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Faust [première partie]

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MÉPHISTOPHÉLÈS.

Il va se plonger tout-à-l'heure dans une mare, c'est la façon dont il se soulage; et quand une sangsue s'est gorgée de son sang, il est alors guéri des Esprits et de l'esprit. (À Faust qui a quitté la danse.) Pourquoi lâches-tu la jolie fille qui t'excitait à la danse par des chants si agréables?

FAUST.

Ah! au milieu de ses chants, une souris rouge lui est sortie de la bouche.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Voilà quelque chose de bien redoutable! On n'y regarde pas de si près: que la souris soit rouge ou grise, il n'importe. Qui va tenir compte de pareille bagatelle dans un moment comme celui-ci, à l'heure du berger?

FAUST.

Mais que vois-je?

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Hé?

FAUST.

Méphisto, ne vois-tu pas une jeune fille pâle et belle, qui se tient seule dans l'éloignement? Elle s'avance à pas lents; on dirait, à sa démarche, qu'elle a les fers aux pieds... Je jurerais que c'est ma bonne Marguerite elle-même.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Laisse cet objet, on ne se trouve jamais bien de le regarder. C'est une figure magique, inanimée, un fantôme. Il n'est pas bon de le rencontrer sur sa route; son regard fixe glace le sang de l'homme, et le convertit presque en pierre: tu as bien entendu raconter l'histoire de Méduse?

FAUST.

Assurément ce sont là les yeux d'un mort, qu'une main amie n'a point fermés; c'est là le sein que Marguerite m'a livré, c'est le corps charmant que j'ai possédé.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

C'est de la magie, homme simple, fou que tu es: car chacun y croit reconnaître sa maîtresse.

FAUST.

Quels transports!... Quelles tortures!... Je ne puis m'arracher de ce spectacle... Mais quoi de plus étrange que le ruban rouge qui entoure ce beau cou, et qui n'est pas plus large que le dos d'un couteau!

MÉPHISTOPHÉLÈS.

C'est juste, je le vois comme toi. Elle peut même porter sa tête sous son bras, puisque Persée la lui a coupée. Bah! laisse cette chimère. Viens plutôt sur la colline en face: elle est aussi agréablement disposée que le Prater de Vienne; et je me trompe fort, ou j'y vois un théâtre dans toutes les règles. Qu'y a-t-il donc là?

UN SERVANT.

On commence à l'instant une nouvelle pièce, la dernière pièce de sept: on est ici dans l'usage d'en donner ce nombre, ni plus, ni moins. Un amateur l'a écrite, et ce sont des amateurs qui la jouent. Pardonnez, messieurs, si je disparais; c'est que je suis l'amateur qui lève le rideau.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Que je vous trouve sur le Blocksberg[25], à la bonne heure; au moins vous y êtes à votre place[26].


SONGE

D'UNE NUIT DE SABBAT, ou

LES NOCES D'OR D'OBERON ET TITANIA.


INTERMÈDE.

DIRECTEUR DE THÉATRE.

De Mieding[27] enfants intrépides,
Nous avons ce soir congé net.
Vieille montagne et vals humides,
Telle est la scène du ballet.

HÉRAUT.

Ce n'est qu'après cinquante années,
Que les noces sont d'or. Grand mal!
Mais les brouilles sont terminées[28],
Puis l'or est un divin métal.

OBERON.

Êtes-vous Esprits de ma trempe?
Sachez le montrer en ce jour.
La reine et le roi vont d'Amour
Rallumer la nocturne lampe.

PUCK[29].

Puck entre, et se meut de travers,
Et traîne son pied en spirales.
Plus loin dansent, par intervalles,
De légers couples dans les airs.

ARIEL[30].

Ariel, en gonflant sa joue,
Module un son aérien.
À faux souvent le flûteur joue,
Mais parfois il rencontre bien.

OBERON.

Qui veut la paix dans son ménage,
N'a qu'à prendre exemple de nous:
Pour le bonheur du mariage
Il faut séparer les époux.

TITANIA.

Le mari sa femme importune?
La femme boude son mari?
Au fond du Nord conduisez l'une,
Menez l'autre au fond du Midi.

ORCHESTRE, TUTTI.

(Fortissimo.)

Insectes lourds suçant les roses,
Becs de mouche, nez de cirons,
Grenouilles, crapauds et grillons:
Voilà, messieurs, nos virtuoses.

SOLO.

Le basson nous vient par le bac:
D'une outre enflée il a la mine.
Entendez-vous le chnec-chnic-chnac
Qui sort de sa large narine?

ESPRIT qui vient de se former.

Prends cet embryon dans ce coin,
Mets-lui des ailes à la tête:
Ce n'est rien, c'est moins qu'une bête;
Mais c'est un poème au besoin[31].

UN PETIT COUPLE.

Sur les fleurs, le long des rigoles,
Tu cours et sautilles vraiment
On ne saurait plus lestement;
Mais aux cieux jamais tu ne voles[32].

VOYAGEUR CURIEUX.

Dois-je bien en croire mes yeux?
N'est-ce point une mascarade?
Rencontrer dans ma promenade
Oberon, le plus beau des Dieux!

ORTHODOXE.

Quoi! pas de griffes, pas de queue!
C'est pourtant, à ce que je vois,
Comme les Dieux des Grecs sans foi[33],
Un Diable on le sent d'une lieue.

