Un mois en Afrique
N° 1.—Lettre de Louis Blanc.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ.
Palais national du Luxembourg.
A Pierre-Napoléon Bonaparte.
Citoyen,
C'est avec un plaisir extrême que je vous fais part de la décision prise à votre égard par le Gouvernement provisoire. Nous venons de vous nommer chef de bataillon dans la Légion étrangère, bien convaincus que votre intention formelle est de mettre au service exclusif de la République les fonctions confiées à votre loyauté par le gouvernement républicain.
Faire servir à l'établissement, à la consolidation, au triomphe complet de la liberté, le prestige attaché au grand nom de Napoléon, c'est se montrer digne de porter un tel nom et bien mériter de la patrie. Le temps des prétentions dynastiques est passé à jamais. La glorieuse révolution qui vient de s'accomplir a définitivement coupé court au régime de la royauté et de tout ce qui lui ressemble.
C'est parce qu'il vous sait pénétré de cette conviction, imbu de ces sentiments, que le gouvernement provisoire vient de vous donner une marque de confiance qu'en ma qualité de Corse je suis heureux de vous annoncer.
Salut et fraternité,
Le 15 avril 1848.
LOUIS BLANC,
Membre du Gouvernement provisoire.
N° 2.—Pétition à la Constituante
Citoyens Représentants du peuple,
Le lendemain de Février, accouru de l'exil pour offrir mes services à mon pays, j'ai accepté avec une profonde reconnaissance, des mains des fondateurs de la République, le grade de chef de bataillon au 1er régiment de la Légion étrangère. J'étais autorisé à le regarder comme un état transitoire devant amener ma mutation dans un régiment français.
L'intention de M. de Lamartine, et après lui, celle de M. le général Cavaignac, était de demander à l'Assemblée nationale une décision à cet égard. Elle était nécessaire, en présence de la loi du 14 avril 1832 sur l'avancement. A part toute autre considération, ces hauts fonctionnaires de la République avaient pensé qu'une exception paraîtrait fondée en ma faveur, puisque l'exil dont ma famille était frappée m'avait seul empêché soit de satisfaire à la loi de recrutement, soit d'entrer dans une école militaire. Ce qui corroborait encore ces considérations, c'étaient les demandes réitérées de servir dans l'armée d'Afrique, que, depuis douze ans, je n'avais cessé d'adresser au gouvernement déchu, et que les maréchaux Soult et Sébastiani m'ont offert d'attester au besoin.
Après l'élection de mon cousin à la présidence de la République, et sans parler de ses intentions fraternelles, je pouvais croire que le gouvernement issu de l'élection du 10 décembre ferait pour moi la proposition favorable que Lamartine ou le général Cavaignac eussent faite. Le gouvernement n'a pas cru devoir prendre cette initiative; et si je ne pouvais avoir recours à vous, citoyens représentants, je me verrais frappé, j'en conviens, dans mes espérances les plus chères, espérances que je n'avais pas abandonnées, même dans l'exil; car un soldat de mon nom ne renonce pas facilement à servir dans les rangs de l'armée française.
La Légion étrangère, je le sais, a glorieusement conquis une haute réputation militaire. Je m'honorerai toujours d'avoir appartenu au corps de ses braves officiers; mais peut-être n'est-ce pas une prétention exorbitante de ma part que d'espérer d'être enfin admis autrement qu'à titre d'officier étranger. Je m'étais dit qu'un neveu de notre grand capitaine, un fils de Lucien Bonaparte, un proscrit des Bourbons, n'avait pas à craindre que le coup dont une loi de proscription l'a frappé ricochât, pour l'atteindre encore, sur le terrain de la République.
L'élévation d'un autre neveu de l'empereur Napoléon à la magistrature suprême de l'État semblait m'assurer de plus en plus qu'on ne me refuserait pas une simple mutation qui ne ferait de tort à personne, puisque mon emploi actuel peut être rempli par un chef de bataillon au titre français.
Pour sortir de la position anormale où je me trouve, je fais un respectueux appel, citoyens représentants, aux mandataires du Peuple Souverain. Je demande de passer, avec mon grade, dans un de nos régiments français d'infanterie; et, quelle que soit votre décision, croyez que si jamais la République était attaquée, je me réserve bien de combattre pour elle, fût-ce même comme simple volontaire.
Salut et fraternité,
Paris, le 17 mars 1849,
PIERRE-NAPOLÉON BONAPARTE.
N° 3.—États nominatifs des hommes de la Légion étrangère, et du 2e bataillon d'Infanterie légère d'Afrique, tués ou blessés le 25 octobre 1849.
3e bataillon d'infanterie légère d'Afrique.
ÉTAT nominatif des hommes tués ou blessés le 25 octobre 1849.
| 
Numéros des compagnies 2e 4e 2e Id. Id. Id. 3e Id. 4e Id. Id. 8e Id. Id. Id. Id. Id.  | 
 NOMS Butet Touchet, Termeuf, Prudhom, Luyat, Raynard, Doucet, Favry, Genet, Kerdavid, Jacquemin, Consigny, Tulpin, Dorez, Bay, Charmier, Leroux,  | 
 GRADES capitaine. capitaine. caporal. chasseur. chasseur. chasseur. chasseur. chasseur. caporal. chasseur. chasseur. caporal. caporal. chasseur. chasseur. chasseur. chasseur.  | 
 OBSERVATIONS Blessé d'un coup de feu à la cuisse droite. Blessé d'un coup de feu à la poitrine. Blessé d'un coup de feu au poignet gauche. Tué d'un coup de feu. Tué d'un coup de feu. Blessé d'un coup de feu à la cuisse. Blessé d'un coup de feu à l'épaule droite. Blessé d'un coup de feu au sourcil droit. Tué d'un coup de feu à la tête. Tué d'un coup de feu à la tête. Blessé d'un coup de feu à la fesse. Blessé d'un coup de feu au flanc gauche. Blessé d'un coup de feu au bras droit. Blessé d'un coup de feu à la joue gauche. Blessé d'un coup de feu à la fesse droite. Blessé d'un coup de feu à l'abdomen. Blessé d'un coup de feu à la jambe droite.  | 
    
Au bivouac, le 25 octobre, 1849.
Le capitaine commandant le bataillon, DE GOLDBERG.
2e régiment de la Légion étrangère.
ÉTAT nominatif des hommes tués ou blessés le 25 octobre 1849.
| 
DESIGNATION des compagnies Grenadiers du 3e bataillon 3e du 1er bataillon. Grenadiers du 3e bataillon. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. 1re du 3e bataillon. 2e du 3e bataillon Idem.  | 
 NOMS Nyko Smitters, Vigneur, Oehme, Martin, Schildwaeser, Vraiden, Selinger, Got, Vialet, Pensa,  | 
 GRADES capitaine sergeant. caporal. grenadier. grenadier. grenadier. grenadier. grenadier. sergent-major. sergent. fusilier.  | 
 OBSERVATIONS Blessé d'un coup de feu et d'un coup de pierre. Tué d'un coup de feu au coeur. Blessé d'un coup de feu. Tué d'un coup de feu à la tête. Blessé d'un coup de feu. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem.  | 
    
Au bivouac sous Zaatcha, le 25 octobre 1849.
Le chef de bataillon hors cadre, commandant temporaire
du 5e bataillon, P.-N. BONAPARTE.
N° 4.—Rapport du commandant Bonaparte.
Au camp devant Zaatcha, 25 octobre 1849.
Deuxième régiment de la Légion étrangère.
