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De la Démocratie en Amérique, tome premier: et augmentée d'un Avertissement et d'un Examen comparatif; de la Démocratie aux États-Unis et en Suisse

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Il est incontestable, en effet, qu'aux États-Unis le goût et l'usage du gouvernement républicain sont nés dans les communes et au sein des assemblées provinciales. Chez une petite nation, comme le Connecticut, par exemple, où la grande affaire politique est l'ouverture d'un canal et le tracé d'un chemin, où l'État n'a point d'armée à payer, ni de guerre à soutenir, et ne saurait donner à ceux qui le dirigent ni beaucoup de richesses, ni beaucoup de gloire, on ne peut rien imaginer de plus naturel et de mieux approprié à la nature des choses que la république. Or, c'est ce même esprit républicain, ce sont ces mœurs et ces habitudes d'un peuple libre qui, après avoir pris naissance et s'être développées dans les divers États, s'appliquent ensuite sans peine à l'ensemble du pays. L'esprit public de l'Union n'est en quelque sorte lui-même qu'un résumé du patriotisme provincial. Chaque citoyen des États-Unis transporte pour ainsi dire l'intérêt que lui inspire sa petite république dans l'amour de la patrie commune. En défendant l'Union, il défend la prospérité croissante de son canton, le droit d'en diriger les affaires, et l'espérance d'y faire prévaloir des plans d'amélioration qui doivent l'enrichir lui-même: toutes choses qui, pour l'ordinaire, touchent plus les hommes que les intérêts généraux du pays et la gloire de la nation.

D'un autre côté, si l'esprit et les mœurs des habitants les rendent plus propres que d'autres à faire prospérer une grande république, le système fédératif a rendu la tâche bien moins difficile. La confédération de tous les États américains ne présente pas les inconvénients ordinaires des nombreuses agglomérations d'hommes. L'Union est une grande république quant à l'étendue; mais on pourrait en quelque sorte l'assimiler à une petite république, à cause du peu d'objets dont s'occupe son gouvernement. Ses actes sont importants, mais ils sont rares. Comme la souveraineté de l'Union est gênée et incomplète, l'usage de cette souveraineté n'est point dangereux pour la liberté. Il n'excite pas non plus ces désirs immodérés de pouvoir et de bruit qui sont si funestes aux grandes républiques. Comme tout n'y vient point aboutir nécessairement à un centre commun, on n'y voit ni vastes métropoles, ni richesses immenses, ni grandes misères, ni subites révolutions. Les passions politiques, au lieu de s'étendre en un instant, comme une nappe de feu, sur toute la surface du pays, vont se briser contre les intérêts et les passions individuelles de chaque État.

Dans l'Union cependant, comme chez un seul et même peuple, circulent librement les choses et les idées. Rien n'y arrête l'essor de l'esprit d'entreprise. Son gouvernement appelle à lui les talents et les lumières. En dedans des frontières de l'Union règne une paix profonde, comme dans l'intérieur d'un pays soumis au même empire; en dehors, elle prend rang parmi les plus puissantes nations de la terre; elle offre au commerce étranger plus de 800 lieues de rivages; et tenant dans ses mains les clefs de tout un monde, elle fait respecter son pavillon jusqu'aux extrémités des mers.

L'Union est libre et heureuse comme une petite nation, glorieuse et forte comme une grande.

CE QUI FAIT QUE LE SYSTÈME FÉDÉRAL N'EST PAS À LA PORTÉE DE TOUS LES PEUPLES, ET CE QUI A PERMIS AUX ANGLO-AMÉRICAINS DE L'ADOPTER.

Il y a dans tout système fédéral des vices inhérents que le législateur ne peut combattre. — Complication de tout système fédéral. — Il exige des gouvernés un usage journalier de leur intelligence. — Science pratique des Américains en matière de gouvernement. — Faiblesse relative du gouvernement de l'Union, autre vice inhérent au système fédéral. — Les Américains l'ont rendu moins grave, mais n'ont pu le détruire. — La souveraineté des États particuliers plus faible en apparence, plus forte en réalité que celle de l'Union. — Pourquoi. — Il faut donc qu'il existe, indépendamment des lois, des causes naturelles d'union chez les peuples confédérés. — Quelles sont ces causes parmi les Anglo-Américains. — Le Maine et la Géorgie, éloignés l'un de l'autre de 400 lieues, plus naturellement unis que la Normandie et la Bretagne. — Que la guerre est le principal écueil des confédérations. — Ceci prouvé par l'exemple même des États-Unis. — L'Union n'a pas de grandes guerres à craindre. — Pourquoi. — Dangers que courraient les peuples de l'Europe en adoptant le système fédéral des Américains.

Le législateur parvient quelquefois, après mille efforts, à exercer une influence indirecte sur la destinée des nations, et alors on célèbre son génie, tandis que souvent la position géographique du pays, sur laquelle il ne peut rien, un état social qui s'est créé sans son concours, des mœurs et des idées dont il ignore l'origine, un point de départ qu'il ne connaît pas, impriment à la société des mouvements irrésistibles contre lesquels il lutte en vain, et qui l'entraînent à son tour.

Le législateur ressemble à l'homme qui trace sa route au milieu des mers. Il peut aussi diriger le vaisseau qui le porte, mais il ne saurait en changer la structure, créer les vents, ni empêcher l'Océan de se soulever sous ses pieds.

J'ai montré quels avantages les Américains retirent du système fédéral. Il me reste à faire comprendre ce qui leur a permis d'adopter ce système; car il n'est pas donné à tous les peuples de jouir de ses bienfaits.

On trouve dans le système fédéral des vices accidentels naissant des lois; ceux-là peuvent être corrigés par les législateurs. On en rencontre d'autres qui, étant inhérents au système, ne sauraient être détruits par les peuples qui l'adoptent. Il faut donc que ces peuples trouvent en eux-mêmes la force nécessaire pour supporter les imperfections naturelles de leur gouvernement.

Parmi les vices inhérents à tout système fédéral, le plus visible de tous est la complication des moyens qu'il emploie. Ce système met nécessairement en présence deux souverainetés. Le législateur parvient à rendre les mouvements de ces deux souverainetés aussi simples et aussi égaux que possible, et peut les renfermer toutes les deux dans des sphères d'action nettement tracées; mais il ne saurait faire qu'il n'y en ait qu'une, ni empêcher qu'elles ne se touchent en quelque endroit.

Le système fédératif repose donc, quoi qu'on fasse, sur une théorie compliquée, dont l'application exige, dans les gouvernés, un usage journalier des lumières de leur raison.

Il n'y a, en général, que les conceptions simples qui s'emparent de l'esprit du peuple. Une idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de puissance dans le monde qu'une idée vraie, mais complexe. De là vient que les partis, qui sont comme de petites nations dans une grande, se hâtent toujours d'adopter pour symbole un nom ou un principe qui, souvent, ne représente que très incomplétement le but qu'ils se proposent et les moyens qu'ils emploient, mais sans lequel ils ne pourraient subsister ni se mouvoir. Les gouvernements qui ne reposent que sur une seule idée ou sur un seul sentiment facile à définir, ne sont peut-être pas les meilleurs, mais ils sont à coup sûr les plus forts et les plus durables.

Lorsqu'on examine la constitution des États-Unis, la plus parfaite de toutes les constitutions fédérales connues, on est effrayé au contraire de la multitude de connaissances diverses et du discernement qu'elle suppose chez ceux qu'elle doit régir. Le gouvernement de l'Union repose presque tout entier sur des fictions légales. L'Union est une nation idéale qui n'existe pour ainsi dire que dans les esprits, et dont l'intelligence seule découvre l'étendue et les bornes.

La théorie générale étant bien comprise, restent les difficultés d'application; elles sont sans nombre, car la souveraineté de l'Union est tellement engagée dans celle des États, qu'il est impossible, au premier coup d'œil, d'apercevoir leurs limites. Tout est conventionnel et artificiel dans un pareil gouvernement, et il ne saurait convenir qu'à un peuple habitué depuis long-temps à diriger lui-même ses affaires, et chez lequel la science politique est descendue jusque dans les derniers rangs de la société. Je n'ai jamais plus admiré le bon sens et l'intelligence pratique des Américains que dans la manière dont ils échappent aux difficultés sans nombre qui naissent de leur constitution fédérale. Je n'ai presque jamais rencontré d'homme du peuple, en Amérique, qui ne discernât avec une surprenante facilité les obligations nées des lois du Congrès et celles dont l'origine est dans les lois de son État, et qui, après avoir distingué les objets placés dans les attributions générales de l'Union de ceux que la législature locale doit régler, ne pût indiquer le point où commence la compétence des cours fédérales et la limite où s'arrête celle des tribunaux de l'État.

La constitution des États-Unis ressemble à ces belles créations de l'industrie humaine qui comblent de gloire et de biens ceux qui les inventent, mais qui restent stériles en d'autres mains.

C'est ce que le Mexique a fait voir de nos jours.

Les habitants du Mexique, voulant établir le système fédératif, prirent pour modèle et copièrent presque entièrement la constitution fédérale des Anglo-Américains leurs voisins[160]. Mais en transportant chez eux la lettre de la loi, ils ne purent transporter en même temps l'esprit qui la vivifie. On les vit donc s'embarrasser sans cesse parmi les rouages de leur double gouvernement. La souveraineté des États et celle de l'Union, sortant du cercle que la constitution avait tracé, pénétrèrent chaque jour l'une dans l'autre. Actuellement encore, le Mexique est sans cesse entraîné de l'anarchie au despotisme militaire, et du despotisme militaire à l'anarchie.

Le second et le plus funeste de tous les vices, que je regarde comme inhérent au système fédéral lui-même, c'est la faiblesse relative du gouvernement de l'Union.

Le principe sur lequel reposent toutes les confédérations est le fractionnement de la souveraineté. Les législateurs rendent ce fractionnement peu sensible; ils le dérobent même pour un temps aux regards, mais ils ne sauraient faire qu'il n'existe pas. Or, une souveraineté fractionnée sera toujours plus faible qu'une souveraineté complète.

On a vu, dans l'exposé de la constitution des États-Unis, avec quel art les Américains, tout en renfermant le pouvoir de l'Union dans le cercle restreint des gouvernements fédéraux, sont cependant parvenus à lui donner l'apparence et, jusqu'à un certain point, la force d'un gouvernement national.

En agissant ainsi, les législateurs de l'Union ont diminué le danger naturel des confédérations; mais ils n'ont pu le faire disparaître entièrement.

Le gouvernement américain, dit-on, ne s'adresse point aux États: il fait parvenir immédiatement ses injonctions jusqu'aux citoyens, et les plie isolément sous l'effort de la volonté commune.

Mais si la loi fédérale heurtait violemment les intérêts et les préjugés d'un État, ne doit-on pas craindre que chacun des citoyens de cet État ne se crût intéressé dans la cause de l'homme qui refuse d'obéir? Tous les citoyens de l'État, se trouvant ainsi lésés en même temps et de la même manière, par l'autorité de l'Union, en vain le gouvernement fédéral chercherait-il à les isoler pour les combattre: ils sentiraient instinctivement qu'ils doivent s'unir pour se défendre, et ils trouveraient une organisation toute préparée dans la portion de souveraineté dont on a laissé jouir leur État. La fiction disparaîtrait alors pour faire place à la réalité, et l'on pourrait voir la puissance organisée d'une partie du territoire en lutte avec l'autorité centrale.

J'en dirai autant de la justice fédérale. Si, dans un procès particulier, les tribunaux de l'Union violaient une loi importante d'un État, la lutte, sinon apparente, au moins réelle, serait entre l'État lésé représenté par un citoyen, et l'Union représentée par ses tribunaux[161].

Il faut avoir bien peu d'expérience des choses de ce monde pour s'imaginer qu'après avoir laissé aux passions des hommes un moyen de se satisfaire, on les empêchera toujours, à l'aide de fictions légales, de l'apercevoir et de s'en servir.

Les législateurs américains, en rendant moins probable la lutte entre les deux souverainetés, n'en ont donc pas détruit les causes.

On peut même aller plus loin, et dire qu'ils n'ont pu, en cas de lutte, assurer au pouvoir fédéral la prépondérance.

Ils donnèrent à l'Union de l'argent et des soldats, mais les États gardèrent l'amour et les préjugés des peuples.

La souveraineté de l'Union est un être abstrait qui ne se rattache qu'à un petit nombre d'objets extérieurs. La souveraineté des États tombe sous tous les sens; on la comprend sans peine; on la voit agir à chaque instant. L'une est nouvelle, l'autre est née avec le peuple lui-même.

La souveraineté de l'Union est l'œuvre de l'art. La souveraineté des États est naturelle; elle existe par elle-même, sans efforts, comme l'autorité du père de famille.

La souveraineté de l'Union ne touche les hommes que par quelques grands intérêts; elle représente une partie immense, éloignée, un sentiment vague et indéfini. La souveraineté des États enveloppe chaque citoyen, en quelque sorte, et le prend chaque jour en détail. C'est elle qui se charge de garantir sa propriété, sa liberté, sa vie; elle influe à tout moment sur son bien-être ou sa misère. La souveraineté des États s'appuie sur les souvenirs, sur les habitudes, sur les préjugés locaux, sur l'égoïsme de province et de famille; en un mot, sur toutes les choses qui rendent l'instinct de la patrie si puissant dans le cœur de l'homme. Comment douter de ses avantages?

Puisque les législateurs ne peuvent empêcher qu'il ne survienne, entre les deux souverainetés que le système fédéral met en présence, des collisions dangereuses, il faut donc qu'à leurs efforts pour détourner les peuples confédérés de la guerre, il se joigne des dispositions particulières qui portent ceux-ci à la paix.

Il résulte de là que le pacte fédéral ne saurait avoir une longue existence, s'il ne rencontre, dans les peuples auxquels il s'applique, un certain nombre de conditions d'union qui leur rendent aisée cette vie commune, et facilitent la tâche du gouvernement.

Ainsi, le système fédéral, pour réussir, n'a pas seulement besoin de bonnes lois, il faut encore que les circonstances le favorisent.

Tous les peuples qu'on a vus se confédérer avaient un certain nombre d'intérêts communs, qui formaient comme les liens intellectuels de l'association.

Mais outre les intérêts matériels, l'homme a encore des idées et des sentiments. Pour qu'une confédération subsiste long-temps, il n'est pas moins nécessaire qu'il y ait homogénéité dans la civilisation que dans les besoins des divers peuples qui la composent. Entre la civilisation du canton de Vaud et celle du canton d'Uri, il y a comme du XIXe siècle au XVe: aussi la Suisse n'a-t-elle jamais eu, à vrai dire, de gouvernement fédéral. L'union entre ces différents cantons n'existe que sur la carte; et l'on s'en apercevrait bien, si une autorité centrale voulait appliquer les mêmes lois à tout le territoire.

Il y a un fait qui facilite admirablement, aux États-Unis, l'existence du gouvernement fédéral. Les différents États ont non seulement les mêmes intérêts à peu près, la même origine et la même langue, mais encore le même degré de civilisation; ce qui rend presque toujours l'accord entre eux chose facile. Je ne sais s'il y a si petite nation européenne qui ne présente un aspect moins homogène dans ses différentes parties que le peuple américain, dont le territoire est aussi grand que la moitié de l'Europe. De l'État du Maine à l'État de Géorgie on compte environ 400 lieues. Il existe cependant moins de différence entre la civilisation du Maine et celle de la Géorgie, qu'entre la civilisation de la Normandie et celle de la Bretagne. Le Maine et la Géorgie, placés aux deux extrémités d'un vaste empire, trouvent donc naturellement plus de facilités réelles à former une confédération que la Normandie et la Bretagne, qui ne sont séparées que par un ruisseau.

À ces facilités, que les mœurs et les habitudes du peuple offraient aux législateurs américains, s'en joignaient d'autres qui naissaient de la position géographique du pays. Il faut principalement attribuer à ces dernières l'adoption et le maintien du système fédéral.

Le plus important de tous les actes qui peuvent signaler la vie d'un peuple, c'est la guerre. Dans la guerre, un peuple agit comme un seul individu vis-à-vis des peuples étrangers: il lutte pour son existence même.

Tant qu'il n'est question que de maintenir la paix dans l'intérieur d'un pays et de favoriser sa prospérité, l'habileté dans le gouvernement, la raison dans les gouvernés, et un certain attachement naturel que les hommes ont presque toujours pour leur patrie, peuvent aisément suffire; mais pour qu'une nation se trouve en état de faire une grande guerre, les citoyens doivent s'imposer des sacrifices nombreux et pénibles. Croire qu'un grand nombre d'hommes seront capables de se soumettre d'eux-mêmes à de pareilles exigences sociales, c'est bien mal connaître l'humanité.

De là vient que tous les peuples qui ont eu à faire de grandes guerres ont été amenés, presque malgré eux, à accroître les forces du gouvernement. Ceux qui n'ont pas pu y réussir ont été conquis. Une longue guerre place presque toujours les nations dans cette triste alternative, que leur défaite les livre à la destruction, et leur triomphe au despotisme.

C'est donc, en général, dans la guerre que se révèle, d'une manière plus visible et plus dangereuse, la faiblesse d'un gouvernement; et j'ai montré que le vice inhérent des gouvernements fédéraux était d'être très faibles.

