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Au Hoggar : $b mission de 1922

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Planche VII.

Enceinte tassilienne. Le bord Sud des Tassilis internes, près d’In Ebeggi, la « Discordance tassilienne » des Grès inférieurs sur les Schistes cristallins.

Végétation : 1, de Chobrok (en fleurs) ; 2, de Mourkba et 3, de Teleh.

Passons à l’Emmidir (ou Mouydir)[30].

J’ai étudié la corne Nord-Est du feston de l’Emmidir. Quand on vient d’Amguid, après la traversée Sud de l’erg d’Amguid et de l’oued Raris, on rencontre un éperon venant du Nord, de Grès inférieurs des Tassilis, appelé In-Touareren (ou Mongar-Tir) dominant le Pays cristallin qui s’étend au Sud de cet éperon.

J’ai constaté la présence, à la base des grès, des beaux conglomérats par lesquels la base de la série primaire tassilienne repose en discordance (la Discordance tassilienne) sur les Schistes cristallins dans la région Tassirt-Iskaouen.

Cet éperon, qui appartient donc à la zone des Tassilis internes, est séparé par la large vallée de l’oued Tidilekerer de la falaise Est des plateaux de Grès inférieurs des Tassilis internes de l’Emmidir qui vont se joindre dans le Nord aux plateaux des mêmes Grès inférieurs du pays d’Iraouen, dont nous avons parlé précédemment.

Cet éperon se soude également vraisemblablement à eux dans le Nord, dans la région d’Iraouen.

Après la traversée du reg de cet oued Tidilekerer, on arrive à cette falaise Est de l’Emmidir qui, plus au Sud, se continue par les monts Ihedran et de Raris.

Cette falaise, c’est l’escarpement des Grès inférieurs des Tassilis qui termine la zone des Tassilis internes de l’Emmidir sur les Pays cristallins ; ici elle est orientée Nord-Sud ; plus au Sud, elle prend une orientation Nord-Est-Sud-Ouest, pour, après avoir été Est-Ouest, se retourner Sud-Ouest-Nord-Est et gagner la région de Tadjemout dont il sera question plus loin.

Cette falaise forme ainsi la limite Sud du feston des plateaux de l’Emmidir — dominant le Pays cristallin de Raris et d’Aseksem.

Dans cette falaise, se trouve une échancrure faite par l’oued Tin Tarahit, qui descend du plateau pour aller se jeter avec l’oued Tidilekerer dans l’oued Raris, qui, lui-même, rejoint le grand collecteur de ces pays, l’oued Ir’err’er, dans la région d’Amguid.

C’est là que la piste escalade la falaise, et l’on parvient sur des plateaux correspondant à la zone des Tassilis internes, doucement inclinés vers l’Ouest, de la corne Nord-Est du croissant de l’Emmidir. On descend progressivement dans une dépression dite de Tiounkenin où affleurent, sur le flanc Ouest, les Schistes argileux à Graptolithes. Cette dépression appartient à une zone de dépressions qui sépare dans cette région des Tassilis internes de Tassilis externes.

C’est l’analogue du Tahihaout, de la dépression de Tounourt, etc.

Là, se trouve un gisement abondant de Graptolithes au voisinage immédiat du puits Abankor de Tiounkenin.

Le sillon que nous avons indiqué dans la région type Tassirt-Iskaouen, puis dans la région d’Iraouen, correspondant à l’affleurement des Schistes à Graptolithes, existe donc également dans la partie Nord-Est de l’Emmidir.

Vers le Sud de Tiounkenin, il se continue, toujours à l’Ouest de la grande falaise terminale de Raris, limitant à l’Ouest la zone des Tassilis internes de l’Emmidir, par la vallée où se trouve l’aguelmam d’Afelanfela (ou aguelmam Deïtman), puis l’oued Ir’err’er-oua-n-Isananen et, décrivant un feston, gagne la cuvette de Taoulaoun dont il sera question plus loin.

Après Tiounkenin, nous rencontrons une seconde zone de plateaux, les Tassilis externes de l’Emmidir, toujours inclinés vers l’Ouest avec les monts de Khanget-el-Hadid, que traverse l’oued Tiounkenin (ou Khanget-el-Hadid).

Vers la partie externe, après les Grès supérieurs des Tassilis, on rencontre dans des grès un superbe gisement à Spiriferidés du Dévonien inférieur, aux environs immédiats de l’aguelmam Hindebera dans l’oued Tiounkenin (Khanget-el-Hadid).

Au sujet de la concordance de ce Dévonien avec les Grès supérieurs, je fais toutes les réserves.

Ils m’ont paru en concordance.

Les Tassilis externes se terminent à l’Ouest par le plongement des grès très inclinés sous la plaine du Mâder Amserha (ou Mâder Khanget-el-Hadid).

J’ai pu suivre par leur côté Ouest les Tassilis externes vers le Nord jusqu’à l’oued Henin (Tilia). Dans cette région, leur plongement vers l’Ouest est constant et très accusé.

Vers le Sud, les Tassilis externes de l’Emmidir, constitués probablement par les monts Ezzetorin et Tesadit, Talmest, Tifirin, etc., s’incurvent pour prendre une direction Est-Ouest, puis Sud-Est-Nord-Ouest, comme nous l’avons vu pour les Tassilis internes à propos de leur falaise terminale sur le Pays cristallin.

Le pendage général restant constamment dirigé vers le centre du croissant.

J’ai traversé la corne Nord-Ouest du feston de l’Emmidir[31], à Aïne-Redjem. Là, l’Emmidir projette vers le Nord une apophyse, une série de dômes allongés Nord-Sud ; ce sont les dômes allongés de la montagne d’Aïne-Redjem, du Djebel Idjeran et du Djebel Azaz-Aïne Kahla.

Entre ces dômes, des ensellements, dont le plus accusé est celui par lequel l’oued Idergan traverse cette corne Ouest de l’Emmidir et où se trouve Aïne-Redjem.

La surface générale de ces dômes allongés m’a paru constituée par les Grès supérieurs des Tassilis.

L’anticlinal du Djebel Idjeran est éventré, et les Schistes argileux à Graptolithes doivent être mis à nu au milieu du Djebel Idjeran, probablement là où on signale des palmiers.

L’anticlinal d’Aïne Kahla est éventré plus encore : les Schistes cristallins eux-mêmes sont entamés dans l’axe de l’anticlinal.

Vers le Sud, cette région anticlinale qui constitue la corne Nord-Ouest du feston de l’Emmidir semble largement éventrée. D’après les travaux de M. Gautier sur le Mouydir Ahnet, — ces travaux qui marquent une étape si importante dans la connaissance de ces régions — il semble que cet éventrement détermine une avancée du Pays cristallin vers le Nord qui sépare les deux festons tassiliens de l’Emmidir et de l’Ahnet-Acedjerad (situé au Sud-Ouest de l’Emmidir).

Autour de cette avancée du Pays cristallin, il semble qu’on puisse distinguer toujours les mêmes zones : les lèvres supérieures de « la plaie » en Grès supérieurs des Tassilis, puis la zone déprimée des Schistes argileux (cuvette de Taoulaoun), puis les Grès inférieurs des Tassilis qui se terminent en falaise au bord de la cuvette de Tadjemout en discordance (la Discordance tassilienne) sur les Schistes cristallins de l’avancée de Tadjemout-Arack.

Vers l’Est, ces zones vont se raccorder, suivant le feston de l’Emmidir, et, comme nous l’avons indiqué précédemment, aux pays de la corne Ouest qui bordent également un anticlinal arasé, une avancée du Pays cristallin, l’anticlinal d’Amguid qui sépare l’Emmidir des Tassilis qui nous ont servi de type.

Au Sud-Ouest de l’Emmidir, l’Enceinte tassilienne est représentée par l’Ahnet-Acedjerad. Dans cette région, il semble, toujours d’après les importants travaux de M. Gautier, que l’on retrouve la même disposition que dans l’Emmidir : un feston de deux séries de plateaux, avec une zone de dépressions (la dépression d’Ouallen entre autres), correspondant à l’affleurement des argiles et Schistes siluriens à Graptolithes, feston en discordance (Discordance tassilienne) sur le Pays cristallin, le long et au bas de la falaise de son bord externe qui s’appelle ici le Bâten-Ahnet[32].

A l’Est de la région-type Tassirt-Iskaouen, l’Enceinte tassilienne prend une ampleur considérable particulière qu’il convient de signaler. Ce sont les vastes plateaux des Tassilis de l’Ajjer, terrains de parcours de toute une confédération de Touareg, la Confédération des Touareg de l’Ajjer.

On distingue toujours deux séries de plateaux séparés par la bande de dépressions de Tiremmar, de l’oued Iferniken, de l’oued Agou, et de la piste de l’Atafaït-Afa jusqu’aux monts Ekohaouen vers l’Est[33]. (Plus à l’Est, l’état des connaissances ne nous permet pas de faire des précisions, mais je suis certain que les explorations ultérieures constateront la continuité de structure de l’Enceinte tassilienne dans ces régions.)

Les grands escarpements des monts Ahellakan se poursuivent et les Tassilis internes dominent par leurs escarpements Sud le Pays cristallin de Tihodaïn, d’Abada-Hegerin, d’Admer et de l’erg d’Admer.

Ainsi, dans toute la partie Nord, Nord-Ouest et Nord-Est de l’Enceinte tassilienne, nous constatons une parfaite unité de structure.

Ainsi, comme la région-type Tassirt-Iskaouen, dans toutes ces parties de l’Enceinte tassilienne, on constate la présence des Grès supérieurs, des Schistes argileux à Graptolithes siluriens et des Grès inférieurs, des Tassilis externes et des Tassilis internes et la présence d’une discordance (la Discordance tassilienne) à la base des Grès inférieurs.

Il est probable qu’au Sud les autres segments de cette enceinte (Tassilis de l’Ahaggar, Tassilis de l’Adrar, etc.) sont analogues.

Mais, s’ils présentent vraisemblablement la même structure générale et sensiblement les mêmes formations, il semble qu’ils diffèrent assez par certains côtés des parties Nord de l’Enceinte tassilienne.

Ainsi, il semble que les couches de grès soient plus horizontales, que les plateaux soient beaucoup moins en relief sur le Pays cristallin et plus ensevelis dans des formations d’ennoyage, et que cette partie de l’Enceinte tassilienne ait été moins affectée par des plissements que la partie Nord-Ouest en particulier.

Maintenant que nous avons montré combien les différentes régions de l’Enceinte tassilienne présentent de similitude de structure avec la région Tassirt-Iskaouen, et combien il était fondé de les réunir sous cette appellation commune « Enceinte tassilienne », il convient de définir exactement ce que nous rangeons sous ce nom. C’est :

L’ensemble des monts et des plateaux disposés autour du Pays cristallin du Massif Central Saharien, qui sont constitués par les mêmes formations ou par des formations du même âge que celles qui constituent les monts et plateaux de la région Tassirt-Iskaouen dont nous avons ébauché l’étude précédemment, c’est-à-dire Grès inférieurs, Silurien, Grès supérieurs et Dévonien inférieur[34].

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Les parties Nord et Nord-Est de l’Enceinte tassilienne sont ridées suivant une direction sub-méridienne, ainsi que cela a été déjà souvent signalé, avec une tendance vers une direction Nord-Ouest-Sud-Est[35].

Ces plissements provoquent la projection d’apophyses anticlinales vers le Nord, comme celles dont font partie les monts de Tisekfa, d’Adrar-n-Taserest (Djebel Tanelak), d’Aïne-Kahla, d’Hassi-el-Khenig, enfin de Timerguerden, la crête entre Takcis et oued Meraguem.

Cette dernière région anticlinale est prolongée vers le Nord peut-être par les anticlinaux arasés de Bled-el-Mass et d’Aïn Cheick-Aïn Chebbi où le cristallin semble à nu.

Nous distinguons d’une manière générale quatre régions anticlinales de l’Est à l’Ouest, qui groupent ces rides :

Région de Tisekfa entre les deux Isaouan, d’Amguid entre l’Isaouan-n-Tifernin et les pays de l’oued Abadra, d’Aïne-Redjem, entre les pays d’Abadra et de l’Ouest de l’oued El Khenig-Elouatia, et enfin la région anticlinale de l’Ouest de l’Ahnet-Acedjerad, entre les pays d’Elouatia et les pays peu connus de l’Ouest.

Ces régions anticlinales provoquent le long du bord interne de l’Enceinte tassilienne des avancées du Pays cristallin, qui donnent une allure festonnée, une allure en guirlande à l’Enceinte tassilienne dans ces régions Nord, Nord-Est et Nord-Ouest.

C’est ce que nous avons signalé pour les régions d’Amguid et d’Aïne Redjem-Tadjemout, où cela est particulièrement net, par qui sont séparés les festons des Tassilis de l’Ajjer, de l’Emmidir et de l’Ahnet.

Les rides et ondulations sont généralement assymétriques, le pendage du côté Est étant en général plus fort que le pendage du côté Ouest.

Il semble que ces bombements, ces rides, soient comme des vagues venant de l’Ouest, et de moins en moins accentuées à mesure que l’on va vers l’Est.

Mais nos connaissances des régions Est des Tassilis de l’Ajjer ne nous permettent pas de certitude au sujet de la continuation de cette formule tectonique vers l’Est.

On a parlé pour certains de ces accidents de « flexures » des grès, dues à des failles du socle cristallin en profondeur.

Cette manière de voir ne nous paraît pas très fondée pour le moment :

Nous n’avons pas observé dans les parties de l’Enceinte tassilienne de flexures typiques de cet ordre, mais généralement des ondulations, bombements, rides, etc., très nets.

Par exemple, à Tidjoubar (ou Aïne-Bou-Mesis), à l’Est d’Amguid, dans la zone des Tassilis internes des Tassilis de l’Ajjer, se trouve un bombement allongé à peu près Nord-Sud, très accentué et très caractéristique, qui incite à être très prudent avant d’adopter cette hypothèse des formations de reliefs dans l’Enceinte tassilienne par failles en profondeur et flexure en surface.

Les plissements sont plus marqués dans la zone des Tassilis internes que dans celle des Tassilis externes.

Il semble que les Schistes argileux à Graptolithes et leur cortège de schistes argileux multicolores, qui paraissent assez plastiques, aient amorti les mouvements et les aient transmis atténués dans les Grès supérieurs.

Quelle est l’histoire de ces mouvements de l’Enceinte tassilienne ?

Pour le moment, il est très difficile de formuler des affirmations, étant données, d’abord l’incertitude qui existe encore sur l’âge de certaines formations (Grès supérieurs, par exemple), ensuite les difficultés d’observation des liens exacts qui existent entre le Crétacé et les formations primaires et surtout entre les formations dévoniennes (méso (?) et supra) et les formations siluriennes (et (?) éo-dévoniennes).

Des lacunes peuvent échapper, ainsi que des formations de transgression, etc.

D’autre part, certains de ces contacts sont ennoyés, cachés et il est difficile de savoir si certains mouvements peu accusés ne disparaissent pas sous des formations reposant en discordance dessus (c’est le cas pour le Djebel Redjem).

C’est donc absolument sans certitude que l’on peut hasarder quelque chose sur l’histoire de ces mouvements.

Il convient peut-être pour le moment, par rattachement de ces mouvements à ceux constatés dans le Nord-Ouest (Touat et Saoura) par M. Gautier et classés hercyniens, de considérer encore que les formations de l’Enceinte tassilienne ont subi leurs plissements et mouvements divers à l’époque des plissements hercyniens.

