Ma confession
[1] Le grand portail menant au sanctuaire de l'église grecque.
XV
Combien de fois j'enviais aux paysans leur ignorance et leur simplicité! Dans ces thèses qui ne m'offraient que des non-sens évidents, il n'y avait rien de faux pour eux; ils pouvaient les admettre et croire à leur vérité, à cette vérité à laquelle je croyais aussi.
Seulement à moi, malheureux, il était clair que la vérité était entremêlée des fils les plus fins du mensonge et que je ne pouvais accepter la vérité sous une telle forme.
Ainsi, je vécus trois ans à peu près. D'abord, quand comme un catéchumène je pénétrais peu à peu la vérité, guidé seulement par l'instinct et marchant vers ce qui me paraissait être le plus clair, ce mélange de vrai et de faux ne m'étonnait pas autant. Si je ne comprenais pas quelque chose, je me disais:
—Je suis fautif, je suis mauvais.
Mais plus je me pénétrais de ces vérités que j'apprenais et plus elles me paraissaient la base de la vie; plus pénibles aussi et plus frappantes devinrent pour moi ces arrêts, ces chocs; plus il était difficile pour moi de tracer cette démarcation qui se trouve entre ce que je ne comprenais pas, parce que je ne savais pas comprendre, et entre ce qu'on ne pouvait comprendre autrement qu'en se mentant à soi-même.
Malgré ces doutes et ces souffrances je tenais encore à l'orthodoxie. Mais les problèmes de la vie se présentèrent alors tout vivaces à mon esprit, et il fallait les résoudre.
La solution que donne l'Église étant contraire aux bases mêmes de la foi dans laquelle je vivais, je fus obligé de renoncer tout à fait à la possibilité de la communion des idées avec l'orthodoxie.
Ces problèmes étaient: premièrement le rapport de l'Église orthodoxe avec les autres Églises, avec le catholicisme et les autres, que l'orthodoxie appelle schismatiques.
Entre temps l'intérêt que je portais à la foi me rapprochait des croyants de diverses religions: des catholiques, des protestants, des vieux croyants, des molokanes et autres.
Je rencontrais parmi eux beaucoup de gens moralement élevés et véritablement croyants. Je désirais être leur frère. Eh quoi! Cet enseignement orthodoxe qui me promettait de nous unir tous par la foi unique et dans un seul amour, ce même enseignement, par la bouche de ses meilleurs représentants, me déclarait que tous ces autres hommes se trouvaient dans le mensonge, que ce qui leur donnait la force de la vie n'était que la tentation du diable et il n'y avait que nous qui fussions en possession de la seule vérité possible. Et je vis que les orthodoxes comptaient pour hérétiques tous ceux qui ne confessaient pas la foi de la même manière qu'eux.
Il en est de même, du reste, des catholiques qui considèrent l'orthodoxie comme une hérésie.
Je vis aussi que l'orthodoxie se conduisait vis-à-vis de ceux qui ne confessent pas la foi de la même façon qu'elle,—en symboles extérieurs et en paroles,—avec un emportement qu'elle s'efforce de cacher, mais qui n'est que trop naturel, premièrement, parce que, affirmer que tu es dans le mensonge tandis que je suis dans la vérité, est le mot le plus cruel qu'un homme puisse dire à un autre, et secondement parce que l'homme qui aime ses enfants et ses frères ne peut pas ne pas s'emporter contre les gens qui ne veulent convertir ses enfants et ses frères à une foi erronée. Et cette hostilité augmente à mesure qu'on pénètre plus avant dans la science de la foi.
Et moi, qui croyais voir la vérité dans l'unité de l'amour, je fus frappé de voir que l'enseignement de la foi lui-même détruit ce qu'il aurait dû faire naître.
Ce fait est surtout bien évident pour nous autres hommes instruits qui avons vécu dans des pays où l'on confesse tant de religions différentes et qui avons vu cette négation dédaigneuse jointe à cette confiance inébranlable en soi-même, avec laquelle le catholique se comporte vis-à-vis de l'orthodoxe et du protestant, l'orthodoxe vis-à-vis du catholique et du protestant, et le protestant vis-à-vis des deux autres; ces rapports sont encore les mêmes quand il s'agit du vieux croyant pashkonetz, du sheker et de toutes les religions.
