Voyages au front, de Dunkerque à Belfort
Ma dernière vision de ce front français que j’avais parcouru d’un bout à l’autre fut le tableau de cette maison bombardée et de ces hommes assis tranquillement au soleil, fumant leur pipe et jouant aux cartes, qui avaient l’ordre de tenir bon et de se faire tuer jusqu’au dernier plutôt que de laisser rompre le coin de secteur qu’ils avaient l’honneur de garder.
VI
L’ÂME DE LA FRANCE
Personne ne pose plus maintenant la question qui si souvent, au commencement de la guerre, m’est venue de mes compatriotes d’outre-mer: quelle est l’âme de la France? Elle l’a suffisamment montrée à tous. La France a pu paraître autrefois un problème inquiétant: elle est désormais devenue un lumineux exemple.
Cependant, ceux pour qui cette lueur a brillé de trop loin peuvent avoir encore quelque chose à apprendre quant aux éléments qui la composent, car elle est faite de plusieurs rayons distincts, et le terrible effort de l’année dernière a été le spectroscope qui les décomposait. Dès les tout premiers jours, quiconque en a senti le rayonnement, pareil à ces pâles clartés qui précèdent l’aurore, éprouvait la tentation irrésistible de la définir. «Il y a là une âme dont, dès les premiers jours, dès les premières heures, on a senti, dans l’air, les vibrations. En quoi donc consiste ce qui nous la révèle?»
Durant ces journées, la réponse était relativement facile. L’âme de la France, après la déclaration de guerre, c’était la pure flamme du sacrifice, le magnifique élan d’un grand peuple résolu à résister à la destruction. Mais à ce moment personne ne savait ce que la résistance devait coûter, le temps qu’elle devait durer, les sacrifices matériels et moraux qu’elle entraînerait. Tous les sentiments d’ordre inférieur furent réduits au silence. La cupidité, l’égoïsme, la lâcheté, semblaient avoir été expurgés de la race. La grande séance de la Chambre, cette cérémonie quasi religieuse où s’affirma l’union défensive, exprimait réellement l’opinion de la nation tout entière.
Il est comparativement aisé de s’envoler vers l’empyrée, poussé par un pareil élan, alors qu’on ne prévoit pas le temps qu’on restera ainsi suspendu! Mais la plus belle envolée a une fin: elle court grand risque, après un temps, de retomber comme un oiseau que ses ailes brisées retiennent dans les limites d’une basse-cour. L’état d’âme d’une nation ne peut pas rester longtemps au-dessus des sentiments individuels, et pour réaliser une âme nationale il ne faut rien moins que la nation tout entière. Le point réellement intéressant était donc, à mesure que la guerre se prolongeait, et devenait une calamité sans précédent dans les annales humaines, de voir comment le cœur de la France en affronterait l’épreuve, et quelles vertus elle en ferait jaillir.
La guerre a été une calamité sans précédent; mais ce qui est sans précédent n’a jamais fait peur à la France. Il n’y eut jamais race plus audacieuse à s’affranchir du passé, et aucune, par contre, qui ait à un tel point révéré ses reliques. C’est une grande force de pouvoir marcher sans le secours des analogies, sans s’appuyer sur l’exemple des autres: la France aux périodes de crise a toujours eu cette force. Mais plus la guerre se prolongeait, plus cette question devenait passionnante de savoir jusqu’à quelle profondeur on trouverait cette ténacité intellectuelle dans le peuple.
Deviendrait-elle purement instinctive? Résisterait-elle à l’épreuve d’une inaction prolongée?
Il n’y a jamais eu beaucoup de doute au sujet de l’armée: quand une race guerrière voit l’envahisseur sur son sol, on ne peut pas dire de ceux qui lui tiennent tête qu’ils sont inactifs. Mais derrière l’armée il y a les millions de gens qui attendent; pour ceux-là la vision de cette longue ligne immobile de tranchées pouvait petit à petit devenir une gênante habitude de la pensée, une entrave à l’activité et au plaisir.
