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Railway Reform: ou considérations sur la nécessité de réformer les bases du système qui a créé et qui dirige les chemins de fer de la Grande Bretagne, et des moyens à employer pour atteindre ce but.

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Le changement que nous proposons est, sous quelques rapports, bien que dans des proportions plus restreintes, analogue à celui de cette réforme. Il n'est pas inutile d'examiner quoi leurs principes diffèrent ainsi que la nature des circonstances au milieu desquelles ils sont placés. Nous verrons en même temps si les résultats produits par la réforme postale, peuvent être cités pour ou contre celle que nous proposons, sous le rapport financier.

D'abord, dans le plan de M. Rowland Hill, le port des lettres était réduit au 6e de ce qu'il était avant, et la diminution des recettes qui en fut la conséquence s'éleva à 900,000 liv. (22,500,000 fr.) Dans la réforme du système des chemins de fer que nous proposons, la réduction ne va qu'aux deux tiers, et nous avons estimé le déficit qui s'en suivrait dans les recettes à 1 million sterling (25 millions de fr.).

Ensuite le plan de M. Rowland Hill, sous le rapport financier, n'a pas répondu aux espérances que l'on en concevait, parce que l'on a adopté le principe d'un droit fixe, au lieu d'un droit proportionnel qui eût été dans ce cas-ci le plus avantageux. Un tarif de ports de lettres variant de 1 penny à 3 pence (de 10 à 30 centimes), selon les distances, aurait produit un revenu plus considérable et aurait été plus en harmonie avec les bons principes d'économie politique et le bon sens.

En admettant même que les vues de M. Rowland Hill soient justes sous le rapport du prix payé pour le port d'une lettre par celui qui l'écrit, il n'a pas pris en considération la valeur que cette lettre avait pour celui qui la reçoit. Si un marchand a deux articles de différentes qualités qui lui coûtent le même prix, il fera autant d'attention à leur valeur relative aux yeux de l'acheteur, qu'à ce qu'ils lui ont coûté. Un individu accoutumé à payer dans un endroit 1 sh. 6 d. (1 f. 85 c. ½) le port d'une lettre, et dans un autre 6 d. (62 c. ½) et qui peut continuer sa correspondance moyennant le 6e du prix qu'il payait auparavant, n'écrira probablement pas une lettre de plus parce que la réduction est d'un 18e; la différence est donc perdue pour le gouvernement. Si l'on veut jeter un coup d'œil sur le 3e tableau, on verra que sur la route de Glasgow à Greenock, si le nombre des voyageurs triplait, le coût du transport d'un voyageur, pour une distance de 100 milles (160 kilom. ou 40 lieues), serait de 6 d. Le coût de la traction seule ne serait que de 3 d.; mais la part des dépenses d'administration, de taxe, d'impôts, etc., monterait à 3 d. de plus. Maintenant, un voyageur serait-il raisonnable d'exiger que l'on ne fit payer le transport que d'après le prix de revient à la compagnie, exclusivement, parce que l'on pourrait le transporter pendant 100 milles pour 6 d., soit, par exemple, de Londres à Liverpool, pour 2 sh. 2 d. (2 fr. 70 c.), au lieu de 27 sh. (35 fr. 75 c.) qu'il paie aujourd'hui?

Voilà en quoi notre plan diffère beaucoup de celui de M. Rowland Hill. Ses calculs ont été basés seulement sur la dépense faite par le vendeur; dans les nôtres, la valeur reçue par l'acquéreur est prise également en considération.

Il y a une différence totale de position dans les deux cas. Par la réforme de la taxe des lettres, le déficit dans les recettes qui a été de 900,000 liv., est une perte positive pour l'Etat, et il faut la combler par d'autres taxes directes. Par la réforme que nous proposons, les revenus de l'Etat ne peuvent pas perdre un simple farthing. Le revenu que le Gouvernement tire des chemins de fer est d'environ 200,000 liv. (5 millions de fr.) Non-seulement nous laissons cet article dans les dépenses, mais encore nous déduisons des recettes la somme payée par la direction des postes. Le Gouvernement ne perdrait donc en effet par la réduction des tarifs que ce qu'il gagne aujourd'hui avec ceux en vigueur.

Le crédit du Gouvernement lui permet d'emprunter à un taux peu au-dessus de 3 p. cent. L'actionnaire d'un chemin de fer ou de toute autre entreprise sujette à spéculation, ne veut pas placer son capital à un taux moindre de 5 p. cent. La solidité du placement est le premier objet du capitaliste; l'intérêt vient ensuite.

Des actions de chemin de fer qui aujourd'hui valent 100 liv., peuvent, dans un an, ne pas valoir 50 liv. C'est de là que vient la différence entre un intérêt incertain et soumis à de continuelles fluctuations qui mettent en danger le capital, et la fixité comparative des capitaux garantis par l'Etat.

Ces vérités sont hors de doute. On a observé avec raison que les capitaux, aussi bien que l'eau, trouvent toujours leur niveau. Le porteur de rente qui ne reçoit que 3 p. cent pour son argent placé dans les consolidés, pourrait vendre et acheter des actions de chemin de fer qui lui rapporteraient 5 p. cent, ou à peu près, dans les meilleures lignes. S'il ne le fait pas, n'est-il pas évident que le premier placement est à ses yeux meilleur que le second? Les compagnies d'assurances sont dans ce pays les établissemens qui donnent les plus beaux bénéfices. On dit que l'Equitable, qui est la plus riche corporation du monde, a un capital de plus de 15,000,000 sterling (375 millions de fr.). Ce capital provient des bénéfices qu'elle a faits en assurant les particuliers contre tous risques. Les différentes compagnies d'assurances après avoir payé au Gouvernement plus d'un million sterling (25 millions de fr.), chaque année, partagent d'énormes bénéfices entre leurs actionnaires. Il suffit de jeter un coup-d'œil sur la cote de leurs actions pour avoir une idée de leur valeur. Et d'où viennent ces bénéfices? De l'anxiété du public pour assurer ses propriétés, et de ses dispositions à payer plus qu'il ne serait nécessaire pour couvrir les risques. Un placement de fonds dans les chemins de fer est dans le même cas. Échangez vos actions contre des 3 p. cent, et ces 3 liv. 2 sh. certains que vous recevrez valent autant que les 4 liv. 19 sh. 9 d. incertains que vous receviez. Les valeurs que ces deux placemens représentent sont identiques; la différence forme une prime d'assurances. Le gouvernement ferait donc un bénéfice clair en recevant une prime de 895,000 liv. (22,375,000 fr.) pour la garantie qu'il donnerait au capital et aux intérêts. Cette prime comblerait le déficit présumé qu'occasionnerait l'abaissement des tarifs.

Le lecteur versé dans les affaires comprend parfaitement tout ceci; mais cette explication était nécessaire pour ceux qui ne connaissent pas la nature de notre système monétaire.

Nous croyons avoir démontré qu'il y a bien peu de rapport entre la réforme postale de M. Hill et la nôtre pour les chemins de fer. On ne peut pas prévoir quels seraient les résultats financiers de notre proposition, d'après ceux de la réforme postale, parce que ces deux réformes ne sont pas placées dans les mêmes circonstances, et parce que les principes sur lesquels elles sont fondées sont différens. La réforme commerciale introduite par M. Hill a produit sans doute un bien infini, mais qui ne peut atteindre ses dernières limites qu'autant que les malles-postes seront transportées gratis dans tous les bourgs et villages. Pour cela il faudrait que le Gouvernement se déterminât à faire le sacrifice d'une grande partie de son revenu.

Notre plan de réforme produirait encore un bien immense par les secours qu'elle donnerait à des millions de malheureux qui sont dans l'impossibilité de payer pour se transporter là où ils trouveraient des secours, et qui tombent, par suite de cette impossibilité, à la charge de leur paroisse. Leur transport ne coûterait rien au gouvernement, et l'argent que les pauvres coûtent aujourd'hui serait une économie pour le pays tout entier.

Il existe encore une autre classe d'individus que nous ne devons pas oublier. Elle est malheureusement considérable dans ce pays, aussi bien que dans tous les autres. C'est celle du pauvre ouvrier qui ne peut pas même payer un liard (farthing) par mille pour son transport lorsqu'il est en quête d'ouvrage et de pain, et qu'il est trop fier pour demander des secours à sa paroisse.

Nous ne devons pas passer sous silence une considération importante; c'est l'économie que le gouvernement ferait dans le transport des troupes, des officiers publics, des employés d'administration, des courriers, du matériel de la guerre et de la marine, etc. Elle serait considérable.

Nous ne nous sommes occupés jusqu'à présent que des avantages que le public retirerait des changemens que nous proposons; il ne faut pas oublier cependant qu'il existe d'autres intérêts, ceux de l'actionnaire, qui doivent être protégés. Voyons s'il aurait raison de se plaindre d'être exproprié nolens volens.

Plus qu'aucune autre propriété, celle des chemins de fer a été créée par le parlement. Un chemin de fer, à l'aide du pouvoir qui lui donne l'existence, se fraie une route à travers les terres, malgré la volonté de ceux qui les possèdent; il détruit la beauté des domaines, il renverse les maisons de fond en comble, arrache les arbres et poursuit sa course sans jamais dévier de la ligne droite, jusqu'à ce qu'il ait atteint son but. Il a fait des ravages qu'aucune indemnité ne saurait compenser aux yeux de beaucoup de gens.