ARTISTE DU NORD.

Ce que je fis jusqu'à ce jour
N'est qu'ébauches, traits de génie;
Mais attendez, en Italie
Je me prépare à faire un tour.

PURISTE[34].

Ah! mon malheur ici m'amène.
Quels désordres immodérés!
Dans cette foule, sur la plaine,
Il n'en est que deux de poudrés.

JEUNE SORCIÈRE.

La poudre, ainsi que la chemise,
Sied aux femmes sur le retour.
Sur un bouc je suis, nue, assise,
Car mon corps ne craint pas le jour.

MATRONES.

Nous avons trop de savoir-vivre
Pour rabattre ici vos grands airs.
Votre jeunesse vous enivre,
Mais attendons l'âge... et les vers.

MAÎTRE DE CHAPELLE.

Ne voilez point la beauté nue...
Becs de mouche, nez de cirons.
Grenouilles crapauds et grillons,
En mesure, ou bien je vous tue.

GIROUETTE tournée d'un côté.

Réunion charmante à voir.
Les femmes les plus agréables,
Et les hommes les plus aimables!
Tous jeunes gens riches d'espoir.

GIROUETTE tournée de l'autre côté.

Si la terre ne s'ouvre vite,
Et ne les coule tous à fond,
La tête me tourne, et d'un bond
Dans l'enfer je me précipite.

XÉNIES[35].

Vrais insectes nous sommes là,
Tenant une maligne pince,
Pour rendre honneur au puissant prince,
À Satan, notre cher papa.

HENNINGS[36].

Les entendez-vous, ces harpies,
Naïvement médire en chœur?
Puis elles sont assez hardies
Pour se vanter de leur bon cœur!

MUSAGÈTE[37].

Dans les danses de ces Sorcières,
Je ne me déplais certes pas;
Car je puis mieux guider leurs pas,
Que les pas des Muses légères.

CI-DEVANT GÉNIE DU TEMPS[38].

Ma foi! hurlons avec les loups.
Porte-moi sur cette montagne;
C'est un Parnasse d'Allemagne,
On y trouve place pour tous.

VOYAGEUR CURIEUX.

Quel est ce grand qui court si vite,
Et qui se rengorge en courant?
Son nez partout il va fourrant.
—C'est qu'il fait la chasse au jésuite[39].

GRUE.

En eaux troubles je pêche aussi,
Quand je n'en ai de plus sortables.
C'est pourquoi vous voyez ici
L'homme pieux parmi les Diables.

MONDAIN.

Oui, pour les pieux, croyez-moi,
Tout est instrument, véhicule:
Dans l'enfer, au nom de la foi,
Se tient plus d'un conventicule.

DANSEUR.

Voici venir des chœurs nouveaux.
Les tambours battent, le ciel tonne...
Paix! le héron dans les roseaux
Redit sa chanson monotone.

DOGMATIQUE[40].

Sans en démordre, je maintien
Qu'au doute la raison s'oppose;
Car si le Diable n'était rien,
Comment serait-il quelque chose?

IDÉALISTE.

L'imagination bientôt
Va prendre sur moi trop d'empire;
Et, si je suis tout, il faut dire
Que je suis aujourd'hui bien sot.

RÉALISTE.

Je sonde l'Être et me démène
À tel point que j'en perds le sens:
Pour la première fois je sens
Ma démarche errer incertaine.

SUPERNATURALISTE.

Oh! que j'ai de contentement
À voir défiler ces phalanges!
Car je peux rigoureusement
Conclure des Diables aux Anges.

SCEPTIQUE.

Courant après maints feux follets,
Chacun voit de l'or dans du sable.
Puisque le doute sied au Diable[41],
Ici je demeure et m'y plais.

MAÎTRE DE CHAPELLE.

Amateurs sans goût, pures bêtes,
Becs de mouches, nez de cirons,
Grenouilles, crapauds et grillons,
Ah! quels virtuoses vous êtes

LES SOUPLES[42].

Quant à nous, rien ne nous arrête:
Sans-souci, voilà notre nom;
Nous marchons sur les pieds, sinon
Nous marchons très-bien sur la tête.

LES EMPÉTRÉS.

Nous fûmes de bons pique-assiettes;
Mais ayant usé nos souliers
À faire aux princes des courbettes,
Maintenant nous allons nu-pieds.

FEUX-FOLLETS.

Nous sommes enfants de la boue
Qui corrompt les dormantes eaux:
Mais en vrais paons faisons la roue,
Puisqu'ici l'on nous trouve beaux.

ÉTOILE TOMBANTE.

Du haut des cieux que ma lumière
Tant de milliers d'ans éclaira;
Je tombe, et gis dans la poussière.
Sur mes pieds qui me remettra?

LES MASSIFS.

Place! place! les herbes ploient,
Le sol cède, l'arbre se rompt.
Les Esprits, tout Esprits qu'ils soient,
Ont parfois des membres de plomb.

PUCK.

Hé! seigneurs éléphants, de grâce,
Daignez marcher d'un pas moins lourd.
Que le moins leste dans ce jour
Soit Puck à la mobile face

ARIEL.

Si la nature, si l'esprit
Vous a pourvus d'ailes divines,
Suivez-moi tous sur ces collines,
Où la rose à l'ombre fleurit.