Une guerre de cette sorte, revêche, sans événements, sans mouvement, pouvait rétrécir graduellement, au lieu de l’élargir, le courage des spectateurs. C’était le danger. La conscription, sans doute, était là pour diminuer ce péril. Chacun des Français a sa part égale dans la gloire comme dans la douleur. Mais cette gloire n’est pas de nature à transporter, à éblouir. L’impétuosité porte avec soi son auréole; seule l’imagination peut la voir briller au front de la ténacité. Les Français se sont toujours crus en quelque sorte les propriétaires de la première de ces deux qualités; la seconde leur est moins familière. Il y avait donc à craindre, à la longue, une désintégration graduelle mais irrésistible, non point de l’opinion publique, mais de quelque chose de plus subtil, de plus fondamental, le sentiment public. Il était possible que la France des civils, tout en paraissant dans l’ensemble se tenir à la même hauteur, se relâchât individuellement, et fît preuve de quelque défaillance en ce qui concerne la guerre.
Les Français ne seraient pas humains, et partant seraient sans intérêt, s’ils n’avaient pas laissé voir, par moments, des symptômes de ce danger. Il n’est pas un Français ou une Française—en dehors d’une poignée de théoriciens inoffensifs et peut-être timorés—qui ait hésité sur l’orientation de la politique militaire du pays; mais il y a eu naturellement des gens qui ont trouvé plus difficile qu’ils ne l’avaient attendu d’accepter les sacrifices imposés par cette politique. Comment s’en étonner? Chacun aurait pu, même sans les avoir vus, prédire leur existence. Il a été dur pour certains, plus dur qu’ils ne le pensaient, de renoncer à leur manière de vivre, au croissant de leur petit déjeuner; encore que le Français, sobre par nature, soit beaucoup moins l’esclave des raffinements qu’il a créés que les autres nations qui les ont adoptés.
Bien plus grand fut le nombre de ceux pour qui le sacrifice d’un bonheur personnel—de ce qui donne à la vie tout son prix, qui fait qu’un pays vaille qu’on se batte pour lui—a été infiniment plus pénible que l’imagination la plus inquiète ne pouvait l’entrevoir. Pour bien des mères et bien des veuves, un seul tombeau, un nom lu sur une liste de disparus, rend le grondement lointain de cette immense lutte vide de sens comme les divagations d’un aliéné.
Certes, il y en a eu ainsi; pas assez cependant pour troubler en quoi que ce soit le courant subtil du sentiment public. A moins qu’il ne soit plus vrai (et infiniment plus touchant) de supposer que, parmi tous ces malheureux, la plupart ont eu le courage de cacher leur détresse et de dire du grand effort national qui avait perdu presque tout sens pour eux: «Quand même Il me détruirait, j’espérerais encore en Lui.» C’est là probablement la plus belle victoire remportée par l’âme de la France: que ses courants de feu jaillissent de tant de cœurs rendus insensibles par la douleur, que tant de mains qui sont mortes nourrissent la lampe qui ne meurt pas.
Cela n’implique en rien que la résignation soit la note dominante dans l’âme de la France. L’attitude du peuple, après ces quatorze mois d’épreuve, n’est nullement l’attitude de la soumission à une calamité sans exemple. C’est celle de l’exaltation, de l’énergie: une décision ardente de dominer le désastre. Dans toutes les classes ce sentiment est le même: chaque mot, chaque acte est basé sur la résolution de ne penser à rien d’autre que la victoire. Le peuple français ne songe pas plus à un compromis qu’on ne songerait à affronter une inondation ou un tremblement de terre en agitant un drapeau blanc.
L’observateur de cette lutte, qui risque de telles assertions, doit s’attendre à ce qu’on lui pose deux questions. Comment, lui dira-t-on, se manifeste cette âme nationale? Et quelles sont les conditions et les qualités d’où elle dérive?