De toutes les propriétés existantes il n'en est aucune qui ait moins le droit d'être privilégiée, si le besoin public exigeait que l'Etat la réglât par son intervention; ceux qui la possèdent ne peuvent donc demander aucun privilége. Cette propriété est constamment sur la place, elle change constamment de mains. Elle n'est considérée que comme placement de fonds, et les fluctuations que sa valeur éprouve la rendent incertaine, même pour une semaine.

On se rappellera que j'avais divisé les chemins de fer en deux grandes catégories, parce que leur évaluation était basée sur des principes différens.

Dans la première catégorie, j'ai compris la grande majorité des chemins de fer qui ont donné de bons résultats, avec quelques-uns d'un ordre inférieur dont les actions sont constamment sur la place, ici ou ailleurs. Leur valeur peut être fixée tout de suite à 100 liv. près. Cette catégorie ne présente donc aucun obstacle à la mise à exécution du plan proposé.

Pour la seconde, c'est un peu différent. Elle comprend tous ces chemins de fer qui n'ont pas réussi, qui paient peu ou point d'intérêt. Pour la plupart, leurs actions ne sont pas cotées, et à peine, sur vingt-quatre, y en a-t-il six ou huit qui donnent lieu à des transactions publiques. On doit s'attendre à ce qu'une propriété qui coûte autant et qui rapporte si peu n'a pas, aux yeux de ses détenteurs, une valeur égale à celle qui donne de gros intérêts. On fait donc très peu d'affaires sur ces chemins de fer. Par exemple: le Birmingham à Derby, le Birmingham à Manchester, le Manchester à Leeds, le Birmingham à Gloucester, d'après leurs cotes, ne doivent pas payer plus de 3½ p. cent d'intérêt à leurs acheteurs, tandis que la meilleure ligne du royaume, le Stockton à Darlington, paie environ 6 p. cent à l'acquéreur de ses actions, au taux actuel. Ses actions, primitivement de 100 liv., rapportent 15 p. cent, et leur valeur, suivant le cours, est de 255 liv. La compagnie de Manchester à Birmingham paie 2 p. cent, et le cours officiel de ses actions est de 22 liv., tandis que leur prix d'émission est de 40 liv. En résumé, le gouvernement devrait payer les actions au prix du cours, quel qu'il fût, sans prendre en considération le taux de l'intérêt, ou même si les actions en rapportent un. Le Blackwall ne paie aucun intérêt; il serait donc difficile d'évaluer une propriété qui ne rapporte rien et qui impose de grandes obligations à ceux qui la possèdent. Le Greenwich est à peu près dans la même situation. Le dividende est, pour ainsi dire, nominal, car il est payé au taux de 10 sh. (12 fr. 50 c.) par an. Les dividendes de plusieurs compagnies ont tellement l'air de fictions, que ces compagnies feraient mieux de suivre l'exemple du Blackwall et de n'en pas annoncer. Il y a, dans les chemins de fer ruinés ou à peu près, qui sont épars sur la surface du royaume, un vaste capital enterré, appartenant à des propriétaires, à des prêteurs hypothécaires, qui ne rapporte rien et qui ne peut être liquidé. Ne serait-ce pas un grand bonheur pour ces gens-là de pouvoir en faire de l'argent d'après sa valeur nominale, ou bien d'après celle qu'ils lui donnent. Il existe dans la première catégorie plusieurs lignes dont les propriétaires seraient charmés de liquider de cette manière leur propriété. Cette propriété, qui n'a aucune valeur considérée comme source de revenu (et ce n'est que sous ce rapport qu'elle n'a pas de valeur pour les actionnaires), en aurait une immense pour l'Etat, même sous le point de vue financier. Elle est sans valeur pour les détenteurs actuels, non pas tant parce qu'elle ne possède aucun mérite intrinsèque, que parce que les bénéfices sont absorbés par des emprunts considérables, souvent à 6 pour cent, tandis que le gouvernement ne paierait que la moitié de ce prix.

L'esprit d'entreprise souffrira-t-il dans ce pays, si le gouvernement devient acquéreur des chemins de fer, à l'exclusion de tout autre individu? La bonne-foi nationale sera-t-elle accusée, la confiance publique ébranlée, parce qu'un malheureux actionnaire de Stockton à Darlington ou de Londres à Birmingham ayant placé, il y a dix ans ou vingt ans, un capital dont il aura tiré jusqu'à ce jour 10 ou 15 p. cent par an, devra en recevoir le remboursement au cours actuel, c'est-à-dire sera forcé d'accepter la double ou le triple de ce que sa propriété lui a coûté!

Des offres libérales éviteraient au gouvernement l'embarras de négocier un emprunt qui rapporterait probablement aux soumissionnaires une prime de 2 p. cent. Le dernier emprunt a été soumissionné, par M. Jaubert, au taux de 107 liv. 5 sh. 8 d. 3 p. cent pour 100 liv. Les consolidés étaient alors à 3 p. cent plus bas qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Il existe encore une considération qui doit être constamment présente à l'esprit du législateur qui a en vue la moralité et le bonheur du peuple confiés à ses soins. Il doit, autant que possible, le garantir de la tentation de spéculer, qui est opposée au véritable esprit des affaires, et qui a des effets si désastreux pour ceux qui s'y livrent. Il y a malheureusement dans ce pays une classe nombreuse d'individus pour laquelle les spéculations dans les chemins de fer présentent de grandes tentations. Les cours des actions de chemins de fer éprouvent des fluctuations continuelles sur la place; ils sont soumis, jusqu'à un certain point, aux opérations des joueurs à la baisse et à la hausse, et par cela même, ils remplissent parfaitement le but des coulissiers. Il existe ensuite une autre classe d'individus plus digne de notre sympathie, qui place ses fonds dans les chemins de fer, attirée par l'appât du haut intérêt qu'ils paient; il serait impossible de calculer le nombre de ceux qui se ruinent par suite de la dépréciation que cette valeur éprouve. Nous avons donné la nomenclature de ces chemins de fer dans un but différent; il serait donc inutile d'y revenir. A-t-on une idée du nombre de familles qui ont été ruinées par le chemin de fer de Greenwich, depuis le temps où ses actions étaient à 25, jusqu'à l'époque où elles sont tombées à 5, ne payant qu'un intérêt fictif; ou bien par celui de Blackwall, dont les actions de 2 ou 3 au-dessus du pair qu'elles étaient dans l'origine, sont tombées au taux minime où nous les voyons à présent! Depuis l'année dernière ces actions sont tombées d'environ 60 p. cent. Mais ces ruineuses dépréciations n'atteignent pas seulement les chemins de fer qui n'ont pas réussi; les actions du Grand-Junction étaient, il y a deux ou trois ans, à 240 liv.; elles payaient 14 p. % d'intérêt; elles sont aujourd'hui à 200 liv. et donnent 10 p. cent. D'un autre côté, quels sont les résultats des effets opposés, lorsque des actions ont augmenté de valeur et que leur vente a fait gagner à leurs détenteurs 20, 30 ou 50 p. cent? L'honnête homme devient un spéculateur déterminé: il attribue à sa sagesse ce qui est l'effet du hasard. Ses prévisions peuvent ne pas être aussi heureuses dans la suite, et après avoir éprouvé toutes les vicissitudes de jeu, il termine sa carrière comme tous les joueurs, par une banqueroute.

Dans notre opinion, rien ne saurait être plus pernicieux que de semblables influences; elles détruisent la moralité et les habitudes d'ordre d'une nation. Dans la situation actuelle, deux parties intéressées agissent constamment en sens inverse sur une valeur de plus de 60 millions sterling (1 milliard 500 millions de fr.), et cette valeur est tour à tour augmentée ou dépréciée, selon les intérêts de la partie la plus puissante. Ne vaudrait-il pas mieux que ceux qui ont placé de bonne foi leurs capitaux dans ces entreprises, retirassent un intérêt sûr d'un capital comparativement fixe, que de courir de semblables risques et d'être constamment en danger de se ruiner?

Chez une nation aussi commerçante que la nôtre, les spéculations et les marchés à termes auront toujours lieu sur une grande échelle; mais le gouvernement doit circonscrire leur fatale influence parmi les personnes qui s'y livrent habituellement, et empêcher l'honnête homme d'être victime de transactions souvent frauduleuses.

Dira-t-on que si le gouvernement ne peut pas détruire entièrement ce genre de spéculation, il ne doit rien faire pour l'arrêter. Quel est le mal que l'on puisse extirper radicalement? Parce que nous ne pouvons pas déraciner l'arbre, nous est-il défendu de couper ses branches? Parce que nous ne pouvons pas empêcher le crime, devons-nous nous abstenir de le punir? Parce que nous ne pouvons pas empêcher le jeu, faut-il que nous tolérions les maisons de jeu? Le devoir du gouvernement est de frapper ferme et fort sur tous les maux de ce genre, toutes les fois qu'il en a l'occasion comme aujourd'hui.

Nous avons presque terminé cette longue série de faits, de citations, d'argumens, et nous craignons d'avoir épuisé la patience de nos lecteurs. Notre excuse est tout entière dans l'importance du sujet qui intéresse plus ou moins tous les membres de la société.