Mon colonel,
Chargé du commandement de deux cents hommes de la Légion, et de deux cents du 5e d'infanterie légère d'Afrique, désignés pour abattre des palmiers et protéger ce travail, je me suis porté ce matin, à huit heures, vers la position qui m'avait été indiquée par M. le général Herbillon, commandant en chef. Nous avons, en arrivant, occupé un mur faiblement crénelé par les Arabes, et de là nous les avons tenus en respect, tandis que nos travailleurs abattaient avec une grande activité bon nombre de palmiers que j'évalue, au moins, à deux cent cinquante.
Les Arabes finirent cependant par se concentrer au saillant formé par le mur avec le reste de notre ligne qui s'étendait jusqu'à la plaine. J'avais, à plusieurs reprises, chargé le capitaine Butet, du 3e d'infanterie légère d'Afrique, de l'observation de ce point important, et il m'en avait répondu, lorsque ce brave et intelligent officier fut atteint d'un coup de feu. Un chasseur de son corps fut tué au même instant. Les Arabes se jetèrent sur le mur, limite de notre ligne, qu'ils n'ont point franchie, malgré les diverses phases du combat. Ils étaient en grand nombre. Ils nous assaillirent avec une grêle de pierres qu'ils lançaient pardessus le mur, et ils finirent par se montrer audacieusement à la crête, d'où ils firent feu de leurs fusils et de leurs pistolets. Nous les reçûmes à coups de fusil. Une réserve de vingt grenadiers de la Légion, sous la conduite du capitaine Nyko, vint, à ma voix, soutenir l'infanterie légère, et assurer la position meilleure, que nous occupâmes immédiatement dans un jardin encaissé, à environ 20 mètres du mur occupé d'abord, position d'où nous n'avons cessé de tenir l'ennemi à distance.
Le point d'appui de la droite de notre nouvelle ligne était, comme vous l'avez pu voir, mon colonel, un petit mamelon où huit à dix grenadiers de votre régiment, électrisés par votre voix et l'exemple du brave sergent Smitters, héroïquement tué dans cette affaire, ont si vaillamment combattu.
Je tous rendis compte de l'utilité d'un renfort qui nous permît de ne pas suspendre l'abattage des palmiers, et ce fut alors que vous fites avancer les réserves dont le concours fut si efficace. Pendant ce temps, les grenadiers postés au mamelon susdit, et l'infanterie légère d'Afrique, soutinrent, avec une rare bravoure, les attaques réitérées et acharnées des Arabes. Je ne dois pas oublier de tous dire la gratitude que nous devons à M. le commandant des zouaves qui, au plus fort de l'action, me donna, avec le lieutenant Sentupery, quinze hommes qui vinrent soutenir mes grenadiers. Tous ces braves soldats sont au-dessus de tout éloge. Je dois néanmoins vous signaler les intrépides capitaines Butet et Touchet, du 5e d'infanterie légère d'Afrique, blessés grièvement tous deux, et le capitaine Nyko, des grenadiers de la Légion, atteint d'une balle et d'une pierre à la tête. Nous avons, outre le sergent Smitters, cinq morts, dont un de la Légion, et quatre de l'infanterie légère d'Afrique. Les blessés, sans compter les trois capitaines que j'ai eu l'honneur de tous signaler, sont au nombre de vingt, dont neuf appartiennent à la Légion. Je joins ici l'état nominatif.
Sur l'ordre du général, que vous m'avez transmis vous-même, mon colonel, dans le jardin encaissé où nous combattions, soutenus par l'énergique et habile concours de M. le colonel de Barral à notre gauche, sur votre ordre, dis-je, la retraite s'est effectuée avec une grande régularité par la plaine, et elle était accomplie à midi.
Outre l'abattage des palmiers, notre opération peut être considérée comme étant une attaque très vive sur Lichana, et, sans pouvoir évaluer exactement le mal que nous avons fait à l'ennemi, j'estime qu'il est très considérable et au moins décuple de celui qu'il nous a fait éprouver.
Veuillez agréer, je vous prie, mon colonel, l'expression de mon respect.
Le chef de bataillon temporaire du 3e bataillon du 2e régiment de la Légion étrangère,
P.-N. BONAPARTE.
Vu et approuvé le rapport de M. le commandant P.-N.Bonaparte,
qui est complet.
Tranchée, le 26 octobre 1849.
Le colonel faisant fonctions de général de tranchée.
CARBUCCIA.
N° 5.—Rapport du colonel Carbuccia.
Sous Zaatcha, le 25 octobre 1849.
A M. le général Herbillon, commandant la colonne expéditionnaire du Zab.
Mon général,
Vous m'avez, ce matin, envoyé l'ordre, à la tranchée, par M. le capitaine d'état-major Regnault, de vous faire connaître les dispositions prises pour assurer la coupe des palmiers pendant la journée.
Je vous ai fait répondre par lui que j'avais confié à M. le commandant Pierre Bonaparte, du 2e régiment de la Légion étrangère, la mission de procéder à cette opération importante, à la tête de quatre cents hommes, dont deux cents de la Légion et deux cents du 3e bataillon d'Afrique.
Ci-joint, sur les événements importants accomplis dans cette journée, le rapport de cet officier supérieur, dont je suis heureux d'avoir à vous signaler la bravoure téméraire, et le coup d'oeil militaire digne du nom qu'il porte. Atteint violemment d'un énorme pavé sur la poitrine, il est resté à son poste, et il a tué de sa main deux chefs arabes, au plus fort de la mêlée, aux applaudissements de la ligne de tirailleurs.
Lorsque M. le commandant Bonaparte m'a rendu compte des difficultés qu'il éprouvait à continuer son opération, je suis part de la tranchée à la tête d'une troupe de soutien et après avoir reçu son rapport verbal, je vous ai fait demander un bataillon de renfort.
M. le commandant Bourtaki, du bataillon de tirailleurs de Constantine, est arrivé sans délai; une de ses compagnies a pris part au feu de la première ligne; le reste a été, sous vos yeux, placé en réserve, et lorsque les Arabes ont eu abandonné leur position pour rentrer à Lichana, nous avons effectué notre retraite, qui a été terminée à midi et effectuée avec le plus grand ordre, sans opposition de l'ennemi.
Le mouvement a été facilité par votre ordre par le feu de deux obusiers amenés sur place par M. le colonel Pariset en personne.
La disposition prise par vous (en faisant coopérer la colonne de M. le colonel de Barral au mouvement de la journée) a été des plus utiles. Les troupes, sous les ordres directs de leur chef qui ne s'est pas épargné dans cette journée et que j'ai vu partout où il y avait du danger, ont empêché le commandant Bonaparte d'être débordé sur sa gauche, et lui ont permis de conserver, aussi longtemps que vous l'avez voulu, des positions aussi difficiles.
Pendant ce temps-là, la sape de droite, gardée dans la tranchée par une compagnie de voltigeurs du 38e, a été vivement assaillie par un nouveau contingent arrivé dans Zaatcha pendant le combat. Les voltigeurs, avec sang-froid et énergie, ont attendu les Arabes à bout portant; ils en ont tué cinq et ont mis le reste en fuite.
La conduite des troupes a été admirable de dévouement et d'énergie, aujourd'hui comme toujours, et elle continue à leur mériter l'estime et la reconnaissance de la France et de son président.
Veuillez agréer, mon général, l'hommage de mon respectueux dévouement.
Le colonel du 2e régiment de la Légion étrangère, commandant
la subdivision de Batna, faisant fonctions de général de tranchée,
Signé: CARBUCCIA.