Je tiens à souligner cette remarque que des mouvements calédoniens furent peut-être les principaux à intéresser les formations de l’Enceinte tassilienne, mouvements auxquels se seraient ajoutés ou superposés des mouvements hercyniens, et des mouvements alpins. A vrai dire, les plissements se sont succédé dans ces régions en épousant souvent plus ou moins les plissements précédents et il est difficile de faire la part de chacun. Et cette remarque est non moins importante pour les plissements du Pays cristallin dont nous parlerons plus loin.

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Il semble qu’il y ait des variations légères de facies, latéralement dans l’Enceinte tassilienne, en particulier le facies gréseux paraît plus accentué à l’Est, le facies marno-argileux à l’Ouest ; c’est ce qui, joint à une accentuation des plissements vers l’Ouest, produirait des différences d’aspect entre l’Emmidir et les Tassilis de l’Ajjer.

Ces deux caractères semblent d’ailleurs liés : les régions où les facies profonds argileux, marneux, schisteux sont les plus représentés, les régions Nord-Ouest, devaient être plus intéressées par des plissements que des régions à facies détritiques gréseux prédominant.

Ces Grès des Tassilis semblent franchement marins. Ils sont en général régulièrement lités ; on trouve des fossiles marins, en dessus et en dessous pour les Grès supérieurs, en dessus seulement, mais bathiaux (?) (Graptolithes) pour les Grès inférieurs.

Il est possible que les mers aient remanié des ergs lors de leurs transgressions.

Les Grès supérieurs se distinguent en général assez facilement des Grès inférieurs.

En particulier, les Grès inférieurs sont généralement beaucoup plus massifs.

Les plateaux de Grès inférieurs sont entaillés par des cañons très profonds, à parois ruiniformes, d’aspect très différent des cañons creusés dans les Grès supérieurs beaucoup moins pittoresques.

Citons le magnifique cañon de l’oued Iskaouen, creusé dans les Grès inférieurs.

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Nous avons vu que des avancées du Pays cristallin pénétraient l’Enceinte tassilienne, dans les régions anticlinales d’Aïne-Redjem et d’Amguid.

La mise a nu du cristallin dans l’axe de ces anticlinaux correspond à des dépressions, sans doute parce que les Gneiss, Granits et Micaschistes, roches hétérogènes, se désagrègent plus facilement sous l’action de l’érosion saharienne[36], que les grès quartziteux des Tassilis.

Et dès qu’ils sont mis à nu, les facteurs d’érosion ayant plus de prise sur eux, leur démolition est plus rapide.

C’est pour cette même cause sans doute que le contact des Grès inférieurs des Tassilis et du Cristallin se traduit par la saillie considérable des plateaux gréseux, sur le Pays cristallin, par un bâten (falaise) imposant qui entoure comme une barrière tout le Pays cristallin au Nord-Est, Nord et Nord-Ouest.

Planche VIII.

Enceinte tassilienne. Le cañon de l’oued Iskaouen dans les Grès inférieurs (Tassilis internes).

Un Etel (Tamarix articulata).

Pour expliquer la formation de cette imposante barrière, on a invoqué la présence d’une faille qui suivrait le bord interne des Tassilis internes.

Rien ne nous permet d’admettre l’existence de cette faille pour le moment, tout au moins l’existence aussi générale de cette faille.

La présence de témoins des Grès inférieurs des Tassilis sur le Pays cristallin très loin du « bâten » en question semble obliger soit à rejeter l’explication par failles d’une manière générale, soit à placer cette faille à une assez grande distance du « bâten » actuel, dans le Pays cristallin.

Ainsi, la gara Holla, à une trentaine de kilomètres des Tassilis, domine le Pays cristallin de l’Edjéré de son plateau escarpé, de Grès inférieurs des Tassilis.

Nous croyons que, en l’absence d’autres explications générales possibles actuellement, on doit admettre pour la formation de cette falaise, l’explication donnée plus haut.

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L’Enceinte tassilienne dont nous venons d’ébaucher l’étude et dont l’altitude ne dépasse guère 1.700 mètres, entoure un pays dont les montagnes atteignent de grandes altitudes (Tahat, 3.000) ; c’est le Pays cristallin.

En outre, les Pays pré-tassiliens, l’Enceinte tassilienne, étaient des pays à reliefs plus ou moins tabulaires, des pays tabulaires ; le Pays cristallin, lui, n’a pas ce caractère.

Du Pays cristallin.

C’est l’immense pays de l’Ahaggar (ou Hoggar).

Vaste pays de schistes cristallins percés d’intrusions de roches granitoïdes, injectés de pegmatites et de diverses roches filoniennes, souvent recouverts d’épanchements et d’appareils, et traversés de dykes volcaniques.

Des Schistes cristallins.

Le Massif Central Saharien a été décapé de sa couverture primaire (cambro (?)-silurienne) tout au moins à sa périphérie et les Schistes cristallins que nous avons vu apparaître en discordance sous l’Enceinte tassilienne, sont à nu sur une immense surface.

(On ne sait si la couverture primaire a couvert tout ce Pays cristallin actuellement à nu, dans l’absence de témoins, reconnus à ce jour, de cette couverture dans le centre du Pays cristallin ; il se peut qu’une partie de l’Ahaggar depuis les mouvements saharidiens dont il sera parlé plus loin soit toujours restée émergée, que les mers primaires n’aient jamais complètement recouvert le Pays cristallin, et qu’il y ait eu là un continent permanent, un « asile » depuis les débuts de l’ère primaire jusqu’à nos jours ?!.

On ne peut, pour le moment, affirmer quoi que ce soit à ce sujet.)

On trouve toute la gamme des schistes cristallins ; les gneiss dominent.

Il semble que ces roches, métamorphisées de façon et à des degrés variés, aient été des plus diverses avant leur transformation par les différents métamorphismes : grès, marnes et calcaires, roches d’épanchement volcaniques, etc., semblent avoir été représentés.

Nous avons recueilli de nombreux échantillons de ces Schistes cristallins.

L’étude minéralogique de ces échantillons, recueillis le long d’un itinéraire filiforme dans le Pays cristallin ne rentre pas dans le cadre de cet exposé général[37].

Nous laissons donc de côté l’étude minéralogique de ces Schistes cristallins de l’Ahaggar en attendant que des études de longue haleine nous permettent de les grouper suivant leur rapport avec les îlots de roches intrusives, suivant les influences diverses qu’ils ont pu subir : injections filoniennes, actions mécaniques, etc., et suivant les zones de profondeur auxquelles ils peuvent appartenir.

L’étude des Schistes cristallins de l’Ahaggar à ces points de vue, pourra revêtir un grand intérêt général par suite de la nudité de ces pays qui se prêtent plus qu’aucun autre à des études de cet ordre.

Ce sur quoi nous désirons attirer l’attention, c’est l’âge de ces Schistes cristallins, ainsi que l’âge et la forme de leurs plissements propres.

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L’âge des formations qui sont devenues les Schistes cristallins est, peut-être, anté-cambrien.

En effet, nous avons vu que l’Enceinte tassilienne reposait en discordance sur les Schistes cristallins plissés.

Dans cette enceinte, nous avons montré l’importance des formations siluriennes.

Même dans l’éventualité de la démonstration de l’absence du Cambrien à la base, on peut conclure avec beaucoup de probabilité à l’âge anté-cambrien des Schistes cristallins : car on peut considérer comme très longue la période qui sépare la date du dépôt des formations qui sont devenues par métamorphisme les Schistes cristallins, de la date de la transgression marine qui débuta par la formation des Conglomérats de base de la série tassilienne.

1º La transgression marine s’est faite en effet après le plissement, après l’injection de tout ce complexe cristallin par les pegmatites et après que l’érosion eut atteint ces filons de pegmatite (car nous avons constaté que la couverture tassilienne repose directement, en de nombreux points, sur un substratum de Schistes cristallins injectés de pegmatite).

2º Avant cette transgression, en effet, le « rabotage » du massif avait été très loin : le granit avait été atteint, ainsi que les diverses roches intrusives profondes (nous avons vu en divers points les Grès inférieurs reposer par les Conglomérats de base sur le granit) et il ne restait aucun élément non métamorphisé sous la couverture tassilienne, elle, non métamorphisée (nous n’avons vu nulle part dans le Pays cristallin de sédiments non métamorphisés, ni aucun explorateur).

3º Enfin le caractère général de cette discordance n’est pas en effet pour inciter à croire courte la période qui s’est écoulée entre plissement et transgression.

C’est pourquoi nous croyons ne pas nous écarter d’une très grande probabilité en qualifiant les Schistes cristallins d’anté-cambriens.

Dans ces Schistes cristallins peut-on faire des divisions stratigraphiques ?

Cela est impossible encore.

On est tenté de distinguer des pays de Schistes cristallins de caractère peut-être plus ancien.

Mais il n’est, pour le moment, pas prudent de s’abandonner à cette séduction.

La présence de discordance typique stratigraphique sur laquelle on puisse se fonder, avec conglomérats, dans les Schistes cristallins n’a pas en effet été observée, ni par nos prédécesseurs ni par nous-même.

Des quartzites (entre autres la pyramide de l’In Kaoukan dans l’Anahef) ont été observés par M. Buttler en légère discordance sur des gneiss sous-jacents.

Rien ne donne à cette discordance une importance suffisante pour le moment, ni caractère nettement stratigraphique (absence de conglomérats), ni grande extension, qui permette déjà de fonder sur elle une coupure dans les Schistes cristallins anté-cambriens. Mais elle laisse prévoir la possibilité d’une pareille éventualité[38].

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On avait tout d’abord, à la suite des découvertes de la Mission Flatters, rattaché les plissements propres aux Schistes cristallins, qui apparaissent au Sud des Tassilis, aux plissements calédoniens.

Puis, les découvertes des Schistes du Tindesset par la Mission Foureau-Lamy, considérés comme de la fin de l’Ordovicien, des Schistes d’El-Khenig, par le Capitaine Cottenest, considérés comme gothlandiens, avaient jeté quelque trouble dans les idées admises jusque-là sur la date de ces mouvements.

Les conditions de gisement de ces Schistes à Graptolithes n’ayant pu être éclaircies, on avait admis soit que ces schistes appartenaient à une partie non métamorphisée de l’ensemble des formations qui, métamorphisées, avaient donné les Schistes cristallins, — et alors l’hypothèse calédonienne restait absolument acceptable — soit que ces Schistes à Graptolithes considérés tous comme siluriens supérieurs, étaient à la base du complexe gréso-argileux dévonien, et alors il fallait admettre que les plissements qui avaient intéressé les Schistes cristallins et qui leur étaient propres étaient antérieurs à certains mouvements calédoniens typiques.

Mais, par suite de l’incertitude régnant en Ecosse sur la question de savoir si le Silurien supérieur avait été intéressé par les mouvements calédoniens, on avait voulu y voir les premiers mouvements calédoniens. C’est cette dernière opinion qui était celle de Suess qui déclarait qu’on ne saurait prétendre que les Saharides ne se révèleraient pas quelque jour comme le prolongement des Calédonides.

Ces plissements propres aux Schistes cristallins de l’Ahaggar furent dénommés Saharides par Suess, en attendant que des explorations ultérieures permettent de les rattacher avec certitude aux Calédonides.

Maintenant que nous avons étudié les relations des Schistes argileux à Graptolithes avec les Schistes cristallins, nous pouvons déclarer que les Schistes cristallins ont été plissés avant le Silurien — et vraisemblablement avant le Cambrien.

La possibilité de réaliser les espoirs de Suess et de rattacher les Saharides aux mouvements calédoniens est donc écartée à tout jamais.

Ces mouvements sont trop antérieurs aux mouvements calédoniens.

Et nous croyons pouvoir admettre que les mouvements les plus récents qui ont plissé les Schistes cristallins avant le dépôt en discordance dessus de la couverture tassilienne, sont algonkiens, et faisons toutes les réserves sur l’existence de mouvements antérieurs (discordance de l’In Kaoukan ?) intéressant une partie des Schistes cristallins, qui peut être mise en lumière un jour par l’étude approfondie du Pays cristallin.

Ainsi, les Saharides (pour conserver l’appellation de Suess) sont algonkiennes.

C’est là un des résultats de notre mission dont nous sommes fier que la démonstration de l’existence d’un « Faîte saharien » algonkien, comparable au « Bouclier canadien »[39], au « Faîte sibérien » et au « Bouclier baltique ».

Etudions maintenant les plissements eux-mêmes.

Tout d’abord, il convient de faire remarquer que l’état actuel de plissement des Schistes cristallins est le résultat de mouvements complexes.

Il est possible que pour certains des Schistes cristallins, les mouvements algonkiens se soient déjà superposés à d’autres antérieurs (discordance de l’In Kaoukan ?).

D’autre part, les Schistes cristallins plissés par les mouvements algonkiens ont sans doute été repris (la partie voisine de l’Enceinte tassilienne tout au moins) par les plissements postérieurs que nous avons décrits dans l’Enceinte tassilienne et qui ont déterminé l’allure festonnée de cette enceinte, par le découpage des régions anticlinales provoquant des avancées du Pays cristallin.

On ignore même si ces mouvements qui ont plissé l’Enceinte tassilienne n’ont pas eu une grande ampleur dans l’Ahaggar, et si cet Ahaggar ne présente pas actuellement le résultat de la mise à nu du Cristallin par décapage d’un vaste bombement d’âge alpin (?) ridé sensiblement Nord-Sud, avec tendance vers une direction Nord-Nord-Ouest-Sud-Sud-Est (les rides les plus accentuées se trouvant vers l’Ouest), par les mouvements hercyniens ou calédoniens (?) ou hercyniens et calédoniens (?) qui ont agité l’Enceinte tassilienne.

Ce dôme qui est décapé maintenant de sa couverture primaire pouvait même être une région de violents plissements primaires et les régions anticlinales de l’Enceinte tassilienne, dont nous avons esquissé les traits, ne représenteraient peut-être que les terminaisons mourantes vers le Nord des vastes rides de ce dôme qui, dans les régions ahaggariennes auraient été beaucoup plus accentuées, allant peut-être jusqu’au déversement et même à des nappes de charriage[40].

Cette hypothèse n’a rien d’impossible :

L’Enceinte tassilienne avec son pendage vers la périphérie se présente bien comme les bords d’un vaste bombement arasé et sa disposition en guirlandes paraît bien être le résultat du décapage d’un dôme plissé de rides sub-méridiennes (avec une tendance vers une direction Nord-Nord-Ouest-Sud-Sud-Est).

Enfin, il est possible que le Pays cristallin ait été le théâtre d’affaissements, de surrections, de mouvements épirogéniques en relation avec les phénomènes volcaniques dont nous parlerons plus loin, et avec les plissements tertiaires alpins dont ces incidents pourraient avoir été le contre-coup : le contre-coup de l’Atlas.

Il est donc difficile de déterminer, dans l’état actuel de plissements des Schistes cristallins, la part des plissements algonkiens, et la caractéristique de ces plissements.

Les observations que l’on peut faire au cours d’une rapide mission d’exploration ne permettent pas de répondre avec précision et certitude à ces questions ; une étude de longue haleine est nécessaire.

On a parlé d’une direction générale sub-méridienne des plissements saharidiens.

En effet, on constate que beaucoup de crêtes de Schistes cristallins dont certaines sont certainement de plissement surtout algonkien, sont voisines de la direction Nord-Sud, mais toujours avec une tendance vers Nord-Ouest-Sud-Est.

Ainsi, au mont Ahellakan où les Grès inférieurs des Tassilis reposent très calmes sur les Schistes cristallins, ce qui permet de considérer les plissements des Schistes cristallins dessous comme purement algonkiens, on constate que la direction des plissements est bien Nord-Nord-Ouest-Sud-Sud-Est.

