, comme M. Ernest Daudet, la vigueur et l'emportement, comme M. Adolphe Belot, la passion, ou, comme M. Le Senne, une psychologie très sûre, servie par une langue très suffisante, se condamnent à des sujets de rencontre auxquels leur talent ne les préparait point et qui rebutent leur analyse, quand ils ne descendent pas, pour flatter des goûts pires, à l'étude de simples cas pathologiques [172].

Mario Uchard.—C'est là, du reste, un courant. Que si notre littérature a des excès, ce n'est point de pudeur. Nos pères souffraient de la métaphore; nous souffrons du mot propre. Je ne dis point cela pour M. Mario Uchard; mais enfin il est bien certain que M. Mario Uchard lui-même ne s'est point toujours tenu dans les limites d'une saine et étroite morale et que ce ne sont point des livres à mettre aux mains des jeunes filles que Mon oncle Barbassou et Inès Parker. Par exemple, il n'y a rien à dire à Mademoiselle Blaisot, non plus qu'à Joconde Berthier. M. Uchard n'a peut-être point une imagination très puissante; mais je lui reconnaîtrai bien volontiers ce qu'on lui reconnaît ordinairement, du bon sens, de la verve, un esprit un peu gros, amusant tout de même, l'art de narrer des choses simples en une langue aisée.

Francisque Sarcey.—Portez les qualités précédentes au degré éminent qu'elles atteignent chez M. Sarcey, vous aurez, je pense, la caractéristique de son talent. On le connaît assez peu pour romancier; le feuilletoniste, chez lui, a eu tôt fait d'accaparer toute l'attention. Avez-vous entendu parler d'Etienne Moret, du Piano de Jeanne, de Deux amis, de Qui perd gagne? Pourtant, il y a quelque vingt années, et quand le feuilletoniste n'était qu'en bouton, Le piano de Jeanne et Qui perd gagne récréèrent fort nos parents. Ils pourraient encore délasser les fils. Ils furent publiés dans le Journal illustré, où ils eurent le succès que méritait cette langue alerte, franche, bien sonnante, une imagination toujours prudente, un tour heureux dans l'agencement du drame et la présentation des personnages. L'auteur a lu Balzac; il s'en souvient quelquefois. Son Valdreck est un peu lui-même cousin du bon Pons; dans les Deux amis, il figure un Rastignac de province qui est une caricature toute parlante. Son Etienne Moret doit être mis à part: c'est une étude très sérieuse, attristée souvent, de la vie universitaire. Je voudrais qu'on dédaignât moins ces jolies œuvres, vives, vraies, intéressantes, et je voudrais que mes contemporains se persuadassent qu'il y a plus de courage et d'originalité qu'on ne croit à être, en prose comme en vers, un homme de bon sens.

François Coppée.—Ecoutez l'histoire d'Henriette Perrin et d'Armand Bernard: Henriette Perrin était couturière; Armand Bernard était étudiant. Ils se rencontrèrent une après-dînée de dimanche devant l'hôpital Laënnec; ils marchèrent quelque temps côte à côte; il lui prit le bras et elle ne sut pas résister. Ils dînèrent chez Lavenue; ils firent leur promenade de noces sous les étoiles, serrés l'un contre l'autre; puis il la reconduisit chez elle, et, «ce soir-là, Armand ne rentra chez sa mère que bien après minuit». Henriette avait dix-neuf ans; Armand en avait vingt. «Comme ils s'aimaient! Comme ils s'aimaient bien! Oh! certes, avec la joie et la folie de leurs jeunes sens, avec de rapides voluptés de colombe. Mais si tendrement aussi!» Et des jours, des semaines, des mois passèrent. Mme Bernard avait surpris le secret de son fils et ne lui pardonnait pas. L'enfant fut atteint d'une fièvre typhoïde; il mourut. Et Henriette aussi mourut [173]...—O poète, j'ai vu des yeux chers qui pleuraient sur la destinée d'Henriette et d'Armand. Quel charme avez-vous donc que cette vieille et éternelle histoire revive avec vous dans sa fraîcheur et sa grâce premières? Bénie soit la Muse! Par elle, et jusqu'en vos infidélités, vous restez toujours notre poète, le poète des jeunes cœurs, des jeunes amours, douces et brèves, l'enchanteur des mélancolies confuses de la vingtième année...

Amédée Pigeon.—Un poète encore, si délicat, si triste, comme souffrant, qu'on connaît à peine et qu'il faudrait admirer. Le connaît-on beaucoup plus pour romancier? Je ne crois pas. Mais ceux des hommes de mon âge qui ont lu Femme jalouse, qui ont vécu avec le poète dans la tragique intimité de Mme Fauvel et deviné un frère d'esprit dans la pâle et douloureuse figure de son amant, ne sauraient oublier de sitôt cette pénétrante analyse. M. Pigeon n'a rien publié depuis Femme jalouse. J'ai peur qu'il ne renonce au roman. Il semble pourtant qu'une observation aussi sûre que la sienne, une langue si déliée, devraient trouver à s'exercer à l'aise dans ce libre domaine de l'analyse psychologique.

Et voici d'autres écrivains, gens de talent, un peu mêlés, que je ne puis, je crois, mieux cataloguer que dans les éclectiques: d'abord, M. Edouard Cadol. Romancier honnête et d'une bonne humeur continue, on lui doit entre autres livres de mérite, Gilberte, La revanche d'une honnête femme, Les parents riches. La caractéristique de ses livres, c'est qu'ils sont déjà tout découpés pour la scène;—M. Paul Perret (Ni fille, ni vierge, Sœur Sainte-Agnès, Le roi Margot). Ses affabulations sortent du domaine courant et présentent presque toujours au dernier chapitre quelque péripétie inattendue [174];—Mme de Peyrebrune (Gatienne, Mlle de Trémor, Une séparation, Victoire la Rouge, Les ensevelis, etc.). «Mme de Peyrebrune est un esprit vivant, dit M. Jules Lemaître, actif, curieux, infatigable, ouvert à toutes les impressions.» Ses meilleurs romans sont un compromis entre le roman romanesque et le roman d'observation;—M. Gustave Toudouze (Le ménage Botsec, Toinon, Le pompon vert, Fleur d'oranger). M. Toudouze est un romancier à thèses; du moins apporte-t-il à leur développement un talent d'écrivain et une conscience d'analyste très appréciables. J'ai déjà cité Le pompon vert comme un de nos bons recueils de nouvelles [175]; je citerai Fleur d'oranger comme un roman qui se lit et se discute et qui a sa marque d'originalité;—M. Albert Cim (Service de Nuit, Un coin de province, Institution de demoiselles). M. Cim s'entend à camper en pied des figures de grotesques et de déclassés qui ne laissent pas que d'avoir leur mérite;—M. Léon de Tinseau (Ma cousine Pot-au-Feu, Montescourt, Madame Villeféron jeune, etc.). M. de Tinseau s'est cantonné dans la province, qu'il a rendue çà et là d'une manière amusante et fine. Montescourt est la peinture d'une petite ville pendant la période électorale; il est dommage que M. de Tinseau mêle des histoires d'enlèvement à ces jolis croquis sans prétention;—M. Charles Foley (Risque-tout, La Course au mariage, etc.). «Ce dernier livre, dit M. Adolphe Brisson [176], est une étude, prise sur le vif, de ce monde cosmopolite que tous les Parisiens ont plus ou moins coudoyé. A ses qualités d'analyse et d'observation, il joint l'attrait d'une action piquante et mouvementée»;—M. Léon Tyssandier (La première passion, La femme du préfet). L'auteur a aussi collaboré au roman posthume de Henri de Pène: Demi-crimes. Son roman de début, La première passion, bien accueilli de la critique, accuse une langue originale, un sentiment très vif des choses de l'amour et une très réelle connaissance des dessous parisiens.—Enfin et pour être fidèle à ma conscience d'annotateur, il me faudrait citer tout au moins ici, avec les romans et nouvelles (quelques-unes sont exquises) de M. Philibert Audebrand [177], Provinciale, par M. Gaston Bergeret, Le cahier de Marcel, par M. Charles Baumont, La Madone, par M. Jacques Normand, L'Impasse et L'Etoile, par M. Marcel Sémezies, Une comédienne, par M. Henri Baüer, Le député Ronquerolles, par M. H. Buffenoir, Le pantalon de Mme Desnoux (un livre très amusant, un peu tourné à la charge), par M. Henri Bauclair, La Comtesse Gendelettre (une étude de ville d'eaux, très fouillée et très mordante), par M. Louis Tiercelin, Madame Caliban et Bébelle, par M. Alfred Bonsergent, L'Ecuyère et La maréchale, par M. Alain Beauquesne, Le vice sentimental, par M. Jules Hoche, Un cœur fêlé, par M. Jules Vidal, Une fille de Paris et Maître Dufresnoy, par M. Gilbert Stenger, Miracle, par M. Victor Meunier, Yvon d'Or et Monsieur de Joyeuse, par M. L. Martin-Laya (avec dédicace à Chambige), La marquise de Rozel, par M. Gustave Vinot, Une jeune fille (roman à thèse et à thèse bien soutenue), par M. Saint-Maxent, Le bonheur à trois (autre roman à thèse, lui, elle et l'autre) par M. Armand Charpentier, Peur de la vie (dont la morale optimiste quand même est un peu cousine de celle de M. Cherbuliez), par M. Richard, L'assassin de Monsieur Le Doussat, par M. Antoine Mathivet, Achille Robineau (monde de la bourse) par M. Yveling Rambaud, Un mariage parisien, par M. de Beausire-Seyssel. Je prie qu'on m'excuse d'arrêter ma nomenclature sur ce dernier nom; pour les «manquants», il sera plus simple de se reporter au Journal général de la librairie. Je dirai seulement quelques mots du cas de M. Georges Ohnet [178].

