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Dictionnaire grammatical du mauvais langage: ou, Recueil des expressions et des phrases vicieuses usitées en France, et notamment à Lyon

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The Project Gutenberg eBook of Dictionnaire grammatical du mauvais langage

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Title: Dictionnaire grammatical du mauvais langage

Author: Étienne Molard

Release date: November 23, 2007 [eBook #23596]

Language: French

Credits: Produced by Mark C. Orton, Hugo Voisard, Laurent Vogel and
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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DICTIONNAIRE GRAMMATICAL DU MAUVAIS LANGAGE ***

DICTIONNAIRE
GRAMMATICAL
DU MAUVAIS LANGAGE,

OU

RECUEIL
Des expressions et des phrases
vicieuses usitées en France, et
notamment à Lyon.

«Il est nécessaire d'étudier les défauts de langage et de prononciation qui sont particuliers à chaque province et quelquefois même aux villes qui se piquent le plus de politesse, pour les faire éviter aux enfants.»

Rollin, Traité des études.

Par Étienne Molard, Instituteur.

À LYON,

Chez l'Auteur, quai des Augustins, No 13
Et chez C. F. Barret, Imprim.-Libraire,
place des Terreaux, maison de St-Pierre.

AN XII (1803.)

AVERTISSEMENT.

L'épigraphe qu'on a mise à la tête de ce petit ouvrage en fait connoître le but, en prouve l'utilité, et le succès des deux premieres éditions la confirme. Si, malgré leur imperfection, elles ont eu un si heureux débit, que ne doit-on pas espérer de celle-ci, qui a été revue avec soin, et qu'on a augmentée de plus d'un tiers? On y trouvera la solution de plusieurs difficultés qui ne sont éclaircies dans aucune grammaire; on a assigné, autant qu'on l'a pu, l'étymologie des locutions vicieuses; on y a inséré quelques anecdotes qui tiennent au sujet; enfin, on n'a rien négligé pour que cette brochure devînt élémentaire et fût un juge sûr de toutes les discussions qui peuvent s'élever en matiere de langage.

L'art de la parole est l'interprête de nos pensées et de nos affections; il est le lien le plus essentiel de la société, comme il en est le plus bel ornement. Si les langues distinguent les nations entr'elles, la maniere de parler la sienne annonce la société qu'on fréquente. Celui qui réunit l'exactitude à l'élégance, prouve qu'il a cultivé son esprit, et qu'il a vécu dans un monde choisi: il parle, et la persuasion coule de ses levres; au contraire, celui dont la prononciation est vicieuse, celui qui défigure la langue par l'abus et l'impropriété des termes, qui dénature les mots dans quelques-unes de leurs syllabes, qui leur donne un genre et un nombre qui n'est pas le leur, choque l'oreille, en affichant son ignorance. Je dis plus, la pureté du langage fait présumer celle du cœur. Parmi les objets de l'enseignement le talent de la parole doit donc tenir un rang distingué. La langue française qui a, par dessus toutes les autres, l'avantage d'être devenue universelle; avantage, dit M. de Laharpe, qu'elle doit au grand nombre de ses bons écrivains et à la supériorité de notre théâtre, mérite particulierement nos soins. Elle est l'organe de la politique et de la vérité dont elle a la marche simple et naturelle: la clarté et la netteté qui lui sont propres en ont fait l'idiome des sciences et des arts.

Un écrit dont le but est d'épurer notre élocution doit être favorablement accueilli. Lyon, il faut en convenir, soutient mal, dans son langage, la brillante réputation que son commerce et son industrie lui ont acquise. Si nous quittons nos foyers, on devine notre patrie à notre prononciation traînante et à quelques mauvaises expressions qui nous sont particulieres. L'objet de cet ouvrage est de rendre ce reproche injuste à l'avenir. Passons à l'utilité du Dictionnaire qu'on offre au public.

Quelque grand que soit le nombre des vocabulaires, il n'y en a point qui remplisse le but qu'on se propose dans celui-ci. Tous sont destinés à nous faire connoître la signification des expressions consacrées par le bon usage; aucun ne nous apprend que tel mot usité n'est pas français, et qu'il faut lui en substituer tel autre; aucun ne nous avertit que nous parlons mal; aucun, en un mot, ne nous conduit de l'erreur à la vérité, et dans le doute, nous n'avons pas de moyen de l'éclaircir.

D'ailleurs, dans les Dictionnaires, on considere les mots pris séparément, sans aucun rapport à la syntaxe. Dans celui-ci, non seulement on releve les mots surannés ou altérés dans leur forme, leur genre et leur nombre, mais encore les tournures incorrectes et contraires au génie de notre langue; les fautes échappées à nos meilleurs écrivains, fautes qu'il est d'autant plus important de faire connoître, que la réputation de ceux qui les ont commises, leur imprime, pour ainsi dire, un caractere de perfection.

Il est encore un avantage qui semble appartenir exclusivement à ce recueil. On y désigne les mots qui sont employés dans une acception qu'ils n'ont jamais eue. On sait que les mots sont, aux yeux des grammairiens philosophes, les signes des choses, comme la monnoie est le signe de la valeur; et les erreurs du premier genre ont été plus fatales que celles du dernier. C'est, faute de donner aux enfans une juste idée des termes, qu'ils portent des jugements faux; c'est l'ignorance de la véritable signification des mots qui fait naître et éternise les disputes. Si les jeunes gens avoient des termes de notre langue une idée aussi précise que de nos chiffres, ils seroient aussi sûrs de la justesse de leurs raisonnemens que les géometres le sont de l'exactitude de leurs calculs.

Enfin, s'il est vrai que rien ne rapproche plus les esprits et les cœurs que la facilité de s'entendre, il est à désirer qu'il n'y ait qu'un seul langage dans toutes les divisions de la France, et c'est en mettant sous les yeux le tableau des expressions défectueuses qui leur sont particulieres, qu'on peut espérer d'y parvenir.

Tels sont les motifs qui ont déterminé l'Auteur à s'occuper de ces recherches, fastidieuses sans doute, mais que sa profession lui a rendues faciles. Si son livre est utile, il n'oubliera pas qu'il est redevable d'une partie de son succès, aux lumieres d'un savant grammairien, dont tous les loisirs sont des titres à la reconnaissance de la jeunesse et des trésors pour ceux qui se vouent à l'enseignement de la langue française. M. Morel, membre de l'Institut national, lui a communiqué les observations qu'il avoit faites sur les deux premieres éditions, et il les a répandues dans celle-ci, pour la rendre plus complette. En se livrant à un travail aussi ingrat, il a moins consulté son amour-propre que l'intérêt de ses concitoyens. Des écrivains supérieurs n'auroient jamais voulu s'occuper d'un ouvrage où il y a tant de dégoûts à dévorer, et si peu de gloire à recueillir.

Comme les Lyonnais ont non seulement une prononciation traînante, mais encore vicieuse, l'Auteur a joint à ce Dictionnaire un abrégé des regles de notre prosodie, afin qu'on puisse, aidé du secours de son livre, éviter des fautes qui décéleroient une ignorance grossiere. Ce précis sera suivi d'une fable du même auteur, dans laquelle il indiquera, par des signes connus, les longues et les breves, et la nature des sons sur lesquels l'erreur est commune. Ces principes seront plus développés dans un ouvrage, dont l'Auteur s'occupe, et qui aura pour titre: l'Art de lire en société.

DICTIONNAIRE
GRAMMATICAL
DU MAUVAIS LANGAGE.

OU

RECUEIL
Des expressions et des phrases
vicieuses usitées en France, et
notamment à Lyon
.

A | B |
C | D | E |
F | G | H |
I | J | L |
M | N | O |
P | Q | R |
S | T | U |
V | X | Y

A.

À. Cette préposition est souvent employée deux fois pour un même régime ou complément1, et c'est alors une faute. Boileau, si rigoureux observateur des regles de la langue françoise et du goût, a fait un solécisme dans le premier vers d'une de ses plus belles épîtres:

C'est à vous, mon Esprit, à qui je veux parler.

Pour rendre la phrase réguliere, il faudroit dire: c'est à vous, mon esprit, que je veux parler, en retranchant la seconde préposition qui tombe sur le même régime. Par la même raison, l'on ne doit pas dire: c'est à toi à qui je parle, mais c'est à toi que je parle; ni c'est à vous à qui j'en veux, mais c'est à vous que j'en veux; c'est comme si l'on disoit: j'en veux à vous.

Abajoue. Partie de la tête du cochon, depuis l'œil jusqu'à la mâchoire; dites, Bajoue, s. f.

Abandon. Acte par lequel un débiteur transmet à ses créanciers la propriété de ses biens; dites, Abandonnement. L'abandon est l'état d'une personne ou d'une chose délaissée: il a fait l'abandonnement de tous ses biens à ses enfans, et ses enfans le laissent dans l'abandon. En un mot, l'abandonnement est un acte; l'abandon n'est qu'un état passif.

Aboucher. S'aboucher; pour se pencher en avant. Aboucher signifie se rencontrer dans un même lieu, pour conférer ensemble ou bouche à bouche; mais ce mot ne signifie jamais se pencher en avant. Ne dites pas non plus, tomber à bouchon, mais tomber sur le ventre ou sur le visage. Cette expression manque à notre langue; on ne peut en exprimer la signification que par une périphrase.

Abstrait. Un homme qui ne fait pas attention à ce qu'on dit ou à ce qu'on fait; dites, distrait. On confond, mal à propos, ces deux mots. Le mot abstrait exprime une qualité considérée à part: la bonté est un terme abstrait; un homme est abstrait, quand il est tellement occupé d'un objet, qu'il ne voit pas ce qui se passe autour de lui: Archimede étoit abstrait, lorsqu'on faisoit le siége de Syracuse, et qu'occupé à tracer des figures géométriques, il ne s'appercevoit pas que l'on prenoit la ville. Un homme est distrait quand, sans être occupé, il ne voit rien, ne fait attention à rien. Cet homme dont parle M.me de Sévigné, qui, ayant versé dans un fossé, disoit à ceux qui venoient lui donner du secours: Messieurs, qu'y a-t-il pour votre service? étoit un homme distrait dans toute l'étendue du mot. C'est la distinction que l'abbé Girard établit dans ses synonymes.

À cacaboson. Se mettre à cacaboson; se tenir dans une posture où la plante des pieds touchant à terre, le derriere touche presque aux talons; dites, se mettre à croupeton.

Accompagneur. Celui qui accompagne, lorsqu'on fait de la musique; dites, accompagnateur, s. m.

Accoucher. Mettre un enfant au monde: cette femme a accouché; dites, cette femme est accouchée. Le chirurgien accouche; la femme est accouchée. Dans le premier cas, le verbe est actif; dans le second, il est neutre.

À celle fin que. Dites, afin que.

À cha un; à cha deux. Pour dire, un à la fois, deux à la fois. Autrefois on disoit, chas deux, chas trois; ce qui tombe deux à deux; trois à trois.

Achis. Mets composé avec de la viande ou du poisson. Ce mot s'écrit et se prononce avec une h aspirée. Dites, un bon hachis. L'achis est une plante.

Acquérir. Obtenir à prix d'argent ou de toute autre maniere. L'e doit être prononcé d'une maniere fermée, et marqué d'un accent aigu; dites donc, acquérir, acquéreur. Acquérir est un verbe2 qui prend deux rr au futur et au conditionnel: j'acquerrai, j'acquerrois.

Aculer. Il se dit des bottes, des souliers qui s'abaissent par derriere, sur le talon; dites, éculer: éculer son soulier. Acculer signifie pousser quelqu'un, le réduire en un coin: il l'a acculé contre le mur.

Affranchissage. Payer l'affranchissage d'une lettre; dites, l'affranchissement, s. m.3.

Agacin. Espece de calus ou de dureté; dites, cor, s. m.: avoir des cors aux pieds.

Age; agé. Dans ces deux mots l'a est fort ouvert, et prend l'accent circonflexe, âge, âgé. Il est long sans accent dans sable, table, fable, rable, diable, délabrement, etc.

Agi. Il en a mal agi avec moi; dites, il en a mal usé avec moi. On use de quelque chose; on en use; mais on n'agit pas de quelque chose; on n'en agit pas.

Agotiau, s. m. Espece de pelle creuse, à rebords, dont on se sert pour vider les bateaux; dites, écope, s. f.: ce batelet fait eau; il faut le vider avec une écope.

Aiguiser, v. Rendre pointu, rendre tranchant; prononcez l'u et l'i, qui forment une diphtongue, comme dans aiguille: aiguiser un couteau.

L'un sait d'un trait piquant aiguiser l'épigramme.

Boileau.

Ails, s. m. pl. Espece d'oignons d'une odeur très-forte. On dit souvent: craignez-vous les ails? Ce substantif et presque tous ceux qui finissent en ail et en al, changent au pluriel cette terminaison en aux, et le mot dont il s'agit fait aulx: on a mis des aulx dans cette salade; on peut dire aussi, des ails; cependant je conseille d'employer de préférence le singulier. Camail, détail, sérail, éventail, mail, etc. ne sont point soumis aux principes que nous venons de poser; ils ne changent point leur terminaison au pluriel; ils ne prennent que l's.

Ainsi, par conséquent. Ces deux mots réunis forment un pléonasme vicieux; c'est-à-dire, que ces deux termes disent la même chose; l'un des deux suffit.

Air. Aller grand air et belle manière; dites, grand'erre; ce mot est féminin. On doit dire, aller grand'erre, pour dire, faire trop grande dépense.