Maintenant que le tumulte et les clameurs s’éteignent, que la vie des civils est retombée à peu de chose près à son habituelle routine, les manifestations de cette âme nationale sont naturellement moins nettes qu’au début. L’une des plus évidentes, c’est l’esprit dans lequel les privations de toutes sortes sont acceptées. Quiconque a été en contact avec le peuple des ouvriers et des petits boutiquiers de Paris, depuis un an, ne peut manquer d’avoir été frappé par la dignité et la grâce avec lesquelles il s’accommode aux nouvelles conditions de la vie. La Française, devant la porte de sa boutique vide, garde le même sourire avec lequel elle faisait patienter ses clients trop nombreux. La couturière qui vit du maigre salaire gagné dans un ouvroir de charité travaille aussi consciencieusement que si elle était payée fort cher dans un atelier à la mode; elle n’essaie jamais, par quelque allusion à ses difficultés personnelles, d’obtenir un secours supplémentaire. L’habituelle belle humeur de l’ouvrière parisienne se hausse, aux heures de douleur, au plus admirable courage. Dans un ouvroir où, depuis le début de la guerre, beaucoup de femmes ont été employées, une fillette de seize ans apprend une après-midi que son frère unique vient d’être tué. Elle éprouve un moment d’horrible détresse; mais il y a toute sa nombreuse famille, que son pauvre salaire aide à vivre, et le matin suivant, ponctuellement, elle retourne à son ouvrage. Dans ce même ouvroir les femmes ont une demi-journée de congé par semaine, sans réduction de salaire; pourtant s’il y a une commande pressée pour un hôpital, elles renoncent à leur après-midi aussi gaiement que s’il s’agissait de leur plaisir. Mais ceux qui ont vécu depuis la guerre au milieu des ouvriers et des petits commerçants de Paris savent bien que si l’on commençait à citer des exemples d’endurance, d’abnégation et de charité discrète, la liste en serait interminable.
Quant à la seconde question: les conditions et les qualités d’où ces résultats dérivent, il est moins facile d’y répondre. On peut le faire de tant de manières, que toute explication dépend pour une bonne part de la tournure d’esprit personnelle de celui qui la donne. Mais une chose est certaine: l’éclosion de la nouvelle âme française ne s’est faite aux dépens d’aucun de ses traits nationaux, mais plutôt en les portant à leur maximum d’intensité; aussi le moyen le plus sûr pour découvrir le secret de cette «âme» est-il de se demander en quoi les qualités caractéristiques de la race—ou au moins celles qui paraissent telles à l’étranger qui les envie—ont directement influé sur son attitude actuelle. Parmi ses dons multiples, lesquels ont surtout aidé le Français d’aujourd’hui à être ce qu’il est, et à l’être comme il l’est?
L’Intelligence! C’est la réponse qui se suggère aussitôt à l’observateur d’un autre pays. Bien des Français ne paraissent pas s’en douter. Ils sont sincèrement persuadés que la répression de leur activité critique a été l’un des résultats les plus importants et les plus utiles de la guerre. On entend dire que, dans un esprit de patriotisme, ce peuple a appris à ne plus critiquer, lui qui n’a pas son pareil pour l’esprit de critique. Rien n’est moins vrai. Le Français, s’il a quelque grief, ne va point le crier dans le Times; son forum à lui c’est le café et non point le journal. Au café il continue à s’exprimer aussi librement que jamais, aussi vif qu’autrefois dans ses reproches, aussi passionné dans ses jugements. Mais le simple fait d’exercer son intelligence sur un problème autrement vaste et difficile que ceux qu’il affrontait précédemment l’a soustrait à l’empire des préjugés, des conventions, des phrases toutes faites qui avant la guerre gouvernaient son opinion. Alors son intelligence était canalisée, tandis qu’aujourd’hui elle a rompu ses digues.
Cet affranchissement a eu pour effet immédiat de remettre au point tous les éléments de la vie nationale. Les heures de grandes épreuves sont la pierre de touche des nations et la guerre a révélé au monde l’idéal national de la France.
Pas un instant ce peuple, si expert dans le grand art de vivre, ne s’est imaginé que le tout de la vie consistait à être vivant. Amoureux de plaisir et de beauté, jouissant librement et franchement du présent, il n’en a pas moins gardé le sens des réalités plus larges; il a compris que la vie se compose de bien des choses passées et futures, de sacrifices autant que de jouissances, de traditions autant que de renouvellements, du sacrifice des morts aussi bien que de l’effort des vivants. Jamais il n’a considéré l’existence comme une chose précieuse par elle-même, en dehors de la valeur de ses sensations et de ses émotions.
