Éloge du sein des femmes: Ouvrage curieux
Post usum tactus: post tactum, venit ad actum.
Post actum, fructus: post fructum, poenitet actum.
Toutes les gradations de l'audace sont expliquées dans le distique suivant, et toute la tactique de l'amour y est développée:
Ni fugias tactus, vix evitabitur actus.
La chair est faible, l'esprit est prompt. La pudeur a contre elle cinq ennemis terribles, désignés ci-dessus, c'est-à-dire la vue, l'entretien, le toucher, le baiser et le fait. Si vous n'évitez pas le toucher, vous n'éviterez pas le fait. Un amant qui a obtenu un baiser, est un sot s'il reste en chemin; songez-y.
Hæc quoque quae data sunt, perdere dignus erit.
CHAPITRE V.
DES LAIDS TÉTONS.
Il est possible que ce chapitre ne plaise pas à toutes les femmes; mais sera-ce leur faute? sera-ce la nôtre? N'y en aura-t-il pas beaucoup qui voudront en appeler de notre jugement? Nous touchons la corde sensible, et nous sommes de plus en plus effrayés des précautions à prendre pour ménager l'amour-propre. Comment un sein doit-il être, pour être laid? Voyons ce qu'en ont dit les différents auteurs qui ont traité cette belle matière. C'est à présent que je sens tout ce qu'a de pénible l'emploi d'historiographe des tétons; que ne puis-je sauter à pied-joints sur ce maudit chapitre! Pourquoi ne marche-t-on pas toujours sur des fleurs dans cette vie? Pourquoi? pourquoi?... Eh, mon Dieu! tous ces pourquoi-là allongeraient mon chapitre; hâtons-nous de glisser sur les difficultés, courons dans une mauvaise route, pour nous reposer et nous rafraîchir, quand nous serons arrivés à son terme.
Je compte d'abord pour laids tétons, ceux d'une taille énorme, par exemple, ceux de Mme de Bouillon, du Roman comique, qui en avait la valeur de vingt livres distribuées à poids égaux sous chaque aisselle.
Ceux de Paquette, à qui Le Pays dit: «Pour votre gorge et vos tétons, ils ne sont pas blancs; mais, certes, il y a de la chair et si les tétons s'achetoient à la livre, vous pourriez vous vanter d'être plus riche que votre maîtresse.»
Le Poëte sans fard drape compétemment une femme, qui avait des tétons aussi gros que des pis de vache. Il lui dit:
Je ne sens point d'amour pour toi?
La raison est, que tes mamelles
Te vont jusques sous les aisselles;
Que ton nez est des plus punais,
Et que ta bouche sent mauvais!
Je crois d'ailleurs, ô vieille vache!
Puisqu'enfin tu le veux savoir,
Que tout ce que l'habit me cache
Est encor plus vilain que ce qu'il laisse voir.
Je mets encore au nombre des tétons dégoûtants, ceux qui ressemblent à la suie, comme ceux de Tisiphone: Despréaux, dans son Dialogue des morts, fait ainsi faire à Sapho, l'un des personnages du Grand Cyrus[9], le portrait de cette blonde du royaume de Pluton:
«Vous croyez que je ne connois pas Tisiphone; c'est une de mes meilleures amies. Vous ne serez peut-être pas fâché que je vous en fasse le portrait. L'illustre fille dont j'ai à vous parler, a quelque chose de si furieusement beau, elle est si terriblement agréable, que je suis épouvantablement empêchée, quand il vous en faut faire la description. Elle a les yeux vifs et perçans, petits, bordés d'un certain incarnat qui en relève étrangement l'éclat. Comme elle est naturellement propre, est-elle aussi naturellement négligée; et cette négligence fait qu'on peut voir souvent sa gorge, qui est toute semblable à celle d'une Amazone, à la réserve que les Amazones n'avaient qu'une mamelle brûlée, et que l'aimable Tisiphone les a toutes deux. Ses cheveux sont longs et annelez, et semblent autant de serpenteaux qui se jouent autour de sa tête, et qui se viennent jouer sur son visage.»
De plus, je trouve laids des tétons, quoique beaux, quand la personne qui en est pourvue est trop coquette, ou plutôt impudique. Ce caractère efface toutes les beautés qu'elle pourrait avoir. Telle était la Macette, à laquelle le satyrique Regnier, plutôt par ironie que sérieusement, donne des éloges plaisants, quand il lui dit, pour la louer, que ses cheveux sont aussi dorés qu'une orange, plus frisés qu'un chardon; que le soleil n'est auprès du brillant de ses yeux, qu'un cierge de la Chandeleur, et que sa mine de poupée prend les esprits à la pipée et les appétits à la glu. Ensuite, lui parlant de ses tétons qui ne marquent que de la lascivité, il s'exprime ainsi:
Nud-pieds, sans juppes, décoiffées,
Se tiennent toutes par la main,
Et d'une façon sadinette
Se branlant à l'escarpolette,
Sur les ondes de votre sein.
Outre cela, je déclare que des tétons me paraissent laids, quelque bien tournés qu'ils puissent être, quand le sexe les fait servir de prétexte pour être infidèle. Une Cloris dit à une Philis, dans Regnier que je viens de citer:
Tu dois, sans t'arrêter à la fidélité,
Te servir des amans comme des fleurs d'été,
Qui ne plaisent aux yeux qu'étant toutes nouvelles:
Nous avons de nature au sein doubles mamelles,
Deux oreilles, deux yeux et divers sentimens,
Comment ne pourrions-nous avoir divers amans?
Je connois mainte femme à qui tout est de mise,
Qui changent plus souvent d'amant que de chemise.
Pour voir la laideur d'un téton dans toute son étendue, on n'a qu'à lire l'épigramme que voici, faite par Marot, sur le laid tétin:
Tetin fine, tetin de drapeau,
Grand'tetine, longue tetasse,
Tetin, doy-je dire bezace;
Tetin au grand vilain bout noir,
Comme celui d'un entonnoir.
Tetin qui brimballe à tous coups
Sans estre esbranlé, ne secous,
Bien se peut vanter qui te taste,
D'avoir mis la main à la paste.
Tetin flestry, tetin rendant
Vilaine bourbe en lieu de laict,
Le diable te fit bien si laid.
Tetin, ce cuide-je, emprunté
Ou desrobbé en quelque sorte,
De quelque vieille chevre morte,
Tetin propre pour en enfer
Nourrir l'enfant de Lucifer.
Tetasse à jetter sur l'espaule,
Pour faire (tout bien compassé)
Un chaperon du temps passé,
Quand on te void, il vient à maints
Une envie dedans les mains,
De te prendre avec les gants doubles,
Pour en donner cinq ou six couples
De souflets sur le nez de celle
Qui te cache sous son aisselle.
Tu fournirois bien en suant
De civettes et de parfums
Pour faire cent mille defuncts.
Tetin de laideur despiteuse,
Tetin, dont nature est honteuse,
Tetin des vilains le plus brave,
Tetin, dont le bout toujours bave,
Tetin fait de poix et de glus:
Bran, ma plume, n'en parlez plus,
Laissez-le là, ventre Saint-George,
Vous me feriez rendre ma gorge.
Bon Dieu! le vilain objet!... hélas! le suivant, peint par Benserade, n'est pas plus gracieux; pourquoi des poëtes se plaisent-ils ainsi à tremper leurs plumes dans l'ordure? c'est qu'il faut des ombres aux tableaux.
Où les perles et l'oripeau,
N'imposent à pas un chapeau;
Molles et tremblantes jumelles.
Tetasses de grosses femelles,
A couvrir d'un épais drapeau,
Peau bouffie et rude, moins peau
Que cuir à faire des semelles,
De vieille vache aride pis:
Que ne puis-je dire encor pis
D'un sein qui tombe en pourriture!
Sein d'où s'exhale par les airs,
Un air qui corrompt la nature;
Sein propre à nourrir des cancers.
Clément Marot et Benserade ne sont pas les seuls qui se soient occupés de décrire les vilains tétons; Rabelais, dans son épître à une vieille, Motin, Regnier, Sygognes, Maynard, se sont plu à nous détailler ces horreurs.
Maynard passant en revue tout le corps d'une vieille ridée, arrivé à ses tétons, s'écrie:
Comme laurier qu'au feu l'on jette,
A toucher ne sont point plus doux
Que le dessus d'un vieux registre,
Et comme un bissoc de belistre,
Ils vous tombent sur les genoux.
Un peu plus loin, Sygogne, dans sa satyre contre une vieille sorcière, dit:
Pourroit encor servir de grille,
Vos flancs de herse on de rateau,
Et de vos pendantes mamelles
Un bissac ou des escarcelles
Pour mettre l'argent du bordeau.
En voilà assez sur ce sujet peu ragoûtant; nous renvoyons les lecteurs amoureux de ces sortes d'écrits, au Cabinet satyrique; ils trouveront là-dedans de quoi se satisfaire.
Les tétons sont la dernière beauté qui vient au sexe, et la première qui est confisquée: il est peu de ces femmes privilégiées qui les conservent comme Ninon et Gabrielle B.... C'est pour cela qu'elles en ont un soin tout particulier, et qu'elles confient leurs enfants au sein mercenaire des nourrices.
Malgré cela, vingt ans de mariage gâtent les tétons les mieux faits. Ils ne sont pas non plus à l'épreuve de la vieillesse. Comme elle ternit le teint le plus vif, qu'elle éteint les yeux les plus brillants, elle amollit les tétons les plus rebondis. C'est ce que nous apprennent ces stances contre une dame qui avait vieilli à la cour, et qui se voulait marier:
Et ne l'avez encore été!
Je ne vois rien du tout dessus votre personne,
Qui ne prêche la chasteté.
Votre visage étant garant
Que ce qu'on fait pour vous, se pouvoit fort bien faire
Du règne de Henri-le-Grand.
Ont purgé ce noble séjour:
De même qu'un torrent, votre sortie entraîne
Toute l'ordure de la Cour.
N'établit pas mal son renom:
Qui s'est bien pu résoudre à vous prendre pour femme,
Ira bien aux coups de canon.
Objet de la compassion.
Dès qu'on dit que sur vous un sacrement s'applique,
On pense à l'Extrême-Onction.
Ou, peut-être, ce pauvre amant
Entend que le contrat de votre mariage
Passe pour votre testament.
Est mal placée entre vous deux:
L'inceste est en effet une chose si sale,
Que le portrait en est hideux.
Ne donneroient pas un teston,
Et l'on doit s'avouer qu'on est à la besace,
Quand on vous touche le téton.
Un stile si franc et si doux:
Vous êtes en un point où l'on ne peut médire,
Quelque mal qu'on dise de vous.
Urbain Chevreau[10], dans ses stances sur une vieille amoureuse, p. 150 de ses poésies, édition de 1656, in-12, décrit ainsi sa gorge:
Et votre gorge aux libertés
Semble encor faire des menaces:
Mais chaque jour nous regrettons
Qu'il n'en reste plus que les traces:
Et que vous ayez des besaces
Où vous avez eu des tétons.
Antoine Legrand nous démontre le pouvoir des ans d'une manière très-pathétique:
«L'arrière-saison, dit-il, a ses plaisirs: son utilité égale bien les incommodités qu'elle nous apporte. Elle est l'attente des laboureurs, et la récompense des vignerons; si elle dépeuple les campagnes et leurs collines, elle remplit leurs caves de vin, leurs greniers de grains et leurs granges de moissons. Mais, dès qu'une femme approche de la vieillesse, que ses cheveux prennent la couleur des cendres, que les rides sillonnent son front, que ses yeux commencent à jetter de la cire, que ses joues lui tombent sur le menton et que ces deux montagnes de lait deviennent une double besace pleine de sang; elle cesse d'être le souhait des hommes, ses amants en ont horreur: ceux qui la recherchaient auparavant la haïssent.»
Tout le monde connaît la réponse ingénieuse et maligne de Voltaire à une dame qui présumait trop de sa gorge. Deguerle, auteur de l'Eloge des perruques, l'a mise en vers. La voici:
Certaine dame fort coquette,
Allait chantant
Papillonnant
En débitant
Mainte sornette.
L'espiègle, comme une autre, avait été jeunette
Un demi-siècle auparavant.
Vieille, laide et coquette! autant
Vaudroit, ma foi, singe en cornette.
Un gros chanoine, aux yeux dévots,
Du vénérable sein de la Vénus antique,
Lorgnoit en tapinois les vieux débris jumeaux,
Qu'agitait avec art maint soupir méthodique,
Sous la gaze trop véridique.
—Fripon, dit l'éternelle, où vont donc vos regards?
Ces petits coquins-ci feront damner votre âme
Voltaire l'entendit:—Petits coquins, madame
Dites plutôt de grands pendards.
La voici autrement:
Elle avoit deux petits tettons
Qu'Ariste aimoit à la folie
Et nommoit ses petits frippons.
Ariste fit un long voyage,
Et revint après vingt-cinq ans.