Air. Cette femme à l'air bonne. Il y a un solécisme dans cette proposition; car le mot bonne se rapportant, ou devant se rapporter au substantif air, qui est du genre masculin, il faut dire l'air bon: elle a l'air bon, et cependant elle n'est pas bonne. Dans la derniere proposition, l'adjectif4 bonne est en rapport avec la personne ou le sujet qui est du genre féminin; au lieu que dans la premiere, bon se rapporte au mot air.

La vertu toute nue a l'air trop indigent;
Et c'est n'en avoir point que n'avoir point d'argent.

En 1792, il y eut un pari de cent louis, sur la question de savoir s'il falloit dire: cette soupe a l'air bonne, ou cette soupe a l'air bon, M. de Laharpe fut pris pour juge; et M. Domergue nous apprend que cet Académicien jugea qu'il falloit dire: cette soupe a l'air bonne. M. Morel, qui m'a communiqué cette anecdote, ajoute: «Je ne connois pas les raisons de M. de Laharpe; j'imagine pourtant qu'il a dû faire une distinction entre avoir l'air bon, et avoir un air bon; avoir l'air bon signifie, paroître bon, en latin videri bonus; avoir un air bon se rendroit par præbere faciem, speciem bonam. Dans le premier de ces exemples, bon qualifie le sujet, et dans le second, il qualifie l'objet, faciem, speciem. Quand je dis: cette femme a l'air bonne, c'est comme si je disois: cette femme a l'air d'être bonne, ou paroît bonne, ou paroît être bonne. Le mot l'air, dans cette femme a l'air bonne, est pris dans une acception étendue; dans a un air bon, au contraire, le mot air est pris dans une acception restreinte, au moyen de l'adjectif un. Je crois donc, pour les raisons que je viens d'exposer, qu'il faut dire: cette femme a l'air bonne, spirituelle; cette soupe a l'air bonne, et qu'il seroit ridicule de dire que la femme a l'air bon, spirituel, et que la soupe a l'air bon

Malgré ces deux autorités respectables, je persiste à croire que bon qualifie air; car j'attribue la bonté à l'air, et non pas au substantif femme; et les explications qu'on a données me paraissent forcées. Dans cet exemple, l'air signifie l'extérieur, les manieres; on doit donc dire: elle a l'air décent, comme on dirait: elle a l'extérieur décent.

C'est encore une faute de dire, cette personne donne d'air à telle autre. Le mot air signifie bien quelquefois ressemblance; on dit: ce jeune homme a l'air de son pere; mais il paroît absurde de dire: il donne d'air à son pere. Cette expression signifieroit toute autre chose.

Airé. Qui est en plein air. Il se dit particulierement d'un bâtiment: cette maison est bien airée; dites, aérée, en mettant un accent aussi sur le premier e. Ce qui a donné lieu à la corruption de ce mot, c'est qu'on le fait dériver du mot air, au lieu que les grammairiens veulent qu'on le prononce comme aer, qui signifioit la même chose chez les Latins. Nous avons adopté cette prononciation dans tous les mots qui en sont formés, tels que aérien, qui est d'air: un corps aérien; aérometre, instrument pour mesurer l'air; etc.

Ais à chaplu. Petite table sur laquelle on hache les viandes et les herbes; dites, hachoir, s. m. L'h est aspirée, c'est-à-dire, qu'elle tient lieu de consonne, et ne souffre ni liaison de consonne, ni suppression de voyelle: servez-vous du hachoir.

Alentours. Dites, les entours de la place, et, je me suis promené à l'entour. Entours est un substantif; à l'entour est une expression adverbiale.

Alicant. Petite ville d'Espagne. Vin d'Alicant; dites, vin d'Alicante.

Aller. Je m'en y vas, ou je m'en y vais, sont des expressions vicieuses et très-souvent employées; dites, j'y vais ou j'y vas, en supprimant le mot en. Il ne faut pas dire non plus: je m'en vais ou je m'en vas le trouver, mais je vais ou je vas le trouver. Il seroit plus régulier de dire, je vas, puisque la seconde et la troisième personnes en sont formées. Ne dites pas, aller de pied, mais aller à pied. Ne dites pas non plus, j'ai plusieurs endroits à aller; on n'a pas à aller plusieurs endroits, on a à aller en plusieurs endroits. S'en aller est un verbe réfléchi, composé du pronom se, du nom elliptique en et du verbe aller. Dans les temps composés, le mot en doit être séparé du participe par l'auxiliaire: dites je m'en suis allé, et non je me suis en allé.

Almanach. Calendrier qui contient tous les jours de l'année. Il ne faut pas faire sentir le ch. Il faut prononcer almana, s. m. On dit proverbialement: j'ai beau dire la vérité; on ne prend plus de mes almanachs; c'est-à-dire, on ne croit plus ce que je dis.

Amadoue. Meche faite avec une espece de champignon; dites, amadou, s. m. sans e final: du bon amadou. Il y a une faute dans le second de ces deux vers:

Le briquet frappe la pierre;
L'Amadoue aussitôt prend.

Il falloit dire, aussitôt l'amadou prend.

Ambre. Arbrisseau dont les jets sont fort pliants et qui servent à lier; dites, osier: on attache un cercle avec de l'osier. L'Ambre est un parfum; mot dérivé de ambra, italien; ambar, espagnol.

Amandre. Fruit de l'amandier; dites, amande, s. f.: un lait d'amandes. Amende, punition, s'écrit par un e. Ces deux mots sont homonymes; c'est-à-dire, qu'ils ont une prononciation semblable.

Amasser. Prendre ce qui est à terre: j'ai amassé son gant; dites, ramasser. Le mot amasser signifie communément faire un amas: le bonheur de l'avare est d'amasser des richesses. Ramasser, c'est au sens littéral relever de terre: on amasse des trésors; on ramasse ce qui est tombé: il signifie aussi rassembler, et traîner dans une ramasse.

Amoureux. Cette fille aime bien son amoureux; dites, son amant. L'amoureux est celui qui aime sans être aimé ou même connu; il se dit des choses comme des personnes; l'amant est celui dont l'amour est partagé et approuvé.

Anche. Tuyau de bois, qu'on met aux cuves et aux tonneaux, pour en tirer le vin; dites, cannelle ou canelle: tirer du vin par la canelle.

Angoises, s. f. pl. Grande affliction d'esprit: les angoises de la mort; ce mot s'écrit et se prononce avec deux ss: ce malade est dans les dernieres angoisses.

Anille. Sorte de bâton, qui a, par le bout d'en haut, une petite traverse, sur laquelle les vieillards et les infirmes s'appuyent pour marcher; dites, béquille, s. f. Le mot anille est de l'ancien langage; on le trouve souvent employé dans les livres gothiques.

Année. Mesure de vin ou charge d'un âne; dites, ânée: une ânée de vin. Le mot année écrit par deux n, a la premiere syllabe breve, et signifie l'espace de douze mois. À l'égard de cette derniere signification, il ne faut pas dire, l'année qui vient, mais l'année prochaine.

Ansiere. La partie supérieure de certains vases ou de certains ustensiles, par laquelle on les prend pour les porter, et qui est ordinairement courbée en arc: dites, anse, s. f.: prendre un pot par l'anse.

Antichambre. Il y a un antichambre; dites, une antichambre. Ce mot est féminin, comme chambre dont il est composé. La préposition anti n'en change pas le genre.

Antipote. Celui qui habite un endroit de la terre diamétralement opposé à l'autre; dites, antipode. C'est un changement qui s'est fait par corruption.

Aoust. Le huitieme mois de l'année. On a adouci cette prononciation barbare; on ne fait plus entendre l'a, et on supprime l's, en mettant un accent circonflexe sur l'u; prononcez, le mois d'ou, et écrivez le mois d'août. On fait toujours sentir l'a dans le mot aoûter, faire mûrir par la chaleur du mois d'août. Ce mois étoit consacré à Auguste, et en portoit le nom.

Ape. Morceau de fer pointu par un bout, percé de plusieurs trous, et recourbé de l'autre; dites, crampon à patte.

Aponse. Piece qu'on met à une robe ou à un meuble, pour l'agrandir ou l'apondre; dites, alonge, et alonger, au lieu d'apondre.

Apostiche, adj. Dites, postiche: des dents postiches; c'est-à-dire, ajoutées après coup.

Apparer. Dites, recevoir.

Appeser sur quelque chose. Dites, appuyer.

Appointer une boule. Dites, pointer: il pointe bien; il est bon pointeur. Ne dites pas non plus, appoint, mais point. Le premier est un terme de banque; appointé est un terme de guerre.

Aragnée. Dites, araignée, s. f. On disoit autrefois, aragne, du latin aranea.

Arboriste. Celui qui vend des simples; dites, herboriste, s. m.: vous trouverez cette plante chez tous les herboristes. Arboristes a vieilli; on le trouve cependant dans Trévoux.

Arbouillures. Espece de petites élevures rouges, qui viennent sur la peau; dites, échauboulures, s. f.: son corps est couvert d'échauboulures.

Arçon de berceau. Dites, archet, s. m.

Arechal. Fil d'arechal; dites, fil d'archal. C'est la prononciation traînante des Lyonnois qui a fait trois syllabes de ce mot.

Arias. Obstacle, chose qui embarasse; dites, embarras, s. m. ou obstacle, s. m.: il a rencontré beaucoup d'obstacles.

Aricot, s. m. Plante dont les fleurs sont légumineuses; il s'écrit et se prononce avec une h aspirée: des haricots verts.

Arjolet. Petit bouton blanc, qui vient aux yeux; les médecins disent, orgeolet, et l'Académie dit, orgueilleux: il a un orgueilleux à l'œil, qui l'incommode beaucoup.

Arquebuse. Eau d'arquebuse; dites, eau d'arquebusade. L'arquebuse est une arme à feu.

Arraper; s'arraper. Ce mot vient d'arripere, ou manu comprehendere; il est gaulois; nos peres disoient, arraper, mais dans le sens d'empoigner; dites, s'attacher: la poix s'attache aux mains.

Arthes. Petits insectes; dites, teignes, s. f.: il y a bien des teignes dans cette armoire. L'encyclopédie dit, artison.

Assassineur. Dites, assassin. Le peuple dit quelquefois, il a commis un assassin, au lieu de dire, assassinat; et en fait de langage, il y a bien des gens qui sont peuple.

Assez. On prononce mal cet adverbe, en donnant à l'e le son d'un e ouvert; tandis que le z en fait toujours un e fermé, comme dans nez, dez.

Asthme. Celui qui a une infirmité qui consiste dans une grande difficulté de respirer en certain temps. Ce nom est celui de la maladie, et non celui du malade; dites, asthmatique: cet homme est asthmatique.

Auberge. Sorte de pêche; dites, alberge. Le fruit que nous nommons auberge, doit s'appeler Pavie; on ne prononce pas l'e. Ce substantif est masculin: un bon pavie; on dit aussi, un bon pavi.

Aucuns. Ce mot ne prend jamais de pluriel; il signifie pas un. Racine a fait une faute, en disant dans Phedre:

Aucuns monstres par moi domptés jusqu'aujourd'hui,
Ne m'ont acquis le droit de faillir comme lui.

Ce pronom indéfini prenoit autrefois le pluriel. On s'en sert encore ainsi dans les actes.

Auparavant. Mot qui marque priorité de temps: j'arriverai auparavant que vous y soyez, ou auparavant vous. Dans ces deux exemples, le mot auparavant est également déplacé; parce qu'il n'est ni préposition5, ni conjonction6; il est toujours adverbe; il conserve, il est vrai, la même signification que la préposition avant que; mais il y a cette différence entre ces deux mots, qu'auparavant, en qualité d'adverbe, n'exige aucun mot après lui: je l'ai averti un mois auparavant; au lieu qu'avant, préposition, veut toujours après lui un mot en régime: j'arriverai avant lui. Si ce mot est conjonction, il est suivi, ou de la préposition de: on doit réfléchir avant de parler; ou de la conjonction que: il faut une longue expérience, avant que nous soyons en état de nous conduire par nous mêmes.

Auprès de. Ce n'est rien auprès de ce que vous allez voir; dites, au prix de ce que vous allez voir.

Autant. Il est habile autant que vous, ou il est autant habile que vous; ces deux façons de s'exprimer sont contraires aux regles grammaticales; elles renferment un barbarisme de phrase; dites, il est aussi habile que vous. Autant ne se construit bien qu'avec un participe, ou quand il est suivi d'un autre membre de phrase: je l'estime autant que je l'aime.

Autant pour lui comme pour moi; Corneille a fait cette faute:

Qu'il fasse autant pour moi comme j'ai fait pour lui.

Il faut se servir de la conjonction que, au lieu de comme.

Auteron. Dites, hauteur, élévation, tas.

Auteur. Il est l'auteur que je manque ma fortune; dites, il est l'auteur de la perte, et non pas l'auteur que j'ai manqué ma fortune.

Auvent. On appelle ainsi une sorte, de fenêtre dont l'appui est en talus, afin que le jour, qui entre d'en haut, se communique plus facilement dans le lieu où elle est pratiquée; dites, abat-jours, s. m. À Paris les abat-jours se nomment persiennes. L'auvent est un petit toit en saillie, propre à garantir les boutiques de la pluie. Les abat-jours font paroître les marchandises plus belles.

Aval d'eau. Chûte d'eau impétueuse; dites, avalaison ou avalasse, s. f. Ces mots viennent de avaler, dévaler, qui signifient descendre.

Avaloir. Grand gosier. Ce mot est du genre féminin; dites, une belle avaloire. Expression familiere.

Avanglé. Dites, avide.

Avis. Ne prononcez pas l's.

