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Histoire de France 1305-1364 (Volume 4/19)

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Il est difficile de ne pas être touché de ce naïf récit. Ces paysans qui ne se mettent en défense qu'en demandant permission, cet homme fort et humble, ce bon géant, qui obéit volontiers, comme le saint Christophe de la légende, tout cela présente une belle figure du peuple. Ce peuple est visiblement simple et brute encore, impétueux, aveugle, demi-homme et demi-taureau... Il ne sait ni garder ses portes, ni se garder lui-même de ses appétits. Quand il a battu l'ennemi comme blé en grange, quand il l'a suffisamment charpenté de sa hache, et qu'il a pris chaud à la besogne, le bon travailleur, il boit froid, et se couche pour mourir. Patience; sous la rude éducation des guerres, sous la verge de l'Anglais, la brute va se faire homme. Serrée de plus près tout à l'heure, et comme tenaillée, elle échappera, cessant d'être elle-même, et se transfigurant; Jacques deviendra Jeanne, Jeanne la Vierge, la Pucelle.

Le mot vulgaire, un bon Français, date de l'époque des Jacques et des Marcel[418]. La Pucelle ne tardera pas à dire: «Le cœur me saigne quand je vois le sang d'un François.»

Un tel mot suffirait pour marquer dans l'histoire le vrai commencement de la France. Depuis lors, nous avons une patrie. Ce sont des Français que ces paysans, n'en rougissez pas, c'est déjà le peuple Français, c'est vous, ô France! Que l'histoire vous les montre beaux ou laids, sous le capuce de Marcel, sous la jaquette des Jacques, vous ne devez pas les méconnaître. Pour nous, parmi tous les combats des nobles, à travers les beaux coups de lance où s'amuse l'insouciant Froissart, nous cherchons ce pauvre peuple. Nous l'irions prendre dans cette grande mêlée, sous l'éperon des gentilshommes, sous le ventre des chevaux. Souillé, défiguré, nous l'amènerons tel quel au jour de la justice et de l'histoire, afin que nous puissions lui dire, à ce vieux peuple du XIVe siècle: «Vous êtes mon père, vous êtes ma mère. Vous m'avez conçu dans les larmes. Vous avez sué la sueur et le sang pour me faire une France. Bénis soyez-vous dans votre tombeau! Dieu me garde de vous renier jamais!»

Lorsque le dauphin rentra dans Paris, appuyé sur le meurtrier, il y eut, comme toujours en pareille circonstance, des cris, des acclamations. Ceux qui le matin s'étaient armés pour Marcel cachaient leurs capuces rouges, et criaient plus fort que les autres[419].

Avec tout ce bruit, il n'y avait pas beaucoup de gens qui eussent confiance au dauphin. Sa longue taille maigre, sa face pâle et son visage longuet[420], n'avaient jamais plu au peuple. On n'en attendait ni grand bien, ni grand mal; il y eut cependant des confiscations et des supplices contre le parti de Marcel[421]. Pour lui, il n'aimait, il ne haïssait personne. Il n'était pas facile de l'émouvoir. Au moment même de son entrée, un bourgeois s'avança hardiment et dit tout haut: «Par Dieu! sire, si j'en fusse cru, vous n'y fussiez entré; mais on y fera peu pour vous.» Le comte de Tancarville voulait tuer le vilain; le prince le retint et répondit: «On ne vous croira pas, beau sire[422]

La situation de Paris n'était pas meilleure. Le dauphin n'y pouvait rien. Le roi de Navarre occupait la Seine au-dessus et au-dessous. Il ne venait plus de bois de la Bourgogne, ni rien de Rouen. On ne se chauffait qu'en coupant des arbres[423]. Le setier de blé qui se donne ordinairement pour douze sols, dit le chroniqueur, se vend maintenant trente livres et plus.—Le printemps fut beau et doux, nouveau chagrin pour tant de pauvres gens des campagnes qui étaient enfermés dans Paris, et qui ne pouvaient cultiver leurs champs, ni tailler leurs vignes[424].

Il n'y avait pas moyen de sortir. Les Anglais, les Navarrais couraient le pays. Les premiers s'étaient établis à Creil, qui les rendait maîtres de l'Oise. Ils prenaient partout des forts, sans s'inquiéter des trêves. Les Picards essayaient de leur résister. Mais les gens de Touraine, d'Anjou et de Poitou, leur achetaient des sauf-conduits, leur payaient des tribus[425].

Le roi de Navarre, en voyant les Anglais se fixer ainsi au cœur du royaume, finit par en être lui-même plus effrayé que le dauphin. Il fit sa paix avec lui, sans stipuler aucun avantage, et promit d'être bon Français[426]. Les Navarrais n'en continuèrent pas moins de rançonner les bateaux sur la haute Seine. Toutefois cette réconciliation du dauphin et du roi de Navarre donnait à penser aux Anglais. En même temps des Normands, des Picards, des Flamands, firent ensemble une expédition pour délivrer, disaient-ils, le roi Jean[427]. Ils se contentèrent de brûler une ville anglaise. Du moins les Anglais surent aussi ce que c'étaient que les maux de la guerre.

Les conditions qu'ils voulaient d'abord imposer à la France étaient monstrueuses, inexécutables. Ils demandaient non-seulement tout ce qui est en face d'eux, Calais, Montreuil, Boulogne, le Ponthieu, non-seulement l'Aquitaine (Guyenne, Bigorre, Agénois, Quercy, Périgord, Limousin, Poitou, Saintonge, Aunis), mais encore la Touraine, l'Anjou, et de plus la Normandie; c'est-à-dire qu'il ne leur suffisait pas d'occuper le détroit, de fermer la Garonne; ils voulaient aussi fermer la Loire et la Seine, boucher le moindre jour par où nous voyons l'Océan, crever les yeux de la France.

Le roi Jean avait signé tout, et promis de plus quatre millions d'écus d'or pour sa rançon. Le dauphin, qui ne pouvait se dépouiller ainsi, fit refuser le traité par une assemblée de quelques députés des provinces, qu'il appela états généraux. Ils répondirent: «Que le roi Jean demeurât encore en Angleterre, et que quand il plairoit à Dieu, il y pourvoiroit de remède[428]

Le roi d'Angleterre se mit en campagne, mais cette fois pour conquérir la France. Il voulait d'abord aller à Reims, et s'y faire sacrer[429]. Tout ce qu'il y avait de noblesse en Angleterre l'avait suivi à cette expédition. Une autre armée l'attendait à Calais, sur laquelle il ne comptait pas. Une foule d'hommes d'armes et de seigneurs d'Allemagne et des Pays-Bas, entendant dire qu'il s'agissait d'une conquête, et espérant un partage, comme celui d'Angleterre par les compagnons de Guillaume le Conquérant, avaient voulu être aussi de la fête. Ils croyaient déjà «tant gagner qu'ils ne seroient jamais pauvres[430].» Ils attendirent Édouard jusqu'au 28 octobre, et il eut grand'peine à s'en débarrasser. Il fallut qu'il les aidât à retourner chez eux, qu'il leur prêtât de l'argent, à ne jamais rendre.

Édouard avait amené avec lui six mille gens d'armes couverts de fer, son fils, ses trois frères, ses princes, ses grands seigneurs. C'était comme une émigration des Anglais en France. Pour faire la guerre confortablement, ils traînaient six mille chariots, des fours, des moulins, des forges, toute sorte d'ateliers ambulants. Ils avaient poussé la précaution jusqu'à se munir de meutes pour chasser, et de nacelles de cuir pour pêcher en carême[431]. Il n'y avait rien en effet à attendre du pays, c'était un désert; depuis trois ans, on ne semait plus[432]. Les villes, bien fermées, se gardaient elles-mêmes; elles savaient qu'il n'y avait pas de merci à attendre des Anglais.

Du 28 octobre au 30 novembre, ils cheminèrent à travers la pluie et la boue, de Calais à Reims. Ils avaient compté sur les vins. Mais il pleuvait trop; la vendange ne valut rien. Ils restèrent sept semaines à se morfondre devant Reims, gâtèrent le pays tout autour, mais Reims ne bougea pas. De là ils passèrent devant Châlons, Bar-le-Duc, Troyes; puis ils entrèrent dans le duché de Bourgogne. Le duc composa avec eux pour deux cent mille écus d'or. Ce fut une bonne affaire pour l'Anglais, qui autrement n'eût rien tiré de toute cette grande expédition.

Il vint camper tout près de Paris, fit ses pâques à Chanteloup, et approcha jusqu'à Bourg-la-Reine. «De la Seine jusqu'à Étampes, dit le témoin oculaire, il n'y a plus un seul homme. Tout s'est réfugié aux trois faubourgs de Saint-Germain, Saint-Marcel et Notre-Dame-des-Champs... Montlhéry et Lonjumeau sont en feu... On distingue dans tous les alentours la fumée des villages, qui monte jusqu'au ciel... Le saint jour de Pâques, j'ai vu aux Carmes officier les prêtres de dix communes... Le lendemain, on a donné ordre de brûler les trois faubourgs, et permis à tout homme d'y prendre ce qu'il pourrait, bois, fer, tuiles et le reste. Il n'a pas manqué de gens pour le faire bien vite. Les uns pleuraient, les autres riaient...—Près de Chanteloup, douze cents personnes, hommes, femmes et enfants, s'étaient enfermés dans une église. Le capitaine, craignant qu'ils ne se rendissent, a fait mettre le feu... Toute l'église a brûlé. Il ne s'en est pas sauvé trois cents personnes. Ceux qui sautaient par les fenêtres trouvaient en bas les Anglais, qui les tuaient et se moquaient d'eux pour s'être brûlés eux-mêmes. J'ai appris ce lamentable événement d'un homme qui avait échappé, par la volonté de notre Seigneur, et qui en remerciait Dieu[433].