D'après les faits que nous avons cités, et les opinions que nous avons imprimées, on doit voir que nous avons cherché à établir la vérité des propositions suivantes; nous espérons avoir réussi dans la tâche que nous nous sommes imposée:

  • 1º Que la situation du pays s'améliorerait considérablement sous le rapport politique, social et moral, par une extension aussi vaste que possible des moyens de communication entre toutes les parties du royaume;
  • 2º Qu'il y a une force immense chaque jour en mouvement, qui suffirait seule pour amener ce résultat; mais qu'elle est perdue en grande partie. Elle pourrait transporter tout individu qui voudrait changer de place d'un bout du pays à l'autre, avec une vitesse incroyable, et moyennant un prix si modique que le plus humble artisan pourrait s'en servir;
  • 3º Que c'est l'intérêt de ceux auxquels cette puissance est soumise, de limiter ses services à un petit nombre d'individus au lieu de l'étendre aux masses. De cette manière, le pays est privé des avantages qu'il pourrait retirer de son application aux besoins de la société;
  • 4º Que l'intervention du législateur peut seule détruire cet abus criant, cette subversion de tous droits, si pernicieuse à la nation en général;
  • 5º Que le pouvoir confié aux propriétaires de chemins de fer devrait appartenir au gouvernement, qui répondrait de l'usage qu'il en ferait devant les Chambres et devant le pays;
  • 6º Que si ce pouvoir était placé entre les mains du gouvernement, il lui permettrait de faire jouir toutes les classes d'avantages qui sont aujourd'hui le partage d'une seule. Il soulagerait les classes riches d'un impôt très lourd, et les pauvres d'un mal intolérable. Il étendrait le commerce en abolissant les charges qui pèsent sur lui, et il diminuerait le prix des denrées de première nécessité, non pas en diminuant les profits du producteur, mais les frais de production. De cette manière, il rendrait un service immense au pays, sous un double rapport politique et commercial, en développant les sources de sa richesse, de sa puissance et de sa grandeur;
  • 7º Que malgré l'importance de ces avantages, la morale et la société en retireraient de plus grands encore. Les barrières qui séparent l'homme de son semblable tomberaient; ce qui, par lui-même, est et sera toujours un monopole deviendrait la plus noble invention de la science et de la philantropie, au lieu d'être un instrument sordide de gain. L'homme pourrait aller partout admirer les ouvrages de son créateur, l'artisan maladif pourrait aller respirer un air plus pur, qui redonnerait de la vigueur à sa constitution; les amis, séparés seulement par un espace de 50 milles, ne seraient plus éloignés les uns des autres comme si l'Océan les séparait; l'homme jouirait, dans toute son étendue, du bonheur et de l'aisance que lui procurerait une manière de voyager aussi rapide qu'économique. Tels sont, en somme, les avantages qui sont à notre portée et à celle de tous les peuples qui possèdent des chemins de fer;
  • 8º Que l'adoption de notre plan ne ferait tort à personne; qu'elle ne diminuerait aucune branche du revenu direct, et qu'elle accroîtrait de beaucoup le revenu indirect; et enfin que ne nuisant à aucun intérêt, elle ne devrait soulever les préjugés d'aucun parti.

Si nous jetons un coup-d'œil sur les pays étrangers, nous verrons qu'ils nous ont surpassé dans la manière d'établir et de conduire leurs chemins de fer. Nous avons déjà eu occasion de citer la Belgique. Les gouvernemens de France, d'Autriche, de Russie, de Prusse, de Hollande et les états de l'Allemagne regardent ces entreprises comme tellement importantes, qu'ils les ont fait diriger par l'Etat, ou qu'ils ont donné toute espèce d'encouragemens aux capitalistes, à condition que leurs tarifs seraient très bas. En Angleterre, on a suivi une ligne de conduite diamétralement opposée: le gouvernement n'a fait aucune construction de chemin de fer, et n'a accordé aucun secours à ceux qui ont entrepris ces nouvelles routes. Quelle en a été la conséquence? C'est que l'on extorqué a des capitalistes des millions qui ont été dépensés en sollicitations auprès des Chambres, ou à écarter des compagnies rivales. On ne peut pas avoir oublie les rivalités que la ligne de Brighton a soulevées. Il y avait quatre compagnies, et leurs dépenses parlementaires, pour une seule année, se sont élevées à plus de 100,000 liv.[75]. En voici le détail par une personne engagée dans l'affaire: «Nous avions vingt conseillers, dirigés par six sergens du roi et conseils du roi; nous avions un régiment de vingt avoués des plus éminens, flanqués par une brigade d'agens du parlement; et, en outre, il y avait une armée d'ingénieurs, dont la principale affaire était de se contredire les uns les autres, ce pourquoi les hommes de loi leur prêtaient main-forte avec la plus grande cordialité.» Ceci n'est que la contre-partie de ce qui a eu lieu, plus ou moins, sur chaque ligne. Que de millions on aurait alors épargnés aux actionnaires, si le gouvernement eût tracé les meilleures lignes, et les eût offertes aux enchères à la compagnie qui aurait proposé le tarif le plus bas! Il faut reconnaître néanmoins que le gouvernement a agi avec impartialité envers tous. S'il a laissé dépouiller le capitaliste, il ne pouvait pas, en toute justice, l'empêcher d'en faire autant aux autres lorsqu'il a eu en mains le pouvoir de le faire. Pour accorder à chacun ce qui lui est dû, il faut convenir que le capitaliste n'a pas été long-temps sans l'exercer, ce pouvoir, et qu'il rend maintenant avec usure à la société les faveurs qu'il en a reçues.

N'est-il pas extraordinaire que dans un pays comme le nôtre, où tous les membres de l'administration, depuis le premier ministre jusqu'au bedeau de la paroisse, sont responsables de leurs actes, il existe une soixantaine de corporations, responsables seulement envers leurs actionnaires, qui ont le pouvoir de taxer le public ad libitum, et qui ne cessent d'augmenter leurs tarifs qu'au moment où ces augmentations cessent de leur être profitables; qui sont forcées d'agir ainsi par devoir, et de soutirer de la nation autant d'argent qu'elles peuvent, quelles que soient les conséquences de ce système pour le pays? Le voyageur est forcé littéralement de se soumettre à tous les règlemens, lois et charges qu'il convient à 50 fois 12 ou 24 individus, respectables sans doute, de lui imposer pour leurs bénéfices.

Le total des recettes de tous les chemins de fer s'élève à 5,072,600 liv.[76].
Le tiers de cette somme serait 1,690,800
Différence 3,381,800 liv.

La partie du public qui est obligée de se servir de chemins de fer serait donc soulagée de cette somme, ou au moins de 3,000,000[77].

Il est impossible de calculer le nombre d'individus que l'adoption de notre plan engagerait à se servir des chemins de fer. Mais qui pourrait calculer, non pas ce que l'on a tiré des malheureux avec le système actuel, mais la perte qu'ils ont éprouvée dans leur temps, leur santé, leur industrie et leur confort? Ils ont été obligés de sacrifier des heures précieuses lorsque des minutes auraient suffi; ils n'ont pu aller chercher ailleurs des moyens d'existence qui leur étaient refusés autour d'eux. Voilà l'impôt dont on les dégrèverait: que les calculateurs en fixent l'importance!

Nous sommes persuadés que beaucoup de personnes diront qu'il y aurait folie à discuter une semblable question et qu'elle ne mérite même pas l'attention du gouvernement. Si les principes que nous avons défendus sont vrais, si les faits que nous avons cités existent, si nous en avons tiré des conclusions logiques, pourquoi le gouvernement ne tournerait-il pas son attention vers ce sujet? Si, au contraire, nous avons examiné ce sujet sous un faux point de vue, si notre projet est l'œuvre de visionnaire, si les faits que nous avons avancés sont erronés, et nos conclusions fausses, alors le gouvernement a encore le devoir, plus qu'aucune autre partie, de porter attention à notre projet afin d'en faire justice.

Mais nous croyons notre projet de réforme utile, praticable et juste. A tout évènement, il mérite d'être examiné; et s'il peut produire un grand bien, aucune époque n'en aura eu plus besoin.

Il ne serait ni difficile ni dispendieux de faire un essai de notre système; il s'agit de commencer par un chemin de fer. Le Blackwall, par exemple. Les directeurs se prêteraient volontiers à un arrangement équitable avec le gouvernement. Les prix seraient 2 pence pour la 1re classe et 1 penny pour la 2e[78]. Nous doutons beaucoup qu'il y ait un déficit dans les recettes; mais si elles baissaient d'un tiers seulement, nos données seraient correctes, puisque la différence serait balancée par la diminution d'intérêt. S'il est prouvé que l'on peut voyager sur ce chemin de fer au tiers du prix que l'on paie à présent, que personne ne perd et que tout le monde gagne au change, on essaiera le système sur un autre: le Liverpool à Manchester. Que ce chemin de fer, qui n'est ouvert au public que comme l'est la Taverne de Londres, le soit réellement. Que le prix de 1re classe soit de 2 sh. 6 d. et 1 sh. 8 d., et la 2e classe 1 sh. 3 d. et 8 d.[79]. Si cette seconde expérience réussit, on pourra en essayer une dernière sur le chemin de Londres à Birmingham.

Supposons un instant que notre première expérience ne réussit pas et que les rapports entre le prix de l'objet et la quantité consommée ne fussent pas ceux que nous avons indiqués. Le chemin de fer Blackwall a augmenté son mouvement en réduisant ses prix de 8 d. et 6 d. à 6 d. et 4 d. Supposons qu'une réduction plus forte n'amène aucun résultat parce que les voyageurs préfèrent payer 6 d. et 4 d. au lieu de 2 d. et 1. Admettons tout cela. Serait-il moins nécessaire de faire une expérience qui coûterait aussi peu à la société et qui peut en cas de succès lui rendre d'aussi grands services?