Je laisse à penser quel ravage
Chez Gertrude avoit fait le temps.
Sur les frippons, par habitude,
Ariste jeta ses regards:
—Ah! mes petits frippons, Gertrude,
Sont devenus de grands pendards.
Après avoir parlé des femmes qui ont une laide gorge, il est à propos de parler de celles qui n'en ont pas du tout. Un renard pris au piège, au moment où il se propose de croquer une poule, un créancier qui se repaît avec volupté de l'espérance de faire saisir les meubles d'un malheureux débiteur et trouve la maison vide, éprouvent moins d'humeur et de surprise qu'un galant qui, après mille efforts pour découvrir et dévorer de son œil furtif une belle gorge, n'en trouve que la place.
Le citoyen Mercier de Compiègne, auteur de la traduction du Vendangeur, de Rosalie et Gerblois, de Gérard de Velsen, etc., raconte ainsi dans un volume de ses Soirées de l'Automne, la vengeance d'un galant, qui avait éprouvé un pareil échec:
Dorval fatiguant sa visière,
Cherchoit si le double hémisphère
Apparoîtrait à son œil enchanté.
Vains efforts! la recherche avide
Que trompe un gros fichu menteur,
N'offre à ses regards que du vide
Dont enrage l'observateur.
Bref, il n'étoit resté le moindre atôme
A la dame de ses appas.
Pour se venger, que fait notre homme?
Où fut logé ce qu'il ne trouve pas,
Adroitement une carte est glissée;
De l'action la dame embarrassée
Lui dit: Dorval, que faites vous?...
—Ah! de grâce, point de courroux!
Il ne faut pas que ceci vous étonne,
Je voulois voir un mien ami,
Mais, hélas! n'y trouvant personne,
Ainsi que l'usage l'ordonne,
Je laisse ma carte chez lui.»
CHAPITRE VI.
DES CONTRÉES OÙ LES FEMMES SONT LE MIEUX PARTAGÉES DE TÉTONS.
C'est ici qu'il nous faudrait les talents de Tavernier, de Paul Lucas, de Levaillant, de Christophe Colomb, de Bougainville et de Pallas, il faudrait avoir vu tous les pays du monde pour décider quels sont ceux pour lesquels les tétons viennent le mieux, et je n'ai voyagé qu'en Suisse et en Allemagne. J'ai vu à Neufchatel et à Berne les tétons les plus jolis que l'on puisse voir, très-bien apprivoisés, et qui, dans le tête-à-tête, ne se refusaient jamais à l'hommage que les mains voulaient leur rendre.
Le Corrége, l'Albane, le Titien, prirent le type des beautés qu'ils peignirent, dans les Italiennes de leur temps. Rome et son territoire en offrent encore d'éclatants exemples; et, à l'âge du retour, les Romaines ont de superbes épaules. Mais c'est en Sicile et en Toscane, à Florence et à Sienne, même à Venise, que naissent les plus séduisantes beautés de l'Italie; car, dans la Lombardie et le voisinage des Alpes, les formes plus volumineuses et plus massives, sont bien moins enchanteresses. Les belles Françaises vivent surtout vers Avignon, Marseille, et dans l'ancienne Provence, peuplée jadis par une colonie grecque de Phocéens. Plus au nord, le sang des Cauchoises, des Picardes et des Belges est plus beau, et la peau est d'une blancheur plus éclatante, mais il y a certainement moins de finesse dans les contours et de délicatesse dans les formes. A Paris, l'on rencontre en général moins de beautés que de grâces dans la démarche et toutes les manières. Les Marseillaises et la plupart des Languedociennes ont aussi moins de gorge que les Normandes, les Belges, les Suissesses. Les plus grandes beautés de l'Espagne sont dans l'Andalousie et à Cadix: on les dit très-exigeantes en plus d'un genre, capricieuses, et pourtant très-constantes dans leur attachement; elles concilient le dérèglement des mœurs avec l'observance la plus scrupuleuse des devoirs religieux. La ville de Guimanarez et ses environs sont peuplés des plus charmantes Portugaises, la plupart courtes et vives, qui présentent en général beaucoup de gorge, tandis que les Castillanes n'en ont presque pas. Toutes ont ces beaux yeux noirs, cette taille svelte et souple, ce teint pâle, cet air sérieux, dédaigneux même, qui peuvent enflammer les grandes passions, et rebuter les hommages frivoles et vulgaires.
On connaît le teint éblouissant, les traits expressifs, la physionomie fine et touchante des Anglaises; plusieurs ont la gorge et l'élégant corsage des Normandes; elles sont presque toutes blondes, quelquefois même rousses. En Écosse, leur teint devient d'un blanc fade comme aux Hollandaises: mais celles-ci montrent souvent de l'embonpoint, beaucoup de gorge, une carnation pâle et molle. De toutes les Allemandes, les Saxonnes emportent le prix de la beauté; on ne rencontre peut-être pas un laid visage dans le territoire d'Hildesheim; le teint charmant de tous les habitants fait dire en proverbe que les femmes y croissent comme les fleurs. Quoique les Autrichiennes ne soient pas laides, les Hongroises paraissent généralement plus belles; mais, dans toutes les nations germaniques, elles pèchent souvent par un excès d'embonpoint.
A Gratz, en Styrie, une infinité de femmes et de demoiselles ont des amants et en changent publiquement sans qu'on y trouve à redire; cependant elles sont très-dévotes. Les femmes y ont un beau teint blanc, de gros tétons, mais un peu trop massifs.
Plus au nord, les Polonaises méritent d'être remarquées. Elles ont la blancheur mais aussi, dit-on, la froideur de la neige. Les femmes russes sont, au contraire, fort amoureuses, mais l'abus des bains de vapeur, ou plutôt l'atmosphère chaude où elles vivent, rend bientôt mous et flasques tous leurs appas; sous leurs chaudes pelisses elles couvent d'ardentes passions, aussi les accuse-t-on de préférer toujours en amour le physique au moral.
Les Albanaises sont plus agréables que les Morlaques; celles-ci portent une peau tannée, de longues mamelles pendantes, avec un mamelon noir.
On trouve à Dresde, à Leipsik, à Halle, de simples grisettes dont les tétons blancs, rebondis et bien taillés, seraient capables d'orner le sein des reines du monde; la Saxe est surtout le climat où ces dariolettes sont de la meilleure qualité. Il paraît que le sexe de la Souabe est aussi abondamment pourvu de ces attraits, si l'on en doit croire l'apologie qu'a faite d'eux certain étudiant de l'université de Tubingue, et que l'on a trouvée écrite à la tête de son Corpus juris civilis:
Ubera magna, pudor tenuis, vulvæque patentes,
Res angusta domi, foris ampla, et splendida dixi.
Si nous en croyons la comtesse d'Aulnoy, les Espagnoles n'ont point de gorge et n'en veulent point avoir; voici comme elle en parle: «C'est une beauté pour les dames espagnoles de n'avoir point de gorge, et elles prennent de bonne heure des précautions pour l'empêcher de venir. Lorsque le sein commence à paraître, elles mettent dessus de petites plaques de plomb, et se bandent comme les enfants que l'on emmaillote. Il est vrai qu'il s'en faut peu qu'elles n'ayent la gorge aussi unie qu'une feuille de papier, à la réserve des trous que la maigreur y creuse, et ils sont toujours en grand nombre.»
Plaignons l'aveuglement de ces Espagnoles qui outragent la nature, en refusant des bienfaits dont elle est si avare; plaignons aussi ces Françaises que la manie de revêtir les habits d'homme porte tous les jours à détruire ce chef-d'œuvre si gracieux et si attrayant de leur sexe; le délire de cette espèce d'hermaphrodites me fait pitié et m'irrite. Vite, éloignons cette idée affligeante en admirant les beaux tétons de l'Angleterre. Tous les connaisseurs qui ont voyagé dans cette partie de l'Europe s'accordent à dire que la Grande-Bretagne est la mère nourrice des beaux tétons. Voilà ce que Le Pays écrivait de Londres à un de ses amis:
«Ce que nous avons vu de plus qu'à Paris, ç'a été un grand nombre de fort belles femmes, qui sont toutes copieusement partagées de tétons. Comme c'est une marchandise qui est ici à grand marché, et assez précieuse en France, nous avions résolu d'en acheter un bon nombre, et de vous les envoyer tous dans une barque, attachés deux à deux avec du ruban couleur de feu, qui est ici, comme vous savez très-beau et en très-grande abondance. Nous étions persuadés que cette marchandise vous plairait, et que vous seriez bien aise d'en fournir à quantité de vos amies, qui en ont bon besoin, et qui les achèteraient volontiers. Mais comme les commis des Traites foraines ne laissent rien passer sans le visiter, nous avons changé de dessein, sachant fort bien que c'est une marchandise qui se gâte, pour peu qu'on la visite, et qu'ainsi elle auroit bientôt perdu toute sa beauté et tout son éclat quand elle seroit entre vos mains.»
Dans une autre lettre qu'il écrit de la même ville à une dame, il lui donne cette commission:
«Dites à Mme de la L. G. que si elle étoit en Angleterre, elle ne seroit pas la reine des tétons, comme elle l'est à..., puisque les dames de ce royaume en ont qui ne cèdent point aux siens. La différence qu'il y a, c'est qu'on patine les tétons d'Angleterre dès la première connoissance, et sans grande cérémonie; que pour elle, elle ne laisse pas seulement voir les siens après six mois de soins et de services.»
Pavillon, dans un endroit de sa lettre à Mme Pelissari, sur le voyage de sa fille en Angleterre, dit:
«Le défunt pays de Cocagne, de très-heureuse mémoire, ne valoit guère mieux que celui-ci.
Peut être aisément abordé:
Il n'est presque jamais gardé
Que par le seul respect qu'on porte à sa personne.
On le voit aussitôt qu'on vous a présenté.
Malgré l'éclat de la couronne,
Celui que sa grandeur étonne,
Est rassuré par sa bonté.
Ses sujets sont dans l'opulence.
Ses champs produisent à souhait,
Et vous ne sentez sa puissance
Que par les biens qu'elle vous fait.
La terre sans impôts et le ciel sans colère
Nous laissent en repos jouir de notre bien.
Le Roi ne lève presque rien,
Et Jupiter n'y tonne guère.
Tout votre sexe à cheveux blonds,
À teint de lys, à beau corsage,
Magnifique en habits, en train, en équipage,
Fait marcher devant son visage
Une infinité de tétons.
Il dit encore dans un autre endroit de la même lettre:
«Nous mènerons au premier jour votre fille à Windsor; c'est un lieu charmant où le bon roi Stuart tient maintenant cour plénière. Elle prétend lui demander un don, qui est la réformation des tétons dans toute l'étendue de son royaume, suivant le modèle qu'elle lui en présentera elle-même. Vous saurez, madame, qu'en tous ces quartiers, la plupart des tétons, sous prétexte qu'ils sont blancs comme neige, n'ont point honte d'aller tout nuds dans les rues, et qui plus est, de se baiser hardiment à la vue de tout le monde, sans crainte de Dieu et des hommes. Les gens du pays pensent que cette réforme sera facile à établir, parce que les tétons de ce territoire étant de leur nature fort dociles, on peut aisément les réduire à en faire tout ce qu'on voudra.»
Avant de finir, je dois encore dire que j'ai vu dans des couvents toutes sortes de beaux tétons; il est vrai que ce n'est que la figure et non la forme. J'y ai trouvé des tétons naissants et des tétons formés, où rien ne manquait que la permission de les voir à découvert et de sentir s'ils étaient durs. Peindrai-je ces touffes de lys et de roses mollement comprimées par la guimpe, ces sphères de neige qui croissaient à l'ombre des autels, et qui ne pouvaient être accessibles qu'aux doigts sacrés du pater et du directeur, ou d'un jardinier discret et charmant? Comme je ne produirais rien de neuf et de piquant dans ces descriptions d'objets que j'ai toujours aimés, et que j'ai très-rarement vus, tels que ma muse les voudrait peindre, je crois plus sage de renvoyer mon lecteur, pour qu'il n'y perde rien, aux friandes peintures qu'en ont faites Voltaire, dans sa Pucelle, Piron, Dorat, et autres poëtes érotiques modernes, et je me borne à dire: vive un sein de couvent!...
Ceci me remet dans l'esprit un sonnet pour une belle personne, à qui les tétons étaient venus depuis qu'elle était religieuse.
Pitoïable passant, admire et plains leur sort.
Ils n'avoient pas du ciel encor reçu la vie,
Qu'on les avoit déjà destinez à la mort.
Leur courroux fait bien voir qu'on leur a fait grand tort,
Puisqu'on les voit s'enfler contre la tyrannie
Qui les mit au tombeau par un barbare effort.
C'est qu'on les tient vivants dans cette sépulture,
Comme étant convaincus d'un horrible forfait.