Ayant. On prononce mal ce verbe; l'y tient lieu de deux i; il en faut joindre un au premier a, comme si ce mot était écrit ainsi, ai-iant. Une faute plus remarquable, c'est de donner à ce verbe un gérondif, comme dans cet exemple: en ayant soin de ce meuble, il vous servira longtemps. Le verbe être, non plus, ne prend jamais devant lui la préposition en. Cette erreur est répandue dans plusieurs grammaires, sur-tout dans celles qui sont destinées aux étrangers.

B.

Babouine. Levre d'un animal; dites, babine, s. f.: les babines d'une vache.

Bacha. Pierre ou piece de bois creusée, qui sert à donner à boire aux chevaux et aux animaux domestiques; dites, auge, s. f.: donner à manger aux cochons, dans l'auge. Bacha ou Pacha est un titre d'honneur chez les Turcs.

Bacchanal. Grand bruit; ne dites pas, un grand bacchanal; ce substantif est féminin; dites, une grande bacchanale. Ce nom signifie plus particulierement une débauche faite avec grand bruit.

Bachut. Espece de coffre percé, qui sert à conserver les poissons; dites, banneton, s. m.

Bagard. Il s'est trouvé dans le bagard; dites, dans la bagarre, s. f.

Bague d'oreille. Dites, boucle ou pendant d'oreille.

Baiard. Civiere à bras, pour transporter; dites, civiere, s. f.

Baignoir. Vaisseau pour les bains privés; il ne faut pas dire, un baignoir, mais une baignoire. Le baignoir est le lieu où l'on baigne, mais non pas un vaisseau de bois, de tôle ou de cuivre.

Bailler aux corneilles; dites, bayer, du latin badare; ouvrir la bouche, ou rester la bouche ouverte d'étonnement; d'où l'on a fait, bouche béante.

Balan. Être en balan; dites, être en balance, en suspens.

Balayette. Dites, petit balai. Nous n'avons pas ce diminutif.

Balier, v. Ôter les ordures avec un balai; dites, balayer: balayer un appartement.

Balle. Panier d'osier: une balle de lessive; dites, un panier de lessive, ou manne. On appelle aussi manne, un grand panier en forme de berceau, où l'on couche les enfans.

Balouffe. Dites, balle; et au lieu de balouffiere, dites, matelas de balle.

Bambane. C'est un bambane; c'est-à-dire, un homme lent, indolent. Ce mot vient, peut-être, de bambin; les enfans se soutiennent mal; l'homme indolent aussi.

Bamboche. Sorte de pantoufle ou de mule de chambre, qui a un quartier de derriere; dites, babouche, s. f.: babouches rouges. Bamboche est une marionnette un peu plus grande qu'à l'ordinaire. Il se dit d'une personne de petite taille: cette femme est une bamboche.

Bancane, s. f. Il se dit populairement d'une femme, dans le même sens qu'on dit bancroche, en parlant d'un homme; c'est une personne qui a les jambes tortues; dites, bancalle, s. f.: elle est bancalle depuis sa naissance.

Baracan. Sorte de gros camelot; dites, bouracan: un manteau de bouracan. Ce mot ne se seroit-il pas corrompu, par sa conformité avec baraca, poil de bouc?

Barbot. Espece de poisson, et plante qui croît dans les blés; dites et écrivez, barbeau, s. m. La plante se nomme bluet. La finale au est plus longue que celle de ot au singulier.

Barbouillon. Mauvais peintre, mauvais auteur; dites, barbouilleur.

Bardaniere. Claie d'osier, dont on garnit les lits, pour prendre les punaises; dites, claie.

Bardoire. Dites, hanneton; l'h est aspirée.

Bareille. Sorte de gros tonneau; dites, barrique, s. f.: une barrique de vin, et par diminutif, barriquet. Bareille est une dénomination locale dont on est comme forcé de faire usage dans les endroits où elle est reçue. Les marchands disent, barriquant; et ce mot est français. On disait anciennement, bouchel.

Barette. Espece de petit tombereau; dites, brouette: une brouette de vinaigrier.

Barfouillon; barfouiller; barfouillage. Dites, Barboteur; barboter; barbotage. C'est l'action des Oies, par laquelle elles cherchent à manger dans des ruisseaux bourbeux, en y fourrant le bec. Au figuré, c'est mettre les mains dans l'eau, en l'agitant.

Barricolé. Peint de diverses couleurs et sans regle; dites, bariolé: un mouchoir bariolé.

Barriere. Clôture de fer qui est ornée, et qui, dans une maison, sépare les cours des jardins; dites, grille. Une barriere signifie ce qui sert de borne et de défense, ou un assemblage de planches, servant à fermer un passage: la barriere qui est devant la porte d'une ville.

Baste. Pan d'habit; dites, basque, s. f.

Batillon. Instrument de bois, pour laver le linge; dites, battoir, s. m.

Batillonner le linge. C'est encore une de ces façons de parler qui sont particulieres à certains pays: celle-ci signifie frapper le linge sale avec un battoir, qu'on appelle mal à propos batillon; il faut dire, essanger le linge; mais cette expression est peu connue; elle signifie proprement laver le linge sale, avant de le mettre dans le cuvier à lessive.

Battre comme emplâtre. Dites, battre comme plâtre; expression proverbiale.

Batture. Querelle où il y a des coups donnés; dites, batterie, s. f.: il fut tué dans une batterie. Ce mot signifie plusieurs choses. Il se dit de plusieurs pieces de canons et de mortiers disposés pour tirer contre l'ennemi. On dit figurément, qu'un homme dresse de bonnes batteries, pour dire qu'il employe de puissants moyens pour réussir dans une affaire. On appelle aussi batterie, la piece d'acier qui couvre le bassinet des armes à feu, et contre laquelle donne la pierre qui est au chien. Batterie se dit encore de la maniere de battre la caisse. On nomme batterie de cuisine, les ustensiles qui servent à la cuisine.

Baucher une boule. La déplacer par une autre. Je ne connois que le mot tirer ou débuter qui puisse remplacer cette expression: c'est un bon tireur. Je pense que le mot baucher vient de bachari, debachari, qui signifient ôter de sa place, au sens propre; dont on a fait débaucher, débauche, au sens figuré.

Bécasson. Sorte de bécassine; dites, bécasseau, s. m.

Becfi. Petit oiseau qui se nourrit ordinairement de figues, et qui est très-délicat au manger; dites, becfigue: manger des becfigues.

Beche. Petit bateau. Ce mot désigne les bateaux qui sont sur la Saône, et qui sont couverts d'une toile; dites, batelet, s. m.: passer la riviere dans un batelet.

Bechée. Ce qu'un oiseau prend avec le bec pour donner à ses petits; dites, becquée, s. f.: cet oiseau porte la becquée à ses petits.

Bege. Linge bege; dites, linge bis.

Begue; il begue. Dites, il bégaye. Begue est adjectif: un homme begue. Bégayer est verbe.

Belsamine. Fleur; dites, balsamine. L's se prononce comme un z; ce qui est une exception à la regle générale qui veut que l's entre une voyelle et une consonne ait le son fort.

Benier. Artisan qui fait des boisseaux et divers ustensiles de bois, servant au ménage; dites, boisselier, s. m.: embrasser le métier de boisselier.

Bénit. Le verbe bénir a deux participes7; l'un, bénit, bénite, pour les cérémonies de l'Église; l'autre béni, bénie. Le dernier signifie comblé des biens du Ciel. On dit, de l'eau bénite, et de la mere de J. C., vous êtes bénie, et non pas bénite.

Benot. Vase de bois; dites, benne, s. f., et banneau, s. m., pour diminutif: mettez ces raisins dans le banneau.

Berche; éberché. Dites, breche; ébreché: on a ébreché les couteaux; on y a fait des breches.

Bergere. Petit oiseau; dites, bergeronnete, s. f.

Berlan. Jeu de cartes; dites, brelan, s. m.: jouer au brelan.

Berlin. Coiffe de toile; dites, coiffe de nuit.

Besson. Dites, jumeau. Bessonner n'est pas françois; dites, faire deux enfans jumeaux. Ce mot est du vieux langage; son étymologie est bis sunt.

Bétar. Dites, bêta; qui est fort bête.

Betatouret. Instrument propre à mettre en perce un tonneau; dites, foret, s. m.

Bicler. Regarder louche; dites, bigler; v.: cet enfant prend l'habitude de bigler.

Bileux. Qui abonde en bile; dites, bilieux, adj. Les tempéramens bilieux sont, pour l'ordinaire, moins disposés à la gaîté, que les tempéramens sanguins.

Bisaigre. Vin bisaigre; c'est-à-dire, vin qui s'aigrit; dites, besaigre, adj.

Blet. Un fruit blet; une poire blette; c'est-à-dire trop mûre. Ce mot manque à notre langue. On s'en servait autrefois. On le trouve dans le dictionnaire du vieux langage.

Blette. Plante potagere, dont les feuilles sont larges et supportées par une tige épaisse; dites, bette, s. f.: manger des bettes. On le nomme aussi poirée, s. f.

Bol. Petite boule de drogue médicinale. On dit communément, une bol. Ce mot est du genre masculin; dites, un bol ou un bolus.

Bombarde ou guimbarde. Instrument de fer, avec une languette d'acier, dont on joue en le tenant contre les dents; dites, rebute ou trompe-à-laquais.

Bon. Plus bon; plus bonne. Fautes communes et grossieres. Jamais l'adjectif bon ne doit prendre devant lui l'adverbe plus, quand il marque une comparaison. J'ai dit quand il marque une comparaison; car s'il est pris dans un autre sens, il n'est pas contraire à notre syntaxe: on dit bien: elle n'est plus bonne à rien. Dans le premier sens, on se sert de meilleur, qui est le comparatif de bon.

Bon à monter; bon à descendre. En ce cas ou en tout autre semblable, ne liez pas l'n avec la voyelle suivante. Il n'y a liaison qu'autant que le mot où se trouve l'n finale est inséparablement uni avec un autre, comme dans, bon Ange, on est venu, un auteur; et alors on prononce comme s'il y avoit deux n. C'est ainsi que prononcent les meilleurs acteurs de Paris.

Bonnette. Coiffe de nuit; dites, bonnet, s. m., soit pour homme, soit pour femme.

Borgnasse. Fille borgne; dites, borgnesse.

Borgnasser. Dites, regarder de près.

Borgnon. Aller à borgnon; dites, à l'aveuglette.

Boucharle. Bouton qui vient sur la levre; dites, barbuquet, s. m. Les médecins disent, aphte, s. m.

Bougeon. Dites, remuant, adj.: cet enfant est remuant.

Bouis. Cette prononciation a vieilli; dites et écrivez, buis, s. m.

Bouloir ou bouillotte. Espece de coquemar, propre à faire bouillir de l'eau; dites et écrivez, bouilloire, s. f., ainsi que presque tous les noms terminés en oire.

Bourle. Espece d'enflure qui vient à la suite d'un coup; dites, bosse.

Bourrée. Pluie froide; dites, brouée, s. f.

Bousillon. Qui gâte son ouvrage; dites, bousilleur: cet ouvrier est un bousilleur.

Boutasse. Lieu où l'on amasse l'eau pour nourrir le poisson; dites, mare, s. f.

Bouteroue. Piece qu'on met au coin des rues, pour que les voitures ne puissent pas se jeter sur les maisons; dites, borne: cette voiture a touché la borne.

Brame. Poisson d'eau douce; dites, breme. Brame signifioit autrefois un grand cri.

Branche. Bois qu'on met au feu; dites, buche. Une branche est un grand rameau d'arbre.

Branler. Se branler sur une escarpolette; dites, se brandiller, v.

Branliere. Espece de siége suspendu par des cordes, pour être poussé et repoussé dans l'air; dites, escarpolette ou brandilloire, s. f.

Brelue. Sorte d'éblouissement passager; dites, berlue, terme familier; avoir la berlue.

Breteau; le breteau. Plaine au-delà du Rhône; dites, Broteaux: aller aux broteaux. Ce mot est probablement dérivé du mot brouter. C'est une plaine où les bestiaux vont champeyer.

Bresbille. Dites, bisbille; mot dérivé de l'italien, bisbiglio; mot imitatif.

Bretagne. Piece de fonte, qu'on applique au fond de la cheminée; dites, plaque, s. f.

Bretonner. Cet arbre bretonne: dites, boutonne, v.

Brignon. Espece de petite pêche; dites, brugnon, s. m.

Brillant. Oiseau qui a le bec gros et court; dites, bréant ou bruant.

Broche. Petit bâton fendu en deux parties égales, sur lesquelles le vendeur et l'acheteur font des coches, pour marquer la quantité de pain ou de vin, que l'un fournit à l'autre; dites, taille, s, f.: prendre la viande à la taille. Cependant ce mot exprime plus communément de petits morceaux de bois sur lesquels on fait des coches, et qui ne servent qu'à l'acheteur. Voyez, houche.

Broche de bas. Petite verge de fer; dites, aiguille, s. f.: aiguilles de bas; ces aiguilles de bas sont bonnes. Broche et brocher, dans ce sens, vieillissent.

Brot. Ce que les jeunes taillis poussent au printemps, et que les bêtes vont brouter; dites, brout. On appelle aussi brout, la cocque verte des noix.

Brouillard. Conserver le brouillard d'une lettre; dites, le brouillon, s. m.

Bruxelles. Prononcez le x de ce mot, et d'Auxerre, Auxonne, comme dans soixante.

Buche de paille. Dites, brin de paille.

Buchettes. Petits bâtons fort menus, avec lesquels on joue; dites, jonchets, s. m. On appelle buchette, le menu bois que les pauvres gens ramassent.

Bucler un cochon. C'est-à-dire, en brûler le poil avec de la paille; dites, griller, v.