Le roi d'Angleterre n'osa pas attaquer Paris[434]. Il s'en alla vers la Loire, sans avoir pu combattre ni gagner aucune place. Il consolait les siens en leur promettant de les ramener devant Paris aux vendanges. Mais ils étaient fatigués de cette longue campagne d'hiver. Arrivés près de Chartres, ils y éprouvèrent un terrible orage, qui mit leur patience à bout. Édouard y fit vœu, dit-on, de rendre la paix aux deux peuples. Le pape l'en suppliait. Les nobles de France, ne touchant plus rien de leurs revenus, priaient le régent de traiter à tout prix. Le roi Jean sans doute pressait aussi son fils. Aux conférences de Bretigny, ouvertes le 1er mai, les Anglais demandèrent d'abord tout le royaume; puis tout ce qu'avaient eu les Plantagenets (Aquitaine, Normandie, Maine, Anjou, Touraine). Ils cédèrent enfin sur ces quatre dernières provinces; mais ils eurent l'Aquitaine comme libre souveraineté, et non plus comme fief. Ils acquirent au même titre ce qui entourait Calais, les comtés de Ponthieu et de Guines, et la vicomté de Montreuil. Le roi payait l'énorme rançon de trois millions d'écus d'or, six cent mille écus sous quatre mois, avant de sortir de Calais, et quatre cent mille par an dans les six années suivantes. L'Angleterre, après avoir tué et démembré la France, continuait à peser dessus, de sorte que, s'il restait un peu de vie et de moelle, elle pût encore la sucer.

Ce déplorable traité excita à Paris une folle joie. Les Anglais qui l'apportèrent pour le faire jurer au dauphin furent accueillis comme des anges de Dieu. On leur donna en présent ce qu'on avait de plus précieux, des épines de la couronne du Sauveur, qu'on gardait à la Sainte-Chapelle. Le sage chroniqueur du temps cède ici à l'entraînement général. «À l'approche de l'Ascension, dit-il, au temps où le Sauveur, ayant remis la paix entre son Père et le genre humain, montait au ciel dans la jubilation, il ne souffrit pas que le peuple de France demeurât affligé... Les conférences commencèrent le dimanche où l'on chante à l'église: Cantate. Le dimanche où l'on chante: Vocem jucundidatis, le régent et les Anglais allèrent jurer le traité à Notre-Dame. Ce fut une joie ineffable pour le peuple. Dans cette église et dans toutes celles de Paris, toutes les cloches, mises en branle, mugissaient dans une pieuse harmonie; le clergé chantait en toute joie et dévotion: Te Deum laudamus... Tous se réjouissaient, excepté peut-être ceux qui avaient fait de gros gains dans les guerres, par exemple les armuriers... Les faux traîtres, les brigands, craignaient la potence. Mais de ceux-ci n'en parlons plus[435]

La joie ne dura guère. Cette paix, tant souhaitée, fit pleurer toute la France. Les provinces que l'on cédait ne voulaient pas devenir anglaises. Que l'administration des Anglais fût pire ou meilleure, leur insupportable morgue les faisait partout détester. Les comtes de Périgord, de Comminges, d'Armagnac, le sire d'Albret, et beaucoup d'autres disaient avec raison que le seigneur n'avait pas droit de donner ses vassaux. La Rochelle, d'autant plus française que Bordeaux était anglais, supplia le roi, au nom de Dieu, de ne pas l'abandonner. Les Rochellais disaient qu'ils aimeraient mieux être taillés tous les ans de la moitié de leur chevance, et encore: «Nous nous soumettrons aux Anglais des lèvres, mais de cœur jamais[436]

Ceux qui restaient Français n'en étaient que plus misérables. La France était devenue une ferme de l'Angleterre. On n'y travaillait plus que pour payer les sommes prodigieuses par lesquelles le roi s'était racheté. Nous avons encore, au Trésor des Chartes, les quittances de ces payements. Ces parchemins font mal à voir; ce que chacun de ces chiffons représente de sueur, de gémissements et de larmes, on ne le saura jamais. Le premier (24 octobre 1360) est la quittance des dépens de garde du roi Jean, à dix mille réaux par mois[437]: cette noble hospitalité, tant vantée des historiens, Édouard se la faisait payer; le geôlier, avant la rançon, se faisait compter la pistole. Puis vient une effroyable quittance de quatre cent mille écus d'or (même date). Puis, quittance de 200,000 écus d'or (déc). Autre de 100,000 (1361, Toussaint); autre de 200,000 encore, et de plus, de 57,000 moutons d'or, pour compléter les 200,000 promis par la Bourgogne (21 février).—En 1362: 198,000; 30,000; 60,000; 200,000.—Les payements se continuent jusqu'en 1368.—Mais nous sommes bien loin d'avoir toutes les quittances. Les rançons de la noblesse montaient peut-être à une somme aussi considérable.

Le premier payement n'aurait pu se faire, si le roi n'eût trouvé une honteuse ressource. En même temps qu'il donnait des provinces, il donna un de ses enfants. Les Visconti, les riches tyrans de Milan, avaient la fantaisie d'épouser une fille de France. Ils imaginaient que cela les rendraient plus respectables en Italie. Ce féroce Galéas, qui allait à la chasse aux hommes dans les rues, qui avait jeté des prêtres tout vivants dans un four, demanda pour son fils, âgé de dix ans, une fille de Jean qui en avait onze. Au lieu de recevoir une dot, il en donnait une: trois cent mille florins en pur don, et autant pour un comté en Champagne. Le roi de France, dit Matteo Villani, vendit sa chair et son sang[438]. La petite Isabelle fut échangée, en Savoie, contre les florins. L'enfant ne se laissa pas donner aux Italiens de meilleure grâce que La Rochelle aux Anglais.

Ce malheureux argent d'Italie servit à faire sortir le roi de Calais. Il en sortit pauvre et nu. Il lui fallut, le 5 décembre (1360), imposer une aide nouvelle à ce peuple ruiné. Les termes de l'ordonnance sont remarquables. Le roi demande, en quelque sorte, pardon à son peuple de parler d'argent. Il rappelle, en remontant jusqu'à Philippe de Valois, tous les maux qu'il a soufferts, lui et son peuple; il a abandonné à l'aventure de la bataille son propre corps et ses enfants; il a traité à Bretigni, non pas pour sa délivrance tant seulement, mais pour éviter la perdition de son royaume et de son bon peuple. Il assure qu'il va faire bonne et loyale justice, qu'il supprimera tout nouveau péage, qu'il fera bonne et forte monnaie d'or et d'argent, et noire monnaie par laquelle on pourra faire plus aisément des aumônes aux pauvres gens. «Nous avons ordonné et ordonnons que nous prendrons sur ledit peuple de langue d'oil ce qui nous est nécessaire, et qui ne grèvera pas tant notre peuple comme feroit la mutation de notre monnoie, savoir: 12 deniers par livres sur les marchandises, ce que payera le vendeur, une aide du cinquième sur le sel, du treizième sur le vin et les autres breuvages. Duquel aide, pour la grande compassion que nous avons de notre peuple, nous nous contenterons; et elle sera levée seulement jusqu'à la perfection de l'entérinement de la paix.»

Quelque douce et paternelle que fût la demande, le peuple n'en était pas plus en état de payer: tout argent avait disparu. Il fallut s'adresser aux usuriers, aux juifs, et cette fois leur donner un établissement fixe. On leur assura un séjour de vingt années. Un prince du sang était établi gardien de leurs priviléges et il se chargeait spécialement de les faire payer de leurs dettes. Ces priviléges étaient excessifs. Nous en parlerons ailleurs. Pour les acquérir, ils devaient payer vingt florins en rentrant dans ce royaume, et de plus sept par an. Un Manassé, qui prenait en ferme toute la juiverie, devait avoir pour sa peine un énorme droit de deux florins sur les vingt, et d'un par an sur les sept.

Les tristes et vides années qui suivent, 1361, 1362, 1363, ne présentent au dehors que les quittances de l'Anglais, au dedans que la cherté des vivres, les ravages des brigands, la terreur d'une comète, une grande et effroyable mortalité. Cette fois le mal atteignait les hommes, les enfants, plutôt que les vieillards et les femmes. Il frappait de préférence la force et l'espoir des générations. On ne voyait que mères en pleurs, que veuves, que femmes en noir[439].

La mauvaise nourriture était pour beaucoup dans l'épidémie. On n'amenait presque rien aux villes. On ne pouvait plus aller de Paris à Orléans, ni à Chartres, le pays était infesté de Gascons et de Bretons[440].

Les nobles qui revenaient d'Angleterre, et qui se sentaient méprisés, n'étaient pas moins cruels que ces brigands. La ville de Péronne, qui s'était bravement gardée elle-même, prit querelle avec Jean d'Artois. Ce fut comme une croisade des nobles contre le peuple. Jean d'Artois, soutenu par le frère du roi et par la noblesse, prit à sa solde des Anglais; il assiégea Péronne, la prit, la brûla. Ils traitèrent de même Chauny-sur-Oise et d'autres villes.—En Bourgogne, les nobles servaient eux-mêmes de guide aux bandes qui pillaient le pays[441]. Les brigands de toute nation se disant Anglais, le roi défendait de les attaquer. Il pria Édouard d'en écrire à ses lieutenants[442].

Ces pillards s'appelaient eux-mêmes les Tard-Venus; venus après la guerre, il leur fallait aussi leur part. La principale compagnie commença en Champagne et en Lorraine, puis elle passa en Bourgogne: le chef était un Gascon, qui voulait, comme l'Archiprêtre, les mener voir le pape à Avignon, en passant par le Forez et le Lyonnois. Jacques de Bourbon, qui se trouvait alors dans le Midi, était intéressé à défendre le Forez, pays de ses neveux et de sa sœur.—Ce prince, généralement aimé, réunit bientôt beaucoup de noblesse. Il avait avec lui le fameux Archiprêtre, qui avait laissé le commandement des compagnies. S'il eût suivi les conseils de cet homme, il les aurait détruites. Étant venu en présence à Brignais, près Lyon, il donna dans un piége grossier, crut l'ennemi moins fort qu'il n'était, l'attaqua sur une montagne, et fut tué avec son fils, son neveu, et nombre des siens (2 avril 1362). Cette mort toutefois fut glorieuse. Le premier titre des Capets est la mort de Robert le Fort à Brisserte; celui des Bourbons, la mort de Jacques à Brignais: tous deux tués en défendant le royaume contre les brigands.