Peur moi, ne voyant pas quel mal ils avoient fait,
Je crois qu'on les punit de ceux qu'ils pouvoient faire.
Si des Européennes nous passons aux femmes de la race, où plutôt de l'espèce nègre, nous leur trouverons généralement une disposition extrême à la lasciveté et même une conformation particulière dans les organes sexuels. Comme cette espèce d'hommes est moins propre au développement des facultés intellectuelles, elle est aussi plus disposée aux fonctions purement animales, et la plupart des nègres sont bene mutonati. Les négresses paraissent conformées dans la même proportion, de sorte que les européens les trouvent fort larges. Toutes ont, comme on sait, une gorge très-volumineuse, et bientôt molle et pendante, même dans les climats où l'on ne peut pas en accuser la chaleur atmosphérique, comme au nord des États-Unis; mais ce qui surtout les distingue de la race blanche, c'est le prolongement naturel des nymphes, et quelquefois du clitoris, bien moins commun chez les femmes blanches que chez les négresses.
Les femmes cafres, les mieux constituées de toutes les négresses, et les plus fortes, ont un caractère plus ardent et plus viril; les négresses joloffes et mandingues, sans être aussi bien formées, et avec un sein plus tombant, une transpiration d'odeur porracée, paraissent cependant encore agréables dans leur première jeunesse. Leur peau est douce et soyeuse comme le satin. Mais elles déploient une lubricité et des passions inouïes dans nos climats; elles semblent porter dans leur sein enflammé tous les feux de l'Afrique. Pour exciter davantage l'ardeur de l'homme, les Égyptiennes coptes se frottent les parties sexuelles de parfums stimulants, comme d'ambre, de civette et de musc. Aussi, un proverbe des Turcs dit: Prends une blanche pour les yeux; mais pour le plaisir, prends une Égyptienne, ou une négresse.
On convient cependant que les négresses sont excellentes mères; la plupart ont beaucoup de lait; les mamelles des Égyptiennes étaient renommées par leur volume extrême dès le temps de Juvénal:
A la Nouvelle-Hollande, la parure d'une belle Malaie consiste toute en sa peau, étrangement bariolée de piqûres de diverses couleurs, et c'est ce qu'on appelle tatouage; toutes ont soin d'assouplir leur peau par le bain et par l'huile de coco; elles se vêtissent de tissus de feuillage ou d'écorces légères qui ne dérobent point la vue de leurs charmes secrets. Elles n'ont pas toujours la gorge pendante des négresses; elle est même assez petite dans les premiers temps de la puberté.
Ne pensons pas que les négresses soient toujours dépourvues de beauté; elles ont aussi leur prix. On en a vu de fort jeunes, ayant un nez droit et presque aquilin, et avec une figure qui, si nous en exceptons la couleur, n'aurait pas déparé une Européenne: on n'y remarquait point cette vilaine moue des Éthiopiens; l'avancement des joues y était presque insensible, et le sein, parfaitement placé, n'y était pas flasque et pendant, mais d'une agréable rotondité. Considérons ces lèvres d'un rouge éclatant de corail sur un fond d'ébène soyeux, cette petite bouche, qui ressemble à un bouton vermeil et frais de rose, posé sur du velours noir; contemplons cette double rangée de perles brillantes, ces grands et beaux yeux pleins de feu; admirons la douce aménité du visage, cette suavité des formes, cette voluptueuse flexibilité, ce balancement, cette souplesse dégagée de tous les mouvements, bien plus sensible dans les négresses que dans les Européennes; et s'il m'était permis de peindre tant d'autres attraits qui ne sont ordinairement couverts, dans ces esclaves infortunées, que du voile de la simple innocence, à combien de femmes laides, quoique blanches, paraîtraient-elles préférables pour des yeux non prévenus!
CHAPITRE VII.
DE L'ÉLOQUENCE DES TÉTONS.
Il y a eu deux Phryné, outre celle qui est célèbre par la statue d'or massif qu'elle donna au temple de Jupiter, avec cette inscription: De l'intempérance des Grecs; et les murailles de Thèbes qu'elle avait rebâties. Il ne faut pas confondre cette illustre courtisane grecque avec une autre Phryné que l'on avait surnommée ainsi d'un mot grec, qui signifie crible, parce qu'elle criblait et ruinait ses amants, sans en être plus riche; comme font presque toutes celles que nous voyons aujourd'hui briller sur les mille et un théâtres de notre luxurieuse capitale.
Une troisième (celle dont je veux parler), fut accusée d'impiété par les Athéniens, et traduite devant l'aréopage, pour subir la peine capitale que méritait ce crime. Les juges, impassibles comme la loi, admiraient sans en être émus, les grâces les plus attrayantes, la toilette la plus voluptueusement raffinée, des yeux qui avaient fait tomber aux pieds de la nymphe les personnages les plus distingués, les philosophes, les sages et les chefs de la République. L'auditoire était nombreux. La pitié, le tendre intérêt se peignait sur tous les visages, et rien ne pouvait soustraire la courtisane au supplice; la déposition des nombreux témoins ne laissait plus d'espoir, le crime était avéré, les juges allaient, en gémissant tout bas, prononcer la redoutable sentence; l'avocat de l'accusée avait épuisé toutes les ressources de l'art oratoire, mais toute son éloquence était perdue. Tout à coup une idée lumineuse et hardie, produite par la tentative la plus désespérée, exalte sa tête, et lui fournit un moyen de gagner sa cause. Il découvre brusquement le sein de sa belle cliente, et ce spectacle inattendu a produit dans toute l'assemblée une espèce de délire; on croit voir Vénus elle-même, qui sous les traits d'une mortelle, a quitté Chypre et Amathonte, pour recueillir l'hommage des Grecs, et demander la grâce de l'accusée. La gravité des juges cède au charme vainqueur de l'étonnement, du plaisir et de l'admiration. La bouche ne trouve pas d'expression pour rendre le sentiment, mais le silence et l'avidité des regards, un cri général d'intérêt et de compassion, tout complète le triomphe de Phryné. Elle était suppliante, éplorée, courbée sous le poids de l'improbation: un sein paraît, la chance tourne, elle commande en souveraine, elle asservit tout ce qui porte les yeux sur elle: «Eh bien, ajoute le défenseur, profitant du succès de son stratagème, si elle est coupable, qui de vous, Athéniens, osera condamner à la mort ce que la nature a formé de plus beau? Osez regarder celle dont vous voulez verser le sang, et si vous le pouvez, oubliez que vous êtes hommes.» Il dit, et l'Aréopage, quittant son auguste caractère, a repris unanimement les sentiments d'humanité. Phryné est déclarée innocente, et portée chez elle en triomphe.
Cette manière de justifier n'est pas encore abolie, dit à ce sujet le galant Saint-Evremont; il y a bien de belles femmes, coupables quand on ne les voit pas, qui deviennent innocentes aussitôt, quand on les voit. Souvent même, les juges punissent les femmes pour un certain crime qu'ils voudraient bien avoir commis avec elles.
Ceux de mes lecteurs qui aiment la poésie, liront avec plaisir cette même anecdote, racontée avec plus de grâce par le citoyen Deguerle, déjà cité.
Si l'on en croit plus d'un docte écrivain[12].
Grave parut le cas en arbitrage:
Il s'agissait du service divin.
«Quoi! de Vesta (criait un peuple nain)
Oser railler l'immortel pucelage!
Et des époux rire au nez de Vulcain!
Au feu, l'impie! au feu! de par Jupin.»
La gent dévote au sénat faisait rage:
La belle Grecque y perdit son latin.
Qu'en demi-globe, à l'ombre de ses ailes,
L'Amour assied sur un trône pareil:
Pommes de neige où couvent étincelles:
La gaze y voit, loin de l'œil du soleil,
Poindre à quinze ans la fraise au teint vermeil.
Froide raison, à genoux devant elles!
Que de procès, en maint sage conseil,
N'ont point gagné ces avocats femelles?
Si plaideuse onc en connut le talent,
C'était la nôtre. Or ça (dit la rusée,
Quand elle vit sa rhétorique usée):
«Mettons en jeu mon dernier argument.»
Et la voilà qui garde un long silence....
Puis on la voit et sourire et rougir;
Couleur de rose! équivoque nuance!
Peins-tu la honte, ou peins-tu le plaisir?
Sa main distraite a dérangé la gaze
Où se cachaient les lys d'un cou charmant.
Grâce au hasard d'un second mouvement,
L'aiguille d'or a glissé de sa base:
Adieu le voile au tissu transparent,
Fardeau léger dont se charge le vent!
Que d'attraits nuds! un feu subit embrase
Et spectateurs et sénat en extase.
Que ne dit pas à l'œil qui s'y connaît,
D'un joli sein le langage muet?
Bavards diserts, gens à brillante emphase,
Vous n'avez point le charme de sa phrase!
Pour une pomme on vit Pergame en feu;
Au Paradis, Eve pour une pomme
Sonna l'alarme entre le diable et Dieu.
Grâce à Phryné, nos Rhadamante, en somme,
Pour une seule en apercevaient deux.
Bien qu'on soit juge, on n'en est pas moins homme;
Et c'est pour voir, enfin, qu'on a des yeux.
Bref: en dépit et de Vesta la vierge,
Et du bon prêtre, et du pauvre Vulcain,
Phryné dicta le véto du scrutin.
Brûlé ne fut, pour cette fois qu'un cierge:
Cierge en l'honneur du bienheureux trio
Mis hors de cour au milieu des bravo.
Gens timorés diront: «L'Aréopage
En ce jour-là fit nargue à l'équité.»
Mais qui de nous aurait été plus sage?
Il oublia les dieux pour leur image:
Est-on de marbre auprès de la beauté?
A l'œil coquet, au teint frais et fleuri:
Galant essaim, amour d'une autre Athènes,
Mais qui jamais de Vesta n'avez ri:
Venez à moi! venez, vierges pudiques,
Douces mamans, et vous femmes uniques,
Honneur d'un père, ou trésor d'un mari!
Je veux juger vos fredaines honnêtes....
Quels bras mignons! Quel sein!... Pour m'émouvoir,
Chastes Vénus, restez comme vous êtes:
Pas n'est besoin de jeter le mouchoir.
La gorge de Phryné a sans donte servi de modèle au charmant poëte latin, Jérôme Amalthée, dans les vers suivants. L'on ne peut rien ajouter à la délicatesse de cette petite pièce:
Illa eadem nitido fert duo fraga sinu.
Sunt mammæ duo poma; duo sunt fraga papillæ:
Poma nives vincunt, fraga colore rosas.
Hæc amor exugens: valant, ait, ubera matris!
Dulcius his manat nectar ab uberibus.
La réponse suivante, remplie d'innocence et de naïveté, prouve que les femmes connaissent dès leur plus bas âge, tout le pouvoir de leurs attraits naissants, et que la nature sage et prévoyante a mis en elles un instinct infaillible pour juger de leurs effets. Or, ces effets n'ont lieu que quand leur gorge est à moitié ou tout à fait découverte: nous n'apprendrons jamais aux femmes à tirer parti de leurs charmes.
Ses jeunes et tendres appas;
Quinze printemps l'avaient vu croître,
Et son cœur soupirait pour le jeune Lycas.
Un jour, à sa maman austère,
Agnès parut, le sein à demi-nu,
Pourquoi n'avoir point de fichu?
Lui dit-elle d'un ton sévère.
Agnès répond, en soupirant tout bas,
De beaux habits pour moi, vous êtes trop avare,
Et si je cache mes appas,
Avec quoi voulez-vous, maman, que je me pare?
Anacréon dit que pour être beau, le sein ne doit pas être plus gros que deux œufs de tourterelle; le citoyen Mercier (de Compiègne) t. III des Soirées d'Automne, p. 100, nous donne un tableau gracieux d'une gorge de cette espèce, dans le conte suivant, intitule: la Fraise et l'Oeuf:
Hélène portait un panier;
La rosée y faisait briller
Mille perles des plus jolies.
Hélène, encore à ses quinze ans,
Autant que ses fruits pouvait plaire
Aux connaisseurs les plus friands;
Par-ci, par-là, notre laitière
Avait rangé de très-gros œufs,
Frais pondus, blancs comme batiste,
Et dont l'éclat, sur le fruit amétiste,
Formait un tout harmonieux.
Pour plaire à l'engageante Hélène,
Qui les offrait d'un air si gracieux,
En la lorgnant, de sa corbeille pleine,
Au hasard je tire un d'entre eux
Que cinq doigts entouraient à peine,
Que vois-je! Effet délicieux!
Sur le gros bout une fraise écrasée,
Et là, par le hasard placée,
Sur l'aréole carminée
Forma ce bouton radieux
D'où distille l'humeur lactée,
Imprégné de l'onde sucrée.
L'ensemble enfin rendait au mieux
Un sein naissant, digne des dieux.
