Au Mont-Blanc: Aiguilles, sommets, vallées et glaciers; ascensions, sports d'hiver
De même aussi que le Panthéon était consacré à tous les dieux, le Glacier du Géant est consacré à toutes les divinités de la montagne. Elles entourent le vaste amphithéâtre. A l'Est, qui est la gauche en entrant, ce sont les Périades, le Mont-Mallet, l'Aiguille du Géant et les Aiguilles Marbrées; au Sud, se dresse la Vierge, puis on découvre successivement le Flambeau et la Tour Ronde; à l'Ouest, le Mont-Maudit, le Mont-Blanc de Tacul, et l'Aiguille du Midi. Enfin vers le Nord, un peu plus loin, pressées les unes contre les autres les divinités de second ordre, moins parfaites que les Dieux, mais plus vénérées et redoutées. Ce sont: le Grépon, les Grands Charmoz, la République; elles sont précédées dans le tour d'horizon par les pointes Saumon, l'Aiguille de la Baitière, l'Aiguille Dufour et l'Aiguille du Plan. Dans le fond de l'amphithéâtre autour duquel siègent les géants, la divinité suprême, toujours présente, bien que parfois invisible, immuable et mystérieuse: le dôme du Mont-Blanc, aux lignes pures comme aux premiers jours du monde, aveuglant avec sa neige sans tache, car à mesure que le glacier monte vers le ciel il se débarrasse de tout ce qui pourrait le ternir afin de n'être plus autour du Dieu, que splendeur, pureté, ineffable beauté.
Durant de longues heures, le pèlerin gravit l'escalier triomphal fait de murs de glace successifs. Puis il gravit par une pente facile un large vallonnement glacé, qui aboutit au Col du Géant.
Au delà du col, la paroi plonge presque verticalement jusqu'à Courmayeur à plus de 2 kilomètres en dessous, dans la haute vallée de la Doire: c'est l'Italie.
Nulle situation n'est comparable à celle du Col du Géant. Théodore Camus déclare: «Bien qu'on en ait dit des merveilles j'ai trouvé la réalité encore plus merveilleuse... C'est une véritable vue de haut sommet, mise à la portée de tous, et qu'on peut admirer largement à son aise, dans les gloires du soleil qui se couche, ou du soleil qui se lève, ou dans les blancheurs lumineuses de la lune.» Un excellent refuge édifié par le Club Alpin Italien dès 1876, offre un agréable séjour dans ce nid d'aigle situé à 3323 mètres d'altitude: il porte le nom de Rifugio Albergo Torino.
Quelques heures suffisent pour descendre du Col du Géant à Courmayeur. On suit d'abord une crête facile, dominant des à pics, puis des éboulis granitiques. Un passage de rochers escarpés lui succède, enfin un sentier muletier, qui s'améliore à mesure que l'on descend, mène au Pavillon du Mont-Frety. On atteint ensuite une superbe forêt de mélèzes et l'on arrive à Entrèves, d'où une route de chars commode conduit au Chamonix italien.
Le panorama du Col du Géant compte parmi les plus réputés: de gauche à droite, la vue s'étend sur les Alpes Pennines, le Mont-Rose, le Grand Combier, le Cervin, le Massif du Grand Paradis, la Grivola, la Grande Casse, l'Argentera, les Alpes-Maritimes, les Écrins et toutes les Alpes Dauphinoises. Tout près, formant un impressionnant premier plan, on distingue les Aiguilles Noire et Blanche de Peteret et le versant Est du Mont-Blanc qui s'élève encore à 1440 mètres au-dessus du col.
A gauche du col, se dresse la flèche sans rivale que les Français appellent Aiguille du Géant et les Italiens Dente del Gigante!
Elle demeura longtemps inaccessible. Autour d'elle succombaient successivement toutes les aiguilles. Les Grandes Jorasses étaient domptées dès 1865, le Mont-Mallet était gravi en 1871, l'Aiguille de Rochefort en 1873, le Flambeau et l'Aiguille de Saussure en 1876. Seule, grâce à ses parois abruptes, l'Aiguille du Géant déjouait toutes les tentatives. C'est en vain, que les meilleurs alpinistes lui donnaient assaut: elle défiait leurs efforts. Mummery vient, en 1880, escorté de son célèbre guide Alexandre Burgner, et celui devant qui avait cédé le Grépon dut s'avouer vaincu devant la grande plaque lisse qui défend le sommet de l'Aiguille. En se retirant de la lutte inégale, le grand alpiniste déclara que l'ascension était impossible par les seuls moyens humains. Cet aveu d'impuissance était en même temps un conseil. Dès 1882, les frères Sella s'installent dans la cabane du Géant: ils vont attaquer l'Aiguille au burin et au marteau; ils entaillent la roche, y scellent des crampons de fer et finissent par enserrer l'obélisque dans un réseau de cordes par lesquelles à la force des bras, ils se hissent jusqu'au sommet. Désormais, l'Aiguille enchaînée sera maintes fois gravie.
Elle est si tentante cette pointe d'or qui se détache dans le ciel rose du couchant: si lointaine, si aérienne, qu'elle paraît irréelle. Et puis elle ne comporte pas de bien grandes fatigues: elle n'exige qu'une tête exempte de vertige et de bons bras. Ceux que la nature a ainsi doués, peuvent en six heures accomplir à l'aller et au retour cette escalade inouïe.