Dans l’Edjéré, ces crêtes sont particulièrement nettes, émergeant des coulées dont nous parlerons plus loin. Elles sont en général plutôt Nord-Nord-Ouest-Sud-Sud-Est que Nord-Sud, avec le pendage des Schistes dirigés vers l’Est, tout le long de l’oued Tedjert en particulier.

Certaines crêtes sont dirigées presque Nord-Ouest-Sud-Est, en particulier à l’Est de la gara Holla.

La gara Tersi est un synclinal de Schistes cristallins isolé en « Monad-Nock », orienté Nord-Nord-Ouest-Sud-Sud-Est.

Dans la région Nord de l’Anahef, la région de l’In-Sakan, les Schistes cristallins ont une allure très calme et forment des plateaux ondulés, la direction des plissements semble encore Nord-Nord-Ouest-Sud-Sud-Est.

(Je citerai parmi ces ondulations l’anticlinal-dôme de l’In-Kaoukan.)

Dans la région d’In-Amdjel, les Schistes cristallins forment des crêtes également sub-méridiennes. Là, ils semblent laminés ; il se pourrait qu’il y ait eu des phénomènes de charriages.

Ainsi on constate dans l’Ahaggar, dans les plissements des Schistes cristallins, une direction dominante sub-méridienne Nord-Nord-Ouest-Sud-Sud-Est, à laquelle ne semble pas être étrangère la direction générale qui fut celle des mouvements algonkiens, des Saharides dans l’Ahaggar.

Il n’est peut-être pas inopportun de rappeler ici que la direction Nord-Ouest-Sud-Est est la direction des plissements algonkiens, entre la mer Blanche et le Nord de la Norvège.

D’autre part, il convient de faire remarquer que nous ne connaissons ces plissements algonkiens que par les régions du Nord et du Centre de l’Ahaggar, que ce n’est là qu’un aperçu relativement local sur ces plissements et qu’il est possible que d’autres explorations nous apprennent qu’ils ont une autre direction ailleurs et sont plus ou moins disposés en virgation.

Des explorations de la région entre Ahaggar et Tibesti seraient très intéressantes à ce sujet, ainsi que des explorations des pays cristallins de l’Eglab.

Cette direction sub-méridienne Nord-Nord-Ouest-Sud-Sud-Est qui déjà dans l’Ahaggar n’est pas absolument générale, ne peut encore être considérée comme la direction générale des Saharides, pour le moment.

Les plissements postérieurs semblent avoir épousé plus ou moins les directions des plissements algonkiens, avoir tout au moins été influencés par elles.

Et c’est à l’influence des plissements algonkiens en particulier qu’on pourrait peut-être attribuer la tendance Nord-Ouest-Sud-Est des rides sub-méridiennes de l’Enceinte tassilienne, de date postérieure, sinon le caractère sub-méridien lui-même de ces rides.

Des intrusions de roches grenues.

Les Schistes cristallins sont percés par des massifs de roches intrusives granitoïdes ou grenues[41] variées, qui font contraste par leurs dômes luisants ennoyés à la base par les produits de la desquamation (boules) avec les crêtes fines des Schistes cristallins.

Ces massifs de roches intrusives granitoïdes sont la note dominante dans la partie axiale du Tifedest où ils semblent disposés en chapelets d’intrusions elliptiques.

Citons en particulier dans cette grande région allongée sub-méridiennement des monts du Tifedest, comme type de ces massifs de roches intrusives granitoïdes, les massifs de l’In Takoulemout et de l’Iskarneïer à l’Est de l’oued Martoutic et de l’oued Aor et à l’Ouest de l’Ir’err’er.

Dans la Koudia, la partie la plus élevée de l’Ahaggar, les intrusions de roches granitoïdes jouent un rôle également important.

Citons entre autres :

Les reliefs à l’Ouest d’Ideles, entre Ideles et Irhafock (avec de beaux types de désagrégation en boule) ;

Le flanc Nord-Ouest du Tahat et au Nord-Ouest du Tahat les régions de l’oued Tellet-Mellel, de l’oued Ti-n-Iferan aux environs d’une source remarquable par ses figuiers dont l’altitude est voisine de 1.700 mètres, et de l’oued Arrou aux mêmes altitudes.

Dans la partie haute de la Koudia des roches grenues apparaissent parfois sous les coulées, jusqu’à de très hautes altitudes.

Ces intrusions de roches grenues paraissent avoir eu, quant au choix des endroits de leur mise en place, une certaine prédilection pour ce qui est devenu les régions axiales des vastes systèmes anticlinaux actuels des Schistes cristallins, ou pour ce qui est devenu les régions de plus grand bombement du pays des Schistes cristallins.

Il est très difficile de savoir de quand date la mise en place de ces diverses roches granitoïdes, dans l’absence actuelle d’éléments datés reconnus, postérieurs aux Schistes cristallins anté-cambriens, avec lesquels on en puisse observer les rapports.

Certaines de ces mises en place sont anté-siluriennes (ou anté-cambriennes ?), car le long de la Discordance tassilienne sous les Grès inférieurs et leurs Conglomérats de base, on constate la présence de roches granitoïdes. C’est le cas dans la région d’In-Ebeggi (Edjéré) et dans la région de Titahouine Tahart (ou Aïne-Karma) près d’Amguid.

D’autre part, les filons de pegmatites diverses qui injectent les Schistes cristallins si généralement, qui sont en relation possible minéralogique et génétique avec ces massifs intrusifs de roches granitoïdes, sont arrêtés, comme nous l’avons souvent observé, par la discordance et ne poursuivent pas leur chemin (du moins nous n’en avons pas observé qui poursuivent leur chemin) au travers des Conglomérats de base et des Grès inférieurs des Tassilis.

Cela semble prouver que ces injections filoniennes de pegmatites sont antérieures au Silurien (ou au Cambrien ?) ; et on peut considérer, semble-t-il, que beaucoup des intrusions de roches granitoïdes de l’Ahaggar ont eu une mise en place anté-silurienne (ou anté-cambrienne ?).

Mais il est possible que certaines mises en place soient de date postérieure.

Cependant, rien ne le prouve jusqu’à maintenant.

L’existence de mises en place anté-siluriennes (ou anté-cambriennes ?) est seule prouvée pour le moment.

Des injections filoniennes.

Les Schistes cristallins sont en général injectés de roches filoniennes, particulièrement de pegmatites variées, entre autres de pegmatites à tourmalines et à minéraux[42].

Les pegmatites sont injectées avec une telle constance et une telle abondance dans les Schistes cristallins, que c’est un des caractères dominants du Pays cristallin, surtout de l’Anahef, d’être lardé de pegmatites, et qu’on pourrait presque le définir par ce caractère et l’appeler : le Pays cristallin pegmatitifère.

Nous avons vu que ces pegmatites paraissent en général anté-siluriennes (ou anté-cambriennes ?).

Des volcans.

Enfin, ces Schistes cristallins, avec leurs intrusions de roches grenues et leurs injections de pegmatites et autres roches filoniennes, sont souvent recouverts de roches d’épanchement et d’appareils volcaniques (cratères, dômes, aiguilles, brêches, tufs) et sont traversés par des dykes également volcaniques.

Ces pays ont été le théâtre d’éruptions d’une ampleur considérable et d’époques diverses.

Leurs formes usées par tous les agents de l’érosion depuis les lointains temps primaires, ont été ainsi rajeunies par ces reliefs volcaniques surimposés, et protégées également dans une certaine mesure contre l’action ultérieure de l’érosion.

Et ce sont des aiguilles, monts et plateaux volcaniques qui constituent actuellement les parties culminantes de la Koudia de l’Ahaggar : le mont Tahat, l’Ilaman, l’Amdai, l’Asekrem[43].

Certains de ces volcans sont très bien conservés ainsi que leurs coulées et analogues aux puys, gravennes, planèzes et cheires du Massif Central Français.

Il est très difficile de dater ces éruptions en raison de l’absence d’éléments stratigraphiques datés, reconnus à ce jour dans ce vaste Pays cristallin de l’Ahaggar.

Planche IX.

Le Pays cristallin. Les Basaltes de Tin ed’ness (Egéré).

C’est en vain que nous avons cherché dans les alluvions que l’on trouve sous les coulées des restes d’organismes permettant d’avoir une idée de l’âge des épanchements.

On en est réduit à faire uniquement pour le moment, entre les différents volcans et leurs coulées, des comparaisons fondées sur l’état de conservation des appareils volcaniques et les relations des coulées entre elles (quand c’est possible).

*
* *

Les principaux centres volcaniques dont nous avons constaté l’existence sont les suivants :

a) Au Nord et au pied du massif de l’Oudan, entre ce massif et le mont Edjeleh, et plus près de ce massif que l’Edjeleh, nous avons constaté la présence de coulées basaltiques étalées en vastes nappes qui couvrent une assez grande surface.

Ces coulées semblent récentes.

Leur existence n’avait pas été signalée jusqu’à maintenant ;

b) Dans l’Edjéré et à l’Ouest de Tisemt nous avons rencontré des volcans et coulées, de l’Hanou Tin-a-degdeg dans l’oued Tedjert à Tisemt sur les bords de la plaine de l’Amadror.

Ces volcans sont remarquablement bien conservés. Tous leurs appareils noirâtres font contraste avec les crêtes des Schistes cristallins qui émergent parées de vives couleurs par les jeux de lumières étonnants de ces pays des sombres coulées basaltiques.

Ces coulées s’étalent en général comme de véritables lacs occupant les fonds des vallées, et les oueds se sont réfugiés sur leurs bords, en suivant leur contact avec les Schistes cristallins ; ces oueds ont souvent leurs rives parées de magnifiques colonnades de prismes basaltiques, en particulier l’oued Tedjert de l’abankor Ahalléllen (au Sud de Hanou-Tin-a-degdeg, lui-même au Sud de Hanou-Tin-Edéjerid), à l’abankor Tin-ed’ness (près du redir El-Arab).

Sur les bords de cet oued Tedjert, à Tin-ed’ness, deux coulées de ces basaltes des vallées sont superposées, la plus élevée est donc la plus récente.

Non loin de là, à l’Est de Tin-ed’ness, et à l’Ouest de la gara Maserof (en gneiss) une coulée plus élevée forme plateau.

Cette coulée semble plus ancienne que les deux précédentes, qui se trouvent en contrebas.

On peut donc distinguer dans la région de Tin-ed’ness trois phases dans l’activité volcanique.

Ces phases sont d’une époque antérieure à la présence de l’homme de l’âge de la pierre taillée dans ces régions. En effet :

A l’Est du point d’eau de Tin-ed’ness, dans des grottes qui se trouvent sur les flancs d’un cratère, nous avons fait la découverte en faisant une tranchée de fouille, de nombreux instruments de l’âge de la pierre taillée bien en place, de facture genre Tardenoisien, c’est-à-dire avec pièces microlithiques et géométriques[44].

(Ces instruments sont, semble-t-il, contemporains des tombes anté-islamiques à tumuli qui sont particulièrement abondantes dans les fonds de cratères, peut-être parce que quelque croyance religieuse s’attachait à ces entonnoirs infernaux et y voyait quelque rapport avec le noir séjour des morts.)

Ces grottes avaient donc été habitées par des populations préhistoriques comme elles l’ont été d’ailleurs souvent depuis par les Touareg ainsi qu’il ressort de l’abondance des ustensiles de touareg que l’on trouve abandonnés sur leur sol.

Ce volcan n’est peut-être pas le plus récent de la région de Tin-ed’ness. Près de là, se trouvent des volcans que leur état de conservation peut faire considérer comme postérieurs. Mais la proximité de ces derniers fait que l’habitat des grottes voisines lors de leur activité est peu vraisemblable.

Il ressort de cette observation que l’activité des volcans de l’Edjéré est antérieure à la présence des hommes de l’âge de la pierre taillée qui ont habité ces grottes.

Mais la civilisation de l’âge de la pierre semble très récente en pays targui. Les Touareg conservent encore l’usage de l’emmanchure néolithique pour leurs haches, et l’âge de la pierre taillée, postérieur à la période d’activité des derniers volcans de l’Edjéré, n’est peut-être pas très ancien.

Les éruptions de l’Edjéré paraissent pléistocènes par l’état de conservation de leurs coulées et de leur cratère.

Les cratères de la région de Tin-ed’ness semblent alignés sensiblement suivant des directions sub-méridiennes.

On peut distinguer à l’Est de Tin-ed’ness, et de l’Est à l’Ouest, deux de ces alignements.

A l’Ouest de Tin-ed’ness on aperçoit une autre chaîne de volcans (monts Iferekouassen), la plus importante par l’ampleur de ses appareils.

Les volcans de l’Est de Tin-ed’ness paraissent en général moins récents que ceux de l’Ouest, mais ce n’est que l’impression qu’on peut avoir au cours d’un rapide passage, c’est-à-dire bien sujette à caution.

Les volcans sont très développés également dans la région de l’Ouest de l’oued In Reggi et du Nord-Ouest de Tisemt (monts Tig’elouin) où ils forment un ensemble montagneux important.

On trouve quelques cratères et coulées près de Tisemt.

La montagne de Tisemt qui domine les deux salines si réputées en pays targui est un curieux cratère.

L’entonnoir de ce cratère est rempli de cailloutis, sortes d’alluvions, de morceaux de roches diverses et très variées que nous n’avons trouvés que là, et épars sur le sol autour de ce cratère.

Il existe un épanchement de ces cailloutis, sortes d’alluvions, sur le flanc Est de ce cratère.

Ces morceaux de roches diverses sont sans doute des débris arrachés à la cheminée et la dernière émission de ce volcan semble avoir été une émission de cailloutis.

Il semble que nous ayons là un beau type de « neck ».

Outre son genre particulier d’activité, le cratère de Tisemt est intéressant à un autre point de vue.

Dans les débris qui remplissent son entonnoir, nous avons trouvé des calcaires travertineux que M. Buttler a observés en place, non loin de la base.

Ainsi, ce cratère est postérieur à ces travertins, et le jour où ces travertins se révèleront fossilifères, nous pourrons avoir des données précises sur l’âge de ce volcan.

Au pied de ce cratère se trouvent les salines de Tisemt ; l’origine de ces salines est mystérieuse encore !

La formation de ces amas de sels a-t-elle été en relation avec les manifestations volcaniques ?

La forme des protubérances salines pourrait faire pencher vers cette hypothèse, mais elle pourrait également faire croire à l’existence passée de sources chargées de sel en cet endroit !!!, sources plus ou moins artésiennes, provenant peut-être d’un seuil rocheux, barrant l’issue des eaux cheminant en profondeur dans la plaine de l’Amadror, les obligeant à remonter en surface et les faisant sortir dans cette dépression qui est le point le plus bas de la plaine de l’Amadror (en profondeur de la plaine de l’Amadror se trouvent peut-être des dépôts salés qui chargeaient ces eaux en sels, dépôts salés d’une sorte d’ancienne mer morte ; le puits de Tisemt, très profond [80 m. environ], est salé, mais pas artésien !).

Des analyses d’échantillons salins que M. Buttler a recueillis dans cette saline nous fixeront peut-être dans la suite.

Dans toute la région Edjéré-Tisemt, l’ensemble volcanique peut être considéré comme pléistocène et antérieur à la présence de l’homme de l’âge de la pierre taillée dans cette région ;

c) Au Sud-Est de la plaine de l’Amadror, dans le Nord de l’Anahef, le massif volcanique de l’Assgaffi est le témoin d’une activité volcanique certainement antérieure à celle de tous les volcans précédents.