Dans le système fédératif, non seulement il n'y a point de centralisation administrative ni rien qui en approche, mais la centralisation gouvernementale elle-même n'existe qu'incomplétement, ce qui est toujours une grande cause de faiblesse, lorsqu'il faut se défendre contre des peuples chez lesquels elle est complète.

Dans la constitution fédérale des États-Unis, celle de toutes où le gouvernement central est revêtu de plus de forces réelles, ce mal se fait encore vivement sentir.

Un seul exemple permettra au lecteur d'en juger.

La constitution donne au congrès le droit d'appeler la milice des différents États au service actif, lorsqu'il s'agit d'étouffer une insurrection ou de repousser une invasion; un autre article dit que dans ce cas le président des États-Unis est le commandant en chef de la milice.

Lors de la guerre de 1812, le président donna l'ordre aux milices du Nord de se porter vers les frontières; le Connecticut et le Massachusetts, dont la guerre lésait les intérêts, refusèrent d'envoyer leur contingent.

La constitution, dirent-ils, autorise le gouvernement fédéral à se servir des milices en cas d'insurrection et d'invasion; or il n'y a, quant à présent, ni insurrection ni invasion. Ils ajoutèrent que la même constitution qui donnait à l'Union le droit d'appeler les milices en service actif, laissait aux États le droit de nommer les officiers; il s'ensuivait, selon eux, que, même à la guerre, aucun officier de l'Union n'avait le droit de commander les milices, excepté le président en personne. Or, il s'agissait de servir dans une armée commandée par un autre que lui.

Ces absurdes et destructives doctrines reçurent non seulement la sanction des gouverneurs et de la législature, mais encore celle des cours de justice de ces deux États; et le gouvernement fédéral fut contraint de chercher ailleurs les troupes dont il manquait[162].

D'où vient donc que l'Union américaine, toute protégée qu'elle est par la perfection relative de ses lois, ne se dissout pas au milieu d'une grande guerre? c'est qu'elle n'a point de grandes guerres à craindre.

Placée au centre d'un continent immense, où l'industrie humaine peut s'étendre sans bornes, l'Union est presque aussi isolée du monde que si elle se trouvait resserrée de tous côtés par l'Océan.

Le Canada ne compte qu'un million d'habitants; sa population est divisée en deux nations ennemies. Les rigueurs du climat limitent l'étendue de son territoire et ferment pendant six mois ses ports.

Du Canada au golfe du Mexique, on rencontre encore quelques tribus sauvages à moitié détruites que 6,000 soldats poussent devant eux.

Au sud, l'Union touche par un point à l'empire du Mexique; c'est de là probablement que viendront un jour les grandes guerres. Mais, pendant long-temps encore, l'état peu avancé de la civilisation, la corruption des mœurs et la misère, empêcheront le Mexique de prendre un rang élevé parmi les nations. Quant aux puissances de l'Europe, leur éloignement les rend peu redoutables (O).

Le grand bonheur des États-Unis n'est donc pas d'avoir trouvé une constitution fédérale qui leur permette de soutenir de grandes guerres, mais d'être tellement situés qu'il n'y en a pas pour eux à craindre.

Nul ne saurait apprécier plus que moi les avantages du système fédératif. J'y vois l'une des plus puissantes combinaisons en faveur de la prospérité et de la liberté humaine. J'envie le sort des nations auxquelles il a été permis de l'adopter. Mais je me refuse pourtant à croire que des peuples confédérés puissent lutter long-temps, à égalité de force, contre une nation où la puissance gouvernementale serait centralisée.

Le peuple qui, en présence des grandes monarchies militaires de l'Europe, viendrait à fractionner sa souveraineté, me semblerait abdiquer, par ce seul fait, son pouvoir, et peut-être son existence et son nom.

Admirable position du Nouveau-Monde, qui fait que l'homme n'y a encore d'ennemis que lui-même! Pour être heureux et libre, il lui suffit de le vouloir.[Retour à la Table des Matières]

NOTES.

(A) PAGE 31.

Voyez, sur tous les pays de l'ouest où les Européens n'ont pas encore pénétré, les deux voyages entrepris par le major Long, aux frais du congrès.

M. Long dit notamment, à propos du grand désert américain, qu'il faut tirer une ligne à peu près parallèle au 20e degré de longitude (méridien de Washington[163]), partant de la rivière Rouge et aboutissant à la rivière Plate. De cette ligne imaginaire jusqu'aux montagnes Rocheuses, qui bornent la vallée du Mississipi à l'ouest, s'étendent d'immenses plaines, couvertes en général de sable qui se refuse à la culture, ou parsemées de pierres granitiques. Elles sont privées d'eau en été. On n'y rencontre que de grands troupeaux de buffles et de chevaux sauvages. On y voit aussi quelques hordes d'Indiens, mais en petit nombre.

Le major Long a entendu dire qu'en s'élevant au-dessus de la rivière Plate dans la même direction, on rencontrait toujours à sa gauche le même désert; mais il n'a pas pu vérifier par lui-même l'exactitude de ce rapport. Long's expedition, vol. 2, p. 361.

Quelque confiance que mérite la relation du major Long, il ne faut pas cependant oublier qu'il n'a fait que traverser le pays dont il parle, sans tracer de grands zigzags au-dehors de la ligne qu'il suivait.

(B) PAGE 33.

L'Amérique du Sud, dans ses régions intertropicales, produit avec une incroyable profusion ces plantes grimpantes connues sous le nom générique de lianes. La flore des Antilles en présente à elle seule plus de quarante espèces différentes.

Parmi les plus gracieux d'entre ces arbustes se trouve la grenadille. Cette jolie plante, dit Descourtiz dans sa description du règne végétal aux Antilles, au moyen des vrilles dont elle est munie, s'attache aux arbres et y forme des arcades mobiles, des colonnades riches et élégantes par la beauté des fleurs pourpres variées de bleu qui les décorent, et qui flattent l'odorat par le parfum qu'elles exhalent; vol. 1, p. 265.

L'acacia à grandes gousses est une liane très grosse qui se développe rapidement, et, courant d'arbres en arbres, couvre quelquefois plus d'une demi-lieue; vol. 3, p. 227.

(C) PAGE 56.
Sur les langues américaines.

Les langues que parlent les Indiens de l'Amérique, depuis le pôle arctique jusqu'au cap Horn, sont toutes formées, dit-on, sur le même modèle, et soumises aux mêmes règles grammaticales; d'où on peut conclure avec une grande vraisemblance que toutes les nations indiennes sont sorties de la même souche.

Chaque peuplade du continent américain parle un dialecte différent; mais les langues proprement dites sont en très petit nombre, ce qui tendrait encore à prouver que les nations du Nouveau-Monde n'ont pas une origine fort ancienne.

Enfin les langues de l'Amérique sont d'une extrême régularité; il est donc probable que les peuples qui s'en servent n'ont pas encore été soumis à de grandes révolutions, et ne se sont pas mêlés forcément ou volontairement à des nations étrangères; car c'est en général l'union de plusieurs langues dans une seule qui produit les irrégularités de la grammaire.

Il n'y a pas long-temps que les langues américaines, et en particulier les langues de l'Amérique du Nord, ont attiré l'attention sérieuse des philologues. On a découvert alors, pour la première fois, que cet idiome d'un peuple barbare était le produit d'un système d'idées très compliquées et de combinaisons fort savantes. On s'est aperçu que ces langues étaient fort riches, et qu'en les formant on avait pris grand soin de ménager la délicatesse de l'oreille.

Le système grammatical des Américains diffère de tous les autres en plusieurs points, mais principalement en celui-ci.

Quelques peuples de l'Europe, entre autres les Allemands, ont la faculté de combiner au besoin différentes expressions, et de donner ainsi un sens complexe à certains mots. Les Indiens ont étendu de la manière la plus surprenante cette même faculté, et sont parvenus à fixer pour ainsi dire sur un seul point un très grand nombre d'idées. Ceci se comprendra sans peine à l'aide d'un exemple cité par M. Duponceau, dans les Mémoires de la Société philosophique d'Amérique.

Lorsqu'une femme delaware joue avec un chat ou avec un jeune chien, dit-il, on l'entend quelquefois prononcer le mot kuligatschis. Ce mot est ainsi composé: K est le signe de la seconde personne, et signifie tu ou ton; uli, qu'on prononce ouli, est un fragment du mot wulit, qui signifie beau, joli; gat est un autre fragment du mot wichgat, qui signifie patte; enfin schis, qu'on prononce chise, est une terminaison diminutive qui apporte avec elle l'idée de la petitesse. Ainsi, dans un seul mot, la femme indienne a dit: Ta jolie petite patte.

Voici un autre exemple qui montre avec quel bonheur les sauvages de l'Amérique savaient composer leurs mots.

Un jeune homme en delaware se dit pilapé. Ce mot est formé de pilsit, chaste, innocent; et de lénapé, homme: c'est-à-dire l'homme dans sa pureté et son innocence.

Cette faculté de combiner entre eux les mots se fait surtout remarquer d'une manière fort étrange dans la formation des verbes. L'action la plus compliquée se rend souvent par un seul verbe; presque toutes les nuances de l'idée agissent sur le verbe et le modifient.

Ceux qui voudraient examiner plus en détail ce sujet, que je n'ai fait moi-même qu'effleurer très superficiellement, devront lire:

1o La Correspondance de M. Duponceau avec le révérend Hecwelder, relativement aux langues indiennes. Cette correspondance se trouve dans le 1er volume des Mémoires de la Société philosophique d'Amérique, publiés à Philadelphie, en 1819, chez Abraham Small, p. 356-464.

2o La grammaire de la langue delaware ou lenape, par Geiberger, et la préface de M. Duponceau, qui y est jointe. Le tout se trouve dans les mêmes collections, vol. 3.

3o Un résumé fort bien fait de ces travaux, contenu à la fin du volume 6 de l'Encyclopédie américaine.

(D) PAGE 58.

On trouve dans Charlevoix, tome I, p. 235, l'histoire de la première guerre que les Français du Canada eurent à soutenir, en 1610, contre les Iroquois. Ces derniers, quoique armés de flèches et d'arcs, opposèrent une résistance désespérée aux Français et à leurs alliés. Charlevoix, qui n'est cependant pas un grand peintre, fait très bien voir dans ce morceau le contraste qu'offraient les mœurs des Européens et celles des sauvages, ainsi que les différentes manières dont ces deux races entendaient l'honneur.

«Les Français, dit-il, se saisirent des peaux de castor dont les Iroquois, qu'ils voyaient étendus sur la place, étaient couverts. Les Hurons, leurs alliés, furent scandalisés à ce spectacle. Ceux-ci, de leur côté, commencèrent à exercer leurs cruautés ordinaires sur les prisonniers, et dévorèrent un de ceux qui avaient été tués, ce qui fit horreur aux Français. Ainsi, ajoute Charlevoix, ces barbares faisaient gloire d'un désintéressement qu'ils étaient surpris de ne pas trouver dans notre nation, et ne comprenaient pas qu'il y eut bien moins de mal à dépouiller les morts qu'à se repaître de leurs chairs comme des bêtes féroces.»

Le même Charlevoix, dans un autre endroit, vol. 1, p. 230, peint de cette manière le premier supplice dont Champlain fut le témoin, et le retour des Hurons dans leur village.

«Après avoir fait huit lieues, dit-il, nos alliés s'arrêtèrent, et, prenant un de leurs captifs, ils lui reprochèrent toutes les cruautés qu'il avait exercées sur des guerriers de leur nation qui étaient tombés dans ses mains, et lui déclarèrent qu'il devait s'attendre à être traité de la même manière, ajoutant que, s'il avait du cœur, il le témoignerait en chantant: il entonna aussitôt sa chanson de guerre, et toutes celles qu'il savait, mais sur un ton fort triste, dit Champlain, qui n'avait pas encore eu le temps de connaître que toute la musique des sauvages a quelque chose de lugubre. Son supplice, accompagné de toutes les horreurs dont nous parlerons dans la suite, effraya les Français, qui firent en vain tous leurs efforts pour y mettre fin. La nuit suivante, un Huron ayant rêvé qu'on était poursuivi, la retraite se changea en une véritable fuite, et les sauvages ne s'arrêtèrent plus dans aucun endroit qu'ils ne fussent hors de tout danger.

»Du moment qu'ils eurent aperçu les cabanes de leur village, ils coupèrent de longs bâtons auxquels ils attachèrent les chevelures qu'ils avaient eues en partage, et les portèrent comme en triomphe. À cette vue les femmes accoururent, se jetèrent à la nage, et, ayant joint les canots, elles prirent ces chevelures toutes sanglantes des mains de leurs maris, et se les attachèrent au cou.

»Les guerriers offrirent un de ces horribles trophées à Champlain, et lui firent en outre présent de quelques arcs et de quelques flèches, seules dépouilles des Iroquois dont ils eussent voulu s'emparer, le priant de les montrer au roi de France.»

Champlain vécut seul tout un hiver au milieu de ces barbares, sans que sa personne ou ses propriétés fussent un instant compromises.

(E) PAGE 61.

Quoique le rigorisme puritain qui a présidé à la naissance des colonies anglaises d'Amérique se soit déjà fort affaibli, on en trouve encore dans les habitudes et dans les lois des traces extraordinaires.

En 1792, à l'époque même où la république antichrétienne de France commençait son existence éphémère, le corps législatif du Massachusetts promulguait la loi qu'on va lire, pour forcer les citoyens à l'observation du dimanche. Voici le préambule et les principales dispositions de cette loi, qui mérite d'attirer toute l'attention du lecteur:

«Attendu, dit le législateur, que l'observation du dimanche est d'un intérêt public, qu'elle produit une suspension utile dans les travaux; qu'elle porte les hommes à réfléchir sur les devoirs de la vie et sur les erreurs auxquelles l'humanité est si sujette; qu'elle permet d'honorer en particulier et en public le Dieu créateur et gouverneur de l'univers, et de se livrer à ces actes de charité qui font l'ornement et le soulagement des sociétés chrétiennes;

»Attendu que les personnes irréligieuses ou légères, oubliant les devoirs que le dimanche impose et l'avantage que la société en retire, en profanent la sainteté en se livrant à leurs plaisirs ou à leurs travaux; que cette manière d'agir est contraire à leurs propres intérêts comme chrétiens; que, de plus, elle est de nature à troubler ceux qui ne suivent pas leur exemple, et porte un préjudice réel à la société tout entière en introduisant dans son sein le goût de la dissipation et les habitudes dissolues;

«Le sénat et la chambre des représentants ordonnent ce qui suit:

«1o Nul ne pourra, le jour du dimanche, tenir ouvert sa boutique ou son atelier. Nul ne pourra, le même jour, s'occuper d'aucun travail ou affaires quelconques, assister à aucun concert, bal ou spectacle d'aucun genre, ni se livrer à aucune espèce de chasse, jeu, récréation, sous peine d'amende. L'amende ne sera pas moindre de 10 shellings, et n'excédera pas 20 shellings pour chaque contravention.

«2o Aucun voyageur, conducteur, charretier, excepté en cas de nécessité, ne pourra voyager le dimanche, sous peine de la même amende.

«3o Les cabaretiers, détaillants, aubergistes, empêcheront qu'aucun habitant domicilié dans leur commune ne vienne chez eux le dimanche, pour y passer le temps en plaisirs ou en affaires. En cas de contravention, l'aubergiste et son hôte paieront l'amende. De plus, l'aubergiste pourra perdre sa licence.

«4o Celui qui, étant en bonne santé et sans raison suffisante, omettra pendant trois mois de rendre à Dieu un culte public, sera condamné à 10 shillings d'amende.

«5o Celui qui, dans l'enceinte d'un temple, tiendra une conduite inconvenante, paiera une amende de 5 shellings à 40.

«6o Sont chargés de tenir la main à l'exécution de la présente loi, les tythingmen des communes[164]. Ils ont le droit de visiter le dimanche tous les appartements des hôtelleries ou lieux publics. L'aubergiste qui leur refuserait l'entrée de sa maison sera condamné pour ce seul fait à 40 shellings d'amende.

«Les tythingmen devront arrêter les voyageurs, et s'enquérir de la raison qui les a obligés de se mettre en route le dimanche. Celui qui refusera de répondre sera condamné à une amende qui pourra être de 5 livres sterling.

«Si la raison donnée par le voyageur ne paraît pas suffisante au tythingman, il poursuivra ledit voyageur devant le juge de paix du canton.» Loi du 8 mars 1792. General Laws of Massachusetts, vol. 1, p. 410.

Le 11 mars 1797, une nouvelle loi vint augmenter le taux des amendes, dont moitié dut appartenir à celui qui poursuivait le délinquant. Même collection, vol. 1, p. 525.

Le 16 février 1816, une nouvelle loi confirma ces mêmes mesures. Même collection, vol. 2, p. 405.

Des dispositions analogues existent dans les lois de l'État de New-York, révisées en 1827 et 1828. (Voyez Revised statutes, partie 1, chapitre 20, p. 675.) Il y est dit que le dimanche nul ne pourra chasser, pêcher, jouer, ni fréquenter les maisons où l'on donne à boire. Nul ne pourra voyager, si ce n'est en cas de nécessité.

Ce n'est pas la seule trace que l'esprit religieux et les mœurs austères des premiers émigrants aient laissée dans les lois.