Nous regardons cette mesure non-seulement comme utile, mais encore comme pouvant dégrever le pays d'une taxe directe qui n'est pas moindre de 3,000,000 liv.[80], et donner au commerce et à l'industrie une grande extension au moyen des nouvelles facilités accordées à la circulation. Nous avons la confiance de n'avoir pas à nous reprocher d'avoir donné trop d'importance au sujet; nous ne regardons pas notre réforme comme une panacée qui doit guérir tous les maux du pays, mais comme une mesure capable de rendre de grands services. La législature n'a pas une puissance sans limites; il ne lui est pas donné de maintenir une prospérité invariable. Elle ne peut pas régler les moissons et faire qu'elles soient abondantes toutes les saisons; attendons qu'elle ait ce pouvoir pour exiger qu'elle nous donne une prospérité uniforme.

C'est à l'administration précédente que le pays doit la réforme postale; mais elle l'avait refusée trop long-temps et elle l'a accordée de trop mauvaise grâce pour que l'on puisse lui en savoir gré. Elle a été accordée aux instances du pays, et c'est une majorité composée également de ses adversaires et de ses partisans qui l'a votée dans la Chambre des Communes. Les jours de ceux à qui nous devons ce bienfait étaient déjà comptés, leur carrière touchait à son terme, et on attribua cette concession de leur part bien moins au désir de servir leur pays qu'à celui de soutenir leur fortune chancelante. Il n'existe pas la moindre analogie entre la position de la présente administration et celle de l'administration qui l'a précédée. Elles sont placées au milieu de circonstances très différentes. Le gouvernement qui a eu le courage moral d'imposer les taxes les plus détestées et les plus inquisitoriales lorsque la nécessité l'exigeait, ne sera pas accusé de rechercher seulement la popularité en rendant à la nation un service aussi important que celui de mettre la circulation à la portée de tout le monde.

Personne ne peut douter que le monde en général ne retire de grands avantages des nouvelles voies de transport. Par elles les provinces les plus éloignées deviennent étroitement liées avec la capitale. De plus, elles font tomber les barrières qui séparent les nations, elles unissent la capitale d'un état avec celle d'un pays étranger, et elles convergent rapidement vers un des grands buts de l'existence humaine, la connaissance de notre semblable. C'est ainsi que ces deux gigantesques pionniers de la civilisation et de la science, la machine à vapeur et le chemin de fer se feraient chaque jour de nouvelles voies et pénètrent dans des régions presque inconnues. L'univers est leur domaine, ils sont indigènes partout, toute forme de gouvernement leur est indifférente. Ils s'élancent à grands pas à travers les forêts désertes de l'Amérique, les steppes arides de la Russie, les bords romantiques du Rhin ou les plaines fertiles de la Lombardie. Plus nous apprécions les sages desseins de la Providence qui veut que tous les hommes se regardent comme les membres d'une grande famille, plus nous devons faire d'efforts pour étendre l'usage de ce qui semble destiné à accomplir ce grand objet.

Ce sujet embrasse encore d'autres considérations que nous ne ferons qu'effleurer. Aucun homme de sens ne peut douter que la science ne se propageât plus facilement, que la religion et la moralité ne s'étendissent davantage au moyen d'une plus grande facilité de communication avec les parties de notre pays qui en ont le plus besoin. Les témoignages recueillis devant la dernière commission parlementaire créée pour s'enquérir de l'état des enfans dans les districts manufacturiers et dans les mines offrent un tableau déplorable de l'immoralité et de l'ignorance qui existent dans les districts les plus peuplés. L'influence que des moyens de communications comparativement libres exerceront pour détruire ces maux est admirablement bien décrite par ces paroles d'un homme d'état distingué qui, plus que personne au monde, a le pouvoir de faire triompher ses vues à ce sujet[81]: «La machine à vapeur et le chemin de fer, a-t-il dit, dans une solennité importante, ne facilitent pas seulement le transport des marchandises d'un pays à un autre; ils font bien plus, ils développent les rapports de l'intelligence avec l'intelligence; ils font naître le besoin de la science, et la font accourir de tous les coins de l'empire. Ils tendent d'autant plus puissamment à la culture de l'esprit qu'ils améliorent davantage les pouvoirs physiques du pays.»

RÉSUMÉ.

Ceux qui n'ont pas le loisir ou l'inclination de parcourir les pages précédentes, et d'examiner les détails statistiques que j'ai donnés pour démontrer l'urgence d'introduire une réforme radicale dans notre système de chemins de fer, seront peut être bien aises d'avoir un résumé des argumens et des faits que j'ai avancés pour établir la nécessité et la possibilité des changemens que j'ai proposés.

J'ai cherché à établir la nécessité d'un examen des principes sur lesquels notre système de chemins de fer est fondé, et de la manière dont ils sont exploités. J'ai démontré l'existence d'abus qui sont tellement notoires qu'il suffit de les rappeler, sans qu'il soit besoin d'autres preuves. Voici quels sont les principaux d'entre eux:

  • 1º Les prix exorbitans du transport des voyageurs sur la plupart des grandes lignes, si on les compare avec ceux des lignes du continent, et particulièrement de la Belgique, les prix dans ce dernier pays étant deux tiers moins élevés que chez nous.
  • 2º Les charges illégales et extorsionnaires que quelques compagnies établissent, sûres comme elles le sont de pouvoir le faire impunément.
  • 3º La privation imposée à la société du petit nombre de priviléges que la législature lui avait concédés, les directeurs ayant recours à des procès ruineux sur des points de droit les plus évidens, et refusant même de se soumettre aux jugemens obtenus contre eux, afin d'envelopper leurs adversaires dans d'interminables procès, et de dégoûter par ce moyen ceux qui seraient tentés de les imiter.
  • 4º Le mal et les vexations infligés au public, lorsque des compagnies rivales possèdent différentes lignes de chemins de fer s'embranchant les unes sur les autres.
  • 5º Le préjudice que l'on cause à la société quand des compagnies placées dans la même position se coalisent pour élever les prix.
  • 6º Les conséquences ruineuses de notre système pour les classes pauvres de ce pays. Ces classes sont, en grande partie, privées des avantages que l'établissement des chemins de fer devait leur procurer. Les tarifs sont, en grande partie, prohibitifs pour elles. On les soumet à des traitemens indignes, au moyen d'un plan organisé pour les forcer à prendre les trains de la classe supérieure: on choisit avec intention les heures les plus incommodes pour le départ et pour l'arrivée, et on les retient sur la route un temps indéterminé.

Tels sont les principaux moyens vexatoires employés par les compagnies, et que nous avons prouvés par des documens statistiques.

Nous avons établi qu'une réforme radicale est indispensable, et que le pays ne retire pas des chemins de fer tous les avantages qu'ils peuvent donner. Nous avons remonté à la source du mal: c'est que l'Etat a accordé à des particuliers le contrôle et la direction des grandes voies de communication intérieure, pour qu'ils en tirent tous les bénéfices possibles.

Nous avons prouvé l'inutilité d'attendre des compagnies des améliorations au système en vigueur, à l'aide des deux faits suivans, qui ont été publiés par un comité de la Chambre des Communes, et qui n'ont pas encore rencontré de contradicteurs:

  • 1º Qu'il est désavantageux aux compagnies en général de transporter des voyageurs à très bas prix, parce que, bien que leur nombre s'accroisse, il n'augmente jamais assez pour combler le déficit produit par la réduction du tarif;
  • 2º Que les compagnies, après avoir écarté toute concurrence, élèvent leur tarif au plus haut degré, sans craindre qu'elle reparaisse.

La compagnie de Londres à Brighton était dans ce cas; mais ses tarifs dépassaient tellement toute limite, que des services de voitures s'établirent de nouveau, ce qui força la compagnie à réduire ses prix une seconde fois.

Or donc, puisqu'un tarif élevé donne plus de bénéfice, et que c'est le système en vigueur sur les chemins de fer en cours de prospérité, il n'est guère vraisemblable que les compagnies réduisent leurs prix et qu'elles fassent disparaître les abus qui enflent leurs recettes.

Nous faisons ensuite remarquer les difficultés qui s'opposent à la réforme que nous allons proposer. Un contrat a été passé entre le législateur et les compagnies; par conséquent, aucune mesure à leur préjudice ne peut être adoptée par le parlement, soit par rapport à leur propriété, soit pour diminuer leurs profits, qu'il ne leur accorde au préalable une indemnité satisfaisante. Mais nous ajoutons que le législateur a un droit incontestable de traiter les propriétaires de chemins de fer comme il traite tous les autres propriétaires lorsque l'utilité publique le demande.

Nous décrivons en détail le système d'exploitation des chemins de fer dans ce pays, et nous le mettons en regard de celui qui pourrait être adopté, système qui rendrait leur utilité entièrement dépendante du bien public. Nous ajoutons qu'avec le système en vigueur, le seul objet des compagnies est d'obtenir de gros dividendes, et qu'elles ne songent à la convenance du public qu'autant qu'elle produit ce résultat.