On se dit: Il n'est pas possible que, malgré toute leur simplicité, les hommes ne voient pas que, si deux institutions se nient l'une l'autre, c'est qu'il n'y a ni dans l'une, ni dans l'autre, cette vérité unique, qui doit constituer la foi. Il y a donc là quelque chose, quelque explication à trouver; je le croyais, du moins, et je cherchais cette explication.
Je lisais tout ce que je pouvais sur ce sujet et je consultais tous ceux que je pouvais. Mais je ne reçus aucune explication, si ce n'est celle des hussards de Soumma qui croient que le premier régiment du monde est le régiment des hussards de Soumma, tout comme les lanciers jaunes croient que le premier régiment du monde est celui des lanciers jaunes.
Les prêtres des diverses confessions, leurs meilleurs représentants, ne purent me dire qu'une chose, c'est qu'ils croyaient être dans la vérité, et que les autres étaient dans l'erreur; tout ce qu'ils pouvaient était de prier pour eux.
J'allais chez les archimandrites, chez les archirés, chez les vieillards, chez les ascètes, et je les questionnais; mais aucun d'eux ne se donnait la moindre peine pour m'expliquer cette situation.
Un seul m'expliqua tout, mais d'une telle manière que je ne demandai plus rien à personne.
Je leur parlais de ce qu'à tout incrédule qui s'adresse à la foi (et toute notre jeune génération en est là), cette question se présente la première: pourquoi la vérité n'est-elle pas dans le luthéranisme, dans le catholicisme, mais seulement dans l'orthodoxie?
On lui apprend au gymnase, car il ne peut pas l'ignorer comme le paysan, que le protestant et le catholique affirment de la même manière la vérité unique de leur foi. Les preuves historiques que chacune de ces confessions évoque pour s'attribuer la suprématie, sont insuffisantes. Ne peut-on pas, disais-je plus haut,—comprendre l'enseignement de façon à dégager la doctrine fondamentale des divergences d'opinions, de même que ces divergences disparaissent pour le vrai croyant? Ne peut-on pas aller plus loin dans la voie qui nous a réconciliés avec les vieux croyants? Ils affirmaient que la croix, les alleluias et la façon de marcher autour de l'autel sont autres chez nous. Nous leur avons dit: Vous croyez au symbole de Nicée, aux sept sacrements et nous y croyons aussi. Tenons-nous donc à cela et pour le reste, faites comme vous voudrez. Nous nous sommes réunis à eux parce que nous avons placé ce qu'il y a d'essentiel dans la foi plus haut que tout le reste.
Ne peut-on pas dire de même aux catholiques: nous croyons comme vous à ceci et à cela, au principal; quant au «Filioque» et au pape, faites comme vous voudrez. Ne peut-on donc plus s'adresser de même aux protestants?
Mon interlocuteur fut d'accord avec moi quant au fond; mais il ajouta que de telles concessions donneraient lieu à des reproches envers l'autorité ecclésiastique qu'on ne manquerait pas d'accuser de s'écarter de la religion de ses ancêtres, qu'il y aurait schisme, tandis que le devoir de l'autorité ecclésiastique était de conserver dans toute sa pureté la religion orthodoxe gréco-russe, qui lui a été transmise par ses ancêtres.
Et je compris tout. Je cherche la foi, la force de la vie, et eux, ils cherchent le meilleur moyen d'accomplir devant les hommes certaines obligations humaines. Ces actions humaines, ils les accomplissent avec toutes les faiblesses de leur nature humaine. Ils ont beau parler de leur pitié pour les frères égarés, des prières qu'ils adressent pour eux au trône du Tout-Puissant,—il faut toujours user de violence pour accomplir des actions humaines et dans ces conjonctures la violence a toujours été, est encore et sera toujours appliquée. Si deux religions se croient dans le vrai et se tiennent réciproquement pour fausses, ils voudront attirer leurs frères vers la vérité en prêchant leur doctrine. Et, si la doctrine fausse est prêchée aux fils inexpérimentés de l'Église qui se croit dans la vérité, alors, cette Église ne peut pas ne pas éloigner l'homme qui tente ses fils.