On lit dans les statuts révisés de l'État de New-York, vol. 1, p. 662, l'article suivant:

«Quiconque gagnera ou perdra dans l'espace de vingt-quatre heures, en jouant ou en pariant, la somme de 25 dollars (environ 132 francs), sera réputé coupable d'un délit (misdemeanor), et sur la preuve du fait, sera condamné à une amende égale au moins à cinq fois la valeur de la somme perdue ou gagnée; laquelle amende sera versée dans les mains de l'inspecteur des pauvres de la commune.

«Celui qui perd 25 dollars ou plus peut les réclamer en justice. S'il omet de le faire, l'inspecteur des pauvres peut actionner le gagnant, et lui faire donner, au profit des pauvres, la somme gagnée et une somme triple de celle-là.»

Les lois que nous venons de citer sont très récentes; mais qui pourrait les comprendre sans remonter jusqu'à l'origine même des colonies? Je ne doute point que de nos jours la partie pénale de cette législation ne soit que fort rarement appliquée; les lois conservent leur inflexibilité quand déjà les mœurs se sont pliées au mouvement du temps. Cependant l'observation du dimanche en Amérique est encore ce qui frappe le plus vivement l'étranger.

Il y a notamment une grande ville américaine dans laquelle, à partir du samedi soir, le mouvement social est comme suspendu. Vous parcourez ses murs à l'heure qui semble convier l'âge mûr aux affaires et la jeunesse aux plaisirs, et vous vous trouvez dans une profonde solitude. Non seulement personne ne travaille, mais personne ne paraît vivre. On n'entend ni le mouvement de l'industrie, ni les accents de la joie, ni même le murmure confus qui s'élève sans cesse du sein d'une grande cité. Des chaînes sont tendues aux environs des églises; les volets des maisons à demi fermés ne laissent qu'à regret pénétrer un rayon du soleil dans la demeure des citoyens. À peine de loin en loin apercevez-vous un homme isolé qui se coule sans bruit à travers les carrefours déserts et le long des rues abandonnées.

Le lendemain à la pointe du jour, le roulement des voitures, le bruit des marteaux, les cris de la population recommencent à se faire entendre; la cité se réveille; une foule inquiète se précipite vers les foyers du commerce et de l'industrie; tout se remue, tout s'agite, tout se presse autour de vous. À une sorte d'engourdissement léthargique succède une activité fébrile; on dirait que chacun n'a qu'un seul jour à sa disposition pour acquérir la richesse et pour en jouir.

(F) PAGE 69.

Il est inutile de dire que, dans le chapitre qu'on vient de lire, je n'ai point prétendu faire une histoire de l'Amérique. Mon seul but a été de mettre le lecteur à même d'apprécier l'influence qu'avaient exercée les opinions et les mœurs des premiers émigrants sur le sort des différentes colonies et de l'Union en général. J'ai donc dû me borner à citer quelques fragments détachés.

Je ne sais si je me trompe, mais il me semble qu'en marchant dans la route que je ne fais ici qu'indiquer, on pourrait présenter sur le premier âge des républiques américaines des tableaux qui ne seraient pas indignes d'attirer les regards du public, et qui donneraient sans doute matière à réfléchir aux hommes d'État. Ne pouvant me livrer moi-même à ce travail, j'ai voulu du moins le faciliter à d'autres. J'ai donc cru devoir présenter ici une courte nomenclature et une analyse abrégée des ouvrages dans lesquels il me paraîtrait le plus utile de puiser.

Au nombre des documents généraux qu'on pourrait consulter avec fruit, je placerai d'abord l'ouvrage intitulé Historical collection of state-papers and other authentic documents, intended as materials for an history of the United States of America; by Ebenezer Hazard.

Le premier volume de cette compilation, qui fut imprimé à Philadelphie en 1793, contient la copie textuelle de toutes les chartes accordées par la couronne d'Angleterre aux émigrants, ainsi que les principaux actes des gouvernements coloniaux durant les premiers temps de leur existence. On y trouve entre autres un grand nombre de documents authentiques sur les affaires de la Nouvelle-Angleterre et de la Virginie pendant cette période.

Le second volume est consacré presque tout entier aux actes de la confédération de 1643. Ce pacte fédéral, qui eut lieu entre les colonies de la Nouvelle-Angleterre, dans le but de résister aux Indiens, fut le premier exemple d'union que donnèrent les Anglo-Américains. Il y eut encore plusieurs autres confédérations de la même nature, jusqu'à celle de 1776, qui amena l'indépendance des colonies.

La collection historique de Philadelphie se trouve à la Bibliothèque Royale.

Chaque colonie a de plus ses monuments historiques, dont plusieurs sont très précieux. Je commence mon examen par la Virginie, qui est l'État le plus anciennement peuplé.

Le premier de tous les historiens de la Virginie est son fondateur, le capitaine Jean Smith. Le capitaine Smith nous a laissé un volume in-4o intitulé: The general history of Virginia and New-England, by Captain John Smith, some time governor in those countryes and admiral of New-England, imprimé à Londres en 1627. (Ce volume se trouve à la Bibliothèque Royale.) L'ouvrage de Smith est orné de cartes et de gravures très curieuses, qui datent du temps où il a été imprimé. Le récit de l'historien s'étend depuis l'année 1584 jusqu'en 1626. Le livre de Smith est estimé et mérite de l'être. L'auteur est un des plus célèbres aventuriers qui aient paru dans le siècle plein d'aventures à la fin duquel il a vécu: le livre lui-même respire cette ardeur de découvertes, cet esprit d'entreprise, qui caractérisait les hommes d'alors; on y retrouve ces mœurs chevaleresques qu'on mêlait au négoce, et qu'on faisait servir à l'acquisition des richesses.

Mais ce qui est surtout remarquable dans le capitaine Smith, c'est qu'il mêle aux vertus de ses contemporains des qualités qui sont restées étrangères à la plupart d'entre eux; son style est simple et net, ses récits ont tous le cachet de la vérité, ses descriptions ne sont point ornées.

Cet auteur jette sur l'état des Indiens à l'époque de la découverte de l'Amérique du Nord des lumières précieuses.

Le second historien à consulter est Beverley. L'ouvrage de Beverley, qui forme un volume in-12, a été traduit en français, et imprimé à Amsterdam en 1707. L'auteur commence ses récits à l'année 1585, et les termine à l'année 1700. La première partie de son livre contient des documents historiques proprement dits, relatifs à l'enfance de la colonie. La seconde renferme une peinture curieuse de l'état des Indiens à cette époque reculée. La troisième donne des idées très claires sur les mœurs, l'état social, les lois et les habitudes politiques des Virginiens du temps de l'auteur.

Beverley était originaire de la Virginie, ce qui lui fait dire en commençant, «qu'il supplie les lecteurs de ne point examiner son ouvrage en critiques trop rigides, attendu qu'étant né aux Indes il n'aspire point à la pureté du langage.» Malgré cette modestie de colon, l'auteur témoigne, dans tout le cours de son livre, qu'il supporte impatiemment la suprématie de la mère-patrie. On trouve également dans l'ouvrage de Beverley des traces nombreuses de cet esprit de liberté civile qui animait dès lors les colonies anglaises d'Amérique. On y rencontre aussi la trace des divisions qui ont si long-temps existé au milieu d'elles, et qui ont retardé leur indépendance. Beverley déteste ses voisins catholiques du Maryland plus encore que le gouvernement anglais. Le style de cet auteur est simple; ses récits sont souvent pleins d'intérêt et inspirent la confiance. La traduction française de l'histoire de Beverley se trouve dans la Bibliothèque Royale.

J'ai vu en Amérique, mais je n'ai pu retrouver en France, un ouvrage qui mériterait aussi d'être consulté; il est intitulé: History of Virginia, by William Stith. Ce livre offre des détails curieux; mais il m'a paru long et diffus.

Le plus ancien et le meilleur document qu'on puisse consulter sur l'histoire des Carolines est un livre petit in-4o intitulé: The History of Carolina by John Lawson, imprimé à Londres en 1718.

L'ouvrage de Lawson contient d'abord un voyage de découvertes, dans l'ouest de la Caroline. Ce voyage est écrit en forme de journal; les récits de l'auteur sont confus; ses observations sont très superficielles; on y trouve seulement une peinture assez frappante des ravages que causaient la petite-vérole et l'eau-de-vie parmi les sauvages de cette époque, et un tableau curieux de la corruption des mœurs qui régnait parmi eux, et que la présence des Européens favorisait.

La deuxième partie de l'ouvrage de Lawson est consacrée à retracer l'état physique de la Caroline, et à faire connaître ses productions.

Dans la troisième partie, l'auteur fait une description intéressante des mœurs, des usages et du gouvernement des Indiens de cette époque. Il y a souvent de l'esprit et de l'originalité dans cette portion du livre.

L'histoire de Lawson est terminée par la charte accordée à la Caroline du temps de Charles II.

Le ton général de cet ouvrage est léger, souvent licencieux, et forme un parfait contraste avec le style profondément grave des ouvrages publiés à cette même époque dans la Nouvelle-Angleterre.

L'histoire de Lawson est un document extrêmement rare en Amérique, et qu'on ne peut se procurer en Europe. Il y en a cependant un exemplaire à la Bibliothèque Royale.

De l'extrémité sud des États-Unis, je passe immédiatement à l'extrémité nord. L'espace intermédiaire n'a été peuplé que plus tard.

Je dois indiquer d'abord une compilation fort curieuse intitulée Collection of the Massachusetts historical society, imprimé pour la première fois à Boston en 1792, réimprimée en 1806. Cet ouvrage n'existe pas à la Bibliothèque Royale, ni, je crois, dans aucune autre.

Cette collection (qui se continue) renferme une foule de documents très précieux relativement à l'histoire des différents États de la Nouvelle-Angleterre. On y trouve des correspondances inédites et des pièces authentiques qui étaient enfouies dans les archives provinciales. L'ouvrage tout entier de Gookin relatif aux Indiens y a été inséré.

J'ai indiqué plusieurs fois dans le cours du chapitre auquel se rapporte cette note, l'ouvrage de Nathaniel Morton intitulé New England's Memorial. Ce que j'en ai dit suffit pour prouver qu'il mérite d'attirer l'attention de ceux qui voudraient connaître l'histoire de la Nouvelle-Angleterre. Le livre de Nathaniel Morton forme un vol. in-8o, réimprimé à Boston en 1826. Il n'existe pas à la Bibliothèque Royale.

Le document le plus estimé et le plus important que l'on possède sur l'histoire de la Nouvelle-Angleterre est l'ouvrage de R. Cotton Mather intitulé Magnalia Christi Americana, or the ecclesiastical history of New-England, 1620-1698, 2 vol. in-8o, réimprimés à Hartford en 1820. Je ne crois pas qu'on le trouve à la Bibliothèque Royale.

L'auteur a divisé son ouvrage en sept livres.

Le premier présente l'histoire de ce qui a préparé et amené la fondation de la Nouvelle-Angleterre.

Le second contient la vie des premiers gouverneurs et des principaux magistrats qui ont administré ce pays.

Le troisième est consacré à la vie et aux travaux des ministres évangéliques qui, pendant la même période, y ont dirigé les âmes.

Dans le quatrième, l'auteur fait connaître la fondation et le développement de l'Université de Cambridge (Massachusetts).

Au cinquième, il expose les principes et la discipline de l'Église de la Nouvelle-Angleterre.

Le sixième est consacré à retracer certains faits qui dénotent, suivant Mather, l'action bienfaisante de la Providence sur les habitants de la Nouvelle-Angleterre.

Dans le septième, enfin, l'auteur nous apprend les hérésies et les troubles auxquels a été exposée l'Église de la Nouvelle-Angleterre.

Cotton Mather était un ministre évangélique qui, après être né à Boston, y a passé sa vie.

Toute l'ardeur et toutes les passions religieuses qui ont amené la fondation de la Nouvelle-Angleterre animent et vivifient ses récits. On découvre fréquemment des traces de mauvais goût dans sa manière d'écrire: mais il attache, parce qu'il est plein d'un enthousiasme qui finit par se communiquer au lecteur. Il est souvent intolérant, plus souvent crédule; mais on n'aperçoit jamais en lui envie de tromper; quelquefois même son ouvrage présente de beaux passages et des pensées vraies et profondes, telles que celles-ci:

«Avant l'arrivée des puritains, dit-il, vol. 1, chap. IV, p. 61, les Anglais avaient plusieurs fois essayé de peupler le pays que nous habitons; mais comme ils ne visaient pas plus haut qu'au succès de leurs intérêts matériels, ils furent bientôt abattus par les obstacles; il n'en a pas été ainsi des hommes qui arrivèrent en Amérique, poussés et soutenus par une haute pensée religieuse. Quoique ceux-ci aient trouvé plus d'ennemis que n'en rencontrèrent peut-être jamais les fondateurs d'aucune colonie, ils persistèrent dans leur dessein, et l'établissement qu'ils ont formé subsiste encore de nos jours.»

Mather mêle parfois à l'austérité de ses tableaux des images pleines de douceur et de tendresse: après avoir parlé d'une dame anglaise que l'ardeur religieuse avait entraînée avec son mari en Amérique, et qui bientôt après succomba aux fatigues et aux misères de l'exil, il ajoute: «Quant à son vertueux époux, Isaac Johnson, il essaya de vivre sans elle, et ne l'ayant pas pu, il mourut.» (V. 1, p. 71.)

Le livre de Mather fait admirablement connaître le temps et le pays qu'il cherche à décrire.

Veut-il nous apprendre quels motifs portèrent les puritains à chercher un asile au-delà des mers, il dit:

«Le Dieu du ciel fit un appel à ceux d'entre son peuple qui habitaient l'Angleterre. Parlant en même temps à des milliers d'hommes qui ne s'étaient jamais vus les uns les autres, il les remplit du désir de quitter les commodités de la vie qu'ils trouvaient dans leur patrie, de traverser un terrible océan pour aller s'établir au milieu de déserts plus formidables encore, dans l'unique but de s'y soumettre sans obstacle à ses lois.»

«Avant d'aller plus loin, ajoute-t-il, il est bon de faire connaître quels ont été les motifs de cette entreprise, afin qu'ils soient bien compris de la postérité; il est surtout important d'en rappeler le souvenir aux hommes de nos jours, de peur que, perdant de vue l'objet que poursuivaient leurs pères, ils ne négligent les vrais intérêts de la Nouvelle-Angleterre. Je placerai donc ici ce qui se trouve dans un manuscrit où quelques uns de ces motifs furent alors exposés.

«Premier motif: Ce serait rendre un très grand service à l'Église que de porter l'Évangile dans cette partie du monde (l'Amérique du Nord), et d'élever un rempart qui puisse défendre les fidèles contre l'Antéchrist, dont on travaille à fonder l'empire dans le reste de l'univers.

«Second motif: Toutes les autres Églises d'Europe ont été frappées de désolation, et il est à craindre que Dieu n'ait porté le même arrêt contre la nôtre. Qui sait s'il n'a pas eu soin de préparer cette place (la Nouvelle-Angleterre) pour servir de refuge à ceux qu'il veut sauver de la destruction générale?

«Troisième motif: Le pays où nous vivons semble fatigué d'habitants; l'homme, qui est la plus précieuse des créatures, a ici moins de valeur que le sol qu'il foule sous ses pas. On regarde comme un pesant fardeau d'avoir des enfants, des voisins, des amis; on fuit le pauvre; les hommes repoussent ce qui devrait causer les plus grandes jouissances de ce monde, si les choses étaient suivant l'ordre naturel.

«Quatrième motif: Nos passions sont arrivées à ce point qu'il n'y a pas de fortune qui puisse mettre un homme en état de maintenir son rang parmi ses égaux. Et cependant celui qui ne peut y réussir est en butte au mépris: d'où il résulte que dans toutes les professions on cherche à s'enrichir par des moyens illicites, et il devient difficile aux gens de bien d'y vivre à leur aise et sans déshonneur.

«Cinquième motif: Les écoles où l'on enseigne les sciences et la religion sont si corrompues, que la plupart des enfants, et souvent les meilleurs, les plus distingués d'entre eux, et ceux qui faisaient naître les plus légitimes espérances, se trouvent entièrement pervertis par la multitude des mauvais exemples dont ils sont témoins, et par la licence qui les environne.

«Sixième motif: La terre entière n'est-elle pas le jardin du Seigneur? Dieu ne l'a-t-il pas livrée aux fils d'Adam pour qu'ils la cultivent et l'embellissent? Pourquoi nous laissons-nous mourir de faim faute de place, tandis que de vastes contrées également propres à l'usage de l'homme restent inhabitées et sans culture?

«Septième motif: Élever une Église réformée et la soutenir dans son enfance; unir nos forces avec celles d'un peuple fidèle pour la fortifier, la faire prospérer, et la sauver des hasards, et peut-être de la misère complète à laquelle elle serait exposée sans cet appui, quelle œuvre plus noble et plus belle, quelle entreprise plus digne d'un chrétien?

«Huitième motif: Si les hommes dont la piété est connue, et qui vivent ici (en Angleterre) au milieu de la richesse et du bonheur abandonnaient ces avantages pour travailler à l'établissement de cette Église réformée, et consentaient à partager avec elle un sort obscur et pénible, ce serait un grand et utile exemple qui ranimerait la foi des fidèles dans les prières qu'ils adressent à Dieu en faveur de la colonie, et qui porterait beaucoup d'autres hommes à se joindre à eux.»