N° 6.—Ordre du général Herbillon.
Ordre.
M. le commandant Pierre Bonaparte, chef de bataillon hors cadre, se rendra immédiatement à Alger, auprès de M. le gouverneur général, pour remplir une mission concernant l'expédition de Zaatcha.
Camp de Zaatcha, le 29 octobre 1849.
Le général de brigade, commandant la
division de Constantine,
HERBILLON.
N° 7.—Lettre à la Patrie.
Paris, 18 novembre 1849.
Monsieur le Rédacteur,
Les commentaires plus ou moins injustes ou malveillants que mon retour d'Afrique inspire à quelques journaux m'engagent à vous prier d'insérer ce qui suit:
Sans parler des convois que j'ai escortés à travers les partis ennemis, je n'ai quitté le camp de Zaatcha, où je suis resté huit jours, qu'après avoir commandé l'attaque du 25 octobre, et avoir été de tranchée le 24, le 25, le 28 et le 29.
Le général Herbillon ayant décidé qu'on ne donnerait plus d'assaut, et qu'on attendrait des renforts pour investir la place, et la réduire par le feu de l'artillerie, l'adoption de ce plan prolongeait les opérations bien au-delà du terme que, même avant mon départ de Paris, j'avais fixé pour ma rentrée à l'Assemblée nationale. Comme représentant du Peuple, j'étais seul juge de l'opportunité de mon retour à mon poste, et je ne dois, à cet égard, aucun compte à personne. Les phases politiques qui viennent de s'accomplir prouvent que je n'avais pas trop mal jugé de cette opportunité.
Au surplus, j'avais tout lieu d'être mécontent de la position que l'absence complète de tout ordre convenable m'avait faite en Afrique. Je n'ai d'ailleurs quitté Zaatcha qu'avec l'ordre formel du général Herbillon de me rendre auprès du gouverneur général, pour presser l'arrivée des renforts qu'il attendait, et c'est parce que je les ai rencontrés en route que je suis revenu directement de Philippeville, au lieu de passer par Alger.
Veuillez agréer, je vous prie, Monsieur le Rédacteur, l'expression de mes sentiments affectueux et distingués.
P.-N. BONAPARTE,
Représentant du Peuple.
N° 8.—Lettre du général Bertrand, et décret du Président de la République.
(Ministère de la Guerre.)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
LIBERTÉ, EGALITÉ, FRATERNITÉ.
Paris, le 19 novembre 1849, à 9 heures du soir.
Monsieur le Représentant,
Par ordre du Ministre de la guerre, j'ai l'honneur de vous transmettre la copie d'un décret du Président de la République, prononçant votre radiation des cadres de l'armée; ainsi que la pièce signée du général Herbillon, remise par vous au Ministre à votre arrivée à Paris.
Veuillez agréer, Monsieur le Représentant, l'assurance de ma haute considération.
Le général de brigade, directeur général du personnel,
BERTRAND.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
LIBERTÉ, EGALITÉ, FRATERNITÉ.
Au nom du Peuple français,
Le Président de la République,
Considérant que M. Pierre-Napoléon Bonaparte, nommé, au titre étranger, chef de bataillon dans le 1er régiment de la Légion étrangère, par arrêté du 19 avril 1848, a reçu, sur sa demande, un ordre de service, le 19 septembre 1849, pour se rendre en Algérie;
Considérant qu'après avoir pris part aux événements de guerre dont la province de Constantine est en ce moment le théâtre, il a reçu du général commandant la division de Constantine l'ordre de se rendre auprès du gouverneur-général de l'Algérie pour remplir une mission concernant l'expédition de Zaatcha;
Considérant qu'il n'a pas rempli cette mission; qu'il ne s'est pas rendu auprès du gouverneur général, mais qu'il s'est embarqué à Philippeville pour revenir à Paris;
Considérant qu'un officier servant en France, au titre étranger, se trouve en dehors de la législation commune aux militaires français, mais qu'il est tenu d'accomplir le service auquel il s'est engagé;
Considérant que M. Pierre-Napoléon Bonaparte, en sa dite qualité, n'était ni le maître de quitter son poste sans autorisation, ni le juge de l'opportunité de son retour à Paris;
Sur le rapport du ministre de la guerre,
Décrète:
Article 1er. M. Pierre-Napoléon Bonaparte est révoqué du grade et de l'emploi de chef de bataillon à la Légion étrangère.
Art. 2. Le ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent décret.
Fait à Paris, à l'Élysée-National, le 19 novembre 1849.
LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE.
Le ministre de la guerre,
D'HAUTPOUL
N° 9.—Réponse au général Bertrand.
Paris, 19 novembre 1849.
Monsieur le général,
Je reçois votre lettre qui me transmet la copie d'un décret du président de la République prononçant, dites-vous, ma radiation des cadres de l'armée (sic). Je vous observerai d'abord que ne faisant pas partie de ces cadres, je ne puis en être radié, mais seulement révoqué du grade, que je ne devais, d'ailleurs, qu'au Gouvernement Provisoire de la République, qui me l'avait conféré avant que je fusse représentant du Peuple à la Constituante, et par conséquent avant l'abrogation de la loi qui privait les membres de ma famille de leurs droits de citoyen.
Je rappellerai que ne m'accommodant nullement, comme représentant du peuple, comme neveu de l'empereur Napoléon, et comme fils de Lucien Bonaparte, de cet état d'officier au titre étranger, il y a déjà longtemps qu'à deux reprises différentes j'avais donné ma démission, et que ce n'est que pour céder aux instances réitérées et pressantes du président de là République que je l'avais retirée. Arrivé avant hier à Paris, je me suis rendu hier chez le ministre de la guerre, et je lui ai déclaré que si je ne donnais pas encore, définitivement, ma démission, c'était pour ne point faire de scandale. Il parait que d'autres n'ont point été arrêtés par cette considération, et si je regrette ma bonhomie qui leur a permis de me prévenir, je ne leur en veux pas autrement, car je suis débarrassé d'une position qui n'était ni normale, ni convenable, et que, sous aucun prétexte, je n'aurais plus gardée longtemps.
Un mot maintenant du décret présidentiel:
Il n'est pas vrai, et cela importe peu, que ce soit sur ma demande qu'une mission en Algérie m'a été donnée. Elle m'a été instamment proposée par le président de la République, comme le prouve la lettre qu'il me faisait écrire par M. Ferdinand Barrot dans les Ardennes, où j'avais été passer le temps de prorogation de l'Assemblée.
En second lieu, il n'est pas vrai que je me sois engagé à remplir un service, dont la durée aurait pu être fixée par le gouvernement. Ma mission qui, d'après la loi électorale organique, n'aurait pu, en tous cas, durer plus de six mois, était temporaire, indéterminée, gratuite et dépendante de ma volonté. On concevrait même difficilement qu'il eût pu en être autrement.
D'un autre côté, mon grade de chef de bataillon au titre étranger ne me dépouillait pas apparemment de mon caractère de membre du pouvoir législatif; et quoi qu'en dise le président de la République, dont les décrets, grâce à Dieu, n'ont pas encore force de loi, j'étais parfaitement le maître de revenir, sans l'autorisation de personne, siéger à mon poste le plus important, à l'Assemblée nationale, et j'étais seul juge de l'opportunité de mon retour. Du reste, le but de la mission que m'avait donnée le général Herbillon était rempli, du moment que les renforts qu'il attendait, et que j'avais rencontrés en marche, étaient assurés.