Vous aurez le temps de paresser quelque peu dans le bon lit du refuge Torino, car il ne faut pas partir de grand matin. Laissez au chaud soleil d'Italie le soin de dégeler les cordes que le Club Alpin Italien a placées sur la face Ouest. En pleine saison, il vous suffira de partir à 6 heures. C'est l'heure propice. Le soleil n'a point encore amolli la neige et vous gagnerez rapidement et sans peine le plateau supérieur du Col du Géant qui se redresse près des Aiguilles Marbrées. Depuis cet endroit, l'ascension se fait en deux temps et beaucoup de mouvements. Les gestes les plus compliqués sont réservés au second temps: pour les faciliter, il est bon de s'encorder avec de très longs intervalles.
Durant le premier temps, les efforts tendent à atteindre une sorte d'épaule, située à l'Est de l'Aiguille. L'escalade des premières assises est agréable; partout le rocher est excellent.
Une fissure dans les rochers, inclinée mais assez large, s'offrira bientôt à vous; elle est idéale par sa commodité et ses dimensions: le corps entier y tient à l'aise; jamais vous n'avez rencontré fissure aussi praticable. Cependant bientôt, elle se rétrécit: qu'importe, elle reste assez large pour contenir votre jambe droite: c'est amplement suffisant pour un alpiniste; tant pis pour la jambe gauche, elle battra le vide de l'autre côté de la lame de rocher. Mais cela se complique, voici que la jambe droite enfle, elle ne tient plus dans la fissure: c'est peut-être la fissure qui se rétrécit? Contentez-vous dès lors, de laisser votre coude dans la fente et continuez hardiment. Encore quelques mètres et vous vous apercevez que votre coude est trop gros: jamais vous n'auriez cru avoir d'aussi gros bras, ni d'aussi grosses mains. Et alors, vous vous agrippez à une corde qui est là, comme un serpent dormant sur le rocher, le long de la rainure; laissez cependant quelques doigts dans les lèvres de la roche car il ne faut jamais se fier complètement aux cordes, et puis, que diable, le rocher est plus solide que le chanvre.
Et c'est ainsi que vous atteignez «la salle à manger», petit névé suspendu dans le vide au pied de l'Aiguille. La partie facile de l'ascension est terminée, les difficultés commencent; laissez sacs et piolets, mais ne laissez pas l'espérance, ni le courage, il vous en faudra beaucoup pour ce qui reste à faire.
Que faut-il dire de cette gymnastique? Une petite corniche à gauche permet de gagner la face Nord-Ouest de l'Aiguille et l'on se trouve au pied d'un mur. Heureusement, les câbles se succèdent à peu près sans interruption. Les bras font tout; les jambes se contentent de battre la mesure dans le vide. On parvient ainsi à une grande dalle triangulaire au pied de laquelle s'arrêta Mummery: c'est la plaque Burgener. Imaginez une énorme paroi lisse et sans aspérité, inclinée de 75°, entourée de trois côtés par le vide et vous aurez une faible idée de cette plaque, car il manquera encore l'image du vide très présent en cet endroit. Bien bas, le Glacier du Géant brille au soleil. Au-dessus de la tête le mur perpendiculaire continue sans trêve. L'arête gauche vous servira à franchir la première partie de la difficulté. Puis une marche de flanc dans une fissure, en équilibre contre le rocher fait un divertissement assez peu agréable. Bientôt la rude gymnastique recommence le long de la verticale. Quelques cheminées mettent encore à dure épreuve vos nerfs et votre tête, et vous vous trouvez subitement sur le premier sommet qui penche d'inquiétante façon sur le versant italien. Pourquoi cette aiguille persiste-t-elle à vouloir regarder ainsi je ne sais quel objet en retrait sur les rives de la Doire?
Le sommet de l'Aiguille comprend deux pointes: la pointe Sella et la pointe Graham. Elles sont reliées par une petite muraille étroite et croulante, bordée de chaque côté par 600 mètres d'à pics. Au delà du petit mur, il n'y a plus grand'chose: le vide tout simplement. Cependant, c'est quelque chose que le vide lorsqu'il atteint de semblables dimensions.
Courmayeur dort là-bas, encaissé dans la vallée profonde où la Doire déroule son ruban d'argent; vers le Sud-Ouest, les Aiguilles de Peteret montent à l'assaut du Mont-Blanc. Au Nord-Ouest, dans un farouche silence dorment les lacs glaciaires et le gigantesque fleuve du Géant, au pied des Aiguilles de Chamonix, que l'on voit d'ici «élevées et grandioses, dit Théodore Camus, ruines idéales de cathédrales gothiques que des peuples de géants auraient mis cent siècles à construire. De leurs croulantes murailles brunies par le temps, les clochetons de pierre ciselée, instables, jettent leur ombre sur les blanches draperies déployées, sur les arêtes et sur les toits d'argent... tout à l'heure, draperies de pourpre, arêtes et toits d'or quand le soleil va descendre.»
Aiguilles de Chamonix, dont je ne veux rien dire, car Guido Rey vous a placées trop haut, vous qui deviez être pour nous le merveilleux pays où nous aurions fait ensemble le plus pieux des pèlerinages, dites-moi si mon pauvre ami si cher, du fond de l'effroyable crevasse des Aiguilles d'Arves, a vu passer devant ses yeux votre image mystérieuse en une dernière vision de l'Alpe?