Salué à ses débuts comme un des maîtres du roman et du théâtre contemporains, en possession d'un succès dépassant toute prévision, M. Georges Ohnet, qui n'attendait plus qu'un fauteuil à l'Académie, s'est vu tout d'un coup dépouillé de son auréole et jeté bas de son piédestal par la main vigoureuse de M. Jules Lemaître. Dieu sait le revirement qui suivit cette exécution! Ce fut un tolle dans toute la critique; point de roquet de lettres qui ne crut à honneur d'aboyer aux chausses du malheureux romancier; s'il vit encore, c'est en vérité qu'il a la peau dure. Et pourtant, réfléchissez: que les succès de M. Georges Ohnet, ses prétentions à la maîtrise, une morgue à l'avenant, aient fini par agacer quelques-uns, je le conçois. Il serait aussi ridicule de prendre M. Ohnet pour un grand écrivain qu'il est ridicule, je pense, de lui dénier toute espèce de talent. Sa syntaxe et son style sont médiocres, soit! Mais croyez-vous, tout bien réfléchi, qu'il écrive plus mal que vingt autres de nos contemporains, M. Delpit, par exemple, ou M. Jules Mary, dont vous tenez les œuvres en une certaine estime? Et quand M. Jules Mary écrit cette phrase: «On eût dit que l'occupation des Flandres par les Espagnols, mêlant le sang des deux races, revivait tout à coup en lui par-dessus les générations», s'exprime-t-il beaucoup mieux que M. Georges Ohnet? Et quand M. Delpit parle des nuages «noirs comme de l'encre», des barques qui rentrent «pareilles à des mouettes frileuses», et de l'amour qui naît de la haine «comme un lys d'un fumier», ces métaphores sont-elles beaucoup plus neuves que celles de M. Georges Ohnet? Et quand M. Emile Blavet, dont M. Jules Lemaître se plaît à reconnaître, avec une grande raison d'ailleurs, l'entrain, la vie, le parisianisme, dit couramment «la horde misère», sa syntaxe est-elle enfin si supérieure à celle de M. Georges Ohnet? Mais notez bien que les trois quarts de nos écrivains n'ont jamais pu conjuguer le verbe «poindre», ni connu le genre du substantif «effluve», ni su distinguer un pluriel dans la préposition «ès». Et vous irez faire un grief mortel à M. Georges Ohnet de ce que vous pardonnez si aisément à ses confrères! Soyons justes. Si M. Ohnet s'est emparé du public et s'il le tient toujours, c'est qu'il a les deux qualités qui décident habituellement de ces sortes de succès: ses livres sont charpentés de main d'ouvrier et il apporte une réelle puissance au développement des lieux communs dramatiques de l'amour. Le public n'en demande pas davantage. Et après tout, sont-ce là des qualités qu'il faille tant dédaigner? Je ne suis pas sûr que si les romans de M. Ohnet étaient écrits en slave, que l'action se passât à Saint-Pétersbourg ou à Nijni-Novogorod, et qu'enfin M. Georges Ohnet s'appelât d'un nom en off, en eff ou en ki, beaucoup de ceux qui le raillent ne lui découvrissent tout de suite du génie.

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CHAPITRE X
ROMANCIERS DIVERS

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CHAPITRE X
ROMANCIERS DIVERS

(LE ROMAN DE VOYAGE; LE ROMAN SCIENTIFIQUE; LE ROMAN PRÉDICANT; LE ROMAN-FEUILLETON)

Henri Gréville.—Michel Delines.—Léopold de Sacher-Masoch.—Léon Sichler.—Ary Ecilaw.—Hector France.—Th. Bentzon.—F. de Jupilles.—Lucien Biart.—Louis Jacolliot.—Louis Boussenard.—Victor Tissot.—Xavier Marmier.

Jules Verne.—A. de Lamothe.—André Laurie.—Jean Macé.—Eugène Parès.

Mme Zénaïde Fleuriot.—Mme Mathilde Bourdon.—Mme Nelly Lieutier.—Mme Marie Guerrier de Haupt.—Mme Maryan.—Mme Marie Maréchal.—Jean Grange.—Aimé Giron.—M. du Campfranc.

Pierre Ninous.—Charles Buet.—Jules Mary.—Pierre Zaccone.—Tony Révillon.—Adolphe d'Ennery.

Il s'est créé, en ces dernières années,—et par l'éveil d'une curiosité que nos pères ne connurent point et qui fait de ce siècle le plus impersonnel de nos siècles littéraires,—tout un genre nouveau qu'on pourrait cataloguer sous le nom de roman de voyage, la prétention de ceux qui cultivent le genre étant tout autant d'enseigner que d'intéresser. Ainsi les romans slaves de Mme Henri Gréville [179], de M. Michel Delines [180], de M. de Sacher Masoch [181], de M. Léon Sichler [182], de M. Ary Ecilaw [183]; les romans anglo-saxons de M. Hector France [184], de M. Bentzon [185], de M. de Jupilles [186], de M. Max O'Rell [187]; les romans mexicains de M. Lucien Biart [188]; les romans africains de M. Jacolliot [189] et de M. Louis Boussenard [190]; les romans prussiens, bavarois, saxons, etc., de M. Victor Tissot [191]; les romans canadiens et spitzbergeois de M. Xavier Marmier [192]; les romans iraniens de Mme Judith Gautier [193]. Ce n'est point là une littérature si dédaignable, et il faut tout au moins tirer hors de pair M. Marmier, M. Lucien Biart et Mme Henri Gréville, pour les peintures qu'ils nous ont faites des mœurs et coutumes de leurs pays d'élection. Le succès de Mme Gréville a baissé, sans doute, à mesure que les Russes, qu'elle avait plus que tout autre contribué à nous faire connaître, nous sont devenus plus directement familiers,—et, à vrai dire, des réputations plus éclatantes auraient pâli devant la révélation d'un Tolstoï et d'un Dostowieski.—Mais pour M. Lucien Biart et M. Xavier Marmier, bénéficiant de l'ignorance où nous sommes encore de la littérature des habitants d'Arispe et de la Nouvelle-Frieslande, il n'y a aucun danger à affirmer avec un critique disparu, M. Marius Topin, que leurs œuvres appartiennent si bien aux pays décrits par eux qu'ils semblent traduits de la langue même de ces pays.

A côté du roman de voyage (et se confondant souvent avec lui) nous placerons le roman scientifique, dont M. Jules Verne [194] est à cette heure le représentant le mieux accrédité. J'estime qu'il serait parfaitement oiseux de se poser au sujet de M. Jules Verne l'éternelle question: «M. Jules Verne a-t-il fait entrer la science dans le cadre du roman ou a-t-il introduit le roman dans le domaine austère de la science?» Ce qu'il faut reconnaître à M. Jules Verne, c'est son entrain, sa facilité et sa fécondité; il a su, le premier en France, utiliser le merveilleux scientifique, et c'est là surtout ce qui a décidé de son énorme succès. Après lui, je citerai M. de Lamothe [195], qui ne fait souvent, au reste, que le copier; M. André Laurie (Paschal Grousset), dans ses études sur La vie de collège aux Etats-Unis, en Angleterre, en Allemagne, etc.; M. Jean Macé [196]; M. Eugène Parès [197]; et en général les auteurs du Magasin d'éducation et de récréation, de la Bibliothèque rose, du Journal de la jeunesse et de l'Ouvrier.

Joignons-leur, si vous voulez, et puisque aussi bien ils combattent côte à côte dans les mêmes revues, le bataillon des romanciers prédicants, Mmes Zénaïde Fleuriot [198], Mathilde Bourdon [199], Nelly Lieutier [200], Marie Guerrier de Haulpt [201], Maryan [202], Marie Maréchal [203]; MM. Jean Grange [204], Aimé Giron [205], M. du Campfranc [206], etc. C'est un genre où ont brillé jadis Mmes Caro et Craven, mais qui n'a poussé ses vraies fleurs qu'à l'étranger, avec la Fabiola du cardinal Wisemann et le Vicaire de Wackefield de ce bon et ennuyeux Goldsmith.

Ces divers genres échappent déjà par certains côtés à la littérature; j'ai bien peur que le roman-feuilleton n'y échappe par tous les côtés à la fois. Quel rapport, je vous prie, entre un écrivain et M. Pierre Ninous [207]? La clientèle des feuilletonistes, ce n'est même plus ce public moyen, vaguement teinté de notions littéraires, des romans de M. Delpit et de M. Georges Ohnet; c'est la grande masse lisante et ruminante, et pour satisfaire cette clientèle qu'il connaît bien, le journal exigera à l'avance de ses feuilletonistes qu'ils renoncent à toute délicatesse de style et d'idée, qu'ils échauffent la bête et la tiennent sur son appétit jusqu'au bout par les mystérieux points d'interrogation de la cinquième colonne. Qu'y faire? Ce sont des exceptions fort honorables, sans doute, que M. Charles Buet [208], M. Jules Mary [209], M. Pierre Zaccone [210], M. Tony Révillon [211], M. Adolphe d'Ennery [212] et deux ou trois autres [213]. Mais ce sont des exceptions, et le genre n'en est pas moins condamné, non point tant comme inconciliable avec une saine littérature (voyez Paul Féval), qu'à cause des exigences du journalisme contemporain.

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CONCLUSION

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CONCLUSION

Comme on l'a pu voir par ces notes, le roman contemporain, qui, il y a dix ans, allait tout au réalisme, hésite maintenant entre le réalisme et l'idéalisme. A dire vrai, c'est moins les romanciers que le public qui décideront lequel des deux doit l'emporter sur l'autre. Quand le public est à bout d'une veine, disait Sainte-Beuve, il aime à en changer et il adopte vite les auteurs à qui il est redevable d'une série de sensations nouvelles. Ainsi une formule peut être un moment victorieuse; sa victoire ne durera jamais bien longtemps [214].

Le réalisme a eu d'abord sa raison d'être; ses excès commencent à inquiéter le public qui se reprend peu à peu à une renaissance de l'idéalisme. L'heure est encore indécise, semblable à ces heures troubles du crépuscule, où de larges nappes d'ombre et de lumière se disputent l'étendue. Elle n'en est que plus favorable pour embrasser le mouvement contemporain dans sa complexité. Le réalisme a produit et produit encore de belles œuvres; l'idéalisme régénéré n'a rien à envier à son rival, et la psychologie de M. Bourget vaut à tout prendre l'impressionnisme de M. de Goncourt. Mais on peut prévoir déjà, à de certains signes avant-coureurs, que le temps du réalisme est passé: les jeunes gens s'en écartent dès leurs débuts, ou ceux que leurs débuts y avaient poussés d'abord font retraite. Les querelles d'écoles recommencent, plus âpres et mieux armées, et c'est des idéalistes que part cette fois l'offensive. Et voici que les maîtres eux-mêmes sont pris d'inquiétude. M. Zola quitte chaque jour un peu de son dogmatisme; si quelque manifeste, comme celui de Marie Fougère, vient tout à coup à rompre la trêve, ce n'est plus lui qui monte sur le mûr et qui pousse la triple clameur: l'Achille du réalisme est définitivement rentré sous la tente.