Les compagnies n'avaient plus rien à craindre, elles couraient les deux rives du Rhône. Un de leurs chefs s'intitulait: Ami de Dieu, ennemi de tout le monde[443]. Le pape, tremblant dans Avignon, prêchait la croisade contre eux. Mais les croisés se joignaient plutôt aux compagnies[444]. Heureusement pour Avignon, le marquis de Monferrat, membre de la ligue Toscane contre les Visconti, en prit une partie à sa solde, et les mena en Italie, où ils portèrent la peste. Le pape[445], pour décider leur départ, leur donna 30,000 florins et l'absolution.

La mortalité qui dépeuplait le royaume lui donna au moins un bel héritage. Le jeune duc de Bourgogne mourut, ainsi que sa sœur; la première maison de Bourgogne se trouva éteinte: la succession comprenait les deux Bourgognes, l'Artois, les comtés d'Auvergne et de Boulogne. Le plus proche héritier était le roi de Navarre. Il demandait qu'on lui laissât prendre possession de la Bourgogne, ou au moins de la Champagne qu'il réclamait depuis si longtemps. Il n'eut ni l'une ni l'autre. Il était impossible de remettre ces provinces à un roi étranger, à un prince odieux. Jean les déclara réunies à son domaine[446]; et partit pour en prendre possession, «cheminant à petites journées et à grands dépens, et séjournant de ville en ville, de cité en cité, en la duché de Bourgogne[447]

Il y apprit, sans aller plus vite, la mort de Jacques de Bourbon. Vers la fin de l'année, il descendit à Avignon, et y passa six mois dans les fêtes. Il espérait y faire une nouvelle conquête en pleine paix. Jeanne de Naples, comtesse de Provence, celle qui avait laissé tuer son premier mari, se trouvait veuve du second. Jean prétendait être le troisième. Il était veuf lui-même; il n'avait encore que quarante-trois ans. Captif, mais après une belle résistance, ce roi soldat[448] intéressait la chrétienté, comme François 1er après Pavie. Le pape ne se soucia pas de faire un roi de France maître de Naples et de la Provence. Il donna à cette reine de trente-six ans un tout jeune mari, non pas un fils de France, mais Jacques d'Aragon, fils du roi détrôné de Majorque.

Pour consoler Jean, le pape l'encouragea dans un projet qui semblait insensé au premier coup d'œil, mais qui eût effectivement relevé sa fortune. Le roi de Chypre était venu à Avignon demander des secours, proposer une croisade. Jean prit la croix et une foule de grands seigneurs avec lui[449]. Le roi de Chypre alla proposer la croisade en Allemagne; Jean en Angleterre. Un de ses fils donné en otage venait de rentrer en France, au mépris des traités. Le retour de Jean à Londres avait l'apparence la plus honorable. Il semblait réparer la faute de son fils. Quelques uns prétendaient qu'il n'y allait que par ennui des misères de la France, ou pour revoir quelque belle maîtresse[450]. Cependant les rois d'Écosse et de Danemark devaient venir l'y trouver. Comme roi de France, il présidait naturellement toute assemblée de rois. Humilié par le nouveau système de guerre que les Anglais avaient mis en pratique, le roi de France eût repris, par la croisade, sous le vieux drapeau du moyen âge, le premier rang dans la chrétienté. Il aurait entraîné les compagnies, il en aurait délivré la France[451]. Les Anglais mêmes et les Gascons, malgré la mauvaise volonté du roi d'Angleterre qui alléguait son âge pour ne pas prendre la croix[452], disaient hautement au roi de Chypre: «Que c'étoit vraiment un voyage où tous gens de bien et d'honneur devoient entendre, et que s'il plaisoit à Dieu que le passage fut ouvert, il ne le feroit pas seul.» La mort de Jean détruisit ces espérances. Après un hiver passé à Londres en fêtes et en grands repas, il tomba malade, et mourut regretté, dit-on, des Anglais, qu'il aimait lui-même, et auxquels il s'était attaché, simple qu'il était et sans fiel, pendant sa longue captivité. Édouard lui fit faire de somptueuses funérailles à Saint-Paul de Londres. On y brûla, selon des témoins oculaires, quatre mille torches de douze pieds de haut, et quatre mille torches cierges de dix livres pesant.

La France, toute mutilée et ruinée qu'elle était, se retrouvait encore, de l'aveu de ses ennemis, la tête de la chrétienté. C'est son sort, à cette pauvre France, de voir de temps à autre l'Europe envieuse s'ameuter contre elle, et conjurer sa ruine. Chaque fois, ils croient l'avoir tuée; ils s'imaginent qu'il n'y aura plus de France; ils tirent ses dépouilles au sort; ils arracheraient volontiers ses membres sanglants. Elle s'obstine à vivre. Elle survécut en 1361, mal défendue, trahie par sa noblesse; en 1709, vieillie de la vieillesse de son roi; en 1815 encore, quand le monde entier l'attaquait... Cet accord obstiné du monde contre la France prouve sa supériorité mieux que des victoires. Celui contre lequel tous sont facilement d'accord, c'est qu'apparemment il est le premier.

FIN DU QUATRIÈME VOLUME.

TABLE DES MATIÈRES

LIVRE V.

CHAPITRE III.

L'or.—Le Fisc.—Les Templiers.

L'or.
Le fisc.
L'alchimie.
La sorcellerie.
Le juif.
1305. Bertrand de Gott (Clément V).
1306. Poursuites contre Boniface VIII.
Le Temple.
Puissance, priviléges du Temple.
Cérémonies.
Accusations dirigées contre cet ordre.
Richesse des Templiers.
Ils font la guerre aux chrétiens.
Griefs de la maison de France.
Philippe le Bel ruiné attaque les Templiers.
Les moines et les nobles les abandonnent.
Ils refusent de se réunir aux Hospitaliers.
Les chefs de l'ordre arrêtés à Paris.
1307. Instruction du procès.

CHAPITRE IV.

Suite.—Destruction de l'Ordre du Temple. 1307-1314

1307. Opposition du pape.
L'instruction continue.
1307. Aveux obtenus par les tortures.
1308. Adhésion des États du royaume aux poursuites.
Difficultés suscitées par le pape.
Le pape se réfugie à Avignon.
Concessions mutuelles.
1309. Commission pontificale. Faiblesse du grand-maître.
1310. Poursuites contre la mémoire de Boniface.
Défense des Templiers entravée.
Protestation des Templiers.
Intérêt qu'ils excitent.
Consultation du pape en leur faveur.
Concile provincial tenu à Paris.
Supplice de cinquante-quatre Templiers.
1311. L'ordre supprimé par toute la chrétienté.
Compromis entre le pape et le roi.
1312. Concile de Vienne.
Condamnation des mystiques béghards, franciscains.
Abolition du Temple.
Fin du procès de Boniface VIII.
1314. Exécution des chefs de l'ordre.
Causes de la chute du Temple.

CHAPITRE V.

Suite du Règne de Philippe le Bel.—Ses trois Fils.—Procès.—Institutions. 1314-1328.

Le diable.
Procès atroces.
1314. Mort de Philippe le Bel.
Activité, éducation de Philippe le Bel.
Il ménage l'Université.
Institutions.
Ordonnances contradictoires.
Hypocrisie de ce gouvernement.
Attaques contre la noblesse.
Confédération de la noblesse du nord et de l'est.
— Louis X; réaction féodale.
Lutte des barons et des légistes.
1315. Lois nouvelles sur les monnaies.
Ordonnance pour l'affranchissement des serfs.
1316. Philippe le Long.
Application de la loi Salique.
Les villes sont armées.
Tentative pour la réforme des poids et des mesures.
Règlements de finances.
1316-1322. Le parlement se constitue.
La royauté se constitue.
1320. Pastoureaux.
Les Juifs et les lépreux.
1322-1328. Charles IV, le Bel.
Édouard II, roi d'Angleterre, renversé par sa femme, Isabelle de France.
1328. Mort de Charles IV.

LIVRE VI.

CHAPITRE PREMIER.

L'Angleterre.—Philippe de Valois. 1328-1349.

1328. Avénement de Philippe de Valois.
L'Angleterre sous Édouard III.
Flandre, Angleterre; esprit commercial.
Routes du commerce depuis les croisades.
Commerce de l'Angleterre.
Caractère guerrier et mercantile du XIVe siècle.
Caractère opposé de la France.
Premières années du règne de Philippe VI.
Guerre de Flandre. Bataille de Cassel.
1329. Procès de Robert d'Artois.
1332. Robert s'enfuit en Flandre, puis en Angleterre.
1333. Poursuites contre sa famille.
1336. Ordonnances sur les impôts et sur les marchandises.
Rapports de Philippe VI avec le pape.
Mécontentement général.
Édouard III relève son autorité.
Guerre indirecte entre la France et l'Angleterre.
Émigration des ouvriers flamands en Angleterre.
1337. Révolte des Gantais. Jacquemart Artevelde.
Ordonnances et préparatifs d'Édouard III.
Armée féodale et mercenaire de Philippe VI.
1338. Les Anglais en Flandre.
Édouard III, vicaire impérial.
1339. Les Anglais en France.
Édouard III roi de France.
1340. Bataille de l'Écluse.
La guerre de Flandre sans résultats.
1341. Guerre de Bretagne. Blois de Montfort.
1342. Philippe VI soutient Charles de Blois; Édouard III soutient Jean de Montfort.
1345. Édouard III perd à la fois Montfort et Artevelde.
1346. Édouard III attaque la Normandie.
Les Anglais brûlent Saint-Germain, Saint-Cloud, Boulogne.
Philippe VI les poursuit.
Bataille de Crécy.
Siége de Calais.
Persistance d'Édouard III; ses succès en Écosse et en Bretagne.
Tentatives de Philippe pour faire lever le siége de Calais.
1347. Prise de Calais: dévouement de six bourgeois.
Calais peuplé d'Anglais.
Les mercenaires, les fantassins remplacent les troupes féodales.
Humiliation du pape, de l'empereur, du roi, de la noblesse.
Abattement moral; attente de la fin du monde; mortalité.
1348. La Peste noire.
Mysticisme de l'Allemagne; flagellants.
Boccace; prologue du Décaméron.
Suites de la peste.
1349-1350. Le roi se remarie; il acquiert Montpellier et le Dauphiné.
Noces et fêtes.
1350. Mort de Philippe VI.