Je contemplais, avec avidité,
Cette image simple et fidèle
Des sources de la volupté;
Et voulant mettre en parallèle
L'image et la réalité,
Près des tétons dévoilés de la belle,
Qui se prêtait, en riant, à ce jeu,
L'œuf fut placé; mais si la pastourelle
Y gagna, ce fut de bien peu.
Femme au tetin ce rouge boutonnet,
Et Priapus qui étoit en crédit,
Oreilles eut sous son petit bonnet;
Mais quelque dieu les lui coupa tout net,
Puis en forma la retonne gentille
Que fait aller mainte superbe fille,
Sentant qu'elle a du mâle la dépouille.
Et de là vient que tous les coups que fouille
Au sein de son amie un amoureux ardent,
Ce bon galant frémit incontinent
De grands plaisirs, et s'étend à merveilles,
Comme disant: je prendrai mes oreilles.
Voltaire, dans Zadig, nous donne un exemple charmant de l'éloquence des tétons.
La jeune veuve Almona, sauvée du bûcher par Zadig, lui en avait voué beaucoup de reconnaissance. Zadig, accusé de crimes imaginaires par des ministres jaloux de son influence, fut jugé et condamné à son tour à être brûlé à petit feu. Almona résolut de le tirer de là. Elle roula son dessein dans sa tête, sans en parler à personne. Zadig devait être exécuté le lendemain; elle n'avait que la nuit pour le sauver: voici comme elle s'y pris, en femme charitable et prudente.
Elle se parfuma; elle releva sa beauté par l'ajustement le plus riche et le plus galant, et alla demander une audience secrète au chef des prêtres des étoiles. Quand elle fut devant ce vieillard vénérable, elle lui parla en ces termes: «Fils aîné de la Grande-Ourse, frère du Taureau, cousin du Grand-Chien (c'étaient les titres de ce pontife), je viens vous confier mes scrupules. J'ai bien peur d'avoir commis un péché énorme, en ne me brûlant pas dans le bûcher de mon cher mari. En effet, qu'avais-je à conserver, une chair périssable, et qui est déjà toute flétrie.» En disant ces paroles, elle tira de ses longues manches de soie, ses bras nus d'une forme admirable et d'une blancheur éblouissante. «Vous voyez, dit-elle, le peu que cela vaut.» Le pontife trouva dans son cœur que cela valait beaucoup. Ses yeux le dirent, et sa bouche le confirma; il jura qu'il n'avait vu de sa vie de si beaux bras. «Hélas! lui dit la veuve, les bras peuvent être un peu moins mal que le reste; mais vous m'avouerez que la gorge n'était pas digne de mes attentions.» Alors elle laissa voir le sein le plus charmant que la nature eût jamais formé. Un bouton de rose sur une pomme d'ivoire n'eût paru auprès que de la garance sur du buis, et les agneaux sortant du lavoir auraient semblé d'un jaune brun. Cette gorge, ces grands yeux noirs qui languissaient en brillant doucement d'un feu tendre, ces joues animées de la plus belle pourpre, mêlée au blanc de lait le plus pur, ce nez, qui n'était pas comme la tour du mont Liban, ces lèvres, qui étaient comme deux bordures de corail renfermant les plus belles perles de la mer d'Arabie, tout cela ensemble fit croire au vieillard qu'il avait vingt ans. Il fit, en bégayant, une déclaration tendre. Almona, le voyant enflammé, lui demanda la grâce de Zadig.
«Hélas! dit-il, ma belle dame, quand je vous accorderais sa grâce, mon indulgence ne servirait de rien, il faut qu'elle soit signée de trois autres de mes confrères.—Signez toujours, dit Almona.—Volontiers, dit le prêtre, à condition que vos faveurs seront le prix de ma facilité.—Vous me faites trop d'honneur, dit Almona, ayez seulement pour agréable de venir dans ma chambre après que le soleil sera couché, et dès que la brillante étoile Sheat sera sur l'horizon; vous me trouverez sur un sofa couleur de rose, et vous en userez comme vous pourrez avec votre servante.»
Elle sortit alors, emportant avec elle la signature, et laissa le vieillard plein d'amour et de défiance de ses forces. Il employa le reste du jour à se baigner; il but une liqueur composée, de la cannelle de Ceylan, et des précieuses épices de Tidor et de Ternate, et attendit avec impatience que l'étoile Sheat vint à paraître.
Cependant, la belle Almona alla trouver le second pontife. Celui-ci l'assura que le soleil, la lune et tous les feux du firmament n'étaient que des feux follets, en comparaison de ses charmes. Elle lui demanda la même grâce, et on lui proposa d'en donner le prix. Elle se laissa vaincre, et donna rendez-vous au second pontife au lever de l'étoile Algenib. De là, elle passa chez le troisième et chez le quatrième prêtre, prenant toujours une signature, et donnant un rendez-vous d'étoile en étoile. Alors elle fit avertir les juges de venir chez elle pour une affaire importante. Ils s'y rendirent: elle leur montra les quatre noms, et leur dit à quel prix les prêtres avaient vendu la grâce de Zadig. Chacun d'eux arriva à l'heure prescrite; chacun fut bien étonné d'y trouver ses confrères, et plus encore d'y trouver les juges devant qui leur honte fut manifestée. Zadig fut sauvé.
CHAPITRE VIII.
MOYEN DE CONSERVER LA GORGE.
Voici, sexe charmant, le chapitre qui doit faire auprès de toi la fortune de cet éloge. Que nous servirait, mesdames, d'avoir chanté la plus belle partie de vous-même, si notre art ne vous instruisait encore à la conserver dans toute sa fraîcheur.
Plume aimable et facile du chantre badin des Perruques[13], viens pour un moment sous mes doigts; et que les grâces, en nous lisant, croyent encore lire quelques pages du docteur Akerlio.
Mais déjà mon sujet m'inspire! Or, écoutez, mesdames; j'ai toussé, je commence.
La parure est à la beauté ce que l'esprit est au savoir. On ne se plaît guère sans un peu de coquetterie; pour retenir dans ses bras son céleste époux, Junon même eut besoin un jour de la ceinture de Vénus. Que l'art de la toilette soit donc votre première étude; mais anathème éternel à ces corps meurtriers, où la taille la plus svelte perd dans sa prison de baleine son élégance naturelle! Un simple corset suffit à la conservation des formes. Qu'une bande légère, fixée vers la partie moyenne de la poitrine, embrasse mollement la région inférieure de chaque hémisphère, en soutienne adroitement le poids sur un support invisible, et laisse entrevoir à l'œil éveillé du désir, cette mappemonde mobile, sur laquelle l'imagination la plus froide aime à voyager quelquefois[14]. Gloire à toi, docte et galant Alphonse[15]! Le premier, tu proclamas courageusement la liberté des gorges, leurs amants te doivent une statue; et j'ai placé la tienne dans mon boudoir.
Une douce chaleur, en dilatant les solides, peut aider au développement d'un sein virginal. Une belle gorge aime à braver demi-nue l'action d'une température modérée. Mais le froid est son ennemi mortel. Qu'elle en évite soigneusement les rigoureuses atteintes; ou bientôt, au lieu de cette élastique fermeté qui fait le premier charme d'un sein de lys, elle n'offrira plus au doigt délicat de l'amour, qu'une solidité squirreuse, éternel écueil des désirs.
Ce sein trop humble n'ose, dites-vous, se montrer au jour. Eh bien! connaissez donc les secrets du génie. Le fluide électrique commande à la foudre même; il peut, à la voix d'un praticien habile, imprimer aux vaisseaux sanguins, une turgescence favorable. Souffrez, mesdames, qu'on vous magnétise: le docteur Mesmer n'a point d'égal dans l'art de donner à certains charmes une expansion délicieuse.
Le malade résiste-t-il à la verge électrique, à la magie du baquet; la mécanique vient pour vous au secours de la physique. Que dans sa double cavité, une officieuse ventouse embrasse, sans les blesser, vos deux globes d'albâtre. L'air ainsi raréfié, hâtera sans douleur le développement de la gorge rebelle.... C'est peu: un contact indiscret vient-il à déformer par accident le bouton de vos roses jumelles? retournez, mesdames, à l'heureuse ventouse: le bouton ranimé reprendra bientôt sa forme et sa fraîcheur.
Belles sans expérience, vous qui pleurez ingénuement à votre quinzième année, l'absence du plus doux attrait dont se pare un buste féminin, consolez-vous! il n'est point de mal sans remède. Plus d'une prêtresse de Vénus tient magasin de seins postiches. Vous pouvez avoir à vil prix la plus belle gorge du monde, dans une paire de cartons bombés.
Et vous, honneur de votre sexe, femmes intéressantes qui voulez unir en même temps le plaisir d'être épouses et l'orgueil d'être mères, ne craignez rien: à l'aide d'une petite ruse, on est maintenant à la fois et nourrice et jolie. Déjà l'œil marital commence-t-il à lire avec peine les ravages de l'allaitement sur un mamelon déprimé? voyez la gomme élastique se façonner pour vous en chapeau complaisant[16]. L'aiguille l'a criblé tout exprès de légers tuyaux capillaires, pour fournir un libre passage au lait nourricier. Sous la forme couleur de rose dont il est hermétiquement couvert, le sein maternel cache ainsi sans péril sa passagère laideur; et, par cette innocente imposture, il satisfait à la fois la nature et l'amour.
De graves professeurs d'hygiène ne voient de salut pour les belles gorges, que dans un régime d'anachorète. A les entendre, il n'est pour nos Vénus qu'un moyen sûr de conserver leurs charmes: c'est de n'en faire aucun usage[17]. Le jeûne, selon eux, est encore une recette unique: pour éterniser la beauté, vive (disent-ils) l'art de mourir de faim.
Quant à nous, indulgents casuistes, nous sentons combien la chair est fragile. Cette abstinence surnaturelle n'appartient qu'aux purs esprits; de tout un peu, c'est la devise des corps. Le plus grand des philosophes, Épicure, fut par excellence l'apôtre de la volupté, et notre rigorisme, mesdames, ne vous défend que l'excès.
Ainsi, bien que l'eau soit, d'après Hippocrate, la boisson conservatrice des belles formes, nos ordonnances moins rigides vous permettent l'usage modéré des liqueurs[18]. Nous n'aurons pas la cruauté d'interdire aux dames le café du matin[19]; mais que le sucre et le lait adroitement mélangés, lui servent toujours de correctif. Funeste au système nerveux, l'abus du café à l'eau a desséché plus d'un joli sein[20].
Pourquoi faut-il que le plaisir ait aussi ses regrets? Sexe enchanteur! quel feu n'allume pas dans nos sens le seul aspect de tes pommes de neige. Il nous faudrait mourir, si les flammes dont tu nous consumes ne te brûlaient toi-même! Ah! pour le bonheur de l'homme, succombe quelquefois aux douces tentations que tu fais naître! mais, pour l'honneur de tes charmes, résiste plus souvent encore à l'attrait du désir! La fleur des champs que le papillon se plaît à baiser, s'effeuille enfin sous l'aile de l'insecte brillant: ainsi la fleur d'un beau sein finit par se faner sous les caresses d'un indiscret amour. La rose de la volupté ressemble à Titon dans les bras de l'Aurore: chaque baiser la vieillit d'un lustre[21], et le bouton du matin, le soir n'est plus qu'une épine[22].
Vous, dont la fougue égarée poursuit la jouissance au péril de vos charmes! ah! du moins, quand vos sens sont calmés, hâtez-vous de réparer en secret les outrages du plaisir. Autrefois tributaires du génie monacal, la botanique et la chimie opposaient au développement des gorges nonnettes le froid nénuphar et le mystique agnus castus. Libres aujourd'hui, ces deux sciences aiment à préparer de concert d'utiles restaurants aux seins débilités. Connaissez l'art des frictions réparatrices. Elles entretiennent dans sa fraîcheur le satin de la peau; elles rendent aux formes affaissées leur souplesse et leur ressort; par elles, les lys disparus sous le feu du baiser, ont retrouvé bientôt leur première blancheur. Salut, savante Tolleret[23]! La renommée de tes pommades a volé des bords de la Seine aux rives du Mississipi. Le sein de la belle Poppée[24] n'eut jadis pour ressource que le bain de lait d'ânesse; les gorges égyptiennes ne connaissent que l'hermodacte[25]. Mais ces recettes merveilleuses, les tiennes les ont éclipsées. C'est à ta voix que, pour la sécurité d'un sein galant, l'olive et l'amande offrent à la fois leur huile adoucissante; que la pimprenelle et la rose prodiguent leur essence aromatique; que la cannelle et la fleur d'orange s'unissent à la crême en pâtes odorantes, et s'étendent en masque officieux[26] sur plus d'un sein décrépit.
Non, tu n'auras point fait d'ingrates, ô toi, dont le génie tutélaire a bien mérité des gorges! Permets que leur chantre, en terminant leur éloge, te proclame leur bienfaitrice. Un grain de leur encens t'est dû. Puisse ton nom briller désormais en lettres d'or dans les fastes de la beauté! Puisse, éternisée par la reconnaissance féminine, ta mémoire ne périr qu'avec le dernier téton!