Là, on ne constate plus la présence de cratères bien conservés et les coulées sont perchées très au-dessus des vallées sur des socles cristallins (c’est le cas pour le Tellerteba, dont les parties les plus élevées sont d’épanchement volcanique), ce qui suppose un long travail d’érosion.

Les coulées sont également de nature minéralogique différente.

Le centre volcanique de l’Assgaffi et du Tellerteba est très ancien, aucune précision n’est possible pour le moment quant à son âge : il est tertiaire vraisemblablement, c’est tout ce qu’on peut en dire, et encore ! il pourrait être crétacé, mais alors il faudrait admettre qu’il n’est pas en relation avec le contre-coup des plissements alpins (Atlas) principaux sur un pays peu souple.

d) Dans la région d’Idelès, nous trouvons de nouveau un centre volcanique d’activité récente, pléistocène probablement.

Les coulées et volcans sont bien conservés. Citons en particulier les beaux basaltes prismés de l’oued Terrinet (affluent de la rive Ouest de l’oued Telouhet) tout près d’Idelès ;

e) Dans la Koudia, les formations volcaniques ont un immense développement.

Ce n’est que vastes coulées étagées, aiguilles, culots volcaniques plus ou moins prismés, l’Irhafock à Tamanrasat.

Dans ces régions centrales de l’Ahaggar l’activité volcanique s’est manifestée avec une ampleur particulière et en de nombreuses périodes (trois principales, semble-t-il), suivant des modes divers et avec des émissions variées.

La période la plus récente semble représentée par la coulée de basalte de l’oued Echchil (ou Abedassen) et l’îlot volcanique qui se trouve dans le fond de l’oued Ti-n-Iferan, au Nord-Ouest du Tahat, au Sud de la Source des Figuiers.

La période la plus ancienne, peut-être contemporaine des éruptions de l’Assgaffi, semble représentée par le plateau de l’Isekran (p. c. avec Asekrem dans l’Atakor) qui domine les vastes coulées étagées plus récentes dans lesquelles est encaissé l’oued Teroummout, et également peut-être par la coulée de l’Adrian.

La période de plus grande activité semble intermédiaire entre ces deux extrêmes et correspondant en particulier aux vastes coulées étagées dans lesquelles est encaissé l’oued Teroummout.

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On voit par l’exposé qui précède que les manifestations volcaniques au Pays cristallin de l’Ahaggar sont loin d’avoir été un cas isolé, localisé, et sans ampleur.

Nous avons constaté la présence de centres volcaniques au Nord de l’Oudan, dans l’Edjéré et la région Ouest de Tisemt, dans le Nord-Ouest de l’Anahef, dans la région d’Idelès et dans toute la Koudia.

Ce ne sont pas là encore tous les centres volcaniques du Pays cristallin de l’Ahaggar ; d’autres ont été signalés : le volcan d’In-Size, le Serkout, etc., etc.

A mesure que les explorations se poursuivent, le Pays cristallin de l’Ahaggar apparaît de plus en plus comme une terre de prédilection du volcanisme, au Tertiaire et au Quaternaire.

Des affaissements ?

Les volcans de l’Ahaggar sont peut-être en relation avec des affaissements[45], qui, comme nous le verrons plus loin, pourraient expliquer certains des caractères morphologiques du Pays cristallin.

Planche X.

Le Pays cristallin. « Monad nock » (Gara Maserof, dans la paeneplaine de l’Avant-pays cristallin à l’Est de Tin ed’ness (Edjéré).

Il n’est pas possible de démontrer encore l’existence d’affaissements et il est difficile pour le moment de préciser leurs emplacements et de déterminer quelle fut leur ampleur.

Dans un pays à base de Schistes cristallins, c’est une étude qui nécessiterait une longue série d’observations.

Il se pourrait, en particulier, qu’il y ait un affaissement à l’origine de la plaine de l’Amadror.

Les volcans de l’Edjéré-Tisemt sur le bord Ouest de cette plaine s’expliqueraient ainsi très bien.

Certains de ces volcans auraient peut-être provoqué dans la suite, par des barrages dus à leurs coulées, un vaste lac ; que ce soit avec lac ou sans lac, par alluvionnement, les oueds descendant des parties hautes du Pays cristallin auraient comblé cette grande dépression et ainsi se serait établi le vaste « reg » de la haute-plaine de l’Amadror dont l’immensité remarquablement plate de cailloutis et d’argile, située à l’altitude moyenne de 1.000 mètres environ, est un des étonnements des explorateurs qui l’ont vue.

Cet affaissement à l’origine de la plaine de l’Amadror n’est encore qu’à l’état d’hypothèse.

Morphologie.

Au point de vue morphologique on peut distinguer dans ce vaste Pays cristallin[46] deux zones :

Le pourtour plus ou moins aplani ;

Le centre fortement montagneux.

De telle sorte qu’on peut comparer le Massif Central Saharien à un vaste ensemble fortifié comprenant une enceinte ; à l’intérieur de cette enceinte un vaste glacis, l’« Avant-pays cristallin » et, entourée par ce glacis, une imposante citadelle, le « Massif cristallin ».

Ce glacis, l’Avant-pays cristallin, est composé soit de pays d’ennoyage à « reg » (plaine de cailloutis) prédominant, soit de pays de Schistes cristallins, particulièrement paeneplainisés, usés, « rabotés » par l’érosion, dont la monotonie est rompue plus ou moins fréquemment par des « monad-nock », des parties plus résistantes qui ont subsisté en relief et dont la silhouette aiguë et déchiquetée ou en tas conique de boules, étonne souvent au milieu de ces étendues relativement aplanies.

Citons dans cette zone : les pays de l’oued Tedjert et de l’oued Taheret (au pied des monts Ahellakan), de l’Amadror, d’Abada-Heg’erin, d’Admer, de Raris et de l’oued Taremert-n-Akh, d’Ag’erar, d’Afedafeda, une partie (la partie Est) du Tanezrouft-n-Ahnet, enfin les tanezroufts qui séparent les Tassilis-n-Ahaggar du massif de l’Ahaggar[47].

Ces pays sont très évolués au point de vue morphologique.

La zone montagneuse, le Massif cristallin, constitue l’ossature décharnée du Pays cristallin qui se dégage de ces contrées plus ou moins aplanies, comme la carcasse blanchie d’un chameau en décomposition sur le « reg ».

Il semble que l’œuvre des volcans n’ait pas été étrangère au rajeunissement et à la conservation d’une partie de ces reliefs centraux.

Elle comprend principalement :

Au Nord : une sorte d’arête, le Tifedest, de direction sub-méridienne ;

Au Sud : cette arête, après un ensellement, s’empâte en une vaste masse montagneuse semblant présenter dans la répartition de ses parties culminantes une grossière direction Est-Ouest, vaste système montagneux dont le massif le plus important, le plus élevé, est appelé par les Touareg Atakor-n-Ahaggar (pommeau de l’Ahaggar) ou Tehount-n-Ahaggar (grosse pierre de l’Ahaggar)[48] ; et dans lequel les Touareg distinguent en particulier l’Ahaggar-oua-hegerin (haut Ahaggar) et l’Ahaggar-oua-gezzoulen (bas Ahaggar), l’Anahef, le Serkout, l’Ajjer, etc.[49].

Le Massif cristallin fait contraste avec l’Avant-pays cristallin par son caractère réellement montagneux.

Il est prématuré pour le moment de chercher à distinguer quels rôles exacts ont pu jouer des affaissements[50] ou ont joué des volcans dans l’individualisation du Massif cristallin ou encore, la résistance relative des roches qu’on y rencontre.

Dans le Massif cristallin les oueds ahaggariens présentent des caractères d’évolution variés : certaines vallées paraissent très évoluées et présentent sur leurs flancs des terrasses d’alluvions ; d’autres semblent en pleine jeunesse et sont fort accidentées.

Le contraste est souvent saisissant.

Il est vrai que les vallées ayant des caractères morphologiques très différents dans les pays de roches grenues, dans ceux de Schistes cristallins et dans ceux d’épanchements volcaniques, il semble souvent que l’on constate l’existence de stades d’évolution différents, alors qu’en réalité il s’agit de façons d’évoluer différentes en rapport avec la nature du sol, dont le caractère de divergence est accentué à un point rare dans ces pays.

Sans doute aussi l’activité de creusement des oueds sahariens s’est réfugiée, localisée progressivement, dans leur cours tout à fait supérieur pour aplanir les derniers reliefs importants qui subsistent du massif central et parce que ces monts élevés reçoivent encore pas mal d’eau ; et les oueds sahariens conservent là une certaine jeunesse qui est en antithèse avec le reste de leur cours.

Des affaissements ont pu jouer un rôle important dans le rajeunissement inégal de certains oueds par des bouleversements divers dans leurs profils en long ; ainsi s’expliquerait en même temps la présence de certaines terrasses.

Des oscillations du niveau marin dans des golfes sahariens[51] (dont nous avons montré la possibilité d’existence dans le passé, au début de ce travail), en un temps où les oueds sahariens auraient coulé d’un bout à l’autre de leur cours et auraient ainsi été comparables, dans leur activité, à de vrais fleuves et rivières, pourraient expliquer également la formation de certaines terrasses qui seraient ainsi la conséquence de ces variations d’un lointain niveau de base ?!

Les volcans ont contribué, semble-t-il, par leurs épanchements à changer la physionomie de certaines vallées et par des coulées formant barrages ou occupant le fond des vallées le profil en long de certains oueds, qui ont été ainsi amenés à modifier complètement leur activité sur des niveaux de base nouveaux s’échelonnant d’amont en aval ; d’une part ces oueds se sont mis à alluvionner sur certaines parties de leur cours, d’autre part ils ont repris une action de creusement dans d’autres ; une nouvelle formule d’activité particulièrement compliquée a présidé à leur vie ; on trouve là également l’explication de certaines terrasses.

Peut-être pourrait-on envisager la possibilité d’un passé glaciaire pour l’interprétation des formes de certaines vallées ; certains modelés offrent des caractères de similitude curieux avec ceux dus à l’action des glaciers.

Dans le massif du Tellerteba (2.200 m. environ) des cirques peuvent évoquer la présence passée dans ce massif de glaciers suspendus, mais ils peuvent aussi représenter les restes d’immenses cratères très anciens et d’un type particulier.

Des vallées des régions hautes présentent parfois des espèces de seuils rocheux que l’on pourrait assimiler à des verrous glaciaires (les oueds post-glaciaires auraient creusé ces verrous dans la suite et la présence de certaines terrasses à l’amont pourrait ainsi encore être expliquée) ; mais ces seuils avec contre-pente peuvent être expliqués aussi par la seule dureté relative du rocher.

Des terrasses ont un tel développement dans certaines vallées qu’on pourrait y voir des terrasses de fonte de glaciers.

Il existe des roches moutonnées, mais l’effet de l’insolation sur les roches grenues les explique aussi.

Il semble pour le moment que l’on doive attribuer la création de ces contrastes, de ces terrasses et de ces formes suspectes au travail très particulier des oueds de ces régions, combiné à l’action de l’insolation, la gelée, les crises de ruissellement, les alternatives d’humidité et de sécheresse et le vent[52], sur un pays cristallin ayant été travaillé par des érosions antérieures de formules différentes de celles dont il est l’objet actuellement, ayant subi peut-être des mouvements variés et ayant été certainement le théâtre de manifestations volcaniques violentes.

Dans tous les cas, les oueds ahaggariens réduits en général pour le moment à une vie torrentielle discontinue et intermittente, semblent avoir passé par une période de vie plus active pendant laquelle ils devaient couler en surface, constamment, et sur tout leur cours ; le Sahara semble avoir passé ainsi par une phase humide.

Ceci nous ramène à la question de la mer saharienne discutée au début de ce travail.

Il convient d’ailleurs dans les considérations morphologiques de ne pas oublier que le Pays cristallin est émergé depuis des temps très lointains, peut-être depuis les temps permiens et, pour une part peut-être, depuis des temps plus anciens encore.


[27]Dans les formations de transition, avec les Grès supérieurs, M. Buttler aurait observé un niveau de conglomérats. (Communication orale.)

Cette découverte pourrait prendre de l’importance dans la suite ; c’est pourquoi je tiens à la signaler.

[28]Ou Egéré.

[29]Ou Amgid — ou encore Emegêdé — de émi, débouché, et égêde, massif de dunes.

[30]Il serait plus exact d’écrire Emidir de émi, porte, et édir, lointain bas.

[31]Ou Immidir.

[32]Il semble en particulier que les grès marqués « Di″ » sur la carte Gautier du Mouydir Ahnet correspondent aux Grès inférieurs des Tassilis.

[33]C’est à la zone des Tassilis externes qu’appartient le plateau du Tindesset, célèbre parce que c’est dans les schistes qui affleurent au pied et le long de ses escarpements Sud que la mission Foureau-Lamy a découvert les premiers Graptolithes qu’on a signalés dans le Sahara. Ils furent étudiés par Munier-Chalmas. Des Graptolithes furent ensuite signalés près de Hassi-el-Khenig (Capne Cottenest et à Aïn Cheikle (Capne de Saint-Martin). C’est à nous qu’il appartint de retrouver ces formations à Graptolithes au Sahara, d’en préciser les conditions de gisement et d’en esquisser la répartition générale.

[34]Au cas où les grès du Dévonien inférieur se révèleraient en discordance avec les Grès supérieurs, ou séparés par une lacune de ces grès, s’ils se révèlent de plus en concordance avec du Mésodévonien lui-même en concordance avec le Dévonien supérieur, on devra les rattacher aux Pays pré-tassiliens et non les conserver dans les éléments constitutifs de l’Enceinte tassilienne ; dans tout autre cas, pour des raisons morphologiques, je crois qu’il conviendra de les considérer comme faisant partie des formations de l’Enceinte tassilienne.

[35]On peut se demander si les plissements alpins n’ont pas eu pour contre-coup de provoquer un bombement d’ensemble du Massif Central Saharien ; ils ne se traduiraient ainsi pas par des rides, eux, mais par ce vaste bombement et son orientation générale.

[36]En particulier de l’insolation qui, sur des éléments de couleur et de nature différente, provoque un échauffement différent, une dilatation différente, ce qui conduit fatalement à la désagrégation de la roche.

[37]L’étude des échantillons des Schistes cristallins que nous avons rencontrés fera peut-être l’objet d’un travail ultérieur.

[38]Il est peut-être bon également de signaler que nous n’avons aucune certitude que ces quartzites et leur cortège supérieur cristallin n’appartiennent pas à la couverture primaire dont ils représenteraient des parties métamorphisées à la suite des plissements hercyniens (ou calédoniens ?) qui ont agité l’Enceinte tassilienne voisine et dont nous ignorons encore la forme et l’ampleur dans ces régions. Dans cette éventualité, pour qu’il n’y ait pas de confusion, nous devons préciser que dans toute cette étude du Pays cristallin, quand nous parlons des Schistes cristallins, nous entendons par là surtout ceux qui sont antérieurs aux formations de l’Enceinte tassilienne, les seuls certains à ce jour.

[39]Le parallèle pourrait être poussé assez loin en particulier avec le Bouclier canadien et le « Bouclier baltique ».

[40]J’ai constaté la présence de roches écrasées, de granits écrasés en particulier.

[41]L’étude des échantillons de ces roches grenues fera peut-être l’objet d’un travail ultérieur.

[42]Une étude des échantillons des roches d’injection filoniennes fera peut-être également l’objet d’une étude ultérieure.

[43]Dans tout cet exposé sur les volcans de l’Ahaggar, nous avons dû nous abstenir de donner des déterminations de roches volcaniques, par prudence, étant donnée l’absence momentanée de nos échantillons. Ces déterminations feront peut-être l’objet d’un travail ultérieur.