Enfin, si nos gouvernants avaient nos lois organiques un peu plus présentes à l'esprit, ils sauraient que tout officier, représentant du Peuple, est en non-activité hors cadre, et que la révocation qu'ils décrètent ne peut porter que sur le grade, et non sur l'emploi, puisque je n'en ai pas.
Agréez, Monsieur le général, l'assurance de ma parfaite considération.
PIERRE-NAPOLEON BONAPARTE,
Représentant du Peuple.
N° 10.—Extrait du compte-rendu de la séance de l'Assemblée législative de 22 novembre 1849, d'après le Moniteur.
Interpellations de M. Pierre Bonaparte.
M. le Président.—M. Pierre Bonaparte demande l'autorisation d'adresser des interpellations à M. le ministre de la guerre, sur un décret qui a paru dans le Moniteur, et qui révoque M. Pierre Bonaparte du grade militaire qui lui avait été conféré par le Gouvernement provisoire.
Je demande à M. le ministre de la guerre à quel jour il veut que les interpellations soient fixées.
M. le général d'Hautpoul, ministre de la guerre.—Je suis prêt à répondre à l'instant.
M. le Président.—L'Assemblée veut-elle entendre immédiatement les interpellations?
De toutes parts.—Oui! oui!
M. le Président.—La parole est à M. Pierre Bonaparte.
M. Pierre Bonaparte.—Citoyens représentants du Peuple, je n'ai que quelques mots à dire sur la question que ce décret soulève en général, et sur ce qui me regarde en particulier, si l'Assemblée veut bien m'entendre.
En principe, je soutiens avec une profonde conviction et avec indignation, quand je pense qu'on ose soutenir le contraire dans cette enceinte, qu'un membre du pouvoir législatif, quelle que soit la mission temporaire qui ait pu lui être confiée, en vertu de l'article 85 de la loi électorale organique, ne peut être retenu malgré lui loin du sanctuaire national, où s'accomplit son mandat. (Mouvements divers.) Jaloux de vos droits, qui sont ceux du pays, il importe que vous fassiez intervenir à cet égard une décision souveraine qui réprime les outrecuidantes prétentions d'un gouvernement trop disposé à faire bon marché du grand caractère dont les représentants du peuple français sont revêtus. J'aurai l'honneur, dans ce but, de vous proposer un ordre du jour motivé, à la fin de la discussion.
Passant à ce qui me regarde, l'exercice du droit imprescriptible que je viens de dire m'a paru d'autant plus opportun que, dans ma conviction, nos institutions républicaines, auxquelles je suis voué corps et âme, sont sur le point de courir des dangers (Mouvement.)
Je désire, citoyens représentants, qu'on ne se méprenne pas sur la portée de mes paroles. L'indigne manière dont j'ai été traité, l'injustice et l'ingratitude dont j'ai à me plaindre, ont pu modifier mes sentiments envers mon parent, Louis-Napoléon Bonaparte, mais non envers le président de la République. Tant qu'il saura maintenir la constitution, ou que la majorité de l'Assemblée déclarera qu'il l'a maintenue, je le soutiendrai vigoureusement, tout en conservant, bien entendu, ma liberté d'appréciation parlementaire.
Mais c'est de ses conseillers, ministres ou autres, de ses familiers surtout que je me défie. Leur persistance à éloigner tout ce qui naturellement était intéressé à l'éclat du drapeau populaire relevé le 10 décembre suffit pour justifier mes défiances. A mon cousin et collègue, Napoléon Bonaparte, comme à moi, ils ont fait donner une mission, dont ils se sont ensuite subrepticement efforcés de rendre l'accomplissement impossible.
Et si vous exigez que je vous nomme celui à qui l'on doit attribuer principalement tout ce que le président fait de déplorable, je le nommerai.
De toutes parts.—Oui! oui! Nommez!
M. Pierre Bonaparte.—Eh bien! c'est M. Fialin, dit de Persigny!
M. le Président.—J'arrête ici l'orateur en lui rappelant qu'aux termes de l'article 79 du règlement, les interpellations de représentant à représentant sont interdites. Il a demandé l'autorisation d'interpeller le ministre de la guerre sur un acte qu'il a déterminé, et sur lequel il demande des explications; je l'invite à se renfermer dans les termes de ses interpellations; il ne peut interpeller un représentant, le règlement est formel.
M. Pierre Bonaparte.—Je m'y renfermerai, monsieur le président; mais je prends la liberté de vous faire observer que ce n'est pas une interpellation, mais une désignation.
M. le Président.—C'est une véritable interpellation.
M. Pierre Bonaparte.—C'est une désignation.
Au point de vue militaire, et abstraction faite de ma qualité de membre de cette Assemblée, on dirait vraiment que l'acharnement des partis se plaît à dénaturer les choses les plus simples.
Du camp de Zaatcha à Philippeville il y a onze étapes. Je suis parti de Zaatcha, escortant un convoi, et avec l'ordre, que voici, du général Herbillon de me rendre à Alger. La seule partie de cet ordre que je n'ai point exécutée, c'est la traversée de Philippeville à Alger. Apparemment, elle n'offrait aucun danger, et, par conséquent, il ne pouvait y avoir aucun mérite à la faire, puisque le but de ma mission auprès du gouverneur général était rempli par l'envoi des renforts que j'avais rencontrés en marche.
D'Alger, en tout cas, je fusse revenu en France. Le général Herbillon le savait. Le président de la République et le Gouvernement savent parfaitement aussi qu'à part mon droit de représentant, que je n'ai jamais aliéné et que je n'aliénerai jamais, il était convenu, lorsque j'ai quitté Paris, que je reviendrais d'Afrique quand je le jugerais convenable, et sans qu'ils pussent y trouver à redire. (Rumeurs.)
Sans cela, il est évident que je ne serais pas parti, puisque j'aurais sacrifié l'indépendance de mon mandat, à laquelle je tiens par-dessus tout.
Je termine en demandant à M. le ministre de la guerre comment il se fait qu'à mon arrivée à Paris, lorsque, sur sa demande (car je ne m'y croyais nullement obligé), je lui ai communiqué l'ordre du général Herbillon, prescrivant mon départ de Zaatcha pour Philippeville et Alger, il avait répété à satiété que, sous le rapport militaire, les renforts étant assurés, il me trouvait parfaitement en règle? Vous m'avez dit, monsieur le ministre, que j'étais parfaitement en règle. Si je ne me trompe, l'opinion du gouverneur général de l'Algérie était exprimée d'une manière analogue dans une dépêche que M. le ministre de la guerre doit avoir entre les mains. Et comment se fait-il alors qu'il ait apposé son contre-seing à la révocation qui a paru au Moniteur!
Ou M. le ministre de la guerre a changé d'avis à mon égard avec une étrange soudaineté, ou il a validé une mesure qu'il savait être une injustice, une indignité, et qui, à part l'effet moral, me touche fort peu, car je ne tenais nullement à ma qualité d'officier au titre étranger.
Vous comprendrez, citoyens représentants, le sentiment qui m'a fait entrer dans ces développements, bien que, au point de vue du droit, ils soient tout à fait superflus.
Le principe qui domine tout le reste, c'est celui de l'indépendance de notre caractère. Il est bon, en tout cas, que les droits de ceux d'entre nous qui sont ou qui seraient, à l'avenir, envoyés en mission, soient fixés; et c'est pour cela que j'aurai l'honneur, après la discussion, de présenter à l'Assemblée un ordre du jour motivé.