CHAPITRE II.

Jean.—Bataille de Poitiers. 1350-1356.

Laure, Pétrarque.
Le XIVe siècle s'obstine dans sa fidélité au passé.
1350. Avénement de Jean.
Création de l'ordre de l'Étoile.
Charles d'Espagne, Charles de Navarre.
1350-1359. Rapides variations de monnaies.
États généraux, sous Philippe de Valois, sous Jean.
1355. Gabelle votée par les États. Résistance de la Normandie et du comte d'Harcourt.
Le comte d'Harcourt décapité.
1356. Le prince de Galles ravage le Midi.
Bataille de Poitiers.
Le roi prisonnier.

CHAPITRE III.

Suite. États généraux.—Paris.—Jacquerie. 1356-1364.

1356. Le dauphin Charles. Le prévôt des marchands, Étienne Marcel.
Paris.
1357. États généraux.
États provinciaux.
Robert le Coq et Étienne Marcel.
Désastres de la France.
Charles le Mauvais à Paris.
1358. Nouveaux États; le dauphin régent du royaume.
Révolte de Paris.
Meurtre des maréchaux de Champagne et de Normandie.
Règne de Marcel.
La Champagne, le Vermandois pour le dauphin.
États de la Langue d'oil à Compiègne.
Souffrances du paysan.
Jacquerie.
Charles le Mauvais, capitaine de Paris.
Marcel s'appuie sur Charles le Mauvais et essaye de lui livrer Paris.
Marcel assassiné.
1359. Le dauphin rentre à Paris.
Négociations avec les Anglais.
Leurs propositions rejetées par les États.
Édouard III en France.
Les Anglais aux portes de Paris.
1360. Traité de Bretigny.
Désolation des provinces cédées.
Rançon du roi.
Le roi en liberté; ses premières ordonnances.
Ordonnance en faveur des Juifs.
1360-1363. Misère, ravage, mortalité.
Les Tard-venus.
1362. Jean réunit au domaine la Bourgogne et la Champagne.
1363. Il va prêcher la croisade en Angleterre.
1364. Mort du roi Jean à Londres.

PARIS.—IMPRIMERIE MODERNE (Barthier, dr), rue J.-J. Rousseau, 61.

Note 1: Ce volume fut publié, dans sa première édition, en même temps que nos Origines du droit français, trouvées dans les symboles et formules.(Retour au texte)

Note 2: Lettre de Christophe Colomb à Ferdinand et Isabelle, après son quatrième voyage. (Navarette.)(Retour au texte)

Note 3: Philippe le Bel emploie pendant tout son règne, comme ministres, les deux banquiers florentins Biccio et Musciato, fils de Guido Franzesi.(Retour au texte)

Note 4: Αφ' οὑ Υἁρ ὁ Πλουτοϛ ουτοϛ ηρξατο βλἑπειν,
Απολωλ' επὁ λιμου...
Aristoph., Plut., v. 1174. Voyez aussi les vers 129, 133, 1152 et 1168-9.
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Note 5: Chacune des grandes révolutions du monde est aussi l'époque des grandes apparitions de l'or. Les Phocéens le font sortir de Delphes, Alexandre de Persépolis; Rome le tire des mains du dernier successeur d'Alexandre; Cortès l'enlève de l'Amérique. Chacun de ces moments est marqué par un changement subit, non-seulement dans les prix des denrées, mais aussi dans les idées et dans les mœurs.(Retour au texte)

Note 6: Le dernier but de l'alchimie n'était pas tant de trouver l'or que d'obtenir l'or pur, l'or potable, le breuvage d'immortalité. On racontait la merveilleuse histoire d'un bouvier de Sicile du temps du roi Guillaume, qui, ayant trouvé dans la terre un flacon d'or, but la liqueur qu'il renfermait et revint à la jeunesse. (Roger Bacon, Opus majus.)(Retour au texte)

Note 7: Quelques-uns se vantèrent de n'avoir point soufflé pour rien. Raymond Lulle, dans leurs traditions, passe en Angleterre, et, pour encourager le roi à la croisade, lui fabrique dans la Tour de Londres pour six millions d'or. On en fit des Nobles à la rose, qu'on appelle encore aujourd'hui Nobles de Raymond.

Il est dit dans l'Ultimum Testamentum, mis sous son nom, qu'en une fois il convertit en or cinquante milliers pesant de mercure, de plomb et d'étain.—Le pape Jean XXII, à qui Pagi attribue un traité sur l'Art transmutatoire, y disait qu'il avait transmuté à Avignon deux cents lingots pesant chacun un quintal, c'est-à-dire vingt mille livres d'or. Était-ce une manière de rendre compte des énormes richesses entassées dans ses caves?—Au reste, ils étaient forcés de convenir entre eux que cet or qu'ils obtenaient par quintaux n'avait de l'or que la couleur.(Retour au texte)

Note 8: Dans l'usure, les juifs, dit-on, ne faisaient qu'imiter les Lombards, leurs prédécesseurs. (Muratori.)(Retour au texte)

Note 9: À Toulouse, on les souffletait trois fois par an, pour les punir d'avoir autrefois livré la ville aux Sarrasins; sous Charles le Chauve, ils réclamèrent inutilement.—À Béziers, on les chassait à coups de pierres pendant toute la Semaine sainte. Ils s'en rachetèrent en 1160.—Ils commencèrent sous le règne de Philippe Auguste à porter la rouelle jaune, et le concile de Latran en fit une loi à tous les Juifs de la chrétienté (canon 68).(Retour au texte)

Note 10: Souvent ils firent l'objet de traités entre les seigneurs. Dans l'ordonnance de 1230, il est dit: «que personne dans notre royaume ne retienne le juif d'un autre seigneur; partout où quelqu'un retrouvera son juif, il pourra le reprendre comme son esclave (tanquam proprium servum), quelque long séjour qu'il ait fait sur les terres d'un autre seigneur.» On voit en effet dans les Établissements que les meubles des juifs appartenaient aux barons. Peu à peu le juif passa au roi, comme la monnaie et les autres droits fiscaux.(Retour au texte)

Note 11: Patiens, quia æternus...—C'est l'usage que les juifs se tiennent sur le passage de chaque nouveau pape, et lui présentent leur loi. Est-ce un hommage ou un reproche de la vieille loi à la nouvelle, de la mère à la fille?...—«Le jour de son couronnement, le pape Jean XXIII chevaucha avec sa mitre papale de rue en rue dans la ville de Boulogne la Grasse, faisant le signe de la croix jusques en la rue où demeuraient les Juifs, lesquels offrirent par écrit leur loi, laquelle de sa propre main il prit et reçut, et puis la regarda, et tantôt la jeta derrière lui, en disant: «Votre loi est bonne, mais d'icelle la nôtre est meilleure.» Et lui parti de là, les juifs le suivoient le cuidant atteindre, et fut toute la couverture de son cheval déchirée; et le pape jetoit, par toutes les rues où il passoit, monnoie, c'est à savoir deniers qu'on appelle quatrins et mailles de Florence; et y avoit devant lui et derrière lui deux cents hommes d'armes, et avoit chacun en sa main une masse de cuir dont ils frappoient les juifs, tellement que c'étoit grand'joie à voir.» Monstrelet.(Retour au texte)

Note 12: Je lisais le ... octobre 1834, dans un journal anglais: «Aujourd'hui, peu d'affaires à la bourse; c'est jour férié pour les juifs.»—Mais ils n'ont pas seulement la supériorité de richesses. On serait tenté de leur en accorder une autre lorsqu'on voit que la plupart des hommes qui font aujourd'hui le plus d'honneur à l'Allemagne sont des juifs (1837).—J'ai parlé dans les notes de la Renaissance de tant de Juifs illustres, nos contemporains (1860).(Retour au texte)

Note 13: Shakespeare, The Merchant of Venice, acte I, sc. III: «Let the forfeit be nominated for an equal pound of your fair flesh, to be cut and taken, in what part of your body pleaseath me.»

Sir Thomas Mungo acquit à Calcutta, il y a trente ans, un ms. où se trouve l'histoire originale de la livre de chair, etc. Seulement, au lieu d'un chrétien, c'est un musulman que le juif veut dépecer. V. Asiatic Journal.—Orig. du droit, l. IV, c. XIII; L'atrocité de la loi des Douze Tables, déjà repoussée par les Romains eux-mêmes, ne pouvait, à plus forte raison, prévaloir chez les nations chrétiennes. Voyez cependant le droit norvégien. Grimm, 617.

Dans les traditions populaires, le juif stipule une livre de chair à couper sur le corps de son débiteur, mais le juge le prévient que s'il coupe plus ou moins, il sera lui-même mis à mort.—V. le Pecorone (écrit vers 1378), les Gesta Romanorum dans la forme allemande.—Voir aussi mon Histoire romaine.(Retour au texte)

Note 14: J'insiste avec M. Beugnot sur ce point important: les juifs ne connurent pas l'usure aux Xe et XIe siècles, c'est-à-dire aux époques où on leur permit l'industrie (1860).(Retour au texte)

Note 15: G. Villani, l. VIII, c. LXXX, p. 417.—L'opinion du temps est bien représentée dans les vers burlesques cités par Walsingham:

Ecclesiæ navis titubat, regni quia clavis
Errat, Rex, Papa, facti sunt una cappa.
Hoc faciunt do, des, Pilatus hic, alter Herodes.