Pour faire concevoir l'étendue des services que les chemins de fer pourraient rendre à la société, nous appelons l'attention sur deux points:

  • 1º La puissance presque sans limites des chemins de fer pour effectuer toute espèce de transport.
  • 2º La grande perte de puissance locomotive qui a lieu dans le transport des voyageurs et des marchandises.

La vérité de la première proposition est tellement prouvée, que nous nous sommes dispensés de nous y arrêter; mais la seconde est longuement motivée, et nous avons cité une foule de documens statistiques pour prouver que la puissance locomotive journellement employée est suffisante pour faire dix fois ce qu'elle fait, et que par conséquent les 9/10es de sa force sont perdus. Nous avons tâché de démontrer que si les tarifs étaient réduits de manière à tripler le nombre des voyageurs, les dépenses totales ne seraient que faiblement augmentées, et nous citons, pour corroborer notre opinion, l'exemple de plusieurs compagnies, qui ont considérablement abaissé leurs tarifs, et qui, par suite de cette mesure, ont vu tripler le nombre de leurs voyageurs sans encourir la plus légère augmentation de dépenses. Mais, pour éviter toute chicane là-dessus, nous avons fixé a 25 p. cent la dépense que causerait une aussi grande augmentation de voyageurs.

Avant de discuter la manière dont le gouvernement devra traiter les compagnies, nous estimons la valeur de leur propriété aussi juste qu'il est possible de le faire, et nous la divisons en deux catégories: la bonne et la mauvaise; les compagnies qui rapportent et celles qui sont en perte. Les premières paient à leurs actionnaires environ 6 p. cent par an sur le capital versé, et les autres environ 3 p. cent.

Nous disons qu'il y a trois manières de traiter avec les compagnies:

  • 1º Les forcer à adopter un tarif uniforme (soit un tiers du tarif en vigueur) et les indemniser au bout d'un certain temps de la perte qu'elles auront supportée.
  • 2º Le gouvernement paierait tous les ans aux compagnies une somme fixe, et la réforme serait faite à leurs risques et périls.
  • 3º Ou bien le gouvernement achèterait d'après les prix courans tous les chemins de fer du royaume.

Après avoir fait remarquer les difficultés et les désavantages qui résulteraient de l'adoption des premier et deuxième plans, nous établissons que le troisième est le plus praticable, en expliquant longuement comment il pourrait être exécuté.

La valeur estimative de tous les chemins de fer est d'environ 63,000,000 liv. (1,575,000,000 f.). La valeur de ceux de 1re classe est de 48,000,000; ils paient 5 p. cent par an au taux actuel des actions. La valeur de ceux de deuxième classe et de 15,000,000; ils ne paient pas au-delà de 4 p. cent, suivant leur cours actuel, et celui de beaucoup d'entre eux est nominal. Il va sans dire que l'on n'achèterait pas une mauvaise valeur pour payer 4 p. cent, lorsque l'on peut en avoir une bonne à 5 p. cent.

Nous proposons donc que l'Etat se rende acquéreur de toute cette propriété au taux actuel des actions, et qu'il paie les détenteurs en 3 p. cent consolidés à des conditions assez libérales, non-seulement pour qu'ils aient un bénéfice, mais encore pour que le gouvernement ne soit pas obligé d'emprunter.

Pour satisfaire le lecteur, qui est étranger aux matières de finance, et qui demandera tout naturellement où l'on prendra les 63 millions, nous entrons dans quelques détails au sujet de notre système financier. Nous disons que le gouvernement garantirait un certain paiement annuel aux détenteurs d'actions, et qu'il s'adjugerait leur propriété pour en faire ce qui lui semblerait utile au public.

La différence entre la somme des recettes faites aujourd'hui par les compagnies et celle que le gouvernement aurait à payer en dividendes à la création des consolidés nécessaires pour cette acquisition, serait d'environ 1,000,000 st. (25 millions de francs.) Il est démontré qu'un capital comparativement stable et d'un intérêt sûr, tel que le capital placé dans les fonds du gouvernement, dont l'intérêt est d'un peu plus de 3 p. cent, est égal, dans l'opinion publique, à un capital fluctuant, dont l'intérêt est de 5 p. cent, terme moyen. La différence entre les recettes des compagnies et les dividendes payés par le gouvernement, produirait donc à celui-ci un bénéfice sûr de un million sterling, si les tarifs n'étaient pas modifiés.

Nous proposons, dès que le gouvernement se sera mis en possession des chemins de fer du royaume, d'établir un tarif uniforme qui ne dépasserait pas le tiers du tarif actuel. Voici, dans notre opinion, quelle en devrait être l'échelle:

Voyageurs par le mail (malle) 2 d. par mille[82] parcours 35 mil. (56 kilo) à l'heure,

1re classe d.[83] » } 25 m. (40 kil.)
2e classe ¾ »[84] » }
3e classe ½ »[85] » } 15 m. (24 kil.)
4e classe ¼ »[86] » }

Les marchandises, le bétail, les produits de l'agriculture seraient transportés également pour le tiers du prix des présens tarifs.

Nous indiquons ensuite quelques-uns des bons résultats que les modifications produiraient:

  • 1º Un puissant stimulant au commerce et à l'industrie, en réduisant les frais de transport des deux tiers.
  • 2º Réduction dans le prix des objets de première nécessité.
  • 3º Le public serait dégrevé de 3,000,000 liv.[87] de taxes directes sans compter ce qu'on prélève sur lui en taxes indirectes.
  • 4º Le gouvernement, alors seulement, aurait le moyen de mettre complètement à exécution le plan de réforme sur les postes de M. Rowland Hill, parce que le transport des malles serait franc de droit.
  • 5º Les bienfaits qu'en retireraient les classes pauvres, et l'économie qui résulterait pour les paroisses du transport de leurs pauvres gratis.
  • 6º L'Etat n'aurait plus à payer pour le transport des troupes, du matériel de la guerre et de la marine, de l'argent, etc.
  • 7º Le bien qui en résulterait pour toutes les classes, riches et pauvres, de pouvoir, pour leur santé, leurs affaires ou leurs plaisirs, jouir des avantages qu'une libre communication de tous les points du pays entre eux peut procurer.

Des documens statistiques établissent ensuite les résultats de la mesure sous le point de vue parement financier.

Les comptes de deux chemins de fer (de Glasgow à Greenock, et de Dublin à Kingstown), dont les propriétaires ont adopté un tarif très abaissé, nous montrent que l'augmentation des passagers a plus que balancé la réduction du tarif.

Le chemin de fer de Glasgow à Greenock a 22½ milles[88] d'étendue; l'année dernière, il a abaissé son tarif de ⅔, ou, ce qui revient au même, les voyageurs purent parcourir cette distance pour le tiers du plus bas prix précédemment exigé. Le résultat fut qu'en peu de semaines le nombre des voyageurs s'éleva de 12,000 à 33,000, et la compagnie gagna beaucoup à cette mesure. Le prix pour tout le parcours n'est que de 6 d.[89].

Les résultats du système adopté par le chemin de fer de Dublin à Kingstown prouvent encore suffisamment que le gouvernement pourrait, sans danger de perte d'argent, opérer de grandes réductions dans les tarifs. Il y a deux ans, les directeurs de cette compagnie abaissèrent tellement leur tarif, qu'une classe de voyageurs est transportée maintenant pour ½ farthing[90] par mille; et leurs affaires ont si bien prospéré par l'adoption de cette mesure, que les actions qui, avant, étaient à 18 p. cent au-dessous du pair, sont aujourd'hui à 16 pour 100 au-dessus.

Nous avons surtout appelé l'attention du lecteur sur ce fait, que ces deux compagnies (les seules du royaume qui aient adopté le système des tarifs très bas) n'ont pas eu la moindre augmentation de dépenses, bien que, sur le chemin de Dublin à Kingstown, le nombre des voyageurs, l'année dernière, ait dépassé de 400,000 celui des années précédentes.

Nous admettons toutefois que l'adoption de ce genre de tarif causerait une diminution sensible dans la recette brute de la plupart des chemins de fer; que la diminution ne serait pas moindre d'un tiers pour quelques-uns, mais, d'un autre côté nous espérons avoir démontré que le profit qui reviendrait a l'Etat au moyen de la différence entre les recettes perçues actuellement par les compagnies et les dividendes qu'il aurait à payer, compenserait amplement ce déficit.

D'où nous concluons que la mise à exécution de notre projet de réforme est basée sur les quatre propositions distinctes:

  • La force perdue sur les chemins de fer pourrait être utilisée moyennant des frais très bornés, si on les compare au bénéfice qu'on en retirerait;
  • 2º Que cette force perdue, au moyen d'une grande réduction dans les tarifs, rendra des services immenses au pays;
  • 3º Que l'augmentation des voyageurs couvrirait à peu de chose près le déficit produit par les réductions dans les tarifs;
  • 4º Que le crédit dont jouit le gouvernement lui permet de mettre à exécution ce projet, sans qu'il en coûte rien au pays.

Ce résumé est suffisant pour donner au lecteur une idée générale de notre projet de réforme.


APPENDICE[91].

CHAPITRE PREMIER.

Perte de puissance.—Degré auquel on pourrait réduire les tarifs.

L'auteur annonce qu'il n'a jamais entendu donner un calcul rigoureusement exact de la perte de puissance qui a eu lieu dans les locomotives. Il lui suffisait d'avancer que les deux tiers de cette puissance étaient perdus, puisque l'on pouvait, sans augmentation de dépense, transporter un nombre de voyageurs ou une charge triple.