M. le Président.—La parole est à M. le ministre de la guerre.
M. d'Hautpoul, ministre de la guerre.—Messieurs, l'interpellation qui m'est faite a deux caractères bien distincts; je les traiterai l'un après l'autre.
Il s'agit d'abord de savoir si un membre de cette Assemblée, qui a demandé ou accepté un mandat, soit dans l'ordre militaire, soit dans l'ordre diplomatique (ce sont ordinairement les missions qui sont le plus communément confiées aux représentants), et qui a accepté dans toute leur teneur les instructions qui lui ont été données librement, volontairement, et souvent après sollicitations, il s'agit de savoir, dis-je, si, une fois rendu à son poste, il est libre d'oublier ce même mandat, ce même engagement; s'il est juge, juge souverain, d'après la théorie de l'honorable préopinant, de l'opportunité de son retour.
Eh bien! je commence par déclarer que non. (Très bien! très bien!)
Le Gouvernement seul a été juge du mérite du mandat; celui qui l'a accepté en est convenu par le fait seul de l'acceptation; une fois rendu à son poste, il doit consulter ses instructions; s'il est militaire, il doit se renfermer dans l'obéissance due à ses chefs militaires; il n'est plus, là, représentant du Peuple. (Marques d'assentiment.)
M. Pierre Bonaparte.—Alors, pourquoi m'avez-vous trouvé en règle?
M. le Président.—Monsieur Pierre Bonaparte, n'interrompez pas! On vous a écouté; laissez M. le ministre vous répondre.
M. le Ministre.—Je le répète, il n'est plus, là, le représentant du Peuple; il est impossible de trouver une analogie entre le représentant du Peuple, ayant mission de la convention du Gouvernement, en se plaçant au-dessus de toutes les positions dans les armées, et ce qui se passe aujourd'hui. Quelques journaux ont voulu la rencontrer; ils sont tombés dans une erreur complète. Je ne pense pas qu'il y ait ici un seul membre qui partage une pareille doctrine. (Non! non!—Approbation.)
Du reste, l'Assemblée législative, dans l'espèce qui nous occupe, n'avait donné aucun mandat à M. Pierre Bonaparte. Le mandat émane essentiellement du Gouvernement, de l'initiative du Pouvoir exécutif. Ainsi, laissons de côté le caractère de représentant, qui ne doit pas occuper l'Assemblée. (Très bien!)
Voilà ma réponse à la première partie de la discussion. (Marques prolongées d'approbation.)
Maintenant, en abordant les faits particuliers, que s'est-il passé? M. Pierre Bonaparte est chef de bataillon à la Légion étrangère, au titre étranger; et remarquez, messieurs, que ce titre n'a rien de blessant. M. Pierre Bonaparte ne peut pas être chef de bataillon à d'autre titre, car la loi de 1834, sur l'état des officiers, nous est connue; c'est le Code militaire, un code qu'on ne peut pas enfreindre, que j'ai appelé; dans une autre circonstance, l'arche sainte. D'après cette loi, quand on n'a pas suivi la hiérarchie, quand on n'appartient pas à l'armée avec le grade de capitaine, et quand on ne remplit pas les conditions voulues pour l'avancement, conditions qui consistent dans un fait de guerre sur le champ de bataille ou dans une proposition régulière de candidature sur le tableau d'avancement, on ne peut pas devenir chef de bataillon. M. Pierre Bonaparte n'était ni dans l'une ni dans l'autre de ces conditions. On lui a conféré, c'est le Gouvernement provisoire, je crois, on lui a conféré le titre de chef de bataillon dans la Légion étrangère, à titre étranger; lui, n'est pas étranger, mais son titre est étranger; c'est ce qu'il faut bien distinguer. (Très bien! très bien!) Voilà en quoi M. Pierre Bonaparte ne peut pas être blessé: il est Français et bon Français, c'est un hommage que je lui remis; mais son titre dans la Légion étrangère est titre étranger. Il faut bien faire attention à cette distinction. (Très bien! très bien!)
M. Pierre Bonaparte part de Paris avec une mission pour l'Algérie. Cette mission disait qu'à son arrivée à Alger il serait à la disposition du gouverneur général. Que fait le gouverneur général? Il se rappelle le nom de Bonaparte, et il donne à M. Pierre Bonaparte le poste d'honneur, le poste le plus périlleux; c'est là qu'un Bonaparte doit être heureux de se trouver; c'est le meilleur de tous les postes. (Marques unanimes d'approbation.)
M. Pierre Bonaparte.—Je vous prie de croire que je n'ai pas boudé.
M. le Ministre.—Je dis cette phrase à dessein. Dans la lettre que M. Pierre Bonaparte a cru devoir publier, il s'est plaint qu'on lui avait fait une condition qui n'était pas convenable; c'est à cela que réponds.
Je n'accuse en rien, Dieu m'en préserve, la bravoure de M. Pierre Bonaparte; je le crois aussi brave que tous nos soldats. Mais il ne s'agit pas de cela; il s'agit d'une expression que je crois devoir relever, et je déclare que le poste qu'on a donné à M. Pierre Bonaparte était un poste de choix, de faveur, qu'il devait en être content, puisqu'on l'envoyait à l'ennemi, et que, quand on porte son nom, on doit être enchanté de se trouver dans une pareille position. (Très bien! très bien!)
Qu'est-il arrivé? M. Pierre Bonaparte a reçu un commandement de son grade, on lui a donné le commandement de quatre cents hommes. Il s'est avancé en tirailleur sur l'ennemi: je ne juge pas le mérite du mouvement, s'il était plus ou moins rationnel, ceci est un fait purement militaire; vous me permettrez de le passer sous silence. L'engagement qui eut lieu a été vif; la ligne des tirailleurs a dû se retirer. M. Pierre Bonaparte a montré beaucoup de courage; il a été presque appréhendé au corps par un Arabe. Il l'a tué de sa main, c'était tout naturel; on ne devait pas attendre moins d'un homme qui porte son nom. Plus tard, un bataillon de renfort est arrivé; l'affaire a été reprise; chaque troupe est restée dans sa position respective.
Le lendemain, M. Pierre Bonaparte, qui la veille avait oublié qu'il était représentant, qui n'en parlait pas, le lendemain, M. Pierre Bonaparte s'en est souvenu.
M. Pierre Bonaparte.—Pas le lendemain!
M. le Ministre.—Peu importe! je n'épilogue pas sur les heures ou sur le jour. Bref, M. Bonaparte, quelque temps après, a trouvé qu'étant représentant du Peuple, il devait revenir dans cette enceinte. C'est fort bien; mais il aurait dû y penser avant de partir. En ce moment, il était devant l'ennemi; il aurait dû s'en souvenir. (Très bien! très bien!)
Qu'il me permette de lui dire qu'à sa place, en présence de l'ennemi, j'aurais parfaitement oublié que j'étais représentant. (Très bien! très bien!)
M. Pierre Bonaparte.—Je suis revenu pour affaire de service.
M. le Président.—N'interrompez pas; vous répondrez!
M. le Ministre de la guerre.—M. le général Herbillon, commandant militaire de la province de Constantine et des troupes qui font le siége de Zaatcha, a donné, il est vrai, à M. Pierre Bonaparte un ordre qu'il m'a remis entre les mains. Je lui ai dit: «Cet ordre vous couvre». C'était tout simple, et s'il ne vous avait pas couvert, savez-vous ce que j'aurais fait? Je serais venu ici; j'aurais demandé à l'Assemblée l'autorisation de vous poursuivre; je vous aurais fait arrêter et conduire par la gendarmerie à Constantine, et là, vous auriez été traduit devant un conseil de guerre. (Marques générales d'approbation.)