Pourtant l'heure de l'idéalisme passera, comme va passer l'heure du réalisme, et c'est la fortune de toutes les écoles que ce continuel déclin et cette continuelle renaissance. Prétendre, comme le fit M. Zola, au triomphe absolu, définitif et sans discussion, quelle chimère! Dans la conclusion de son beau livre Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l'art, M. David-Sauvageot, rappelant le mot d'Ampère sur les épopées du moyen âge: «Toute combinaison de nationalité dégage de la poésie», semble prévoir un temps où la pénétration réciproque du génie français et du génie russe communiquerait une nouvelle vie au réalisme des deux races. Nous emprunterions aux Russes cette foi, cette émotion, cette pitié sincère pour les humbles, ce souci passionné des hauts mystères qui rachète leur amour pour l'inconscient et l'obscur; nous leur donnerions en retour nos habitudes de précision et de méthode. «Ainsi l'art serait renouvelé à la fois par l'ardeur et par la lumière.» C'est le rêve d'un noble esprit; j'ai peur que ce ne soit jamais qu'un rêve. On a dit beaucoup de mal d'un de nos plus illustres contemporains qui ramenait tout au tempérament. Sans doute, c'est un facteur qui n'est point négligeable, et, comme il est vrai qu'il y a des races plus réalistes ou plus idéalistes, il paraît vrai aussi que le tempérament de l'écrivain balancera toujours les autres influences. N'est-ce pas M. Paul Alexis qui raconte que dans sa toute première enfance, M. Zola faisait le désespoir des siens par son bégayement, et que le premier mot qu'on lui entendit prononcer avec netteté, ce fut (j'en demande bien excuse) ce vocable gros de promesses: cochon? L'anecdote a son intérêt; je n'en prétends point conclure au néant de l'éducation et à la toute-puissance du tempérament; avouez cependant qu'elle donne à songer et que ce n'est point là une enfance comme on nous raconte de Platon et de Virgile. Mais je veux croire au contraire à une certaine efficacité de l'éducation. Je reconnais que l'éducation agit sur l'individu pour le fortifier ou le contrarier dans la direction naturelle de son esprit: d'où, quelquefois, ces ruptures d'équilibre, ces antinomies choquantes, qui accusent dans un même écrivain les tendances les plus opposées; mais d'où aussi, dans notre littérature, cette continuité, cette suite, ce long enchaînement des œuvres et des hommes, qui lie l'une à l'autre les générations en apparence les plus hostiles, Zola à Hugo, Hugo à Boileau, Boileau à Ronsard. L'esprit a commencé par se soumettre au passé; il lui a emprunté ses habitudes et sa méthode, quitte à rompre brusquement et à s'inventer une formule nouvelle, mais non point si nouvelle qu'elle n'ait gardé dans l'application quelque chose des formules antérieures. L'éducation seule, une tradition sévère, patiente, reconnue et acceptée de tous, a pu ce miracle de conciliation et d'union. Or, bien ou mal, c'est un fait assuré que la tradition s'en va en littérature. J'ai réussi à établir un peu d'ordre dans un livre comme celui-ci, qui embrasse un cycle assez large; la chose eût été impossible, si je m'en étais strictement tenu aux deux ou trois dernières années. Regardez avec attention: dans le roman, dans la poésie, au théâtre, partout le spectacle se ressemble. Il y a encore des maîtres, des écoles, des systèmes, et personne pour les suivre. Où va-t-on? On s'interroge, on cherche. Quoi? Nul ne sait au juste. Idéalistes et réalistes, tous vous diront que les anciennes formules ont fait leur temps et qu'on n'en veut plus. Mais cette belle entente crève en fumée, dès qu'il s'agit de déterminer la formule nouvelle. Et les préfaces succèdent aux manifestes, les théories aux poétiques. M. Prévost donne la réplique à M. Champsaur, lequel dispute avec M. Thierry sans pouvoir tomber d'accord avec M. de Brinn'gaubast. C'est le triomphe de l'individualisme,—un vilain mot, sans doute, mais le seul propre à caractériser cette fin de siècle turbulente et confuse, et dont l'avenir déconcerte toute prévision.


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NOTES:

[1] Un exemple. Le Journal général de la librairie porte environ 570 titres de romans nouveaux pour l'année 1887. Et je mets à part les rééditions et les traductions.

[2] On connaît, je pense, les romans de M. Emile Zola: ses Contes à Ninon, d'abord, puis Les Rougon-Macquart, avec La conquête de Plassans, La Curée, Une page d'Amour, L'Assommoir, Nana, L'Œuvre, Germinal, etc., et enfin La Terre, dont nous parlons surtout ici, et dont la publication était la dernière.

[3] Voir le Roman naturaliste de M. Brunetière, Le Réalisme et le Naturalisme de M. A. David-Sauvageot, et les recueils critiques de M. Zola.

[4] Cf. la Revue parisienne. Année 1840.

[5] «Dans le train banal de l'existence», comme dit M. Emile Zola.

[6] Voir le no 1 de la Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg. Première année.

[7] Voir aussi les vives et fines impressions de voyage publiées par M. Bonnetain sur l'extrême Orient et réunies sous diverses formes (Au large, L'Opium, Marsouins et mathurins, Au Tonkin).

[8] M. Margueritte a publié, depuis que ceci est écrit, un maître roman: Jours d'épreuve.

[9] Voir encore de M. Paul Margueritte: Maison ouverte, Mon père, etc. Ce dernier livre n'est pas écrit avec la simplicité qu'on désirerait. Mais M. Margueritte était bien jeune et enfoncé dans l'école.

[10] Voir l'Immolation, le Bilatéral, les Corneille, etc., etc.

[11] Il y a là-dessus un mot bien terrible de Sophocle et presque impossible à traduire:

Πολλοι γαρ ηδη καν ονειρασι βροτων
Μητρι ξυνευνασθησαν...

(Polloi gar êdê kan oneirasi brotôn
Mêtri xyneunasthêsan...)

(Œdipe-Roi, 966-967.)

[12] Et très récemment Sous-offs, aggravation dans l'injure.

[13] Ce dernier livre a surtout fait du bruit hors du clan naturaliste. On se reportera à l'article de M. Anatole France dans la Vie littéraire (pages 73 et suiv.): «M. Abel Hermant reconnaîtra un jour qu'il a, sans le vouloir, offensé un des sentiments qui nous tiennent le plus au cœur. Il reconnaîtra qu'il est injuste de ne montrer que les moindres côtés des grandes choses et de ne voir dans l'armée que les laides humilités de la vie de garnison.» Lire encore de M. Hermant la Surintendante.

[14] Voir du même auteur la Reine Arthémise.

[15] Citons pour leur excellent esprit le Pompon vert de M. Toudouze et Disciplinée de M. Alphonse de Launay, deux livres, où les petitesses de la vie militaire sont noblement relevées par l'idée de patrie.

[16] Dans la Revue des deux mondes. Article non recueilli (1873).

[17] On en trouvera une bonne analyse dans l'Année littéraire de M. Paul Ginisty (1887).

[18] M. Francisque Sarcey dit de ce dernier roman: «Il est d'une conception puissante, d'une belle ordonnance et d'une exécution très grasse et très fouillée.» Voir encore de M. Lemonnier: Un mâle, l'Hystérique et Happechair. On peut lui rattacher un autre Belge, M. Georges Eckoud, l'auteur de la Nouvelle Carthage.

[19] Cf. Notes d'un journaliste, art. Henry Céard.

[20] A moins qu'il ne fasse des livres de description pure, comme Au soleil et Sur l'eau.

[21] Ceci était écrit avant Fort comme la mort. Il semble que l'auteur se renouvelle dans ce livre admirable de tout point.

On peut rattacher à M. de Maupassant l'auteur de la Peau d'un homme et de l'Ile muette, M. Montégut, qui a donné aussi au Gil Blas des contes et nouvelles dans la manière cursive de l'auteur d'Yvette. Mettons même, si vous voulez, que M. Dubut de Laforest, avec les livres qui s'appellent Mlle de Marbeuf, la Bonne à tout faire, le Gaga, et qui sont dans la tradition de Pigault-Lebrun, relève comme littérateur de M. de Maupassant, puisque M. de Maupassant lui a donné par lettre publique ses titres de naturalisation.

[22] Extrait du Calvaire, pages 86-87. On sent que le réalisme russe, que Tolstoï a passé là et sa saignante humanité.—Rapprochez l'admirable pièce de Théodore de Banville: Le prussien mort (Idylles prussiennes).

[23] Se reporter au Roman naturaliste de M. Ferdinand Brunetière. (Art. L'impressionisme dans le roman.)

[24] Cf. Madame Gervaisais.

[25] C'est l'expression de Théophile Gautier: «Les mots ont en eux-mêmes et en dehors du sens qu'ils expriment une beauté et une valeur propres, comme des pierres précieuses qui ne sont pas encore taillées et montées en bracelets, en colliers ou en bagues.» Ailleurs: «Il y a des mots diamant, saphir, rubis, émeraude, d'autres qui luisent comme du phosphore quand on les frotte, et ce n'est pas un mince travail de les choisir.»

[26] Cf. la préface de En 18...

[27] Cf. Madame Gervaisais.

[28] Et en particulier ceux du survivant. (Les frères Zemganno, Chérie, La Faustin, etc.)

[29] Cf. Les nouveaux lundis. (Art. Pontmartin), tome IX.

[30] Avec toutes les lacunes que le mot comporte.

[31] Cf. les Souvenirs d'un homme de lettres (Une lecture chez Edmond de Goncourt.)

[32] Cf. les Contemporains (Art. Alphonse Daudet). Principales œuvres de M. Daudet: Les Contes, Numa Roumestan, le Nabab, les Rois en exil, Sapho, Tartarin de Tarascon, Jack, Fromont jeune et Risler aîné, l'Immortel, sa dernière œuvre.

[33] Jean des Vignes vient d'avoir son pendant dans la Chèvre d'or.

[34] Voir l'Observateur français, du 10 avril. Je citerai, comme une jolie page de style impressionniste le passage suivant d'une nouvelle de M. Chalon (mort maintenant): «... Il y soufflait toujours, dans ce haut Saint-Majan, un vent terrible, qui vous avait une voix et des cris à croire qu'il était vivant. Il arrivait en grondant, tout en colère, des hauteurs du Trou-la-Baume, fier avec ça et parlant haut, comme un conquérant qui somme une forteresse; puis, houm! houm! de grands coups d'aile appliqués contre le mur, comme avec un bélier; puis un silence, il attendait qu'on lui ouvrît, et comme on n'avait garde, il se fâchait tout rouge. C'était une belle rage alors. On aurait dit qu'il prenait du champ; puis terriblement il s'engouffrait dans les rues trop étroites pour ses ailes. Il allait comme un aveugle, droit devant lui, se brisait au coin des maisons, tourbillonnait dans les enfoncements, faisait trembler les vitres, battait les contre-vents détachés, s'acharnait après les girouettes, culbutait les tuiles des vieux toits, buvait d'une lapée l'eau des ruisseaux, s'abattait sur les arbres de la place avec un bruit d'averse, souffletait la flamme des réverbères, bref, menait un train d'enfer. Et quel virtuose! quels cris! quels hurlements! quels gémissements! Tantôt il commandait, tantôt il suppliait. Il avait des clameurs de clairon et des vagissements de bête blessée! Tour à tour humble et belliqueux, il pleurait comme un petit enfant, puis, fantasque en ses allures, il embouchait sa longue trompette et vous sonnait des fanfares, des chevauchées qui s'en allaient au galop le long des murailles. Enfin, convaincu peut-être de son impuissance, il se faisait tout petit, se taisait presque, se glissait sous les portes, montait l'escalier vivement et venait remuer quelque portière souple, ou faire danser la flamme de la lampe sur la grande table où j'étudiais.»

[35] Voyez cette exquise petite nouvelle: le Mousse.

[36] Précédemment dans Un de nous.