Plus loin, exposant les principes de l'Église de la Nouvelle-Angleterre en matière de morale, Mather s'élève avec violence contre l'usage de porter des santés à table, ce qu'il nomme une habitude païenne et abominable.

Il proscrit avec la même rigueur tous les ornements que les femmes peuvent mêler à leurs cheveux, et condamne sans pitié la mode qui s'établit, dit-il, parmi elles, de se découvrir le cou et les bras.

Dans une autre partie de son ouvrage, il nous raconte fort au long plusieurs faits de sorcellerie qui ont effrayé la Nouvelle-Angleterre. On voit que l'action visible du démon dans les affaires de ce monde lui semble une vérité incontestable et démontrée.

Dans un grand nombre d'endroits de ce même livre se révèle l'esprit de liberté civile et d'indépendance politique qui caractérisait les contemporains de l'auteur. Leurs principes en matière de gouvernement se montrent à chaque pas. C'est ainsi, par exemple, qu'on voit les habitants du Massachusetts, dès l'année 1630, dix ans après la fondation de Plymouth, consacrer 400 livres sterling à l'établissement de l'Université de Cambridge.

Si je passe des documents généraux relatifs à l'histoire de la Nouvelle-Angleterre à ceux qui se rapportent aux divers États compris dans ses limites, j'aurai d'abord à indiquer l'ouvrage intitulé: The History of the colony of Massachusetts, by Hutchinson, lieutenant-governor of the Massachusetts province, 2 vol. in-8o. Il se trouve à la Bibliothèque Royale un exemplaire de ce livre: c'est une seconde édition imprimée à Londres en 1765.

L'histoire de Hutchinson, que j'ai plusieurs fois citée dans le chapitre auquel cette note se rapporte, commence à l'année 1628 et finit en 1750. Il règne dans tout l'ouvrage un grand air de véracité; le style en est simple et sans apprêt. Cette histoire est très détaillée.

Le meilleur document à consulter, quant au Connecticut, est l'histoire de Benjamin Trumbull, intitulée: A complete History of Connecticut, civil and ecclesiastical, 1630-1764, 2 vol. in-8o, imprimés en 1818 à New-Haven. Je ne crois pas que l'ouvrage de Trumbull se trouve à la Bibliothèque Royale.

Cette histoire contient un exposé clair et froid de tous les événements survenus dans le Connecticut durant la période indiquée au titre. L'auteur a puisé aux meilleures sources, et ses récits conservent le cachet de la vérité. Tout ce qu'il dit des premiers temps du Connecticut est extrêmement curieux. Voyez notamment dans son ouvrage la Constitution de 1639, vol. 1, chap. VI, p. 100; et aussi les Lois pénales du Connecticut, vol. 1, chap. VII, p. 123.

On estime avec raison l'ouvrage de Jérémie Belknap intitulé: History of New-Hampshire, 2 vol. in-8o, imprimés à Boston en 1792. Voyez particulièrement, dans l'ouvrage de Belknap, le chap. III du premier volume. Dans ce chapitre, l'auteur donne sur les principes politiques et religieux des puritains, sur les causes de leur émigration, et sur leurs lois, des détails extrêmement précieux. On y trouve cette citation curieuse d'un sermon prononcé en 1663: «Il faut que la Nouvelle-Angleterre se rappelle sans cesse qu'elle a été fondée dans un but de religion et non dans un but de commerce. On lit sur son front qu'elle a fait profession de pureté en matière de doctrine et de discipline. Que les commerçants et tous ceux qui sont occupés à placer denier sur denier se souviennent donc que c'est la religion et non le gain qui a été l'objet de la fondation de ces colonies. S'il est quelqu'un parmi nous qui, dans l'estimation qu'il fait du monde et de la religion, regarde le premier comme 13 et prend la seconde seulement pour 12, celui-là n'est pas animé des sentiments d'un véritable fils de la Nouvelle-Angleterre.» Les lecteurs rencontreront dans Belknap plus d'idées générales et plus de force de pensée que n'en présentent jusqu'à présent les autres historiens américains.

J'ignore si ce livre se trouve à la Bibliothèque Royale.

Parmi les États du centre dont l'existence est déjà ancienne, et qui méritent de nous occuper, se distinguent surtout l'État de New-York et la Pensylvanie. La meilleure histoire que nous ayons de l'État de New-York est intitulée: History of New-York, par William Smith, imprimée à Londres en 1757. Il en existe une traduction française, également imprimée à Londres en 1767, 1 vol. in-12. Smith nous fournit d'utiles détails sur les guerres des Français et des Anglais en Amérique. C'est de tous les historiens américains celui qui fait le mieux connaître la fameuse confédération des Iroquois.

Quant à la Pensylvanie, je ne saurais mieux faire qu'indiquer l'ouvrage de Proud intitulé: The history of Pensylvania, from the original institution and settlement of that province, under the first proprietor and governor William Penn, in 1681 till after the year 1742, par Robert Proud, 2 vol. in-8o, imprimés à Philadelphie en 1797.

Ce livre mérite particulièrement d'attirer l'attention du lecteur; il contient une foule de documents très curieux sur Penn, la doctrine des quakers, le caractère, les mœurs, les usages des premiers habitants de la Pensylvanie. Il n'existe pas, à ce que je crois, à la Bibliothèque.

Je n'ai pas besoin d'ajouter que parmi les documents les plus importants relatifs à la Pensylvanie se placent les œuvres de Penn lui-même et celles de Franklin. Ces ouvrages sont connus d'un grand nombre de lecteurs.

La plupart des livres que je viens de citer avaient déjà été consultés par moi durant mon séjour en Amérique. La Bibliothèque Royale a bien voulu m'en confier quelques uns; les autres m'ont été prêtés par M. Varden, ancien consul-général des États-Unis à Paris, auteur d'un excellent ouvrage sur l'Amérique. Je ne veux point terminer cette note sans prier M. Varden d'agréer ici l'expression de ma reconnaissance.

(G) PAGE 79.

On trouve ce qui suit dans les Mémoires de Jefferson: «Dans les premiers temps de l'établissement des Anglais en Virginie, quand on obtenait des terres pour peu de chose, ou même pour rien, quelques individus prévoyants avaient acquis de grandes concessions, et désirant maintenir la splendeur de leur famille, ils avaient substitué leurs biens à leurs descendants. La transmission de ces propriétés de génération en génération, à des hommes qui portaient le même nom, avait fini par élever une classe distincte de familles qui, tenant de la loi le privilége de perpétuer leurs richesses, formaient de cette manière une espèce d'ordre de patriciens distingués par la grandeur et le luxe de leurs établissements. C'est parmi cet ordre que le roi choisissait d'ordinaire ses conseillers d'État.» (Jefferson's Memoirs.)

Aux États-Unis, les principales dispositions de la loi anglaise relative aux successions ont été universellement rejetées.

«La première règle que nous suivons en matière de succession, dit M. Kent, est celle-ci: Lorsqu'un homme meurt intestat, son bien passe à ses héritiers en ligne directe; s'il n'y a qu'un héritier ou une héritière, il ou elle recueille seul toute la succession. S'il existe plusieurs héritiers du même degré, ils partagent également entre eux la succession, sans distinction de sexe.»

Cette règle fut prescrite pour la première fois dans l'État de New-York par un statut du 23 février 1786 (voyez Revised Statutes, vol. 3; Appendice, p. 48); elle a été adoptée depuis dans les statuts révisés du même État. Elle prévaut maintenant dans toute l'étendue des États-Unis, avec cette seule exception que dans l'État de Vermont l'héritier mâle prend double portion.

Kent's commentaries, vol. 4, p. 370.

M. Kent, dans le même ouvrage, vol. 4, p. 1-22, fait l'historique de la législation américaine relative aux substitutions. Il en résulte qu'avant la révolution d'Amérique les lois anglaises sur les substitutions formaient le droit commun dans les colonies. Les substitutions proprement dites (Estates' tail) furent abolies en Virginie dès 1776 (cette abolition eut lieu sur la motion de Jefferson; voyez Jefferson's Memoirs), dans l'État de New-York en 1786. La même abolition a eu lieu depuis dans la Caroline du Nord, le Kentucky, le Tennessee, la Géorgie, le Missouri. Dans le Vermont, l'État d'Indiana, d'Illinois, de la Caroline du Sud et de la Louisiane, les substitutions ont toujours été inusitées. Les États qui ont cru devoir conserver la législation anglaise relative aux substitutions, l'ont modifiée de manière à lui ôter ses principaux caractères aristocratiques. «Nos principes généraux en matière de gouvernement, dit M. Kent, tendent à Favoriser la libre circulation de la propriété.»

Ce qui frappe singulièrement le lecteur Français qui étudie la législation américaine relative aux successions, c'est que nos lois sur la même matière sont infiniment plus démocratiques encore que les leurs.

Les lois américaines partagent également les biens du père, mais dans le cas seulement où sa volonté n'est pas connue: «car chaque homme, dit la loi, dans l'État de New-York (Revised Statutes, vol. 3; Appendix, p. 51), a pleine liberté, pouvoir et autorité, de disposer de ses biens par testament, de léguer, diviser, en faveur de quelque personne que ce puisse être, pourvu qu'il ne teste pas en faveur d'un corps politique ou d'une société organisée.»

La loi Française fait du partage égal ou presque égal la règle du testateur.

La plupart des républiques américaines admettent encore les substitutions, et se bornent à en restreindre les effets.

La loi Française ne permet les substitutions dans aucun cas.

Si l'état social des Américains est encore plus démocratique que le nôtre, nos lois sont donc plus démocratiques que les leurs. Ceci s'explique mieux qu'on ne le pense: en France, la démocratie est encore occupée à démolir; en Amérique, elle règne tranquillement sur des ruines.

(H) PAGE 90.
Résumé des conditions électorales aux États-Unis.

Tous les États accordent la jouissance des droits électoraux à vingt-un ans. Dans tous les États, il faut avoir résidé un certain temps dans le district où l'on vote. Ce temps varie depuis trois mois jusqu'à deux ans.

Quant au cens: dans l'État de Massachusetts, il faut, pour être électeur, avoir 3 livres sterling de revenu, ou 60 de capital.

Dans le Rhode-Island, il faut posséder une propriété foncière valant 133 dollars (704 francs).

Dans le Connecticut, il faut avoir une propriété dont le revenu soit de 17 dollars (90 francs environ). Un an de service dans la milice donne également le droit électoral.

Dans le New-Jersey, l'électeur doit avoir 50 livres sterling de fortune.

Dans la Caroline du Sud et le Maryland, l'électeur doit posséder 50 acres de terre.

Dans le Tennessee, il doit posséder une propriété quelconque.

Dans les États de Mississipi, Ohio, Géorgie, Virginie, Pensylvanie, Delaware, New-York, il suffit, pour être électeur, de payer des taxes: dans la plupart de ces États, le service de la milice équivaut au paiement de la taxe.

Dans le Maine et dans le New-Hampshire, il suffit de n'être pas porté sur la liste des indigents.

Enfin, dans les États de Missouri, Alabama, Illinois, Louisiana, Indiana, Kentucky, Vermont, on n'exige aucune condition qui ait rapport à la fortune de l'électeur.

Il n'y a, je pense, que la Caroline du Nord qui impose aux électeurs du sénat d'autres conditions qu'aux électeurs de la chambre des représentants. Les premiers doivent posséder en propriété 50 acres de terre. Il suffit, pour pouvoir élire les représentants, de payer une taxe.

(I) PAGE 152.

Il existe aux États-Unis un système prohibitif. Le petit nombre des douaniers et la grande étendue des côtes rendent la contrebande très facile; cependant on l'y fait infiniment moins qu'ailleurs, parce que chacun travaille à la réprimer.

Comme il n'y a pas de police préventive aux États-Unis, on y voit plus d'incendies qu'en Europe; mais en général ils y sont éteints plus tôt, parce que la population environnante ne manque pas de se porter avec rapidité sur le lieu du danger.

(K) PAGE 155.

Il n'est pas juste de dire que la centralisation soit née de la révolution française; la révolution française l'a perfectionnée, mais ne l'a point créée. Le goût de la centralisation et la manie réglementaire remontent, en France, à l'époque où les légistes sont entrés dans le gouvernement; ce qui nous reporte au temps de Philippe-le-Bel. Depuis lors, ces deux choses n'ont jamais cessé de croître. Voici ce que M. de Malhesherbes, parlant au nom de la cour des Aides, disait au roi Louis XVI, en 1775[165]:

«.........Il restait à chaque corps, à chaque communauté de citoyens le droit d'administrer ses propres affaires; droit que nous ne disons pas qui fasse partie de la constitution primitive du royaume, car il remonte bien plus haut: c'est le droit naturel, c'est le droit de la raison. Cependant il a été enlevé à vos sujets, sire, et nous ne craindrons pas de dire que l'administration est tombée à cet égard dans des excès qu'on peut nommer puérils.

«Depuis que des ministres puissants se sont fait un principe politique de ne point laisser convoquer d'assemblée nationale, on en est venu de conséquences en conséquences jusqu'à déclarer nulles les délibérations des habitants d'un village quand elles ne sont pas autorisées par un intendant; en sorte que, si cette communauté a une dépense à faire, il faut prendre l'attache du subdélégué de l'intendant, par conséquent suivre le plan qu'il a adopté, employer les ouvriers qu'il favorise, les payer suivant son arbitraire; et si la communauté a un procès à soutenir, il faut aussi qu'elle se fasse autoriser par l'intendant. Il faut que la cause soit plaidée à ce premier tribunal avant d'être portée devant la justice. Et si l'avis de l'intendant est contraire aux habitants, ou si leur adversaire a du crédit à l'intendance, la communauté est déchue de la faculté de défendre ses droits. Voilà, sire, par quels moyens on a travaillé à étouffer en France tout esprit municipal, à éteindre, si on le pouvait, jusqu'aux sentiments de citoyens; on a pour ainsi dire interdit la nation entière, et on lui a donné des tuteurs.»

Que pourrait-on dire de mieux aujourd'hui, que la révolution française a fait ce qu'on appelle ses conquêtes en matière de centralisation?

En 1789, Jefferson écrivait de Paris à un de ses amis: «Il n'est pas de pays où la manie de trop gouverner ait pris de plus profondes racines qu'en France, et où elle cause plus de mal.» Lettres à Madisson, 28 août 1789.

La vérité est qu'en France, depuis plusieurs siècles, le pouvoir central a toujours fait tout ce qu'il a pu pour étendre la centralisation administrative; il n'a jamais eu dans cette carrière d'autres limites que ses forces.

Le pouvoir central né de la révolution française a marché plus avant en ceci qu'aucun de ses prédécesseurs, parce qu'il a été plus fort et plus savant qu'aucun d'eux. Louis XIV soumettait les détails de l'existence communale aux bons plaisirs d'un intendant; Napoléon les a soumis à ceux du ministre. C'est toujours le même principe, étendu à des conséquences plus ou moins reculées.

(L) PAGE 160.

Cette immutabilité de la constitution en France est une conséquence forcée de nos lois.

Et pour parler d'abord de la plus importante de toutes les lois, celle qui règle l'ordre de succession au trône, qu'y a-t-il de plus immuable dans son principe qu'un ordre politique fondé sur l'ordre naturel de succession de père en fils? En 1814, Louis XVIII avait fait reconnaître cette perpétuité de la loi de succession politique en faveur de sa famille; ceux qui ont réglé les conséquences de la révolution de 1830 ont suivi son exemple: seulement ils ont établi la perpétuité de la loi au profit d'une autre famille; ils ont imité en ceci le chancelier Meaupou, qui, en instituant le nouveau parlement sur les ruines de l'ancien, eut soin de déclarer dans la même ordonnance que les nouveaux magistrats seraient inamovibles, ainsi que l'étaient leurs prédécesseurs.

Les lois de 1830, non plus que celles de 1814, n'indiquent aucun moyen de changer la constitution. Or, il est évident que les moyens ordinaires de la législation ne sauraient suffire à cela.

De qui le roi tient-il ses pouvoirs? de la constitution. De qui les pairs? de la constitution. De qui les députés? de la constitution. Comment donc le roi, les pairs et les députés, en se réunissant, pourraient-ils changer quelque chose à une loi en vertu de laquelle seule ils gouvernent? Hors de la constitution ils ne sont rien: sur quel terrain se placeraient-ils donc pour changer la constitution? De deux choses l'une: ou leurs efforts sont impuissants contre la Charte, qui continue à exister en dépit d'eux, et alors ils continuent à régner en son nom; ou ils parviennent à changer la Charte, et alors la loi par laquelle ils existaient n'existant plus, ils ne sont plus rien eux-mêmes. En détruisant la Charte, ils se sont détruits.

Cela est bien plus visible encore dans les lois de 1830 que dans celles de 1814. En 1814, le pouvoir royal se plaçait en quelque sorte en dehors et au-dessus de la constitution; mais en 1830, il est, de son aveu, créé par elle, et n'est absolument rien sans elle.

Ainsi donc une partie de notre constitution est immuable, parce qu'on l'a jointe à la destinée d'une famille; et l'ensemble de la constitution est également immuable, parce qu'on n'aperçoit point de moyens légaux de la changer.

Tout ceci n'est point applicable à l'Angleterre. L'Angleterre n'ayant point de constitution écrite, qui peut dire qu'on change sa constitution?