Walsingh., p. 456, ann. 1306.
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Note 16: Ces mots sont synonymes dans la langue de ce temps.(Retour au texte)

Note 17: Contin. G. de Nangis.(Retour au texte)

Note 18: Baluze, Acta vet. ad Pap. Av., p. 75-6... «Quædam præparatoria sumere, et postmodum purgationem accipere, quæ secundum prædictorum physicorum judicium, auctore Domino, valde utilis nobis erit.»(Retour au texte)

Note 19: La Coulture du Temple, contiguë à celle de Saint-Gervais, comprenait presque tout le domaine des Templiers, qui s'étendait le long de la rue du Temple, depuis la rue Sainte-Croix ou les environs de la rue de la Verrerie jusqu'au delà des murs, des fossés et de la porte du Temple. (Sauval.)(Retour au texte)

Note 20: «Sicut mater infantem.» Lettre de Jacques Molay.(Retour au texte)

Note 21: Voyez plus loin les motifs qui nous ont décidé à regarder ce point comme hors de doute.—Le XIVe siècle ne voyait probablement qu'une singularité suspecte dans la fidélité des Templiers aux anciennes traditions symboliques de l'Église, par exemple dans leur prédilection pour le nombre trois. On interrogeait trois fois le récipiendaire avant de l'introduire dans le chapitre. Il demandait par trois fois le pain et l'eau, et la société de l'ordre. Il faisait trois vœux. Les chevaliers observaient trois grands jeûnes. Ils communiaient trois fois l'an. L'aumône se faisait dans toutes les maisons de l'ordre trois fois la semaine. Chacun des chevaliers devait avoir trois chevaux. On leur disait la messe trois fois la semaine. Ils mangeaient de la viande trois jours de la semaine seulement. Dans les jours d'abstinence, on pouvait leur servir trois mets différents. Ils adoraient la croix solennellement à trois époques de l'année. Ils juraient de ne pas fuir en présence de trois ennemis. On flagellait par trois fois en plein chapitre ceux qui avaient mérité cette correction, etc., etc. Même remarque pour les accusations dont ils furent l'objet. On leur reprocha de renier trois fois, de cracher trois fois sur la croix. «Ter abnegabant, et horribili crudelitate ter in faciem spuebant ejus.» Circul. de Philippe le Bel, du 14 septembre 1307. «Et li fait renier par trois fois le prophète et par trois fois crachier sur la croix.» Instruct. de l'inquisiteur Guillaume de Paris. Rayn., p. 4.(Retour au texte)

Note 22: Dans quelques monuments anglais, l'ordre du Temple est appelé Militia Templi Salomonis. (Ms. Biblioth. Cottontanæ et Bodleianæ.) Ils sont aussi nommés Fratres militiæ Salomonis, dans une charte de 1197. Ducange. Rayn., p. 2.(Retour au texte)

Note 23: Il est possible que les Templiers qui échappèrent se soient fondus dans des sociétés secrètes. En Écosse, ils disparaissent tous, excepté deux. Or, on a remarqué que les plus secrets mystères de la franc-maçonnerie sont réputés émanés d'Écosse, et que les hauts grades y sont nommés Écossais. V. Grouvelle et les écrivains qu'il a suivis, Munter, Moldenhawer, Nicolaï., etc.(Retour au texte)

Note 24: Voyez Hammer, Mémoire sur deux coffrets gnostiques, p. 7. V. aussi le mémoire du même dans les Mines d'Orient, et la réponse de M. Raynouard. (Michaud, Hist. des croisades, éd. 1828, t. V. p. 572.)(Retour au texte)

Note 25: Voyez mon Histoire de France, t. III, chapitre VIII.(Retour au texte)

Note 26: Sans parler de notre dicton populaire «Boire comme un Templier,» les Anglais en avaient un autre: «Dum erat juvenis sæcularis, omnes pueri clamabant publice et vulgariter unus ad alterum: Custodiatis vobis ab osculo Templariorum.» Conc. Britann.(Retour au texte)

Note 27: La règle austère que l'ordre reçut à son origine semble à sa chute un acte d'accusation terrible: «Domus hospitis non careat lumine, ne tenebrosus hostis... Vestiti autem camisiis dormiant, et cum femoralibus dormiant. Dormientibus itaque fratribus usque mane nunquam deerit lucerna...» Actes du concile de Troyes, 1128. Ap. Dup. Templ. 92-102.(Retour au texte)

Note 28: Voyez cependant Processus contra Templarios, ms. de la Biblioth. royale. Ce qu'on y lit dans les Articles de l'interrogatoire sur leurs relations avec les femmes (Item, les maîtres fesoient frères et suers du Temple... Proc. ms. folio 10-11) doit s'entendre des affiliés de l'ordre; il y en avait des deux sexes (V. Dup. 99, 102), mais il ne me souvient pas d'avoir lu aucun aveu sur ce point, même dans les dépositions les plus contraires à l'ordre. Ils avouent plutôt une autre infamie bien plus honteuse (1837).—Depuis j'ai publié les deux premiers volumes des pièces du procès des Templiers, avec une introduction, 1841-1851. J'y renvoie le lecteur (1860).(Retour au texte)

Note 29: «La manere de tenir chapitre et d'assoudre. Après chapitre dira le mestre ou cely que tendra le chapitre: Beaux seigneurs frères, le pardon de nostre chapitre est tiels, que cil qui ostast les almones de la meson à toute male resoun, ou tenist aucune chose en noun de propre, ne prendreit u tens ou pardon de nostre chapitre. Mes toutes les choses qe vous lessez à dire pour hounte de la char, ou poor de la justice de la mesoun, qe lein ne la prenge requer Dieu pour la requestre de la sue douce Mere le vous pardoint.» Conciles d'Angleterre, édit. 1737, t. II, p. 383.(Retour au texte)

Note 30: Les dépositions les plus sales, et qui paraîtraient avec le plus de vraisemblance dictées par la question, sont celles des témoins anglais, qui pourtant n'y furent pas soumis.

«Post redditas gratias capellanus ordinis Templi increpavit fratres, dicens: «Diabolus comburet vos» vel similia verba... Et vidit braccias unius fratrum Templi et ipsum tenentem faciem versus occidentem et posteriora versus altare...» 359, «Ostendebatur imago crucifixi et dicebatur ei, quod sicut antea honoraverat ipsum sic modo vituperaret, et conspueret in eum: quod et fecit. Item dictum fuit ei quod, depositis bracciis, verteret dorsum ad crucifixum: quod lacrymando fecit...» Ibidem, 369.(Retour au texte)

Note 31: V. entre autres le tome XII de cette histoire, ch. XVI, XIX, XX, et le tome XIII, ch. IX.(Retour au texte)

Note 32: «Habent Templarii in christianitate novem millia maneriorum...» Math. Pâris, p. 417. Plus tard la chronique de Flandre leur attribue 10,500 manoirs. Dans la sénéchaussée de Beaucaire, l'ordre avait acheté en quarante ans pour 10,000 livres de rentes.—Le seul prieuré de Saint-Gilles avait 54 commanderies, Grouvelle, p. 196.(Retour au texte)

Note 33: Dans leurs anciens statuts on lit: «Regula pauperum commilitonum templi Salomonis.»(Retour au texte)

Note 34: «Et Acre une cité trahirent-ils par leur grand mesprison.» Chron. de S. Denys.(Retour au texte)

Note 35: Voyez Hammer.(Retour au texte)

Note 36: Dupuy.(Retour au texte)

Note 37: En 1259, l'animosité fut poussée à un tel excès, qu'ils se livrèrent une bataille dans laquelle les Templiers furent taillés en pièces. Les historiens disent qu'il n'en échappa qu'un seul.(Retour au texte)

Note 38: Joinville, p. 81, ap. Dup., Pr., p. 163-164.—Lorsqu'on effectuait le payement de la rançon, il manquait 30,000 livres. Joinville pria les Templiers de les prêter au roi. Ils refusèrent et dirent: «Vous savez que nous recevons les commandes en tel manière que par nos serements nous ne les poons délivrer, mès que à ceulz qui les nous baillent.» Cependant ils dirent qu'on pouvait leur prendre cet argent de force, que l'ordre avait dans la ville d'Acre de quoi se dédommager. Joinville se rendit alors sur leur «mestre galie,» et, descendu dans la cale, demanda les clefs d'un coffre qu'il voyait devant lui. On les lui refusa, il prit une cognée, la leva et menaça de faire la clef le roy. Alors le maréchal du Temple le prit à témoin qu'il lui faisait violence, et lui donna la clef. Joinville, p. 81, éd. 1761.(Retour au texte)

Note 39: Arch. du Vatican, Rayn.(Retour au texte)

Note 40: Ces ordres également puissants furent également attaqués. Les évêques livoniens portèrent contre les chevaliers Teutoniques des accusations non moins graves. De Jean XXII à Innocent VI, les Hospitaliers eurent à soutenir les mêmes attaques. Les Jésuites y succombèrent.(Retour au texte)

Note 41: En Castille, les Templiers, les Hospitaliers et les chevaliers de Saint-Jacques avaient un traité de garantie contre le roi même.(Retour au texte)

Note 42: Is magistrum ordinis exosum habuit, propter importunam pecuniæ exactionem, quam, in nuptiis filiæ suæ Isabellæ, ei mutua dederat.» Thomas de la Moor, in Vitâ Eduardi, apud Baluze, Pap. Aven., notæ, p. 189.—Le Temple avait, à diverses époques, servi de dépôt aux trésors du roi. Philippe-Auguste (1190) ordonne que tous ses revenus, pendant son voyage d'outre-mer, soient portés au Temple et enfermés dans des coffres, dont ses agents auront une clef et les Templiers une autre. Philippe le Hardi ordonne qu'on y dépose les épargnes publiques.—Le trésorier des Templiers s'intitulait Trésorier du Temple et du Roi, et même Trésorier du Roi au Temple. Sauval, II, 37.(Retour au texte)

Note 43: Mitford.(Retour au texte)

Note 44: V. dans Dupuy un pamphlet que Philippe le Bel se fit probablement adresser: «Opinio cujusdam prudentis regi Philippo, ut regnum Hieros, et Cypri acquireret pro altero filiorum suorum, ac de invasione regni Ægypti et de dispositione bonorum ordinis Templariorum.»V. aussi Walsingham.—L'idée d'appliquer leurs biens au service de la Terre sainte aurait été de Raymond Lulle, Baluz. Pap. Aven.(Retour au texte)

Note 45: Statuts du chapitre général des dominicains en 1243.(Retour au texte)

Note 46: Voyez l'histoire de cet ordre, par le dominicain Federici, 1787. Ils profitèrent pourtant des biens du Temple; plusieurs Templiers passèrent dans leur ordre.(Retour au texte)

Note 47: Ils avaient de sombres pressentiments. Un Templier anglais rencontrant un chevalier nouvellement reçu: «Esne frater noster receptus in ordine? Cui respondens, ita. Et ille: Si sederes super campanile Sancti Pauli Londini, non posses videre majora infortunia quam tibi contingent antequam moriaris.» Concil. Brit.(Retour au texte)

Note 48: Le concile de Saltzbourg, tenu en 1272, et plusieurs autres assemblées ecclésiastiques, avaient proposé cette réunion.(Retour au texte)

Note 49: «Si unio fieret, multum oporteret quod Templarii lararentur, vel Hospitalarii restringerentur in pluribus. Et ex, hoc possent animarum pericula provenire... Religio hospitalariorum super hospitalitate fundata est. Templarii vero super militia proprie sunt fundati.» Dupuy, Pr., p. 180.(Retour au texte)

Note 50: Dupuy.