CHAPITRE IX.
RECETTES VIRGINALES.—MOYENS A EMPLOYER POUR EFFACER LES RIDES ET DIMINUER L'AMPLEUR DU VENTRE ET DE LA GORGE ET DE LA FAIRE CROÎTRE A CELLES QUI SONT PRIVÉES DE CE BEL ORNEMENT.
Quelquefois, après la grossesse, la gorge et le ventre restent flétris et plus volumineux. L'art offre ici plusieurs moyens: ils sont ou mécaniques, ou thérapeutiques; les premiers consistent dans l'application de bandelettes pour le sein, et de larges bandes sur le ventre, aussitôt après les couches, avec la précaution de les resserrer graduellement, pour laisser à l'organe de la génération les moyens de contraction qui lui sont alors nécessaires. L'habit européen est, à cet effet, plus favorable aux femmes que la veste asiatique qui, ne contenant point les intestins, permet à la texture molle de leurs enveloppes, d'acquérir des dimensions énormes. Plus soigneuses de leur gorge et de leurs pieds, les Géorgiennes, les Otaïtiennes, les Chinoises, les Bayadères captivent leur gorge enfantine dans un étui, qu'elle ne peut dépasser[27], et emprisonnent, dès le berceau, dans une babouche étroite, leur pied qui ne s'accroît que très-peu. On a ridiculisé ce goût fondé cependant sur quelque raison. En effet, une main calleuse, un pied plat et long annoncent une basse extraction, une vie exercée aux travaux les plus rudes, tandis qu'un pied mignon, présage flatteur d'attraits plus cachés, semble être le résultat d'une éducation soignée: et ne fît-on que retracer cette fameuse Rhodope, déjà citée par nous, dont le joli soulier, emporté par un aigle et tombé à Memphis, dans le bain du roi Psammétique, fit marcher son petit pied à si grands pas vers la fortune, et valut à Rhodope les honneurs du trône; on avouera qu'on a quelque droit à placer ce genre d'attrait parmi ceux qui exercent sur l'homme un grand empire.
On a vanté la mélisse pilée et appliquée sur la gorge, et l'arbrisseau de Vénus, le myrte, s'honore d'offrir aussi un moyen de faire disparaître les traces du culte qu'on rendit à la divinité auquel il est consacré. En général, les sumacs (rhus coriaria), les chênes (quercus ilex), les épines, les arbousiers et tous les végétaux styptiques contiennent un tannin très-propre à cet usage.
Enfin, le médecin des dames[28] dit:
Si mulierum sinus pudoris sit nimium dilatatus, quod accidit tùm propter partus, tùm propter frequentes coïtus, debent mulieres tunc uti sequentibus remediis[29]:
Prenez, dit-il, noix de galle encore vertes, faites-les bouillir dans du vin avec quelques clous de girofle, trempez-y un linge et appliquez.
Ou bien: alun, sang-dragon, gomme arabique, suc d'acacia, feuilles de plantain, de renouée, de tormentille, fleurs et fruits de grenadier, capsules de glands, sorbes non mûres, roses de Provins, faites bouillir dans du vinaigre, et appliquez au moyen de compresses.
Ou: quatre onces d'huile d'amandes amères, une once de cire blanche; faites fondre au bain-marie; ajoutez deux gros d'alun, une once de suie et un gros d'orcanette, vous avez une pommade styptique[30]; ou, enfin: alun, une once, acide vitriolique, demi-gros; faites fondre dans quatre onces de vinaigre et quatre onces d'eau de plantain ferrée; ajoutez deux onces d'esprit de vin et servez-vous-en, mais avec discrétion, pour imbiber, avec une éponge, certaines parties qui laisseraient des preuves non équivoques de fécondité, ou au moins, comme disait Fontenelle, que l'amour avait passé par là.
Un moyen plus simple et non moins efficace, c'est d'extraire le tannin, en versant de l'eau sur du tan en poudre dans un appareil semblable à celui des salpêtriers. Cette eau, en traversant le tan, lui enlève une portion de son principe styptique; versée sur du nouveau, elle en dissout une autre quantité, et ainsi de suite jusqu'à ce que le tan soit plus disposé à lui en enlever qu'à lui en céder; alors la concentration est parfaite, et on l'emploie comme les décoctions ci-dessus prescrites; mais tous ces moyens ne peuvent que succéder aux compressions graduelles des bandes à sec, et longtemps après que tous les résultats de couche sont terminés, ou bien on courrait le risque d'une suppression souvent mortelle et toujours douloureuse. Enfin, avec les mêmes précautions, les bains froids et répétés offrent le plus sûr comme le moins dangereux de tous les topiques.
POMMADE VIRGINALE DITE A LA COMTESSE.
| Sulfate de zinc | 40 gr. |
| Noix de galle | 20 gr. |
| Noix de cyprès | 20gr. |
| Écorce de grenade | 30 gr. |
| Feuilles de myrte | 30 gr. |
| Sumac | 30 gr. |
Mélangez ces substances pulvérisées avec quantité suffisante d'onguent rosat. Cette pommade a la propriété de resserrer le sphyncter ou muscles constricteurs de la vulve et du vagin trop relâchés.
On doit d'ailleurs scrupuleusement observer que tous ces topiques, lotions ou pommades, ne doivent jamais s'employer pendant le tribut lunaire, ou toute autre hémorrhagie utérine; et qu'ils ne sont suivis du succès désiré, qu'en s'imposant la sagesse la plus austère. La femme déjà trompée, et qui s'exposerait encore à l'être, n'est plus digne de notre intérêt, et du motif bien pur qui nous anime à consoler son sexe des injustices du nôtre.
Quant au moyen de s'opposer au développement excessif de la gorge, l'art offre des procédés certains pour réprimer ce luxe de la nature, de même qu'il en présente pour la forcer à accorder ses dons à celles envers qui elle s'est montrée trop avare en ce point; et nous croyons faire plaisir à nos lectrices, en publiant, en leur faveur, le manuscrit suivant, trouvé dans les décombres du délicieux château de Crécy, bâti pour la belle Pompadour, qui paraît avoir profité de la recette qu'il contient. On sait qu'elle n'obtint que fort tard, le genre d'attrait dont il s'agit ici. On pardonnera à l'auteur ses peintures un peu vives en faveur de son motif.
«Vous m'ordonnez, madame, de consulter l'oracle d'Épidaure, pour ajouter à vos attraits ce que vous seule y trouvez à désirer: que peut, en effet, demander aux dieux, celle qui réunit à la majesté, la douceur; à l'élégance des formes, la régularité des traits; enfin, à l'air imposant de la reine des dieux, la fraîcheur des bergères du Mont Ida? Heureux disciple d'Esculape, je suis appelé, par votre confiance dans mon art, à embellir la beauté même: plus occupé de mon bonheur qu'effrayé de ma témérité, je vais tenter d'unir à vos attraits des charmes nouveaux; et j'ose croire au succès, puisque vos beaux yeux m'encouragent d'un regard.
«Dans ce siècle fortuné, où, renonçant au vain luxe des mots, les savans s'occupent avec succès des choses, on applaudit au novateur heureux qui soulève le voile de la nature, pourvu qu'il en obtienne une réponse.... On veut même que les oracles qu'il surprend à l'antique déesse soient précis, et l'on pardonne à la nudité de ses expressions, pourvu que son but soit moral, c'est-à-dire, tende à la perfection, au bonheur de l'humanité. J'ose donc essayer, madame, de vous apprendre l'art d'acquérir ce nouvel attrait qui fera de vous le modèle de la beauté, et donnera à nos jeunes Françaises la confiance de vous imiter; cet attrait qui anime le poëte, enflamme le peintre, ravit le sculpteur, inspire le musicien, et fait délirer depuis le simple cultivateur sous le chaume, jusqu'au grave philosophe au sein de ses livres poudreux; cet attrait, dont les fières amazones consentaient à sacrifier la moitié pour gagner en adresse ce qu'elles perdaient en appas; cet attrait, dont la pomme de Paris n'offrait qu'une imparfaite image, et qui la fit tomber de ses mains; enfin, cet attrait qui date des premiers jours du monde, si c'est par lui qu'il faut expliquer cette autre pomme plus fatale, auquel le genre humain doit, dit-on, la perte du bien et la connaissance du mal.
«S'il est recherché par les hommes, les femmes s'honorent de l'offrir à nos yeux, c'est l'aiguillon du plaisir, le prélude du bonheur!... C'est le secret de ce don charmant que, sans m'arrêter à le depeindre, je voudrais conquérir pour les femmes qui en sont privées, et quoique ce ne soit point une fiction, c'est dans la fable que je puiserai la leçon que je viens vous offrir.
LA COUPE D'HÉBÉ (ALLÉGORIE).
«Hébé, trop jeune encore, ne comptait que quatorze printemps: le lys et la rose se disputaient ou plutôt se partageaient l'honneur de nuancer son teint.... de grands yeux bleus, où déjà se peignait l'amour sans qu'elle s'en doutât, s'ouvraient lentement sous de noires et longues paupières; un front uni, un nez droit, une bouche de la couleur et de la forme d'un bouton de rose qui s'entrouvre, une haleine qui en avait le parfum, des dents d'un émail opalin, de charmantes fossettes offrant des niches à l'amour indécis[31], un col blanc et onduleux, une taille et flexible et légère, des bras arrondis, des doigts délicats; enfin de petits pieds effleurant à peine les parvis de l'olympe.... Hébé avait tout en partage, et les dieux, auxquels elle versait le nectar dans la coupe de l'immortalité, étaient plus enivrés de ses charmes que de sa liqueur éthérée.... elle réunissait tout.... tout? non.... quelque chose manquait à ses charmes, et ce fut l'orgueilleuse Junon qui s'en aperçut. Hébé entrait dans cet âge où la nature indécise semble n'avoir qu'ébauché son chef-d'œuvre. Offrant également les attraits des deux sexes, elle n'avait point encore reçu ce double présent qui décèle une vierge et que caresse l'œil furtif de l'amant timide.... Le dieu de la foudre lui-même, souriant à la remarque de l'auguste Junon, témoigne le désir de voir Hébé parfaite.... Il dit, et fils aussi soumis que galant époux, Vulcain prend la coupe des mains d'Hébé; il en couvre l'un des hémisphères du sein de Vénus, et l'arrondit sur ce modèle à la vue des dieux frémissants d'envie et de volupté. Sous son léger marteau le métal docile s'étend, se contourne, se creuse, et façonnée de même sur le second hémisphère de la belle déesse, naît une seconde coupe. Le dieu de Lemnos les place sur le sein d'Hébé qui, ainsi parée, ressemble à la chaste Pallas; bientôt sous ces deux coupes protectrices son sein s'élève, un double mont bondit, et sa gorge s'accroît sans dépasser ces heureuses limites. Les dieux applaudissent.... Cette ingénieuse invention passa jusqu'en Grèce; l'Inde s'en fit honneur, mais elle se perdit comme tous les usages antiques et fut conservée par les seules Bayadères.... Ces coupes amoureuses furent réservées pour les banquets des dieux, et ce sont elles qui, remises depuis aux mains d'Hébé, désaltèrent encore les fortunés habitants de l'Empyrée, et leur inspirent les désirs, l'espérance et la joie en leur rappelant le moule heureux sur lequel elles furent arrondies.
«C'est ce prodige de la mythologie que l'art veut reproduire pour vous, belles, à qui il ne manque que cet attrait pour être accomplies, et vous aussi pour qui sa possession excusera l'absence des autres.
«En drapant légèrement les formes imparfaites de votre douce amie, jeunes époux, imitez le disque rond de Phébé; échancrez[32] l'étoffe en dessinant les contours absents des attraits que vous désirez; que votre main utilement caressante et instruite à la volupté par le dieu de Délos, sache promener des doigts mobiles sur l'aréole de ce sein non encore développé[33]; que de fréquentes titillations fassent frémir ses fibres; bientôt la papille se gonfle, et les esprits appelés par ces douces frictions enflent les muscles qui, profitant d'une liberté inconnue, se frayent une route nouvelle; une lymphe nourricière baigne les glandes qui se dilatent; le réseau éclatant et poli qui les renferme, participant de l'éréthisme général, s'arrondit sous les doigts créateurs: comme la fleur, condamnée à périr sous les glaçons de l'hiver, se développe et naît au jour, sous le verre diaphane, et sous les douces influences d'une chaleur factice; de même les sucs élaborés sous la main de l'époux fortuné s'accumuleront en dessinant les voluptueux contours des beaux modèles que nous a transmis le ciseau des Phidias et des Praxitelle.