[44]La fouille méthodique de ces grottes serait très intéressante au point de vue de la préhistoire.

Il y eut là un centre de vie préhistorique particulièrement important, semble-t-il, à une époque relativement humide (comme il ressort d’une coquille de mollusque terrestre que m’a fourni un rapide tamisage).

[45]Ou avec la surrection du Massif cristallin par rapport à l’Avant-pays cristallin.

[46]J’ai fait abstraction dans cette étude du Pays cristallin de l’Adrar-n-Ahnet qui n’en fait peut-être pas partie, et de l’Adrar-n-Ajjer, qui est dans le même cas.

[47]Dans cette zone nous devons signaler la présence de travertins, en relation avec l’oued Tedjert, et près de Tisemt, observée par M. Buttler (communication orale).

[48]Ou encore Takerkort-n-Ahaggar (le crâne de l’Ahaggar).

[49]Je ne m’attarde pas sur ces divisions morphologiques, M. Jacques Bourcart en ayant fait une remarquable étude dans le bulletin de l’Afrique Française.

[50]Ou la surrection du Massif cristallin par rapport à l’Avant-pays cristallin.

[51]Ou si l’on préfère, de vastes mouvements orogéniques faisant osciller en ampleur les pénétrations marines dans le Sahara.

[52]Il convient de ne pas oublier non plus la neige ; elle tombe encore parfois sur le Tahat. La neige a pu être plus abondante et plus fréquente à certaines époques du passé.


DU PROJET DE TRANSSAHARIEN SOULEYRE


APTITUDE DU SOL A RECEVOIR UNE VOIE FERRÉE
ET RESSOURCES EN EAU
DANS LE MASSIF CENTRAL SAHARIEN[53]


I
Aptitude du sol à recevoir une voie ferrée de la Hamada de Tinghert aux Tassilis et dans les régions d’Amguid et de Raris.

a) De la Hamada de Tinghert aux Tassilis.

A condition de passer à une vingtaine de kilomètres à l’Ouest de Fort Flatters, à cause des sables, on pourra, de la Hamada de Tinghert aux Tassilis, faire passer la voie ferrée constamment sur un beau sol de « reg » (cailloutis) dont j’ai constaté l’immensité du haut de la pointe Nord du Djebel Tanelak (ou Adrar-n-Taserest) ; (ce reg est l’œuvre des oueds Ir’err’er et In-Dekak, dont j’ai aperçu les cours et le confluent du point précédent).

Eviter dans le tracé de passer dans le lit supposé de l’Ir’err’er et de l’In-Dekak : c’est la seule précaution à prendre dans cette région qui est exceptionnellement propice à l’établissement d’une voie ferrée.

b) Région d’Amguid et de Raris.

Je ne connais pas le passage de l’Ir’err’er d’In-K’ebir (sur la carte In-Salah 1/1.000.000) à l’erg d’Amguid.

En effet, après avoir traversé le Tiniri-n-Taserest, j’ai gagné Tanout-Mellel (ou Tamellelt) dans l’oued In-Dekak.

Par contre j’ai séjourné un mois à Amguid et cette région m’est familière.

Sur le bord Est de la vallée de l’Ir’err’er on trouvera des terrasses d’alluvions très propices à l’établissement de la voie.

De nombreux mechbed très anciens montrent d’ailleurs le chemin à la voie ferrée.

Ensuite, après Titahouin-Tahart, la voie aura à éviter quelques sables puis pourra, en Pays cristallin, gagner Tesnou dans de très bonnes conditions par le vaste et plat pays de Raris à reg prédominant et les pays analogues et aussi propices de l’oued Taremert-n-Akh.

Dans ce pays de Raris et de l’oued Taremert-n-Akh la nature et la forme du sol (pays cristallin paeneplainisé) me paraissent ne donner aucun sujet d’inquiétude, ni soulever aucune difficulté à signaler.

II
Ressources en eau.

Sur le parcours dont je viens d’étudier la viabilité, je conçois l’établissement d’une Centrale d’eau au voisinage d’Amguid.

Centrale d’eau d’Amguid.

a) Eaux de source. — Dans la région d’Amguid, les sources actuellement existantes que je connais pour y avoir abreuvé mes chameaux, sont :

La source de Titahouin-Tahart (T) ou Aïne-Kerma (A) ou Source du Figuier (F).

Cette source, située à la base de la falaise de Grès inférieurs des Tassilis qui forme le flanc Est de la vallée de l’Ir’err’er au voisinage des Conglomérats de base et de la Discordance tassilienne, ne tarit jamais (d’après les Touareg), son eau est toujours pure, claire, renouvelée et n’a rien d’une eau stagnante ; son abord est difficile, en raison des joncs et figuiers (de là son nom) qui en défendent l’accès et c’est une des raisons pour lesquelles, quoique l’eau y soit excellente, on y abreuve moins souvent ses chameaux qu’à Tin-Eselmaken, car les animaux sont effrayés par les joncs, refusent d’approcher jusqu’à l’eau et pour les désaltérer on doit apporter un abreuvoir et se fatiguer à le remplir d’eau par un va-et-vient de « dalou », ce que l’on évite en allant à Tin-Eselmaken qui se présente mieux à ce point de vue très spécial.

La Source du Figuier a permis autrefois de cultiver un jardin dont il existe encore les ruines. Quelques palmiers subsistent également, dont deux au moins sont en très bonne santé.

Je crois qu’en améliorant les conditions de captage, on pourra tirer de cette source une quantité d’eau appréciable.

La position de la Source du Figuier, assez au-dessus du lit de l’Ir’err’er, au pied de la falaise des Grès inférieurs des Tassilis, permettra d’amener son eau par gravité en conduite jusqu’à la Centrale d’eau d’Amguid ;

Tin-Eselmaken. — Par une profonde entaille dans la falaise qui forme le flanc Est de la vallée de l’Ir’err’er débouche la profonde gorge de Tin-Eselmaken, encaissée jusque-là dans les plateaux de Grès inférieurs des Tassilis internes.

Les observations que j’ai pu faire sur la mare de Tin-Eselmaken sont les suivantes :

a) Le fond n’est pas rocheux ; par suite l’on ne saurait assimiler cette mare à un aguelmam typique, tel Afelanfela, près de Tiounkenin (dans l’Emmidir), tels Ens-Iguelmamen (dans l’Oudan, gara Ti-Djanoun), tel In-Ebeggi (dans le massif de l’Assgaffi, etc., etc.) ;

b) L’eau à l’amont de cette mare est toujours pure alors qu’il n’en est pas de même à la partie aval.

Après un mois de séjour à Amguid, en même temps que des tribus de Touareg (Eaohen-n-ada et Kel-Amguid), qui possédaient un important cheptel de chameaux et surtout de chèvres, j’eus l’occasion de constater que en même temps que l’élargissement terminal aval de la mare avait considérablement diminué d’importance (en effet, alors qu’à mon arrivée c’était un plaisir d’y nager, à mon départ une grande partie était à sec et ce qui subsistait de cet élargissement terminal ne permettait pas des ébats de cet ordre), ce qui y restait d’eau était devenu une eau imbuvable, épouvantablement chargée d’urine de chèvre et de chameau, à tel point que, seul l’élargissement terminal de la mare se prêtant à l’abreuvage des bêtes (pour des raisons d’accès) et l’eau en étant refusée même par les chameaux, les Touareg avaient dû renoncer à abreuver leurs troupeaux à Tin-Eselmaken et recourir à la Source du Figuier, malgré le caractère fatigant qu’y ont les opérations d’abreuvage ;

c) De nombreux poissons (Barbus biscarensis) animent les eaux de Tin-Eselmaken ; certains atteignent une taille de 20 et même 30 centimètres.

A mon arrivée dans la région d’Amguid ces poissons mettaient de la vie dans toute la mare ; dans la suite ils se réfugièrent en amont, là où l’eau était restée pure, ainsi que gyrinides, dysticides et autres bêtes de ces eaux[54] ;

d) De nombreux lauriers-roses (Defla) couvrent les berges de la mare de Tin-Eselmaken ; on compte trois palmiers.

De ces observations il résulte qu’on peut considérer la mare de Tin-Eselmaken comme permanente et constamment alimentée en amont.

Cette eau semble avoir pour origine la venue en surface de l’eau absorbée en amont lors des pluies par les alluvions de l’oued Tin-Eselmaken et qui jusque-là avait cheminé en profondeur dans ces alluvions.

On ne peut affirmer que cette source de Tin-Eselmaken n’est pas également en relation avec le contact à proximité en profondeur des Grès inférieurs avec les Schistes cristallins par les Conglomérats de base.

Les Grès inférieurs semblent en effet susceptibles d’être l’objet d’un réseau intérieur de circulation d’eau.

Au-dessus de Tin-Eselmaken on peut voir en effet, dans la falaise, et sur le flanc gauche, une ouverture à mi-hauteur d’où, lors des pluies, et pendant quelques jours après, l’eau sortirait en cascade (renseignements touareg).

Entre Tin-Eselmaken et la Source du Figuier, à mi-chemin à peu près, on peut également observer dans la falaise de Grès inférieurs et, assez au-dessus du contact par les Conglomérats de base avec les Schistes cristallins, une sorte de replat herbeux formant tache verte. Les Touareg me dirent qu’il y avait là une source appelée Tin-Tarabin par certains, alors tarie, mais qui coulait parfois après les pluies ; j’ai grimpé jusqu’en ce lieu escarpé et j’ai constaté la présence, au replat herbeux, d’un puisard (sans doute pour puiser l’eau absorbée par les terres du replat), ce qui confirme bien les dires des Touareg de l’existence d’un point d’eau à cet endroit ; un mechbed dans les éboulis et de nombreux tombeaux anté-islamiques (?) montrent que ce point d’eau fut même assez fréquenté et assez important.

Il n’y a donc pas de doute, les Grès inférieurs peuvent abriter dans leur sein une assez importante circulation d’eau.

Il n’en est pas de même en général dans les mêmes proportions et de la même manière tout au moins des roches granitoïdes et des Schistes cristallins.

On comprend dès lors que le contact de ces deux roches puisse provoquer le rassemblement ou la liaison des eaux selon la ligne de contact, le gorgement par elles des fentes et divers chemins possibles de circulation d’eau au bas des Grès inférieurs et provoquer, par suite, des sources au voisinage du contact.

Lorsqu’il y a des fissures dans les Schistes cristallins ou des filons, les eaux peuvent descendre en dessous du contact, suivre les fissures ou cheminer entre la roche filonienne et la roche encaissante ; ainsi s’expliquent des sources en dessous de ce contact, dans le Cristallin, comme In-Ebeggi (des Tassilis) et d’autres situées le long de l’escarpement du bord interne des Tassilis internes. Ces sources sont rarement très en dessous du contact et il apparaît clairement que leurs conditions d’existence sont liées à l’existence voisine de ce contact.

On comprend donc que de même que pour la Source du Figuier, l’on puisse croire, pour la source de Tin-Eselmaken, qu’il y ait peut-être, outre les relations avec la nappe phréatique de l’oued Tin-Eselmaken, quelques relations entre son existence et le voisinage du contact des Grès inférieurs par les Conglomérats de base avec les Schistes cristallins.

Cette discussion théorique n’est pas déplacée ici, la détermination d’un mode habituel de gisement d’eau dans ces régions pouvant aider dans des recherches ultérieures.

Quel est le débit que l’on peut espérer de la source de Tin-Eselmaken ?

J’ai séjourné à Amguid en pleine chaleur ; l’évaporation était donc très intense ; la surface offerte par la mare d’Amguid est assez considérable ; le nombre de bêtes abreuvées par jour était d’environ 300 chèvres et 30 chameaux en moyenne ; la venue d’eau n’équilibrait pas cette perte d’eau puisque l’élargissement terminal fut en partie asséché en un mois.

Je crois néanmoins que, dans de bonnes conditions de captage, on peut espérer tirer de Tin-Eselmaken un litre à la seconde.

L’eau de Tin-Eselmaken pourra être amenée par gravité jusqu’à la Centrale d’eau ;

Source de Tihoubar (ou Aïne-Bou-Mesis). — Si l’on remonte l’oued Arami (ou oued Tounourt), cet oued qui débouche dans la vallée de l’Ir’err’er à quelques kilomètres au Nord de Tin-Eselmaken et du lieu-dit d’Amguid, on parvient après une quinzaine de kilomètres à un point d’eau très important appelé Tihoubar ou Aïne-Bou-Mesis[55].

Là, j’ai constaté la présence d’une source assez abondante d’eau excellente ; plusieurs palmiers, des ruines de jardins importants, de nombreux lauriers-roses, des roseaux, attestent de la richesse relative en eau de ces lieux.

La culture fut abandonnée récemment (il y a trois ou quatre ans), paraît-il, par suite de l’insécurité du pays.

Il semble qu’il y eut deux sources, mais une seule a subsisté, l’autre n’ayant pas été entretenue sans doute.

Cette source de Tihoubar est permanente (d’après les Touareg, entre autres Amaïs qui la connaît très bien, Aïne-Bou-Mesis étant dans son terrain de parcours un endroit de pâturage affectionné ; c’est Amaïs également qui récolte les quelques dattes que donnent les palmiers d’Aïne-Bou-Mesis).

Je crois qu’en améliorant le captage, en particulier en creusant plusieurs drains, on pourrait tirer du vallon d’Aïne-Bou-Mesis plus d’un litre à la seconde.

On pourrait amener par gravité cette eau jusqu’à la Centrale d’eau.

Telles sont les trois sources que l’on trouve dans le voisinage d’Amguid et qui pourraient alimenter la Centrale-Eau d’Amguid ;

b) Eaux de puits. — Mais là ne se bornent pas les ressources en eau dont pourra disposer cette Centrale-Eau ; si elles ne se montraient pas suffisantes, ou leur débit en dessous de mes prévisions, on pourra avoir plus d’eau par des puits :

Puits de Tounourt. — A l’endroit où l’oued Arami débouche dans la dépression de Tounourt (à quelques kilomètres d’Amguid) se trouve un puits peu profond (2 ou 3 m.) très abondant, appelé Tin-Tedjert, d’eau excellente[56] ; ce point fournira un apport sérieux. On pourra y mettre trois ou quatre puits.

D’autre part, des indices certains (présence de Tourha (T) ou Kerenka (A)[57] donnent le droit de compter dans la dépression de Tounourt, au parfait succès de puits de quelques mètres (4 à 6 m.) de profondeur ; les Tourha pourront servir d’indicateurs d’emplacements de puits.

Enfin, des puits seraient particulièrement bien placés juste avant (en amont) et dans le défilé par lequel l’oued Arami sort de la dépression de Tounourt et traverse la masse fortement relevée des Grès inférieurs pour se jeter dans l’oued Ir’err’er.

La dépression de Tounourt permet donc l’établissement d’un précieux champ de puits de faible profondeur (4 à 6 m.) bien alimentés, semble-t-il, particulièrement à l’entrée et vers la sortie de l’oued Arami (ou oued Tounourt) et à quelques kilomètres de la Centrale d’eau.

Puits de l’Ir’err’er. — Enfin on pourra creuser un puits dans les alluvions de l’oued Ir’err’er.

Ce puits serait bien placé à la hauteur du défilé de l’oued Arami (d’ailleurs, sur la carte au 1/800.000, il est marqué un puits en cet endroit : les Touareg en ont été très étonnés et m’ont dit n’avoir aucun souvenir qu’il y ait eu jamais un puits là, je n’ai donc pu avoir aucun renseignement sur la profondeur de ce puits) ; l’emplacement indiqué sur la carte serait excellent.