Bugnes. Sorte de pâte à l'huile; dites, beugnes, s. f.: de bonnes beugnes.

Bugnets. Sorte de pâte faite à la poêle; dites, beignets, s. m.: des beignets de pommes.

Busque. Ce substantif est du genre masculin; écrivez et dites, un busc.

Buvande. Dites, piquette ou boisson.

Buyanderie. Lieu où l'on fait la lessive; dites, buanderie, s. f.: il est dans la buanderie.

Buyandiere ou buandiere. Femme qui lave la lessive; dites, lavandiere. Le buandier ou la buandiere sont ceux qui font le blanchîment des toiles; la lavandiere est au bateau de lessive. On trouve le mot buyandiere, dans le dictionnaire du vieux langage.

C.

Cabosser. Déformer, v.: il a cabossé la boîte de sa montre. Ce mot est un vrai barbarisme; dites, bossuer: bossuer des assiettes d'argent.

Cacaphonie. Son désagréable à l'oreille; dites, cacophonie, s. f. Il est formé du grec cacos, mauvais, et de phoné, voix ou son.

Cache-maille. Petit vaisseau de terre, ou espece de tronc; dites, tire-lire, s. f.: il tient son argent dans une tire-lire. Le mot maille est un vieux mot qui nous vient du nom d'une petite monnoie qu'on nommoit maille; de là, le mot pince-maille, pour dire usurier.

Cachon. Dites, noyau.

Cadette. Sorte de pierre qu'on place le long des boutiques, pour paver le dehors. Dans beaucoup d'endroits on dit, dalle, s. f.; mais il y a une sorte de pierre de taille qu'on appelle cadette; on dit cadeter, pour paver avec des pierres de taille.

Cafetiere. Maîtresse d'un café; dites, limonadiere: s. f.: je voudrois parler à la limonadiere. La cafetiere est un vaisseau dans lequel on fait le café.

Caffard. Insecte hideux, qui se tient ordinairement dans la farine et s'en nourrit; dites, blate, s. f.

Caffi. Pain mal travaillé et qui n'est pas troué. Il n'y a point de mot qui remplace ce barbarisme; il faut se servir d'une périphrase8.

Çà haut, çà bas. Ces deux expressions ne sont pas françoises, quoiqu'il soit permis de dire, là haut, là bas.

Caille tortue. Animal amphibie; dites simplement, tortue.

Calmandre. Sorte d'étoffe de laine; dites, calmande: un habit de calmande.

Cambuis. Dites, cambouis, s. m.

Camelotte. Action de passer les marchandises, sans payer les droits; dites, contrebande, s. f.: faire la contrebande.

Campagne. Aller en campagne; pour dire, quitter la ville, dans l'intention de se rendre dans une maison de campagne; dites, aller à la campagne. Les soldats vont en campagne; on met ses amis en campagne, quand on les fait agir pour le succès d'une affaire; hors de là on dit, aller à la campagne. La préposition en ne doit précéder un nom de lieu, que lorsque ce nom est celui d'un grand pays, comme, en Afrique, en France.

Caneçon. Sorte de culotte de toile ou de coton; dites, caleçons, s. m.: donnez-moi des caleçons.

Cantine. Bouteille de verre blanc. Ce terme est pris souvent à contre-sens; une cantine est un petit coffre disposé en plusieurs parties, pour mettre des phioles, dans le voyage. Lorsqu'on veut désigner une bouteille de verre blanc, où l'on met ordinairement de la liqueur, on se sert du mot bocal, s. m.: serrez ce bocal.

Carnier. Sac où l'on met le gibier; dites, carnaciere, s. f.

Carotte. Plante potagere, de couleur ordinairement rouge, et qu'on met dans la salade. C'est encore ici un abus de terme: le mot carote signifie proprement une racine jaune, dont la feuille est dentelée, et qu'on nomme mal-à-propos pastonade ou panais. Ce dernier mot auquel le peuple a préféré celui de pastonade, désigne une plante de couleur blanche, d'un goût doucereux et bonne à manger. Ce que le peuple appelle carotte, doit se nommer bette-rave, et ce qu'il connoît sous le nom de pastonade, doit se nommer carotte: les carottes toutes jaunes sont bonnes dans le bouillon gras; les bette-raves se mangent à la salade; les pastenades ou panais sont toujours blancs.

Carquelin. Espece de gâteau: manger des carquelins; dites, craquelins: aller acheter une douzaine de craquelins.

Cartouche. Sorte d'ornement de sculpture ou de peinture, représentant un carton roulé; dans cette acception, ce mot est masculin; dites, un cartouche.

Carville. Sorte de pomme; dites, calville, s. m.: un bon calville.

Casse. Instrument de cuisine; dites, casserole.

Casson. Petit espace de terre plus long que large, où l'on fait venir des fleurs et des légumes; dites, planche, s. f.: une planche de tulipes.

Castonade. Sucre qui n'est pas entierement raffiné; dites, cassonade, s. f.: il y manque de la cassonade.

Cataplâme. Espece d'emplâtre propre à fomenter et à fortifier les parties débilitées; dites, cataplasme, s. m.: un cataplasme anodin. Il faut prononcer l's.

Catarate. Dites, cataracte, s. f.: lever la cataracte. Il se dit aussi d'une chûte d'eau faisant grand bruit.

Catolle. Sorte de tourniquet en bois; dites, birloir, s. m.; le birloir de ce châssis s'est détaché.

Caton. Plusieurs parties qui s'amalgament, qui se tiennent assemblées: caton de farine; dites, grumeau, s. m.: des grumeaux de sang.

Cavon. Dites, caveau, s. m.

Cayer. Assemblage de feuilles de papier; écrivez, cahier: un gros cahier. On se servoit autrefois de l'y sans h.

Ceinturonnier. Marchand de baudriers, de ceinturons; dites, ceinturier, s. m.

Cep. Une cep de vigne. Ce mot est masculin; dites un cep; du mot latin cespes.

Cercifi. Dites, salsifis, s. m.

Cerf. Ne prononcez pas l'f.

Cermille. Dites, cerfeuil, s. m.

C'est eux. Dites, ce sont eux. On dit bien c'est nous, c'est vous; mais on doit dire à la troisieme personne du pluriel: ce sont nos affaires, ainsi que l'a décidé l'abbé Girard.

Chacun. Pronom indéterminé9: un chacun pense comme il lui plaît. Ce n'est plus que dans les livres gothiques qu'on lit un chacun; on ne met pas aujourd'hui le pronom indéfini un devant chacun: chacun vit pour soi. Ce mot a donné lieu à une faute qu'on trouve quelquefois, même dans les bons auteurs; on ne doit pas dire, par exemple: ces femmes sont très-attachées, chacune à son mari; mais on dira: ces femmes sont très-attachées chacune à leur mari. Voici la regle qu'il faut consulter, pour savoir s'il faut mettre leur, ou son, sa, ses: si chacun est placé avant le régime direct du verbe, ou l'objet, mettez, leur: ces deux charrettes ont perdu chacune leur essieu; s'il est placé après, servez-vous de son, sa, ses: ils ont tous apporté des offrandes, chacun selon ses moyens.

Chaillotte. Espece d'ail; il faut dire échalotte, s. f.: couper des échalottes.

Chaine d'oignons. Dites, glane d'oignons.

Chaircutier. Dites, charcutier. Ce mot vient du verbe charcuter.

Chambellan ou Chamberlan. Celui qui travaille en chambre, sans droit; dites, chambrelan.

Chambucle. Maladie des blés; dites, nielle, s. f., ou charbon, s. m.

Chana ou Chanée. Conduite des eaux dans une gouttiere; dites, chéneau, s. m.

Chanin. Un temps chanin. Dites, un temps sombre et froid.

Chapoter. Dites, frapper, v.

Charasson. Sorte d'échelle garnie de chevilles qui servent d'échelons; dites, rancher: montez par ce rancher, s. m.

Charbon de pierre. Sorte de fossile dur et inflammable; dites, charbon de terre: mines de charbon de terre.

Charbonnaille. Poussiere de charbon; dites, poussier, s. m.: donnez-moi du poussier; sans prononcer l'r.

Charpenne. Dites, bois de charme.

Charpi. Fil de toile pour les plaies; dites, charpie, s. f.

Charri. Gros drap qu'on met sur le cuvier, et sur lequel on étend un lit de cendres; dites, charrier, s. m.: un bon charrier.

Chasse. Le trou d'une aiguille; dites, chas, s. m.: un chas étroit.

Châtagne. Sorte de fruit; écrivez et prononcez, châtaigne, s. f.

Châtel. Bail de bestiaux; dites, cheptel, sans prononcer le p, s. m.

Chauderon ou chauderonnier. Écrivez, chaudron, chaudronnier, sans [prononcer l'e.]

Chaudier. Ouvrier qui fait la chaux; dites, chaufournier. Le four où elle se cuit, se nomme chaufour, ou four-à-chaux.

Chauffe-lit. Bassin ayant un couvercle percé à plusieurs trous, et servant à chauffer le lit; dites, bassinoire, s. f.: une grande bassinoire. Dites, bassiner, et non pas chauffer le lit.

Chauffette. Espece de boîte doublée et percée de plusieurs trous par le haut, dans laquelle on met du feu, pour se tenir les pieds chauds; dites, chaufferette, s. f.: une belle chaufferette.

Chercher. Faut-il prononcer la derniere syllabe de ce verbe comme la premiere? On ne doit pas faire sentir l'r finale dans les verbes en er, à moins que le mot suivant ne commence par une voyelle; mais on prononce cette lettre dans les verbes terminés en ir.

Chevillere. Sorte de ruban fait en fil, et qu'il faut appeler pour cela, ruban de fil: acheter un ruban de fil.

Chiffre. Caractere dont on se sert pour marquer les nombres: ne dites pas étudier la chiffre, mais l'arithmétique. Le nom chiffre est masculin: le chiffre romain.

Chipoteur. Celui qui vétille; dites, chipotier: c'est un vrai chipotier.

Chirat de pierres. Dites, amas.

Choisir. Choisir la salade, ôter ce qui est mauvais; dites, éplucher: on choisit ce qu'on préfere; on trie les herbes, en faisant un choix, en donnant une préférence; éplucher exprime seulement l'action d'ôter les parties gâtées.

Chouer. Avoir grand soin de sa personne; dites, choyer. Les suisses disent, cocoler, qui me paroît fort heureux.

Chucheter. Parler bas à l'oreille; dites, chuchoter; d'où sont formés chuchoteur, chuchoterie.

Cierger. Dites, ciergier, ou mieux, cirier, s. m.

Cintieme. Dites, cinquieme, nom de nombre, ou nom qui sert à compter.

Ciseaux. Instrument de fer, composé de deux branches tranchantes: de bonnes ciseaux. Ce nom doit toujours prendre le genre masculin: de bons ciseaux.

Clapir; clapissant. Dites, glapir, glapissant.

Claude. Prononcez le c comme un g, ainsi que dans Claudine, second, seconder, secondement, etc.

Clavelée. Cendre clavelée; Dites, gravelée, adj.

Clé. Traîner sur la clé; dites, claie, s. f.

Cledar. Ouverture d'un jardin; dites, claire-voie, s. f.

Clergeon. Dites, enfant de chœur.

Clin de paille. Dites, botte: la botte de paille est fort chere.

Clocher. On cloche; cette façon de parler signifie, au sens propre, boîter, et au figuré, aller mal: cette comparaison cloche. Si vous voulez dire que l'on tire une sonnette, dites, on sonne.

Coane. Peau du pourceau; dites, couenne, s. f. Le premier e se prononce comme un a, ainsi que dans solemnel.

Cocombre. Espece de fruit ou légume, de forme longue et de nature froide et aqueuse; dites, concombre, s. m.: ces concombres sont bien petits.

Coit. Cet adjectif signifie, tranquille, en repos; et la diphthongue oi se prononce à peu près comme oie. Ce mot ne prend point de t; le féminin est coie.

Coître. Lit de plume; dites, couette, s. f.; mot qui vieillit. On dit plus communément, lit de plumes.

Col. J'ai mal au col; dites et écrivez, cou. Le col est le linge qu'on se met au cou.

Colant. Diamants ou pierreries que les femmes portent au cou; dites, coulant.

Collidor. Passage étroit d'un appartement à un autre; dites, corridor, s. m.: un long corridor.

Communs. Aller aux communs; dites, commodités ou cabinet d'aisance.

Companie. Dites et écrivez, compagnie, s. f.

Confle. Petite ampoule sur la peau; dites, vessie, s. f.: sa brûlure lui a fait venir une vessie. On dit aussi, cloche, s. f.

Conjugaux. Des liens conjugaux. Les adjectifs suivans n'ont point de pluriel masculin: conjugal, vénal, austral, boréal, pectoral, filial, fatal, sentimental, naval, amical, magistral, etc.

Conséquent. Important, qui en vaut la peine: c'est une somme conséquente. Ce mot ne s'emploie jamais dans ce sens; on dit bien: une somme de conséquence; mais on ne doit pas dire, une affaire conséquente. Ce dernier mot exprime une idée qui découle d'une autre: on est conséquent, lorsque la conduite est conforme aux principes qu'on se fait. On est conséquent dans ses raisonnemens, lorsque les propositions sont bien déduites les unes des autres; au contraire, on est inconséquent, quand on est peu d'accord avec les principes qu'on a établis. Mais ne dites pas qu'une personne est inconséquente, pour faire entendre qu'elle est frivole et légere. Ces deux expressions ne sont d'usage que dans le sens expliqué.

Consulte. Conférence que l'on tient pour délibérer sur quelque affaire ou sur quelque maladie; dites, consultation: faire une consultation.