Le calcul du coût du transport par voyageur et par mille est basé sur l'hypothèse qu'au moyen d'une réduction dans les tarifs toute la force des locomotives serait employée. Ce qui aurait lieu sur beaucoup de lignes.

«La vitesse la plus économique pour le transport sur les chemins de fer, d'après M. Wood, est de 10 à 12 milles par heure. Dans son tableau de la puissance des locomotives que nous avons donné dans le corps de notre ouvrage, il est établi qu'une locomotive qui traînerait un poids de 28 tonnes à la vitesse de 30 milles par heure, en traînerait avec la même facilité un de 130 t. à la vitesse de 15 milles par heure, ou de 184 t. à celle de 12½ milles, ou de 250 tonn. à celle de 10 milles par heure, etc.

Le coût de la traction serait moins élevé pour les poids les plus lourds cheminant à une vitesse moindre, que pour des poids légers cheminant à une grande vitesse, parce que les frottemens seraient moindres. Sur la ligne de Glasgow à Greenock, les convois cheminent avec une vitesse de 30 milles par heure, et transportent de 4 à 500 voyageurs. Avec une vitesse moitié moindre, en prenant en considération la puissance de la locomotive, ils pourraient transporter 2,000 voyageurs. Nous voyons souvent dans les journaux que des convois en ont transporté un plus grand nombre.

Chercher à connaître le plus haut degré de puissance d'une locomotive est un sujet qui peut satisfaire la curiosité, mais qui n'est pas d'une grande utilité pratique. La puissance qui agit aujourd'hui sur les chemins de fer pourrait au moins accomplir un travail vingt fois plus considérable avec une vitesse un peu moindre; et si les communications entre les parties du royaume étaient entièrement gratuites, elle suffirait probablement et au-delà au grand mouvement qui résulterait de ce système.

Rien n'est plus ridicule que de chercher à établir une comparaison entre les dépenses des transports par chemins de fer et par voilures ordinaires et entre les prix exigés du public par ces deux différens systèmes, si l'on ne prend pas en considération le coût du transport de chacun. Le chemin de Londres à Brighton va nous servir d'exemple: calculons le prix du transport de 2,000 voyageurs allant de l'une de ces villes à l'autre. Il faudrait 18 cwt. de coke, qui coûteraient sur cette ligne 1 liv. 6 sh.[92]. Ce coke, avec quelques gallons d'eau qui ne coûteraient rien, ferait un travail qui exigerait 750 chevaux pendant un jour entier sur un chemin pavé, d'égale distance. Ainsi la dépense actuelle de locomotion pour un voyageur entre Londres et Brighton pourrait être réduite à un peu plus d'un demi-farthing[93], ou bien, si nous comptons chaque article de dépenses, pour l'usure du matériel, les frais d'administration, etc., à 2 pence sterling[94]. Deux pence pour transporter un voyageur de Londres à Brighton! C'est un calcul que tout le monde peut faire en une demi-heure.

Est-il nécessaire de faire observer que notre calcul est basé sur l'hypothèse qu'une grande réduction dans les tarifs permettrait entièrement ou à peu près d'employer la force qui est aujourd'hui perdue: la puissance de la locomotive. Il n'y a pas le moindre doute qu'elle pourrait être employée entièrement sur plusieurs lignes.

Depuis que M. Rowland Hill a la direction du chemin de fer de Brighton, les différentes classes de cette ligne ont été réduites de 20 à 30 p. cent, et il en est résulté que le nombre des voyageurs, pour le mois d'août 1843, a dépassé de plusieurs milliers celui du même mois de l'année 1842, et les recettes brutes ont dépassé également de plus de 5,000 livres sterling. Les prix de cette ligne sont, ce qu'on appelle en langage de compagnies, modérés. Les plus bas sont de 5 sh.[95]. Nous croyons qu'en ne prenant en considération que les pertes ou les bénéfices qui en résulteraient, la compagnie gagnerait encore à réduire son tarif de 50 p. cent. Mais peut-on douter que si le chemin de fer appartenait au gouvernement et que le prix des places fût réduit à 6 pence[96], le nombre des voyageurs ne fût dix fois plus considérable?

Cherté et bon marché ne sont que des termes de comparaison dont on ne doit se servir qu'avec l'idée du prix de revient. La vapeur a, dans les manufactures, remplacé, en grande partie, le travail manuel. On fabrique beaucoup d'articles de consommation pour le tiers du prix qu'ils coûtaient autrefois, et naturellement on les vend deux tiers meilleur marché. On pourrait voyager par chemin de fer pour un prix 10 fois moindre que l'on ne voyageait sur les anciennes routes, et cependant les prix sont aussi élevés, si non plus élevés qu'ils étaient avant l'introduction des nouvelles voies. Le prix des places dans la voiture qui va à Birmingham est de 12 sh. Il est de 14 sh.[97] par la dernière classe du chemin de fer; et cependant un voyageur peut être transporté de Londres à Birmingham, tous frais payés, pour 6 pence[98]!

Le peuple de ce pays s'est soumis sans murmurer aux tarifs élevés des chemins de fer, parce qu'il a cru que les dépenses immenses de leur construction en étaient la cause. C'est une erreur que nous avons combattue. Les lignes qui ont coûté le plus à construire sont celles de Blackwall et de Greenock, et leurs tarifs sont moins élevés que ceux des lignes qui coûtent 10 fois moins. D'autres lignes n'ont pas coûté la moitié de celles établies sur le continent, et cependant leurs tarifs sont deux et trois fois plus élevés!»

L'auteur revient ensuite, pour la combattre, sur l'opinion que les tarifs sont basés sur le prix de revient de la traction sur un chemin de fer. Il cite plusieurs exemples concluans à l'appui de son raisonnement.

CHAPITRE II.

Intervention du gouvernement dans les affaires commerciales.

Dans tous les pays libres et principalement en Angleterre, on voit avec défiance l'intervention du gouvernement dans les affaires commerciales. «Nous endurons beaucoup de maux, dit l'auteur, pourvu qu'ils ne nous viennent pas de l'autorité, et que les transactions qui en sont la cause, aient une apparence de liberté. Ce n'est qu'à la dernière extrémité que nous permettons au gouvernement d'intervenir, et nous nous consolons de nos maux avec ce vieil adage: «Cela ne peut être autrement.» Nous nous reposons sur le temps ou le hasard pour remédier à ces maux.

Ce sentiment d'indépendance individuelle fait le plus grand honneur au caractère de notre nation; mais la question est de savoir s'il n'a pas été poussé trop loin, s'il n'a pas été préjudiciable aux intérêts de la société. J'admets que le gouvernement ne peut se faire commerçant ou industriel qu'à la dernière extrémité, comme pour le transport des lettres, par exemple. Mais si la même nécessité existe pour d'autres cas, comme pour celui-ci, si l'intervention du gouvernement peut produire un grand bien, peu de personnes hésiteront sur le choix de la ligne de conduite à suivre. Il est certainement très difficile de marquer le point qui devra séparer l'intervention de la non-intervention, et de fixer les cas où les affaires commerciales iront chercher elles-mêmes leur équilibre ou bien obtenir l'aide du parlement.

Ce sentiment d'indépendance auquel nous venons de faire allusion a subi de grandes modifications depuis quelques années. Toutes les classes de la société commencent à se former une idée plus correcte des devoirs du gouvernement. Le secours de la législature a été invoqué dans des cas où, il y a plusieurs années, il aurait ameuté tous les partis contre elle, si elle avait voulu intervenir. Nous pouvons en citer des exemples. Les actes votés pour régler le passage des émigrans, les intérêts des manufactures et des mines, le travail des femmes et des enfans prouvent le changement qui s'est opéré dans l'opinion publique. Ou reconnaît que le gouvernement a le droit et que c'est son devoir de faire des règlemens partout où l'état des choses les rendent nécessaires. En général, le gouvernement attend que l'on invoque son appui. La multitude de naufrages qui ont eu lieu depuis quelques années a fait naître le vœu que l'on constituât par acte du parlement une commission chargée de constater la capacité des maîtres et seconds de navires du commerce. Le président du bureau du commerce fit entendre aux personnes qui s'adressaient à lui à cet effet, que le gouvernement était disposé à prendre cette proposition en considération, si l'opinion publique était disposée, elle, à le soutenir. Dans des cas semblables le gouvernement ne prendra jamais l'initiative, et il n'est pas à désirer non plus qu'il la prenne.

Il n'est pas besoin d'aller chercher des exemples en dehors de notre sujet: le gouvernement n'a-t-il pas été obligé d'intervenir dans l'administration des chemins de fer, et de protéger la vie et les membres des sujets de S. M., après qu'une série d'homicides eurent été commis par suite de l'omnipotence et de l'irresponsabilité des compagnies?

La mauvaise nature du système ne tarda pas à se révéler sous toutes les formes. Ce système était fondé sur l'argent; le gain était l'unique but auquel il tendait. Nous avons esquissé, dans les pages précédentes, les maux qui en sont résultés. Ils produisirent dans le public de nouvelles plaintes; la souffrance seule les lui arrachait; elles n'en appelaient pas encore à l'intervention du gouvernement. Il y a quelque chose à faire était et est encore le cri général; mais que fera-t-on? Les actionnaires ont le droit de tirer le parti qui leur convient de leur propriété; ils ne doivent rien au législateur ni au public, et les forcer d'adopter des mesures étrangères à la sécurité publique et qui diminueraient leurs profits, serait une injustice à laquelle une nation honnête ne doit pas songer.