ORCHESTRE.

(Pianissimo.)

Un brouillard s'élève et voltige,
On entend gémir les roseaux...
C'est le vent qui rase les eaux,
Tout a fui comme un vain prestige.


JOUR NÉBULEUX.—UNE PLAINE.

MÉPHISTOPHÉLÈS, FAUST[43].


FAUST.

Dans la misère, dans le désespoir; entraînée long-temps sur une pente funeste, sur la pente de l'abîme et maintenant captive, jetée comme une criminelle au fond d'un cachot, où l'attendent d'effroyables supplices!... La céleste, l'infortunée créature!... Jusque-là... jusques à ce point!... Traître, méprisable Esprit, tu me l'as caché!... Reste donc, reste ici, roule avec colère, dans leur orbite, tes yeux de Démon! Reste et brave-moi par ton insupportable présence!... Captive, dans une irréparable misère; livrée aux mauvais Esprits et à la justice barbare des hommes!... Et pendant ce temps, tu me fais courir à de hideux divertissements, tu me caches sa détresse toujours croissante, et tu la laisses périr sans secours!

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Elle n'est pas la première.

FAUST.

Chien, abominable monstre!... Rends-lui, Esprit infini, rends à ce vermisseau cette forme de chien, sous laquelle il s'est amusé tant de fois à rôder pendant la nuit, pour mordre les jambes du voyageur paisible, et se jeter sur ses épaules quand il l'avait renversé: rends-lui cette forme favorite que devant moi dans le sable il rampe sur son ventre, et que je le foule aux pieds, l'infame!—«Ce n'est pas la première!»—Horrible idée, idée incompréhensible à toute âme humaine! Que plus d'une créature ait été plongée dans l'abîme d'une telle misère; que la première, dans les agonies de sa mort, n'ait pas payé pour toutes les autres aux regards de l'éternelle pitié! La misère d'une seule a suffi pour glacer jusqu'à la moelle de mes os; et toi, tu souris tranquillement, en parlant du sort affreux de quelques milliers d'entre elles!

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Nous sommes à peine à l'a. b. c. de notre esprit, que déjà, vous autres hommes, vous l'avez perdu. Pourquoi fais-tu société avec nous, si tu n'en peux supporter les conséquences? Tu veux voler, et tu crains le vertige!... D'ailleurs est-ce moi qui me suis jeté à ta tête, ou toi à la mienne?

FAUST.

Ne grince pas tes dents de tigre si près de moi, tu me fais horreur!... Esprit sublime, toi qui m'as jugé digne de te contempler, toi qui connais mon cœur et mon âme, pourquoi m'as-tu attelé au même joug que ce misérable, qui se nourrit de désastres, qui se complaît dans la destruction?

MÉPHISTOPHÉLÈS.

As-tu fini?

FAUST.

Sauve-la ou malheur à toi, la plus effroyable malédiction sur toi, aux siècles des siècles!

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Je ne peux pas dénouer les chaînes de la vengeance, je ne peux pas ouvrir les verrous.—«Sauve-la»—Lequel donc de nous deux l'a précipitée dans l'abîme? Est-ce moi ou toi? (Faust lance autour de lui des regards furieux.) Vas-tu prendre en main le tonnerre? Heureusement qu'il ne vous fût point confié, chétifs mortels! Foudroyer l'innocent qui vous résisterait, ce serait un petit plaisir que vous vous donneriez quelquefois.

FAUST.

Conduis-moi dans sa prison, il faut qu'elle en sorte!

MÉPHISTOPHÉLÈS.

C'est t'exposer à un grand péril; as-tu déjà oublié le meurtre, dont ta main ensanglanta cette ville? Sur la demeure de la victime planent des Esprits vengeurs, qui épient le retour de l'assassin.

FAUST.

Et c'est de toi qu'il faut l'entendre? Ruine et mort de tout un monde sur toi, monstre!... Conduis-moi dans sa prison, te dis-je, et délivre-la!

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Eh bien, je t'y conduirai; et, quant à ce que je peux faire pour sa délivrance, le voici... Ai-je, moi, tout pouvoir dans le ciel et sur la terre?... J'endormirai le geôlier, et je te mettrai en possession de la clef; il faudra ensuite la main d'un homme, pour ouvrir les portes: charge-t'en. Je serai là avec des chevaux enchantés, prêt à vous emmener tous les deux. C'est tout ce que je puis faire.

FAUST.

Partons donc!



LA NUIT.—UNE RASE CAMPAGNE.

FAUST, MÉPHISTOPHÉLÈS, sur des chevaux noirs hennissant.


FAUST.

Que vois-je remuer autour de ce gibet?

MÉPHISTOPHÉLÈS.

J'ignore ce qu'ils veulent faire.

FAUST.

Ils vont et viennent, ils se baissent et se relèvent.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

C'est une assemblée de Sorciers.

FAUST.

Ils sèment et consacrent.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

En avant! En avant!


UN CACHOT.

FAUST, un trousseau de clefs dans une main, une lampe dans l'autre, debout devant une petite porte en fer.


FAUST.