«L'une des coupes fameuses dont il s'agit ici, madame, s'est perdue, ou plutôt aimons à croire que les dieux l'ont retirée pour conserver le type du beau, s'il se trouvait perdu sur la terre; l'autre est célèbre par ce banquet où l'amoureuse Cléopâtre fit publiquement aux yeux extasiés d'Antoine, non la fastueuse expérience de dissoudre une perle dans un breuvage qui n'eût pas épargné l'organe complice de sa forfanterie, mais celle bien plus merveilleuse de l'exacte application de ce moule divin, sur sa gorge ravissante. Elle orne aujourd'hui un Musæum fameux en Europe, et nous pourrons la consulter pour donner à vos formes le degré d'extension avoué par le goût, si vous accordez à mes avis le droit de concourir à la naissance de l'attrait dont vous désirez la possession. Je dois vous dire enfin, madame, que c'est de l'abus des moyens que je viens de vous indiquer qu'est né un singulier usage, chez les femmes turques, dont les époux, par je ne sais quel goût bizarre, préfèrent une gorge volumineuse et tombante, et qui, pour se procurer ce double agrément, usent avec excès des bains chauds et du massement, opération inconnue en Europe. Ce n'est, certes, pas à cette espèce de perfection que je désire vous voir atteindre, et la nature heureusement vous a formée de manière à ne pas satisfaire les inclinations turques; mais l'art hippocratique offre encore des ressources aux femmes dont l'accroissement de la gorge aurait besoin d'être prévenu, et c'est dans le même moyen qui favorise son développement qu'elles trouveront celui de sa répression. Les belles favorites du commandeur des croyants, les Circassiennes, les Géorgiennes, les Mingréliennes, opposent, dès l'âge de douze ans, à leur gorge naissante, un léger rempart de bois de santal qu'elle ne peut franchir; et ce genre d'attrait acquiert chez elles, par la compression, une fermeté que l'on rencontre difficilement chez les femmes des autres peuples.
«Pardonnez, madame, ces détails que la nature de votre demande a rendus nécessaires, et puisse l'application de cette théorie ajouter encore, s'il est possible, aux charmes qui ont mérité l'hommage d'un autre Jupiter. Puissé-je alors aussi, jeune encore et médecin peu connu, obtenir par mes soins votre entière confiance, et par le succès de mes recettes, le triomphe d'une nouvelle Hébé; dût une moderne Junon accabler de sa persécution[34] l'inventeur satisfait de sa réussite.» D.M.V.S.M.
Nous ne pouvons mieux terminer ce chapitre qu'en rapportant l'anecdote suivante, qui en est le corollaire.
Sous Louis XIV, le supplice de la Brinvilliers fut un exemple insuffisant pour arrêter les empoisonnements. Une chambre ardente fut instituée pour juger de ces crimes. L'arrestation et le procès de la Voisin firent découvrir dans les papiers de cette dernière, une foule de lettres qui compromettaient des gens de la plus haute condition. La Voisin était accusée d'avoir vendu des poisons, des charmes, et divers secrets magiques pour se faire aimer. La duchesse de Foix avait été arrêtée sur la déposition d'un simple billet d'elle trouvé chez la Voisin, et dont le sens était plus obscur que propre à baser une accusation. Louis XIV, ne voulant pas que sur un indice si léger une dame de haute distinction fût emprisonnée, se réserva de l'interroger lui-même dans ses cabinets, où elle fut conduite avec son propre carrosse par le capitaine des gardes en quartier.
«Reconnaissez-vous ce billet, madame la duchesse? lui dit Sa Majesté d'un ton sévère, mais doux.
—Sire, il est de ma main; je ne puis ni ne veux le nier.
—A merveille! Maintenant dites-moi, je vous prie, avec la même franchise, ce que signifient ces mots: Plus je frotte, moins ils poussent.
—Ah! sire, s'écria la duchesse en se jetant aux pieds du roi, daignez m'épargner un tel aveu.
—Je ne le puis, madame, songez que je vous appelle devant moi pour vous sauver un affront public; ce motif me donne tous les droits à votre confiance, et dans l'intérêt de votre honneur je vous ordonne de parler.
—J'obéirai, sire! reprit en tremblant Mme de Foix, rouge jusqu'aux yeux.... Depuis deux ou trois ans je m'aperçois que mon mari me néglige après m'avoir souvent reproché un défaut... non, jamais je n'oserai achever....
—Continuez, duchesse....
—Il est des charmes, reprit l'accusée, dont la nature se montre prodigue envers des femmes, avare envers d'autres....
—Poursuivez, je vous prie.
—Eh bien! sire, mon mari n'aime que les dames auxquelles la nature a prodigué....
—Prodigué quoi?
—Ce qui excède les belles proportions dans Mme de Montespan et manque à Mme de La Vallière... comme à moi, sire....
—Ah! m'y voici, s'écria Louis XIV en s'excusant d'un défaut trop prolongé de pénétration.... Et je vois, poursuivit le monarque interrogateur, que vous aviez demandé à la Voisin....
—Une pommade dont elle disait des merveilles, ajouta Mme de Foix en baissant les yeux.
—Cependant plus vous frottiez, moins ils poussaient.
—Hélas! oui.
—C'était un malheur; mais ce n'était pas un crime, et je suis enchanté, duchesse, de vous avoir épargné la honte d'un tel aveu devant la chambre ardente. Je vous rends le malheureux billet qui vous causa deux heures d'inquiétude; retournez tranquillement à votre hôtel. Je ne vois de coupable ici que l'époux qui délaisse une femme aussi jolie que vous; je veux en toucher quelques mots au duc. Il est un moyen plus heureux que celui dont vous avez fait l'essai pour obtenir de la nature elle-même ce que vous recherchiez par artifice; nous en causerons avec votre mari, et j'espère qu'il l'emploiera.»
ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE SUR LES MAMELLES OU SEINS.
Les mamelles (mammæ, des Latins; mastoï, des Grecs; poppa, en italien; teta, ubre, en espagnol) subissent les mêmes phases dans leur développement, que les organes essentiels de la reproduction. Elles sont peu apparentes dans le jeune âge et ne commencent à prendre le développement qu'elles doivent acquérir que lorsque l'appareil génital est apte à perpétuer l'espèce; et comme ce n'est que chez les individus femelles qu'elles parviennent à leur état complet, elles ne présentent pendant les premiers temps de la vie aucune différence chez l'un et l'autre sexe.
C'est donc vers l'époque où la femme devient apte aux plaisirs de la maternité, que les seins commencent à acquérir tout le développement dont ils sont susceptibles, ainsi que les formes gracieuses qui en font un si brillant ornement: avant la puberté, ils n'en forment que le noyau et se flétrissent après le temps de la faculté de reproduire. Cependant il n'est pas sans exemple de voir des jeunes filles encore loin de cette brillante époque, offrir des mamelles parfaitement conformées et susceptibles de fournir du lait. Les auteurs rapportent, à cet égard, des exemples fort curieux; mais tous tendent à prouver que ce développement précoce fut toujours le résultat d'irritations exercées sur le mamelon.
Le développement des mamelles se fait ordinairement en raison de celui des organes spéciaux de la génération, en sorte que la bonne conformation des seins peut, en général, servir de mesure à celle de ces derniers. Ainsi, l'homme qui recherche dans la femme, non-seulement ce qu'elle peut offrir de gracieux, mais encore tout ce qui peut dénoter une grande puissance génératrice et un vif sentiment de l'amour, est-il toujours enthousiaste d'un beau sein. A peine la femme, la plus accomplie sous tous les autres rapports, peut-elle éveiller en lui le moindre sentiment de volupté, si elle ne se trouve pourvue de ce superbe ornement. Cependant, on voit quelquefois des femmes dont les parties sexuelles sont parfaitement développées et propres aux plaisirs ainsi qu'à la propagation, quoiqu'elles n'offrent que quelques traces de ces organes, tandis que d'autres, avec le sein le plus volumineux, ne sont nullement accessibles aux désirs voluptueux ni aptes à la génération.
C'est évidemment en vertu des liens de l'étroite sympathie qui unissent les seins et les organes sexuels, que s'opère le développement simultané.
Les mamelles sont situées au milieu de la poitrine, l'une à droite et l'autre à gauche, directement sur les muscles pectoraux; elles sont au nombre de deux: il est rare de trouver des femmes qui en aient trois ou quatre donnant toutes du lait. Cependant, les annales de la science citent un grand nombre de femmes et même d'hommes multimammes; le plus souvent, le nombre des mamelles est porté à trois: deux présentent la position et le volume ordinaires, et la troisième est située sur la ligne médiane, un peu plus bas que les deux autres, ou bien au-dessous de l'une d'elles à droite ou à gauche. Lorsque la mamelle surnuméraire est médiane, elle reste ordinairement peu volumineuse, même pendant l'allaitement; les mamelles surnuméraires latérales diffèrent au contraire fort peu des mamelles normales et peuvent, comme elles, fournir du lait. Lorsqu'il existe quatre mamelles, elles sont ordinairement bilatérales et placées comme les mamelles abdominales des animaux, l'une au-dessous de l'autre; cette disposition est moins commune que la précédente, et la présence de cinq mamelles est plus rare encore. Percy n'en rapporte qu'un seul cas observé par M. Gorre. Ce cas fut présenté par une femme valaque trouvée, en l'an VIII, parmi les nombreux prisonniers faits à l'armée autrichienne et qui ne tarda pas à périr de froid et de misère. Sur les cinq mamelles de cette femme, quatre étaient très-saillantes, disposées sur deux rangs, gonflées et pleines de lait; la cinquième était médiane et située à cinq pouces de l'ombilic; elle n'était pas plus volumineuse que celle d'une fille impubère.
On a aussi constaté que des mamelles surnuméraires pouvaient se présenter sur d'autres points du corps; ainsi, M. Robert a fait connaître le fait d'une femme multimamme de ce genre, laquelle descendait elle-même d'une mère dont les mamelles étaient plus nombreuses que d'habitude. Mais, chez elle, la mamelle surnuméraire était placée à la partie externe de la cuisse gauche, près de l'aîne. Jusqu'à la première grossesse, cette mamelle fut prise pour un simple noevus; mais à cette époque elle se développa et acquit le volume de la moitié d'un citron; l'enfant tétait alternativement l'une des mamelles pectorales et celle-ci, qu'on pourrait appeler inguinale.
Thomas Bartholin vit une Danoise qui en offrait trois, dont deux étaient placées dans leur situation naturelle, et l'autre à la partie inférieure du sternum, en sorte qu'elles représentaient une espèce de pyramide renversée. Tout le monde sait que la belle Anne de Boulen, épouse de Henri VIII, roi d'Angleterre, avait, outre six doigts à chaque main, trois mamelles à la partie antérieure de sa poitrine. Un moine de Corbie rapporte avoir vu une paysanne qui nourrissait trois jumeaux de quatre mamelles indistinctement, dont deux étaient situées au-devant de la poitrine, et les deux autres au dos.
Les mamelles bien proportionnées sont un des principaux ornements des femmes, particulièrement lorsqu'elles sont accompagnées d'une gorge bien taillée et recouverte d'une peau fine. Il faut aussi qu'elles soient blanches, rondes, et médiocrement écartées l'une de l'autre; qu'elles ne soient placées ni trop haut, ni trop proche des aisselles; et enfin qu'elles ne soient ni trop grosses, ni pendantes: voilà les conditions qu'elles doivent avoir pour être belles et propres à donner de l'amour; mais ce ne sont pas les meilleures ni les plus capables de contenir le lait.
En nul endroit du corps, la peau n'est si fine, si délicate, si lisse, si douce au toucher et si blanche qu'aux environs des mamelles. Là les téguments ont acquis une telle ténuité, qu'ils sont entièrement transparents et laissent facilement apercevoir les ramuscules veineux qui serpentent agréablement dessous, notamment dans le voisinage de la portion rosée, et dont la couleur bleuâtre, en formant un heureux contraste avec la blancheur de la peau, en relève si fortement l'éclat, et donne tant de lustre à la beauté du sein. Ces globes, au reste, plaisent d'autant plus à la vue que cette belle portion de la peau est plus tendue par des glandes mammaires volumineuses, et que la femme jouit de plus d'embonpoint. Il est cependant des personnes fort maigres naturellement dont ces glandes sont si développées que, malgré cet état, elles offrent un sein solide, bien tendu, et de la plus grande beauté.
C'est à la partie centrale de chaque moitié des parois thoraciques qu'est situé le sein dans sa belle conformation. Trop dégagés en dehors et portés sous les aisselles, ces organes laissent entre eux un grand vide, peu agréable à la vue, et peuvent éprouver, de la part des bras portés en bas et surtout en dedans, des pressions plus ou moins fortes dont la fréquence nuit à leur développement, les déforme et même les atrophie. Trop rapprochés du centre de la poitrine, ils se confondent l'un avec l'autre, et de ce défaut de dégagement résulte l'imperfection de ces rotondités élégantes qui concourent tant à la beauté physique du sexe. Trop relevés vers le cou, les seins confondent leurs brillants contours avec ceux de l'épaule, reçoivent des chocs continuels des mouvements brusques de la clavicule, et sont sans cesse exposés à l'influence nuisible de l'atmosphère, dont la femme ne peut se garantir que par des vêtements grotesques et répudiés par la véritable coquetterie. Situés trop intérieurement, ils semblent rapprocher les femmes des animaux mammifères, et demandent à être relevés sans cesse par des corsets, dont la pression continuelle peut porter les plus fâcheuses atteintes à ces organes délicats.