[37] Comme romans, on lui doit Monsieur le ministre, Robert Burat, Madeleine Bertin, le Beau Solignac, les Amours d'un interne, etc.

[38] Cf. le Roman naturaliste. (Art. Le reportage dans le roman.)—Voyez encore sur M. Claretie tels articles, admirables de dédain et d'ironie, de M. Henri Fouquier.

[39] Publiées dans le Monde illustré, d'abord. Sur la querelle qui en résulta, je renverrai aux articles de M. Jules Tellier dans le Parti national du 20 janvier 1888 et de M. Maurice Barrès dans le Voltaire du 14.

[40] «Des noix! Des noix!»

[41] Remarquons pourtant que M. Moréas proteste contre ces qualifications: «Cette manifestation (la manifestation symboliste), couvée depuis longtemps, vient d'éclore. Et toutes les anodines facéties des joyeux de la presse, toutes les inquiétudes des critiques graves, toute la mauvaise humeur du public surpris dans ses nonchalances moutonnières ne font qu'affirmer chaque jour davantage la vitalité de l'évolution actuelle dans les lettres françaises, cette évolution que des juges pressés notèrent, par une inexplicable antinomie, de décadence. Remarquez pourtant que les littératures décadentes se révèlent essentiellement coriaces, filandreuses, timorées et serviles... Et que peut-on reprocher, que reproche-t-on à la nouvelle école? L'abus de la pompe, l'étrangeté de la métaphore, un vocabulaire neuf où les harmonies se combinent avec les couleurs et les lignes: caractéristiques de toute renaissance...» (Manifeste des symbolistes.)

[42] Et d'autres grands poètes avant lui. «C'est à mon avis, dit M. Paul Bourget, une des preuves les plus frappantes de la hauteur de vue d'Alfred de Vigny que d'avoir deviné la valeur poétique du symbolisme. La beauté poétique pure réside en effet dans la suggestion plus encore que dans l'expression... Il faut, pour que le sortilège des beaux vers s'accomplisse, du rêve et de l'au-delà, de la pénombre morale et du mystérieux.» (Journal des Débats, 24 mars 1885.) Mais mystérieux n'est pas synonyme d'obscur.

[43] J'abrège la nomenclature. Pourtant il serait dommage d'oublier «l'histoire du monsieur qui a la diarrhée».

[44] Cf. le no 1 de la Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg. Première année.

[45] Rouvrons le manifeste de M. Moréas: «Ennemi de l'enseignement, la déclamation, la fausse sensibilité, la description objective», le symbolisme «cherche à vêtir l'Idée d'une forme sensible qui, néanmoins, ne serait pas son but à elle-même, mais qui, tout en servant à exprimer l'Idée, demeurerait sujette. L'Idée, à son tour, ne doit point se laisser voir privée des somptueuses simarres des analogies extérieures; car le caractère essentiel de l'art symbolique consiste à ne jamais aller jusqu'à la conception de l'Idée en soi...»

[46] Voir non les Demoiselles Goubert (médiocre), Le thé chez Miranda (médiocre encore), mais Soi et Etre.

[47] Cf. la Revue indépendante de juillet 1887 (L'empereur Constant, paraphrase).

[48] Sur M. Moréas, poète, et de premier ordre souvent, voir Nos poètes, de M. Jules Tellier (art. Symbolistes).

[49] Plus des vers incompréhensibles, sous les «simarres de leurs analogies extérieures», Les palais nomades.

[50] Voir Ludine surtout. Seuls marque un progrès. Je renvoie sur Ludine à un excellent article de M. Gustave Geffroy, réimprimé dans Les notes d'un journaliste.

[51] Encore cette page s'entend-elle nettement. Mais que démêler dans celle-ci, Seigneur, que j'emprunte à des notes de M. Stéphane Mallarmé?

«La Gloire! je ne la sus qu'hier, irréfragable, et rien ne m'intéressera d'appelé par quelqu'un ainsi.

«Cent affiches s'assimilant l'or incompris des jours, trahison de la lettre, ont fui, comme à tous confins de la ville, mes yeux au ras de l'horizon, par un départ sur le rail traînés avant de se recueillir dans l'abstruse fierté que donne une approche de forêt en son temps d'apothéose.

«Si discord parmi l'exaltation de l'heure, un cri faussa ce nom connu, pour déployer la continuité de cimes tard évanouies, Fontainebleau, que je pensai, la glace du compartiment violentée, du poing aussi étreindre à la gorge l'interrupteur: Tais-toi! Ne divulgue pas, du fait d'un aboi indifférent, l'ombre ici insinuée dans mon esprit, aux portières de wagons battant sous un vent inspiré et égalitaire, les touristes omniprésents vomis. Une quiétude menteuse de riches bois suspend alentour quelque extraordinaire état d'illusion, que ne réponds-tu? qu'ils ont ces voyageurs, pour ta gare aujourd'hui quitté la capitale,—(oh! cet alexandrin de Baour-Lormian dans cette prose!)—bon employé vociférateur par devoir, et dont je n'attends, loin d'accaparer une ivresse à tous départie par les libéralités conjointes de la Nature et de l'Etat, rien qu'un silence prolongé, le temps de m'isoler de la délégation urbaine vers l'extatique torpeur de ces feuillages là-bas trop immobilisés pour qu'une crise ne les éparpille bientôt dans l'air; voici, sans attenter à ton intégrité, tiens, une monnaie.

«Un uniforme inattentif m'invitant vers quelque barrière, je remets sans dire mot, au lieu du suborneur métal, mon billet.

«Obéi pourtant, oui, à ne voir que l'asphalte s'étaler nette de pas, car je ne peux encore imaginer qu'en ce pompeux octobre exceptionnel du million d'existences étageant leur vacuité en tant qu'une monotonie énorme de capitale dont va s'effacer ici la hantise avec le coup de sifflet sous la brume, aucun furtivement évadé que moi n'ait senti qu'il est, cet an, d'amers et lumineux sanglots, mainte indécise flottaison d'idée désertant les hasards comme des branches, tel frisson et ce qui fait penser à un automne sous les cieux.

«Personne et, les bras de doute envolés comme qui porte aussi un lot d'une splendeur secrète, trop inappréciable trophée pour paraître! mais sans du coup m'élancer dans cette diurne veillée d'immortels troncs au déversement sur un d'orgueils surhumains (or ne faut-il pas qu'on en constate l'authenticité?), ni passer le seuil où des torches consument, dans une haute garde, tous rêves antérieurs à leur éclat, répercutant en pourpre dans la nue l'universel sacre de l'intrus royal qui n'aura eu qu'à venir: j'attendis, pour l'être, que lent et repris du mouvement ordinaire, se réduisit à ses proportions d'une chimère puérile emportant du monde quelque part, le train qui m'avait là déposé seul.»

[52] M. Vignier n'a pas réuni ses nouvelles. Comme poète, il tient un rang très estimable. (Voir Centon.)

[53] Et ils s'en font gloire! Dans un article de la Caravane du 10 novembre 1889, je lis sous la signature P. Marius André: «Scientifiquement, voici l'évidence de la théorie symboliste: «Comme il faut plus d'énergie pour retrouver un objet sous un signe indirect que sous un signe direct, on fournit à l'entendement l'occasion d'employer plus de force disponible et par conséquent d'éprouver plus de plaisir.» (Dumont, Théorie scientifique de la sensibilité). La raison est amusante, tout de même. Mais alors qu'on nous ramène aux logogriphes et aux rébus.

[54] Sur tels d'entre eux, consulter les recueils critiques de M. Jules Lemaître (Les contemporains), de M. Philippe Gille (La bataille littéraire), de M. Anatole France (La vie littéraire), de M. Paul Ginisty (L'année littéraire), les articles au jour le jour de M. Francisque Sarcey, F. Lhomme, Adolphe Brisson, Edmond Lepelletier, Édouard Petit, Charles Maurras, etc.

[55] Je ne traite que du roman. Je n'ai pas besoin, je l'espère, de renvoyer aux beaux volumes de critique et de poésie de M. Bourget.—Depuis Mensonges, le Disciple a paru.

[56] Cf. Revue des Deux-Mondes. Cette nouvelle n'a point été recueillie en volume.

[57] La Revue bleue a publié, depuis que ceci est écrit, un Conte philosophique de M. Haraucourt. Voir encore ses vers, et particulièrement L'âme nue.

[58] Au ch. XXVII, l. I, De l'Amitié.

[59] «Il serait facile de le démontrer, dit M. Brunetière, ce que la plupart de nos romanciers savent le moins, quoi qu'ils en disent, quoi qu'ils veulent nous en imposer, ne vous y trompez pas: c'est leur métier.» (Le Roman naturaliste.)

[60] Et des brochures, les Taches d'encre, ou des articles et des nouvelles d'un esprit très fin, une autre brochure sur le Quartier latin, une autre, plus que critiquable par un côté: Huit jours chez M. Renan. Tout récemment enfin, il vient de publier son second roman, Un homme libre, qui consacre définitivement sa réputation. Voir l'article de M. Jules Lemaître (Figaro du 8 juin 1889).

[61] Le Sainte-Beuve de Volupté.

[62] Avec toutes les restrictions qu'une telle comparaison comporte. Lamennais, dans sa préface à l'Imitation, a très bien montré en quoi et par quoi l'Imitation se distingue des livres de morale profane: «L'auteur ne se borne pas, dit-il, à nous montrer nos misères: il en indique le remède; il nous le fait goûter; et c'est un de ces caractères qui distingue les écrivains ascétiques des simples moralistes. Ceux-ci ne savent guère que sonder les plaies de notre nature. Ils nous effrayent de nous-mêmes et affaiblissent l'espérance de tout ce qu'ils ôtent à l'orgueil. Ceux-là, au contraire, ne nous abaissent que pour nous relever; et, plaçant dans le ciel notre point d'appui, ils nous apprennent à contempler sans découragement, du sein même de notre impuissance, la perfection infinie où les chrétiens sont appelés.» Ceux qui ont lu le livre de M. Barrès trouveront peut-être que cette citation n'était pas déplacée ici.

[63] Cf. Journal des Débats du 3 avril 1888.

[64] Voir le recueil de ces portraits: Mémoires d'aujourd'hui.

[65] Voir le roman du même nom. Voir aussi Les Monach. M. de Bonnières, très goûté comme critique et comme romancier, ne l'est peut-être pas assez comme poète.

[66] Voir, pour la raison peut-être, la note 59 de la page 152.

[67] Surtout pour la très belle scène romantique de la confession. L'auteur a depuis publié un autre roman à succès, Mademoiselle Jaufre.

[68] Notez combien de nos romanciers ont essayé cette psychologie de la jeune fille du monde: Edmond de Goncourt avec Chérie, Gyp avec Loulou et Paulette, Halévy avec Princesse, etc. Je signale encore sur le même sujet Filles du monde, une forte étude de M. Oudinot, qu'il faudrait ranger parmi les jeunes impressionnistes d'avenir.

[69] Cf. la préface de Chonchette.