Il y a long-temps que je n'ai éprouvé une horreur si profonde; toutes les misères de l'humanité sont concentrées en moi seul. C'est ici qu'elle habite, derrière ce mur humide; et duel fût son crime? une douce illusion. Tu trembles de l'approcher, tu crains de la revoir!... Entrons, mon abattement ne fait que hâter sa mort.

(Il détache une des clefs. On entend chanter au-dedans du cachot.)

Ma mère, la catin,
Qui m'a tuée!...
Mon père, le coquin,
Qui m'a mangée!...
Ma jeune sœur,
À la faveur
De la nuit sombre,
En un lieu frais
Que je connais,
À l'ombre,
Jeta mes os,
Dans des roseaux,
Sous un saule,
À l'eau.
Là, je devins petit oiseau,
Et vole, vole!

FAUST, ouvrant la porte.

Elle ne se doute pas que son amant l'écoute... J'entends le bruit des fers qui traînent à terre, et de la paille qui se froisse.

(Il entre.)

(MARGUERITE paraît, s'enveloppant dans sa couverture.)

MARGUERITE.

Dieu, Dieu, ils viennent!... Affreuse mort!

FAUST bas.

Silence, je viens te délivrer.

MARGUERITE se traînant jusqu'à lui.

Si tu es un homme, sois touché de mon infortune.

FAUST.

Tes cris vont réveiller les gardes.

(Il saisit les chaînes pour les détacher.)

MARGUERITE à genoux.

Bourreau, qui t'a donné cette puissance sur moi?... Tu viens déjà me chercher, dès minuit? Aie pitié de moi, et laisse-moi vivre encore. Demain, au point du jour, ne sera-ce pas assez tôt? (Elle se relève.) Je suis si jeune, si jeune... et déjà il faut mourir... J'étais belle aussi, et ce fût ma perte... Mon ami était alors près de moi; il est bien loin maintenant; ma guirlande est arrachée, ses fleurs sont dispersées... Ne me saisis pas avec tant de violence, épargne-moi; que t'ai-je fait?... Ne me laisse pas pleurer en vain... Je ne t'ai jamais vu de ma vie!

FAUST.

Comment résister à tant de douleurs?

MARGUERITE.

Je suis tout-à-fait en ta puissance; permets-moi une fois seulement d'allaiter encore mon enfant. Je l'ai serré contre mon cœur toute la nuit; ils me l'ont pris pour me faire du chagrin, et ils disent à présent que je l'ai tué... Jamais je ne reprendrai ma gaité: ils chantent des chansons sur moi... C'est bien méchant de leur part!... Un vieux conte finit comme cela: Que veulent-ils donc dire?

FAUST se jette à ses pieds.

Ton amant est à tes genoux, il vient briser tes horribles chaînes.

MARGUERITE faisant de même.

Oui, mettons-nous à genoux, pour implorer les saints... Vois-tu, sous ces degrés et sur le seuil de cette porte, les chaudières bouillantes de l'enfer? Vois-tu le Malin qui grince les dents de colère, et qui fait un épouvantable bruit?

FAUST à haute voix.

Marguerite! Marguerite!

MARGUERITE d'un air attentif.

C'était la voix de mon ami. (Elle s'élance brusquement, ses fers tombent.) Où est-il? Je l'ai entendu appeler, je suis libre, personne ne m'arrêtera; je veux me jeter à son cou, me reposer sur son cœur; il a appelé Marguerite, il était près de la porte; au milieu des hurlements et du fracas de l'enfer, à travers l'amère ironie du Démon, j'ai reconnu sa douce voix, sa voix si tendre!

FAUST.

C'est moi-même.

MARGUERITE.

C'est toi? Oh! dis-le encore une fois! (Elle le saisit.) C'est lui, c'est lui! Où est la douleur? Où est l'angoisse des fers et du cachot? C'est toi... tu viens me sauver... je suis sauvée!... Je revois la rue où je t'aperçus pour la première fois, elle est là; et voici le beau jardin où, Marthe et moi nous t'attendions.

FAUST s'efforçant de l'entraîner.

Viens avec moi, viens.

MARGUERITE.

Oh! reste, reste; j'aime tant à être où tu es!

(Elle l'embrasse.)

FAUST.

Hâte-toi; si tu tardes encore, nous le paierons bien cher!

MARGUERITE.

Comment, tu ne peux plus m'embrasser? Absent depuis si peu de temps, mon ami ne sait déjà plus m'embrasser?... Pourquoi ai-je donc le cœur si serré près de toi? Quand je me souviens qu'une seule de tes paroles, qu'un seul de tes regards m'ouvrait le ciel, et que tu m'embrassais jusqu'à m'étouffer... Embrasse-moi donc, ou je vais t'embrasser la première. (Elle se pend à son cou.) Oh! ciel! tes lèvres sont froides, elles sont muettes... Qu'as-tu fait de ton amour? Qui me l'a ravi?

(Elle se détourne de lui.)

FAUST.

Viens, suis-moi, douce amie; prends courage. Je t'aime avec transport, je t'aime avec fureur! Suis-moi, je ne te demande que cela.

MARGUERITE le regardant fixement.

Est-ce donc toi? Est-ce toi, bien sûr?

FAUST.

Oui, c'est moi. Viens, viens.

MARGUERITE.

Tu brises mes chaînes, et tu me reprends dans tes bras!... D'où vient que tu n'as pas horreur de moi?... Mais sais-tu bien, mon ami, qui tu délivres?