La figure des beaux seins est ronde, et représente un demi-globe; mais les bons nourriciers, au contraire, sont avancés en dehors, et ressemblent à une poire, tels sont en général ceux des Comtoises; ce qui fait qu'ils ont de la peine à se soutenir, principalement quand ils sont pleins de lait.
On ne peut pas bien déterminer leur grandeur; elle varie suivant les nations: les Indiennes et les Siamoises les ont si longs, qu'elles peuvent les jeter par-dessus leurs épaules. Ils différent encore suivant les individus; quelques femmes les ont naturellement petits et d'autres gros; ces dernières sont les meilleures nourrices, pourvus qu'ils ne soient pas trop charnus. Leur grosseur dépend aussi de l'âge; ils commencent à pousser à 14 ans, ils ont alors la figure d'un demi-globe; ils sont petits, mais durs et fermes; ils grossissent à mesure qu'elles avancent en âge; ils se flétrissent aux femmes qui approchent la cinquantaine; et plus une femme vieillit, plus elle les a mous et flasques, n'y restant plus à la fin que des peaux.
Le mamelon est une petite éminence qui s'élève au milieu de la mamelle; il est d'une substance spongieuse, assez semblable à celle du gland de la verge, c'est pourquoi il se relève, se gonfle et se roidit lorsqu'on le suce ou bien qu'on le chatouille. Il a un rapport intime avec les parties de la génération. Les mamelons se dressent et prennent part aux sensations suscitées dans l'appareil génital par le coït ou autres moyens d'excitation. Les titillations de ces boutons rosés y font naître un sentiment de volupté qui, se communiquant en un clin-d'œil au siége spécial de la jouissance, embrase la femme et la sollicite puissamment à l'acte de la reproduction. Quels sont les moyens d'une si frappante communication entre des organes si éloignés? Quelques auteurs prétendent que ce sentiment si vif, si agréable, a été donné à cette partie afin que l'enfant y cause en la suçant un doux chatouillement, et que la femme y trouvant un singulier plaisir, elle se porte plus volontiers à donner à téter à son enfant aussi souvent qu'il en a besoin.
Il est reconnu que la succion du lait éveille des sentiments de volupté au bénéfice de l'appareil générateur. Cabanis disait que des nourrices lui avaient fait l'aveu qu'elles devaient à l'enfant qu'elles allaitaient de véritables jouissances. La solidarité des seins, relativement à l'appareil sexuel, est un fait constant; aussi la sécrétion du lait augmente-t-elle généralement sous l'influence de l'excitation de l'organe générateur. C'est le cas dans lequel était cette femme, qui voyait le lait sortir de ses seins quand son mari accomplissait avec elle l'acte du coït. On a dit aussi que l'observation avait utilisé cet acte physiologique, que, voyant les animaux se prêter avec complaisance à la manœuvre par laquelle on leur enlevait leur lait, on avait établi, dans le but d'en augmenter la quantité, une action directe sur l'organe générateur. Hérodote rapporte que les Scythes introduisaient un bâton poli dans la vulve de leurs juments quand ils leur enlevaient leur lait. Bayeu a raconté que dans les Pyrénées les gens occupés à traire les vaches plaçaient une de leurs mains dans la vulve; enfin, s'il faut en croire Levaillant, les Hottentots soufflent de l'air dans les parties sexuelles des animaux avant de les traire.
La jeune fille devient-elle pubère, aussitôt les seins répondent à l'appel de la matrice, et cette corrélation se reproduit à chaque nouvel éveil de cet organe. Elle se moule en quelque façon sur les conditions dans lesquelles il se trouve. Dans l'état ordinaire de la vie, une action, quelle qu'elle soit, sur l'appareil générateur a toujours du retentissement dans les seins, et réciproquement. Ainsi, une sensation voluptueuse venant directement de l'utérus et de ses annexes est comprise et perçue dans les organes de la lactation; de même les sentiments lascifs peuvent trouver accès près des voies génitales en partant des seins. C'est la raison pour laquelle Hippocrate croyait que le lait venait de la matrice.
N'est-ce pas à cette corrélation, à cette excitation génésique provoquée par l'allaitement qu'il faut attribuer le fait de luxure inouï, diabolique, que rapporte M. le docteur Andrieux? Un enfant, qu'on avait pourvu d'une nourrice jeune et vigoureuse, dépérissait chaque jour. Les parents affligés cherchaient en vain la cause de cet état: on finit par la découvrir. Mais où trouver des mots pour exprimer leur surprise et leur colère, quand ils trouvèrent cette malheureuse, exténuée, délirante, avec son nourrisson qui cherchait encore dans une succion affreuse, et inévitablement stérile, un aliment que les seins auraient pu seuls donner!!! Pour parvenir facilement à son but, elle attendait que le cri de la faim se fît entendre; l'enfant, dans cet instant, ouvre la bouche comme pour chercher le sein, il saisit alors avidement le bout du doigt, ou tout corps quelconque souple et arrondi qu'on place entre ses lèvres, et exerce immédiatement sur lui des efforts répétés de succion.
Les exemples d'une pareille dépravation doivent heureusement être fort rares.
La plupart des filles élevées chez des religieuses ne peuvent, selon ces dernières, plaire au Créateur que par des imperfections. Avoir de la gorge, être belle, sont assurément deux sujets de réprobation; l'enfer, ouvert à celles qui portent un sein arrondi, attend sa proie avec impatience; c'est ainsi que s'exprime le fanatisme dans l'intérieur des maisons d'éducation religieuse. Quelques jeunes filles, adoptant ces idées, prennent chaque jour quelques subtances capables d'interrompre ou d'affaiblir la nutrition: tel est, par exemple, l'usage du vinaigre bu à jeun; en altérant les forces digestives, il arrête le cours des sécrétions ou en diminue l'énergie, d'où le défaut d'accroissement des seins avec l'amaigrissement général qui résulte de cette détestable coutume. Des remèdes aussi dangereux, ou plus violents, employés dans les mêmes vues, doivent donc être bannis sans retour, puisque ce n'est qu'en détruisant la santé qu'ils amènent le changement d'organisation qu'on souhaite.
En 1829, le docteur Récamier publia un ouvrage en deux volumes, intitulé: Recherches sur le traitement du cancer par la compression méthodique simple et combinée. M. Récamier, appelé souvent dans les couvents, s'est trouvé à portée d'y faire l'observation suivante:
Dans les couvents, les religieuses, dans le but de réprimer l'envahissement mondain d'une gorge trop volumineuse, compriment les glandes mammaires avec des rondelles d'amadou. Les seins, par le fait de la compression et de l'iode qui se trouve naturellement dans l'amadou, s'atrophient; mais ce que les religieuses de nos jours n'ont pas prévu, c'est que, en raison de la solidarité dont nous nous entretenons, l'appareil reproducteur profite du retrait des glandes mammaires. Or, comme le bassin est l'expression de l'état anatomique et physiologique de la matrice, il en résulte que les hanches et les muscles fessiers des femmes soumises à cette opération acquièrent un énorme développement. Il me reste à savoir si un surcroît de nourriture et de développement de l'appareil générateur n'est pas un obstacle de plus à la chasteté; et si ces intéressantes recluses n'en ressentent pas plus vivement les aiguillons de la chair, que la religion leur défend d'écouter.
Mais il est temps de revenir à notre sujet, duquel nous nous sommes un peu écarté. Le mamelon est rose et petit aux vierges; l'aréole qui l'entoure est d'une teinte plus ou moins foncée, suivant les individus; elle l'est en général davantage chez les personnes qui ont la peau brune, les yeux et les cheveux noirs, que chez les femmes blondes, faibles et délicates. L'étendue de ce cercle est de deux centimètres environ; il s'élargit et prend une teinte plus foncée chez celles qui ont fait des enfants; le mamelon devient livide et gros aux nourrices, et il est noir et flétri chez les vieilles femmes.
Un ouvrage de ce genre ne pouvant se terminer par des matières médicales aussi sérieuses, nous donnons une fort jolie chanson de M. Aug. Gilles, pour le clore convenablement.
A qui la romance déplaît;
Chaque jour elle se complaît
A rendre ma muse gaillarde.
La gaudriole en mes cartons,
A ses yeux offre une lacune,
Elle me garderait rancune,
Si je ne chantais les tétons.
L'homme fait neuf mois de séjour;
Impatient de voir le jour,
De ses pieds il frappe à la porte.
A peine est-il né qu'à tâtons
Le jeune espiègle entre en licence,
Et, sans égards pour la décence,
A sa mère il prend les tétons.
Amis; mais je ne doute point
Que votre penchant sur ce point,
Avec le mien ne s'harmonie.
Et je crois bien que nous goûtons
Même plaisir et même ivresse,
Quand notre main frôle et caresse
Tour-à-tour deux jolis tétons.
A la pudeur qui vous régit;
Votre modestie en rougit;
Mais elle ne peut s'y soustraire.
Belles, quand nous vous accostons,
De l'arc-boutant de la nature
Votre œil furtif prend la mesure,
Le notre toise les tétons.
—Il faut enfin te décider,
Et conduire, sans plus tarder,
Au temple d'hymen Rose ou Claire.
—Papa, mon choix est fait; partons:
De Claire la beauté me flatte,
Mais elle a la poitrine plate
Et sa sœur a de gros tétons.
L'amour paraît combler leurs vœux;
C'est à leurs mutuels aveux
Pourtant que l'un à l'autre ils tiennent:
Grâce à leurs marchands de cartons,
Aux amateurs ils font des niches,
L'un avec des mollets postiches
Et l'autre avec de faux tétons.
Qui les voit poindre en son corset:
Craignez que le nœud d'un lacet
N'en comprime la peau douillette;
Qu'entre leurs deux jolis boutons
Le même espace s'interpose:
Dans vingt ans où je les pose
Qu'Amour trouve encor les tétons.
Je tiens par goût et par devoir,
Et dans aucun temps le pouvoir
Ne m'a fait changer de tactique.
Au diable les ventrus gloutons
De Villèle et de Bonaparte;
Car la liberté sans la Charte
C'est une femme sans tétons.
FIN.
19193. PARIS.—TYPOGRAPHIE LAHURE rue de Fleurus, 9
NOTES:
Pensant que le lecteur en sera satisfait, nous reproduisons ce morceau, qui du reste tient ici naturellement sa place:
Pour terminer, joua la Passion,
Et joua bien. Les conviés, dit-on,
Goûtèrent peu ce drame lamentable.
Mais un malheur qu'on n'avait pas prévu
Du dénouement égaya la tristesse:
Bien flagellé, le héros de la pièce
Était déjà sur la croix étendu.
On choisissait pour ce rôle pénible
Un jeune acteur intelligent, sensible,
Beau, vigoureux, et sachant bien mourir,
Il était nu des pieds jusqu'à la tête:
Un blanc papier qu'une ficelle arrête
Couvrait pourtant ce que l'on doit couvrir.
Charmante encore après sa pénitence,
La Magdelène au pied de la potence
Versait des pleurs: ses longs cheveux épars,
Son joli sein qui jamais ne repose,
Du crucifié attirait les regards.
Il voyait tout, jusqu'au bouton de rose;
Quelquefois même il voyait au-delà.
Prêt à mourir, cet aspect le troubla.
Il tenait bon; mais quelle fut sa peine,
Quand le feuillet vint à se soulever!
«Otez, dit-il, ôtez la Magdelène!
Otez-la donc, le papier va crever.»
Soudain il crève; et la Vierge elle-même
Pour ne pas rire a fait un vain effort.
«Le tour est bon, dit le Père suprême,
On le voit bien, le drôle n'est pas mort.»
[2] Voy. Le Bouquet de roses, ou le Chansonnier des Grâces, première année, Favre, Palais-Égalité.
[3] Visage.
[4] Bien fait, joli.
[5] Recherchée dans sa toilette.
[6] Étienne Pasquier, avocat,
naquit en 1529 et mourut en 1615.
[7] Il n'est pas besoin de faire ici l'étymologiste. Tous ceux qui entendent le François savent que le mot mamelle, qui n'est plus du bel usage, signifie la même chose que teton.