Ce puits sera vraisemblablement très bien alimenté : n’est-ce pas dans cette région d’Amguid que se réunissent probablement dans les alluvions, en profondeur, toutes les eaux du bassin supérieur si vaste de l’Ir’err’er ?

Je ne peux donner aucune indication sur la profondeur à laquelle on trouvera le roc et jusqu’à laquelle on devrait creuser le puits pour traverser toutes les nappes aquifères de ces alluvions et avoir le rendement maximum en eau.

On a déclaré qu’il y avait là, en profondeur, des eaux artésiennes ; je ne le crois pas, mais ce n’est pas impossible, des niveaux argileux pouvant emprisonner des eaux en charge (la charge venant de l’amont).

c) Conclusion. — On voit que les ressources en eaux dont pourrait être dotée la Centrale-Eau d’Amguid sont très satisfaisantes pour le pays (et pourtant je n’ai envisagé que les eaux très proches d’Amguid et n’ai parlé ni des barrages-citernes, que l’on pourrait établir, ni des eaux que l’on pourrait rechercher par sondage en roche).

Cependant je tiens à attirer l’attention sur ce que le pays d’Amguid n’ayant jamais été l’objet d’une succion d’eau aussi intense que celle qui serait faite au cas où on réaliserait ce projet, on peut craindre à la suite de périodes sèches trop longues le tarissement de certaines sources et de certains puits, mais je ne crois pas de la totalité.

L’emplacement de cette Centrale-Eau qui serait le plus favorable, serait le point de la voie qui nécessiterait la moindre longueur de connexions avec les différents points d’eau.

Je crois qu’elle serait bien placée à côté du puits de l’Ir’err’er.


[53]Extrait d’un rapport fait pour M. Fock par l’auteur de ce travail.

[54]L’absence de Branchipus à Tin-Eselmaken semble indiquer que les eaux de Tin-Eselmaken ne sont pas stagnantes.

[55]Il n’est pas marqué sur la carte au 1/1.000.000.

[56]Lorsque j’ai passé à Tounourt ce puits était comblé, l’oued Arami étant « venu » récemment. J’ai fait boire mes chameaux à un « abankor » voisin qui traduisait l’état encore très gorgé d’eaux des alluvions de l’oued Arami, par suite de cette dernière venue.

[57]Calotropis procera.


II
ÉTUDES BOTANIQUES


DE LA FLORE DU MASSIF CENTRAL SAHARIEN
OU
DE LA FLORE DU PAYS TARGUI
(Caractères généraux)


Nous avons vu précédemment que la flore des pays crétacico-tertiaires sud-constantinois, du Sahara arabe, flore de pays de vastes sables et d’immensités calcaires en général à faibles reliefs tabulaires, de pays géologiquement et morphologiquement plutôt monotones constituait une végétation dont la note dominante caractéristique était donnée par l’abondance des Salsolacées et était elle-même une flore monotone et peu variée.

La flore du Massif Central Saharien[58] au contraire est variée, diverse, et les Salsolacées n’en sont plus la note essentielle.

Elle est plus variée, en effet, d’aspect général déjà et pour l’œil d’un observateur non spécialement botanique car alors qu’en Sahara arabe la végétation se borne d’ordinaire à des buissons et à des touffes, ici, dans le Massif Central Saharien les arbres sont bien représentés et souvent fort beaux dans les lits d’oueds.

Ceci est un des caractères du pays des touareg, qui a frappé tous les explorateurs qui l’ont visité ; il a même prêté à des exagérations issues du contraste que l’on voulait marquer entre le Sahara que l’on venait de traverser et le pays où l’on arrivait.

Ce caractère tient à ce qu’en pays targui les oueds encaissés et humides sont nombreux, alors que dans les pays crétacico-tertiaires sud-constantinois c’est une rareté, limitée en général dans les régions que nous avons parcourues au Tademaït et au Tinghert (dont nous avons noté précédemment les quelques arbustes et arbres).

*
* *

Des arbres et arbustes du pays targui.

L’étude de ces arbres va à elle seule nous montrer le caractère varié de la flore ahaggarienne en même temps que le changement qui se produit dans la végétation quand l’on passe du Sahara arabe en pays targui.

1º Le Tourha (T) ou Kerenka (A) ou Calotropis procera Ait.[59].

C’est là un arbre qui frappe dès que l’on arrive en pays targui par ses feuilles d’un vert franc et grandes.

Je ne l’ai pas trouvé dans le Sahara arabe.

Je l’ai observé dès Tanout-Mellel (où un bel exemplaire est situé à quelques mètres du puits), dans le Tahihout, l’oued Tounourt, l’oued Khanget-el-Hadid et l’oued Tilia, etc.

On voit que sa limite Nord correspond à peu près à celle du pays targui, du Massif Central Saharien, vers le Nord.

Il est très répandu dans l’Ahaggar où on en voit de très beaux exemplaires qui atteignent une taille de 5 ou 6 mètres. Citons ceux de l’oued Iskaouen (dans les Tassilis internes), en particulier à Inémiragen, ceux du cirque intérieur du Tellerteba, ceux des ravins du massif du Tala-Malet qui débouchent dans l’oued Inouaouen, etc.

C’est un arbre qui ne croît que dans les lieux très humides ; il est un indice sûr qu’en creusant on trouvera de l’eau au maximum à 4 mètres de profondeur.

Il est très répandu au Soudan.

Voilà déjà une des caractéristiques de la flore targuia : on y trouve de nombreuses plantes actuellement, principalement répandues au Soudan et inconnues dans les pays crétacico-tertiaires sud-constantinois ;

2º Le Telôkat (T) ou Ficus eucalyptoïdes, Batt. et Trab. Voilà un arbre spécial à l’Ahaggar et il est fort beau. Lui aussi a des feuilles, de vraies feuilles, qui ressemblent à celles de l’Eucalyptus ; c’est une chose qu’on n’est pas accoutumé à voir en Sahara arabe où les quelques arbres que l’on trouve (je fais abstraction du Populus Euphratica, qui est localisé dans l’oued Mya), les Tamaricinées n’ont rien de comparable comme appareil foliaire.

J’en ai vu deux superbes exemplaires, l’un dans le massif du Briri, au-dessus de la source appelée Naher, et l’autre dans l’Oudan, au bas de la célèbre gara Ti-Djanoun, à quelques mètres de l’aguelmam de l’oued Ens-Iguelmamen, où il est associé au Nerium Oléander ; enfin, j’en ai vu de nombreux exemplaires de petite taille, un vrai peuplement, sur le flanc Ouest du Briri, en aval de Naher.

D’après les Touareg, cet arbre est répandu dans les vallées profondes et humides du Tifedest-Ta-Settefet.

Jusqu’à maintenant il n’était connu que par la description de Battandier et Trabut, d’après les rameaux et fructifications transmis par le général Laperrine à ces savants botanistes ; il était indiqué des Tassilis de l’Ajjer.

D’après mes observations, il est donc répandu également dans le Pays cristallin, dans le Tifedest ;

3º Le Telôkat (T) ou Ficus Telôkat Bat. et Trabut.

Je n’ai pas rencontré cet arbuste voisin du précédent ; il est cité du Tassili de l’Ajjer ; il est probable qu’il se trouve également dans le Pays cristallin, dans le Tifedest en particulier.

Ces deux Ficus ne sont connus que du Massif Central Saharien : leur existence souligne l’individualité de cette flore ; ils appartiennent à une section de Ficus dont ils sont les représentants les plus septentrionaux : ils accusent donc également des affinités soudanaises beaucoup plus que septentrionales dans les caractères essentiels de la flore persistante du Massif Central Saharien ; c’est ce que l’on constate en général aux altitudes point trop élevées ;

4º Le Tamat ; c’est un Acacia voisin du Teleh, que nous avons cité comme apparaissant dans le Tademaït et la Hamada de Tinghert (et venant du Sud).

Il s’en distingue par ses fleurs en boules jaune d’or (alors que celles du Teleh sont de couleur blanchâtre) très parfumées, par ses fruits non en tire-bouchon comme ceux du Teleh, par son allure particulière et son habitat (en général il est plus exigeant d’humidité que le Teleh).

Chudeau le qualifie d’Acacia arabica Willd. ou A. Adansonii Guill. et Perr., mais il lui donne une répartition très méridionale.

Dans les comptes rendus de la mission Foureau-Lamy il est qualifié d’Acacia Trentiniani A. Chev. Mais il est indiqué comme sans feuilles ni fleurs de février à octobre, et j’ai vu des Tamats en feuilles en mai.

Le Dr Bonnet le considère comme étant l’Acacia Seyal Delc.

Il semble que sa limite Nord soit celle du Massif Central Saharien, qu’il ne pénètre pas dans les pays crétacico-tertiaires sud-constantinois.

Je l’ai trouvé en particulier représenté par un beau peuplement à Titahouine Tahart (près d’Amguid) et à Tihobar (appelé Aïne-bou-Mesis par les Arabes), près de l’oued Arami (également dans la région d’Amguid). C’est encore un arbre plus ou moins soudanais, qui apparaît en venant du Nord, dès qu’on pénètre dans le pays targui. Sa taille n’atteint généralement pas celle du Teleh et il est presque toujours en forme de parasol ;

5º L’Ahtès (T), peut-être ? l’Acacia albida Del.

C’est un arbre généralement de grande taille mais plutôt rare. Je ne l’ai rencontré qu’en trois endroits : à Tihoubar, ou Aïne-bou-Mesis (à l’est d’Amguid), dans l’oued In-Ebeggi (près de l’oued In-Sakan) et dans l’oued Terrinet (près d’Idelès) (là associé à une plante grimpante, une sorte de liane accrochée aux basaltes) ; ces trois endroits étaient très humides, il semble donc qu’il exige beaucoup d’humidité.

Ces localités suffisent pour montrer qu’il est répandu dans tous le pays targui et remonte au Nord jusqu’à ses confins.

Il est cité comme du Damergou par Fouraut ; encore une limite à remonter vers le Nord, jusqu’aux confins septentrionaux du Massif Central Saharien.

Décidément, là vraiment, quand on vient du Nord, il y a un brusque changement, de nombreuses apparitions simultanées d’espèces nouvelles, là vraiment apparaît une flore nouvelle : la flore targuia ;

6º Le Teleh (A) ou Abser (T) ou Acacia tortilis Hayne.

C’est un des arbres les plus répandus du pays targui et nous avons vu qu’il remontait au Nord jusque dans les pays crétacico-tertiaires (Tademaït et Tinghert). Il arrive à une fort belle taille (7 à 8 m.) et forme souvent de véritables bois.

Citons les beaux peuplements de Teleh d’In-Delah (au débouché de l’oued Iskaouen, sur le Tahihaout), de l’oued Iskaouen et des oueds qu’il reçoit, de l’oued Tigamaïn-n-Tisita, de l’oued Inouaouen (contre le massif du Tala-Malet), etc.

Les fruits du Teleh servent à faire une nourriture reconstituante pour les chameaux ; les fruits et les feuilles sont très appréciés des chèvres (et des gazelles d’ailleurs) et bien souvent, pour nourrir les chèvres, les Touareg incisent ses grosses branches à leur naissance, de façon à ce qu’elles pendent et deviennent accessibles aux chèvres.

On voit de beaux arbres ainsi complètement abîmés et l’on se demanderait pourquoi, si l’on n’avait vécu avec les Touareg.

Ses épines servent d’aiguilles aux femmes touareg.

Je dois citer un Teleh qui est sacré : c’est celui de Tihoubar ou Aïne-el-Hadj-el-Bekri (dans l’Emmidir), situé près de la tombe du marabout targui El Hadj-el-Bekri, un des fils de El Hadj-el-Foki (le frère de Cheik Othman que Duveyrier a rendu célèbre), un des frères de Sidi-Moussa.

Ce Teleh doit au voisinage de cette tombe très respectée où l’on va faire ses dévotions, d’être lui-même sacré : il est défendu de l’abîmer pour que les pèlerins trouvent toujours près de lui une ombre agréable avec la chaleur ; quand on passe par là, il est d’usage de camper sous cet arbre.

Cette tombe est très respectée également parce que El Hadj-el-Bekri fut le père d’un amenokal célèbre : El Hadj-Ahmed.

Le Teleh est encore un arbre du Massif Central Saharien qui est plus ou moins soudanais ;

7º L’Atil (A) ou Agar (T).

C’est le Moerua rigida R. Br. et, d’après Chudeau, parfois le Cadaba farinosa Forsk.

Je l’ai trouvé dès l’oued Tassirt, dans les Tassilis externes (qui se jette dans l’oued In-Dekak) ; il est assez répandu un peu partout dans le Massif Central Saharien ; c’est un arbre sans épines et à petites feuilles.

C’est également un arbre soudanais : nous constatons donc encore qu’une espèce soudanaise remonte jusqu’aux confins septentrionaux du pays targui, du Massif Central Saharien.

Son nom, en tamâhak, semble voisin du verbe éger (lancer une pierre contre quelque chose) ; c’est qu’en effet cet arbre serait l’abri de mauvais génies et que les Touareg ont coutume, pour les chasser, de lancer des pierres contre son tronc.

Cet arbre est souvent beau et atteint 5 ou 6 mètres ;

8º Le Tabourak (T) ou Balanites aegyptiaca Delile, et

9º L’Irak ou Salvadora persica L., que l’on trouve très localisée (en particulier dans l’oued Tarat [Tassili-n-Ajjer] et à Silet), sont encore des arbres qui apparaissent au Sud des pays crétacico-tertiaires sud-constantinois, dans le Massif Central Saharien.

A côté du groupe des arbres précédents, surtout soudanais, que l’on rencontre jusqu’à environ 1.600 mètres d’altitude dans une zone de végétation que nous sommes tenté d’appeler « première zone » de végétation du pays targui, un autre groupe d’arbres, plutôt méditerranéens semble-t-il, monte à des altitudes plus élevées que lui dans une zone de végétation que nous serions tenté d’appeler pour cette raison la « zone méditerranéenne » de l’Ahaggar, de 1.600 à 2.000 mètres, qui précède une troisième zone de 2.000 à 3.000 mètres dépourvue d’arbres et arbustes généralement et que pour cela nous appelions la « zone dénudée »[60].

Il est constitué par :

1º Le Laurier-rose ou Defla (A), ou Elel (T), ou Nerium Oleander.

Nous l’avons rencontré dans l’oued Echchil, à 1.730 mètres environ d’altitude, dans l’oued Abedassen, vers 1.800 mètres. Il ne vit que dans les lieux très humides, où il forme parfois de vrais bosquets, charmants quand ils sont en fleurs, ainsi à Tin-Eselmaken (près d’Amguid), à Tihoubar (dans la même région), à Ens-Iguelmamen (au bas de la gara Ti-Djenoun), dans l’oued Aorr (près de l’oued Martoutic, dans le Tifedest), à In-Ebeggi (dans le haut de l’oued In-Takoufi), dans l’oued Teroummout (en amont de Tamanrasat), etc., etc. ; ils sont nombreux.

Mais ils sont la terreur de tout le monde et on évite soigneusement de pâturer dans leur voisinage, car les chameaux sont assez bêtes pour parfois en manger, sans s’en apercevoir, et en mourir.

Son bois est très apprécié des Touareg parce que droit et souvent bifurqué au bout ; ils s’en servent en particulier comme support pour accrocher les outres et les bâtons de laurier-rose font partie de leur matériel de campement ; comme tels ils les emportent généralement dans leurs déplacements. Des petites branches ils font souvent des tuyaux de pipes.