FAUST.

Viens, viens, te dis-je. Déjà la nuit est moins sombre.

MARGUERITE.

J'ai tué ma mère; mon enfant, je l'ai noyé. Ne te fût-il pas donné, à toi, comme à moi? Oui, à toi... C'est toi! j'ai peine à le croire. Donne-moi ta main... ce n'est pas un songe... ta main chérie!... Oh! mais elle est humide; essuie-la, je crois qu'il y a du sang... Ah! Dieu! qu'as-tu fait?... Rengaine ton épée, je t'en supplie!

FAUST.

Ce qui est fait est fait, laisse là le passé, tu me feras mourir.

MARGUERITE.

Non, il faut que tu vives, toi. Je vais te décrire les tombeaux que tu dois élever demain. Donne à ma mère la meilleure place, mets mon frère tout près d'elle, moi un peu de côté... pas trop loin pourtant, et mon enfant à ma droite. Du reste, personne ne doit reposer près de moi... Reposer à tes côtés, c'eût été pour moi un grand bonheur; mais il ne m'appartient plus; j'ai beau m'efforcer de me rapprocher de toi, il me semble toujours que tu me repousses violemment... Et cependant c'est bien toi; et tu me regardes avec tant de bonté, de tendresse!

FAUST.

Si tu sens que c'est moi, viens donc!

MARGUERITE.

Dehors?

FAUST.

À la liberté.

MARGUERITE.

Dehors, il y a mon tombeau; la mort me guette.—«Viens donc!»—J'irai d'ici dans la couche éternelle, et je ne ferai pas un pas de plus... Tu pars déjà? O Henri, si je pouvais t'accompagner!

FAUST.

Tu le peux, tu n'as qu'à le vouloir, la porte est ouverte.

MARGUERITE.

Pourquoi sortir, n'ayant rien à espérer? À quoi bon fuir, quand ils me guettent au passage?... Il est si triste d'être réduite à mendier, et encore avec une mauvaise conscience! Il est si triste d'errer en pays étranger... et d'ailleurs ils sauraient bien m'y retrouver.

FAUST.

Je reste auprès de toi.

MARGUERITE.

Vite, vite, sauve ton pauvre enfant. Pars; suis d'abord le grand chemin le long du ruisseau, remonte ensuite le sentier au fond du bois, sur la gauche, à l'endroit de la bonde, dans l'étang; prends-le vite par la main, il la tendra vers toi, il se débat encore... Sauve-le! Sauve-le!

FAUST.

Reviens à toi. Un seul pas, et tu es libre.

MARGUERITE.

Si nous avions seulement passé la montagne! Là, ma mère est assise sur une pierre... Le froid me saisit à la nuque. Là, ma mère est assise sur une pierre, et elle branle la tête: elle ne fait point signe du doigt, elle ne cligne point de l'œil; sa tête est lourde... elle dort depuis si longtemps! Plus de réveil!... Elle dormait autrefois pour nos plaisirs... C'étaient d'heureux temps!

FAUST.

Puisque les pleurs, puisque les prières ne peuvent rien sur toi, je saurai t'emporter hors d'ici.

MARGUERITE.

Laisse-moi! Non, je ne souffrirai point la violence; ne porte pas sur moi tes mains meurtrières, ne me saisis pas ainsi!... Souviens-toi que j'ai tout fait pour te plaire.

FAUST.

Le jour paraît. Mon amie, ma douce amie!

MARGUERITE.

Le jour?... Oui, il fait jour; mon dernier jour pénètre ici... Ce devait être mon jour de noces!... Ne dis à personne, au moins, que tu étais déjà près de Marguerite... Oh! ma guirlande, où est-elle?... Nous nous reverrons, mais non pas au bal... La foule se presse, et on ne l'entend pas; la place, les rues ne peuvent la contenir; la cloche sonne, le signal est donné[44]... Comme ils me prennent et m'enchaînent! Me voici déjà montée sur l'échafaud, déjà tombe sur le cou de chacun des spectateurs le tranchant qui s'abat sur le mien... Le monde est muet comme un tombeau.

FAUST.

Ah! pourquoi suis-je né?

(MÉPHISTOPHÉLÈS se montre à la porte.)

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Hors d'ici, ou vous êtes perdus. Que de paroles inutiles, que de délais et d'incertitudes! Mes chevaux frissonnent, l'aube blanchit l'horizon.

MARGUERITE.

Qui s'élève de terre?... C'est lui! C'est lui! Chassez-le. Que veut-il dans le saint lieu?... Il veut mon âme!

FAUST.

Il faut absolument que tu vives.

MARGUERITE.

Justice de Dieu, je me suis abandonnée à toi.

MÉPHISTOPHÉLÈS à Faust.

Viens toi-même, ou je te laisse avec elle sous le couteau.

MARGUERITE.

Je suis à toi, Père céleste! Anges, déployez vos saintes armées, protégez-moi... Henri, tu me fais horreur!

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Elle est jugée.



VOIX d'en haut.

Elle est sauvée.

MÉPHISTOPHÉLÈS à Faust.

Ici! À moi!

(Il disparaît avec Faust.)

VOIX du fond, s'affaiblissant par degrés.

Henri! Henri!

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA TRAGÉDIE DE FAUST[45].