Contre. Par contre, si les artisans sont ordinairement pauvres, par contre, ils se portent bien. Cette expression rend mal le sens que l'esprit a en vue, ou plutôt elle n'en exprime aucun. Le mot contre est une préposition qui veut toujours après elle un complément; c'est-à-dire un mot qui dépend d'elle. Au lieu de dire, par exemple: je n'ai pas pu aller à la campagne; mais, par contre, je me suis bien amusé à la ville; on dira, mais en revanche, mais à défaut, ou enfin, on se servira simplement de la conjonction mais, qui marque suffisamment l'opposition ou le dédommagement.

Contrevention. Action par laquelle on contrevient à une ordonnance; dites, contravention, s. f.: prendre quelqu'un en contravention. Dans ce mot on fait usage de la préposition latine, et non de la française.

Cor. Donner du cor; dites, sonner du cor.

Corbillonier. Ouvrier qui fait des vans et des corbeilles; dites, vannier, s. m.: cet homme est bon vannier.

Corce. Peau d'arbre ou de fruit; dites, écorce, s. f. L'écorce de cet arbre est bien épaisse.

Corée. L'assemblage du foie et du poumon; dites, fressure, s. f.

Corniole. Conduit par où les alimens descendent du gosier dans l'estomac; dites, œsophage.

Corporance. La taille de l'homme considérée par rapport à sa grandeur et à sa grosseur; dites, corpulence, s. f.: il est d'une belle corpulence.

Corsonnaire. Sorte de racine médicinale; dites, scorsonere. On la confond mal à propos avec le salsifis, qui est une racine bonne à manger. Les Espagnols appellent cette plante, escorsonera. Son nom lui vient de ce que son écorce est noire; aussi les Suisses la nomment, écorce noire. Valmond de Bomarre prétend que le scorsonere ou le salsifis noir est une plante potagère plus saine et meilleure à manger que le salsifis blanc.

Cotivet. Le creux qui est entre la tête et le chignon; dites, nuque, s. f.

Coudre. On conjugue mal ce verbe dans quelques-uns de ses tems; dites, je couds, je cousois, je cousis, et non pas je cousus; j'ai cousu, je coudrai, que je couse, que je cousisse, et non pas que je coususse.

Couple. Nombre: un couple d'œufs; dites, une couple, s. f. Un couple se dit en parlant d'un mari et d'une femme: voilà un beau couple.

Coupon de salade. Espece de plat où l'on sert la salade: dites, saladier, s. m.: un grand saladier.

Courir. Ce verbe n'adopte que l'auxiliaire avoir: il y a couru; de là une faute dans ce vers de Racine:

Il en étoit sorti, lorsque j'y suis couru.

Il faudroit, lorsque j'y ai couru.

Courle. Sorte de plante rampante; dites, courge, s. f.: une bonne courge.

Courle-bouteille. Dites, calebasse, s. f.

Courterolle. Insecte qui mange les racines des laitues; dites, courtillere, s. f.

Couvert. La couverture d'un bâtiment; dites, toit: monter sur le toit. Dites encore, cette maison a une belle couverture; et non pas une belle couverte, ni un beau couvert.

Couverte. Tapis qu'on étend sur un lit. Couverte de laine; dites, couverture, s. f.: une belle couverture. On donne le nom de couverte à l'émail qui couvre une terre cuite, mise en œuvre. Ce mot se dit particulierement de la porcelaine: une couverte fine. On dit aussi couverte de porte, en parlant d'une piece de bois qui se met en travers, au-dessus de l'ouverture d'une porte ou d'une fenêtre, pour soutenir la maçonnerie; dites, linteau, s. m.

Craion. On prononce mal ce mot: comme on doit l'écrire avec un y, et que ce caractere remplace deux i, il faut prononcer comme s'ils y étoient en effet, crai-ion.

Crincer. Faire que quelque chose se fronce et se racornisse au feu; dites, grésiller: le feu a grésillé ce parchemin.

Croassement; croasser. Cri des grenouilles; dites, coasser, coassement. Le premier signifie le cri des corbeaux.

Croc. C'est un croc; c'est-à-dire un fripon au jeu; dites, escroc. Ce mot vient de croc et croquer, tirer avec un croc, ou prendre ce qui est pendu au crochet, comme accrocher, décrocher.

Cru. Augmentation de taille: il n'a pas fait son cru; dites, crue: s. f. cet enfant a fait sa crue.

Cublan. Petit oiseau qui a des plumes blanches sur le croupion; dites, vitrec, s. m.: j'ai tué un vitrec.

Cueillé. Un cueillé d'argent. On le fait communément substantif masculin, mais c'est une faute grossiere; ce mot doit toujours être du genre féminin; il doit se terminer par un r, qu'on prononce; ainsi, on doit dire, une cueiller, et non pas un cueillé. L'r finale se conserve pour la formation du mot cuillerée, s. f. Il est rare que les mots terminés ainsi soient féminins.

Cueillir. Ne dites pas je cueillis, au présent, ni je cueillissois, à l'imparfait; mais je cueille, je cueillois. On dit plutôt je cueillerai, que je cueillirai.

Cuison ou cuisage. Action de cuire ou de faire cuire: je lui dois tant pour la cuison ou le cuisage de mon pain. Ces deux mots sont également réprouvés par le bon usage; il faut dire cuisson, s. f.: la cuisson des viandes. Cuisson signifie encore la douleur que fait sentir un mal qui cuit; c'est-à-dire, qui cause une douleur aigue: ma plaie me fait éprouver une cuisson horrible.

Curaille. Le milieu d'un fruit dont on a ôté ce qui est bon; dites, trognon, s. m.

D.

Dada. Homme niais, un nigaud, un homme décontenancé; dites, dadais: c'est un dadais.

Darte, sur la peau. Dites, dartre, s. f.

Davantage. J'ai davantage d'années que lui. Cette façon de parler est vicieuse. L'adverbe10 davantage ne prend jamais après lui la préposition de, ni la conjonction que. Vous ne direz pas, il a davantage de plaisir; il est davantage aimé que vous; cet adverbe se place toujours immédiatement après le mot qu'il modifie. En conséquence, vous direz, il en sera aimé davantage, et non pas, il en sera davantage aimé. Ne vous servez point du mot davantage dans le sens de le plus; ainsi, ne dites pas: voilà la femme qui me plaît davantage; dites, voilà la femme qui me plaît le plus.

Débâcle. La rupture des glaces. On fait souvent ce substantif masculin, et il est toujours féminin: la débâcle. Ce sont les mots miracle, réceptacle, tabernacle, qui ont donné lieu à cette erreur.

Débarras. Lieu où l'on serre beaucoup de choses; dites, décharge, s. f.

Décesser. Il ne décesse pas de parler; dites, il ne cesse pas de parler. La premiere expression, si elle étoit permise, signifieroit le contraire de ce qu'on veut dire.

Déchicoter. Dites, déchiqueter.

Décrottoir. Sorte de brosse dont on se sert pour décrotter. On donne ordinairement à ce nom le genre masculin, et il est du genre féminin; dites donc, une décrottoire. Cette désinence indique ordinairement le féminin, comme poire, foire, moire.

Dedans. Il est dedans la maison. Cette faute ne se trouve que dans les livres gothiques. Dedans se met sans régime: il est dedans. Quand il faut employer un régime, on met la préposition dans: il est dans le tiroir. Dedans est une préposition elliptique.

Dédite. Droit de se dédire, peine ou dédommagement. Ce mot ne doit avoir que deux syllabes, et il est masculin; dites, il lui a donné un dédit de mille écus. Le dédit, c'est la peine attachée au droit qu'on appelle congé; on donne congé à un locataire, et l'on paye le dédit.

Déhors. On met et prononce, mal à propos, un accent aigu. L'e est muet; dites donc et écrivez, dehors. Ce mot est formé des deux prépositions hors et de.

Délice. Plaisir, volupté. Ce substantif est ordinairement masculin au singulier, et toujours féminin au pluriel; dites donc, un grand délice, et de grandes délices.

Demain à soir. Dites, demain soir, ou demain au soir.

Demander excuse. Cette expression ne rend pas le sens qu'on y attache; demander des excuses à quelqu'un, c'est vouloir qu'il nous en fasse. On demande pardon; on fait des excuses.

Demeurer. Dans le sens de rester, exige le verbe être; de là une faute dans ces vers de Racine:

Ma langue embarrassée,
Dans ma bouche vingt fois a demeuré glacée.

Il faudroit est demeurée.

Demi, demie. Demie-heure, et d'autre fois, une heure et demie; voici la regle à suivre à l'égard de ce nom partitif11. Quand demi précede le substantif, il est indéclinable, c'est-à-dire qu'il ne change jamais de terminaison: une demi-heure plutôt; une demi-journée; mais s'il vient après le substantif, il en prend le genre: une heure et demie, une journée et demie.

Demoiselle. J'ai vu une mere de famille, qui se promenoit avec ses demoiselles; dites, avec ses filles. Le mot demoiselle est un terme de qualité, qui distingue ordinairement les filles d'avec les femmes mariées. Il signifie aussi une fille née de parens nobles; et en ce sens, il se dit des femmes mariées et des filles: elle est véritablement demoiselle, c'est-à-dire, véritablement née fille de gentilhomme. Mais ce terme ne remplace jamais celui de fille; pas plus que celui de monsieur, ne remplace celui de fils. On dira bien: c'est la demoiselle de compagnie de madame, mais non la demoiselle de madame, pour dire, c'est sa fille.

Dépêchez vîte. Il y a un pléonasme vicieux dans cette expression; dites seulement, dépêchez. Ce dernier exprime l'idée de vîtesse.

Dépersuader. Dites, dissuader, v.

Dépuis. Ne mettez et ne prononcez point d'accent aigu sur l'e de ce mot. Du depuis n'est pas françois; ainsi, c'est une faute grossiere de dire: je ne l'ai pas vu du depuis; dites, depuis.

Des. On dit souvent, des célebres auteurs, au lieu de dire, de célebres auteurs, la regle générale veut qu'on retranche l'article, quand l'adjectif précede le nom; car le nom se trouvant déjà modifié par le qualificatif, l'esprit rejette l'article, qui modifie aussi, en limitant la signification du substantif. L'adjectif mis avant le nom, devient idée principale, et les deux mots semblent n'en former qu'un; l'adjectif placé après, devient idée accessoire: ce savant homme; cet homme savant.

Désarroir. Désordre dans les affaires; dites, désarroi.

Desir; desirer. Mettez l'accent, à cause de l'étymologie: de sidere. L'Académie l'écrit ainsi.

Désondrer. Enlaidir: ce chapeau vous désondre. Cette expression qui appartient particulierement aux jeunes demoiselles, n'a reçu la sanction que d'elles. Si on pouvoit leur accorder le titre de législatrices en matiere grammaticale, ce seroit en faveur des mots qui peindroient la beauté et les graces, et non en faveur de ceux qui expriment la laideur. Il faut dire: ce chapeau vous sied mal, ne vous va pas bien, vous dépare ou vous enlaidit; elles ont donné la préférence au mot désondrer, par une sorte de délicatesse, parce qu'il n'exprime rien de déterminé, qu'il n'emporte pas tout-à-fait l'idée d'enlaidissement, quoiqu'il en approche.

Descendre. Il a descendu; dites, il est descendu. Voyez monter.

Dès-de-là. Chercher dès-de-là l'eau. Cette expression lyonnoise est tout-à-fait vicieuse; il faut dire, chercher de l'autre côté; par de-là l'eau, ou simplement, de-là l'eau.

Dessous.

Bientôt, lassés de leur belle aventure,
Dessous un chêne ils soupent galamment.

Il y a une faute de françois dans ces vers. Dessous se met sans complément; c'est-à-dire, sans régime. Vous le cherchez sous le lit; il est dessous. Dans le vieux style on met dessous avec un régime.

Deux. Tous deux; tous les deux. On se sert indifféremment de ces deux manieres, et l'on se trompe. Tous deux signifie qu'on est allé ensemble, en même temps: allons-y tous deux. Tous les deux exprime que l'un et l'autre y sont allés, mais non pas de compagnie: nous y sommes allés tous les deux, mais séparément, et non pas tous deux.

Dévancer. Aller au devant. Ne mettez point d'accent sur le premier e. Ce mot est formé du mot devant, qui n'a point d'accent aigu.

Quel important besoin
Vous fait donc devancer l'aurore de si loin?

Devant. Il lui est allé au devant. Cette façon de parler n'est pas autorisée par le bon usage; dites, il est allé au devant de lui.

Déviner. Découvrir une chose cachée. Il ne faut ni mettre d'accent sur l'e, ni en faire entendre la prononciation: deviner, v.; devin, s. m., et non pas dévin.

Dévise. Sans accent: devise, s. f.

Dinde. Nous avons mangé un bon dinde. Ce nom est du genre féminin; dites donc, une dinde; si vous parlez du mâle, servez-vous du mot dindon, et pour exprimer un petit dindon, vous emploîrez le diminutif, dindonneau. Pour l'ordinaire les noms d'animaux, principalement ceux d'oiseaux et de poissons, ne désignent pas les sexes, ou ne les distinguent pas. Ainsi, carpe, brochet, moineau, etc., expriment indifféremment le mâle ou la femelle. On ne distingue les sexes qu'à l'égard des animaux qui nous intéressent, ou que nous avons lieu de craindre; alors, souvent le nom de la femelle n'est pas le même que celui du mâle: cheval, jument; coq, poule.

Dire. Il est vrai de dire; dites seulement, il est vrai. Faute commune, même à quelques auteurs.