«Ah! que ne nous a-t-il été donné, de nous retrouver réunis encore une fois, ami, sur un sommet du monde[1].»
[1] Guido Rey: Alpinisme Acrobatique.
CHAPITRE VI
Ténèbres blanches
Dans l'inconnu, dans le mystère
nous allons, tel un vaisseau fantôme
perdu sur une mer sans fin.
Albert Gos.
C'est sans doute à la fatigue qu'il faut l'attribuer: j'ai passé dans la couchette du refuge Torino une nuit fort agitée. Pendant de longues heures je me suis débattu avec des difficultés insurmontables; mon esprit surexcité m'a fait ascensionner à nouveau l'Aiguille du Géant par bribes; je me suis vu à califourchon sur des rochers bizarres, j'ai dormi sur d'étroites corniches, la gorge brûlante, en des bivouacs insensés. Les souvenirs du passé ont défilé devant mes yeux et je me suis accompagné moi-même à vingt ans de distance dans ma première ascension au Mont-Blanc.
C'étaient d'abord les préparatifs: l'étude des articles de revues, l'examen des cartes, la critique des itinéraires, puis le baromètre cent fois tapoté; enfin les provisions et le matériel de course étalés sur la table avant de s'empiler dans le sac. J'ai assisté à notre départ dans la gare animée et bruyante au milieu des sifflets, des jets de vapeur, et aussi de la curiosité quelque peu hostile des compagnons de route, enfin à l'arrivée en pleine nuit au Fayet-Saint-Gervais. La pluie s'était mise à tomber. Nous n'étions que deux alpinistes, nous n'avions jamais fait de course dans le massif du Mont-Blanc, mais nous étions pleins d'ardeur et de courage. Dans la nuit, nous montions jusqu'aux Houches par le chemin de fer électrique. Au village la pluie avait cessé. Mais de gros nuages noirs voilaient à chaque instant la pâleur de la lune. Nous avions erré dans le village endormi en quête d'un gîte partout refusé et nous avions échoué dans une pièce délabrée et nue qu'un habitant avait bien voulu nous prêter pour quelques heures.
Le lendemain matin malgré la pluie qui tombe par averses, nous partons gaiement. Nous montons par le sentier jusqu'au chalet de Bellevue et de là nous nous élevons par le sentier forestier qui longeant à gauche le glacier de Bionnassay, conduit à celui de Tête Rousse. Pendant que devisant tranquillement, nous gravissons le sentier qui monte indéfiniment, le bruit sourd d'une avalanche de pierres, parvient jusqu'à nous. Plus loin, nous nous apercevons que le chemin est coupé par l'avalanche.
Nous traversons le plateau des Rognes: désolé et aride, il donne une impression de solitude qui vous angoisse; entassement prodigieux de blocs ébranlés, il forme un immense clapier au-dessus duquel nous nous élevons peu à peu, laissant à droite le glacier de Bionnassay, par le sentier qui mène à Tête Rousse. Nous nous arrêtons un moment pour nous restaurer, au chalet-hôtel situé au pied de l'Aiguille du Goûter, puis nous en repartons bientôt avec l'intention de monter dès ce soir coucher au refuge Vallot.
Pour éviter les chutes de pierres qui, à cette heure de la journée sont fréquentes, nous décidons de faire l'escalade de l'Aiguille non pas par le couloir habituel, mais par l'arête Nord. Il y a là 1000 mètres d'une escalade intéressante qui demande quelqu'attention par un beau temps, mais qui devait par suite des circonstances atmosphériques présenter beaucoup de difficultés.
A peine avons-nous commencé l'escalade que le ciel se couvre de nuages menaçants. Le vent souffle avec rage. Il faut se cramponner avec force au rocher pour ne pas être enlevé. Puis la tempête se déchaîne. Le grésil se met à tomber. Lancé par la tourmente avec violence, il cingle la figure et l'on croirait ressentir autant de brûlures; la fureur de la tempête devient telle qu'il nous paraît imprudent de rester plus longtemps sur l'arête trop exposée au vent. Abandonnant alors les traces laissées par ceux qui nous précédèrent sur cette voie, nous décidons de chercher beaucoup plus à gauche, notre chemin, dans les hasards d'une route nouvelle. Où nous mena une marche de flanc assez osée? il me serait difficile de le préciser: l'endroit était précipitueux. L'escalade devient plus difficile, l'inclinaison des roches étant plus sensible. Nous grimpons au hasard dans le rocher, sans relâche, à travers le brouillard. Nos gants mouillés et gelés se déchirent aux aspérités, d'ailleurs il faut les quitter car la main n'est pas assurée dans cette enveloppe mi-durcie par le gel, mi-gluante. La pierre est glacée, le verglas commence à la recouvrir. Nos doigts engourdis ne nous offrent pas de sécurité: qu'importe, il faut avancer, au risque de glisser dans l'abîme invisible qui se creuse sous nos pieds. Nous montons ainsi, sans relâche et sans repos, haletants, étouffés par le vent glacial. Cela dure deux longues heures. Après ces interminables moments, il nous est enfin donné de fouler le plateau terminal couvert d'une épaisse couche de neige dans laquelle nous nous enfonçons jusqu'au ventre. Il fait horriblement froid. Le plateau, balayé sans cesse par le vent, est aussi peu hospitalier que possible. Le brouillard est intense: à quelques mètres de moi, mon compagnon d'infortune et d'angoisse est une ombre grise à peine visible: où est le refuge? La tourmente nous aveugle. Nous tournons, cherchant l'abri: c'est en vain! Allons-nous passer la nuit sur le sommet, dans la neige glacée? Soudain, mon camarade pousse un cri: du bras, il me montre une tache noire rectangulaire, à quelques mètres; c'est la porte, ou plutôt l'emplacement de la porte du refuge, car celle-ci a disparu.