[70] Depuis, M. Rod a donné un pendant à la Course à la mort. Je renvoie sur ce très beau livre, Le Sens de la vie, à un excellent article de M. Charles Maurras, dans l'Instruction publique du 16 février 1889. Le «pessimiste» de M. Rod finit par trouver le bonheur dans le mariage. Ainsi la vie «prend un sens» pour lui. Soit! dit M. Maurras, mais adoptez le conseil. Est-il si sûr que le mariage vous guérisse aussi? «Ce jeune homme se marie; il aurait pu très bien se faire, précisément à cause de sa misanthropie et de son shopenhauérisme intellectuel, qu'il se refusât obstinément au mariage. Admettons que la nécessité, l'amour—qui est la plus efficace des nécessités—lui ait imposé ces justes noces; le héros de M. Rod a toujours ce bonheur immense, et peu prévu pour un analyste comme lui, de ne pas rencontrer dans le caractère, dans le tempérament de sa jeune femme, ces antipathies foncières contre lesquelles le pauvre amour éclate en morceaux comme un verre lancé contre une muraille. Il y a des différences dans leur pensée; il y a dans leurs personnes des points muets, des places qui ne vibrent pas—ou pas encore. Mais l'analyste, le chercheur, si bien qu'il pénètre, ne fait nulle part dans l'aimée cette angoissante découverte de l'ennemie, de l'autre, qui ôte au bonheur souhaité jusqu'à la possibilité d'être. Oh! le héros de M. Rod est un heureux! Et les événements arrivent bien à point, ni une heure trop tôt, ni une heure trop tard, pour lui révéler chacun des nouveaux liens qui l'ont rattaché à la vie sans qu'il y ait pris garde.—Tu croyais ne pas aimer ta femme! Mais vois donc, malheureux, comme te voilà jaloux de l'enfant avec qui il va falloir que tu partages sa tendresse! Tu croyais n'aimer pas ta fille, «ce paquet de chair rouge qui se violace et qui glousse», dont ta femme a tant souffert pendant cette nuit mortelle où tu te convulsais de rage, de honte et de peur, aux cris de l'accouchée,—cette petite envahissante qui t'a volé jusqu'aux soins de ta vieille bonne, a troublé le travail de tes soirs, le repos de tes nuits,—qu'as-tu donc, si tu ne l'aimes pas, à trembler comme un peuplier à la pensée de te voir enlever ta petite Marie?—Et c'est tout le temps ainsi. Mais si la petite Marie était morte, je vois distinctement à quelles récriminations blasphématoires l'aventure «paternelle» aurait pu tourner; et j'en dirai autant de l'aventure «mariage», car la naissance de Marie aurait pu être indéfiniment retardée par l'un quelconque des scrupules philosophiques de l'homme, l'une quelconque des appréhensions très modernes de la femme, ou par les précautions malthusiennes de tous les deux. Le héros de M. Rod risquait, en ce cas, d'ignorer perpétuellement son amour pour madame; et, à force de chercher en elle la petite bête, l'endroit défectueux, c'eût été bien le diable s'il ne l'eût découvert à la fin.»

[71] La littérature est une mère avare. M. Quellien, comme tant d'autres, est employé dans un de nos ministères.

[72] J'ai connu trop tard le livre de M. François Sauvy: Loin de la vie, pour donner à l'auteur la place qu'il mériterait. Du moins, signalerai-je le livre pour un des meilleurs romans «psychologiques» de ces dernières années.

[73] Cf. Fragments d'un livre inédit et Le livre d'une Mère.

[74] N'est-ce point un peu ce qu'a fait M. Maurice Barrès?

[75] Principaux livres de M. France: Dans le roman, Les désirs de Jean Servien, Le crime de Sylvestre Bonnard, Jocaste, Balthazar, Le livre d'un enfant. En poésie, Les noces corinthiennes. En critique, La vie littéraire (série).

[76] C'est peut-être à M. France qu'il faudrait rattacher M. Gilbert-Augustin Thierry, encore qu'il prétende à ne relever que de lui-même. On connaît de M. Thierry Les aventures d'une âme en peine, le Capitaine sans façon, surtout Marfa et La tresse blonde, d'où date son succès. Ce dernier livre est précédé d'une sorte de manifeste où je relève ce qui suit, pour la curiosité: «Notre vieux roman d'observation se meurt d'épuisement. (On ne s'en douterait guère....) Désormais l'étude de l'homme doit poursuivre sa recherche plus haut que l'homme, vers ces régions de l'Infini dont nous sommes des atômes passionnels.... Se haussant vers l'Occulte, s'élevant jusqu'au grand Inconnu, hardiment, le roman nouveau devra s'efforcer à pénétrer les abîmes réputés impénétrables, à percer les ténèbres dont l'absolu enveloppe son être.... L'absolu providentiel une fois dégagé, l'homme observé dans ses passions sera placé alors par son analyste en face des lois immuables, aux prises avec elles et sous leurs étreintes. Aussitôt bien des questions troublantes se présenteront à la divination de l'artiste-penseur...» C'est un beau phœbus pour dire que les sciences hypnotiques ouvrent une nouvelle voie à la curiosité du romancier. Et, en effet, toute une littérature hypnotique s'échafaude, avec la Marfa de M. Thierry, l'Inconnu de M. Paul Hervieu, le Jean Mornas de M. Claretie, la série de la Décadence latine de M. Péladan, l'Uranie de M. Camille Flammarion, etc.

[77] Suivi de quelques autres groupés sous le titre du premier.

[78] Jésus ayant dit à Pilate: «Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité; quiconque est de la vérité écoute ma voix», Pilate lui répondit: «Qu'est-ce que la vérité?»

[79] Je n'ai voulu rien changer à ceci, qui fut écrit quand Tellier vivait encore. Notre pauvre ami n'avait publié qu'un livre: Nos poètes, et des articles, çà et là, au Gaulois, au Parti national et aux Annales. Mais il avait la tête pleine de projets. Il méditait un livre sur la poésie lyrique au moyen âge, un autre sur l'érudition des romantiques, un autre sur la versification française au XIXe siècle, un autre sur le Timon de Libanius et la sophistique grecque. Tout cela est perdu. Il laisse seulement un livre de vers, La Cité intérieure, que ses amis publieront bientôt et qui le classera en un haut rang, et, avec ses contes philosophiques et ses poèmes en prose, la matière d'un livre de mélanges. Lui-même devait les réunir à son retour d'Alger; il y aurait joint deux contes qu'il caressait dans sa tête: Le maître d'école de Ravenne et Le voyage du rhéteur Epidius. Le livre se fût appelé La mort. Hélas! cette mort, dont il inscrivait ainsi d'avance le nom sur son livre, elle est venue à vingt-six ans pour notre ami, pour la plus noble et la plus belle des intelligences de cette génération. Sa mort a été une consternation sans égale, et l'on peut dire qu'aucun jeune homme, depuis ce Maurice de Guérin qu'il aimait tant et dont la destinée fut si voisine de la sienne, n'a emporté avec lui un regret si universel.

Suivent les titres des Contes et des Proses qui ont paru de lui, tant dans les Chroniques qu'au Parti-national: Le pacte de l'écolier Juan, Nocturne, Discours à la bien-aimée, Les notes de Tristan Noël, Les deux paradis d'Abd-er-Rhaman. Je citerai le plus court de ces admirables morceaux: Nocturne.

«Nous quittâmes la Gaule sur un vaisseau qui partait de Massilia, un soir d'automne, à la tombée de la nuit.

«Et cette nuit-là et la suivante, je restai seul éveillé sur le pont, tantôt écoutant gémir le vent sur la mer, et songeant à des regrets, et tantôt aussi contemplant les flots nocturnes et me perdant en d'autres rêves.

«Car c'est la mer sacrée, la mer mystérieuse où il y a trente siècles le subtil et malheureux Ulysse, agita ses longues erreurs; le subtile Ulysse, qui, délivré des périls marins, devait encore, d'après Tirésias, parcourir des terres nombreuses, portant une rame sur l'épaule, jusqu'à ce qu'il rencontrât des hommes si ignorants de la navigation qu'ils prissent ce fardeau pour une aile de moulin à vent.

«C'est la mer que sillonnaient jadis sur les galères et les trirèmes les vieux poètes et les vieux sages; et comme ils se tenaient debout à la poupe, au milieu des matelots attentifs, attentive elle-même, elle a écouté en des nuits pareilles les chansons d'Homère et les paroles de Solon.

«Et c'est aussi la mer où, dans les premiers siècles de l'erreur chrétienne, alors que le règne de la sainte nature finissait et que commençait celui de l'ascétisme cruel, le patron d'une barque africaine entendit des voix dans l'ombre, et l'une d'entre elles l'appeler et lui dire: «Le grand Pan est mort! Va-t'en parmi les hommes, et annonce-leur que le grand Pan est mort!»

«Et, par la mystérieuse nuit sans étoiles, sur le chaos noir de la mer et sous le noir chaos du ciel, il y avait quelque chose de triste et d'étrange à songer que peut-être l'endroit innommé, mouvant et obscur, que traversait notre vaisseau avait vu passer tous ces fantômes, et qu'il n'en avait rien gardé.

«Et c'est parce que cette pensée me vint, et qu'elle me parut étrange et triste, et qu'elle troubla longtemps mon cœur de rhéteur ennuyé, qu'il m'est possible encore, entre tant d'heures oubliées, d'évoquer ces lointaines heures noires où je rêvais seul sur le pont du navire parti de Massilia, un soir d'automne, à la tombée de la nuit.»

[80] Cf. No 2 des Chroniques (livraison de décembre 1887).

[81] On peut croire que M. Dumas a raconté cette crise de son génie dans ce fragment de La dame aux perles:

«Jusqu'au jour où Jacques avait connu la duchesse, il avait été un homme de talent, mais comme il y en a beaucoup, comme il y en aura toujours, comme tout le monde peut le devenir avec un peu d'étude, de jeunesse, de nature et de sentiment. Au début de sa carrière agréable, heureuse, distinguée, un amour prit tout à coup dans sa vie une grande importance et brusquement relégua au second plan ce talent si peu sûr de lui-même. Il souffrit de cet amour. Ce fut le commencement de sa transformation. Jamais il ne s'était avoué si complètement son infériorité, son inutilité en art. Alors commença son véritable travail, germa en lui la consolation réelle avec l'ambition de devenir un maître à son tour. Il admit pour lui la possibilité d'entreprendre plus qu'il n'avait fait jusqu'alors. A son grand étonnement, quand il se mit à l'œuvre, il trouva en lui des accents pleins, énergiques et mâles, qu'il avait ignorés jusqu'alors, impression facile d'une âme civilisée par la douleur. Son talent, éclairé et façonné par ces émotions intimes, prenait la couleur et le contour, sans qu'il sût positivement ce qu'il faisait, sans qu'il se fatiguât en efforts.»

[82] Son père disait de lui: «Ce n'est pas de la littérature qu'il fait, c'est de la musique; on ne voit que des barres, et, de temps à autre, quelques paroles.»