Que faut-il donc faire de ce sectateur qui, d'après l'opinion de l'orthodoxie, se consume dans une foi erronée, et qui dans ce qu'il y a de plus grave dans la vie—dans la religion—tente les fils de l'Église? Que faire, de lui, si ce n'est lui couper la tête ou l'enfermer?
Pendant le règne d'Alexis Mikhailowitch on brûlait ces hommes sur des bûchers, c'est-à-dire on leur appliquait le plus grand châtiment de cette époque. De nos jours on leur applique aussi la mesure la plus sévère—on les enferme, on les châtie par la prison cellulaire. Et je portai mon attention sur ce qui se fait au nom de la religion; je demeurai terrifié, et renonçai presque tout à fait à l'orthodoxie.
Le second rapport qu'on doit établir entre l'Église et les questions de la vie c'est le rapport qu'il y a entre elle et la guerre ou les exécutions.
A cette époque précisément, la Russie était impliquée dans une guerre.
Et voilà que les Russes, au nom de l'amour chrétien, se mirent à tuer leurs frères.
Il était impossible de ne pas penser à cela.
Ne pas voir que le meurtre est un mal contraire aux bases premières de toute religion, était impossible.
Et, en même temps, on priait dans les églises pour le succès de nos armes, et les docteurs de la religion reconnaissaient ce meurtre comme une affaire connexe à la religion. Non seulement pendant que se commettaient ces meurtres au nom de la guerre, mais encore pendant les émeutes qui la suivirent, je vis des dignitaires de l'Église, des professeurs de théologie, des moines, des ascètes, qui approuvaient l'exécution de ces jeunes gens égarés et délaissés.
Et je portai mon attention sur tout ce qui se faisait par ces gens qui pratiquaient le christianisme, et je fus terrifié.
XVI
Je cessai de douter, et je fus complètement convaincu que dans la doctrine de cette foi à laquelle je m'étais rallié, tout n'était pas vérité.
Auparavant j'aurais dit que tout l'enseignement était faux, mais maintenant je ne le pouvais plus.
Tout le peuple avait la connaissance de la vérité, c'était indubitable, puisque autrement il n'aurait pas pu vivre. En outre, cette connaissance de la vérité m'était dorénavant accessible, j'en vivais déjà et j'en sentais toute la vérité; mais dans ce savoir il y avait aussi du mensonge. Et je n'en pouvais douter. Tout ce qui m'avait repoussé autrefois se présentait maintenant vivement devant moi. Bien que je visse que dans le peuple tout entier il y avait moins de cet alliage trompeur que dans les doctrines des représentants de l'Église, je voyais néanmoins qu'aux croyances du peuple le mensonge était aussi mêlé.
Mais d'où venait le mensonge et d'où venait la vérité? Le mensonge ainsi que la vérité sont transmis par ce qu'on appelle l'Église. Le mensonge ainsi que la vérité sont contenus dans la tradition, dans celle qu'on nomme la sainte tradition, et dans l'Ecriture.
Et malgré moi je fus amené à l'étude, à l'investigation de cette Ecriture, à l'investigation dont j'avais eu grand'peur jusqu'à présent. Et je m'adressai à l'étude de cette même théologie, que j'avais rejetée une fois avec tant de mépris comme vaine. Alors elle me paraissait être une série de non-sens inutiles; alors, j'étais entouré de tous côtés par les phénomènes de la vie, qui me paraissaient clairs et pleins de sens; tandis que maintenant je serais content de rejeter ce qui n'entre pas dans ma tête robuste; mais je ne sais où aller.
C'est à cette doctrine que se rattache et qu'est indissolublement lié ce seul savoir de la vie qui me fût ouvert. Malgré toute la singularité dont se frappe à ces mots mon esprit vieux et ferme, c'est le seul espoir d'être sauvé.
Il faut l'examiner avec précaution et attention pour le comprendre même moins bien que je ne comprenais les thèses de la science. Je ne cherche pas à comprendre aussi parfaitement et je ne puis le chercher, sachant la bizarrerie du savoir de la religion.