NOTES.

NOTES DE LA PRÉFACE.

[1]Cette traduction avait paru, pour la première fois, en 1825, dans la collection des Œuvres dramatiques de J. W. Goethe, que publièrent alors les libraires Sautelet et Cie. Encouragé par l'accueil bienveillant, mais trop peu mérité, qu'elle reçut à cette époque du public allemand et de M. de Goethe lui-même, l'auteur ne la réimprime aujourd'hui, qu'après l'avoir revue d'un bout à l'autre avec tout le soin dont il est capable, et lui avoir fait subir de nombreuses corrections. Ce nouveau travail, il est vrai, n'a servi, malgré le scrupule qui y a présidé, ou plutôt à cause de ce scrupule, qu'à lui mieux démontrer son impuissance. Mais au moins, s'il vient encore d'échouer dans son entreprise, sa vanité seule en pourra souffrir il n'aura manqué que de talent.

[2]Afin de donner une idée du système de versification adopté par le poète dans la partie dramatique de Faust, nous avons fait exception à notre règle, et traduit en vers toute une scène, celle intitulée Prologue dans le ciel. Nous avons choisi de préférence cette scène-là, parce qu'elle se trouve en dehors de l'ouvrage, et que les interlocuteurs sont eux-mêmes en dehors de la sphère d'action des personnages qui figurent dans la tragédie.


NOTES DU TEXTE.

[1] «Il y a des anges qui ont le soin et la direction des choses humaines. Un de ceux-là est appelé Raphaël, le «second Gabriel et le troisième Michel.» (Histoire du Docteur Fauste, Part. I, Chap. 17.)

[2] Ce qui a été publié de Faust, n'est effectivement qu'une première partie du vaste drame, dont la vie de ce personnage, à partir de l'instant où il engage son âme, devait faire le sujet; car, à la fin de la dernière scène, loin de l'emporter aux enfers en l'emmenant avec lui, le Diable l'arrache ainsi, au contraire, à la mort inévitable qu'il eût trouvée, s'il fût demeuré plus long-temps dans le cachot de Marguerite. Néanmoins comme, d'une part, en se décidant à continuer de vivre dans la compagnie de Méphistophélès, le docteur Faust consomme sa perdition; et que, de l'autre, après avoir inutilement attendu pendant quarante années la seconde partie de l'ouvrage, le public commençait à en désespérer absolument, nous allions effacer ce titre; quand, tout d'un coup, la publication de cette seconde partie nous fût annoncée par l'auteur lui-même: l'effacer malgré cela, c'eût été reculer devant l'espèce d'engagement qu'un tel titre nous faisait prendre, et que nous aimions à contracter, de donner, un jour, un pendant au présent volume; nous l'avons donc laissé subsister. Voici un extrait de la lettre que M. de Goethe nous fit l'honneur de nous adresser à ce sujet, le 4 avril 1827. Ayant, à cette époque, ouï dire qu'il se proposait de publier incessamment une scène, jusque-là inédite, de Faust, nous l'avions prié d'avoir la bonté de nous la communiquer, afin que nous pussions en joindre la traduction à celle du reste de l'ouvrage: «Dans ce moment,» nous répondit-il, «il ne sera rien ajouté à la première partie de Faust, que vous avez eu' l'obligeance de traduire; «elle restera absolument telle qu'elle est. Le nouveau drame que j'ai annoncé, sous le titre d'Hélène, est un intermède appartenant à la seconde partie; et cette seconde partie est complètement différente de la première, soit pour le plan, soit pour l'exécution, soit enfin pour le lieu de la scène, qui est placé dans des régions plus élevées. Elle n'est point encore terminée; et c'est comme échantillon seulement, que je publie l'intermède d'Hélène, lequel doit y entrer plus tard. La presque totalité de cet intermède est écrite en vers ïambiques, et autres vers employés par les anciens, dont il n'y a pas trace dans la première partie de Faust. Vous vous convaincrez vous-même, quand vous le lirez, qu'il ne peut en aucune façon se rattacher à la première partie, et que M. Motte nuirait au succès de sa publication, s'il voulait essayer de l'y joindre. Mais si, après l'avoir lu, vous le trouvez assez de votre goût, pour avoir envie de le traduire; s'il inspire, en outre, quelque artiste, qui se sente le talent comme le désir d'en crayonner les diverses situations; et si, enfin, de son côté, M. Motte ne répugne pas à publier ce nouvel ouvrage: je vous garantis qu'il pourra se suffire à lui-même. Car, ainsi que je l'ai déjà dit, et que vous le verrez bientôt par vos yeux, il forme un tout complet et a une étendue convenable, etc.»

[3] Macroscome paraît signifier univers, littéralement grand monde.

[4] Il s'agit sans doute ici de l'une de ces épidémies, connues sous le nom de pestes noires, qui ravagèrent l'Europe à diverses reprises dans le moyen âge.

[5] Jargon d'alchimie.

[6] La Clef de Salomon est un livre de magie attribué à ce prince, qui était grand sorcier au dire des Orientaux. Ce livre est en effet la Clef de l'art magique; on y trouve, dans le plus grand détail, les formules et cérémonies les plus efficaces pour évoquer ou pour conjurer le Démon.