C’est donc en premier lieu l’intelligence qui a aidé la France à être ce qu’elle est; et puis un de ses corollaires, le don de l’expression. Les Français sont les premiers à rire d’eux-mêmes pour leur promptitude à recourir aux mots; tous, ils semblent regarder leur don d’expression comme une faiblesse qui risque de les détourner de l’action. L’expérience de l’année dernière n’a nullement confirmé cette vue. Elle a plutôt prouvé que l’éloquence est une arme de plus. Par «éloquence» je n’entends naturellement pas l’art de parler en public, non plus que cette façon d’écrire, toute de rhétorique, qu’on associe trop souvent avec ce mot. La rhétorique n’est que l’art d’habiller des sentiments conventionnels; l’éloquence est le don d’exprimer sans crainte une émotion réelle. Et ce don courageux—courageux en ce qu’il se moque du ridicule ou de l’indifférence de ceux qui écoutent—a constitué à la France une force inestimable. Ce qui montre le haut degré auquel atteint l’intelligence chez les Français, c’est qu’une émotion bien exprimée est capable d’aviver encore cette intelligence et de l’élever; c’est que le «mot» n’est point, par je ne sais quelle fausse honte, considéré comme distinct de l’émotion, comme en dehors d’elle, ou même comme son simple dérivatif. Chez les Français le mot donne à la pensée à la fois son âme et sa forme. Tout ce qui aide à extérioriser les manières de sentir, en leur donnant une physionomie, un langage, est un appui moral aussi bien qu’artistique, et Gœthe ne fut jamais plus sage qu’en écrivant: «C’est un Dieu qui m’a donné la voix pour exprimer ma peine.»
On peut affirmer sans exagération que les Français en ce moment tirent de leur langage une part de leur force nationale. La piété avec laquelle ils l’ont aimé et cultivé en a fait entre leurs mains un instrument précieux. Il est capable d’exprimer si magnifiquement ce qu’ils sentent, qu’ils trouvent à s’en servir un soutien et une force; et le mot une fois jailli passe de l’un à l’autre, apportant à tous le même réconfort. Ceux qui ont vécu l’année dernière en France en pourraient citer d’innombrables exemples. Sur les cadavres de jeunes soldats on a trouvé des lettres d’adieu à leurs parents qui font songer à des vers héroïques de Shakespeare; et les mères à qui ces enfants ont été ravis leur ont répondu par un cri non moins héroïque.
Quand l’éloquente expression d’un sentiment ne se traduit pas en action—tout au moins en un état d’âme équivalent à l’action—elle tombe au niveau de la rhétorique; mais en France, en ce moment, l’expression et l’acte se continuent et se reflètent l’un l’autre. Et me voici conduite à cette autre grande qualité qui contribue à former l’âme de la France: la qualité du courage. C’est à dessein qu’il vient le dernier dans ma liste. Le courage français est un courage rationnel, prémédité, et reconnu nécessaire en vue d’une fin spéciale; il est, au même titre que les autres qualités du tempérament français, le produit de l’intelligence.
Un peuple aussi sensible à la beauté, portant à la vie un intérêt si passionné, tellement doué du pouvoir d’exprimer et de donner une forme éternelle à cet intérêt, ne saurait vraiment aimer la destruction pour elle-même. Les Français détestent le «militarisme». Ils le trouvent stupide, inesthétique, dépourvu d’imagination, asservissant; rien, plus que ces quatre motifs, ne pourrait le leur faire haïr davantage. Les Français n’ont jamais goûté ces formes sauvages du sport qui stimulent le sang de races plus apathiques ou plus brutales; ni les matches de boxe, ni les courses de taureaux ne sont nés chez eux, et les Français ne règlent pas leurs disputes personnelles sur-le-champ et à coups de poing; ils le font logiquement, et de propos délibéré, sur le terrain. Mais quand un péril national les menace ils deviennent instantanément, comme ils le disent fièrement et si justement eux-mêmes, «un peuple guerrier»; ils mettent à leur patriotisme l’ardeur, l’imagination, la persévérance qui ont fait d’eux, pendant des siècles, la grande force créatrice de la civilisation. Chaque soldat français sait pourquoi il se bat, et pourquoi, en ce moment-ci, le courage physique est la première qualité qu’on attend de lui. Chaque Française connaît les causes de la guerre et sait que son courage moral est indispensable pour aider le soldat à mieux mépriser la mort.