[83] Mort récemment.

[84]

Arsène Houssaye, à qui souvent, le cœur troublé

Rêvent les jeunes filles,

A des cheveux pareils à ceux des champs de blé

Tombant sous les faucilles.

(Th. de Banville.)

[85] Cf. Contes pour les femmes, La couronne de bleuets, les Grandes Dames, Les comédiens sans le savoir, etc.

[86] Cf. A outrance, 70 et 90, Le petit manuel du parfait causeur parisien, Sans queue ni tête, etc.

[87] Cf. Ohé, vitrier! Boutique de plâtres, Paris vicieux, etc.

[88] Cf. Diogène le chien, La bêtise parisienne, et dans le roman l'Inconnu surtout.

[89] Cf. Tarte à la crème, Entre minuit et une heure, Point et virgule, etc.

[90] Cf. la série des Gaietés de l'année.

[91] Cf. Notes sur Paris.

[92] Cf. les Jeudis de Madame Charbonneau, Mes mémoires, etc. Dans le roman: Un filleul de Beaumarchais, Contes d'un planteur de choux, Entre chien et loup, etc.

[93] Cf. Fruits défendus, Paris aux cent coups, Le roman de Folette, l'Esprit du Boulevard, Paris en caleçon, etc.

[94] Cf. les recueils de La vie à Paris.

[95] Cf. l'Invalide à la tête de bois, Zoologie morale, etc., et dans le roman Fusil chargé et Chimère.

[96] Cf. les Bêtises vraies, Les petites comédies du vice, Les petits drames de la vertu, etc.

[97] Cf. les Français de la décadence, la Grande Bohème, Les signes du temps, etc.

[98] Voir surtout la collection des Guêpes.

[99] Cf. Les contemporains, art. De Glouvet. C'est ce qu'a fait, en les reliant d'un commentaire délicat, M. Charles Fuster, avec les vers des Poètes de clocher.

[100] Cf. La Terre, de M. Zola.

[101] Cf. Cézette, de M. Pouvillon.

[102] Cf. Cézette.

[103] Cf. Apulée: L'Ane d'or.

[104] Le mot est de M. Rod, qui est lui-même un romancier de grand talent. On le retrouvera au chapitre des Philosophes.

[105] Cf. Les œillets de Kerlaz (La flouve odorante). p. 172.

[106] «J'ai une idée claire et distincte du chiliogone, dit Descartes; mais je ne puis l'imaginer.» Rapprochez, par contraste, les jolis vers de M. Frédéric Plessis dans sa Lampe d'argile:

Oh! puissé-je revoir...

L'allée au banc de pierre et, devant la maison,

Cet arbuste inconnu dont la fleur est si rose.

En effet, cela m'en dit plus que tous les termes savants, à moi qui ne suis pas forcé d'être un botaniste.

M. Theuriet a beaucoup écrit. En vers, c'est notre premier poète rustique. Il y est incomparable. Dans le roman, outre les livres que j'ai cités de lui, il faut connaître: Madame Heurteloup, Tante AurélieRaymonde Le fils Maugars, Toute seule, Eusèbe Lombard, Le Mariage de Gérard, L'Amoureux de la Préfète, etc.

[107] Cf. L'Idéal, Le Forestier, Le Marinier, Le Père, Le Berger, etc. M. de Glouvet a publié sous l'anonyme, depuis que ceci est écrit, un roman à manifeste, intitulé: Marie Fougère, et qui s'est attiré une riposte assez vive de M. Alphonse Daudet.

[108] Cf. Contes.

[109] Cf. Madame Thérèse.

[110] Cf. Maître Rok.

[111] Cf. Le docteur Mathéus.

[112] Cf. Madame Thérèse.

[113] Cf. L'abbé Tigrane.

[114] Cf. Lucifer.

[115] Cf. Barnabé.

[116] Ce charme, je le retrouve dans le dernier roman de M. Fabre: Norine. «Le sujet est très simple, dit M. Adolphe Brisson, et se résume en deux mots: l'auteur se promenant, en 1842, dans un village des Cévennes, où son oncle était curé, a rencontré une paysanne qui mangeait des cerises avec son fiancé. Il a partagé leur repas rustique, accompagné par la musique des chardonnerets. Quarante ans après, il retrouve cette paysanne établie charbonnière à Paris, dans une maison obscure de la rue Visconti. Et c'est tout...»

[117] A bien des titres aussi, il m'eût fallu ranger M. Léon Cladel parmi les romanciers de la nature. Il a dit quelque part: «Si Paris a tué en moi le dévot et le chauvin qui s'y développèrent ensemble, il n'a même pas entamé le Celte, le paysan, et je reste, à l'instar de mes ancêtres, un des mille et mille pygmées fidèles à la grande nature, et aussi, comme mes devanciers, des étoiles, de la terre et de l'eau, de tout ce qui marche, vole, nage ou rampe, luit et respire.» C'est d'un bel effet; mais le côté champêtre n'est pas ce qui frappe d'abord chez M. Cladel. Voir néanmoins sur les paysans de M. Cladel un excellent article de M. Charles Buet (Revue bleue du 4 janvier 1890).

[118] On connaît, par ailleurs, l'admirable poète de la Chanson des Roses et de Toute la Comédie. Comme prosateur, on lui doit encore une très fine étude de la vie d'artiste, la Princesse Pâle, écrite en collaboration avec M. G. Millet et parue trop tard pour trouver place ici. Du moins détacherai-je du Gars Périer un épisode d'un rendu intense et profond: c'est celui où Constant Périer, le braconnier, à qui un vieux bonhomme, le père Marolles, a donné asile dans un réduit de la forêt de Bourgon, est pris par les gendarmes et grièvement blessé, au moment où, sur les instances de sa fiancée, Marie Allain, il se décidait à se livrer de lui-même à la justice:

«Une sorte de conseil de guerre avait été tenu. Il y fut décidé qu'à tout prix on en finirait avec le gars. Et à l'heure même où le père Chenel s'en retournait de la forêt à Champ-Viel, près de Marie Allain bien impatiente, c'était dans les brigades un mouvement inusité, une animation, un entrain, comme en guerre avant une attaque. Les bons gendarmes ciraient leurs bottes, démontaient et nettoyaient leurs carabines, caressaient à grandes tapes sur le col et la croupe leurs chevaux étonnés. Le boutte-selle sonnait sur toutes les lèvres dans les écuries; et ainsi qu'elles l'eussent fait si leurs maris s'en étaient allés à une guerre véritable, les femmes silencieusement regardaient ces préparatifs avec des yeux douloureux, car probablement le gars se défendrait.

«Comme il ne s'agissait pas d'envelopper seulement la forêt de Bourgon, mais les bois d'Hermet et tout le pays de Jublains à Deux-Evailles, les brigades s'ébranlèrent de minuit à deux heures du matin, selon que tel ou tel rôle leur avait été assigné. Une pluie glaciale tombait. La nuit était noire comme poix. Ce furent de tragiques départs. Dans les villages qu'on traversait, plus d'un, entendant le clapotement des fers des chevaux dans l'eau, risqua son nez à la fenêtre et frissonna de voir s'enfoncer en les ténèbres ces cavalcades d'hommes taciturnes engoncés dans leurs manteaux et qu'un bruit d'armes accompagnait.

«Néanmoins, l'éveil ne fut pas donné, et quand, avec l'aube indécise, la battue commença, nul, en la forêt de Bourgon, ne soupçonnait ce déploiement de forces.

«Quant à Constant, il avait chassé toute cette nuit, sous la pluie incessante. Et il était revenu à la hutte du père Marolles... Là, sur quelques fumerons, péniblement allumés dans la baie de la porte, il cuisine son maigre repas et de son mieux tâche de se réchauffer, sous ses vêtements mouillés.

«Il a vidé ses poches; son couteau, de la ficelle, la lettre de Marie Allain sont sur la couchette. Il est tranquille, il ne se défie de rien, il tourne le dos au bois. Le père Marolles, pendant ce temps, était en quête d'un fagot un peu plus sec qui consentît à brûler. Il en a trouvé un, et, courbé sous ce fardeau, il s'achemine.—Mais les gendarmes sont à cent pas. Il les aperçoit, fait demi-tour.

—«Eh! eh! dit le brigadier, voilà un bonhomme qui change bien vite de résolution.» Le brigadier interroge la clairière. Une mince fumée bleue s'échappe d'une hutte.

—«Allons voir!» dit-il, et, par-dessus les buissons, qu'il domine du haut de son carcan, il reconnaît Constant à son habillement de velours, saute à bas de son cheval, confie les bêtes à l'un de ses hommes, se dirige avec l'autre vers la hutte, s'approche, et tout à coup:

—«Perrier!» dit-il.

«Constant, à cet appel, s'est dressé sur ses pieds. Aussitôt, il a son fusil en main. Et voici ce qui a lieu: tandis que le brigadier lui fait sommations sur sommations, il met un genou en terre, il arme son fusil, il épaule. Le brigadier n'obtenant de lui que cette réponse, se piète, ajuste, tire.. Le coup rate. Constant aurait pu trois fois tuer cet homme. Mais non, il a abaissé son arme.

«La seconde balle du brigadier l'atteignit à la tête, le jeta à terre.

—«Mort? hélas! le pauvre gars n'eut pas même la chance de mourir ainsi ..»

[119] Voir surtout Chérie et Mensonges.

[120] Il y a encore, chez Henry Monnier, ces inénarrables scènes de la vie d'étudiant, trop crues pour nous, mais qu'on pourra trouver chez les éditeurs belges.

[121] Cf. Autour du Mariage, Petit Bob, Loulou, etc. Se reporter à un exquis article de Jules Tellier (Parti-National, du 2 octobre 1888).

[122] Mon «homme du monde» parle un peu ici comme les photographes. Il s'en excusa dans la conversation.

[123] Avec La Morte. On a lu de M. Feuillet son Roman d'un jeune homme pauvre, M. de Camors, Julia de Trécœur, L'Histoire de Sybille, etc.

[124] Cf. Fruits défendus, par Aurélien Scholl.

[125] Cf. Nouveaux Lundis, tome X (art. Feuillet).

[126] Et de l'Amie, du Stage d'Adhémar, d'Un homme du monde, de l'Epousée, etc.

[127] Cf. Revue des Deux-Mondes, 15 décembre 1887.

[128] Voir la pièce du même nom. Et Monsieur et Madame Cardinal? Et Les petites Cardinal? On se reportera sur M. Halévy à un très fin article de M. A. Cartault, paru dans la Revue bleue du 28 mai 1881, et qui, comme tant d'autres articles judicieux et délicats du même écrivain, mériterait d'être recueilli.

[129] Voir encore Autour d'une source et Babolain.

[130] Cf. Andrée, L'Unisson, Le Garde du corps, etc.