[8] Les Casuistes les plus relâchez, les Sanchez et les Escobars, condamnent l'attouchement des tétons: ils conviennent que c'est une impureté et une branche de la luxure, l'un des sept péchez mortels. Mais si je ne me trompe, ils n'imposent pas au coupable une pénitence fort sévère: et il y a plusieurs païs dans l'Europe où ils sont presque contraints de traiter cela comme les petites fautes que l'on appelle quotidianæ incursiones. On est si accoûtumé à cette mauvaise pratique dans ces pays-là, et c'est un spectacle si ordinaire jusques au milieu des rues, à l'égard surtout du commun peuple, que les casuistes mitigés se persuadent que cette habitude efface la moitié du crime: ils croient qu'on ne l'envisage point sous l'idée d'une liberté fort malhonnête, et que le scandale du spectateur est très-petit. C'est pourquoi ils passent légèrement sur cet article de la confession. Je ne pense pas que jamais aucun rigoriste ait différé pour un tel sujet l'absolution de son pénitent, non pas même dans les climats où cette espèce de patinage est peu usitée, et passe pour une de ces libertés dont les personnes de l'autre sexe sont obligées de se fâcher tout de bon. Ainsi les anabaptistes sont les plus rigides de tous les moralistes chrétiens, puisqu'ils condamnent à l'excommunication celui qui touche le sein d'une maîtresse qu'il veut épouser, et qu'ils rompent la communion ecclésiastique avec ceux qui ne veulent pas excommunier un tel galant. (Notes de Bayle.)
[9] Boileau en a fait une maligne application à Mlle de Scudéri même, l'auteur de ce roman, à laquelle tous les auteurs d'alors donnaient le nom de Sapho. Le poëte Le Brun nous retrace les écarts de Boileau, dans ses vers contre la citoyenne Th... P..., auteur de Sapho et de Camille, et autres femmes auteurs.
[10] Le recueil de ses poésies est rare. Il s'y trouve quelques morceaux faibles, mais on le lit avec plaisir. Voyez ses épigrammes et son Remède d'amour, dans le recueil intitulé: le Furet littéraire ou les Fleurs du Parnasse, 1 vol. in-12.
[11] C'est Charles II, prince aussi salace, aussi voluptueux que nos Henri III, Charles VII, Henri IV et François Ier. Le C. Mercier, auteur de l'An 2440, et de tant de drames, a fait sur ce prince un drame intitulé: Charles II dans un certain lieu. Il n'a point avoué cette production, mais nous assurons qu'elle est de lui. Un nommé Brémont a fait l'histoire scandaleuse des amours de ce roi avec Miladi Castelmaine, duchesse de Keweland et la femme de Milord Canduche, dans un petit roman allégorique intitulé Hattigé, ou les amours du roi de Tamaran, Cologne 1676. 1 vol. in-16 de 120 pages. Le duc de Buckingham joue un beau rôle dans cette chronique scandaleuse.
[12] Quintilien, Aristote, etc.
[13] Éloge des Perruques, enrichi de notes plus amples que le texte; par le docteur Akerlio (Deguerle). Paris, an VII, 1 vol. in-12.
Cet Éloge badin a trouvé grâce auprès des savants comme auprès des dames, malgré les traits malins qu'il s'est permis de décocher contre les têtes à perruques de toute espèce. Loué par tous les journaux sans en excepter la Décade, il n'a pu fléchir le courroux du terrible Victor-Campagne, dont l'œil perçant a vu tout seul, dans cet élégant badinage, une horrible contre-révolution, Voy. le Flambeau, du 18 floréal an VII.
[14] Gentil Bernard a dit (Art d'aimer, ch. II):
Offre un amour de son frère écarté.
[15] Alphonse Leroi, médecin de la Faculté de Paris, a publié, en 1772, de savantes Recherches sur l'habillement des femmes et des enfants. L'auteur de cet ouvrage utile s'y déchaîne avec une sainte colère contre l'usage des corps baleinés, dont l'usage était général à l'époque où il écrivait, et qu'un caprice de la mode menace de ressusciter aujourd'hui.
[16] Ce chapeau s'appelle, en termes techniques, bout de sein.
[17] Comme si la gorge la plus respectable ressemblait aux cantiques de feu Pompignan dont Voltaire a dit quelque part:
[18] Même spiritueuses et fermentées: le trop seul est de trop.
[19] Il y aurait presque autant d'inhumanité à défendre au beau sexe le thé au lait; ainsi, nous lui en permettons l'usage, d'autant plus que l'habitude qui, comme on sait, est une seconde nature, a mis, grâce à la mode, presque tous nos estomacs à l'anglaise.
[20] Quelle que soit notre indulgence, nous devons en conscience inviter les poitrines délicates à substituer à l'usage du thé et du café, celui du chocolat ou du cacao. Les liqueurs proprement dites peuvent être, dans le même cas, remplacées avec succès par le vin et la bière; mais le vin doit être généreux, et la bière de bonne qualité. Parmi les aliments les plus amis de la gorge sont les végétaux, les substances amylacées, riz, truffes, etc. Les ragoûts trop épicés ne sont pas sans périls; ainsi que les acides, ils minent l'embonpoint, et produisent enfin la maigreur, hideuse ennemie de la beauté.
[21] En profonds commentateurs, n'oublions pas de dire ici: «Il y a lustre et lustre; le lustre vulgaire est de cinq années, celui de la rose est de cinq minutes.»
[22] C'est ce qui fait dire à je ne sais quel poëte, en parlant de je ne sais quelle nymphe:
La pauvre Lise, à vingt ans, n'en a plus.
Pourquoi, dit-on?—C'est qu'aux chemins battus
On ne vit jamais croître l'herbe.
[23] Madame Tolleret, célèbre par ses découvertes dans l'art de restaurer les gorges, du temps de Mercier.
[24] Poppée, impératrice romaine, seconde femme de Néron. Sa Majesté tigre éventra d'un coup de pied sa royale épouse, sans respect pour sa belle gorge.
[25] L'hermodacte est l'iris tuberosa des botanistes.
[26] Nous ne parlons point ici par métaphore. La grande toilette exige aujourd'hui deux masques; un, comme on sait, sur le visage, l'autre sur la poitrine.
[27] Nous n'avons point en France le bois mobile et léger dont se servent, pour cet usage, les Bayadères, mais nous pouvons le remplacer avec avantage par la gomme élastique, qui, par sa flexibilité et sa légèreté, ne peut froisser ni déformer les contours qu'elle serait destinée à faire éclore. On connaît à présent le moyen de dissoudre cette gomme ou plutôt ce gluten animal.
[28] Le Camus, homme grave, érudit, et qui s'honora cependant de tracer l'hygiène de la beauté sous le nom d'Abdeker.
[29] On pourrait nous reprocher nos citations latines, celle-ci s'excuse d'elle-même, et les mères prudentes nous en sauront gré; quant aux autres, nous avons ménagé, aux jeunes agréables du jour, l'occasion de se montrer, auprès des belles, érudits à peu de frais.
[30] Cette pommade rappelle l'aventure assez plaisante du jeune abbé de Fl..., qui, en ayant trouvé sur une toilette et ayant les lèvres gercées, les en frotta innocemment et sans penser à mal, mais avec un tel succès, que le matin, en s'éveillant, il ne pouvait ouvrir la bouche. Pareille aventure arriva également à M. le comte de Rochefort. Voici comment il la raconte dans ses Mémoires. Mlle de Menneville, fille d'honneur de la reine mère, ayant demandé à ce dernier un habit d'homme, en secret:
«Je le lui portai dans sa chambre. Mais comme il n'y avoit personne pour le recevoir, je le mis sous son lit où elle m'avoit dit de le mettre, et m'en fus causer avec la bonne femme Mme du Tilleul, sous-gouvernante des filles, qui étoit de mes bonnes amies. Comme toutes les chambres des filles, ou, pour parler plus juste, toutes les loges étoient ouvertes, car elles ressembloient proprement à celles des comédiens, j'aperçus, en me promenant avec elle, sur une toilette, des peignes, une boëte à poudre, et tous les autres ingrédiens qui servent à l'ajustement d'une fille, et niant remarqué entr'autres choses une petite boëte de pommade, j'en voulus prendre pour me frotter les mains que j'avois un peu rudes. Je la trouvai toute d'une autre couleur que celle de l'ordinaire, ainsi croiant qu'elle pouvoit servir aux lèvres, où j'avois un peu mal, j'en mis assez imprudemment. Mais je ne fus pas longtemps à m'en repentir, au même temps mes lèvres me firent un mal enragé, ma bouche se rétrécit, mes gencives se ridèrent, et quand je vins à vouloir parler, je fis rire tellement Mme du Tilleul, que je jugeai qu'il falloit que je fusse bien ridicule. Ce qui fut le pis fut que je ne pus presque articuler aucune parole, et, courant promptement à un miroir, je me fus regarder, et me fis tant de honte à moi-même, que je m'enfuis pour me cacher. En m'en allant je trouvai M. le duc de Roquelaure qui entroit pour venir faire la cour à quelqu'une des filles, et étant tout étonné de me voir de la sorte, il me demanda qui m'avoit mis en cet état. Je lui contai naïvement mon infortune, à quoi il me fit réponse, en se moquant de moi, que je n'avois que ce que je méritois, qu'à mon âge je devois savoir qu'il y avoit de toutes sortes de pommade; que celle que j'avais prise n'étoit ni pour les mains ni pour les cheveux, et qu'elle étoit un peu plus rare. Il me quitta après s'être ainsi raillé de moi, et s'en allant dans la chambre de la reine-mère, il lui fit sa cour à mes dépens. Aussitôt tout le monde accourut pour me voir, et voiant que j'avais aprêté manière de rire, j'en aurois ri, tout le premier, s'il m'avoit été permis d'ouvrir la bouche. Cette aventure fut le sujet de l'entretien de toute la cour, pendant plus de huit jours, et on le manda même à Nantes, où le roi étoit, qui pour être si sérieux ne put s'empêcher de rire. Pour moi, j'en avois tout autant d'envie que les autres quand je pensois à cet accident, mais quoi que je m'étuvasse la bouche d'eau fraîche, et tantôt de vin tiède, il n'y eut que le temps qui m'aporta du soulagement.»
[31] Portrait exact de Mme de Pompadour.
A deux jolis trous sur la joue,
Deux trous charmans où le plaisir se joue,
Qui furent faits par la main de l'Amour.»
[32] Ce vêtement couvre trop le nu, il faut l'échancrer davantage.
Pygmalion, scène lyrique. J. J.
[33] Quant aux jeunes vierges à qui la décence interdit le secours d'une main caressante, il est un moyen qu'elles pourront employer sous l'œil d'une mère flattée d'ajouter à leurs perfections, sans admettre un tiers dans leur confidence; le voici: appliquez sur la place de la gorge un hémisphère en bois léger et creux ou en gomme élastique et percé à son milieu, à peu près comme les ventouses de verre, dont se servent les jeunes accouchées pour aspirer le lait; à l'orifice s'adapterait un tube de verre ou un tuyau de gomme élastique, au moyen duquel une succion plusieurs fois répétée, chaque jour, finirait par développer l'attrait tant souhaité.
Note du manuscrit.
Un de nos amis qui, dans son voyage en Égypte, a su à la fois faire des observations sur l'art de guérir et sur les mœurs, nous assure que les femmes de ce pays se servent, avec succès, pour la même intention, de la mie d'un pain arrondi, façonnée au contour de la forme que l'on désire, et appliquée encore chaude sur le sein. Cette substance, dit ce savant que réclame avec honneur la chirurgie française, porte en elle un principe végéto-animal, qui, développé par le calorique, pénètre rapidement le sein, excite l'érection de ses papilles nerveuses, gonfle le système glanduleux, et y cause un ferment, un prurit voluptueux, bientôt suivis du développement successif de l'appareil mammaire et du tissu cellulaire qui le recouvre. C'est ce même principe vireux qui agit si énergiquement comme dérivatif de l'humeur goutteuse aux extrémités inférieures, en appliquant du levain à la plante des pieds. On pourrait activer ce moyen par de légères frictions d'huile très-volatile sur le sein, et d'une lotion astringente sur les parties qui l'environnent; au reste, le volupté fait éclore la gorge, comme le printemps fait éclore la rose, et tous les praticiens connaissent la correspondance de l'utérus au sein.
[34] La belle Pompadour suivit le conseil du jeune docteur,
elle acquit en effet l'attrait qui manquait seul à ses charmes, et
ouvrit, par reconnaissance, à son médecin une carrière qu'il parcourut
avec éclat.
Si l'on trouve ce fragment un peu libre, accusons-en plutôt nos mœurs
que l'auteur qui vivait dans un temps où le Français se scandalisait
plus des actions que des écrits; il pense maintenant tout le contraire,
et l'on ferait aujourd'hui le procès de Vénette, Tissot et
Montesquieu s'ils publiaient l'Onanisme, le Tableau de l'amour
conjugal et le Temple de Gnide; en sommes-nous plus chastes et plus
vertueux? l'interprétation que l'on donnera à cet article répondra à
cette question. Au surplus, nous protestons de la pureté de nos motifs,
et nous n'avons point écrit pour les Tartuffes de mœurs, mais pour
cette belle moitié du genre humain qui ne connaît de mal que celui que
les pervers lui enseignent.