[7] «Le docteur Fauste demanda au Diable comme il s'appelait, quel était son nom. Le Diable lui répondit qu'il «s'appelait Méphostophilis.» (Histoire du Docteur Fauste, Part. I, Chap. 7.)

[8] Figure cabalistique.

[9] La création des insectes et de tous les animaux réputés impurs est attribuée au Diable, et ils lui sont entièrement assujettis, comme on peut le voir par le morceau suivant, extrait de l'Histoire du Docteur Fauste: «Les Diables dirent: Après la faute des hommes ont été créés les insectes, afin que ce fût pour la punition et honte des hommes; et nous autres, nous pouvons faire venir force insectes. Lors apparurent au Docteur Fauste toutes «sortes de tels insectes, comme des fourmis, lézards, mouches bovines, grillons, sauterelles et autres. Toute la maison se trouva pleine de cette vermine. Il était fort en colère contre tout cela, transporté et hors de son sens; car, entre autres tels reptiles et insectes, il y en avait qui le piquaient, comme fourmis, et le mordaient. Les bergails le piquaient, les mouches lui couraient sur le visage, les puces le mordaient, les taons ou bourdons lui volaient autour, tant qu'il en était tout étonné, les poux le tourmentaient en la tête et au col, les araignées lui filaient de haut en bas, les chenilles le rongeaient, les guêpes l'attaquaient. Enfin il fût partout blessé de cette vermine; tellement qu'on pouvait dire qu'il n'était encore qu'un jeune Diable, de ne se pouvoir défendre de ces bestions.» (Histoire du Docteur Fauste, Part. II, Chap. 7.)

[10] «Fauste prit un couteau pointu, se piqua une veine en la main gauche, reçut son sang sur une tuile, y mit des charbons tout chauds, et écrivit son pacte avec le Diable.» (Ibid., Part. I, Chap. 8 et 9.)

[11] Petit monde, ou mieux, abrégé du monde, monde en miniature.

[12] Vous serez comme Dieu, sachant le bien et le mal. (Genèse, Chap. III, Vers. 5.)

[13] Montagne aux environs de Goettingue, la plus haute de la chaîne du Harz.

[14] Il faut croire que Rippach et monsieur Jean sont deux noms en l'air, dont Frosch se sert pour dérouter Méphistophélès et se moquer de lui.

[15] Il y a dans l'Histoire du Docteur Fauste un chapitre intitulé: Comment les hôtes du Docteur se veulent couper le nez. Dans ce chapitre se retrouve l'idée première et plusieurs détails de la scène de M. de Goethe.

[16] Le nom allemand est Meerkatze, sorte de singe à longue queue. La traduction littérale serait Chat-de-mer, mais n'offrirait aucun sens en français.

[17] N'y aurait-il pas dans cette phrase une intention satyrique contre l'Allemagne, où, comme de ce côté-ci du Rhin, mais plus fréquemment encore, il arrive qu'on passe pour sublime à force d'être obscur?

[18] Le jour de la colère, ce jour réduira le siècle en cendre. (Office des morts.)

[19] Lors donc que le juge s'assiéra, tout ce qui est caché apparaîtra, rien ne demeurera sans vengeance. (Office des morts.)

[20] Que dirai-je alors, misérable Quel protecteur invoquerai-je, quand à peine le juste est en sécurité? (Ibid.)

[21] Que dirai-je alors, misérable? (Ibid.)

[22] Petit village, au pied du Brocken, faisant partie du comté de Wernigerode, dans la Saxe inférieure.

[23] Le Brocken est la crête qui sépare le Harz supérieur du Harz inférieur; son élévation, au-dessus du niveau de la mer, est de trois mille deux cents pieds environ.

[24] J'ai substitué ce nom à celui d'Urian, comme plus connu. D'ailleurs j'y étais, en quelque façon, autorisé par l'Histoire du Docteur Fauste, où Bélial est donné pour chef aux bandes infernales.

[25] Le Blocksberg est la plus haute cime du Brocken; aussi l'appelle-t-on souvent le grand Brocken.

[26] Ceci s'adresse sans doute aux philosophes, poètes et beaux-esprits, qui vont être tournés en ridicule dans l'intermède suivant.

[27] Mieding était un chef de troupe au théâtre de Weimar.

[28] Allusion aux querelles d'Oberon et de Titania, dans le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare. M. de Goethe semble avoir eu en vue cette comédie, dans le titre et dans plusieurs détails de son intermède.

[29] Puck est un des personnages fantastiques, qui figurent dans le Songe d'une nuit d'été; c'est un Esprit à la suite d'Oberon, exécutant ses volontés et le divertissant par ses bouffonneries.

[30] Ariel est un petit Génie aérien aux ordres du magicien Prospero, dans la Tempête de Shakespeare.

[31] Critique des poèmes dans le genre vaporeux, à la mode en Allemagne.

[32] Peut-être le petit couple s'adresse-t-il à Wieland. Au moins, ce qu'il dit nous paraît s'appliquer merveilleusement à l'Oberon de ce poète, imitateur un peu terrestre du divin Arioste.

[33] Schiller ayant composé une ode fort belle, où il exprimait de poétiques regrets sur la disparition de la mythologie riante des Grecs, il y eut à ce propos grande rumeur parmi les théologiens allemands; prenant l'ode au sérieux, ces messieurs se fâchèrent tout de bon et crièrent à l'impiété. C'est à ce petit poème, intitulé les Dieux de la Grèce, que M. de Goethe fait allusion dans cet endroit.