[131] Mais que d'exagération en tout ceci! Mon «homme du monde», quand il s'exprimait si dédaigneusement, n'avait certainement pas lu Fin de rêve, et, dans Fin de rêve, la description de la revue, les pages sur Gambetta, l'agonie tragique du grand homme. Que n'assistait-il, comme nous, à une conférence de M. Maurice Souriau, où l'orateur, prenant pour texte les romans militaires, faisait haleter toute une salle en lisant des fragments de ce beau livre!...

[132] Mort depuis.

[133] Cf. L'Aventure de Briscart. M. Dayot a publié aussi chez Magnier des Souvenirs de voyage (Italie, Espagne, Portugal) qui sont pleins de verve et d'esprit.

[134] Cf. Drames en cinq minutes. Une des nouvelles, Fleur bretonne, est à noter pour l'identité de thème qu'elle présente avec Pêcheurs d'Islande. Elle a paru dans le Rappel des 7 et 8 juillet 1884, et, s'il y a eu réminiscence (dont je doute), ce n'est point, la date le montre, chez M. Destrem.

[135] «Son style est agaçant, dit M. Maurice Barrès, coupé, heurté, rentré, plein de réticences, d'allusions, d'éruditions boulevardières, mais très propre par sa complexité même à rendre l'aventure du Parisien sensuel et énergique que paraît être l'auteur. Tous ses livres sont des confessions, poèmes brutaux, ou mieux encore affiches d'amour; mais timbrées d'un sceau personnel et à la date de cette époque.» (Les Chroniques, no de sept. 1887.)

[136] Qui fut supérieur dans quelques scènes du Prêtre.

[137] Il y faudrait la plume d'airain qui servit dans sa tâche l'auteur du Dictionnaire des cent mille adresses. N'oublions point cependant Tancrède Martel avec La main aux dames; Frantz-Jourdain, avec Beau-Mignon; Jacques Lozère, avec sa Vie en jaune; Lucien-Victor Meunier, avec Plaisirs en deuil; Jules Lermina, avec ses Histoires incroyables; Alain Beauquesne, avec les Amours cocasses; Charles Grandmougin, avec ses Contes d'aujourd'hui; Léon Allard, avec Les Vies muettes; Guillaume Livet, avec les Récits de Jean Féru; Edmond Thiaudière, avec La Proie du néant; Gaston Bergeret, avec ses Contes modernes; Gabriel Marc, avec Lindetta; Georges Moynet, avec Entre garçons; Auguste Erhard, avec ses Contes panachés; Léon Deschamps, avec ses Contes à Sylvie; Charles Diguet, avec les Contes du Moulin-Joli; Pierre Gauthiez, avec La Danaé; Charles Lexpert, avec ses Nouvelles gauloises; Camille Bruno, avec En désordre; Paul Chetelat, avec Le Monde où l'on s'abuse; Noël Blache, avec Les Clairs de soleil; Fernand Boissier, avec Le Galoubet; Jules de Marthold, avec Casse-Noisette et les Contes sur la Branche; H. de Chennevières, avec les Contes sans «qui» ni «que», etc., etc.

Encore n'ai-je point parlé des nouvelles de certains maîtres, Daudet, France, Bourget, d'Aurevilly, etc., qui ont marqué ailleurs, non plus que des recueils en collaboration publiés annuellement par la Société des gens de lettres, par les secrétaires des journaux de Paris, par les chroniqueurs judiciaires, etc. Toutefois relèverai-je dans ce dernier recueil le nom d'un alerte et spirituel nouvelliste, M. L. Vonoven. Je rappellerai enfin, au hasard, les noms de quelques écrivains de talent, dont les nouvelles, contes, «proses», traductions et adaptations, publiés un peu partout dans nos périodiques parisiens, n'ont pas encore été réunis en volume: ainsi M. Emile Michelet, M. Raymond de la Tailhède, M. Charles Frémine, M. Anatole Lebraz, M. Raoul Gineste, M. Ephraïm Mikaël, M. Lucien Charles, M. Emile Taboureux, M. Robert de la Villehervé.

[138] Cf. Revue bleue du 28 mai 1881.

[139] Cette haine du bourgeois est bien caractéristique. Vous la retrouverez chez presque tous, et c'est en particulier le thème favori de M. Richepin et de M. Barbey d'Aurevilly.

[140] «Pendant longtemps, dit M. Emile Faguet, George Sand a reçu et reflété. En 1831, elle disait gaiement: «Les monstres sont à la mode, faisons des monstres.» Les monstres de George Sand ne pouvaient pas être très monstrueux; mais c'étaient, en effet, des êtres bien extraordinaires.» Etudes littéraires sur le XIXe siècle, art. George Sand.

[141] Voyez par exemple, pages 209 et suiv. N'a qu'un œil. Il y a aussi le latin de M. Cladel. Page 198 du même livre: salve, regina; salve, rege (pour rex), etc. Observez que le livre commence ainsi: «Xénophon, Horace, Virgile, Tacite, Juvénal, Esope, Aristophane, Eschyle, Sophocle, Euripide, Homère, et tous les autres classiques, grecs et latins, m'avaient excédé terriblement.» On le croirait.

[142] L'œuvre de M. Mendès «est quelque chose comme la villa d'Hadrien, qui contenait des réductions de tous les monuments de l'univers. Seulement, dans l'édifice composite, vous trouverez un coin décoré d'un goût bien personnel, et c'est l'alcôve.» J. Tellier (Nos poètes, p. 204).

[143] Et de Bébé Million, et du Boulet, de P'tit-mi, des Deux femmes de mademoiselle, etc., etc.

[144] Voir, par exemple, le début de Sœur Doctrouvé.

[145] Voir la confession du pape dans Les Débuts de César Borgia.

[146] Cf. Les Débuts de César Borgia.

[147] Cf. La Glu; Madame Andrée.

[148] Cf. Monsieur Destrémeaux; Une Histoire de l'autre monde.

[149] Remarquez qu'il y a presque toujours un saltimbanque dans ses livres. Vous en trouverez dans Les Braves gens, dans Miarka, dans les Morts bizarres, dans la Chanson des gueux, dans Monsieur Destrémeaux, dans Une Histoire de l'autre monde, etc.

[150] Cf. Curieuse, Le Livre suprême, L'Initiation sentimentale, etc.

[151] Mort depuis. Ses principaux livres sont: Les Contes cruels, L'Amour suprême, L'Eve future, Axël, etc.

[152] N'est-ce pas à propos de son Nouveau Monde, que M. Weiss écrivait: «Dans tout autre domaine que le théâtre il est aisé d'appliquer des principes de cénacle... On conçoit gigantesque. On turlupine les maîtres reconnus et acceptés, et on ne s'est pas seulement donné la peine de les comprendre. On est luministe et immenséïste. On fait... des romans réfractaires, sans pieds ni têtes, où les ateliers du haut de Montmartre et les capharnaüms du boulevard Saint-Michel reconnaissent avec exaltation la vie comme elle est, exactement, superbement comme elle est..»

[153] Le rapprochement, que je ne fais qu'indiquer ici (le premier, je crois), mériterait d'être suivi avec quelque développement. C'est tout un, le pharmacien de Madame Bovary et celui de Hermann et Dorothée.

[154] Voir particulièrement Le Vol de l'éléphant blanc, de Marc Twain, et La Légende de l'éléphant blanc, de M. de Villiers.

[155] Plus, épouse divorcée de M. Catulle Mendès.

[156] On trouvera sur M. Robidou de bons articles de M. Mario Proth et de M. Oscar Comettant. J'y renvoie. Tout récemment, son Histoire du clergé pendant la Révolution a fait faire un pas considérable à l'étude de ce grave problème.

[157] Je laisse de côté ici Sous la hache, sorte de roman révolutionnaire dans le genre un peu usé du Quatre-vingt-treize de Hugo. L'auteur confesse lui-même qu'il s'agit d'un fond de tiroir.

[158] Cf. Les Diaboliques.

[159] Cf. Memorandum.

[160] Cf. Idem.

[161] Cf. Memorandum.

[162] Voir la note 141 de la page 273.

[163] Barbey d'Aurevilly est mort récemment. Ce fut, du reste, et sous toutes les poses de cette vie outrée, criarde, puérile, un véritable écrivain, un de ceux qui ont leur marque particulière, la fleur de coin dans l'expression à quoi on reconnaît les batteurs de style. Voir L'Ensorcelée, Une vieille maîtresse, Les Diaboliques, Un prêtre marié, Ce qui ne meurt pas, etc. Peut-être aussi qu'il ne m'eût point fallu tant m'attacher à ce dandysme et à ce diabolisme. Je me demande maintenant si c'est bien là tout l'homme, la synthèse de cette «âpre et solitaire destinée», dont a parlé M. Bourget, et à laquelle «le grand Barbey» aura dû «de séjourner dans un monde de visions magnifiques et de conserver une superbe intégrité de sa pensée». J'hésite; je ne serais pas éloigné de croire que c'est plutôt l'extérieur, la surface, l'enveloppe, ce qu'il voulait montrer de lui pour occuper les yeux. Et il peut se vanter d'avoir réussi, et que c'est bien ainsi qu'il n'a cessé d'apparaître à ses contemporains. Sa vraie vie, nul, dit-on, ne sait ce qu'elle a été. Elle tient peut-être dans ce Too late (trop tard!) dont il fit sa mélancolique devise. L'autre, au contraire, sa vie extérieure, il l'a étalée avec une complaisance si marquée qu'on peut le soupçonner de l'avoir fait exprès pour détourner des curiosités gênantes.

[164] On se reportera sur Balzac à l'étude de M. Emile Faguet, dans ses Ecrivains du XIXe siècle.—M. Nettement l'appelle d'une belle expression: «le poète des faits».

[165] Principales œuvres: Le Comte Kostia, La Ferme du Choquard, L'Aventure de LadisLas Boski, Olivier Maugand, etc. Valbert, le délicat «essayiste» de la Revue des deux mondes n'est autre, comme on sait, que M. Cherbuliez. Se reporter sur M. Cherbuliez à un excellent article de M. André Bellessort (Chroniques, no d'oct. 1888.)

[166] Cf. La petite Zette, Une Bourgeoise, La fille à Blanchard, Bonnet-Rouge, etc.

[167] Cf. Solange de Croix-Saint-Luc, Disparu, Mademoiselle de Bressier, Le fils de Coralie, La Marquise, Les Fils du siècle, etc.

[168] Cf. Défroqué, Jean Malory, La baronne Almati, Gisèle Rubens, etc.

[169] Voir, en plus des livres que M. Camille Le Senne écrivit en collaboration avec M. Edmond Texier (La Dame du lac, Le Mariage de Rosette, Les Idées du docteur Simpson, etc.), En Commandite et Louise Mengal. Ce dernier livre met en scène un peintre homme du monde de l'avenue de Villiers. C'est un des sujets les plus fréquemment traités par nos romanciers.

[170] Cf. Les Cravates blanches, Le Chantage, Courtisane, La bouche de Mme X..., Mademoiselle Giraud ma femme, Alphonsine, Hélène et Mathilde, etc., etc.

[171] Cf. le Roman naturaliste (Art.: Le Reportage dans le roman).