Le chalet, plein de neige, est si bas que l'on est obligé de s'y tenir courbé. Qu'importe, c'est un abri où nous pourrons passer la nuit, car il ne faut plus songer à gagner aujourd'hui le refuge Vallot? Notre demeure est dans un état de malpropreté et de vétusté qui dépasse tout ce que l'on pourrait imaginer. Le vent entre partout. Le carton goudronné qui tapissait jadis l'extérieur de la baraque a disparu, et le poêle sans tuyau, gît disloqué sur la glace. Pourtant une joie nous est réservée. Voici un peu de bois, nous le considérons avec attendrissement.
Nous avons tenté d'allumer le feu: c'est en vain. Mais nous avons pleinement réussi à nous enfumer. Il faut sortir pour éviter la toux qui nous gagne. Heureusement un coup de vent a entraîné la tempête chevaucher sur d'autres cimes, découvrant un coucher de soleil magnifique. Spectacle grandiose qui nous fait oublier le froid et la fatigue. Le soleil descend peu à peu: il s'enfonce derrière un rideau de nuages que sa lumière rouge éclaire d'une lueur sanglante. Le vent balayant les cieux amasse les nuées au fond de l'horizon, puis sous son effort brutal, elles bondissent dans notre direction, elles courent avec rapidité sur les cimes inférieures qui les déchiquettent, le soleil les teint de pourpre. Tout est rouge autour de nous: les glaciers qui scintillent comme des rubis, l'Arve qui roule des eaux ensanglantées, les brouillards eux-mêmes qui noient Chamonix dans le sang. Symphonie en rouge majeur, qui va en s'atténuant à mesure que le soleil disparaît, comme s'éteint une chanson, quand le chanteur disparaît au tournant du sentier.
Les nuages viennent se briser contre l'Aiguille du Goûter puis roulent dans l'abîme pour remonter de nouveau: pendant un instant l'Aiguille victorieuse émerge des nuées. Nous profitons de l'éclaircie pour jeter un coup d'œil sur Tête Rousse que nous apercevons bien bas au-dessous de nous. Les habitants sont dehors, points noirs sur la blancheur du glacier; nous crions en vain dans le vent qui emporte nos cris sur d'autres cimes.
Nous avons dit un dernier adieu aux hommes, nous sommes seuls désormais, solitude impressionnante et pénible. L'âme oppressée est inquiète en quelque sorte de je ne sais quel péril imaginaire, crainte étrange de l'inconnu, presque de l'au-delà; malaise indéfinissable et irrésistible, qui étreint et accable l'esprit endeuillé, veuf par son divorce momentané d'avec les hommes.
C'est l'heure exquise où le jour qui décline laisse l'ombre envahissante noyer les contours des objets dans une demi-obscurité. Dans la demeure close et tiède, on aime à attendre que la nuit ait voilé les formes indécises et familières qui nous entourent, avant d'allumer la lampe. Les pieds sur les chenets on se plaît à regarder la flamme joyeuse qui danse dans l'âtre souple et ondoyante. Moment délicieux où l'esprit erre sans contrainte, où, se laissant aller au charme pénétrant de l'heure tranquille du chien et loup, on est heureux de se sentir vivre calme, sans souci, où l'on apprécie le bonheur d'être à l'abri au chaud, en bonne santé.
Pour nous, perdus au milieu des solitudes glacées, nous regardons avec angoisse le grésil qui tisse dans l'air, autour de nous, un voile blanc impénétrable. Nous songeons à la chance que nous avons eue cependant d'arriver à temps. Quelques instants plus tard, touristes égarés, nous nous serions agités en vain dans la tourmente. Nous appellerions, et la tempête seule répondrait à nos cris de détresse. Sans relâche la neige autour de nous continue sa trame: nuit blanche, plus terrifiante que la nuit la plus noire, parce que plus mystérieuse encore. L'âme emprisonnée se débat en vain contre la stupeur qui l'accable. Rentrés dans la cabane, nous attendons, silencieux, la pensée vague et morne: la nuit qui tombe vient seconder la nuit blanche dans son œuvre destructive de la volonté.
Dehors, l'obscurité règne, totale. Le trou de la porte absente ouvre sur le néant: nous allumons notre lanterne. Avec elle notre pensée se ressaisit. Point brillant dans l'obscurité vers lequel les yeux se tournent avec joie, sa lumière dissipe les ténèbres qui envahissent le refuge, et jette en même temps un peu de clarté dans les âmes: l'horreur a disparu, la vie renaît et se concentre autour de cette flamme pâlotte et vacillante.