2º L’Aleo (T), ou Olea Laperrini Batt. et Trabut.

C’est un arbre à port d’olivier ; je l’ai rencontré dans l’Anahef (dans le cours supérieur de l’oued In-Sakan), à environ 1.400 mètres d’altitude, dans le cirque intérieur du Tellerteba, vers 1.500 mètres, sur le flanc Nord et Nord-Ouest du massif du Tahat, de 1.700 à 1.900 mètres (et même peut-être 2.000 m.), où on en trouve souvent de grosses souches.

3º Le Tafeltast (T).

C’est là un arbuste très particulier, dont la feuille est odorante lorsqu’on l’écrase. Il n’a pas encore été déterminé.

Je l’ai rencontré sur les contreforts Nord-Ouest du Tahat, associé à l’Aleo et à un troisième arbuste dont je n’ai alors pas même pu connaître le nom targui.

Dans le même vallon il y avait sur les arbustes une espèce de liane non moins étonnante.

Ces contreforts Nord et Nord-Ouest du Tahat mériteraient une étude botanique approfondie.

Nous avons retrouvé le Tafeltast à In-Ebeggi, au sommet de l’oued In-Takoufi (dans le Tifedest) à une altitude moindre.

Enfin, on rencontre encore dans le Massif Central Saharien :

1º Des Tamaricinées :

a) L’Etel[61] (A), ou Tabarekkat (T), ou Tamarix articulata Vahl.

Planche XI.

Le Pays cristallin. Groupe d’Etels dans l’oued Telouhet, près d’Idelès (Ahaggar) et Schistes cristallins.

C’est un arbre souvent très beau qui constitue parfois des peuplements si magnifiques que l’on conçoit que les premiers explorateurs de l’Ahaggar les aient qualifiés de forêts ; citons ceux de l’oued Telouhat (près d’Idelès), des oueds Arrou et Tessert (entre le Tahat et In-Amdjel, dans les contreforts Nord-Ouest du massif de l’Ahaggar). Il est souvent associé au Tarfa, mais en général forme de plus beaux ombrages ; il ne semble pas monter aussi haut, je ne l’ai observé que jusqu’à 1.550 mètres environ.

Il aime les terrains salés où il est souvent associé au Guetof ;

b) Le Tarfa (A), Azaoua (T).

Il correspond au Sahara à plusieurs espèces de Tamarix, comme j’ai eu l’occasion de le constater par les floraisons.

Le Tamarix gallica, ou T. nilotica Ehr., à fleurs petites et grappes grêles, paraît le plus courant dans l’Ahaggar, et c’est lui qui paraît monter le plus haut : j’en ai observé de très beaux peuplements jusqu’à 1.700 mètres environ d’altitude, sur les contreforts Nord-Ouest de l’Atakor (dans l’oued Tiniferan et l’oued Arrou, associé au Jedari et au Figuier) ; citons les beaux exemplaires d’Hirafok.

Ces Tamarix sahariens mériteraient une étude précise. C’est un groupe d’arbres plutôt méditerranéens et on voit que le Tarfa monte en effet à l’assaut de l’Ahaggar jusque vers 1.700 mètres, dans la zone de 1.600 à 2.000 mètres, que je suis tenté d’appeler méditerranéenne ;

2º Le Jedari (A), ou Tahounek (T), ou Rhus Oxyacanthoïdes Dum. Cours.

Encore un arbuste méditerranéen qui remonte dans le massif de l’Ahaggar jusque vers 1.700 mètres : j’en ai observé de très beaux exemplaires dans les oueds Arrou et Tiniferan (des contreforts Nord-Ouest de l’Atakor) ; je l’ai observé également dans le cirque intérieur du Tellerteba.

Le bois de Jedari est recherché par les Touareg pour faire des instruments de cuisine de préférence au bois de Tamarix ;

3º Le Figuier ou Kerma (A), Tahart (T), ou Ficus carica L.

Il est peut-être spontané ?!.

J’ai constaté sa présence, vers 1.700 mètres, dans l’oued Tiniferan, au pied Nord-Ouest du Tahat.

Nous voyons que cet arbre méditerranéen remonte également jusque dans la deuxième zone de végétation.

Dans les « arrem » (centres de cultures) il est souvent accompagné de la Vigne (Vitis vinifera).

Le Figuier et la Vigne peuvent avoir été introduits dans l’Ahaggar à la même date (ou peu après) que les cultures méditerranéennes dans les oasis du Fezzan (par l’influence des Romains [?]) — on sait que les Touareg ont eu des relations très étroites avec le Fezzan dont certains groupes prétendent être originaires.

Après ces arbres traduisant encore des affinités méditerranéennes il ne nous reste plus qu’à ne pas oublier dans les arbres et arbustes de l’Ahaggar :

1º Le Jujubier ou Cédar (A), ou Tabakat (T), dont les espèces sont le Zizyphus Saharae Batt. et Trab., assez répandu, que l’on trouve en particulier à Amguid, et peut-être le Zizyphus Spina-Christi Wild., jujubier de grande taille qu’il m’a semblé reconnaître dans l’oued Tessirt (dans les contreforts Nord-Ouest de l’Atakor, entre l’oued Arrou et In-Amdjel).

Les Touareg se servent des feuilles de Tabâkat, hachées menues, pour soigner les blessures ;

2º Une espèce spéciale au Massif Central Saharien, le Myrtus Nivelli Batt. et Trab., trouvé dans l’Ifetessen et qui vraisemblablement existe également dans le Pays cristallin ;

3º Le Cafrier ou Capparis Spinosa L., que j’ai rencontré à Tin-ed’ness, dans l’Edjéré ; c’est un arbuste plutôt méditerranéen ;

4º Le Palmier-dattier ou Nakhla (A), ou Tazzaït (T), ou Phœnix dactylifera, que l’on rencontre près d’un certain nombre de points d’eau et dans les « arrem » jusqu’à une assez haute altitude (à Idelès par exemple il y a de nombreux palmiers et c’est à environ 1.300 mètres).

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Le simple examen de ces arbres et arbustes montre bien une grande variété dans la flore persistante du Massif Central Saharien (quand on la compare à celle du Sahara arabe).

Il accuse en outre d’abord de fortes affinités d’une part méditerranéennes et d’autre part soudanaises, ensuite une personnalité propre, une province botanique distincte que marque nettement l’existence d’espèces spéciales : les Ficus eucalyptoïdes et Telokat, l’Olea Laperrini, le Myrtus Nivellii, et enfin peut-être le Tafeltast, un ou deux autres arbustes et des lianes (?).

De cet aperçu également se dégage, dans la répartition en altitude, l’existence de trois zones de végétations, une première zone, jusqu’à 1.600 mètres environ, à arbres ou arbustes soudanais, méditerranéens ou propres, une zone plus élevée, de 1.600 à 2.000 mètres environ, à laquelle ne parviennent que certains arbustes comprenant l’Aleo en particulier et le Tafeltast, à caractères originaux ou plutôt méditerranéens que soudanais, comme d’ailleurs cela est logique quand on ne considère que la température, que nous avons appellée zone méditerranéenne, et une troisième zone de 2.000 à 3.000 mètres, dépourvue en général d’arbres ou arbustes, et que nous avons appelée la zone dénudée[62].

On peut dire également ce que cette étude rapide des arbres et arbustes touareg laisse apercevoir : le paradoxe botanique de l’Ahaggar : placé au milieu du Sahara sa végétation persistante réduite pourtant en général à peu près au fond des oueds au dehors desquels on trouve le désert, est de caractère propre peu désertique quand on la compare à celle du Sahara arabe.

La présence de nombreux arbres à vraies feuilles, inconnus du pays arabe, est à ce sujet très démonstrative, surtout quand ces arbres ou arbustes, et c’est le cas des Telôkat, sont spéciaux à l’Ahaggar.

Cette flore peu désertique doit être une flore résiduelle : sans doute ces arbres et arbustes dans une époque plus humide, furent répandus d’une manière plus ou moins continue dans le Massif Central Saharien ; maintenant l’Aleo, les Telôkat, etc., sont isolés dans des stations plutôt rares et souvent très éloignées les unes des autres, endroits plus particulièrement humides où ils ont pu subsister, témoins très nets d’un âge antérieur plus favorisé[63] (étant spéciaux au Massif Central Saharien et à fruits lourds, on ne peut guère, à notre sens, donner d’autres explications).

Quelle explication donner de cette survivance de toute une flore persistante peu désertique, dans l’Ahaggar, quand en Sahara arabe la flore persistante caractéristique des temps humides semble avoir totalement disparu ou si une partie a survécu, semble s’être fortement transformée, adaptée par mutations ? (Il n’y a qu’un exemple de survivance sans grandes modifications en pays arabe : celle du Populus Euphratica, dans l’oued Mya.)

On doit attribuer, semble-t-il, à des causes géologiques et morphologiques la survivance de cette flore en pays targui ; à l’existence dans le Massif Central Saharien de vallées soit à roches encaissantes imperméables, soit très profondes, qui drainent l’humidité comme par des gouttières, vallées souvent pourvues de seuils, dans leurs profils en long, qui font cran pour retenir l’eau dans leurs alluvions en amont, de telle sorte que l’eau que reçoit la région, quoique peu considérable sans doute par rapport à celle qui tombait jadis dans ces pays, est ramassée dans les alluvions des lits de ces oueds qui sont ainsi gorgés d’eau jusque souvent très près de la surface, particulièrement en amont immédiat des « crans », des « seuils de retenue », y est totalisée, y dure longtemps, étant ainsi soustraite dans une forte mesure à l’évaporation, et constitue ainsi quand même un milieu suffisamment humide pour permettre la survivance de cette flore en des endroits privilégiés.

(Parfois même, quand la gorge est profonde, l’eau forme de petites mares permanentes alimentées par l’amont ; ces mares se trouvent en particulier dans les coins des vallées très profondes, placées de telle manière qu’elles soient la plupart du temps à l’ombre, subissant ainsi une moindre évaporation et tirant tout le parti possible de leur alimentation en eau par l’amont, qui forcément n’est jamais très considérable, ni très continue ; ces petites mares sont souvent dans des creux des seuils rocheux ou au bas de ces seuils.)

Le résultat général est la diminution de la quantité des surfaces suffisamment humides mais non la disparition complète de milieux suffisamment humides.

Bref, c’est la localisation de plus en plus grande aux oueds et même souvent seulement à des points privilégiés de leurs cours d’une flore jadis répandue beaucoup plus largement, avant peut-être un desséchement plus complet atteignant les oueds même dans leurs vallées les plus profondes et leurs points les mieux disposés pour la résistance et la disparition entière de cette flore.

Par suite de la concentration de l’humidité précédemment exposée il n’y a guère d’humidité diffuse s’étendant continuellement en dehors du réseau des lits d’oueds, par suite peu de végétation persistante en dehors de ce réseau (sauf dans les rares ergs du Massif Central Saharien).

De là le paradoxe : des lits d’oueds souvent en permanence très humides, avec végétation peu désertique conservée et en dehors le désert (à moins de pluie récente, car alors il y a de l’acheb), plus absolu souvent que le désert arabe, plus dépourvu encore de plantes persistantes.

Au contraire, en Sahara arabe en général, par suite de l’abondance des sables répandus sur d’immenses surfaces, soit d’ergs, soit de vastes plaines ou terrasses de terrains alluviaux, par suite du caractère généralement calcaire ou argilo-calcaire du sous-sol et par suite des caractères morphologiques de ce bas-pays à reliefs mous, dépourvus généralement d’oueds à lit fortement individualisé, les eaux ne sont pas totalement centralisées dans des lits d’oueds ; la plus grande partie reste diffuse longtemps dans les sables dans lesquels elle chemine lentement par suite de la perte de charge due au frottement ; une fois les sables traversés, de ce qui n’est pas resté en humidité diffuse ou reprise par un mouvement ascensionnel dû à la capillarité et à la succion vers la surface et vers l’évaporation, une partie va alimenter des nappes d’eaux artésiennes, en profondeur, est donc perdue pour la végétation naturelle du pays ; une autre partie alimente sous les sables ou dans les alluvions, des nappes d’eau trop profondes pour qu’elles puissent servir à une végétation normale, car il faut aller la chercher au moyen de puits profonds ; une partie est absorbée par les diaclases des calcaires ; finalement ce qui se ramasse dans les oueds, quand il en existe, à leur surface ou près de leur surface, n’est qu’une faible part de ce qui tombe sur leur région ; ce qui fait que la diminution des précipitations atmosphériques s’est traduite en gros par une diminution de l’humidité du sol partout, avec conservation générale d’une certaine humidité diffuse partout, les oueds généralement larges et mal délimités, quand il en existe, n’étant que légèrement plus humides (en surface) et non surtout par un desséchement complet de certaines régions de plus en plus étendues avec la conservation corrélative de milieux également constamment très humides à surface de plus en plus restreinte.

De là, en général, pour des causes géologiques et morphologiques la survivance, sans mutations adaptatives, presque impossible en Sahara arabe, à part des exceptions rares, d’espèces typiques de la flore persistante peu désertique des temps humides ; de là également, en général, la non-limitation plus ou moins stricte de la flore persistante à un réseau de lits d’oueds et ainsi la valeur en plantes persistantes des grandes plaines et des ergs.

Une des conséquences de ces considérations c’est qu’une partie de la flore persistante du Sahara algérien, par suite de la variation continue et progressive de l’humidité du sol, a pu évoluer sur place lentement et que ses Salsolacées et autres plantes caractéristiques sont peut-être dans leur pays d’évolution et d’origine.

Ces considérations expliqueraient également le caractère monotone et uniforme, la pauvreté de cette flore persistante du Sahara arabe :

1º N’y sont guère que les plantes de jadis qui ont pu s’adapter et avec la même vitesse d’adaptation que celle du dessèchement, c’est-à-dire les plantes de jadis suffisamment près du type nécessaire ;

2º L’humidité étant à peu près également faible partout la végétation est peu diverse ;

3º Les plantes persistantes des régions non désertiques ne peuvent guère pénétrer et s’acclimater en des points de ces régions, dans l’absence de réseau de pénétration de terres plus humides, d’une humidité non désertique ;

4º Il n’est rien resté ou presque rien qui n’ait une forme adaptée au désert, de la flore des temps humides antérieurs (à part le Populus Euphratica).

La flore persistante du Sahara algérien peut être considérée comme homogène, autochtone et typique au point de vue désertique.

Il n’en est pas de même de la flore persistante du Massif Central Saharien : comme nous l’avons vu elle est en comparaison riche, variée et peu désertique.

Elle est hétérogène : en effet, à côté des espèces qui paraissent être le reliquat d’une flore de jadis existent des espèces qui semblent d’origine diverse : les unes soudanaises et d’autres méditerranéennes.

Est-elle hétérogène vraiment, c’est-à-dire d’origines diverses ?

Il faudrait savoir si les espèces plutôt soudanaises ne sont pas devenues surtout soudanaises parce qu’elles ont cessé d’être surtout ahaggariennes, par suite par exemple du balancement du « climat désertique », l’hypothèse chère à Chudeau.

Il est bien difficile également de savoir si les espèces dites méditerranéennes sont venues de la Méditerranée.

On peut, dans l’hypothèse d’un golfe méditerranéen sud-constantinois, très bien imaginer le développement d’espèces méditerranéennes au Sud : elles auraient subsisté sur place après le retrait vers le Nord.

Ce golfe méditerranéen, puis sa suppression, pourrait expliquer par le même coup beaucoup de caractères de la flore persistante du Sahara sud-constantinois, en particulier les Salsolacées, plantes que l’on pourrait considérer comme maritimes à l’origine, adaptées secondairement au Sahara[64].