Je ne chercherai pas l'explication de toutes choses; je sais que l'explication du tout, ainsi que le commencement du tout, doit se cacher dans l'infini.
Mais je veux comprendre de telle sorte que je sois amené à ce qui est absolument inexprimable; je veux que tout ce qui est inexprimable le demeure, non pas parce que les exigences de mon esprit ne sont pas justifiées (elles sont justifiées et je ne puis rien comprendre en dehors d'elles), mais parce que je vois les limites de mon esprit.
Je veux comprendre de façon que chaque thèse inexplicable se présente à moi comme une nécessité absolue de ma raison même, et non pas comme une obligation de croire.
Que la vérité soit dans la doctrine, je n'en doute point; mais il est indubitable aussi qu'il y a du mensonge, et je dois trouver le vrai et le faux et séparer l'un de l'autre.
Et voilà la tâche que j'entreprends.
Ce que j'ai trouvé de faux dans cette doctrine, ce que j'y ai trouvé de vrai et à quels résultats je suis arrivé, voilà ce que diront les autres parties de cet ouvrage, qui sera imprimé probablement par celui qui le croira nécessaire et qui jugera que l'ouvrage en vaut la peine.
1879.
Les pages précédentes ont été écrites par moi il y a trois ans.
Je revois maintenant cette partie imprimée et je reviens aujourd'hui au chemin que ma pensée a alors parcouru et à ces sentiments qui s'agitaient alors en moi si douloureusement.
Dans ces derniers temps j'eus un rêve.
Ce rêve m'exprima dans une image brève tout ce que j'ai ressenti et décrit; c'est pourquoi je pense que cette description rafraîchira la mémoire de ceux qui m'ont compris, éclaircira et réunira en un tout ce que ces pages racontent d'une manière si longue.
Voici ce rêve:
«Je suis couché sur un lit, je ne m'y sens ni bien ni mal; je suis couché sur le dos. Mais je commence à me demander si je suis bien couché; et voilà que quelque chose me paraît incommode aux pieds: ou ma couche est trop courte, ou elle est inégale, je ne saurais le dire; mais ce n'est pas bien; je remue les pieds.
En même temps je commence à examiner sur quoi je suis couché, ce qui ne m'était jamais venu à l'esprit jusqu'alors.
En examinant mon lit, je vois que je suis couché sur des lisières en fines cordes tressées, qui sont assujetties aux côtés du lit. La plante de mes pieds pose sur une de ces lisières; les jambes sur une autre; et je sens qu'aux pieds il y a quelque chose d'incommode.
Je sais qu'on peut remuer ces lisières. Par un mouvement des pieds, je repousse la dernière lisière et il me semble que je vais être mieux ainsi. Mais je l'ai repoussée trop loin, je veux la ressaisir avec les pieds; mais ce mouvement fait glisser de dessous mes pieds l'autre lisière et voilà que mes pieds restent suspendus.
Je fais un mouvement de tout mon corps pour en venir à bout, persuadé que je m'arrangerai tout de suite; mais ce mouvement fait glisser et s'entremêler sous moi encore d'autres lisières, et je vois que l'affaire va de mal en pis, que mes membres inférieurs descendent et restent penchés, tandis que les pieds n'arrivent pas jusqu'à terre.
Je me soutiens par le haut du dos seulement et, outre son incommodité, cette position me devient pénible, Dieu sait pourquoi. Ce n'est qu'ici que je me demande ce qui avant ne m'était même pas venu à la tête. Je me demande: où suis-je, et sur quoi suis-je couché? Et je commence à me retourner; avant tout je regarde en bas, là où est penché mon corps et où je sens que je dois tomber tout de suite; je regarde en bas et je ne puis en croire mes propres yeux. Ce n'est pas que je sois sur une hauteur pareille à la plus haute tour ou à la plus haute montagne du monde, mais je suis sur une hauteur comme je n'aurais jamais pu me l'imaginer.
Je ne puis même pas me rendre compte si véritablement je vois quelque chose en bas dans ce précipice sans fond sur lequel je suis suspendu et qui m'attire. Mon cœur se serre et la terreur m'envahit. C'est affreux de regarder en bas.
Je sens que si je regardais, je glisserais tout de suite de la dernière lisière et je périrais.