La nuit est lente à s'écouler, sans sommeil, avec des alternances de hurlements effroyables de la tempête, et de calme subit encore plus terrifiants. Lorsque le vent se tait, le silence et la nuit reprennent leur empire, silence horrible qui frappe l'imagination peut-être davantage que la tourmente: il semble que le silence hurle à son tour. La neige alors tombe, légère, avec un imperceptible bruissement, comme un frôlement de jupe de crêpe sur l'herbe fine d'un cimetière abandonné: musique monotone et triste, semblable aux airs que l'on chante dans la montagne pour endormir les nouveaux-nés, elle nous berce avec son ronronnement doux, pour nous endormir d'un sommeil dont on ne se réveille plus.
Dans la somnolence qui me gagne j'entends des sons de cloches, de cloches qui sonnent un glas qui peut-être sera le nôtre. Mon compagnon gît sans mouvement, respire-t-il? La tempête m'empêche de l'entendre, on le croirait mort.
Et voilà que soudain, dans l'énervement de cette nuit sans sommeil, je ne sais comment, je me prends à penser aux Djinns de Victor Hugo. Ce sont eux que l'on entend hurler dehors, ce sont leurs griffes qui raclent le toit du refuge, et machinalement je récite:
Je remarque en passant, que ces démons d'aujourd'hui sont blancs et d'apparence pure, et cette observation me fait oublier la suite. Ma mémoire fatiguée est incapable de retrouver le vers suivant. Je cherche surexcité, et mon cerveau est vide: le vent a entraîné mes idées errer dans les précipices, avec les flocons de neige.
Je répète le vers, comme un écolier récite une leçon mal apprise. Je veux penser à autre chose, fuir cette idée obsédante et bête à la fin, et toujours hallucinants, lancinants, douloureux, les mots reviennent
Enfin! un rayon blafard se glisse entre les planches, comme hésitant à entrer dans la demeure glacée et ténébreuse. C'est l'aube lugubre. Dehors tout est blanc, les rochers par lesquels nous sommes montés hier sont verglacés. La retraite nous est coupée, il faudra aller jusqu'au bout de notre calvaire. Et nous partons pour le Dôme, lentement dans la neige fraîche, tandis que peu à peu, le temps se lève et le ciel s'éclaircit.
Qu'il fait froid sur l'arête! Le vent me jette au visage la neige que mon compagnon soulève dans sa marche. Autour de nous, la poussière de grésil tourbillonne un moment, formant une colonne torse, transparente et blanche; puis la colonne se déplace légèrement, et le tourbillon recommence, avec d'autres colonnes, valse échevelée de formes vaporeuses et blanches qui semblent des elfes ou des lutins.
Le ciel est maintenant très pur, mais vers l'ouest, une légère bande noire strie le ciel au-dessus de l'horizon, c'est le signe mystérieux d'une nouvelle tempête. Et nous nous hâtons par le Dôme et le Col du Dôme, vers le refuge Vallot que nous apercevons sur une petite éminence: tout près! Nous l'atteindrons sûrement avant la tourmente.
Mais la faim nous affaiblit, nos jambes fatiguées glissent dans la neige fraîche sur la pente rapide. Et le nuage grossit, le vent s'élève à nouveau; hâtons-nous si nous voulons être en sûreté avant d'être enveloppés de neige. Enfin! après des efforts surhumains, nous atteignons la plateforme du refuge au moment où la tempête nous attrape à son tour. C'est trop tard pour elle, nous avons gagné.
Bien courte est notre joie. Un désordre indescriptible règne dans la première pièce qui sert de cuisine. Des bouteilles cassées jonchent le sol; des croûtes de pain et des boîtes de conserve vides, embarrassent les rayonnages. A droite, un banc a été cassé. Les différents morceaux du poêle sont dispersés çà et là: des vitres sont brisées. Ce spectacle nous impressionne désagréablement, et nous passons dans la seconde pièce avec une certaine appréhension. Là, règne le même désordre. Les couvertures sont jetées pêle-mêle, les matelas sont recouverts de débris de pain et de détritus de toute sorte. Une paillasse est à terre, couverte de glace. Tout en maudissant les touristes qui ont mis à sac le refuge, nous commençons à y mettre bon ordre, mais le vent qui s'élève peu à peu s'engouffre dans la pièce, par la porte mal jointe; nous la calfeutrons avec une couverture; avant de nous enfermer, nous sortons un moment pour jeter un coup d'œil autour de la cabane.
Des vapeurs de mauvais augure, sournoisement entourent le sommet du Mont-Blanc. Le vent souffle avec une violence croissante: la tourmente est imminente. Encore un coup de vent et le brouillard nous entoure; la tempête revient, et avec elle, son triste cortège de grésil et de neige. Le refuge va être notre prison. Pour combien de temps? Nul ne le sait, nous songeons avec angoisse que nos familles attendent ce soir même notre retour. Elles l'attendront peut-être toujours.
Nous nous couchons attendant le soir. Dehors, c'est toujours la tourmente. Le jour s'écoule, monotone et terrible avec la pensée inquiétante d'être prisonniers de longues heures, car, à la mi-septembre les tourmentes durent longtemps, et l'on ne peut pas espérer avoir demain le beau temps, comme cela se produit la plupart du temps en plein été.