C’est certainement l’Olea Laperrini dont la présence est la plus curieuse à constater ; c’est peut-être un résidu dégénéré de vieilles cultures.

Quoi qu’il en soit, cette flore d’arbres et d’arbustes est en tous les cas hétérogène d’aspect : beaucoup de plantes qu’on y trouve se rencontrant surtout au Soudan actuellement et beaucoup d’autres surtout dans la province méditerranéenne, certaines enfin lui étant propres.

La flore persistante du pays targui, ainsi que nous l’avons indiqué plus haut, n’est pas largement répandue, diffuse : elle est réduite, concentrée aux lits d’oueds en un réseau favorisé (et peu désertique).

Ce réseau est d’autant plus serré et riche que l’on est sur les contreforts ou dans un massif montagneux plus important, les précipitations atmosphériques y étant plus considérables, le réseau hydrographique y étant plus dense et plus profondément gravé et enfin par suite des seuils, des « crans de retenue » dont nous avons déjà parlé, cette eau ne fuyant pas normalement, rapidement vers l’aval, en dehors de la crise de venue de l’oued.

De là l’explication, en partie, de ce que la valeur au point de vue humain des différentes régions du pays targui est souvent en rapport direct avec leur caractère plus ou moins montagneux (indépendamment de la question de l’acheb).

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J’espère que ces conclusions seront de plus en plus renforcées par les explorations à venir et que la province botanique du Massif Central Saharien avec son individualité, sa richesse, sa variété et sa forme typique de végétation, sera de plus en plus couramment distinguée du reste du Sahara : Sahara arabe au Nord, soudanais au Sud, etc.

Des études approfondies de la flore du pays targui ne feront, je crois, que montrer de plus en plus l’individualité et le caractère varié de cette flore.

Cette étude serait fertile en découvertes dans ce sens particulièrement, à mon avis, dans l’Oudan, le Tifedest et les contreforts Nord-Ouest de l’Atakor.

Dans les vallées de l’Oudan surtout ; la légende célèbre de la Garet-el-Djenoun n’est peut-être pas très loin de la réalité : s’il y a des vallées suspendues sur son vaste plateau terminal encore vierge d’exploration, peut-être une flore étonnante s’y est-elle concentrée.

En tous cas, des vallées profondément entaillées de ses contreforts il y a beaucoup à espérer ; je n’ai vu que le bas d’une de ces vallées, l’oued Ens Iguelmamen ; la végétation en était exubérante pour le Sahara et j’ai vu là un très beau Telokat. Que nous réservent les régions en amont ?

Quant aux contreforts Nord-Ouest de l’Atakor j’ai eu là, dans l’oued Arrou, la volupté de cheminer pendant plusieurs heures auprès d’un ruisseau chantant, au milieu de Tarfa des plus ombreux et sur de vraies prairies avec menthes, véroniques, graminées, etc. ; des Touareg m’ont affirmé que cet oued coulait toujours ; c’est là un coin dont l’étude botanique serait, je crois, des plus intéressante également, avec celle encore des coins humides du Tifedest-Ta-Mellet (citons en particulier dans le Tifedest-Ta-Mellet, l’oued Timakhatin [affluent de l’oued In-Takoufi], les environs d’In-Ebeggi, de l’oued Aorr [au pied de l’Iscarneier] et de l’oued Entenecha).

Il est intéressant de constater que nous sommes amené par cette étude botanique à une conclusion analogue à une de celles de la partie géologique de ce travail à laquelle amènent également les études zoologiques, à savoir la croyance à un passé plus humide, notamment plus humide dans les régions du Sahara arabe comme dans celles du Massif Central Saharien[65].

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L’étude des arbres et arbustes du pays targui, que je viens de faire, m’a permis une mise au point des caractéristiques générales de sa flore.

Dès lors un examen détaillé du reste de cette flore pourrait paraître fastidieux.

Si j’envisage l’éventualité d’en publier une étude, j’estime qu’elle n’aurait pas de raison d’être ici, dans ce travail destiné surtout à des mises au point plutôt synthétiques.

Du pâturage dans le Massif Central Saharien.
De l’élevage targui.

Dans le Massif Central Saharien, le chameau se nourrit principalement d’Arta[66], de Chobrok[67], de Guetof, de Had, de Drinn, de Mourkba[68], d’un sous-arbrisseau à tiges et feuilles velues qui pousse dans la montagne, de Nessi, de Chgar, de Krom, de Girgir, de Chereg, de Kach, de Chaliate, de Rabié, de Lehema et autres plantes d’Acheb dont un Rumex (R. vesicarius E. L.).

Les Touareg distinguent plusieurs variétés de pâturages par des mots spéciaux.

A part l’Arta, spécialité en général des grands et larges oueds sablonneux et des « mader », et qui a son moment, le Had, localisé dans les sables, le Drinn que l’on trouve dans les sables et dans certains « mader » ensablés et qui est souvent réservé pour la récolte de son grain, le Guetof des fonds de vallées argileuses et salées, le Chobrok limité aux lits des oueds, qui résiste un certain temps à la sécheresse, mais n’est réellement très apprécié du chameau qu’aux alentours de sa floraison, le Mourkba et le Nessi qui se maintiennent en touffes sèches longtemps, mais alors ne constituent plus qu’un maigre pâturage (à moins que le Mourkba ne porte ses graines), le chameau se nourrit principalement dans le Massif Central Saharien de plantes éphémères qui suivent la pluie, de pâturage vert d’Acheb.

Nous n’avons plus en pays targui en général ces vastes étendues de Salsolacées, ces vastes pâturages quasi permanents, qui en Sahara arabe permettaient de ne pas être lié étroitement au point de vue pâturage, à la pluie, ce qui en été était fort précieux.

Ici, le réseau de végétation persistante étant somme toute de surface restreinte, on est d’une manière générale étroitement attaché à la pluie, beaucoup plus qu’en Sahara arabe, et l’été principalement les pâturages sont parfois rares, il ne reste que les quelques pâturages persistants à Had, Drinn, Guetof, Arta, etc.

Aussi, les Kel-Ahaggar sont, par l’absence de pluies, contraints parfois, les pâturages permanents ne suffisant pas alors, de faire nomadiser une partie de leurs chameaux dans des régions plus favorisées, hors de leur noble pays, dans l’Adrar des Iforas, dans l’Aïr, etc., et suivant les fantaisies de la pluie, certaines fractions sont contraintes de faire pâturer leurs chameaux dans des terrains de parcours qui ne sont pas les leurs[69], ce qui ne va pas sans négociations diverses, car chacun s’efforce de garder alors pour lui seul les régions précieuses où les bêtes profitent, où « il y a à manger ». C’est l’été surtout que ces crises se produisent.

Ceci nous montre tout le prix du réseau de pâturages persistants[70] du pays des Kel Ahaggar, surfaces restreintes, propriétés de tribus, jalousement réservées souvent pour les périodes dures et auxquelles des plantes particulières constituant un facteur nécessaire dans la bonne alimentation du chameau (qui doit en manger à certains moments suivant les formules compliquées de cette alimentation très spéciale sur laquelle je n’ai pas la place de m’étendre ici) donnent encore plus de prix.

Aussi les quelques coins du pays targui, susceptibles de développement agricole, correspondant souvent au meilleur de ces quelques pâturages résistants, de ces quelques pâturages de garantie contre la sécheresse et de grande nécessité pour le cycle alimentaire du chameau, on comprend qu’un développement agricole[71] de l’Ahaggar, outre les obstacles qu’il rencontrerait du côté de la main-d’œuvre puisse se heurter à l’hostilité des Touareg à qui il enlèverait des éléments nécessaires à leur vie pastorale.

Le nomadisme des chameaux n’est pas toujours celui des individus accompagnés de leurs ânes, chèvres et moutons ; souvent les Touareg, principalement les femmes, restent avec les chèvres, les moutons et les ânes en terre d’Ahaggar, dans leur terrain ancestral de parcours auquel ils sont très attachés et continuent à transhumer suivant leurs traditions, leurs habitudes, très casanièrement pourrait-on dire, pendant que les chameaux sont emmenés prendre de la bosse ou l’entretenir, où ils trouvent bon pacage et les pâturages qui conviennent à la saison et à leur état. Il semble que l’on trouve là un reflet dans les mœurs, de cette évolution de l’humidité du climat au Sahara dont il est souvent question dans ce travail.

Il est d’ailleurs constant que pour certaines régions actuellement peu sympathiques du pays des Kel Ahaggar, les Touareg vous parlent d’un temps assez proche (une centaine d’années, pas plus) où elles étaient plus favorisées sous le rapport des pâturages et des points d’eau ; à citer en particulier à ce sujet les voisinages de l’Amadror.

Le pâturage vert est excellent pour remettre en état un chameau, il est agréable aussi parce qu’il diminue la fréquence de la nécessité des opérations d’abreuvoir[72], mais c’est un pâturage fade — aussi les Touareg, quand ils ne peuvent recourir à un pâturage salé, donnent du sel à leurs chameaux.

L’alimentation du chameau a d’ailleurs un tas de nécessités qui rendent très complexes son élevage et son entretien, ces nécessités se superposant avec la question de la pluie. Son étude détaillée sortirait du cadre de ce travail.

Les mehara de l’Ahaggar sont souvent des animaux petits fins, nerveux, musclés et à ligne élégante.

Les vrais mehara de l’Ahaggar proviennent d’une véritable sélection, alors qu’en pays arabe, c’est surtout le choix, le dressage et la castration qui font le mehari.

Le mehari Ahaggar, de race pure, se distingue généralement bien des mehara provenant des autres élevages :

le mehari de l’Adrar est généralement grand, a une ligne majestueuse, un pas magnifique, mais est généralement moins fin et moins léger que le mehari Ahaggar et sa figure est moins éveillée ;

le mehari du Fezzan est plutôt un chameau mixte qu’un mehari, il a de très solides qualités ;

le mehari de l’Aïr est souvent de robe pie et d’allure délicate ;

le pays arabe ne produit guère de beaux mehara ; sa spécialité, ce sont les chameaux porteurs, les chameaux lourds, supportant de grosses charges. (Le commandant Pujat distingue d’ailleurs les chameaux arabes des autres chameaux du Sahara, en fait une espèce différente, originaire d’Asie, amenée par les invasions arabes, alors que les chameaux touareg seraient d’origine essentiellement africaine, en tous les cas, d’introduction plus ancienne en Afrique.)

Le mehari de l’Ahaggar est le mehari par excellence, le chameau de guerre ; il est agréable à monter, a un pied extraordinairement sûr, passe partout dans la montagne, supporte bien l’amble et le trot, peut couvrir de grandes distances (jusqu’à 120 km. dans la journée), est capable de courir en course en terrain accidenté, enfin est susceptible de marcher au galop et même de partir au galop de pied ferme.

On l’accuse d’être parfois un peu plus délicat que les autres chameaux et d’être peu à son aise dans les sables, mais c’est là peut-être une fausse réputation : car au bon, au vrai mehari de l’Ahaggar on a fait subir en général dans sa jeunesse l’entraînement, l’accoutumance à tous les terrains et à tous les genres de pâturages, à toutes les régions en particulier par la vie de rezzous et il est très résistant quand on sait le mener surtout, si après son dressage, on lui a laissé se constituer de la bosse de plus d’un an et qu’on le prend avec cette bosse ferme et confirmée.

Mais c’est dire que la formation d’un vrai mehari Ahaggar est une œuvre de longue haleine, qui nécessite tout un art et une succession de combinaisons compliquées, aussi les Kel Ahaggar ne se défont pas facilement de leurs excellentes montures qui représentent tant de soins, d’attention, de dressage et de formation savante, et, en général, nous n’arrivons pas à en posséder — de là sûrement une réputation injustifiée, car il y a des mehara touareg dont la résistance est extraordinaire.

Enfin les mehara touareg sont souvent éduqués avec beaucoup de douceur et d’intelligence, ils en arrivent à avoir un caractère autrement plus fin et sympathique que les stupides chameaux arabes abrutis par la brutalité de leurs maîtres ; le mehari targui connaît son maître et manifeste discrètement pour lui, par de petits cris, ses impressions diverses, sa joie, son étonnement, etc., animant ainsi la route de ses réflexions gentilles et remplissant le rôle d’un camarade discret, dévoué et affectueux. Il est même parfois trop familier et s’oublie à mettre pensivement sa tête sur votre épaule[73].

Les mehara ne sont qu’une minorité dans l’ensemble des chameaux touareg : les Touareg en effet élèvent principalement des chameaux pour leur lait, pour leur viande et pour porter ; les animaux qui ne sont pas encore « sedes » font nombre aussi ; et tout cela constitue des troupeaux ; ces troupeaux de chameaux sont le principal de la richesse en pays targui.

Les campagnes de ces dernières années ont porté un coup très rude à l’élevage ahaggar et son cheptel camelin a de la difficulté à se remonter.

Les Touareg sont gens de chameaux et aussi gens de chèvres. Les chèvres sont leur grand élevage avec les chameaux ; ils en ont de grands troupeaux, mais c’est plutôt l’accessoire de la richesse. Elles leur fournissent du lait, du beurre, des fromages, de la viande.

Toute une partie de la population, les plébéiens, est appelée Kel-oulli (gens de chèvres) plutôt qu’imrad — ce dernier terme étant méprisant alors que le premier ne l’est pas.

Souvent, comme je l’ai dit précédemment, les tentes touareg ne circulent qu’avec leurs chèvres, leurs ânes et quelques mehara — le gros des chameaux menant une vie de pâturage distincte.

Pour les chevreaux, les Touareg édifient de petites tours basses dans lesquelles ils les entassent la nuit — il convient de ne pas confondre ces petits abris avec des tombeaux ou autres monuments lithiques.

Les chèvres demandent à boire tous les jours et mangent un peu de tout.

Les cuirs de chèvres peuvent évidemment faire l’objet d’un certain commerce[74] ; mais il conviendrait de ne pas exagérer les possibilités de rendement de l’élevage ahaggar, qui déjà semble trouver ses pâturages insuffisants à certains moments, ni de fonder de trop grands espoirs sur le commerce de ces peaux qui nécessiteraient, pour pouvoir jouer un rôle sur le marché des cuirs (des peaux de gants par exemple), d’être tannées avec soin, ce qui imposerait la création d’un centre de tannage dans l’Ahaggar — et un traitement des chèvres durant leur vie, qui permette de compter sur la qualité de leur peau après leur mort.

Les Touareg font avec le lait de chèvre du beurre et du fromage qu’ils vont vendre souvent fort loin.

Avec les chèvres, les Touareg possèdent des moutons (sans laine), plus rares ; ces moutons sont souvent croisés avec des chèvres et donnent des produits bizarres mâtinés chèvre et mouton, avec longue queue, poil long et cornes de chèvres.

Enfin, des ânes font partie du cheptel inséparable des tentes touareg ; ce sont de jolis ânes gris argent, avec les pattes zébrées et une croix noire veloutée sur le dos ; souvent ils s’échappent et mènent une vie sauvage.

Les Touareg possèdent un cheval, celui de l’Amenoukal, grand sujet de conversation, car ils en sont très fiers, et qu’ils nourrissent complètement au lait — ce qui ne lui réussit pas mal.

Quand j’aurai signalé quelques zébus dans les « arrem », originaires du Soudan (on leur fait faire la traversée du Tanesrouft au printemps), j’aurai terminé cet exposé sur l’élevage des Touareg dont on peut dire qu’après guerriers féodaux, ils sont essentiellement pasteurs de chèvres et de chameaux.


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