(M) PAGE 160.

Les auteurs les plus estimés qui ont écrit sur la constitution anglaise établissent comme à l'envi cette omnipotence du parlement.

Delolme dit, chap. X, p. 77: It is a fundamental principle with the English lawyers, that parliament can do every thing; except making a woman a man or a man a woman.

Blakstone s'explique plus catégoriquement encore, sinon plus énergiquement que Delolme; voici en quels termes:

«La puissance et la juridiction du parlement sont si étendues et si absolues, suivant sir Edouard Coke (4 Hist. 36), soit sur les personnes, soit sur les affaires, qu'aucunes limites ne peuvent lui être assignées... On peut, ajoute-il, dire avec vérité de cette cour: Si antiquitatem spectes, est vetustissima; si dignitatem, est honoratissima; si jurisdictionem, est capacissima. Son autorité, souveraine et sans contrôle, peut faire confirmer, étendre, restreindre, abroger, révoquer, renouveler et interpréter les lois sur les matières de toutes dénominations ecclésiastiques, temporelles, civiles, militaires, maritimes, criminelles. C'est au parlement que la constitution de ce royaume a confié ce pouvoir despotique et absolu qui, dans tout gouvernement, doit résider quelque part. Les griefs, les remèdes à apporter, les déterminations hors du cours ordinaire des lois, tout est atteint par ce tribunal extraordinaire. Il peut régler ou changer la succession au trône, comme il l'a fait sous les règnes de Henri VIII et de Guillaume III; il peut altérer la religion nationale établie, comme il la fait en diverses circonstances sous les règnes de Henri VIII et de ses enfants; il peut changer et créer de nouveau la constitution du royaume et des parlements eux-mêmes, comme il l'a fait par l'acte d'union de l'Angleterre et de l'Écosse, et par divers statuts pour les élections triennales et septennales. En un mot, il peut faire tout ce qui n'est pas naturellement impossible: aussi n'a-t-on pas fait scrupule d'appeler son pouvoir, par une figure peut-être trop hardie, la toute-puissance du parlement.»

(N) PAGE 178.

Il n'y a pas de matière sur laquelle les constitutions américaines s'accordent mieux que sur le jugement politique.

Toutes les constitutions qui s'occupent de cet objet donnent à la chambre des représentants le droit exclusif d'accuser; excepté la seule constitution de la Caroline du Nord, qui accorde ce même droit aux grands jurys (article 23).

Presque toutes les constitutions donnent au sénat, ou à l'assemblée qui en tient la place, le droit exclusif de juger.

Les seules peines que puissent prononcer les tribunaux politiques sont: la destitution ou l'interdiction des fonctions publiques à l'avenir. Il n'y a que la constitution de Virginie qui permette de prononcer toute espèce de peines.

Les crimes qui peuvent donner lieu au jugement politique sont: dans la constitution fédérale (sect. IV, art. 1), dans celle d'Indiana (art. 3, p. 23 et 24), de New-York (art. 5), de Delaware (art. 5), la haute trahison, la corruption, et autres grands crimes ou délits;

Dans la constitution de Massachusetts (chap. 1, sect. 2), de la Caroline du Nord (art. 23) et de Virginie (p. 252), la mauvaise conduite et la mauvaise administration;

Dans la constitution de New-Hampshire (p. 105), la corruption, les manœuvres coupables et la mauvaise administration;

Dans le Vermont (chap. II, art. 24) la mauvaise administration;

Dans la Caroline du Sud (art. 5), le Kentucky (art. 5), le Tennessee (art. 4), l'Ohio (art. I, § 23, 24), la Louisiane (art. 5), le Mississipi (art. 5), l'Alabama (art. 6), la Pensylvanie (art. 4), les délits commis dans les fonctions.

Dans les États d'Illinois, de Géorgie, du Maine et du Connecticut, on ne spécifie aucun crime.

(O) PAGE 277.

Il est vrai que les puissances de l'Europe peuvent faire à l'Union de grandes guerres maritimes; mais il y a toujours plus de facilité et moins de danger à soutenir une guerre maritime qu'une guerre continentale. La guerre maritime n'exige qu'une seule espèce d'efforts. Un peuple commerçant qui consentira à donner à son gouvernement l'argent nécessaire, est toujours sûr d'avoir des flottes. Or, on peut beaucoup plus aisément déguiser aux nations les sacrifices d'argent que les sacrifices d'hommes et les efforts personnels. D'ailleurs des défaites sur mer compromettent rarement l'existence ou l'indépendance du peuple qui les éprouve.

Quant aux guerres continentales, il est évident que les peuples de l'Europe ne peuvent en faire de dangereuses à l'Union américaine.

Il est bien difficile de transporter ou d'entretenir en Amérique plus de 25,000 soldats; ce qui représente une nation de 2,000,000 d'hommes à peu près. La plus grande nation européenne luttant de cette manière contre l'Union est dans la même position où serait une nation de 2,000,000 d'habitants en guerre contre une de 12,000,000. Ajoutez à cela que l'Américain est à portée de toutes ses ressources et l'Européen à 1,500 lieues des siennes, et que l'immensité du territoire des États-Unis présenterait seule un obstacle insurmontable à la conquête.[Retour à la Table des Matières]

CONSTITUTIONS
DES ÉTATS-UNIS
ET DE
L'ÉTAT DE NEW-YORK.

CONSTITUTION
DES ÉTATS-UNIS[166].

Nous, le peuple des États-Unis, afin de former une union plus parfaite, d'établir la justice, d'assurer la tranquillité intérieure, de pourvoir à la défense commune, d'accroître le bien-être général, et de rendre durable pour nous comme pour notre postérité les bienfaits de la liberté, nous faisons, nous décrétons et nous établissons cette Constitution pour les États-Unis d'Amérique.

ARTICLE PREMIER.

SECTION PREMIÈRE.

Un congrès des États-Unis, composé d'un sénat et d'une chambre de représentants, sera investi de tous les pouvoirs législatifs déterminés par les représentants.

SECTION DEUXIÈME.

1. La chambre des représentants sera composée de membres élus tous les deux ans par le peuple des divers États, et les électeurs de chaque État devront avoir les qualifications exigées des électeurs de la branche la plus nombreuse de la législature de l'État.

2. Personne ne pourra être représentant, à moins d'avoir atteint l'âge de vingt-cinq ans, d'avoir été pendant sept ans citoyen des États-Unis, et d'être, au moment de son élection, habitant de l'État qui l'aura élu.

3. Les représentants et les taxes directes seront répartis entre les divers États qui pourront faire partie de l'Union, selon le nombre respectif de leurs habitants, nombre qui sera déterminé en ajoutant au nombre total des personnes libres, y compris ceux servant pour un terme limité, et non compris les Indiens non taxés, trois cinquièmes de toutes autres personnes. L'énumération pour l'époque actuelle sera faite trois ans après la première réunion du congrès des États-Unis, et ensuite de dix ans en dix ans, d'après le mode qui sera réglé par une loi. Le nombre des représentants n'excédera pas celui d'un par trente mille habitants; mais chaque État aura au moins un représentant. Jusqu'à ce que l'énumération ait été faite, l'État de New-Hampshire en enverra trois, Massachusetts huit, Rhode-Island et les plantations de Providence un, Connecticut cinq, New-York six, New-Jersey quatre, la Pensylvanie huit, le Delaware un, le Maryland six, la Virginie dix, la Caroline septentrionale cinq, la Caroline méridionale cinq, et la Géorgie trois.

4. Quand des places viendront à vaquer dans la représentation d'un État au congrès, l'autorité exécutive de l'État convoquera le corps électoral pour les remplir.

5. La chambre des représentants élira ses orateurs et autres officiers; elle exercera seule le pouvoir de mise en accusation pour cause politique (impeachments).

SECTION TROISIÈME.

1. Le sénat des États-Unis sera composé de deux sénateurs de chaque État, élus par sa législature, et chaque sénateur aura un vote.

2. Immédiatement après leur réunion, en conséquence de leur première élection, ils seront divisés, aussi également que possible, en trois classes. Les siéges des sénateurs de la première classe seront vacants au bout de la seconde année; ceux de la seconde classe, au bout de la quatrième année, et ceux de la troisième, à l'expiration de la sixième année, de manière à ce que tous les deux ans un tiers du sénat soit réélu. Si des places deviennent vacantes par démission ou par toute autre cause, pendant l'intervalle entre les sessions de la législature de chaque État, le pouvoir exécutif de cet État fera une nomination provisoire, jusqu'à ce que la législature puisse remplir le siége vacant.

3. Personne ne pourra être sénateur, à moins d'avoir atteint l'âge de trente ans, d'avoir été pendant neuf ans citoyen des États-Unis, et d'être, au moment de son élection, habitant de l'État qui l'aura choisi.

4. Le vice-président des États-Unis sera président du sénat, mais il n'aura point le droit de voter, à moins que les voix ne soient partagées également.

5. Le sénat nommera ses autres officiers, ainsi qu'un président pro tempore, qui présidera dans l'absence du vice-président, ou quand celui-ci exercera les fonctions de président des États-Unis.

6. Le sénat aura seul le pouvoir de juger les accusations intentées par la chambre des représentants (impeachments). Quand il agira dans cette fonction, ses membres prêteront serment ou affirmation. Si c'est le président des États-Unis qui est mis en jugement, le chef de la justice présidera. Aucun accusé ne peut être déclaré coupable qu'à la majorité des deux tiers des membres présents.

7. Les jugements rendus en cas de mise en accusation n'auront d'autre effet que de priver l'accusé de la place qu'il occupe, de le déclarer incapable de posséder quelque office d'honneur, de confiance, ou de profit que ce soit, dans les États-Unis; mais la partie convaincue pourra être mise en jugement, jugée et punie, selon les lois, par les tribunaux ordinaires.

SECTION QUATRIÈME.

1. Le temps, le lieu et le mode de procéder aux élections des sénateurs et des représentants seront réglés dans chaque État par la législature; mais le congrès peut, par une loi, changer ces règlements ou en faire de nouveaux, excepté pourtant en ce qui concerne le lieu où les sénateurs doivent être élus.

2. Le congrès s'assemblera au moins une fois l'année, et cette réunion sera fixée pour le premier lundi de décembre, à moins qu'une loi ne la fixe à un autre jour.

SECTION CINQUIÈME.

1. Chaque chambre sera juge des élections et des droits et titres de ses membres. Une majorité de chacune suffira pour traiter les affaires; mais un nombre moindre que la majorité peut s'ajourner de jour en jour, et est autorisé à forcer les membres absents à se rendre aux séances, par telle pénalité que chaque chambre pourra établir.

2. Chaque chambre fera son règlement, punira ses membres pour conduite inconvenante, et pourra, à la majorité des deux tiers, exclure un membre.

3. Chaque chambre tiendra un journal de ses délibérations et le publiera d'époque en époque, à l'exception de ce qui lui paraîtra devoir rester secret; et les votes négatifs ou approbatifs des membres de chaque chambre sur une question quelconque, seront, sur la demande d'un cinquième des membres présents, consignés sur le journal.

4. Aucune des deux chambres ne pourra, pendant la session du congrès, et sans le consentement de l'autre chambre, s'ajourner à plus de trois jours, ni transférer ses séances dans un autre lieu que celui où siègent les deux chambres.

SECTION SIXIÈME.

1. Les sénateurs et les représentants recevront pour leurs services une indemnité qui sera fixée par une loi et payée par le trésor des États-Unis. Dans tous les cas, excepté ceux de trahison, de félonie et de trouble à la paix publique, ils ne pourront être arrêtés, soit pendant leur présence à la session, soit en s'y rendant ou en retournant dans leurs foyers; dans aucun autre lieu ils ne pourront être inquiétés, ni interrogés en raison de discours ou opinions prononcés dans leurs chambres respectives.

2. Aucun sénateur ou représentant ne pourra, pendant le temps pour lequel il a été élu, être nommé à une place dans l'ordre civil sous l'autorité des États-Unis, lorsque cette place aura été créée ou que les émoluments en auront été augmentés pendant cette époque. Aucun individu occupant une place sous l'autorité des États-Unis ne pourra être membre d'une des deux chambres, tant qu'il conservera cette place.

SECTION SEPTIÈME.

1. Tous les bills établissant des impôts doivent prendre naissance dans la chambre des représentants; mais le sénat peut y concourir par des amendements comme aux autres bills.

2. Tout bill qui aura reçu l'approbation du sénat et de la chambre des représentants sera, avant de devenir loi, présenté au président des États-Unis; s'il l'approuve, il y apposera sa signature, sinon il le renverra avec ses objections à la chambre dans laquelle il aura été proposé; elle consignera les objections intégralement dans son journal, et discutera de nouveau le bill. Si, après cette seconde discussion, deux tiers de la chambre se prononcent en faveur du bill, il sera envoyé, avec les objections du président, à l'autre chambre, qui le discutera également; et si la même majorité l'approuve, il deviendra loi: mais en pareil cas, les votes des chambres doivent être donnés par oui et par non, et les noms des personnes votant pour ou contre seront inscrits sur le journal de leurs chambres respectives. Si dans les dix jours (les dimanches non compris) le président ne renvoie point un bill qui lui aura été présenté, ce bill aura force de loi, comme s'il l'avait signé, à moins cependant que le congrès, en s'ajournant, ne prévienne le renvoi; alors le bill ne fera point loi.

3. Tout ordre, toute résolution ou vote pour lequel le concours des deux chambres est nécessaire (excepté pourtant pour la question d'ajournement), doit être présenté au président des États-Unis, et approuvé par lui avant de recevoir son exécution; s'il le rejette, il doit être de nouveau adopté par les deux tiers des deux chambres, suivant les règles prescrites pour les bills.

SECTION HUITIÈME.

Le congrès aura le pouvoir:

1o D'établir et de faire percevoir des taxes, droits impôts et excises; de payer les dettes publiques, et de pourvoir à la défense commune et au bien général des États-Unis; mais les droits, impôts et excises devront être les mêmes dans tous les États-Unis;

2o D'emprunter de l'argent sur le crédit des États-Unis;

3o De régler le commerce avec les nations étrangères, entre les divers États, et avec les tribus indiennes;

4o D'établir une règle générale pour les naturalisations, et des lois générales sur les banqueroutes dans les États-Unis;

5o De battre la monnaie, d'en régler la valeur, ainsi que celle des monnaies étrangères, et de fixer la base des poids et mesures;

6o D'assurer la punition de la contrefaçon de la monnaie courante et du papier public des États-Unis;

7o D'établir des bureaux de poste et des routes de poste;

8o D'encourager les progrès des sciences et des arts utiles, en assurant, pour des périodes limitées, aux auteurs et inventeurs, le droit exclusif de leurs écrits et de leurs découvertes;

9o De constituer des tribunaux subordonnés à la cour suprême;

10o De définir et punir les pirateries et les félonies commises en haute mer, et les offenses contre la loi des nations;

11o De déclarer la guerre, d'accorder des lettres de marque et de représailles, et de faire des règlements concernant les captures sur terre et sur mer;

12o De lever et d'entretenir des armées; mais aucun argent pour cet objet ne pourra être voté pour plus de deux ans;

13o De créer et d'entretenir une force maritime;

14o D'établir des règles pour l'administration et l'organisation des forces de terre et de mer;

15o De pourvoir à ce que la milice soit convoquée pour exécuter les lois de l'Union, pour réprimer les insurrections et repousser les invasions;

16o De pourvoir à ce que la milice soit organisée, armée et disciplinée, et de disposer de cette partie de la milice qui peut se trouver employée au service des États-Unis, en laissant aux États respectifs la nomination des officiers, et le soin d'établir dans la milice la discipline prescrite par le congrès;

17o D'exercer la législation exclusive dans tous les cas quelconques, sur tel district (ne dépassant pas dix milles carrés) qui pourra, par la cession des États particuliers et par l'acceptation du congrès, devenir le siége du gouvernement des États-Unis, et d'exercer une pareille autorité sur tous les lieux acquis par achat, d'après le consentement de la législature de l'État où ils seront situés, et qui serviront à l'établissement de forteresses, de magasins, d'arsenaux, de chantiers et autres établissements d'utilité publique;

18o Enfin, le congrès aura le pouvoir de faire toutes les lois nécessaires ou convenables pour mettre à exécution les pouvoirs qui lui ont été accordés, et tous les autres pouvoirs dont cette constitution a investi le gouvernement des États-Unis, ou une de ses branches.

SECTION NEUVIÈME.

1. La migration ou l'importation de telles personnes dont l'admission peut paraître convenable aux États actuellement existants, ne sera point prohibée par le congrès avant l'année 1808; mais une taxe ou droit n'excédant point dix dollars par personne, peut être imposée sur cette importation.

2. Le privilége de l'habeas corpus ne sera suspendu qu'en cas de rébellion ou d'invasion, et lorsque la sûreté publique l'exigera.

3. Aucun bill d'attainder ni loi rétroactive ex post facto ne pourront être décrétés.

4. Aucune capitation ou autre taxe directe ne sera établie, si ce n'est en proportion du dénombrement prescrit dans une section précédente.

5. Aucune taxe ou droit ne sera établi sur des articles exportés d'un État quelconque, aucune préférence ne sera donnée par des règlements commerciaux ou fiscaux aux ports d'un État sur ceux d'un autre; les vaisseaux destinés pour un État ou sortant de ses ports, ne pourront être forcés d'entrer dans ceux d'un autre ou d'y payer des droits.