La nuit vient avec toute son horreur. La tempête est à son paroxysme. Je sors chercher de la neige que nous ferons fondre pour boire, et l'on referme vite la porte sur moi, pour empêcher le grésil de rentrer. Me voilà seul dans une obscurité complète. Dehors c'est effroyablement sinistre. Le vent s'efforce de m'arracher de l'étroite plateforme qui est devant le chalet. De silencieux éclairs illuminent sans cesse la tourmente.
Alors, tout apparaît rouge autour de moi; rouge terrifiant. Chaque particule de grésil qui voltige dans l'espace s'éclaire et scintille, rouge. On dirait autant de gouttes de sang qui continuellement tombent sur un tapis de pourpre. Le bruit est horrible.
A la hâte, je remplis de neige le seau que j'ai apporté et je rentre glacé. Une fort maigre soupe, faite des restes de la veille et de beaucoup de neige constitue un sommaire dîner, puis nous nous étendons sur les paillasses et la lanterne est éteinte pour ménager notre chandelle. Couchés côte à côte pour avoir plus chaud, sous un tas de couvertures, pour la première fois, depuis quarante-huit heures, nous éprouvons une sensation de chaleur et de bien-être. Qu'il fait bon ainsi, à l'abri du vent alors que la tourmente mugit dehors. Demain matin nous aurons du thé tiède car entre nous dort une gourde pleine de neige, de thé et de sucre: notre chaleur propre fera fondre la neige. La tempête secoue terriblement la cabane. Le vent s'irrite de trouver dans le col où il règne en souverain maître quelque chose qui lui résiste et qu'il ne puisse entraîner au son de sa musique effroyable, dans la valse folle, valse de mort, tourbillon macabre que des formes blanches esquissent dehors dans l'obscurité.
Le lendemain, les hurlements de la tempête nous réveillent. Toujours la tourmente, toujours le froid, que faire! Rien hélas! Attendre. Dehors, c'est toujours la même blancheur. Que nous réserve ce rideau inquiétant? Que cache-t-il dans ses plis? Mystère!
Le silence pèse dans le refuge et l'on n'entend plus que la grande voix du vent qui hurle sinistre dans le cornet du poêle éteint. Chacun triste et silencieux écoute mugir la bourrasque. La cabane tremble sous ses assauts furieux et incessants.
Nous avons écrit nos noms sur le registre du refuge. Ces quelques lignes seront peut-être les derniers vestiges que l'on trouvera de nous. A l'heure où des guides les trouveront, nous, nous serons étendus inanimés, au fond d'une crevasse livide, et nos âmes valseront déjà, avec les formes blanches qui virevoltent sur les arêtes, la valse des morts.
Car il faut partir. Il ne faut point attendre que la faim ait annihilé nos forces, que la neige fraîche plus épaisse rende nos pas plus incertains et couvre de ponts de neige trompeurs les crevasses béantes. Tout encordés nous ouvrons la porte. Quel temps il fait dehors! Tout est blanc, autour de nous, le vent souffle avec une violence inouïe. Hésitation de courte durée. Il faut que la situation soit bien désespérée pour courir l'aventure de s'enfoncer dans cette obscurité blanche; aveuglés par la neige, congestionnés par le froid, étouffés par le vent, par cette poussière impalpable de neige que nous respirons avec l'air extérieur, et qui glace notre respiration. C'est fou de se jeter ainsi en pleine tourmente. Restons.
Rester? Alors c'est la faim et le froid!
Partir! ce sont les crevasses béantes, l'itinéraire perdu, mais c'est aussi plus bas, la vie. Partons la chercher à travers le labyrinthe de glace.
La porte du refuge est fermée, quelques pas nous en séparent à peine, et déjà il a disparu, déjà nous ne pourrions plus le retrouver.
A quel gouffre descendons-nous? Quelle crevasse nous guette? Peut-être avons-nous abandonné la route. C'est à peine si j'entrevois mon camarade dans la nuit blanche. Nous marchons des heures, et c'est toujours la même blancheur, le même froid; toujours la neige: qu'elle soit maudite! Elle couvre nos vêtements, se congèle avec celle qui déjà s'y est accrochée; elle forme une carapace de glace qui craque à chaque mouvement. J'ai soif! Mes doigts, à travers mes gants déchirés par l'escalade de l'Aiguille du Goûter gèlent autour de mon piolet, ma peau adhère au fer de la sape. J'ai soif! Le sang bat mes tempes, on dirait que mon front va éclater, mais l'étreinte du froid le cercle de fer.
La marche se prolonge indéfiniment, monotone, interminable, et toujours la même inquiétude, la même question: «sommes-nous dans la bonne voie?» Nous marchons, au hasard dans la nuit blanche, terrible chose que cette nuit blanche! Quelle heure est-il? Ma montre est arrêtée. Il y a des siècles que nous avons abandonné le refuge. Nous devrions depuis longtemps avoir atteint les Grands Mulets. Sûrement, nous sommes égarés. Égarés. Je répète le mot à mi-voix. Et cette idée prend consistance dans mon cerveau. Elle chemine; le fait me paraît certain, indubitable. Nous avons perdu la route dans cette blancheur impénétrable. Nous nous agitons inutilement dans ce voile mystérieux où chaque pas nous égare davantage. A quoi bon marcher, peiner?