Un autre disait: «Esto quod esses pater meus et posses fieri summus magister totius ordinis, nollem quod intrares, quia habemus tres articulos inter nos in ordine nostro quos nunquam aliquis sciet nisi Deus et diabolus, et nos, fratres illius ordinis (51 test., p. 361).»—V. les histoires qui couraient sur des gens qui auraient été tués pour avoir vu les cérémonies secrètes du Temple. Concil. Brit., II, 361.(Retour au texte)

Note 51: C'est le premier des cent quarante déposants. Dupuy a tronqué le passage. V. le ms. aux archives du royaume. K. 413.(Retour au texte)

Note 52:

Tosjors achetaient sans vendre...
Tant va pot à eau qu'il brise.
Chron. en vers, citée par Rayn.
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Note 53: En Écosse, on leur reprochait, outre leur cupidité, de n'être pas hospitaliers. «Item dixerunt quod pauperes ad hospitalitatem libenter non recipiebant, sed, timoris causa, divites et potentes solos; et quod multum erant cupidi aliena bona per fas et nefas pro suo ordine adquirere.» Concil. Brit., 40e témoin d'Écosse, p. 382.(Retour au texte)

Note 54: Il est curieux de voir par quelle prodigalité d'éloges et de faveurs il les attirait dans son royaume dès 1304: «Philippus, Dei gratia Francorum Rex, opera misericordiæ, magnifica plenitudo quæ in sancta domo militiæ Templi, divinitus instituta, longe lateque per orbem terrarum exercentur... merito nos inducunt ut dictæ domui Templi et fratribus ejusdem in regno nostro ubilibet constitutis, quos sincere diligimus et prosequi favore cupimus speciali, regiam liberalitatis dextram extendimus.» Rayn., p. 44.(Retour au texte)

Note 55: Le roi s'étudia toujours à lui faire partager l'examen et aussi la responsabilité de cette affaire. Nogaret lut l'acte d'accusation devant la première assemblée de l'Université, tenue dès le lendemain de l'arrestation. Une autre assemblée de tous les maîtres et de tous les écoliers de chaque faculté fut tenue au Temple: on y interrogea le grand maître et quelques autres. Ils le furent encore dans une seconde assemblée.(Retour au texte)

Note 56: Voyez les nombreux articles de l'acte d'accusation (Dup.). Il est curieux de le comparer à une autre pièce du même genre, à la bulle du pape Grégoire IX aux électeurs d'Hildesheim, Lubeck, etc., contre les Stadhinghiens (Rayn., ann. 1234, XIII, p. 446-7). C'est avec plus d'ensemble l'accusation contre les Templiers.

Cette conformité prouverait-elle, comme le veut M. de Hammer, l'affiliation des Templiers à ces sectaires?(Retour au texte)

Note 57: Selon les plus nombreux témoignages, c'était une tête effrayante à la longue barbe blanche, aux yeux étincelants (Rayn., p. 261) qu'on les accusait d'adorer. Dans les instructions que Guillaume de Paris envoyait aux provinces, il ordonnait de les interroger sur «une ydole qui est en forme d'une teste d'homme à grant barbe.» Et l'acte d'accusation que publia la cour de Rome portait, art. 16: «Que dans toutes les provinces ils avaient des idoles, c'est-à-dire des têtes dont quelques-unes avaient trois faces et d'autres une seule et qu'il s'en trouvait qui avaient un crâne d'homme.» Art. 47 et suivants: «Que dans les assemblées et surtout dans les grands chapitres, ils adoraient l'idole comme un Dieu, comme leur sauveur, disant que cette tête pouvait les sauver, qu'elle accordait à l'ordre toutes les richesses et qu'elle faisait fleurir les arbres et germer les plantes de la terre.» Rayn. p. 287. Les nombreuses dépositions des Templiers en France, en Italie, plusieurs témoignages indirects en Angleterre, répondirent à ce chef d'accusation et ajoutèrent quelques circonstances. On adorait cette tête comme celle d'un Sauveur, «quoddam caput cum barba, quod adorant et vocant Salvatorem suum.» (Rayn., p. 288.) Deodat Jaffet, reçu à Pedenat, dépose que celui qui le recevait lui montra une tête ou idole qui lui parut avoir trois faces, en lui disant: Tu dois l'adorer comme ton Sauveur et le Sauveur de l'ordre du Temple, et que lui témoin adora l'idole disant: «Béni soit celui qui sauvera mon âme.» (P. 247 et 293.) Cettus Ragonis, reçu à Rome dans une chambre du palais de Latran, dépose qu'on lui dit en lui montrant l'idole: Recommande-toi à elle, et prie-la qu'elle te donne la santé (p. 293). Selon le premier témoin de Florence, les frères lui disaient les paroles chrétiennes: «Deus, adjuva me.» Et il ajoutait que cette adoration était un rit observé dans tout l'ordre (p. 294). Et en effet en Angleterre un frère mineur dépose avoir appris d'un Templier anglais qu'il y existait quatre principales idoles, une dans la sacristie du temple de Londres, une à Bristelham, la troisième apud Brueriam et la quatrième au delà de l'Humber (p. 297). Le second témoin de Florence ajoute une circonstance nouvelle; il déclare que dans un chapitre un frère dit aux autres: «Adorez cette tête... Istud caput vester Deus est, et vester Mahumet» (p. 295). Gauserand de Montpesant dit qu'elle était faite in figuram Baffometi, et Raymond Rubei déposant qu'on lui avait montré une tête de bois où était peinte figura Baphometi, ajoute: «Et illam adoravit obsculando sibi pedes, dicens yalla, verbum Saracenorum.»

M. Raynouard (p. 301) regarde le mot Baphomet, dans ces deux dépositions, comme une altération du mot Mahomet donné par le premier témoin; il y voit une tendance des inquisiteurs à confirmer ces accusations de bonne intelligence avec les Sarrasins, si répandues contre les Templiers. Alors il faudrait admettre que toutes ces dépositions sont complètement fausses et arrachées par les tortures, car rien de plus absurde sans doute que de faire les Templiers plus mahométans que les mahométans, qui n'adorent point Mahomet. Mais ces témoignages sont trop nombreux, trop unanimes et trop divers à la fois (Rayn., p. 232, 337 et 286-302). D'ailleurs ils sont loin d'être accablants pour l'ordre. Tout ce que les Templiers disent de plus grave, c'est qu'ils ont eu peur, c'est qu'ils ont cru y voir une tête de diable, de mauffe (p. 290), c'est qu'ils ont vu le diable lui-même dans ces cérémonies, sous la figure d'un chat ou d'une femme (p. 293-294). Sans vouloir faire des Templiers en tout point un secte de gnostiques, j'aimerais mieux voir ici avec M. de Hammer une influence de ces doctrines orientales. Baphomet, en grec (selon une étymologie, il est vrai, assez douteuse), c'est le dieu qui baptise l'esprit, celui dont il est écrit: Ipse vos baptizavit in Spiritu Sancto et igni (Math., 3, 11), etc. C'était pour les gnostiques le Paraclet descendu sur les apôtres en forme de langues de feu. Le baptême gnostique était en effet un baptême de feu. Peut-être faut-il voir une allusion à quelque cérémonie de ce genre dans ces bruits qui couraient dans le peuple contre les Templiers «qu'un enfant nouveau engendré d'un Templier et une pucelle estoit cuit et rosty au feu, et toute la graisse ostée et de celle estoit sacrée et ointe leur idole» (Chron. de Saint-Denis, p. 28). Cette prétendue idole ne serait-elle pas une représentation du Paraclet dont la fête (la Pentecôte) était la plus grande solennité du Temple? Ces têtes, dont une devait se trouver dans chaque chapitre, ne furent point retrouvées, il est vrai, sauf une seule, mais elle portait l'inscription LIII. La publicité et l'importance qu'on donnait à ce chef d'accusation décidèrent sans doute les Templiers à en faire au plus tôt disparaître la preuve. Quant à la tête saisie au chapitre de Paris, ils la firent passer pour un reliquaire, la tête de l'une des onze mille vierges (Rayn. p. 299).—Elle avait une grande barbe d'argent.(Retour au texte)

Note 58: Dupuy ne donne point cette lettre en entier; probablement elle ne fut point envoyée, mais plutôt répandue dans le peuple. Nous en avons une au contraire du pape (1er décembre 1308), selon laquelle le roi aurait écrit à Clément V, que des gens de la cour pontificale avaient fait croire aux gens du roi que le pape le chargeait de poursuivre; le roi se serait empressé de décharger sa conscience d'un tel fardeau, et de remettre toute l'affaire au pape qui l'en remercie beaucoup. Cette lettre de Clément me paraît, comme l'autre, moins adressée au roi qu'au public; il est probable qu'elle répond à une lettre qui ne fut jamais écrite.(Retour au texte)

Note 59: Archives du royaume, I, 413. Ces dépositions existent dans un gros rouleau de parchemin, elles ont été fort négligemment extraites par Dupuy, p. 207-212.(Retour au texte)

Note 60: «Confessus est abnegationem prædictam, nobis supplicans quatenus quemdam fratrem servientem et familiarem suum, quem secum habebat, volentem confiteri, audiremus.» Lettre des cardinaux. Dupuy, 241.(Retour au texte)

Note 61: Charles le Boiteux écrit à ses officiers en leur adressant des lettres encloses: «À ce jour que je vous marque, avant qu'il soit clair, voire plutôt en pleine nuict, vous les ouvrirez, 13 janvier 1308.»(Retour au texte)

Note 62: Raynouard.(Retour au texte)

Note 63: Dupuy.(Retour au texte)

Note 64: Id.(Retour au texte)

Note 65: Il avait même écrit déjà au roi d'Angleterre, pour lui assurer que Philippe les remettait aux agents pontificaux, et pour l'engager à imiter ce bon exemple. Dupuy, p. 204. Lettre du 4 octobre 1307. Toutefois l'ordonnance de mainlevée par laquelle Philippe faisait remettre les biens des Templiers aux délégués du pape n'est que du 15 janvier 1309. Encore, à ces délégués du pape il avait adjoint quelques siens agents qui veillaient à ses intérêts en France, et qui, à l'ombre de la commission pontificale, empiétaient sur le domaine voisin. C'est ce que nous apprenons par une réclamation du sénéchal de Gascogne, qui se plaint, au nom d'Édouard II, de ces envahissements du roi de France. Dupuy, p. 312.