[34] En Allemagne, comme en tout pays, il existe une classe de gens qui s'arroge exclusivement le sceptre de la critique, et juge en dernier ressort les ouvrages de littérature. Lorsqu'ils s'attaquent à un grand écrivain, ils n'osent l'aborder de front, mais ergotent sur chacune de ses phrases, pour tuer le colosse à coups d'épingles, s'il se peut. Quelques-uns de ces puristes se mirent, un jour, à refondre les ouvrages de Schiller et ceux de M. de Goethe, en les purgeant de tout ce qu'ils appelaient solécisme, et y substituant des tournures selon eux plus grammaticales. Néanmoins, on lit encore les originaux de préférence.

[35] Xenien était le titre d'un recueil d'épigrammes, publié par Schiller et M. de Goethe, où tout ce qu'il y avait d'auteurs allemands connus était passé en revue et moqué. La scène des Xénies était placée dans l'enfer.

[36] Hennings était une des victimes immolées dans les Xénies.

[37] Le Musagète paraît être le rédacteur d'un journal d'alors, qui avait pour titre les Muses et les Grâces.

[38] Le Génie du temps était le titre d'un autre journal, rédigé par Hennings, où M. de Goethe était toujours fort maltraité.

[39] Ce couplet semble dirigé contre Nicolaï, à cause d'un Voyage en Europe, où celui-ci rechercha avec soin et dénonça à l'opinion publique les hommes par lui soupçonnés d'appartenir à la société de Jésus, légèrement quelquefois.

[40] Là commence une série de philosophes, des différentes sectes qui partagent l'Allemagne et ont de tout temps partagé le monde. Nous ne nommerons point les individus, de peur de nous tromper; et d'ailleurs, les plaisanteries portant sur les doctrines plus encore que sur les hommes, elles gagneraient peu de chose à devenir personnelles.

[41] Dans le couplet allemand la pointe consiste en un jeu de mots, que nous n'avons pu conserver. Teufel, diable, et Zweyfel, doute, se prononçant de même, le sceptique se trouve bien en enfer, non pas seulement, comme nous l'avons dit, parce que le doute sied au Diable, mais parce qu'ils riment ensemble.

[42] Ce que nous venons de dire au sujet des philosophes, peut également s'appliquer aux gens désignés dans ce quatrain et dans les suivants. Ils parlent assez clairement d'eux-mêmes.

[43] Cette scène est la seule de tout l'ouvrage original, qui ne soit pas versifiée; il serait difficile d'en donner la raison. Peut-être est-ce pour qu'il ne soit pas dit que Faust ait manqué d'une des formes possibles de style.

Tous les différents genres de vers ayant été employés (sauf les vers blancs, qui, appartenant à l'antiquité, ne convenaient point au sujet), il fallait bien, en effet, que la prose eût son tour et trouvât sa place.

[44] Littéralement, la baguette est rompue. Il est d'usage en Allemagne, lorsqu'on va mener un criminel au supplice, de rompre une baguette noire, et de la lui jeter au visage.

[45] Voyez plus haut la note 2.

FIN DES NOTES.
TABLE DES ILLUSTRATIONS

Pl. 1 Portrait de Goethe

Pl. 2 ...De temps en temps j'aime à voir le vieux père,...

Pl. 3 Pauvre crâne vide qu'on veut lui dire avec ton grincement hideux!

Pl. 4 Faust--Heureux qui peut conserver espérance de surnager sur cet océan d'erreurs!...

Pl. 5 Il grogne et n'ose vous aborder: Il se couche sur le ventre il remue la queue ...

Pl. 6 Méph: Pourquoi tout ce vacarme? Que demande monsieur? Qu'y a-t-il pour son service?

Pl. 7 Meph: ...Ce que vous avez de mieux à faire, c'est de jurer sur la parole du maître...

Pl. 8--Au feu à l'aide, l'enfer s'allume. ...—Sorcellerie! jetez vous sur lui... son affaire ne sera pas longue.

Pl. 9 Faust.—Ma belle Demoiselle oserais-je vous offrir mon bras et vous reconduire chez vous?

Pl. 10 Meph:—Il est bien hardi à moi de m'introduire aussi brusquement chez ces dames, je leur en demande un million de pardons.

Pl. 11 Sans lui l'existence / N'est qu'un lourd fardeau / N'est qu'un tombeau / Dans son absence.

Pl. 12 Meph... Pousse... oh!... Meph... Voilà mon rustaud apprivoisé.

Pl. 13 Meph... Il nous faut gagner promptement au large.

Pl. 14 Marg... Malheureuse! Ah! si je pouvais me soustraire aux pensées qui se succèdent en tumulte dans mon âme...

Pl. 15 Meph:—Nous sommes encore loin du terme de notre course.

Pl. 16 Meph—Laisse cet objet, on ne se trouve jamais bien de le regarder... tu as bien entendu raconter l'histoire de Méduse?

Pl. 17 Faust—que vois-je remuer autour de ce gibet? ... ils vont et viennent, ils se baissent et se relèvent.

Pl. 18 Faust—Reviens à toi. Un seul pas, et tu es libre...

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