Mieux vaudrait se coucher sur la douceur de la neige fraîche et dormir. J'ai sommeil: ce vent qui me souffle au visage m'endort. C'est curieux; mes jambes sont maintenant insensibles à la fatigue, je suis très dispos, en somme, pour aller danser avec les formes blanches. Mieux vaut rester là et se joindre à la danse tout de suite. Maintenant que nous sommes perdus, égarés, sans espoir.
Dans quelques dizaines d'années le glacier nous rendra à la lumière du soleil, là-bas, sur la moraine des Bossons. Et les Chamoniards nous verront apparaître avec stupeur. Mais ce ne sera point nous. Nous! Il y aura longtemps que nous valserons sur la neige au son infernal de la musique effrénée de la tourmente.
D'ailleurs, c'est fini! Un éblouissement me passe devant les yeux, je ne suis plus oppressé, je ne sens plus le vent, ni la neige, ni le froid. Quelque chose de noir se dresse devant moi tandis qu'à l'entour s'illuminent mille clartés.
Et je m'aperçois que sous un violent coup de vent, la brume compacte s'est déchirée. La vue s'étend sur une pente immense coupée de crevasses bleutées éblouissantes. A droite, à quelques pas de nous une aiguille de rocher se dresse. On y distingue un toit qui fume: c'est le refuge des Grands Mulets. Derrière nous un joli petit nuage rose, léger et coquet voile la coupole du Mont-Blanc. Eh quoi! C'était cela notre linceul?
Sur la plateforme des Grands Mulets, des gens nous font des signaux d'amitié, leurs appels viennent jusqu'à nous. Oh! dormir, pour de bon, en sécurité!
Dormir! Mais voilà précisément que je me réveille au bruit de mes voisins qui partent sans doute à leur tour faire l'ascension de l'Aiguille du Géant.
CHAPITRE VII
Il a neigé sur les hauteurs.
"Seigneurs, ce fu en cel termine
Que li douz temps d'esté décline
Et Yver revient en saison."
Roman du Renart.
J'aurais dû m'en douter hier au soir, et ne point m'attarder indéfiniment sur l'Aiguille du Géant, dans l'azur du ciel, au milieu des rêveries du passé. En cette arrière-saison, le temps change si vite! Le ciel d'apothéose était trop transparent, les lointains trop lumineux. Et cette nuit énervante n'était-elle pas, elle aussi, un signe certain que le vent de la pluie tenait dans les profondeurs du ciel. Aujourd'hui, tout est blanc autour du Rifugio Albergo Torino: il a neigé abondamment sur les hauteurs; la neige est descendue assez bas, couvrant les alpages supérieurs que l'on aperçoit d'ici comme de grands draps blancs séchant sous le soleil. La descente promet d'être fatigante dans cette neige fraîche, inconsistante et molle.
Ce matin, les pâtres se sont réveillés plus tôt que de coutume, étonnés de voir la clarté envahir sitôt leur cabane. En hâte, ils ont rassemblé leurs modestes hardes, pressés de gagner au plus vite les pâturages inférieurs: l'exode de la population à quatre pattes a commencé. Poussant devant eux leur troupeau, tirant par la bride les mulets chargés des jeunes agneaux tard venus, ils sont partis abandonnant leur chalet dans la solitude. Ils ont disparu dans la forêt prochaine, sous les dômes de verdure poudrés par l'hiver, dans un tintement de clochettes et de sonnailles.
Pendant de longs mois le silence va régner sur les alpages glacés, c'est à peine si l'on entendra le sanglot étouffé de la source, fluant sous la neige. Adieu les lentes et nostalgiques chansons de pâtres, «mélodie grave et triste comme la montagne, dit Guido Rey, chanson grise qui monte avec lenteur le long des hautes parois, comme monte la fumée des chalets dans la paix des soirs».
Chamonix derrière l'infranchissable mur de granit et de glace qui s'étale à perte de vue vers le Nord, va se contracter et se durcir dans le froid.
Mort Chamonix durant l'hiver? Lugubre sous un ciel gris?
Mais je raisonne en citadin des plaines! C'est pour la plaine seulement que la neige est une ennemie. En montagne la féerie continue. Dans quelques semaines les géants qui m'entourent siègeront en dalmatique d'hermine autour du temple entièrement remis à neuf, plaqué de marbre blanc, plus lumineux encore qu'il m'apparut avant-hier. Dans les bois, le cristal du givre sur les branches, égaiera le deuil perpétuel des sapins, et dans les forêts prochaines, les voix des skieurs réveilleront joyeusement les échos sommeillant sous leur fourrure hivernale. Non certes, pour Chamonix, l'hiver n'est point un long écheveau de laine blanche à dévider durant d'interminables et monotones journées.
Trop courtes, au contraires, sont les heures de l'hiver pour jouir de tous les plaisirs qu'il apporte.
Ce sont d'abord les joies du patinage sur l'immense miroir de glace, unique au monde avec son cadre grandiose de montagnes incomparables; puis l'ivresse de la folle descente le long des pistes de bobsleigh où l'on vire horizontalement comme dans une énorme vis. Enfin, et par dessus tout, ce sont les promenades à ski dans la splendeur des vastes champs de neige du côté du col de la Voza, ou du col de Balme; au glacier d'Argentière, à celui des Bossons, à celui du Géant. C'est aussi la course classique du tour du Mont-Blanc par le Col et la Croix du Bonhomme.