6. Aucun argent ne sera tiré de la trésorerie qu'en conséquence de dispositions prises par une loi, et de temps en temps on publiera un tableau régulier des recettes et des dépenses publiques.

7. Aucun titre de noblesse ne sera accordé par les États-Unis, et aucune personne tenant une place de profit ou de confiance sous leur autorité, ne pourra, sans le consentement du congrès, accepter quelque présent, émolument, place ou titre quelconque, d'un roi, prince ou État étranger.

SECTION DIXIÈME.

1. Aucun État ne pourra contracter ni traité, ni alliance, ni confédération, ni accorder des lettres de marque ou de représailles, ni battre monnaie, ni émettre des bills de crédit, ni déclarer qu'autre chose que la monnaie d'or et d'argent doive être acceptée en paiement de dettes, ni passer quelque bill d'attainder, ou loi rétroactive ex post facto, ou affaiblissement des obligations des contrats, ni accorder aucun titre de noblesse.

2. Aucun État ne pourra, sans le consentement du congrès, établir quelque impôt ou droit sur les importations ou exportations, à l'exception de ce qui lui sera absolument nécessaire pour l'exécution de ses lois d'inspection; et le produit net de tous droits et impôts établis par quelque État sur les importations et exportations, sera à la disposition de la trésorerie des États-Unis, et toute loi pareille sera sujette à la révision et au contrôle du congrès. Aucun État ne pourra, sans le consentement du congrès, établir aucun droit sur le tonnage, entretenir des troupes ou des vaisseaux de guerre en temps de paix, contracter quelque traité ou union avec un autre État ou avec une puissance étrangère, ou s'engager dans une guerre, si ce n'est dans les cas d'invasion ou d'un danger assez imminent pour n'admettre aucun délai.

ARTICLE DEUXIÈME.

SECTION PREMIÈRE.

1. Le président des États-Unis sera investi du pouvoir exécutif; il occupera sa place pendant le terme de quatre ans; son élection et celle du vice-président, nommé pour le même terme, auront lieu ainsi qu'il suit:

2. Chaque État nommera, de la manière qui sera prescrite par sa législature, un nombre d'électeurs égal au nombre total de sénateurs et de représentants que l'État envoie au congrès; mais aucun sénateur ou représentant, ni aucune personne possédant une place de profit ou de confiance sous l'autorité des États-Unis, ne peut être nommé électeur.

3. Les électeurs s'assembleront dans leurs États respectifs, et ils voteront au scrutin pour deux individus, dont un au moins ne sera point habitant du même État qu'eux. Ils feront une liste de toutes les personnes qui ont obtenu des suffrages, et du nombre de suffrages que chacune d'elles aura obtenu; ils signeront et certifieront cette liste, et la transmettront scellée au siége du gouvernement des États-Unis, sous l'adresse du président du sénat, qui, en présence du sénat et de la chambre des représentants, ouvrira tous les certificats, et comptera les votes. Celui qui aura obtenu le plus grand nombre de votes sera président. Si ce nombre forme la majorité des électeurs, si plusieurs ont obtenu cette majorité, et que deux ou un plus grand nombre réunissent la même quantité de suffrages, alors la chambre des représentants choisira l'un d'entre eux pour président par la voie du scrutin. Si nul n'a réuni cette majorité, la chambre prendra les cinq personnes qui en ont approché davantage, et choisira parmi elles le président de la même manière. Mais en choisissant ainsi le président, les votes seront pris par État, la représentation de chaque État ayant un vote: un membre ou des membres des deux tiers des États devront être présents, et la majorité de tous ces États sera indispensable pour que le choix soit valide. Dans tous les cas, après le choix du président, celui qui réunira le plus de voix sera vice-président. Si deux ou plusieurs candidats ont obtenu un nombre égal de voix, le sénat choisira parmi ces candidats le vice-président par voie de scrutin.

4. Le congrès peut déterminer l'époque de la réunion des électeurs, et le jour auquel ils donneront leurs suffrages, lequel jour sera le même pour tous les États-Unis.

5. Aucun individu autre qu'un citoyen né dans les États-Unis, ou étant citoyen lors de l'adoption de cette constitution, ne peut être éligible à la place de président; aucune personne ne sera éligible à cette place, à moins d'avoir atteint l'âge de trente-cinq ans, et d'avoir résidé quatorze ans aux États-Unis.

6. En cas que le président soit privé de sa place, ou en cas de mort, de démission ou d'inhabileté à remplir les fonctions et les devoirs de cette place, elle sera confiée au vice-président, et le congrès peut par une loi pourvoir au cas du renvoi, de la mort, de la démission ou de l'inhabileté, tant du président que du vice-président, et indiquer quel fonctionnaire public remplira en pareils cas la présidence, jusqu'à ce que la cause de l'inhabileté n'existe plus, ou qu'un nouveau président ait été élu.

7. Le président recevra pour ses services, à des époques fixées, une indemnité qui ne pourra être augmentée ni diminuée pendant la période pour laquelle il aura été élu, et pendant le même temps il ne pourra recevoir aucun autre émolument des États-Unis ou de l'un des États.

8. Avant son entrée en fonctions, il prêtera le serment ou affirmation qui suit:

9. «Je jure (ou j'affirme) solennellement que je remplirai fidèlement la place de président des États-Unis, et que j'emploierai tous mes soins à conserver, protéger et défendre la constitution des États-Unis.»

SECTION DEUXIÈME.

1. Le président sera commandant en chef de l'armée et des flottes des États-Unis et de la milice des divers États, quand elle sera appelée au service actif des États-Unis; il peut requérir l'opinion écrite du principal fonctionnaire dans chacun des départements exécutifs, sur tout objet relatif aux devoirs de leurs offices respectifs, et il aura le pouvoir d'accorder diminution de peine et pardon pour délits envers les États-Unis, excepté en cas de mise en accusation par la chambre des représentants.

2. Il aura le pouvoir de faire des traités, de l'avis et du consentement du sénat, pourvu que les deux tiers des sénateurs présents y donnent leur approbation; il nommera, de l'avis et du consentement du sénat, et désignera les ambassadeurs, les autres ministres publics et les consuls, les juges des Cours suprêmes, et tous autres fonctionnaires des États-Unis aux nominations desquels il n'aura point été pourvu d'une autre manière dans cette constitution, et qui seront institués par une loi. Mais le congrès peut par une loi attribuer les nominations de ces employés subalternes au président seul, aux Cours de justice, ou aux chefs des départements.

3. Le président aura le pouvoir de remplir toutes les places vacantes pendant l'intervalle des sessions du sénat, en accordant des commissions qui expireront à la fin de la session prochaine.

SECTION TROISIÈME.

1. De temps en temps le président donnera au congrès des informations sur l'État de l'Union, et il recommandera à sa considération les mesures qu'il jugera nécessaires et convenables; il peut, dans des occasions extraordinaires, convoquer les deux chambres, ou l'une d'elles, et en cas de dissentiments entre elles sur le temps de leur ajournement, il peut les ajourner à telle époque qui lui paraîtra convenable. Il recevra les ambassadeurs et les autres ministres publics; il veillera à ce que les lois soient fidèlement exécutées, et il commissionnera tous les fonctionnaires des États-Unis.

SECTION QUATRIÈME.

Les président, vice-président et tous les fonctionnaires civils pourront être renvoyés de leurs places, si à la suite d'une accusation ils sont convaincus de trahison, de dilapidation du trésor public ou d'autres grands crimes et d'inconduite (misdemeanors).

ARTICLE TROISIÈME.

SECTION PREMIÈRE.

Le pouvoir judiciaire des États-Unis sera confié à une Cour suprême et aux autres Cours inférieures que le congrès peut de temps à autre former et établir. Les juges, tant des Cours suprêmes que des Cours inférieures, conserveront leurs places tant que leur conduite sera bonne, et ils recevront pour leurs services, à des époques fixées, une indemnité qui ne pourra être diminuée tant qu'ils conserveront leur place.

SECTION DEUXIÈME.

1. Le pouvoir judiciaire s'étendra à toutes les causes en matière de lois et d'équité qui s'élèveront sous l'empire de cette constitution, des lois des États-Unis, et des traités faits ou qui seront faits sous leur autorité; à toutes les causes concernant des ambassadeurs, d'autres ministres publics ou des consuls; à toutes les causes de l'amirauté ou de la juridiction maritime; aux contestations dans lesquelles les États-Unis seront partie; aux contestations entre deux ou plusieurs États, entre un État et des citoyens d'un autre État, entre des citoyens d'États différents, entre des citoyens du même État réclamant des terres en vertu de concessions émanées de différents États, et entre un État ou les citoyens de cet État, et des États, citoyens ou sujets étrangers.

2. Dans tous les cas concernant les ambassadeurs, d'autres ministres publics ou des consuls, et dans les causes dans lesquelles un État sera partie, la Cour suprême exercera la juridiction originelle. Dans tous les autres cas susmentionnés, la Cour suprême aura la juridiction d'appel, tant sous le rapport de la loi que du fait, avec telles exceptions et tels règlements que le congrès pourra faire.

3. Le jugement de tous crimes, excepté en cas de mise en accusation par la chambre des représentants, sera fait par jury: ce jugement aura lieu dans l'état où le crime aura été commis; mais si le crime n'a point été commis dans un des États, le jugement sera rendu dans tel ou tel lieu que le congrès aura désigné à cet effet par une loi.

SECTION TROISIÈME.

1. La trahison contre les États-Unis consistera uniquement à prendre les armes contre eux ou à se réunir à leurs ennemis en leur donnant aide et secours. Aucune personne ne sera convaincue de trahison si ce n'est sur le témoignage de deux témoins déposant sur le même acte patent, ou lorsqu'elle se sera reconnue coupable devant la Cour.

2. Le congrès aura le pouvoir de fixer la peine de la trahison; mais ce crime n'entraînera point la corruption du sang, ni la confiscation, si ce n'est pendant la vie de la personne convaincue.

ARTICLE QUATRIÈME.

SECTION PREMIÈRE.

Pleine confiance et crédit seront donnés en chaque État aux actes publics et aux procédures judiciaires de tout autre État, et le congrès peut, par des lois générales, déterminer quelle sera la forme probante de ces actes et procédures, et les effets qui y seront attachés.

SECTION DEUXIÈME.

1. Les citoyens de chaque État auront droit à tous les priviléges et immunités attachés au titre de citoyen dans les autres États.

2. Un individu accusé dans un État de trahison, félonie ou autre crime, qui se sauvera de la justice et qui sera trouvé dans un autre État, sera, sur la demande de l'autorité exécutive de l'État dont il s'est enfui, livré et conduit vers l'État ayant juridiction sur ce crime.

3. Aucune personne tenue au service ou au travail dans un État, sous les lois de cet État, et qui se sauverait dans un autre, ne pourra, en conséquence d'une loi ou d'un règlement de l'État où elle s'est réfugiée, être dispensée de ce service ou travail, mais sera livrée sur la réclamation de la partie à laquelle ce service et ce travail sont dus.

SECTION TROISIÈME.

1. Le congrès pourra admettre de nouveaux États dans cette union; mais aucun nouvel État ne sera érigé ou formé dans la juridiction d'un autre État, aucun État ne sera formé non plus de la réunion de deux ou de plusieurs États, ni de quelques parties d'État, sans le consentement de la législature des États intéressés, et sans celui du congrès.

2. Le congrès aura le pouvoir de disposer du territoire et des autres propriétés appartenant aux États-Unis, et d'adopter à ce sujet tous les règlements et mesures convenables; et rien dans cette constitution ne sera interprété dans un sens préjudiciable aux droits que peuvent faire valoir les États-Unis, ou quelques États particuliers.

SECTION QUATRIÈME.

Les États-Unis garantissent à tous les États de l'Union une forme de gouvernement républicain, et protégeront chacun d'eux contre toute invasion, et aussi contre toute violence intérieure, sur la demande de la législature ou du pouvoir exécutif, si la législature ne peut être convoquée.

ARTICLE CINQUIÈME.

Le congrès, toutes les fois que les deux tiers des deux chambres le jugeront nécessaire, proposera des amendements à cette constitution; ou, sur la demande de deux tiers des législatures des divers États, il convoquera une convention pour proposer des amendements, lesquels, dans les deux cas, seront valables à toutes fins, comme partie de cette constitution; quand ils auront été ratifiés par les législatures des trois quarts des divers États, ou par les trois quarts des conventions formées dans le sein de chacun d'eux; selon que l'un ou l'autre mode de ratification aura été prescrit par le congrès, pourvu qu'aucun amendement fait avant l'année 1808 n'affecte d'une manière quelconque la première et la quatrième clause de la 9e section du 1er article, et qu'aucun État ne soit privé, sans son consentement, de son suffrage dans le sénat.

ARTICLE SIXIÈME.

1. Toutes les dettes contractées et les engagements pris avant la présente constitution seront aussi valides à l'égard des États-Unis, sous la présente constitution, que sous la confédération.

2. Cette constitution et les lois des États-Unis qui seront faites en conséquence, et tous les traités faits ou qui seront faits sous l'autorité desdits États-Unis, composeront la loi suprême du pays; les juges de chaque État seront tenus de s'y conformer, nonobstant toute disposition qui, dans les lois ou la constitution d'un État quelconque, serait en opposition avec cette loi suprême.

3. Les sénateurs et les représentants susmentionnés et les membres des législatures des États et tous les officiers du pouvoir exécutif et judiciaire, tant des États-Unis que des divers États, seront tenus, par serment ou par affirmation, de soutenir cette constitution; mais aucun serment religieux ne sera jamais requis comme condition pour remplir une fonction ou charge publique, sous l'autorité des États-Unis.

ARTICLE SEPTIÈME.

1. La ratification donnée par les conventions de neuf États sera suffisante pour l'établissement de cette constitution entre les États qui l'auront ainsi ratifiée.

2. Fait en convention, par le consentement unanime des États présents, le 17e jour de septembre, l'an du Seigneur 1787, et de l'indépendance des États-Unis, le 12e; en témoignage de quoi, nous avons apposé ci-dessous nos noms.

Signé Georges WASHINGTON,

Président et député de Virginie.

AMENDEMENTS.

ARTICLE PREMIER.

Le congrès ne pourra faire aucune loi relative à l'établissement d'une religion, ou pour en prohiber une; il ne pourra point non plus restreindre la liberté de la parole ou de la presse, ni attaquer le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour obtenir le redressement de ses griefs.

ARTICLE DEUXIÈME.

Une milice bien réglée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, on ne pourra restreindre le droit qu'a le peuple de garder et de porter des armes.

ARTICLE TROISIÈME.

Aucun soldat ne sera, en temps de paix, logé dans une maison sans le consentement du propriétaire; ni en temps de guerre, si ce n'est de la manière qui sera prescrite par une loi.

ARTICLE QUATRIÈME.

Le droit qu'ont les citoyens de jouir de la sûreté de leurs personnes, de leur domicile, de leurs papiers et effets, à l'abri des recherches et saisies déraisonnables, ne pourra être violé; aucun mandat ne sera émis, si ce n'est dans des présomptions fondées, corroborées par le serment ou l'affirmation; et ces mandats devront contenir la désignation spéciale du lieu où les perquisitions devront être faites et des personnes ou objets à saisir.

ARTICLE CINQUIÈME.

Aucune personne ne sera tenue de répondre à une accusation capitale ou infamante, à moins d'une mise en accusation émanant d'un grand jury, à l'exception des délits commis par des individus appartenant aux troupes de terre ou de mer, ou à la milice, quand elle est en service actif en temps de guerre ou de danger public: la même personne ne pourra être soumise deux fois pour le même délit à une procédure qui compromettrait sa vie ou un de ses membres. Dans aucune cause criminelle, l'accusé ne pourra être forcé à rendre témoignage contre lui-même; il ne pourra être privé de la vie, de la liberté ou de sa propriété, que par suite d'une procédure légale. Aucune propriété privée ne pourra être appliquée à un usage public sans juste compensation.

ARTICLE SIXIÈME.

Dans toute procédure criminelle, l'accusé jouira du droit d'être jugé promptement et publiquement par un jury impartial de l'État et du district dans lequel le crime aura été commis, district dont les limites auront été tracées par une loi préalable; il sera informé de la nature et du motif de l'accusation; il sera confronté avec les témoins à charge; il aura la faculté de faire comparaître des témoins en sa faveur, et il aura l'assistance d'un conseil pour sa défense.

ARTICLE SEPTIÈME.

Dans les causes qui devront être décidées selon la loi commune (in suits at common law), le jugement par jury sera conservé dès que la valeur des objets en litige excédera vingt dollars; et aucun fait jugé par un jury ne pourra être soumis à l'examen d'une autre cour dans les États-Unis, que conformément à la loi commune.

ARTICLE HUITIÈME.

On ne pourra exiger des cautionnements exagérés, ni imposer des amendes excessives, ni infliger des punitions cruelles et inaccoutumées.

ARTICLE NEUVIÈME.

L'énumération faite, dans cette constitution, de certains droits, ne pourra être interprétée de manière à exclure ou affaiblir d'autres droits conservés par le peuple.

ARTICLE DIXIÈME.