Les femmes de France font paraître ce courage moral dans les actes aussi bien que dans les mots. Elles sont peut-être, dans l’ensemble, moins braves d’instinct, au sens élémentaire, que leurs sœurs anglo-saxonnes. Elles ont peur de plus de choses et ont moins honte de laisser voir leur peur. La maman française dorlote ses enfants, les garçons comme les filles: s’ils tombent et se font mal au genou, on s’attend à ce qu’ils pleurent au lieu de les dresser à rester maîtres d’eux-mêmes, comme les petits Anglais et les petits Américains. J’ai vu de grands garçonnets français braillant pour une coupure ou une contusion qu’une fillette anglo-saxonne du même âge se serait crue obligée de supporter sans une larme. Les Françaises sont timides pour elles-mêmes autant que pour leurs enfants. Elles ont peur de l’inattendu, de l’inconnu, de tout ce qui est nouveau pour elles. On ne les dresse d’aucune manière à affecter le courage physique. Il leur manque l’avantage de notre discipline, qui fait du courage presque une hypocrisie mondaine, et quand vient pour elles le moment d’être braves, elles doivent tirer leur bravoure de leur cerveau. Il faut d’abord qu’elles soient convaincues de la nécessité de l’héroïsme; après quoi les voilà capables de marcher de pair avec Jeanne d’Arc.
C’est ce même courage raisonné qu’elles ont manifesté en s’adaptant si vite à toutes sortes de besognes qui n’étaient point faites pour elles. Presque tous les services rendus par elles depuis la guerre étaient essentiellement contraires à leur nature. Un médecin français me faisait un jour remarquer que les Françaises ne font vraiment de bonnes infirmières que pour les leurs. Elles sont trop personnelles, trop émotives, s’intéressent à trop de choses intéressantes, pour se donner aux mille détails du métier d’infirmière à moins qu’il ne s’agisse de quelqu’un qui leur est cher. Même alors elles manquent assez souvent d’ordre et de méthode; mais elles remplacent ces qualités par une bonne volonté et une sympathie inépuisables. Elles sont devenues d’autant plus aisément d’excellentes infirmières que chacune d’elles, quand elle soigne un soldat français, a l’impression que c’est un des siens. Il peut lui arriver d’égarer un instrument ou d’oublier de stériliser un pansement; mais elle trouve toujours la parole consolatrice et le ton qui convient à l’égard des blessés. Cette solidarité profonde, due au service militaire obligatoire, s’épanouit durant la guerre en une dévotion exquise qui s’étend sur tous.
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Telle est donc l’âme de la France. Toute la partie civile du pays s’est fondue dans je ne sais quelle figure symbolique, qui porte secours et espoir aux combattants ou se penche avec tendresse au chevet des blessés. Le dévouement, l’abnégation, semblent instinctifs, mais ils reposent en réalité sur une connaissance raisonnée de la situation et sur une compréhension exacte de ce qui a une valeur dans la vie.
La France entière sait maintenant que tout le prix de la vie consiste en ce qui donne un libre essor à son génie national. Si la France périssait en tant que lumière intellectuelle et force morale, tout Français périrait avec elle; et la mort que les Français redoutent n’est pas celle des tranchées, mais celle qui entraînerait l’extinction de leur idéal national. C’est contre cette mort que la nation tout entière est en train de combattre; et c’est la connaissance raisonnée de ce péril qui fait en ce moment, du peuple le plus intelligent de la terre, le plus sublime.
FIN
TABLE DES MATIÈRES
| Pages. | |||
| I. | — | Le visage de Paris | 1 |
| II. | — | En Argonne | 53 |
| III. | — | En Lorraine et dans les Vosges | 109 |
| IV. | — | Dans le Nord | 167 |
| V. | — | En Alsace | 221 |
| VI. | — | L’âme de la France | 265 |
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PARIS
TYPOGRAPHIE PLON-NOURRIT ET Cie
8, RUE GARANCIÈRE
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