Je n'ai pas agi ainsi, parce que je ne devais pas le faire. Il ne restait aux yeux du ministre de la guerre qu'une faute, une faute grave; c'était de ne pas avoir accompli un mandat reçu. Ce mandat était important; il disait à M. Pierre Bonaparte d'aller à Alger; pourquoi faire? C'était une chose à peu près inusitée qu'un officier commandant une troupe, et une troupe devant l'ennemi, en fût détaché pour aller devant le gouverneur d'Alger demander des secours. Mais enfin j'accepte cette mission tout étrange qu'elle puisse paraître. Du moins fallait-il l'accomplir. Or, que se passe-t-il?
En arrivant à Philippeville, M. Pierre Bonaparte trouve des troupes qui débarquaient. C'était une chose toute simple. En ne consultant que mon coeur de soldat, je me serais mis à la tête de ces troupes, je serais parti avec elles, et le lendemain je serais monté à l'assaut de Zaatcha. (Très bien! très bien!)
M. Pierre Bonaparte.—Un officier au titre étranger ne peut pas commander! D'ailleurs, il y avait des lieutenants-colonels.
M. le Ministre.—M. Pierre Bonaparte en a jugé autrement. Il arrive à Philippeville; un paquebot partait pour la France: il prend passage à bord de ce paquebot; il arrive à Marseille, puis à Paris. Arrivé à Paris, il se présente chez le ministre de la guerre. Je fus assez étonné de le voir: je connaissais son arrivée, du reste; je la connaissais par un rapport du préfet de police, et je devais la connaître, parce que, dans toute hypothèse, il m'importait beaucoup de savoir où était M. Pierre Bonaparte.
M. Bonaparte se présente chez moi. Je lui demande par quel hasard il est à Paris. Il me montre son ordre. Je lui dis: Cet ordre vous couvre par rapport à Zaatcha, par rapport à l'abandon d'un poste militaire. S'il en eût été autrement, c'eût été un déshonneur; un Bonaparte ne peut pas se déshonorer, c'est impossible.
M. Pierre Bonaparte me montre ensuite un projet de lettre contenant des doctrines que je ne pouvais pas accepter et que j'ai combattues, doctrines que vous avez entendues et qui auraient pour conséquence de mettre le Gouvernement dans l'impossibilité absolue de donner quelque mandat que ce puisse être à des membres de cette Assemblée. (Très bien!)
Nonobstant mes observations, M. Pierre Bonaparte a fait insérer dans les journaux la lettre que vous avez lue, et il l'a signée. Le Gouvernement était mis en demeure de répondre; il l'a fait par le décret que vous connaissez. (Bruit.) Je répète ma phrase. Le Gouvernement était mis en demeure de répondre à la lettre de M. Pierre Bonaparte; c'était une espèce de défi; le Gouvernement a répondu par le décret que vous avez vu.
M. Pierre Bonaparte.—Par dépit!
M. le Ministre.—Il était dans son droit, dans son droit absolu, et s'il ne l'avait pas fait, vous auriez eu grandement raison de l'en blâmer. (Très bien!)
Je ne touche pas aux questions de famille, elles ne sont pas de ma compétence.
Quant aux influences du Gouvernement, je déclare très haut que M. le président de la République n'a pour conseillers que ses ministres; nous n'en connaissons pas d'autres, nous ne subissons l'influence de qui que ce soit. (Très bien!)
Nous venons ici franchement, loyalement, vous apporter des projets de lois, les mesures que le Gouvernement croit bonnes; nous nous inspirons des votes de la majorité de cette Assemblée; nous nous conformons à ce qu'elle décide, et nous serons toujours heureux de marcher avec elle. (Approbation vive et prolongée.)
M. le Président.—La parole est à M. Pierre Bonaparte.
M. Pierre Bonaparte.—Citoyens représentants, je tiens seulement à vous soumettre mon opinion sur un point du discours de M. le ministre.
Il a dit que si je n'avais pas eu un ordre du général Herbillon m'envoyant de Philippeville à Alger, il aurait demandé à l'Assemblée nationale l'autorisation de me poursuivre devant un conseil de guerre. Mon opinion est que, si l'Assemblée avait accordé une pareille autorisation, elle aurait abdiqué son droit et ses prérogatives les plus essentielles (Murmures et dénégations); car, s'il plaisait, par exemple, à MM. les ministres d'éloigner de l'Assemblée un membre quelconque; si, par suite de promesses, de séductions, je ne sais quoi.... (Nouveaux murmures.)
Un membre.—On est libre d'accepter.
M. Pierre Bonaparte.—... Ils n'avaient qu'à l'envoyer en Algérie, au Sénégal, n'importe où, alors les membres dont la présence pourrait être incommode seraient éloignés au moins pendant six mois. (Dénégations.) Et notez bien une chose, c'est que, les six mois expirés, si le représentant n'est pas revenu à son poste, sa qualité, son caractère est perdu de droit. Je voulais seulement vous soumettre cette observation.
M. le Président.—L'incident me paraît vidé.
M. Pierre Bonaparte.—Je propose un ordre du jour motivé.
M. le Président.—Voici l'ordre du jour motivé que M. Pierre Bonaparte propose à l'Assemblée:
«Considérant que les missions ou commandements temporaires dont les représentants du Peuple peuvent être investis, conformément à l'article 85 de la loi électorale organique, ne peuvent leur enlever leur droit d'initiative parlementaire, ni l'indépendance de leur caractère législatif;
«Considérant qu'il ne peut appartenir à personne d'empêcher ou d'interdire, par quelque raison que ce soit, l'accomplissement de leur mandat,
«L'Assemblée passe à l'ordre du jour.»
M. le Ministre de la guerre.—Je demande l'ordre du jour pur et simple.
Voix nombreuses.—Non! non!—Aux voix l'ordre du jour motivé!
M. le Président.—On a demandé l'ordre du jour pur et simple. (Non! non! On n'insiste pas!)
Nombre de voix.—L'ordre du jour motivé!
M. le Président.—Je mets aux voix l'ordre du jour motivé présenté par M. Pierre Bonaparte.
(Personne ne se lève à l'épreuve; l'Assemblée presque entière se lève à la contre-épreuve.)
M. le Président.—L'Assemblée n'adopte pas l'ordre du jour motivé.
(Un grand nombre de membres viennent féliciter M. le ministre de la guerre.—La séance reste suspendue quelques instants; les représentants descendus dans l'hémicycle se livrent à des conversations animées.)
N° 11.—Extrait du compte-rendu de la séance de l'Assemblée législative du 22 décembre 1849, d'après le Moniteur, et Amendement de M. Pierre Bonaparte.
Discussion du projet de loi relatif à la création d'un quatrième bataillon dans le 1er régiment de la Légion étrangère, pour y recevoir une partie des hommes de la garde nationale mobile de Paris.
M. le Président.—L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la création d'un quatrième bataillon dans la Légion étrangère, pour y recevoir une partie des hommes de la garde nationale mobile de Paris.
Je dois d'abord consulter l'Assemblée sur l'urgence, qui est demandée par le Gouvernement et proposée par la commission.
(L'urgence, mise aux voix, est déclarée.)