La question qui se présente est donc celle-ci: jusqu'à quand ce système durera-t-il? Le pays ne doit-il jamais jouir des avantages que lui procurerait le développement de ses communications intérieures? Une grande découverte nationale sera-t-elle stérile pour la nation? Sur beaucoup de chemins de fer, les tarifs pourraient être réduits de 9/10mes et il serait douteux que les profits décrussent de beaucoup. Sur la ligne de Brighton, les recettes se sont élevées, dans les onze semaines écoulées au 17 septembre 1842, à 47,963 liv.; elles ont été de 55,778 liv. dans les onze semaines correspondantes de cette année, où le tarif a été réduit de ⅓. Il serait bien difficile de prédire exactement si elles seraient plus ou moins élevées dans le cas où le tarif serait réduit de 9/10mes. Sur la ligne de Blackwall à Shadwell, par exemple, où le prix des places est de 3 pence, il est douteux que le revenu souffre d'une réduction à ½ penny.

Les recettes des chemins de fer, pendant la présente année, s'élèveront à environ 5 millions sterling[99]. Lorsque toutes les lignes en voie de construction seront achevées, elles ne seront pas moindres de 6 millions. Si l'on diminuait de ⅚mes les prix de transport, le public ferait une économie directe de 5 millions sterling. Supposons que les recettes fussent tout juste suffisantes pour balancer les dépenses, le public gagnerait encore 3 millions, savoir: la différence entre la somme distribuée en dividendes, et les 5 millions sterling qu'il aurait payés avec le système actuel. Mais il n'y a rien qui puisse faire supposer une pareille chose. Nous admettons volontiers que les bénéfices nets actuels diminueraient considérablement; mais il n'est pas présumable que la diminution sur la totalité serait importante.

MM. R. et B. Watson, agens de change à Leeds, ont publié le 16 septembre dernier, dans leur dernière circulaire, les observations suivantes sur l'échelle de tarifs adoptée par les compagnies: «Ce qui nous étonne le plus, dans la direction des chemins de fer, c'est la répugnance des directeurs à satisfaire le public par l'adoption de tarifs bas. Notre opinion est que ce plan procurerait des avantages incalculables à ceux qui l'adopteraient sans crainte. Si les directeurs du South Eastern avaient eu sur ce point le même avis que ceux de Brighton, ils auraient porté à ce dernier chemin de fer un coup dont il ne se serait pas relevé de long-temps. Que l'on considère les effets qu'a produits sur le Blackwall et le Greenwick l'augmentation de leurs tarifs. Tous deux ont été forcés de revenir à l'ancien tarif, après avoir forcé le public à se passer d'eux. Nous ne pouvons pas admettre avec l'auteur de la brochure intitulée: "Railway Reform" qu'une réduction de ⅔ dans les tarifs actuels soit possible dans aucune circonstance; mais nous croyons que beaucoup de compagnies serviraient leurs intérêts et ceux du public en les réduisant d'un tiers.» Je ne comprends pas trop ce que MM. Watson entendent par ces mots dans aucune circonstance; s'ils se rapportent à une réduction sous le système actuel, ils ont raison. On ne peut pas espérer que la majorité des compagnies adoptera un système de tarif qui diminuerait leurs profits. Mais si MM. Watson veulent dire qu'avec un système tout différent, les tarifs ne pourraient pas être réduits de ⅔, nous ne différons pas seulement de leur opinion entièrement, mais encore nous ne considérons cette réduction que comme une approximation des vrais principes. Pourquoi calculerait-on les prix du transport d'après des principes différens de ceux qui servent à établir les prix de tous les autres objets? MM. Watson sont peut-être les meilleurs juges du royaume de toutes les matières qui ont rapport aux chemins de fer. Ils connaissent parfaitement les divers articles de dépense de cette industrie. Ils savent qu'un voyageur de première classe pourrait être transporté sous un système différent de celui en vigueur, de Londres à Liverpool pour 5 sh.[100] au lieu de 5 liv.[101], prix du tarif actuel, et que le premier prix donnerait encore un bénéfice de 100 p. cent. Ils admettent qu'avec le système actuel les tarifs pourraient donner des bénéfices aux propriétaires avec une réduction d'un tiers, et ils doutent que dans aucune circonstance on puisse les réduire de ⅔!»

CHAPITRE III.

Centralisation.

Elle ne vaut rien pour les affaires locales, elle est bonne pour les affaires générales. En somme, on a de grands préjugés contre elle en Angleterre. L'auteur soutient cependant que la centralisation des administrations des chemins de fer tournerait au profit de tous, et qu'elle serait en même temps un bienfait et une économie pour le pays.

CHAPITRE IV.

Liberté du commerce et monopole.

Les chemins de fer sont de véritables monopoles. Est-ce le monopole en lui-même ou l'abus que l'on en peut faire qui est pernicieux? Le transport des lettres est un monopole; s'en plaint-on? L'auteur entre dans quelques développemens pour prouver que la question qu'il soumet au public n'a rien de commun avec celle qui agite la nation et qui la divise en partisans et en adversaires du régime de la liberté commerciale.

CHAPITRE V.

Différence des systèmes d'administration suivis par les compagnies de Londres à Birmingham et du Great-Western.

Dans ce chapitre l'auteur revient sur les moyens humilians et vexatoires mis en œuvre par ces compagnies pour dégoûter le public de se servir des voitures de 3e classe. L'une est brutale et violente envers lui; elle agit franchement et sans détour; l'autre est doucereusement impertinente. Toutes deux par des voies différentes atteignent le but qu'elles ont en vue.

CHAPITRE VI.

Chemins de fer de la Grande-Bretagne et de l'Irlande.

L'auteur cite ici 72 chemins de fer. Il fait connaître leur étendue, la moyenne de leur mouvement commercial, leur direction, leur coût et les résultats qu'ils ont donnés. Cette nomenclature, qui n'est pas sans intérêt pour les hommes spéciaux, est étrangère, pour ainsi dire, au but que se proposait l'auteur dans son ouvrage.

CHAPITRE VII.

Augmentation probable des voyageurs, si les tarifs sont réduits au tiers de leur moyenne actuelle.

L'auteur appelle l'attention du lecteur sur le soin qu'il a eu d'éviter tout ce qui pouvait faire croire à un calcul rigoureusement exact de sa part, sur l'augmentation probable des voyageurs par suite de l'abaissement des tarifs. Il s'est borné à fixer le déficit qui résulterait de la réduction à un million sterling. Il regarde néanmoins cette augmentation probable comme un point trop important pour ne pas s'y arrêter; il espère en donner une approximation assez exacte à l'aide des résultats qu'a produits sur certaines lignes la mesure qu'il recommande.

Il compare donc de nouveau le mouvement commercial de la ligne de Manchester à Liverpool, avec celui de la ligne de Bruxelles à Anvers, et il trouve que malgré la différence de population, toute en faveur de la première ligne, le nombre des voyageurs a été pour la deuxième, malgré l'infériorité de sa population comparée à la première, dans la proportion de 5 à 1. Le chemin belge, il est vrai, a un tarif de beaucoup meilleur marché. Il suppose donc que si les tarifs étaient au même taux, on aurait des résultats différens, et la ligne de Manchester à Liverpool, au lieu de transporter annuellement 19 millions d'individus, en transporterait 50 millions.

L'auteur cite un exemple remarquable à l'appui de son opinion sur les effets du bon marché et sur la puissance de la locomotive. Les directeurs de la ligne de Manchester à Birmingham prirent la résolution, un jeudi, de transporter les écoles de charité à Alderley Edge, à des prix très bas. Des milliers d'individus profitèrent de leur générosité, et pendant toute la journée, ce site charmant fut couvert d'une foule immense. A huit heures du soir, le dernier convoi, composé de soixante-deux voitures, ramena plus de trois mille personnes. Il couvrait plus de ¼ de mille (400 mètres environ), et il était tiré par deux machines locomotives. Bien que la soirée fût pluvieuse, tout le monde paraissait content, et les cris de joie des voyageurs trouvaient des milliers d'échos le long de la ligne.

CHAPITRE VIII.

Fluctuations dans le prix des actions.

Toutes les valeurs qui subissent de grandes fluctuations doivent, au total, payer un intérêt élevé. Le spéculateur ne veut courir la chance d'être ruiné, qu'autant qu'il perçoit une prime pour le risque qu'il court. L'auteur, après cette réflexion, fait connaître les diverses fluctuations que les actions de vingt-six chemins de fer ont éprouvées pendant les six dernières années. L'auteur dit qu'à la vue des tableaux qu'il publie, on sera frappé des désastreux effets qu'ont dû causer ces fluctuations, et il demande s'il se pourrait qu'un propriétaire d'actions de chemins de fer ne préférât pas un fonds public stable, rapportant 3 p. 100, à un fonds si variable que l'est celui qu'il possède, et qui cependant ne rapporte guère plus en moyenne que 5 p. cent.

CHAPITRE IX.

Opinion de M. Culloch sur les chemins de fer.

L'auteur s'appuie de l'opinion de cet économiste distingué pour montrer le danger de livrer à des corporations particulières le monopole du transport, non pas seulement pour toujours, mais même pour un temps limité. D'après M. Culloch, il fait ressortir les abus et les difficultés insurmontables que l'on rencontrerait, si l'on voulait y mettre des bornes.