Je ne regarde pas.
Mais ne pas regarder est pire encore, puisque je pense à ce qui m'arrivera tout à l'heure quand j'aurai été arraché de la dernière lisière.
Et je sens que par suite de ma terreur je perds mon dernier appui et que je glisse lentement sur le dos toujours plus bas et plus bas.
Encore un moment et je serai précipité.
Et voilà qu'il me vient l'idée que cela ne peut pas être vrai.
C'est un rêve. Réveille-toi.
J'essaye de me réveiller et je ne le puis pas.
—Que faire, que faire? me demandai-je en jetant un coup d'oeil en haut.
Là-haut, c'est aussi l'abîme.
Je regarde cet abîme céleste et je m'efforce d'oublier l'abîme d'en bas; et vraiment je l'oublie. L'infini d'en bas me repousse et me terrifie; l'infini d'en haut m'attire et m'affermit.
Je suis suspendu au-dessus de l'abîme sur la dernière lisière qui n'ait pas encore glissé; je sens que je suis suspendu, mais en regardant en haut mon effroi disparaît.
Comme il arrive souvent dans les rêves, une voix me dit:
—Fais attention! le voici!
Et je regarde toujours, pendant bien, bien longtemps, l'infini céleste et je sens qu'en me calmant je commence à me rappeler tout ce qui a été, et je me souviens comment tout est arrivé: comment j'ai remué des pieds, comment je fus suspendu, comment je fus terrifié et comment je me suis sauvé de l'effroi parce que j'ai regardé en haut. Je me demande:
—Eh bien! Maintenant est-ce toujours la même chose? Ce n'est pas que je me retourne, mais je sens de tout mon corps ce point d'appui sur lequel je me tiens. Et voilà que je commence à voir, que je ne suis déjà plus suspendu et que je ne tombe pas, mais que je me tiens fermement.
Je me demande comment je me tiens, je tâtonne, je me retourne et je vois que sous moi, juste au milieu, se trouve une lisière et que, tout en regardant en haut, je suis couché sur elle dans l'équilibre le plus stable et que ce n'est qu'elle seule qui me tient.
Et, comme cela arrive dans le sommeil, tout le mécanisme, à l'aide duquel je me tiens, se représente à moi très naturellement, compréhensiblement et indubitablement, bien qu'en réalité ce mécanisme n'ait pas le moindre sens.
Je m'étonne même, tout en dormant, que je n'aie pas compris avant que, sur ma tête, il y avait une tour dont la solidité est incontestable, quoique cette tour n'ait pas de base. Puis de la tour une corde est tendue, Dieu sait comment, mais en tout cas d'une manière très ingénieuse et fort simple en même temps. Si l'on est couché sur cette corde par le milieu du corps, et si l'on regarde en haut, il ne paraît même pas qu'il puisse être question d'une chute.
Tout cela m'apparaît clairement et je suis content et tranquille.
Puis quelqu'un me dit:
—Prends garde; rappelle-toi.
Et je me réveillai.
1882.
FIN.