M. le Président.—M. Pierre Bonaparte a la parole sur la discussion générale.
M. Pierre Bonaparte.—Citoyens représentants du Peuple, je m'associe de grand coeur aux intentions équitables que le projet du Gouvernement nous annonce en faveur des débris de notre jeune et héroïque garde mobile. Mais pour savoir si la position qu'on veut faire à ceux de ces jeunes soldats qui resteront sous les drapeaux est convenable, il faut examiner celle du corps où l'on propose de les faire entrer. Pour moi, je pense que nous devons nous refuser à assigner à des citoyens français (qui ont bien mérité de la patrie, qu'on ne l'oublie pas) une position qui, même pour les militaires étrangers qui nous servent, n'est pas en rapport avec la justice et la générosité de notre caractère national. Aussi, je repousse le projet, si les conditions actuelles d'existence de la Légion étrangère ne sont pas modifiées.
J'ai remarqué que bien des personnes, même appartenant à l'armée, sont loin de se faire une idée bien nette des différentes catégories militaires qui composent ce corps. Il faut avouer que cela s'explique par l'étrangeté même de ces conditions diverses; mais si l'Assemblée le permet, je les rappellerai succinctement.
Il y a d'abord, dans la Légion étrangère, des officiers comme dans les autres régiments, c'est-à-dire français servant au titre français, et jouissant, par conséquent, des mêmes droits et des mêmes garanties que tous les autres officiers de l'armée.
Il y a des officiers étrangers, naturalisés civilement, ou non , et servant tous également au titre étranger.
Il y a des officiers français sortis du service étranger et servant au titre étranger.
Il y a enfin des officiers démissionnaires du service français, et réintégrés au titre étranger.
Lorsque les officiers étrangers ont été placés dans la Légion, en conformité de la loi du 9 mars 1831, leurs lettres de service étaient conçues comme celles des corps français. Ils croyaient donc n'être soumis qu'à la condition de ne pas servir en France. Leur erreur était bien naturelle, car les lois organiques du 11 avril 1831, 14 avril 1832, 19 mai 1834, sont muettes à leur sujet; et si l'article 3 de l'ordonnance du 5 mai 1832 les frappait (très justement au point de vue national) d'une exclusion pour le commandement, du moins leur offrait-elle la voie de la naturalisation civile, pour rentrer dans le droit commun et obtenir la naturalisation militaire.
Tel était, en effet, le sens de l'article 3 de l'ordonnance du 5 mai 1832, abrogé depuis par l'ordonnance du 18 février 1844. S'il eût pu rester quelque doute dans l'esprit des officiers de la Légion à cet égard, ce doute aurait disparu devant les explications données par le ministre de la guerre en maintes circonstances, et devant les autorisations de permutation accordées entre des officiers étrangers naturalisés servant dans la Légion et des officiers des régiments français.
J'ai eu sous les yeux:
1° Une lettre du 3 décembre 1834 (postérieure ainsi à la promulgation de la loi sur l'état des officiers), dans laquelle il est dit: «Direction du personnel et des opérations militaires.... Ce n'est donc que lorsque M. de Caprez aura été naturalisé Français qu'il sera en position de demandera permuter; mais, tant qu'il conservera la qualité d'étranger, sa réclamation à cet égard ne saurait être accueillie. Signé: Miot.»
2° Une liste des officiers étrangers, provenant notamment des régiments suisses, qui servent maintenant dans des corps français, et qui sont sortis de la Légion par permutation. Parmi eux figurent un lieutenant-colonel et un chef de bataillon.
Cette position n'a été changée qu'à l'organisation de la deuxième Légion étrangère, en 1837. Depuis lors les brevets des officiers au titre étranger contiennent l'annotation suivante: Cette nomination étant faite en vertu de la loi du 9 mars 1831 ne donne pas à M.N. les droits conférés aux officiers français par la loi sur l'avancement et celle sur l'état des officiers.
Puis est survenue l'ordonnance du 16 mars 1838, qui, par les articles 195 à 203, règle l'avancement, dans la Légion, pour les grades supérieurs. Ces articles, dans leurs dispositions favorables à l'ancienneté, ne sont pas applicables en Algérie, par suite de l'application qui est faite à l'année de l'article 20 de la loi du 14 avril 1832.
Enfin a paru l'ordonnance du 18 février 1844, qui a, pour la première fois, décidé que la naturalisation civile n'ajoute aucun droit au commandement pour les officiers étrangers, et que les officiers français servant au titre étranger n'ont que les droits des officiers étrangers pour le commandement.
Aussi, peu à peu, les officiers étrangers se sont trouvés dans la position peu honorable et très blessante: 1° d'être révocables à volonté; 2° d'être, quel que soit leur grade, sous les ordres de l'officier français qui commande; 3° d'être privés à jamais, à un tour d'ancienneté, de devenir officiers supérieurs. On ne leur a conservé que les bénéfices de la loi du 11 avril 1831!
J'ajoute qu'en campagne, lorsqu'il a dû être fait application de la décision de 1844, cette décision a été violemment mise de côté par les généraux en chef de notre armée, comme nuisible au service de l'Etat et à la dignité de tous les officiers, étrangers ou non. Des officiers qui sont le type de l'honneur militaire ont obéi à un commandant de colonne au titre étranger, bien que connaissant l'incapacité dont le frappait l'ordonnance.
Quant aux officiers français sortis du service étranger, et admis avec un grade dans la Légion, leur position est prévue et définie par l'article 197 de l'ordonnance du 16 mars 1838. Il serait juste, indispensable même, d'améliorer leur sort; mais, pour éviter les abus, on est d'accord, en général, que ce mode d'admission aux emplois militaires devrait être supprimé pour l'avenir.
Restent les officiers démissionnaires du service français et replacés au titre étranger.
Constatons d'abord que ce n'est qu'en fraude de la loi, par suite d'une fiction, que les officiers en question ont pu être placés dans la Légion. Mais peut-on exciper de cette illégalité pour repousser leurs demandes sans examen? Non, sans doute; et leurs droits, s'ils en ont, restent intacts. Mon opinion, basée sur l'examen des lois et règlements qui régissent l'armée, me porte à défendre la position des officiers démissionnaires, et à penser que le conseil d'Etat leur serait favorable, s'ils s'adressaient à lui pour régulariser leur position actuelle.
Il semble que c'est à tort que le Gouvernement a renoncé aux prérogatives auxquelles n'avaient pas porté de restriction les lois de 1818 et de 1832; et que, notamment pour les officiers démissionnaires, c'est à tort qu'il n'a pas soutenu, avec la loi et le droit, qu'il était permis au Pouvoir exécutif de replacer ces officiers dans les rangs de l'armée française.
En effet, avant la loi du 1er avril 1848, la volonté du chef de l'Etat faisait d'un simple soldat un caporal ou un général. La loi de 1818 est la première restriction apportée à la toute-puissance du roi en fait d'avancement. C'est elle qui, en consacrant les droits de l'ancienneté, a fait participer l'armée à l'édit de 1789, portant que tous les Français seront admissibles à tous les emplois.
La loi du 14 avril 1832 n'a pas créé un seul principe nouveau en fait d'avancement; elle a seulement, disait le rapporteur devant la chambre des députés, élargi les droits du pouvoir nouveau, en supprimant de la législation de 1818 les prescriptions incompatibles avec le bien du service, et provenant des défiances outrées, disait toujours le rapporteur, que l'on avait éprouvées contre l'ancien gouvernement.
Il est très remarquable qu'aucune de ces deux lois, la dernière surtout, n'ait pas résolu la question de légalité concernant la réintégration des officiers démissionnaires, et que, dans les discussions auxquelles elles ont donné lien dans le parlement, pas une voix ne se soit élevée pour provoquer à ce sujet une solution désirable.