CHAPITRE X.

Droits perçus par le gouvernement anglais sur les chemins de fer.

Autrefois les compagnies payaient ⅛ de penny (1 centime ¼) par voyageur, quelle que fût sa classe ou le tarif de la Compagnie. Cette injustice évidente n'a pu subsister, et, depuis deux ans, le gouvernement prélève 5 p. cent, sur les recettes brutes. L'auteur fait suivre cette mention d'un tableau des droits perçus en 1842 sur 50 chemins de fer et leurs divers embranchemens. Les recettes brutes étant de 3,359,774 liv. 15 sh. 5 d. (83,994,369 f.), les droits ont été de 167,988 liv. 14 sh. 9 d. ¼ (4,199,718 f.). La Direction des Postes a payé à 28 chemins, seulement pour le transport des dépêches, 71,890 liv. 2 sh. 4 d. (1,797,253 f.). La balance en faveur du gouvernement entre l'ancien système de perception et le nouveau, est d'environ 30,000 liv. st. (750,000 f.). En Irlande, il n'est payé aucun droit à l'Etat par les compagnies de chemins de fer.

CHAPITRE XI.

Effets du principe laissez faire, laissez passer, relativement aux chemins de fer.

L'auteur attribue à l'influence exclusive de ce principe en Angleterre, les maux qui découlent du système en vigueur. Dans ce pays, le peuple fait toutes les entreprises sans l'intervention du gouvernement. C'est tout l'opposé des autres pays. Quand le gouvernement a voulu protéger la vie des citoyens exposée par la négligence des directeurs de chemins de fer, il a rencontré une résistance dont il a bien fini par triompher. Maintenant qu'il a pourvu à la sécurité publique, il est temps qu'il s'occupe du bien public.

L'auteur cite plusieurs exemples des inconvéniens nombreux qui résultent pour le public de la différence des tarifs, de la non concordance des départs sur les différentes lignes, des traitemens qu'éprouvent les voyageurs selon l'importance de la classe de voitures qu'ils prennent, etc. Partout un manque d'unité se fait apercevoir; il est préjudiciable à tous les intérêts, mais il est le résultat inévitable du principe laissez faire. L'auteur conclut encore une fois à ce que le gouvernement s'empare du monopole du transport comme il l'a déjà fait pour celui des postes.

NOTES:

[1] C'est à peu près 15 cent. par mille anglais et 40 cent. par lieue de France.

[2] 1 milliard 250 mille francs.—Quoique la livre sterling vaille réellement aujourd'hui 25 francs 25 centimes, nous pensons que pour établir seulement un rapport entre la monnaie anglaise et la monnaie française, il convient de ne compter la livre que pour sa valeur nominale, et de multiplier, conséquemment, les sommes de livres sterling par 25. C'est la règle que nous avons suivie pour tous nos calculs de proportion.

Pour les fractions, on sait que la livre sterling se divise en 20 shillings (1 franc 25 centimes chaque sh.), et le shilling en 12 deniers ou pence (à peu près 10 centimes chaque denier ou penny). Le denier se divise encore en 4 liards ou farthings (0 fr. 025 millimes chaque farthing); mais on ne trouve plus guère de farthings en Angleterre. On ne s'en sert maintenant que comme indication de prix pour les objets de très minime valeur.

[3] Un peu moins d'un myriamètre.—Le mille anglais fait un peu plus d'un kilomètre 6/10; 2 milles ½ forment environ 4 kilomètres ou une lieue, et 6 milles ¼ un myriamètre.

[4] Voir la note précédente.

[5] 31 fr. 25 c.

[6] 3,474,225 fr.

[7] 7,049,725 francs.

[8] 132 kilomètres ou 33 lieues.

[9] Environ 180 kilomètres ou 45 lieues.

[10] 125 millions de francs.

[11] 12 lieues.

[12] 4 lieues.

[13] 76 fr. 10 c.

[14] 22 lieues.

[15] 20 ou 30 centimes

[16] 3 milles ¾ ou 6 kilomètres.

[17] Environ 11 lieues.

[18] 3 fr. 12 c. ½.

[19] 6 fr. 87 c. ½ pour 12 lieues ½ de France.

[20] 8 fr. 12 c. ½.

[21] 1 fr. 25 c.

[22] 160 kilomètres ou 40 lieues.

[23]1631 kil. ou 408 lieues.

[24] 918 kil. ou 229 lieues.

[25] 236 k. ou 59 lieues.

[26] 2,786 kilom. ou 696 lieues 1|2.

[27] 1,477,875,000 f.

[28] 1,597,200,000 f.

[29] 126,765,000 f.

[30] 53,153,750 f.

[31] 73,611,250 f.

[32] 922,750 fr. par mille, et 576,720 fr. par kilomètre.

[33] 1,189,500 f. par mille, et 743,437 f. par k.

[34] 810,500 f. par mille, et 506,562 f. par k.

[35] 575,000 f. par mille, et 359,375 f. par k.

[36] 604,750 f. par mille, et 377,969 f. par k.

[37] 457,250 f. par mille, et 285,781 f. par k.

[38] 158 fr. 20 c. pour 100 livres sterling ou 2,500 fr. de capital.

[39] Il y a dans l'original une erreur, 12, 50 et 32-94 au lieu de 100 pris pour unité dans la répartition des différentes classes de voyageurs. (Note du traducteur.)

[40] 375 ou 500 millions de francs.

[41] Moins de 2 cent. le kil.—6 cent. ¼ les 4 kil.

[42] 62 cent. ½ pour tout le parcours, qui est de 22 milles ½ ou 36 kil.

[43] 1 cent. ¼ par mille; à peu près 3 cent. pour 4 kil. ou une lieue de France.

[44] 8 fr. 13 cent.

[45] 1 fr. 25 c. pour un parcours de 30 milles ou 48 kil.

[46] 3,750,000 fr.

[47] 25,000,000 fr.

[48] 5,000,000 fr.

[49] 2,500,000 fr.

[50] 73,661,250 f.

[51] 7,500,000 fr.

[52] 1,657,775,000 f.

[53] 51,275,000 f.

[54] 5,000,000 f.

[55] 25,000,000 f.

[56] 625,000 f.

[57] 1,597,200,000 f.

[58] 999,500,000 fr.

[59] 7 c. ½.

[60] 20 c.

[61] 6 c. ½ par kilom.

[62] Moins de 5 c. par k.

[63] 3 c. ¼ par kilom.

[64] Moins de 2 c. par kilom. et 6 c. ½ par 4 k. ou une lieue de France.

[65] 40 kilom. ou 10 lieues.

[66] 2 c. ½—0 f. 016 mill. par kilom.

[67] 10 c.—0 f. 065 mill. par kilom.

[68] 21 c.—0 f. 13 c. par k.

[69] 56 kilom. ou 14 lieues.

[70] 3,000,000 fr.

[71] 3,750,000 fr.

[72] 253,900 fr. pour 88 kilomètres ou 22 lieues.

[73] 96 lieues ou 384 kilom.

[74] 74,850 fr.

[75] 2,500,000 fr.

[76] 126,815,000 fr.

[77] 75,000,000 fr.

[78] 20 c. et 10 c. pour tout le parcours, qui est de 3 milles ¾ ou 6 kilomètres.

[79] 3 fr. 12 c., 2 fr. 10 c., 1 fr. 55 et 85 c. pour tout le parcours qui est de 30 milles ¾ ou 12 lieues ½ de France.

[80] 75,000,000 fr.

[81] Discours de sir Robert Peel, lors de son inauguration au Rectorat de l'Université de Glasgow.

[82] 0,13 cent. par kilomètre,

[83] 0,065 millimes par kilom.

[84] 0,05 cent. par kilom.

[85] 0,032 millimes par kilom.

[86] 0,016 millimes par kilom.

[87] 75 millions de francs.

[88] 36 kilomètres.

[89] 0,625 millimes.

[90] 0,008 millimes par kilomètre.

[91] Cet appendice, qui est fort copieux, n'a été publié qu'avec la seconde édition de l'ouvrage principal. Pour la France, il n'est besoin que de donner une simple analyse des pièces justificatives; c'est ce que nous avons fait, tout en conservant la division par chapitres des matières contenues dans l'appendice, suivant la méthode adoptée par l'auteur. Lorsque nous avons traduit littéralement le texte de la publication anglaise, nous avons encadré ces passages avec des guillemets.

[92] 31 fr. 25 c.

[93] 1 c. ¼ pour un parcours de 50 milles ½ ou 20 lieues.

[94] 20 c.

[95] 6 fr. 25 c.

[96] 62 c. ½

[97] 17 fr. 50 c.

[98] 62 c. ½.

[99] 125,000,000 fr.

[100] 6 fr. 25 c.

[101] 75 fr.


Corrections.

La première ligne indique l'original, la seconde la correction:

p. 15:

  • Le dernier changement à eu lieu
  • Le dernier changement a eu lieu

p. 34:

  • le gouvernement à eu tort de ne pas se charger de la constrution des chemins de fer.
  • le gouvernement a eu tort de ne pas se charger de la construction des chemins de fer.

p. 95:

  • le chemin de fer se fraient
  • le chemin de fer se feraient

p. 106:

  • un voyageur de Londres à Bringhton
  • un voyageur de Londres à Brighton
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