Ailleurs il loue magnifiquement le désintéressement de son cher fils, qui n'agit point par avarice, et ne veut rien garder sur ces biens: «Deinde vero, tu, cui, eadem fuerant facinora nuntiata, non typo avaritiæ, cum de bonis Templariorum nihil tibi appropriare... immo ea nobis administranda, gubernanda, conservanda et custodienda liberaliter et devote dimisisti...» 12 août 1308. Dupuy, p. 240.(Retour au texte)

Note 66: Dupuy, p. 240-242. La commission se composait de l'archevêque de Narbonne, des évêques de Bayeux, de Mende, de Limoges, des trois archidiacres de Rouen, de Trente et de Maguelonne, et du prévôt de l'église d'Aix. Les méridionaux, plus dévoués au pape, étaient, comme on le voit, en majorité.(Retour au texte)

Note 67: Dupuy.(Retour au texte)

Note 68: Passant ensuite à une autre affaire, le pape déclare avoir supprimé comme inutile un article de la convention avec les Flamands, qu'il avait, par préoccupation ou négligence, signé à Poitiers, savoir, que si les Flamands encouraient la sentence pontificale en violant cette convention, ils ne pourraient être absous qu'à la requête du roi. Ladite clause pourrait faire taxer le pape de simplicité. Tout excommunié qui satisfait peut se faire absoudre, même sans le consentement de la partie adverse. Le pape ne peut abdiquer le pouvoir d'absoudre.(Retour au texte)

Note 69: Processus contra Templarios, ms. Les commissaires écrivirent une nouvelle lettre où ils disaient qu'apparemment les prélats avaient cru que la commission devait procéder contre l'ordre en général, et non contre les membres; qu'il n'en était pas ainsi: que le pape lui avait remis le jugement des Templiers.(Retour au texte)

Note 70: «Le même jour, avant lui, le 22 novembre, se présenta devant les évêques un homme en habit séculier, lequel déclara s'appeler Jean de Melot (et non Molay, comme disent Raynouard et Dupuy), avoir été Templier dix ans et avoir quitté l'ordre, quoique, disait-il, il n'y eût vu aucun mal. Il déclarait venir pour faire et dire tout ce qu'on voudrait. Les commissaires lui demandèrent s'il voulait défendre l'ordre, qu'ils étaient prêts à l'entendre bénignement. Il répondit qu'il n'était venu pour autre chose, mais qu'il voudrait bien savoir auparavant ce qu'on voulait faire de l'ordre. Et il ajoutait: «Ordonnez de moi ce que vous voudrez; mais faites-moi donner mes nécessités, car je suis bien pauvre.»—Les commissaires voyant à sa figure, à ses gestes et à ses paroles, que c'était un homme simple et un esprit faible, ne procédèrent pas plus avant, mais le renvoyèrent à l'évêque de Paris, qui, disaient-ils, l'accueillerait avec bonté et lui ferait donner de la nourriture.» Process. ms.(Retour au texte)

Note 71: M. Raynouard dit les cardinaux, mais à tort.(Retour au texte)

Note 72: «Quum idem Magister rogasset nobilem virum dominum Guillelmum de Plasiano... qui ibidem venerat, sed non de mandato dictorum dominorum commissariorum, secundum quod dixerunt... et dictus dominus Guillelmus fuisset ad partem locutus cum eodem Magistro, quem sicut asserebat, diligebat et dilexerat, quia uterque miles erat.» Dupuy, 319.

«Quam dilationem concesserunt eidem, majorem etiam se datutos asserentes, si sibi placeret et volebat.» Ibid., 320.(Retour au texte)

Note 73: Dupuy.(Retour au texte)

Note 74: «Vade, vade, ego plus possum quam Christus unquam potuerit, quia ego possum humiliare et depauperare reges, et imperatores et principes, et possum de uno parvo milite facere unum magnum regem, et possum donare civitates et regna.» Ibid., p. 566.—«Tace, miser, non credimus in asinam nec in pullum ejus.» Ibid., p. 6.(Retour au texte)

Note 75: «Pro quâ defensione si patrem occidat, meritum habet, nec pœnas meretur.» Dupuy.(Retour au texte)

Note 76: «Quod contenti erant de lectura facta in latino, et quod non curabant quod tantæ turpitudines, quas asserebant omnino esse falsas et non nominandas, vulgariter exponerentur.» Proc. contra Templ., ms.«Dicentes quod non petebatur ab eis quando ponebantur in janiis, si procuratores constituere volebant.» Ibidem.(Retour au texte)

Note 77: Les uns étaient gardés au Temple, les autres à Saint-Martin-des-Champs, d'autres à l'hôtel du comte de Savoie et dans diverses maisons particulières. (Process. ms.)(Retour au texte)

Note 78: «Respondit quod nolebat litigare cum Dominis papâ et rege Franciæ.» Process. ms.(Retour au texte)

Note 79: Le frère Élie, auteur de cette pièce touchante, finit par prier les notaires de corriger les locutions vicieuses qui peuvent s'être glissées dans son latin. Process. ms., folio 31-32.—D'autres écrivent une apologie en langue romane, altérée et fort mêlée de français du nord. Folio 36-8.(Retour au texte)

Note 80: Je donne cette pièce, telle qu'elle a été transcrite par les notaires, dans son orthographe barbare. «À homes honerables et sages, ordenés de per notre père l'Apostelle (le pape) pour le fet des Templiers li freres, liquies sunt en prisson à Paris en la masson de Tiron... Honeur et reverencie. Comes votre comandemans feut à nos ce jeudi prochainement passé et nos feut demandé se nos volens defendre la Religion deu Temple desusdite, tuit disrent oil, et disons que ele est bone et leal, et en tout sans mauvesté et traison tout ce que nos l'en met sus, et somes prest de nous defendre chacun pour soy ou tous ensemble, an telle manière que droit et sante Église et vos an regardarons, come cil qui sunt en prisson an nois frès à cople II. Et somes en neire fosse oscure toutes les nuits.—Item no vos fessons à savir que les gages de XII deniers que nos avons ne nos soufficent mie. Car nos convient paier nos lis. III deniers par jour chascun lis. Loage du cuisine, napes, touales pour tenelles et autres choses, II sols VI denier la semaigne. Item pour nos ferger et desferger (ôter les fers), puisque nos somes devant les auditors, II sol. Item pour laver dras et robes, linges, chacun XV jours XVIII denier. Item pour buche et candole chascun jor IIII deniers. Item passer et repasser les dis frères, XVI deniers de asiles de Notre-Dame de l'altre part de l'iau.» Proc. ms. folio 39.(Retour au texte)

Note 81: «... Apud Deum et Patrem... Et hoc est omnium fratrum Templi communiter una professio, quæ per universum orbem servatur et servata fuit per omnes fratres ejusdem ordinis, a fundamento religionis usque ad diem præsentem. Et quicumque aliud dicit vel aliter credit, errat totaliter, peccat mortaliter...» Dup., 333.(Retour au texte)

Note 82: «... Quia si recesserunt, prout dicunt, comburentur omnino.»(Retour au texte)

Note 83: Dupuy.(Retour au texte)

Note 84: Le roi d'Angleterre s'était d'abord déclaré assez hautement pour l'ordre; soit par sentiment de justice, soit par opposition à Philippe le Bel, il avait écrit, le 4 décembre 1307, aux rois de Portugal, de Castille, d'Aragon et de Sicile, en faveur des Templiers, les conjurant de ne point ajouter foi à tout ce que l'on débitait contre eux en France. (Dupuy.)(Retour au texte)

Note 85: Selon Dupuy, p. 45, les commissaires du pape auraient répondu à l'appel des défenseurs: «Que les conciles jugeaient les particuliers, et eux informaient du général.»—La commission dit tout le contraire.(Retour au texte)

Note 86: Nom presque illisible dans le texte. La main tremble évidemment. Plus haut, le notaire a bien écrit: Bertaldi.(Retour au texte)

Note 87: «Quod LIV ex Templariis... erant dicta die comburendi...» Process. ms. folio 72 (feuille coupée par la moitié).(Retour au texte)

Note 88: «... Aquodam fuisse dictum coram domino archiepiscopo Senonensi, ejus suffraganeis et concilio... quod dicti præpositus... et archidiaconus... (qui in dicta die martis... præmissa intimasse dicebantur, et ipse iidem hoc attestabantur, suffraganeis domini archiepiscopi Senomensi... tunc absente dicto domino, archiepiscopo Senomensi) prædicta non significaverant de mandato eorumdem dominorum commissariorum.» Process. ms. folio, 71 verso.(Retour au texte)

Note 89: «Constanter et perseveranter in abnegatione communi perstiterunt... non absque multa admiratione stuporeque vehementi.» Contin. Guil. Nang.(Retour au texte)

Note 90: «Pallidus et multum exterritus... impetrando sibi ipsi, si mentiebatur in hoc, mortem subitaneam et quod statim in anima et corpore in præsentia dominorum commissariorum absorberetur in infernum, tondendo sibi pectus cum pugnis, et elevando manus suas versus altare ad majorem assertionem, flectendo genua... cum ipse testi vidisset... duci in quadrigis LIIII fratres dicti ordinis ad comburendum... et AUDIVISSE EOS FUISSE COMBUSTOS; quod ipse qui dubitabat quod non posset habere bonam patientiam si combureretur, timore mortis confiteretur... omnes errores... et quidem etiam interfecisse Dominum, si peteretur ab eo...» Process. ms., 70, verso.(Retour au texte)

Note 91: «Non erat intentionis... in aliquo impedire officium...» Ibidem.