On conçoit que la loi du 1er avril 1818 se taise à cet égard; mais, après la controverse qui s'est élevée, à propos de cette réintégration, à la fin de 1828, il est vivement à regretter que le doute, au moins, soit encore permis.
Sous l'empire de la loi de 1818, le roi croyait avoir conservé le droit de rappeler au service les officiers démissionnaires. Il résulte de la dernière décision insérée au journal militaire officiel, premier semestre 1827, page 192, qu'il n'a jamais abandonné cette prérogative. Le gouvernement de juillet s'en est servi longtemps sans opposition; puis il y a renoncé de fait, mais en soutenant son droit à cet égard. Le gouvernement de février a relevé des officiers soit de la retraite, soit de la réforme, soit de la démission, en consultant seulement les intérêts de la République.
Il résulte de là qu'il n'existe aucune décision législative défavorable aux officiers démissionnaires. Il est à désirer qu'elle soit rendue, car ces officiers abandonnent généralement l'armée pour suivre une carrière plus avantageuse en temps de paix, et ils ne devraient pas pouvoir reprendre leur rang, par exemple, en temps de guerre, au préjudice de leurs camarades qui ont continué à suivre les bonnes et mauvaises chances de la carrière; mais enfin des décisions royales non rapportées existent, et elles établissent les droits des officiers démissionnaires.
Les officiers démissionnaires qui servent dans la Légion m'ont communiqué une liste de leurs camarades qui, plus heureux qu'eux, ont obtenu de la bienveillance du Gouvernement soit d'être réintégrés directement dans un régiment français, soit de permuter pour passer dans un de ces régiments, après avoir été nommés à la Légion et avant de rejoindre, soit enfin de sortir de la Légion avec un emploi dans l'état-major des places, que les officiers servant au titre français seuls peuvent obtenir.
On m'a cité, au 2e régiment de la Légion, un fait assez curieux qui prouve que la législation est encore indécise à ce sujet. Deux officiers démissionnaires se rencontrent chez le directeur du personnel, demandant du service. Le premier, plus favorisé, est envoyé dans la Légion comme officier au titre étranger. Le deuxième, moins heureux et ayant moins de services, est envoyé aussi dans la Légion, mais en qualité de sergent, sans contracter d'engagement; et, ayant été nommé sous-lieutenant, il compte aujourd'hui au titre français. Cependant, aux termes de la loi d'avancement, et surtout de l'article 24 de l'ordonnance du 16 mars 1838, ce dernier ne pouvait légalement être réintégré au titre français, même comme sous-officier. Plusieurs officiers de la Légion, jadis démissionnaires, sont ainsi redevenus officiers au titre français.
Je ne terminerai pas sans mentionner la difficulté qui croit chaque jour, de faire faire un service actif aux vieux officiers, sous-officiers et soldats qui, après avoir rendu des services dans la Légion, ont acquis des droits à une position sédentaire. Les modifications que j'ai eu l'honneur de vous proposer par l'amendement qui a été distribué hier, permettraient d'avoir de l'humanité envers ces braves. Et c'est bien peu que de ne demander pour eux que de l'humanité; car en consultant la statistique au hasard, sur soixante officiers polonais, par exemple, arrivés à la Légion en 1832, cinquante-quatre sont morts, tués à l'ennemi ou succombant aux intempéries du climat. N'est-il pas évident que la mort atteint les étrangers avant qu'ils aient rempli le temps voulu par la loi pour la retraite, et ne serait-ce pas répudier toutes nos traditions que de condamner plus longtemps à de si dures conditions ces fidèles et intrépides défenseurs de notre drapeau?
Quant à la garde nationale mobile que le Gouvernement propose d'incorporer dans la Légion, au titre étranger, si des modifications équitables sont apportées à l'état des militaires servant à ce titre, elle y trouvera un champ digne de la noble et patriotique ardeur dont, au point de vue militaire, nous avons admiré le brillant essor aux jours néfastes de juin.
Souhaitons, en tout cas, que le nouveau triage qu'indique l'article 1er du projet ne soit point arbitraire, et surtout qu'il n'ait point pour base les opinions politiques.
J'aurai l'honneur de proposer à l'Assemblée de vouloir bien renvoyer mon amendement à l'examen de le commission.
Amendement.
Articles 1, 2 et 3.
Comme au projet du Gouvernement.
Art. 4.
Nonobstant le 5e paragraphe de l'art. 20 de la loi du 14 avril 1832, l'art. 200 de l'ordonnance du 16 mars 1838 sera applicable aux officiers étrangers, naturalisés on non.
Art. 5.
La réforme de ces officiers pourra être prononcée par le président de la République, sur la proposition du ministre de la guerre.
Le 5e paragraphe de l'art. 18 de la loi du 19 ai 1834 est applicable à la Légion étrangère.
Art. 6.
Les officiers étrangers naturalisés français seront aptes, après dix ans au moins de service dans la Légion, à être naturalisés militairement, par décision du pouvoir exécutif, rendue sur la proposition du chef de corps, faite à l'inspection générale.
La naturalisation militaire fait entrer l'officier dans le droit commun, et lui confère tous les droits de l'officier français.
L'article 5 de l'ordonnance du 3 mai 1832, modifié par celle du 18 février 1844, sera définitivement arrêté de manière que ce ne soit qu'à grade égal que les officiers étrangers naturalisés français soient sous les ordres des officiers français, et qu'ils commandent, à leur tour, ces derniers à supériorité de grade.
Art. 7.
Les officiers français sortis du service étranger, et actuellement pourvus d'un grade dans la Légion, sont déclarés aptes à être naturalisés militairement, après dix ans au moins de services effectifs.
Toutefois, l'art. 197 de l'ordonnance du 16 mars 1838 est supprimé, et aucun Français ne pourra, à l'avenir, être admis avec un grade dans la Légion, s'il ne remplit les conditions voulues par la loi, pour l'admission aux emplois et l'avancement dans les autres corps.
Art. 8.
Les officiers démissionnaires du service français, actuellement pourvus, dans la Légion, d'un grade au titre étranger, pourront:
Être réintégrés directement dans un des corps français;
Ou permuter, pour passer dans un de ces corps;
Ou sortir de la Légion avec un emploi dans l'état-major des places.
Toutefois, aucun officier démissionnaire ne pourra, à l'avenir, être réintégré, à aucun titre, dans l'armée.
N° 12.—Autre Lettre à la Patrie.
Paris, 5 janvier 1849.
A M. le rédacteur de la Patrie.
Monsieur le rédacteur,
Le rapport général du siége de Zaatcha a paru au Moniteur.
M. le général Herbillon, en parlant de l'affaire du 25 octobre, dit:
«Les assiégés firent une sortie si vive que nous laissâmes entre leurs mains une caisse et des outils, et que je dus faire venir des troupes du camp pour assurer la retraite.»
Je ne disconviens pas que ces troupes du camp soient arrivées fort à propos.
Je ne parlerai pas de mes trois pauvres capitaines, Tonchet, Butet et Nyko, blessés grièvement tous trois, ni de ce que j'ai pu faire moi-même.
Mais un fait qu'il était bon de constater, c'est que l'ordre de battre en retraite, donné par le général Herbillon, m'a été transmis par mon colonel, et que, jusqu'à l'arrivée de cet ordre, j'ai tenu la position sans reculer d'une semelle.
La colonne expéditionnaire tout entière le sait.
Agréez, etc.
P.-N. BONAPARTE.