Les pouvoirs non délégués aux États-Unis par la constitution, ou à ceux qu'elle ne défend pas aux États d'exercer, sont réservés aux États respectifs ou au peuple.

ARTICLE ONZIÈME.

Le pouvoir judiciaire des États-Unis ne sera point organisé de manière à pouvoir s'étendre par interprétation à une procédure quelconque, commencée contre un des États par les citoyens d'un autre État, ou par les citoyens ou sujets d'un État étranger.

ARTICLE DOUZIÈME.

1. Les électeurs se rassembleront dans leurs États respectifs, et ils voteront au scrutin pour la nomination du président et du vice-président, dont un au moins ne sera point habitant du même État qu'eux; dans leurs bulletins ils nommeront la personne pour laquelle ils votent comme président, et dans les bulletins distincts celle qu'ils portent à la vice-présidence: ils feront des listes distinctes de toutes les personnes portées à la présidence, et de toutes celles désignées pour la vice-présidence, et du nombre des votes pour chacune d'elles; ces listes seront par eux signées et certifiées, et transmises, scellées, au siége du gouvernement des États-Unis, à l'adresse du président du sénat. Le président du sénat, en présence des deux chambres, ouvrira tous les procès-verbaux, et les votes seront comptés. La personne réunissant le plus grand nombre de suffrages pour la présidence sera président, si ce nombre forme la majorité de tous les électeurs réunis; et si aucune personne n'avait cette majorité, alors, parmi les trois candidats ayant réuni le plus de voix pour la présidence, la chambre des représentants choisira immédiatement le président par la voix du scrutin. Mais dans ce choix du président les votes seront comptés par État, la représentation de chaque État n'ayant qu'un vote; un membre ou des membres de deux tiers des États devront être présents pour cet objet, et la majorité de tous les États sera nécessaire pour le choix. Et si la chambre des représentants ne choisit point le président, quand ce choix lui sera dévolu, avant le quatrième jour du mois de mars suivant, le vice-président sera président, comme dans le cas de mort ou d'autre inhabileté constitutionnelle du président.

2. La personne réunissant le plus de suffrages pour la vice-présidence sera vice-président, si ce nombre forme la majorité du nombre total des électeurs réunis; et si personne n'a obtenu cette majorité, alors le sénat choisira le vice-président parmi les deux candidats ayant le plus de voix; la présence des deux tiers des sénateurs et la majorité du nombre total sont nécessaires pour ce choix.

3. Aucune personne constitutionnellement inéligible à la place de président ne sera éligible à celle de vice-président des États-Unis.[Retour à la Table des Matières]

CONSTITUTION
DE
L'ÉTAT DE NEW-YORK.

Pénétré de reconnaissance envers la bonté divine qui nous a permis de choisir la forme de notre gouvernement, nous, le peuple de l'État de New-York, nous avons établi la présente constitution:

ARTICLE PREMIER.

1. Le pouvoir législatif de l'État sera confié à un sénat et à une chambre des représentants.

2. Le sénat se composera de trente-deux membres.

Les sénateurs seront choisis parmi les propriétaires fonciers et seront nommés pour quatre ans.

L'assemblée des représentants aura cent vingt-huit membres, qui seront soumis tous les ans à une nouvelle élection.

3. Dans l'une et l'autre chambre, la majorité absolue décidera.

Chacune formera ses règlements intérieurs, et vérifiera les pouvoirs de ses membres.

Chacune nommera ses officiers.

Le sénat se choisira un président temporaire, quand le lieutenant gouverneur ne présidera pas, ou qu'il remplira les fonctions de gouverneur.

4. Chaque chambre tiendra un procès-verbal de ses séances. Ces procès-verbaux seront publiés en entier, à moins qu'il ne devienne nécessaires d'en tenir secrète une partie.

Les séances seront publiques; elles peuvent cependant avoir lieu à huis clos, si l'intérêt général l'exige.

Une chambre ne pourra s'ajourner plus de deux jours sans le consentement de l'autre.

5. L'État sera divisé en huit districts, qui prendront le nom de districts sénatoriaux. Dans chacun, il sera choisi quatre sénateurs.

Aussitôt que le sénat sera assemblé, après les premières élections qui auront lieu en conséquence de la présente constitution, il se divisera en quatre classes. Chacune de ces classes se composera de huit sénateurs, de sorte que, dans chaque classe, il y ait un sénateur de chaque district. Ces classes seront numérotées par première, deuxième, troisième et quatrième.

Les siéges de la première classe seront vacants à la fin de la première année, ceux de la deuxième à la fin de la deuxième, ceux de la troisième à la fin de la troisième, et ceux de la quatrième à la fin de la quatrième année. De cette manière, un sénateur sera nommé annuellement dans chaque district sénatorial.

6. Le dénombrement des habitants de l'État se fera en 1825, sous la direction du pouvoir législatif; et ensuite il aura lieu tous les dix ans.

À chaque session qui suivra un dénombrement, la législature fixera de nouveau la circonscription des districts, afin qu'il se trouve toujours, s'il est possible, un nombre égal d'habitants dans chacun d'eux. Les étrangers, les indigents et les hommes de couleur qui ne sont point imposés ne seront point comptés dans ces calculs. La circonscription des districts ne pourra être changée qu'aux époques fixées plus haut. Chaque district sénatorial aura un territoire compacte; et, pour le former, on ne divisera point les comtés.

7. Les représentants seront élus par les comtés, chaque comté nommant un nombre de députés proportionné au nombre de ses habitants. Les étrangers, les pauvres et les hommes de couleur qui ne paient point de taxes ne seront point compris dans ce calcul. À la session qui suivra un recensement, la législature fixera le nombre de députés que doit envoyer chaque comté, et ce nombre restera le même jusqu'au recensement suivant.

Chacun des comtés anciennement formés et organisés séparément enverra un membre à l'assemblée des représentants. On ne formera point de nouveaux comtés, à moins que leur population ne leur donne le droit d'élire au moins un représentant.

8. Les deux chambres possèdent également le droit d'initiative pour tous les bills.

Un bill adopté par une chambre peut être amendé par l'autre.

9. Il sera alloué aux membres de la législature, comme indemnité, une somme qui sera fixée par une loi et payée par le trésor public.

La loi qui augmenterait le montant de cette indemnité ne pourrait être exécutée que l'année qui suivrait celle où elle aurait été rendue. On ne pourra augmenter le montant de l'indemnité accordée aux membres du corps législatif que jusqu'à la concurrence de la somme de 3 dollars (16 francs 5 centimes).

10. Aucun membre des deux chambres, tant que durera son mandat, ne pourra être nommé à des fonctions de l'ordre civil par le gouverneur, le sénat ou la législature.

11. Ne pourra siéger dans les deux chambres aucun membre du congrès, ni autre personne remplissant une fonction judiciaire ou militaire pour les États-Unis.

Si un membre de la législature était appelé au congrès, ou était nommé à un emploi civil ou militaire pour le service des États-Unis, son option pour ces nouvelles fonctions rendra son siége vacant.

12. Tout bill qui aura reçu la sanction du sénat et de la chambre des représentants devra être présenté au gouverneur, avant de devenir loi de l'État.

Si le gouverneur sanctionne le bill, il le signera; si, au contraire, il le désapprouve, il le renverra, en expliquant les motifs de son refus, à la chambre qui l'avait en premier lieu proposé. Celle-ci insérera en entier les motifs du gouverneur dans le procès verbal des séances, et procédera à un nouvel examen. Si, après avoir discuté une seconde fois le bill, les deux tiers des membres présents se prononcent de nouveau en sa faveur, le bill sera alors renvoyé, avec les objections du gouverneur, à l'autre chambre; celle-ci lui fera de même subir un nouvel examen; et si les deux tiers des membres présents l'approuvent, ce bill aura force de loi; mais dans ces derniers cas, les votes seront exprimés par oui ou non, et on insérera le vote de chaque membre dans le procès-verbal.

Tout bill qui, après avoir été présenté au gouverneur, ne sera pas renvoyé par lui dans les dix jours (le dimanche excepté), aura force de loi comme si le gouverneur l'avait signé, à moins que, dans l'intervalle des dix jours, le corps législatif ne s'ajourne. Dans ce cas, le bill restera comme non avenu.

13. Les magistrats dont les fonctions ne sont pas temporaires (holding their offices during good behaviour) peuvent cependant être révoqués par le vote simultané des deux chambres. Mais il faut que les deux tiers de tous les représentants élus et la majorité des membres du sénat consentent à la révocation.

14. L'année politique commencera le 1er janvier, et le corps législatif devra être assemblé annuellement le premier mardi de janvier, à moins qu'un autre jour ne soit désigné par une loi.

15. Les élections pour la nomination du gouverneur, du lieutenant-gouverneur, des sénateurs et des représentants, commenceront le premier lundi de novembre 1822.

Toutes les élections subséquentes auront toujours lieu à peu près dans le même temps, c'est-à-dire en octobre ou en novembre, ainsi que la législature le fixera par une loi.

16. Le gouverneur, le lieutenant-gouverneur, les sénateurs et les représentants qui seront les premiers élus en vertu de la présente constitution, entreront dans l'exercice de leurs fonctions respectives le 1er janvier 1823.

Le gouverneur, le lieutenant-gouverneur, les sénateurs et les membres de la chambre des représentants maintenant en fonctions, continueront de les remplir jusqu'au 1er janvier 1823.

ARTICLE DEUXIÈME.

1. Aura le droit de voter dans la ville ou dans le quartier où il fait sa résidence, et non ailleurs, pour la nomination de tous fonctionnaires qui maintenant ou à l'avenir seront élus par le peuple, tout citoyen âgé de vingt et un ans qui aura résidé dans cet État un an avant l'élection à laquelle il veut concourir, qui en outre aura résidé pendant les six derniers mois dans la ville ou dans le comté où il peut donner son vote, et qui dans l'année précédant les élections aura payé à l'État ou au comté une taxe foncière ou personnelle; ou qui, étant armé et équipé, aura durant l'année rempli un service militaire dans la milice. Ces dernières conditions ne seront pas exigées de ceux que la loi exempte de toute imposition, ou qui ne font pas partie de la milice, parce qu'ils servent comme pompiers.

Auront également le droit de voter, les citoyens de l'âge de vingt et un ans qui résideront dans l'État pendant les trois ans qui précéderont une élection, et pendant la dernière année dans la ville ou dans le comté où ils peuvent donner leur vote, et qui en outre auront pendant le cours de la même année contribué de leur personne à la réparation des routes, ou auront payé l'équivalent de leur travail, suivant qu'il est réglé par la loi.

Aucun homme de couleur n'aura le droit de voter, à moins qu'il ne soit depuis trois ans citoyen de l'État, qu'il ne possède un an avant les élections une propriété foncière de la valeur de 250 dollars (1,337 fr. 50 c.) libre de toutes dettes et hypothèques. L'homme de couleur qui aura été imposé pour cette propriété, et qui aura payé la taxe, sera admis à voter à toute élection.

Si les hommes de couleur ne possèdent pas un bien foncier tel qu'il a été désigné plus haut, ils ne paieront aucune contribution directe.

2. Des lois ultérieures pourront exclure du droit de suffrage toute personne qui a été ou qui serait frappée d'une peine infamante.

3. Des lois régleront la manière dont les citoyens doivent établir le droit électoral dont les conditions viennent d'être fixées.

4. Toutes les élections auront lieu par bulletins écrits, à l'exception de celles relatives aux fonctionnaires municipaux. La manière dont ces dernières doivent être faites sera déterminée par une loi.

ARTICLE TROISIÈME.

1. Le pouvoir exécutif sera confié à un gouverneur, dont les fonctions dureront deux années.

Un lieutenant-gouverneur sera choisi en même temps et pour la même période.

2. Pour être éligible aux fonctions de gouverneur il faut être citoyen né des États-Unis, être franc-tenancier, avoir atteint l'âge de trente ans, et avoir résidé cinq ans dans l'État, à moins que, pendant ce temps, l'absence n'ait été motivée par un service public pour l'État ou pour les États-Unis.

3. Le gouverneur et le lieutenant-gouverneur seront élus en même temps et aux mêmes lieux que les membres de la législature, et à la pluralité des suffrages. En cas d'égalité de suffrages entre deux ou plusieurs candidats pour les fonctions de gouverneur ou lieutenant-gouverneur, les deux chambres de la législature choisiront parmi ces candidats, par un scrutin de ballottage commun et à la pluralité des voix, le gouverneur et le lieutenant-gouverneur.

4. Le gouverneur sera commandant en chef de la milice et amiral de la marine de l'État; il pourra, dans les circonstances extraordinaires, convoquer la législature ou seulement le sénat. Il devra, à l'ouverture de chaque session, communiquer par un message, à la législature, l'exposé de la situation de l'État et lui recommander les mesures qu'il croira nécessaires; il dirigera les affaires administratives, civiles ou militaires avec les fonctionnaires du gouvernement, promulguera les décisions de la législature, et veillera soigneusement à la fidèle exécution des lois.

En rémunération de ses services, il recevra, à des époques déterminées, une somme qui ne pourra être ni augmentée ni diminuée pendant le temps pour lequel il aura été élu.

5. Le gouverneur aura le droit de faire grâce, ou de suspendre l'exécution après condamnation, excepté en cas de trahison ou d'accusation par les représentants; dans ce dernier cas, la suspension ne peut aller que jusqu'à la plus prochaine session de la législature, qui peut ou faire grâce, ou ordonner l'exécution de la sentence, ou prolonger le répit.

6. En cas d'accusation du gouverneur, ou de sa destitution, de sa démission, de sa mort, ou de son absence de l'État, les droits et les devoirs de sa place seront remis au lieutenant-gouverneur, qui les conservera pendant le reste du temps déterminé, ou si la vacance est occasionnée par une accusation ou une absence, jusqu'à l'acquittement, ou le retour du gouverneur.

Cependant le gouverneur continuera d'être commandant en chef de toutes les forces militaires de l'État lorsque son absence sera motivée par la guerre et autorisée par la législature, pour commander la force armée de l'État.

7. Le lieutenant-gouverneur sera président du sénat, mais il n'aura voix délibérative qu'en cas d'égalité de votes. Si, pendant l'absence du gouverneur, le lieutenant-gouverneur s'absente, abdique, meurt, ou s'il est accusé ou destitué, le président du sénat[167] remplira les fonctions du gouverneur jusqu'à ce que l'on ait pourvu au remplacement, ou que l'incapacité ait cessé.

ARTICLE QUATRIÈME.

1. Les officiers de la milice seront élus et nommés de la manière suivante:

Les sous-officiers et officiers jusqu'aux capitaines inclusivement, par les votes écrits des membres de leurs compagnies respectives.

Les chefs de bataillon et officiers supérieurs des régiments, par les votes écrits des officiers de leurs bataillons et de leurs régiments.

Les brigadiers-généraux, par les officiers supérieurs de leurs brigades respectives.

Enfin les majors-généraux, les brigadiers-généraux et les colonels des régiments ou chefs de bataillon nommeront les officiers d'état-major de leurs divisions, brigades, régiments ou bataillons respectifs.

2. Le gouverneur nommera, et, avec l'autorisation du sénat, installera les majors-généraux, les inspecteurs de brigades et les chefs d'état-major, excepté le commissaire-général et l'adjudant-général. Ce dernier sera installé par le gouverneur seul.

3. La législature déterminera par une loi l'époque et le mode des élections des officiers de milice et la manière de les notifier au gouverneur.

4. Les officiers recevront leurs brevets du gouverneur. Aucun officier breveté ne pourra être privé de son emploi que par le sénat et sur une demande du gouverneur, indiquant les motifs pour lesquels on réclame la destitution, ou par décision d'une cour martiale, conformément à la loi.

Les officiers actuels de la milice conserveront leurs brevets et leurs emplois aux conditions ci-dessus.

5. Dans le cas où le mode d'élection et de nomination ci-dessus ne produirait pas d'amélioration dans la milice, la législature pourra l'abroger et lui en substituer une autre par une loi, pourvu que ce soit avec l'assentiment des deux tiers des membres présents dans chaque chambre.

6. Le secrétaire d'État, le contrôleur, le trésorier, l'avocat-général, l'inspecteur-général et le commissaire-général seront nommés de la manière suivante:

Le sénat et l'assemblée présenteront chacun un candidat pour chacune de ces fonctions, puis se réuniront. Si ces choix tombent sur les mêmes candidats, les personnes ainsi choisies seront installées dans les fonctions auxquelles on les aura nommées. S'il y a divergence dans les présentations, le choix sera fait par un scrutin commun, et à la majorité des suffrages du sénat et de l'assemblée réunis.

Le trésorier sera élu chaque année. Le secrétaire d'État, le contrôleur, l'avocat-général, l'inspecteur-général et le commissaire-général conserveront leurs fonctions pendant trois ans, à moins qu'ils ne soient révoqués par une décision commune du sénat et de l'assemblée.

7. Le gouverneur nommera par message écrit, et, avec l'assentiment du sénat, instituera tous les officiers judiciaires, excepté les juges de paix, qui seront nommés ainsi qu'il suit:

La commission des surveillants (supervisors)[168] de chacun des comtés de l'État s'assemblera au jour fixé par la législature, et désignera, à la majorité des voix, un nombre de personnes égal au nombre des juges de paix à établir dans les villes du comté; les juges des cours de comté s'assembleront aussi et nommeront de même un égal nombre de candidats; puis, à l'époque et au lieu indiqués par la législature, les surveillants et les juges de paix du comté se réunissent et examinent leurs choix respectifs. Lorsqu'il y a unanimité pour certains choix, ils la constatent par un certificat qu'ils déposent aux archives du secrétaire du comté, et la personne ou les personnes nommées dans ces certificats sont juges de paix.