Dixmier. Celui qui perçoit les dixmes; dites, dixmeur, s. m.

Donc. On prononce le c de ce mot, quand il commence la phrase ou qu'il est suivi d'une voyelle; en tout autre cas, ne le faites pas entendre.

Dorse. Une dorse d'ail; dites, une gousse d'ail.

Druge. Se plaindre de druge, c'est se plaindre de ce que la mariée est trop belle; dites, se plaindre mal à propos ou sans raison. Le mot druge vient, peut-être, du mot dru, qui signifie épais ou gai, d'où l'on a formé le verbe druger, qui n'est pas françois.

Duelle. Planche servant à la construction d'un tonneau; dites, douve, s. f.: de mauvaises douves.

Durant que. Il est venu durant que j'y étois. On trouve cette faute dans plusieurs auteurs. Mais durant que ne remplace jamais pendant que. Durant est une préposition qui n'est jamais suivie de que. On dit durant sa vie, et quelquefois, sa vie durant; mais jamais, durant qu'il vivoit. Durant exprime un temps de durée qui s'adapte dans toute son étendue à la chose à laquelle on la joint; et pendant ne fait pas entendre un temps d'époque, mais seulement quelques-unes de ses parties: il a dormi durant tout le sermon; on l'a volé pendant son absence.

E.

Écarrer une piece de bois, la rendre carrée, dites, équarrir. On dit bien carrer, mais point écarrer.

Échapper. On ne doit pas dire indifféremment, échapper à, ou, échapper de: on a échappé aux poursuites des archers, marque qu'on n'a pas été pris; il s'est échappé des mains des archers, marque qu'on a cessé d'être où l'on étoit.

Échevelé et déchevelé. Le premier se dit de quelqu'un dont les cheveux sont épars; et le second, d'une femme à qui on a arraché sa coiffure, et à qui on a mis les cheveux en désordre.

Échiffe. Petit éclat de bois, ou espece d'épine qui entre dans la chair; dites, écharde, s. f.: j'ai une écharde sous l'ongle.

Éclairer. L'abus de ce mot est devenu presque universel. On dit de toutes parts: éclairez le feu, éclairez la bougie, éclairez le poêle, éclairez le falot. Ce sont autant d'hérésies grammaticales; dites, allumer. Il est encore moins permis de dire, éclairez la lumiere; car la lumiere éclaire, et n'est pas éclairée. On dit aussi, contre la pureté du langage: éclairez monsieur; dites, éclairez à monsieur. On éclaire un ignorant, et on éclaire à un homme, pour qu'il voie à se conduire. Ces fautes donnent lieu d'en faire remarquer une autre: ce n'est pas français de dire, faites lumiere; cette expression est consacrée à la toute-puissance de Dieu. Un académicien étant allé rendre visite à M. de Fontenelle, se retira à l'entrée de la nuit; il s'égara dans l'appartement, et se plaignit de ce qu'ayant demandé plusieurs fois qu'on lui fît lumiere, la servante le laissoit dans l'obscurité: excusez-la, dit Fontenelle, elle n'entend que le françois.

Économer. Administrer avec économie; dites, économiser, v.: il fera bonne maison, s'il continue à économiser.

Écosse de pois. Dites, cosse. On dit bien écosser, mais non pas écosse.

Écoupeaux ou Éclapes. Éclats ou morceaux de bois que la hache ou le rabot enlevent du bois que l'on travaille; dites, copeaux, s. m. pl.: brûler des copeaux.

Éduquer. Voltaire se plaignoit qu'on alloit jusqu'à écrire que les princes sont quelquefois mal éduqués. Il paroît que ceux qui parlent ainsi, ont eux-mêmes reçu une fort mauvaise éducation; dites, élevé. Le peuple, par analogie au mot éducation, a formé éduqué, qui n'est pas françois; cette faute est très-commune en Suisse et à Geneve. Roubaud prend la défense de ce mot contre Voltaire.

Effiler. Donner le fil à un instrument qui coupe; dites, affiler: j'ai affilé mon sabre. Effiler signifie ôter les fils, et non pas donner le fil.

Égrafinure; égrafiner. L'action d'entamer la peau légérement avec les ongles; dites, égratigner, v. égratignure, s. f.

Emberlicoter. S'emberlicoter. Dites, s'emberlucoter, s'embarrasser.

Emberner. Salir de bran ou de matiere fécale; dites, embrener, v.

Embêter. Rendre bête; dites, hébêter ou abêtir, v.

Emboire. Ce papier emboit. Le mot emboire est un terme de peinture; il se dit d'un tableau dont les couleurs deviennent mattes et ne se discernent pas; dites, ce papier boit.

Embûches. Tendre des embûches; cette expression n'est pas exacte: on tend des piéges, des filets, et l'on dresse des embûches.

Empare. Barre de fer pour soutenir les portes; dites, penture.

Emparenter. Entrer dans une famille: il est bien emparenté; dites, apparenter. v.

Emphasé. Discours emphasé, c'est-à-dire, où il y a de l'emphase; dites emphatique, adj.

Émuer, v. émué, participe. Dites, émouvoir, et au participe, ému: il m'a fait peur; j'en suis encore tout ému.

Encatonner. S'encatonner, se réunir en masse; dites, grumeler: la farine se grumelle.

Enchant. Dites, angle de mur.

Endéver. Cet enfant me fait endéver tout le jour. Il semble qu'on attache à ce mot, qui n'est pas françois, l'idée de donner au diable; mais souvent il s'emploie dans le sens de contrarier.

En erriere. Dites et écrivez, en arriere; de là le verbe arriérer.

Enfant. C'est un mot adopté pour les deux sexes, et qui prend les deux genres: un bel enfant; une belle enfant.

Enfle. Il est enfle; dites, enflé.

Engencement; engencer. Maniere d'arranger de petites choses chez soi; dites, agencement, agencer.

Énigme. Chose à deviner: un énigme; dites, une énigme, s. f.

Énorgueillir. S'énorgueillir; avoir de l'orgueil. C'est comme s'il y avait orgueil en. La préposition en ne se détache pas, et la première syllabe a le son nasal; il ne faut point d'accent sur l'e initial, et l'on doit redoubler l'n dans la prononciation. Il en est de même des mots enivrer, enharmonique, ennoblir; mais si ce dernier signifie rendre noble, on prononcera et on écrira anoblir.

Le dictionnaire de Trévoux et celui de Richelet, disent qu'il faut prononcer anivrer, anorgueillir; mais cela n'est pas admis.

Enreinieres. J'ai les enreinieres; dites, j'ai des douleurs de reins.

Enseigner quelqu'un. Dites, enseigner à quelqu'un. Ne dites pas non plus, montrer à lire, mais apprendre.

Enterrement. Voir passer un enterrement. L'enterrement est un acte de religion, par lequel on met un corps en terre; on ne voit pas cet acte, mais le convoi; dites, j'ai vu passer le convoi.

Épée. Instrument de défense: un épée; dites, une épée, s. f.: une belle épée.

Épigramme. Petite piece de poésie: un épigramme; dites, une épigramme, s. f.: une fine épigramme. J. B. Rousseau a fait d'excellentes épigrammes.

Épisode. Une belle épisode. On appelle ainsi dans la composition du poème épique ou dramatique, toute action que le poète emploie pour étendre l'action principale et l'embellir; ce mot est du genre masculin; dites, un épisode: on dit que le Tasse et l'Arioste ont fait de très-beaux épisodes.

Épogne. Sorte de gâteau; dites, galette.

Épurer des comptes. Dites, apurer: travailler à apurer ses comptes.

Équevilles. Ordures qu'on ôte avec le balai. C'est le scoviglia des Italiens, qui n'a pas été adopté en françois; dites, balayures.

Espadron. Large épée; dites, espadon, s. m.

Espadronner. Dites, espadonner.

Espression. On dénature ce mot et beaucoup d'autres, en changeant l'x en s; dites, expression, exprimer, excuse, extravagant.

Esquilancie. Maladie du gosier, qui fatigue souvent au point qu'on ne peut ni respirer, ni avaler: il a un dangereux esquilancie. Il y a double faute dans cette façon de s'exprimer; 1.o, ce nom est du genre féminin; 2.o, il faut dire, esquinancie, et non pas esquilancie: une dangereuse esquinancie. Presque tous les mots terminés en ie sont féminins, à l'exception de génie, incendie, messie.

Estomac, s. m. On appelle ainsi, dans le corps animal, la partie qui reçoit les alimens. Il ne faut pas prononcer le c, comme font les Genevois.

Et. Beaucoup de personnes ne savent point distinguer la conjonction et du verbe est; celui-ci prend ou peut prendre devant lui le pronom personnel il ou elle, et non pas l'autre; d'ailleurs, la conjonction a presque le son de l'e fermé, et le verbe a celui de l'e ouvert.

Étant. Ce verbe, comme l'auxiliaire avoir, n'a point de gérondif, et n'est jamais précédé de la préposition en.

Éteinte de voix. Dites, extinction de voix.

Étirer le linge. Ce mot ne se dit que des métaux qu'on étend sous le marteau; dites, détirer du linge. Ne dites pas, étiré à quatre épingles, mais tiré à quatre épingles, en parlant d'une personne ajustée avec affectation et recherche.

Étisie. Maigreur, consomption; dites, tisie, et écrivez phtisie. On dit cependant, étique, aussi bien que phtisique.

Être. Ce mot est souvent pris pour aller, c'est une faute. Le verbe être marque le repos ou l'existence, et le verbe aller marque le mouvement; or, ces deux mots, qui ont une signification si contraire, ne sauraient être pris indifféremment l'un pour l'autre; on ne dira donc pas, il fut au spectacle, pour dire, il y alla; on pourra bien dire qu'il a été à Paris, pour dire qu'il y a demeuré, mais non pour marquer l'action de s'y transporter.

Éviter. Éviter la peine à quelqu'un. Cette façon de parler est devenue universelle; on la trouve dans nos auteurs comiques; mais elle n'en est pas moins vicieuse. Le mot éviter veut dire fuir. On évite quelqu'un, et non pas à quelqu'un; on ne dira donc pas, je vous éviterai la peine, mais, je vous épargnerai la peine.

Examen. La derniere syllabe de ce mot ne se prononce pas comme dans demain, mais comme si l'n étoit suivie d'un e muet, ainsi que dans hymen.

Excepté que. Cette expression prise pour à moins que, est surannée; ainsi, ne dites pas, il viendra, excepté qu'il ne soit malade, mais dites, à moins qu'il ne soit malade.

Exemple. Un exemple, signifiant un modele d'écriture; dites, une belle exemple; mais dans tout autre cas il est masculin: suivez ses bons exemples.

Exprès. Par exprès. Je ne l'ai pas fait par exprès. Le dernier de ces deux mots suffit; dites donc, je l'ai fait exprès ou tout exprès; mais n'employez jamais la préposition par, devant le mot exprès, à moins que ce mot ne soit pris substantivement: envoyer une lettre par un exprès.

F.

Facié. Cet homme est bien facié; dites, facé.

Faire une maladie. Cette expression devenue universelle, et employée même par quelques écrivains, n'est pas françoise. On dit, avoir une maladie, et non la faire, lors même qu'on se la seroit attirée par sa faute.

Falloir. Ne dites pas, il ne s'en est fallu de guere, il s'en est fallu de beaucoup; mais dites, il ne s'en n'est gueres fallu, il s'en est fallu beaucoup.

Fantôme. Spectre ou chimere: j'ai vu une fantôme; ce nom est du genre masculin: un fantôme.

Farbalas. Espece de bande plissée, et mise pour ornement; dites, falbala: un joli falbala.

Fayard. Bois de fayard; dites, bois de hêtre; l'h est aspirée.

Fege. Dites, foie, s. m.: un foie de veau.

Féniere. Lieu où l'on serre le foin à la campagne; dites, fenil, s. m.: voilà un beau fenil; sans prononcer l'l.

Ferlater du vin. Y mettre des drogues; dites, frelater, v.

Fermer. Fermer le linge; c'est un barbarisme. Le mot fermer signifie clorre ce qui est ouvert; on ferme une porte, une chambre; mais on ne ferme pas du linge; on ferme une chambre, pour qu'on n'y puisse pas entrer; on serre les habits, le linge, etc.

Fermer quelqu'un dans sa chambre. Dites, enfermer.

Ferratier. Celui qui vend du fer; dites, ferronnier; d'où ferronnerie.

Fête-à-Dieu. Dites, Fête-Dieu.

Feu; feue. La feu reine. Il y a un solécisme dans le mot feu. Voici la regle à consulter sur cet adjectif: feu reste invariable, lorsqu'il n'est pas précédé de l'article: feu ma mere; et lorsqu'il a devant lui l'article ou le pronom possessif, il prend le genre et le nombre du substantif qui vient après: la feue reine.

Fiageoles. Sorte de légumes; dites, haricots, s. m.: de bons haricots; l'h est aspirée.

Fiageolet. Instrument à vent; dites, flageolet, s. m.

Fiarde. Sorte de jouet de bois, en forme de poire, et qu'on enveloppe d'une corde roulée en spirale, pour le faire tourner sur une pointe de fer dont il est armé; dites, toupie, s. f.: jouer à la toupie; de là on a fait, toupiller, aller et venir sans savoir pourquoi.

Fibre. De longs fibres. Ce nom est féminin; dites, de longues fibres.

Fievres. Cet homme a les fievres. On n'a pas plusieurs fievres à la fois; dites, il a la fievre.

Figuette. Espece de petite bouteille qui se ferme avec un bouchon; dites flacon, s. m.: on met des senteurs dans un flacon.