I.—Croyances de jeunesse.—Scepticisme précoce.—L'athéisme au gymnase.—Mysticisme de Dimitri Tolstoï.—Comment on cesse de croire.—L'orthodoxie n'est point un garant de la vertu.—Histoire de S.—La foi dans le perfectionnement
II.—Les passions de la jeunesse.—L'auteur commence à écrire.—Théories du milieu artiste sur la vie.—La vocation des artistes, êtres prépondérants, est d'instruire les hommes.—L'auteur se refuse à admettre cette foi.—Le vrai désir de ses apôtres est de recevoir le plus d'argent et de louanges possible
III.—L'auteur voyage.—Sa foi dans le perfectionnement grandit au contact de la civilisation européenne.—Fragilité de cette confiance prouvée par la vue d'une exécution capitale à Paris.—Mort du frère de l'auteur.—L'auteur organise des écoles paysannes.—Nouveaux voyages à l'étranger.—Arbitrage, enseignement et journalisme.—Maladie morale.—Départ pour le désert.—Mariage.—Influence de la vie de famille.—L'auteur continue à écrire.—Crise.—La vie n'a plus de joies si on en ignore le pourquoi.—Moralement l'auteur ne peut plus vivre
IV.—La vie est un non-sens.—Idée du suicide.—Le bonheur de l'auteur est cependant complet, sa santé parfaite.—La vie est une méchante plaisanterie jouée par quelqu'un.—Il n'y a rien, il n'y a rien eu, il n'y aura jamais rien dans la vie.—Fable orientale.—Impossibilité de ne pas penser.—Terreur de l'obscurité: la mort immédiate vaut mieux
V.—Recherches du secret de la vie.—Les sciences exactes.—Les sciences théoriques.—Arrêt du développement.—Les sciences ignorent la question de la vie.—A la recherche d'une théorie.—Néant de la philosophie
VI.—L'homme égaré.—Quel est le sens de la vie?—Socrate.—Schopenhauer.—Salomon.—Bouddha.—L'Ecclésiaste et Çakia-Monni.—La mort vaut mieux que la vie dont il faut se défaire
VII.—Les quatre issues: L'ignorance.—L'épicuréisme.—La force.—La faiblesse.—Ne pas comprendre que la vie est un non-sens.—Profiter de la vie telle qu'elle est sans penser à l'avenir.—Comprenant que la vie est un mal, se tuer.—Savoir que la vie est un mal et vivre malgré cela.—L'auteur se demande s'il y a encore quelque chose qu'il ne sait pas ou quelque erreur dans son raisonnement
VIII.—Où est l'erreur?—L'auteur n'avait considéré que la vie factice des hommes de sa société.—Il croyait que la vie des masses n'était qu'une circonstance sans importance.—Les masses, loin de ne pas comprendre la question de la vie, la posent et la résolvent avec une clarté étonnante.—Mais leur réponse est basée sur une foi que n'a plus l'auteur.—Dilemme terrible
IX.—L'erreur de l'auteur. Il a toujours répondu non à la question de la vie, mais à la question de sa vie. C'est la foi qui donne la possibilité de vivre.—Sans foi on ne peut pas vivre.—Dans les réponses fournies par la foi il y a une profonde sagesse humaine
X.—L'auteur étudie les religions.—Il fréquente les croyants et les théologiens.—L'auteur est effrayé de se sentir retourner au désespoir.—La vie d'aucun de ces hommes ne correspond à leurs principes.—La foi de ces gens n'est pas celle qu'il cherche.—Il se rapproche des croyants du peuple et des sectaires.—Ici il trouve une vraie foi.—L'auteur comprend qu'ils ont le sens de la vie
XI.—Tout s'éclaire.—Les hommes sont des fous.—Qu'a fait l'auteur pendant trente ans?—Pour comprendre la volonté du Régulateur de l'univers, il faut l'exécuter.—Les savants et les simples
XII.—Il faut vivre non pas de la vie du parasite, mais de la vie véritable.—La recherche de Dieu.—Si Dieu, cause de toutes les causes, existe, on peut vivre.—Le problème demeure insoluble.—L'oiseau tombé du nid.—Il est cependant.—Aspirations à la vie.—Désespoirs.—La Barque.—Dieu, c'est le rivage
XIII.—La vie du monde est une parodie de la vie.—Pour comprendre la vie, il faut s'adresser à ceux qui la produisent et lui donnent un sens.—L'auteur accepte tous les rites liés à la foi.—Les raisons de sa conduite.—Raisonnements des théologiens russes.—Les réticences de la foi de l'auteur
XIV.—Le rituel incompris.—Ce que l'auteur rejetait de sa foi.—Les idées religieuses du peuple.—Lectures des Vies des Saints et des Martyrologues
XV.—L'auteur envie la simplicité des croyants du peuple.—L'orthodoxie.—Nouveaux problèmes.—L'Église orthodoxe et les autres Églises.—Les hommes des diverses fois se traitent mutuellement d'hérétiques.—L'auteur essaie de concilier les diverses communions chrétiennes.—Réponse d'un prêtre russe.—L'auteur renonce à l'orthodoxie.—L'Église orthodoxe et la guerre
XVI.—Il y a du mensonge dans la foi.—L'auteur étudie les Écritures.—Le fruit de ses études formera un livre: Ma Religion