S'il y a dissentiment total ou partiel dans les choix, la commission des surveillants et les juges devront transmettre leurs choix différents au gouverneur, qui prendra et instituera parmi ces candidats autant de juges de paix qu'il en faudra pour remplir les places vacantes.

Les juges de paix resteront en place pendant quatre ans, à moins qu'ils ne soient révoqués par les cours des comtés, lesquelles devront spécifier les motifs de la révocation; mais cette révocation ne peut avoir lieu sans que, préalablement, le juge de paix ait reçu signification des faits imputés, et qu'il ait pu présenter sa défense.

8. Les shérifs, les greffiers des comtés et les archivistes, aussi bien que le greffier de la cité-comté de New-York, seront choisis tous les trois ans, ou lorsqu'il y aura une vacance, par les électeurs de ces comtés respectifs. Les shérifs ne pourront exercer aucune autre fonction, et ne pourront être réélus que trois ans après leur sortie de service. On peut exiger d'eux, conformément à la loi, de renouveler de temps en temps leurs cautionnements, et faute par eux de les fournir, leur emploi sera considéré comme vacant.

Le comté ne sera jamais responsable des actes du shérif. Le gouverneur peut destituer ce magistrat aussi bien que les greffiers et les archivistes des comtés, mais jamais sans leur avoir communiqué les accusations portées contre eux, et sans leur avoir donné la faculté de se défendre.

9. Les greffiers des cours, excepté ceux dont il est question dans la section précédente, seront nommés par les cours auprès desquelles ils exerceront, et les procureurs de districts par les cours de comté. Ces greffiers et ces procureurs resteront en place pendant trois ans, à moins de révocation par les cours qui les auront nommés.

10. Les maires de toutes les cités de cet État seront nommés par les conseils communaux de ces cités respectives.

11. Les coroners seront élus de la même manière que les shérifs, et pour le même temps; leur révocation n'aura lieu que dans les mêmes formes. La législature en déterminera le nombre, qui pourtant ne pourra être de plus de quatre par comté.

12. Le gouverneur nommera, et, avec l'assentiment du sénat, installera les maîtres et auditeurs en chancellerie, qui conserveront leurs fonctions pendant trois ans, à moins de révocation par le sénat, sur la demande du gouverneur. Les greffiers et sous-greffiers seront nommés et remplacés à volonté par le chancelier.

13. Le greffier de la cour d'oyer et terminer, et des sessions générales de paix, pour la ville et comté de New-York, sera nommé par la cour des sessions générales de la ville, et exercera tant qu'il plaira à la cour. Les autres commis et employés des cours, dont la nomination n'est pas déterminée ici, seront au choix des différentes cours, ou du gouverneur, avec l'assentiment du sénat, suivant que l'indiquera la loi.

14. Les juges spéciaux et leurs adjoints, ainsi que leurs greffiers dans la cité de New-York, seront nommés par le conseil communal de cette cité. Leurs fonctions auront la même durée que celles des juges de paix des autres comtés, et ils ne pourront être révoqués que dans les mêmes formes.

15. Tous les fonctionnaires qui aujourd'hui sont nommés par le peuple continueront à être nommés par lui. Les fonctions à la nomination desquelles il n'est pas pourvu par cette constitution, ou qui pourront être créées à l'avenir, seront de même à la nomination du peuple, à moins que la loi ne dispose autrement.

16. La durée des fonctions non fixée par la présente constitution pourra être déterminée par une loi, sinon elle dépendra du bon plaisir de l'autorité qui nommera à ces fonctions.

ARTICLE CINQUIÈME.

1. Le tribunal auquel doivent être déférées les accusations politiques (trials by impeachment)[169] et les procès relatifs à la correction des erreurs (correction of errors), se composera du président du sénat, des sénateurs, du chancelier, des juges de la cour suprême ou de la majeure partie d'entre eux. Lorsque cette accusation sera intentée contre le chancelier ou un juge de la cour suprême, la personne accusée sera suspendue de ses fonctions jusqu'à son acquittement.

Dans les appels contre les arrêts de chancellerie, le chancelier informera le tribunal des motifs de sa première décision, mais n'aura pas voix délibérative; et si l'appel a lieu pour erreur dans un jugement de la cour suprême, les juges de cette cour exposeront de même les motifs de leur arrêt, mais ne pourront prendre part à la délibération.

2. La chambre des représentants a droit de mettre en accusation tous les employés civils de l'État, pour corruption ou malversation dans l'exercice de leurs fonctions, pour crimes ou pour délits; mais il faut pour cela l'assentiment de la majorité de tous les membres élus.

Les membres de la cour chargés de prononcer sur cette accusation s'engageront par serment ou par affirmation, au commencement du procès, à juger et prononcer suivant les preuves. La condamnation ne pourra être prononcée qu'aux deux tiers des voix des membres présents. La peine à prononcer ne peut être que la révocation des fonctions et une déclaration d'incapacité, pour le condamné de remplir aucune fonction et de jouir d'aucun honneur ou avantage dans l'État; mais le condamné peut alors être accusé de nouveau, suivant les formes ordinaires, et puni conformément à la loi.

3. Le chancelier et les juges de la cour suprême conserveront leurs fonctions tant qu'ils les rempliront bien (during good behaviour)[170], mais pas au-delà de l'âge de soixante ans.

4. La cour suprême se composera d'un président et de deux juges; mais un seul des trois peut tenir l'audience.

5. L'État sera, par une loi, divisé en un nombre proportionné de circuits. Il n'y en aura pas moins de quatre et pas plus de huit. La législature pourra de temps en temps, suivant le besoin, changer cette division. Chaque circuit aura un juge qui sera nommé de la même manière et pour le même temps que les juges de la cour suprême. Ces juges de circuit auront le même pouvoir que les juges de la cour suprême jugeant seuls, et dans les jugements de causes portées en première instance à la cour suprême, et dans les cours d'oyer et terminer et des assises. La législature pourra, en outre, suivant le besoin, accorder à ces juges ou aux cours de comté, ou aux tribunaux inférieurs, une juridiction d'équité (equity powers), mais en la subordonnant toujours à l'appel du chancelier.

6. Les juges des cours de comté, et les recorders des cités seront nommés pour cinq ans; mais ils peuvent être destitués par le sénat sur la demande motivée du gouverneur.

7. Le chancelier, les juges de la cour suprême et les juges de circuit ne pourront exercer aucune autre fonction publique; tout suffrage qui leur serait donné pour des fonctions électives, par la législature ou par le peuple, est nul.

ARTICLE SIXIÈME.

1. Les membres de la législature et tous les fonctionnaires administratifs ou judiciaires, excepté les employés subalternes exemptés par la loi, devront, avant d'entrer en exercice, prononcer et souscrire la formule de serment ou d'affirmation suivante:

«Je jure solennellement (ou, suivant le cas, j'affirme) que je maintiendrai la constitution des États-Unis et la constitution de l'État de New-York, et que je remplirai fidèlement, et aussi bien qu'il me sera possible, les fonctions de...»

Aucun autre serment, déclaration ou épreuve ne pourront être exigés pour aucune fonction ou service public.

ARTICLE SEPTIÈME.

1. Aucun membre de l'État de New-York ne pourra être privé des droits et priviléges assurés à tous les citoyens de l'État, si ce n'est par les lois du pays et par les jugements de ses pairs.

2. Le jugement par jury sera inviolablement et à toujours conservé dans toutes les affaires où il a été appliqué jusqu'à aujourd'hui. Aucun nouveau tribunal ne sera établi, si ce n'est pour procéder suivant la loi commune, excepté les cours d'équité, que la législature est autorisée à établir par la présente constitution.

3. La profession et l'exercice libre de toutes les croyances religieuses et de tous les cultes, sans aucune prééminence, sont permis à chacun, et le seront toujours; mais la liberté de conscience garantie par cet article ne peut s'étendre jusqu'à excuser des actes licencieux et des pratiques incompatibles avec la paix et la sécurité de l'État.

4. Attendu que les ministres de l'Évangile sont, par leur profession, dévoués au service de Dieu et au soin des âmes, et qu'ils ne doivent pas être distraits des grands devoirs de leur état, aucun ministre de l'Évangile ou prêtre d'aucune dénomination ne pourra, dans quelque circonstance et pour quelque motif que ce soit, être appelé, par élection ou autrement, à aucune fonction civile ou militaire.

5. La milice de l'État devra être toujours armée, disciplinée et prête au service; mais tout habitant de l'État appartenant à une religion quelconque, où des scrupules de conscience font condamner l'usage des armes, sera exempté, en payant en argent une compensation que la législature déterminera par une loi, et qui sera estimée d'après la dépense de temps et d'argent que fait un bon milicien.

6. Le privilége de l'acte d'habeas corpus ne pourra être suspendu qu'en cas de rébellion ou d'invasion, lorsque le salut public requiert cette suspension.

7. Personne ne pourra être traduit en jugement pour une accusation capitale ou infamante, si ce n'est sur l'accusation ou le rapport d'un grand jury. Il est fait plusieurs exceptions à ce principe: la première, lorsqu'il s'agit d'un cas d'accusation par les représentants; la seconde, quand on poursuit un milicien en service actif et un soldat en temps de guerre (ou en temps de paix, si le congrès a permis à l'État d'entretenir des troupes); la troisième, quand il n'est question que de petits vols (little larceny): la législature fixera lesquels.

Dans tout jugement par accusation des représentants ou du grand jury, l'accusé pourra toujours être assisté d'un conseil, comme dans les causes civiles.

Personne ne pourra être mis en jugement deux fois pour le même fait sur une accusation capitale, ni être forcé à donner témoignage contre lui-même dans une affaire criminelle, ni être privé de sa liberté, de sa propriété ou de sa vie, que conformément à la loi.

L'expropriation pour cause d'utilité publique ne pourra avoir lieu qu'après une juste compensation.

8. Tout citoyen peut librement exprimer, écrire et publier son opinion sur tout sujet, et il demeure responsable de l'abus qu'il peut faire de ce droit. Aucune loi ne pourra être faite pour restreindre la liberté de la parole ou de la presse. Dans toutes les poursuites ou accusations pour libelle, on sera admis à la preuve des faits; et si le jury pense que les faits sont vrais, qu'ils ont été publiés dans de bons motifs et pour un but utile, l'accusé sera acquitté. Le jury, dans ces causes, décidera en droit comme en fait.

7. L'assentiment de deux tiers des membres élus de chaque branche de la législature est nécessaire pour l'application des revenus et la disposition des propriétés de l'État, pour les lois d'intérêt particulier ou local, pour créer, prolonger, renouveler ou modifier les associations politiques ou privées.

10. Le produit de la vente ou cession de toutes les terres appartenant à l'État, excepté de celles réservées ou appropriées à un usage public, ou cédées aux États-Unis, et le fonds appelé des écoles communales, formeront et resteront, un fonds perpétuel, dont l'intérêt sera inviolablement appliqué à l'entretien des écoles communales de l'État.

Un droit de barrières sera perçu sur toutes les parties navigables du canal, entre les grands lacs de l'Ouest et du Nord et l'océan Atlantique, qui sont établies ou qu'on établira par la suite. Ces droits ne seront pas inférieurs à ceux agréés par les commissaires des canaux, et spécifiés dans leur rapport à la législature du 12 mars 1831.

Ce droit, ainsi que celui sur toutes les salines, établi par la loi du 15 avril 1817, et les droits sur les ventes à l'enchère (excepté une somme de 33,500 dollars dont il est disposé par cette même loi), et enfin le montant du revenu établi par décision de la législature du 13 mars 1820 (au lieu de la taxe sur les passagers des bâtiments à vapeur), sont et resteront inviolablement appliqués à l'achèvement des communications par eau, au paiement de l'intérêt et au remboursement du capital des sommes empruntées déjà, ou qu'on emprunterait par la suite, pour terminer ces travaux.

Ces droits de barrières sur les communications navigables, ceux sur les salines, ceux sur les ventes à l'enchère, établis par la loi du 15 avril 1817, non plus que le montant du revenu fixé par la loi du 13 mars 1820, ne pourront être réduits ou appliqués autrement, jusqu'à entier et parfait paiement des intérêts et du capital des sommes empruntées ou qu'on emprunterait encore pour ces travaux.

La législature ne pourra jamais vendre, ni aliéner les sources salines appartenant à l'État, ni les terres contiguës qui peuvent être nécessaires à leur exploitation, ni en tout, ni en partie, les communications navigables, tout cela étant et devant rester toujours la propriété de l'État.

11. Aucune loterie ne sera désormais autorisée; et la législature prohibera par une loi la vente dans cet État des billets de loteries autres que celles déjà autorisées par la loi.

12. Aucun contrat, pour l'acquisition de terrains avec les Indiens, qui aurait été ou qui serait fait dans l'État, à dater du 14 octobre 1775, ne sera valide que par le consentement et avec l'autorisation de la législature.

13. Continueront d'être lois de l'État, avec les changements que la législature jugera convenable de faire, les parties du droit coutumier (common law) et des actes de la législature de la colonie de New-York, qui composaient la loi de cette colonie, le 19 avril 1775, et les résolutions du congrès de cette colonie et de la convention de l'État de New-York, en vigueur le 20 avril 1777, qui ne sont pas périmées, ou qui n'ont pas été révoquées ou modifiées, ainsi que les décrets de la législature de cet État, en vigueur aujourd'hui; mais toutes les parties de ce droit coutumier et des actes ci-dessus mentionnés qui ne sont pas en accord avec la présente constitution, sont abrogées.

14. Toute concession de terre faite dans l'État par le roi de la Grande-Bretagne, ou par les personnes exerçant son autorité, après le 14 octobre 1775, est nulle et non avenue; mais rien, dans la présente constitution, n'invalidera les concessions de terre faites antérieurement par ce roi et ses prédécesseurs, ou n'annulera les chartes concédées, avant cette époque, par lui ou eux, ni les concessions et chartes faites depuis par l'État ou par des personnes exerçant son autorité, ni n'infirmera les obligations ou dettes contractées par l'État, par les individus et par les corporations, ni les droits de propriété, les droits éventuels, les revendications ou aucune procédure dans les cours de justice.

ARTICLE HUITIÈME.

1. Il est permis au sénat ou à la chambre des représentants de proposer un ou plusieurs amendements à la présente constitution. Si la proposition d'amendement est appuyée par la majorité des membres élus des deux chambres, l'amendement ou les amendements proposés seront transcrits sur leurs registres, avec les votes pour et contre, et remis à la décision de la législature suivante.

Trois mois avant l'élection de cette législature, ces amendements seront publiés; et si, lorsque cette nouvelle législature entrera en fonctions, les amendements proposés sont adoptés par les deux tiers de tous les membres élus dans chaque chambre, la législature devra les soumettre au peuple, à l'époque et de la même manière qu'elle prescrira.

Si le peuple, c'est-à-dire si la majorité de tous les citoyens ayant droit de voter pour l'élection des membres de la législature, approuve et ratifie ces amendements, ils deviendront partie intégrante de la constitution.

ARTICLE NEUVIÈME.

1. La présente constitution deviendra exécutoire à dater du 31 décembre 1822. Tout ce qui y a rapport au droit de suffrage, à la division de l'État en districts sénatoriaux, au nombre des membres à élire à la chambre des représentants et à la convocation des électeurs pour le premier lundi de novembre 1822, à la prolongation des fonctions de la législature actuelle jusqu'au 1er janvier 1823, à la prohibition des loteries ou à la défense d'appliquer des propriétés et des revenus publics à des intérêts locaux, ou privés, à la création, au changement, renouvellement ou à la prorogation des chartes des corporations politiques, sera exécutoire à dater du dernier jour de février prochain.

Le premier lundi de mars prochain, les membres de la présente législature prêteront et signeront le serment ou l'obligation de maintenir la constitution alors en vigueur.

Les shérifs, greffiers de comté et les coroners seront élus dans les élections fixées par la présente constitution au premier lundi de novembre 1822; mais ils n'entreront en fonctions que le 1er janvier suivant. Les brevets de toutes les personnes occupant des emplois civils le 31 décembre 1822 expireront ce jour-là; mais les titulaires pourront continuer leurs fonctions jusqu'à ce que les nouvelles nominations ou élections prescrites par la présente constitution aient été faites.

2. Les lois maintenant existantes sur la convocation aux élections, sur leur ordre, le mode de voter, de recueillir les suffrages et de proclamer le résultat, seront observées aux élections fixées par la présente constitution au premier lundi de novembre 1822, en tout ce qui sera applicable, et la législature actuelle fera les lois qui pourraient encore être nécessaires pour ces élections, conformément à la présente constitution.

Fait en Convention, au capitole de la ville d'Albany, le dix novembre mil huit cent vingt et un, et le quarante-sixième de l'indépendance des États-Unis de l'Amérique.

En foi de quoi nous avons signé.

Daniel D. TOMPKINS, Président.

John F. Bacon,
Samuel S. Gardiner, Secrétaires.

FIN DU PREMIER VOLUME.

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