Filagrame. Ouvrage d'orfévrerie, travaillé à jour; dites, filigrane, s. m.

Filleule d'artichaut. Dites, œilleton ou rejeton d'artichaut.

Filoche. Dites, filet, s. m.

Fils. Ne prononcez pas l's, à moins que le mot suivant ne commence par une voyelle.

Finir. Ne dites pas, il faut en finir; cette façon de parler, qui devient très-générale, est vicieuse. On finit une chose; mais on n'en finit pas.

Fixer quelqu'un. Le mot fixer signifie arrêter; dites, fixer ses regards sur quelqu'un, ou regarder quelqu'un fixément. On fixe un inconstant.

Flamboise. Petit fruit bon à manger; dites, framboise, s. m.: un plat de framboises.

Flamenter, flamentation. Action de mettre des cataplasmes sur une partie malade, pour l'adoucir, l'amollir ou la fortifier; dites, fomenter, fomentation. On dit figurément, fomenter une querelle; c'est-à-dire, l'entretenir.

Flasque. Espece de bouteille de cuir, pour mettre la poudre à fusil; dites, poire à poudre.

Flau. Instrument à battre le blé; dites fléau, s. m. Dites de même, au figuré, pour les maux que Dieu nous envoie.

Flene. Linge qui sert d'enveloppe à un oreiller; dites, taie, s. f.: changer de taie.

Flérer. Répandre une odeur: il flere comme baume; dites, fleurer.

Fleurir. Ce verbe est régulier au sens propre; mais au figuré, il fait, à l'imparfait, il florissoit, et au participe présent, florissant, et non fleurissant.

Flotte de fil ou de soie. Soie ou fil replié en plusieurs tours; dites, écheveau, s. m.: un écheveau de fil blanc. Le mot flotte exprime un certain nombre de vaisseaux qui vont ensemble: la flotte anglaise. Peut-être le peuple a-t-il ainsi nommé plusieurs tours de soie ou de laine, parce que, comme une flotte de vaisseaux, ils se suivent et vont ensemble. Ce qui confirme cette conjecture, c'est qu'il dit une flotille, en parlant d'un petit écheveau, ainsi qu'on le dit, en parlant d'une petite flotte.

Foroncle. Espece de flegmon enflammé et douloureux, qui se termine par un abcès; dites, furoncle, s. m. On l'appelle vulgairement clou.

Foudre. Ce mot prend les deux genres:

Je pourrois t'écraser, et les foudres sont prêtes.
. . . . . . . . . .
Éteins entre leurs mains les foudres destructeurs.

Mais le masculin est d'un style plus relevé, et presque toujours figuré.

Fourchu. Pied fourchu. Droit qui se paye sur les bêtes qui ont le pied fendu ou fourché; dites, pied fourché.

Franchipane. Espece de pâtisserie ou de parfum: pommade à la franchipane; dites, frangipane, s. f.: une tourte à la frangipane.

Fricot. Ce qu'on mange avec du pain; dites mets, s. m. Ragoût ou mets: un excellent mets, un bon ragoût.

Frissure. Réunion du foie, du cœur et de la rate de quelques animaux; dites, fressure, s. m.

Fûte. Une fûte, un tonneau; dites, fût, sans e final. Ce mot est masculin: de vieux fûts; en faisant sentir le t.

G.

Gabouiller. Dites, barboter, v.

Gacer du vin dans la bouteille. Dites, agiter, v.

Gadois. Celui qui transporte la gadoue ou la matiere fécale; dites, gadouard, s. m.

Gagner la victoire. On gagne la bataille, et le succès de la bataille donne la victoire; dites, remporter la victoire.

Galandage. Muraille en charpente et en maçonnerie; dites, cloison, s. f.

Gangrene. Maladie de quelques parties du corps; prononcez, cangrene. Le g prend le son du c. C'est le contraire dans les mots second, cigogne, Claude.

Garante. Femme qui sert de caution. C'est un barbarisme. Garant n'a point de féminin. Il faut dire, elle est garant. Il en est de même de docteur, écrivain, témoin, orateur, peintre, poète, auteur, érudit, rhéteur, rhétoricien, logicien, pharmacien, etc. Ces mots n'ont pas de féminin, parce qu'on les attribue rarement aux femmes.

Garde. Prendre garde à et prendre garde de, ont deux sens différens: prendre garde à faire, c'est être attentif à faire. Prendre garde de faire, c'est faire attention de ne pas faire; dites, prenez garde de tomber, ou prenez garde à ne pas tomber. Après les verbes prendre garde, craindre, appréhender, etc., on emploie la négation sans complément: prenez garde qu'il ne tombe. L'esprit étant occupé du désir qu'il ne tombe pas, il se sert de la négation qui exprime ce désir; mais il n'est pas permis de dire, prenez garde qu'il ne tombe pas.

Garde. Ces deux personnes que vous voyez sont deux gardes nationales; dites, nationaux. Garde est féminin, quand il exprime la compagnie; et il est masculin, quand il signifie les individus qui la composent.

Garderobe. Construction en bois, propre à serrer des habits ou du linge. Il faut se servir du mot armoire, soit que cette construction ait un fond, soit qu'elle n'en ait pas: une belle armoire, s. f. Une garderobe, c'est une chambre où l'on renferme les habillemens d'un prince. On dit d'un simple particulier, qu'il a une riche garderobe, pour dire qu'il a un grand nombre de beaux habillemens; mais en toute autre circonstance, le mot garderobe s'entend d'une construction qui regarde le maçon, et non le charpentier. Il désigne aussi les latrines: aller à la garderobe.

Garenne. Charger des marchandises en garenne, c'est-à-dire, sans les emballer; cette expression n'est pas françoise.

Gâte. Ce fruit est gâte; dites, gâté.

Gaviot. Dites, fagot de sarmens, ou mieux, javelle.

Géane. Femme dont la taille excede la stature ordinaire; dites, géante, s. f. As-tu vu cette géante?

Geler de froid. Pléonasme, c'est-à-dire, surabondance de mots inutiles; dites simplement, geler. Je suis gelé.

Genevre. Extrait de genevre; dites, genievre.

Gentil, gentille. Ce mot ne signifie pas qu'on est laborieux; il veut dire joli, délicat: une gentille bergere.

Gerle. Grand vase de bois pour la lessive; dites, cuvier, s. m.

Gérofle. Dites, girofle, s. m.

Gibolée. Pluie soudaine, mêlée souvent de grêle; dites, giboulée, s. f.

Gicler. Faire gicler de l'eau; dites, jaillir.

Gifle. Coup du plat de la main sur le visage; dites, soufflet, substantif masculin: il lui a donné un soufflet.

Gigauder. Remuer les jambes; dites, gigotter, v.

Gigue de mouton. Dites, gigot.

Girarde. Fleur; dites, giroflée, s. f.

Gisier. Le second ventricule de certains oiseaux qui se nourrissent de grains, comme les poules, les pigeons; dites, gésier, s. m. Le gésier d'une poule.

Gîter. Ce mot n'est pas françois; dites, demeurer. On n'a conservé que la troisieme personne du singulier de l'indicatif présent:

Ci-gît ma femme; ah! qu'elle est bien,
Pour son repos et pour le mien!

On dit encore gisant.

Glissiere. Dites, glissoire, s. f.

Gloriette. Lieu près du four, et où l'on pétrit la pâte; dites, fournil, sans prononcer l'l.

Gobille. Jouet d'enfant, fait de pierre ou de marbre, en forme de boule; dites, globule, s. m.: il m'a pris mon globule. C'est du mot bille, sans doute, qu'on a formé gobille; mais pourquoi la premiere syllabe? on pourroit se servir du diminutif billette, petite bille; à Paris, on dit bille.

Godiviau. Certain pâté composé d'andouillettes, de hâchis de veau et de béatilles; dites, godiveau, s. m.: pâté de godiveau.

Gôdron. Espece de gomme ou poix, servant principalement à calfater les vaisseaux; dites, goudron, et goudronner, au lieu de gôdroner. Le godron est une espece de moulure relevée en forme d'œufs.

Gongoner. Dites, gronder.

Gorgossel. Manger à la gorgossel, c'est manger sans autre assaisonnement que le sel; dites, à la croque au sel.

Goubeau. Dites, gobelet, s. m.

Goulet. Cou de bouteille: ce mot a vieilli; dites, goulot, s. m.

Goutte. L'amour n'y voit goutte. Il est ridicule que l'usage emploie l'adverbe relatif y, qui n'est nullement nécessaire, ainsi que dans je n'y vois pas. Autant vaudroit-il dire, je n'y entends pas. Il faudroit dire simplement, l'amour ne voit goutte; je ne vois rien. Mais si l'on vouloit parler de l'endroit où l'on ne voit pas, on diroit: il fait nuit dans ce bois, je n'y vois rien; c'est-à-dire, je ne vois rien dans ce bois.

Graboton. Se mettre en graboton; dites, se tenir à genoux repliés.

Grabotter. Si c'est le feu, dites, charbonner, tisonner; si c'est la terre, dites, fouiller.

Gracieusité. Civilité, honnêteté, gratification; dites, gracieuseté, s. f.

Grapin de poêle. Dites, fourgon, s. m.

Graspille. Jeu d'enfant: jeter quelque chose à la graspille; le jeter au milieu d'une troupe d'enfants qui cherchent à s'en saisir; dites, gribouillette, s. f.: jeter quelque chose à la gribouillette.

Grenouille. Machine formée d'un arbre ou essieu, auquel on attache des leviers, et qui sert à lever des fardeaux; dites, treuil, s. m.

Grepe. Oiseau aquatique; dites, grebe, s. m.

Grese. Soie grese; dites, grege.

Gribouiller. Il gribouille; dites, il barbouille, v.

Gril. Ustensile de cuisine. La gril. On le fait féminin quand on le prononce seul, mais c'est une faute. Il faut dire, le gril, s. m.: apportez le gril. On ne fait pas sentir l'l dans le discours familier, et lorsqu'on la fait entendre, elle est mouillée.

Grillet. Plante dont les tiges sont menues, sans feuilles, et portent un bouquet de fleurs blanches ou bleues, d'une odeur agréable; dites, muguet: le muguet vient de lui-même dans les bois. Le mot grillet, signifie, en terme de blason, une petite sonnette ronde qu'on met au cou des chiens et aux jambes des oiseaux de proie.

Grillet. Insecte; dites, grillon, s. m.

Gringotter. Être transi de froid; dites, grelotter. Gringotter signifie fredonner mal un air; il signifioit autrefois frissonner.

Griveliner. Jouer mesquinement, faire quelques petits profits illicites; dites, grimeliner ou griveler, d'où l'on a fait, griveleur, grivelerie.

Grognon. Chagrin, fâcheux; dites, grogneur: c'est un grogneur.

Groles. Dites, mauvais souliers.

Groton. Morceau de croûte; dites, crouton, s. m.: un crouton de pain.

Grotte de pain béni. Dites, chanteau: j'ai eu le chanteau; je ferai le pain béni.

Guêtes. Espece de bas qui se boutonnent; dites, guêtres, s. f.: de bonnes guêtres.

Guille. Petite broche de bois servant à boucher le trou qu'on a fait à un tonneau pour donner de l'air; dites, dusil, s. m. Le fausset est aussi une broche par où on tire du vin: il faut mettre un fausset à ce tonneau.

H.

Haïr. Ce verbe a deux syllabes au passé simple, je haïs; une seule au présent, je hais.

Hape. Espece de clou; dites, patte, s. f.

Hardi. Courageux, assuré; l'h est aspirée; dites, le hardi coquin, et non pas l'hardi.

Hareng soret. L'h est aspirée, et le g ne se prononce pas. On dit indifféremment, saur ou sauret. Le premier se dit par contraction, des harengs saurs. Cette espèce est ainsi appelée, parce qu'elle est à demi salée. Le mot saur signifie, qui est de couleur jaune, tirant sur le brun: un cheval saur.

Harpie. Grande perche armée d'un crochet; dites, croc ou gaffe.

Hémorragie de sang. Pléonasme; dites simplement, hémorragie, s. f.

Hermite, hermitage. Écrivez ces deux mots sans h, à cause de l'étymologie, eremita, eremus.

Heure. Quelle heure est-ce? dites, quelle heure est-il?

Heureux: heureux comme tout. C'est une de ces expressions absurdes et insignifiantes, qu'on peut facilement remplacer: je suis heureux autant qu'on peut l'être.

Heurler. Il se dit d'un cri long que font les loups et les chiens; dites, hurler, en aspirant l'h, ainsi que dans hurlement.

Homme de vigne. Mesure; journée d'un vigneron; dites, hommée de vigne, s. f.: il a acheté trente hommées de vigne.

Honteux. Qui a de la confusion; l'h est aspirée; prononcez fortement ainsi que dans honte, sans élision ou suppression de voyelle et sans liaison de consonne.

Horillon. Coup sur la tête; dites, horion, l'h est aspirée: donner un horion. Ce mot vieillit, et il est familier.

Horloge. Ne dites pas, un bel horloge, mais une belle horloge. Ce mot est du genre féminin.

Houches, les houches du boulanger. Morceaux de bois en deux parties égales, sur chacune desquelles on fait des coches ou entaillures, pour tenir compte du pain et du vin. Le mot françois est tailles, s. f. pl.: les tailles du boucher. On dit dans un sens différent, houcher la tête, la branler, la secouer, pour marquer son improbation; dites, hocher la tête.

Hucher sur des perches. Dites, jucher, percher, v.

Huile. Du bon huile; dites, de la bonne huile, s. f. Les noms terminés ainsi sont tous féminins, excepté style, péristile, chyle, asile, reptile, évangile.