Chaque jour apporte au skieur des plaisirs nouveaux. Dès qu'il entend dans la rue, le gel de la nuit craquer sous le pas des laitiers matineux, il se hâte de quitter Chamonix encore endormi sous la brume. Dans le calme du matin glacé, il s'élève sur les flancs des montagnes. Entre les grands sapins couverts de givre, il va allègrement, bercé par le rythme de ses skis sur la neige nacrée, dans la solitude amie de la forêt, gagnant les hauts alpages où il s'ébattra sous le chaud soleil d'hiver. Puis lorsque les rayons obliques étendront démesurément les ombres violettes sur la neige, il se laissera mollement tomber dans la vallée en une glissade qui a la grâce et l'harmonie d'un vol.
Le soir, dans les éclairs des phares électriques, sous la vive lumière des lustres, un orchestre endiablé rythmera ses pas dans les salons de la ville en fête, plus luxueuse encore que l'été, parce que les amants de la haute montagne inaccessible, ne viendront point y apporter la note grave et sévère de leurs habits couleur de roche...
La nuit nous a surpris au retour, en dessous de Montenvers, dans l'antique sentier que suivaient jadis les «crystalliers». Le calme est revenu dans la vallée, humble vestibule de la montagne. La brise tiède, qui remonte vers les hauteurs, chuchote comme des encouragements et des promesses, apportant quelques bruits confus: murmure des arbres serrés dont les branches se frôlent, grondement des cascades, puis par intervalles, suivant l'effort du vent, quelques notes éparses d'un instrument de musique lointain, si ténues qu'il faut prêter l'oreille pour les percevoir dans le sourd et majestueux concert des voix de la montagne. Quelques points lumineux trouent l'obscurité de la vallée. Et c'est là, Chamonix avec ses fêtes, son luxe éblouissant, si petit dans l'immensité de la montagne, à l'orée des grands bois où s'étale depuis des siècles la langue luisante des glaciers!
TABLE DES MATIÈRES
Préface de M. Léon Auscher, Président du Comité de Tourisme en montagne du Touring-Club de France.
| PAGE | ||
| I. — | L'Envoûtement des cimes | 13 | 
| II. — | La Vallée de Chamonix | 33 | 
| III. — | Voies d'Accès | 51 | 
| IV. — | Dans la Nef d'Argentière | 77 | 
| V. — | Au Cirque des Géants | 95 | 
| VI. — | Ténèbres blanches | 115 | 
| VII. — | Il a neigé sur les hauteurs | 135 | 
Les relevés photographiques de cet ouvrage sont dus à l'auteur et à:
| MM. | Arlaud, | de Lyon, | 
| Ballance, | de Menton, | |
| Bisch, | de Lyon, | |
| Boissonnas, | de Genève, | |
| Chalonge, | de Paris, | |
| Dr Desbrosses, | de Blanzy. | |
| (Clichés des pages) | ||
| 8, 14, 24, 26, 28, 33, 34, 35, 38, 39, 41, 72, 81, 96, 97, 116, 117 | ||
| Ferrand, | de Grenoble, | |
| Gollion, | de Grenoble, | |
| Jullien, | de Genève, | |
| Ofterdinger, | de Genève, | |
| Raillon, | de Lyon, | |
| Réal, | de Grenoble, | |
| Serbonnet, | de Grenoble, | |
| Société des Amateurs Photographes, | de Grenoble, | |
| Tairraz, | de Chamonix. | |
Éditions J. REY, Grenoble
Les "BEAUX PAYS"
Collection d'ouvrages in-4o (16 × 21) illustrés en héliogravure
Volumes parus: (voir page 4 du volume)
En préparation:
| C. Holland | La Belgique (2 vol.) Le tome I paraîtra en 1924 | 
| Paul Guiton | Au Cœur de la Savoie | 
| Raoul Blanchard | La Corse | 
| Henri Ferrand | La Route des Alpes | 
| Gabriel Faure | La Route des Dolomites | 
| Henry Debraye | La Touraine et les châteaux des bords de la Loire | 
| Pompeo Molmenti | Venise et sa lagune | 
| Gabriel Faure | Rome | 
| Gabriel Faure | Les Jardins de Rome et la Campagne romaine | 
| Francis Gourvil | En Bretagne | 
| Charles Baussan | Les Grands Pèlerinages de France et de Belgique (2 vol.) Introduction par René Bazin de l'Académie Française | 
| Paraîtront ensuite: | Florence, la Normandie, la Côte d'Argent, La Route des Pyrénées, l'Ile de France, etc. | 
En faisant noter son ordre de suite le souscripteur s'assure une remise notable sur le prix à la parution.—Les spécimens des volumes en préparation et les conditions de souscription à ces ouvrages sont adressés sur simple demande.
SADAG DE FRANCE, BELLEGARDE (AIN).
Note de transcription:
- Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
 - L'orthographe et la ponctuation d'origine ont été conservées et n'ont pas été harmonisées.
 - [++] indique une légende ajoutée par le transcripteur ([++] Flocon de neige.]).
 - L’accent circonflexe (^) dénote des caractères en exposant.
 - Autres corrections:
- Pp. 18 et 32 : Combloup → Combloux
 - p. 47 : Majores que → Majoresque
 - p. 47 : monti bus → montibus
 - p. 53 : Montevers → Montenvers
 - p. 103 : conservé → consacré