[172] Ainsi Mademoiselle Giraud, ma femme.

[173] Voir avec Henriette les Contes en prose de M. François Coppée.—Tout dernièrement (trop tard pour mon texte) l'Illustration a publié de lui un nouveau roman. Le héros du livre, Amédée Violette, ne laisse pas que de présenter certains rapports d'esprit avec l'auteur. Monographie attachante, au demeurant, écrite dans cette jolie langue souple et dorée que vous connaissez bien, avec je ne sais quelle vague tristesse, comme un rappel de souvenirs, la gloire perdue, l'oubli qui vient.. Le livre s'appelle: Toute la jeunesse.

[174] Je note que Sainte-Beuve appréciait fort la «sensibilité» de M. Paul Perret. Cf. Nouveaux lundis, t. V (art. Feuillet).

[175] Voir le chapitre I, p. 33.

[176] On trouve en tête du livre une préface de M. Adolphe Brisson, où l'intelligent critique recherche et démêle les causes du pessimisme contemporain dans ses rapports avec la littérature. J'en détache la conclusion, qui me paraît trouver sa place ici:

«La plupart des jeunes écrivains... repoussent violemment les traditions du roman d'hier. Ils répudient, avec une véhémence un peu ridicule, l'idéalisme de George Sand et la fantaisie de Dumas père. Ils ne veulent pas que le roman ressemble à une œuvre d'imagination. Ils n'admettent pas que l'écrivain puisse pétrir à son gré la réalité, inventer des caractères, interpréter la nature et l'embellir. Ils exigent qu'il la suive pas à pas. Entre leurs mains, le roman revêt un caractère purement psychologique; l'analyse y remplace l'invention; l'observation patiente des milieux y tient lieu des belles imaginations. En un mot, le roman n'est plus un écrit; c'est une étude, une copie désintéressée de la vie contemporaine. L'auteur dissèque avec amour l'âme, ou pour mieux dire, le tempérament de ses héros; il en démonte les ressorts cachés; il en fait vibrer les fibres secrètes; il le met à nu devant nous.

«Cette anatomie morale n'est pas sans dangers. Celui qui procède à ces analyses s'y livre avec passion, et, par cela même, les pousse trop loin, au delà des limites raisonnables. Après avoir étudié les grands mouvements de l'âme humaine, il passe aux secondaires, puis aux plus petits. Une tendance secrète l'attire vers les exceptions physiologiques et psychologiques. Les monstres le tentent, l'intéressent; il aime mieux peindre les déviations de l'amour que l'amour lui-même; il se grise avec ses recherches. Il lui semble qu'il n'atteint jamais la vérité, qu'il ne fouille jamais assez profond, et la crainte qu'il a d'être banal et superficiel le conduit tout droit aux complexités bizarres. De là, cette psychologie affinée, maladive, étrangement subtile, qui s'étale dans les romans de M. Huysmans, et dans les derniers livres des Goncourt. Enfin, pour exprimer ces sensations anormales, ces nuances infinies de la pensée et du sentiment, les mots usuels ne suffisent plus. On en invente; on crée ces épithètes extraordinaires, ces verbes macabres, ces mots surprenants, qui ne participent pas plus du français que du chinois et qui font de certains livres modernes une énigme prétentieuse et puérile.»

[177] Cf. Les Mariages d'aujourd'hui, Petits mémoires d'une stalle d'orchestre, Les fredaines de Jean de Cérilly, La Pivardière le bigame, etc.

[178] Cf. Serge Panine, Les Dames de Croix-Mort, Le Maître de Forges, La grande Marnière, Noir et Rose, Volonté, etc.

[179] Cf. Le comte Xavier, Nouvelles russes, Un Violon russe, Angèle, Cléopâtre, Claire fontaine, L'Amie, etc.

[180] Cf. La Chasse aux juifs. M. Delines est un des traducteurs attitrés des romans russes (traduct. de Tolstoï et de Tchédrine).

[181] Voir surtout ses Contes juifs. M. de Sacher-Masoch, petit-russien de naissance, est originaire de Lemberg. Son cas présente quelques rapports avec celui de Tourguenieff, qui écrivit comme lui dans sa langue natale et en français. On admire fort, à l'étranger, son Kaunitz, son Dernier roi des magyars et Le fils de Caïn.

[182] Voir ses Contes russes. M. Sichler a écrit une Histoire de la littérature russe qui a quelque mérite dans sa partie mythique et légendaire.

[183] Un pseudonyme qui cache je ne sais qui, mais point un français, à coup sûr. Gauchement écrits, les romans d'Ary Ecilaw (Roland, Une altesse impériale, etc.), fourmillent, dit-on, de révélations sur les cours du nord.

[184] Voir la série des Va-nu-pieds de Londres.

[185] Cf. Le Retour, Tête folle, etc. Au reste, M. Bentzon est surtout connu pour ses études et traductions.

[186] Cf. La moderne Babylone, Jacques Bonhomme chez John Bull, Au pays des brouillards, etc.

[187] Cf. Jonathan et son continent, John Bull et son île, etc.

[188] Cf. Les Clientes du docteur Bernagus, Laborde et Cie, L'Eau dormante, etc.

[189] Cf. L'Homme des déserts, Les Mangeurs de feu, etc.

[190] Cf. Le tour du monde d'un gamin de Paris (série), Les Mystères de la Guyane, etc.

[191] Cf. L'Allemagne amoureuse, Histoires militaires, La Vie viennoise, etc.

[192] Cf. Les Mémoires d'un orphelin, Les Fiancés du Spitzberg, Les Ames en peine, Le Roman d'un héritier, Hélène et Suzanne, etc.

[193] Voir chap. VIII (Les Romantiques). Ajoutez à la liste des livres cités dans la notice Iskender (roman persan), d'une grande vie, d'un beau souffle.

[194] Cf. Vingt mille lieues sous les mers, Les Enfants du capitaine Grant, L'Ile mystérieuse, Cinq semaines en ballon, Michel Strogoff, Aventures de trois Russes et de trois Anglais, Le tour du monde en 80 jours, Nord contre Sud, etc. Jules Verne est plus qu'en puissance déjà dans Edgar Poë. Il ne lui a pris que son merveilleux scientifique. Le reste de son héritage, le macabre, l'humour à vif, vous le retrouverez dans Villiers de l'Isle-Adam, par exemple.

[195] Cf. Les Secrets de l'Océan, Le capitaine Ferragus, Flora chez les nains, Quinze mois dans la lune, etc. C'est du Jules Verne arrangé et pas au mieux. M. de Lamothe eut à répondre autrefois de ces imitations un peu bien directes.

[196] Cf. Histoire d'une bouchée de pain, Les Serviteurs de l'estomac, Les contes du Petit-Château, etc.

[197] Cf. Le Palais de marbre, La Vengeance du bonze, La fille du Boer, etc. Cette littérature enfantine a, du reste, beaucoup baissé. On y chercherait en vain les pendants à la Roche aux mouettes, à Romain Kalbris, à Maroussia, à Jean-Paul Choppard, au Prince Coqueluche, ces chefs-d'œuvre d'antan.

[198] Cf. Aigle et Colombe, Les Pieds d'argile, Bigarette, Le clan des Pentom, Les Rosaëc, Désertion, etc.

[199] Cf. Les Laferté, Jacqueline, Denise, L'Ange du sommeil, etc.

[200] Cf. Jean le boiteux, Visites à grand'mère, La Fille de l'aveugle, etc.

[201] On se reportera, sur Mme Guerrier de Haulpt, à l'article que j'ai déjà cité de M. Paul Bourget, sur le roman piétiste et le roman naturaliste (Revue des deux mondes, 1873). Voir de Mme de Haulpt Le Roman d'un athée, Le Trésor de Kermerel, La Clef des champs, etc.

[202] Cf. Une dette d'honneur, En Poitou, La Faute du père, Petite reine, etc.

[203] Cf. Marcelle Dayre, Sabine de Rivas, Aventures de Jean-Paul Riquet, etc.

[204] Cf. Les Souvenirs d'un enfant de chœur, Les Récits du commissaire, Les athées du Pont-aux-Choux, etc.

[205] Cf. Maître Bernillon, La Béate, Un mariage difficile, Chez l'oncle Aristide, etc.

[206] Cf. Yves Trévirec, La Mission de Marguerite, Edith, etc.

[207] Je prends M. Ninous au hasard. Mais j'aurais pu tout aussi bien nommer cinquante autres.

[208] Cf. Aubanon Cinq-liards, Les Chevaliers de la Croix-Blanche, Le Crime de Maltaverne, Les Rois du Pays d'or, L'Honneur du Nom, etc., etc. Tous ces romans ont une réelle tenue littéraire; l'auteur est peut-être, à présent, notre meilleur romancier picaresque.

[209] Cf. Le Panné, Le Wagon 303, Les Vaincus de la vie, L'Aventure d'une fille, etc.

[210] Cf. Les Nuits du boulevard, Le Fer rouge, L'Enfant du Pavé, Les Drames du demi-monde, La duchesse d'Alvarès, et quelques nouvelles vraiment exquises (Le Trombone de Salzbach, par exemple). Mais c'est surtout à l'imagination que M. Zaccone a dû le succès très mérité de ses livres.

[211] Cf. Le marquis de Saint-Luc, La Bataille de la bourse, Le Faubourg Saint-Antoine, etc.

[212] Cf. Martyre, Les Deux orphelines, Les Remords d'un ange, etc.

[213] Tels que M. Paul Saunière (Le beau Sylvain, Le Chevalier Tempête, Flamberge, etc.), M. Elie Berthet (Un mariage secret, Mère et fille, Le Château de Montbrun, etc.), Charles Valois (Le docteur André), Eugène Moret (La petite Kate), etc., etc.

[214] —«Les goûts sur les livres changent de mode chez les Français comme les habits. Les longs romans pleins de paroles et d'aventures fabuleuses, vides des choses qui doivent rester dans l'esprit du lecteur et y faire fruit, étaient en vogue dans le temps que les chapeaux pointus étaient trouvés beaux. On s'est lassé presque en même temps des uns et des autres, et les petites histoires ornées des agréments que la vérité peut souffrir ont pris leur place et se sont trouvées plus propres au génie français, qui est impatient de voir en deux heures le dénouement et la fin de ce qu'il commence à lire.»—De qui ces lignes? D'un certain Le Noble, auteur d'Ildegerte, reyne de Norwège, ou L'amour magnanime, nouvelle historique, publiée en 1646, et précédée d'un à-qui-lit dont je les ai extraites.

TABLE DES MATIÈRES

  Introduction 1
I. Les Naturalistes 3
II. Les Impressionnistes 55
III. Les Symbolistes 105
IV. Les Philosophes 135
V. Les Rustiques 207
VI. Les Mondains 233
VII. Les Nouvellistes 253
VIII. Les Romantiques 269
IX. Les Éclectiques 303
X. Romanciers divers 335
  Conclusion 349

ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES HÉRISSEY

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