Hurter. Choquer, toucher ou rencontrer durement; dites, heurter: il m'a heurté en passant, et jamais hurter, frapper.

Hypocondre. Cet homme est hypocondre, c'est-à-dire, mélancolique; dites, hypocondriaque. Le premier mot exprime la maladie, et il est substantif. Le second est adjectif. L'Académie dit que cet abus n'a lieu que dans la conversation.

Hymne. Du genre féminin, s'il s'agit du chant de l'église; masculin hors de là.

I.

Imberline. Étoffe; dites, iberline, s. f.

Imiter l'exemple. Dites, suivre l'exemple: on imite la conduite, on suit l'exemple.

Immense. On prononce souvent ce mot comme s'il étoit écrit de la maniere suivant, ainmense; ne prononcez qu'une m, c'est-à-dire, que dans la premiere syllabe, on ne doit entendre que le son de l'i, ainsi que dans immoler, immodestie, immuable, immanquable, etc.

Imposer. Ce verbe reçoit un grand nombre d'acceptions. Il signifie mettre à contribution: imposer le peuple; imposer les mains, les mettre dessus; imposer un fardeau; imposer le silence; c'est-à-dire, ordonner qu'on se taise; imposer du respect, en inspirer. Il se prend aussi dans le sens de donner une idée avantageuse de soi, de son mérite, de sa personne; et c'est dans ce cas que l'on se trompe en disant: cet homme a une physionomie qui en impose; il faut dire simplement, qui impose, en retranchant le mot en. Si vous le mettez, cette expression signifiera alors, ou que vous voulez abuser, surprendre quelqu'un: vous voulez nous en imposer; ou que l'on ment: ne le croyez pas, il vous en impose; mais en parlant d'un homme imposant, vous direz, il impose.

Incan. Vente publique faite à l'enchere; mot corrompu; dites, encan, s. f.: mettre à l'encan.

Incendie. Embrâsement d'un bâtiment: une affreuse incendie. Ce substantif est du genre masculin; dites, un grand incendie. Ce mot fait exception, ainsi que génie, messie.

Indemnité. Prononcez indamnité. Voyez Solemnel.

Infecter. Les brigands infectent les grands chemins; dites, infestent, pillent ou ravagent. Infecter signifie, répandre mauvaise odeur.

Ingrédient. Ce qui est dans la composition de quelque chose. Prononcez la derniere syllabe comme s'il y avoit un a; ent sonnent toujours comme ant.

Insecte. Une insecte. Ce mot est masculin; dites, un insecte: le puceron est un insecte curieux.

Interêt. Ce mot s'accentue et se prononce mal. Le premier e est fermé, et marqué d'un accent aigu, le second est très-ouvert, et prend l'accent circonflexe; dites et écrivez, intérêt.

Interloquer. Interdire, interrompre: il m'a dit une chose qui m'a tout interloqué. Ce mot n'est françois que lorsqu'il s'agit de donner un jugement interlocutoire; jugement qui ne termine pas une affaire. Terme de pratique.

Intervalle. Distance, espace qu'il y a d'un lieu ou d'un temps à un autre. Ce mot est du genre masculin. Il faut dire, un intervalle, et non pas une intervalle. Il est vrai que cette terminaison indique ordinairement le féminin, excepté, dans râle, mâle, scandale, hâle, etc.

Irruption de la petite vérole, du Vésuve; dites, éruption. L'irruption est l'entrée soudaine des ennemis. Le mot éruption vient du mot latin erumpere, qui veut dire, sortir, s'échapper. Le mot irruption vient d'irruere, qui signifie se jeter avec violence et fureur.

Ivoire. Ne dites pas, de l'ivoire blanche. Ce mot est masculin.

J.

Jaiet. Pierre noire et luisante: des boutons de jaiet; dites, jais.

Jacquet. Jeune domestique; dites, jokey, mot anglois.

Jambe-rotte. Marcher à jambe-rotte: Marcher un pied en l'air. Ce mot rotte, qui signifie rompu, cassé, nous vient des Italiens; ils disent banca-rotta, dont nous avons fait banqueroute. Mais jambe-rotte n'est pas françois; dites, cloche-pied: marcher à cloche-pied.

Je. Aime-je; dites, aimé-je. Toutes les fois que les verbes terminés par un e muet sont suivis du pronom personnel je, le premier e prend un accent aigu, pour éviter la prononciation de deux e muets de suite. C'est une regle dans notre langue, qu'il ne doit jamais se trouver deux e muets de suite dans un mot simple. Il n'y a d'exception que pour les mots, chevelure, ensevelir. L'e pénultieme dans les autres mots devient e moyen, ainsi que dans pere, mere, frere, et cet e ne doit pas prendre l'accent grave; cet accent est inutile et vicieux: je dis qu'il est inutile, puisqu'on ne peut pas prononcer autrement; il est vicieux, car l'accent grave annonceroit un e ouvert, comme dans abcès, procès; au lieu qu'il faut prononcer un e moyen, qui tient le milieu entre l'e fermé et l'e ouvert.

Jeté. Porte jetée; dites, porte déjetée.

Jouin. Le septieme mois de l'année; dites et écrivez, Juin, monosyllabe.

Jujube. Un jujube, fruit pectoral et apéritif; dites, une jujube, s. f.

L.

La. Êtes-vous malade? Je la suis. Il y a un solécisme dans cette phrase, malgré l'autorité de madame de Sevigné, qui auroit cru, disoit-elle, avoir de la barbe au menton, si elle eût répondu à cette question: je le suis. Êtes-vous mariée? répondez, je le suis, et non je la suis; mais si l'on vous demande: êtes-vous la mariée? dites, je la suis; c'est-à-dire, je suis la mariée. Êtes-vous les chasseurs du Roi? nous les sommes. Êtes-vous chasseurs? nous le sommes; c'est-à-dire, nous sommes ce que vous dites, nous sommes chasseurs; au lieu que si l'on répondoit à cette question, êtes-vous chasseurs? nous les sommes; cela voudroit dire, nous sommes les chasseurs, et cette réponse ne seroit pas conforme à la demande. Si le mot devant lequel se trouve l'article est adjectif, l'article est sans accord dans la réponse; s'il est employé comme substantif, l'article prend le genre et le nombre.

Laidron. Fille ou femme laide. Ce mot est du genre féminin et de trois syllabes; dites, une laideron. J. J. Rousseau a fait cette faute dans ses confessions.

Laisser. Je me suis laissé dire; dites, on m'a appris, ou on m'a dit.

Lait de carpe. Cette partie des entrailles de poissons mâles, qui ressemble à du lait caillé; dites, laite ou laitance, s. f.: cette laitance n'est pas fraîche.

Lamperon, pour lampion. Le lamperon est le petit tuyau ou la languette qui tient la mêche dans la lampe.

Lancer. Souffrir comme d'une piqûre; dites, élancer. Ce verbe, pris dans ce sens, ne s'emploie qu'à la troisieme personne. Ne dites pas non plus des lancées, mais des élancements.

Landes. Œufs dont les poux éclosent; dites, lentes, s. f. Le mot landes signifie une grande étendue de terre où croissent des bruyeres: les landes de Bordeaux.

Larmise. Dites, lézard gris.

Laurelle. Plante dont les feuilles ont quelque ressemblance avec celles du laurier; dites, lauréole, s. f.: une belle lauréole.

Leur, leurs. Ne dites jamais, je leurs ai avoué. Leur devant un verbe ne prend jamais d's. Il en peut prendre seulement, quand il est pronom possessif: leurs enfants; mais non quand il est pronom personnel.

Lichefrite. Ustensile de cuisine, ordinairement de fer, et qui reçoit la graisse de la viande qu'on fait rôtir; dites, léchefrite, s. f.: petite léchefrite.

Lier les dents. Dites, agacer.

Lissieu. Dites, eau de lessive.

Loin. Je suis allé chez mon ami pour le voir; il étoit déjà loin; pour dire qu'il étoit déjà parti. On peut être parti d'un lieu, sans en être loin.

Losange. Figure de géométrie: un losange; dites, une losange, s. f. Cette terminaison indique ordinairement le masculin, excepté fange, frange, fontange, orange, grange, louange, phalange, vendange, vidange.

Louette. Petit morceau de chair au fond de la bouche; dites, luette, s. f.

Luce. Bois de Sainte Luce; dites, bois de Sainte Lucie ou Mahaleb.

Lui, en, y. En parlant des choses, on emploie le pronom en au lieu de lui, et le pronom y au lieu d'à lui. On ne dit pas, en parlant d'une maison, n'approchez pas d'elle; on dit, n'en approchez pas; et en parlant des sciences: il s'y est adonné et non il s'est adonné à elles.

L'un l'autre. L'un l'autre et l'un et l'autre ne doivent pas s'employer indifféremment. L'un l'autre marque réciprocité, ils se sont trompés l'un l'autre, c'est-à-dire mutuellement. Ils se sont dupés, ils se sont trompés l'un et l'autre, c'est-à-dire, ils se sont trompés tous les deux; mais non pas que l'un ait trompé l'autre. Ces nuances, pour être délicates et presque imperceptibles, ne doivent pas moins être senties de ceux qui aspirent à la parfaite connaissance de leur langue, d'autant plus que ces différences en font la richesse.

Luna campana. Plante médicinale; dites, enula campana.

Luquerne. Ouverture ou sorte de fenêtre pour donner du jour; dites, lucarne, s. f.

M.

Machiller. Mâcher avec négligence; dites, mâchonner, v.

Machillere. Dents machilleres; dites, mâchelieres.

Mal de St-Jean. Dites, épilepsie, s. f., ou mal caduc.

Maladier. Dites, être malade; ne dites pas, elle est maladice, mais maladive; les adjectifs en if, changent l'f en v au féminin.

Mâle. Mettre des marchandises dans une mâle. Écrivez malle, et prononcez l'a bref et aigu, à cause de la double consonne.

Malgré que. J'y irai, malgré qu'il y soit; cette locution n'est pas françoise. Malgré ne se construit qu'avec le verbe avoir: malgré qu'il en ait. Quand je dis, malgré que vous en eussiez, c'est comme si je disois, quelque mauvais gré que vous en eussiez; par-tout ailleurs il est préposition.

Malin, maline. Fievre maline; dites, maligne, adj.

Maltois. Faut-il dire Maltès ou Maltois? l'usage a prévalu en faveur du son de l'e ouvert, comme dans Anglois, Polonois. Il faut observer que la diphthongue oi a deux sons: celui de l'e ouvert, ainsi que dans François, j'aimois, et le son oa, comme dans loi, foi, Chinois. Voltaire a introduit une nouvelle orthographe à cet égard. Il a remplacé l'oi par l'ai; mais cette réforme est vicieuse, en ce que l'ai a plusieurs sons, et en a plus que l'oi. Il a le son fermé dans les futurs j'aimerai, dans les passés j'aimai; le son de l'e moyen dans il plait; le son de l'e muet dans bienfaisant; et le son de l'e ouvert dans jamais, mais. Pour faire une réforme complette, il falloit remplacer oi par l'e marqué d'un accent grave, comme dans succès, procès. L'orthographe seroit alors conforme au son; avantage que n'offre pas l'orthographe de Voltaire.

Mandrille. Espece de casaque que portoient autrefois les laquais; dites, mandille, s. f.: traîner la mandille, c'est-à-dire, être misérable.

Manette, manillon. La partie d'un vase ou d'un instrument que l'on prend à la main; dites, anse, s. f. Manette signifioit autrefois main pleine. Manillon se dit mal à propos d'un trousseau de clefs.

Manicle. Morceau de cuir que les cordonniers mettent à leur main, pour qu'elle puisse résister au travail; dites, manique, s. f.

Maniganterie. Maison où se tiennent les enfans de chœur; dites, manécanterie, s. f. formé de deux mots latins mane et cantare.

Marais. Poisson de mer. La plupart des Lyonnois prononcent l'e fermé du mot marée en e ouvert, et ils écrivent marais.

Maraude. Pillage clandestin des soldats. Ne dites pas, aller à maraude; mais, aller en maraude.

Marc de café. Ne prononcez pas le c, ni dans poids de marc; mais on le fait entendre dans Marc, nom propre.

Marchon. Piece de bois sur laquelle on met des tonneaux; dites, chantier, s. m.: Avoir du vin sur chantier.

Margotte. Branche qu'on met en terre, afin qu'elle y prenne racine; dites, marcotte, s. f.: marcotte d'œillets. On dit aussi marcotter, pour exprimer l'action de coucher en terre des branches de vignes ou d'autres rejetons, et non pas margotter. Il est vrai que le c se prononce foiblement et presque comme un g.

Marte. Espece de fourrure; dites, martre: martre-zibeline.

Martelet. Espece d'hirondelle; dites, martinet, s. m.

Matinal. Le matinal; dites, le vent d'est.

Matinier. Dites, matineux. Ce mot signifie proprement, qui est dans l'habitude de se lever matin. Matinier n'est d'usage que dans cette phrase: l'étoile matiniere. On dit aussi matinal; mais ce mot n'exprime que l'idée d'une personne qui s'est levée matin: cette personne est matineuse; Monsieur est matinal aujourd'hui.

Mècredi. Troisieme jour de la semaine; dites, mercredi.

Médecinal. Plante médecinale; dites, médicinale; formé non de médecin, mais de medicina.

Melise. Plante dont on se sert pour les affections de la matrice. Il faut mettre un accent aigu sur le premier e, et doubler l's; dites donc mélisse, s. f.

Mélise. Petite cerise; dites, merise.

Même. Adjectif, prend toujours le nombre de son substantif. Voltaire a donc eu raison de relever un solécisme dans ce vers de Corneille:

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