«Comme on disait que le prévôt de l'église de Poitiers et l'archidiacre d'Orléans n'avaient pas parlé de la part des commissaires, ceux-ci chargèrent les envoyés de l'archevêque de Sens de lui dire que le prévôt et l'archidiacre avaient effectivement parlé en leur nom. De plus, ils leur dirent d'annoncer à l'archevêque de Sens que Pierre de Boulogne, Chambonnet et Sartiges avaient appelé de l'archevêque et de son concile, le dimanche 10 mai, et que cet appel avait dû être annoncé le mardi, au concile, par le prévôt et l'archidiacre.» Process. ms. ibidem.(Retour au texte)

Note 92: «Intellecto per litteras regias quod non expediebat.»(Retour au texte)

Note 93: On peut en juger par la déposition de Jean de Pollencourt, le trente-septième déposant. Il déclare d'abord s'en tenir à ses premiers aveux. Les commissaires, le voyant tout pâle et tout effrayé, lui disent de ne songer qu'à dire la vérité, et à sauver son âme; qu'il ne court aucun péril à dire la vérité devant eux; qu'ils ne révéleront pas ses paroles, ni eux, ni les notaires présents. Alors il révoque sa déposition, et déclare même s'en être confessé à un frère mineur, qui lui a enjoint de ne plus porter de faux témoignages.(Retour au texte)

Note 94: Aux conciles de Sens, Senlis, Reims, Rouen, etc., et devant les évêques d'Amiens, Cavaillon, Clermont, Chartres, Limoges, Puy, Mans, Mâcon, Maguelonne, Nevers, Orléans, Périgord, Poitiers, Rhodez, Saintes, Soissons, Toul, Tours, etc.(Retour au texte)

Note 95: Ce registre, que j'ai souvent cité, est à la Bibliothèque royale (fonds Harlay, nº 329). Il contient l'instruction faite à Paris par les commissaires du pape: Processus contra Templarios. Ce ms. avait été déposé dans le trésor de Notre-Dame. Il passa, on ne sait comment, dans la bibliothèque du président Brisson, puis dans celle de M. Servin, avocat général, enfin dans celle des Harlay, dont il porte encore les armes. Au milieu du XVIIIe siècle, M. de Harlay, ayant probablement scrupule de rester détenteur d'un manuscrit de cette importance, le légua à la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés. Ayant heureusement échappé à l'incendie de cette bibliothèque en 1793, il a passé à la Bibliothèque royale. Il en existe un double aux archives du Vatican. Voyez l'appendice de M. Rayn., p. 309.—La plupart des pièces du procès des Templiers sont aux archives du royaume. Les plus curieuses sont: 1º le premier interrogatoire de cent quarante Templiers arrêtés à Paris (en un gros rouleau de parchemin); Dupuy en a donné quelques extraits fort négligés; 2º plusieurs interrogatoires, faits en d'autres villes; 3º la minute des articles sur lesquels ils furent interrogés; ces articles sont précédés d'une minute de lettre, sans date, du roi au pape, espèce de factum destiné évidemment à être répandu dans le peuple. Ces minutes sont sur papier de coton. Ce frêle et précieux chiffon, d'une écriture fort difficile, a été déchiffré et transcrit par un de mes prédécesseurs, le savant M. Pavillet. Il est chargé de corrections que M. Raynouard a relevées avec soin (p. 50) et qui ne peuvent être que de la main d'un des ministres de Philippe le Bel, de Marigni, de Plasian ou de Nogaret; le pape a copié docilement les articles sur le vélin qui est au Vatican. La lettre, malgré ses divisions pédantesques, est écrite avec une chaleur et une force remarquables: «In Dei nomine, Amen. Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat. Post illam universalem victoriam quam ipse Dominus fecit in ligno crucis contra hostem antiquum... ita miram et magnam et strenuam, ita utilem et necessariam... fecit novissimis his diebus per inquisitores... in perfidorum Templariorum negotio... Horrenda fuit domino regi... propter conditionem personarum denunciantium, quia parvi status erant homines ad tam grande promovendum negotium, etc.» Archives, Section hist., J. 413.(Retour au texte)

Note 96: Mayence, 1er juillet; Ravenne, 17 juin, Salamanque, 21 octobre 1310. Les Templiers d'Allemagne se justifièrent à la manière des francs-juges westphaliens. Ils se présentèrent en armes par-devant les archevêques de Mayence et de Trêves, affirmèrent leur innocence, tournèrent le dos au tribunal, et s'en allèrent paisiblement.—Origines du droit, liv. IV, chap. VI: «Si le franc-juge westphalien est accusé, il prendra une épée, la placera devant lui, mettra dessus deux doigts de la main droite, et parlera ainsi: «Seigneurs francs-comtes, pour le point principal, pour tout ce dont vous m'avez parlé et dont l'accusateur me charge, j'en suis innocent: ainsi me soient en aide Dieu et tous ses saints!» Puis il prendra un pfenning marqué d'une croix (kreutz-pfenning) et le jettera en preuve au franc-comte; ensuite il tournera le dos et ira son chemin.» Grimm. 860.(Retour au texte)

Note 97: Monsgaudii, la Montagne de la joie.(Retour au texte)

Note 98: Collectio conciliorum Hispaniæ, epistolarum, decretalium, etc., cura Jos. Saenz. de Aguirre, bened. hisp. mag, generalis et cardinalis. Romæ, 1694, c. III, p. 546. Concilium Tarraconense omnes et singuli a cunctis delictis, erroribus absoluti. 1312.—V. aussi Monarchia Lusitana, pars 6, 1, 19.(Retour au texte)

Note 99: Cette timide et incomplète réparation ne semble pas suffisante à Villani. Il ajoute, sans doute pour rendre la chose plus dramatique et plus honteuse aux Français, que deux chevaliers catalans jetèrent le gant, et s'offrirent pour défendre en combat l'innocence de Boniface. Villani, l. IX, c. XXII, p. 454.(Retour au texte)

Note 100: La pièce suivante, trouvée à l'abbaye des dames de Longchamp, est un échantillon des merveilleux récits par lesquels on tâchait de réchauffer le zèle du peuple pour la croisade: «À trez sainte dame de la réal lingniée des Françoiz, Jehenne, Royne de Jerusalem et de Cécile, notre trez honorable cousine, Hue roy de Cypre, tous ses boz desirs emprospérité venir. Esjouissez vous et elessiez avecquez nous et avecques les autrez crestienz portans le singne de la croix, qui pour la reverance de Dieu et la venjance du trez doulz Jhesucrist qui pour nous sauver voult estre en l'autel de la crois sacrefiez, se combatent contre la trez mescréant gents des Turz. Eslevez au ciel le cri de vous voiz au plus haut que vous pourrez et criez ensemble et faitez crier en rendant gracez et loangez sanz jamez cesser à la benoite Trinité et à la très glorieuse Vierge Marie de si sollempnel si grant et singullier bénéfice qui onques maiz tel dus quez à hore, ne fu ouis, lequel je faiz savoir. Quar le XXIIII jours de juing, nous avecquez les autrez crestienz signés du singne de la croiz, estions assemblez en un plain entre Smirme et haut lieu, là ou estoit l'ost et l'assemblée trez fort et trez puissant des Turz prez de XII. C. mille, et nous crestiens environ CC. mille, meuz et animez de la vertu divine, comansamez à si vigreusement combattre et si grant multitudez Turz mettre à mort, que environ de heure de vesprez nous feusmez tant lassez et tant afoibloiez que nous n'en poyons plus. Mais tous cheux à terre atandions la mort et le loier de notre martire, pour ce que dez Turz avait encore moult deschiellez qui encore point ne sestoient combatu ne sestoient de rienz travaillez et venoient contre nous, aussi désiraux de boire notre sanc comme chienz sont désiraux de boire le sanc des lievrez. Et beu l'eussent, si la trez haute doulceur du ciel ne eust aultrement pourveu. Maiz quant les chevaliers de Jhesucrist se regarderent que il estoient venuz à tel point de la bataille, si commencierent de cuer ensemble à crier à voiz enroueez de leur grant labeur et de leur grant feblesce: Ô très doulz fils de la trèz doulze Vierge Marie, qui pour nous racheter vousiz estre crucifiez, donne nous ferme espérance et vieillez noz cuers si en vous confermer que nous pussions par l'amour de ton glorieux non le loier de martire recevoir, que pluz ne nous poonz deffandre de cez chiens mescreanz. Et ainsi comme nous estienz en oraison en pleurs et en larmez, en criant alassez vois enroueez, et la mort trez amere atendanz, soudainement devant noz tentez apparut suz un trez blanc cheval si trez haut que nulle beste de si grant hauteur nest. Unz homs en sa main portant baniere en champ plus blanche que nulle rienz à une croiz merveille plus rouge que sanc, et estoit vestu de peuz de chamel, et avoit trez grant et trez longue barbe et de maigre face clere et reluisant comme le soleil, qui cria a clere et haute voiz: «Ô les genz de Jhesucrist, ne vous doubtez. Veci la majesté divine qui vous a ouver lez cielx et vouz envoie aide invisible; levez suz et vouz reconfortez et prenez de la viande et venez vigreusement avecquez moi combattre, ne ne vouz doubtez de rienz. Quar des Turz vous aurez victoire et peu mourronz de vouz et ceulz qui de vouz mourront auront la vie perdurable.» Et adonc nous nouz levamez touz, si reconfortez et aussi comme se nous ne nous feussienz onquez combatuz et soudainement nous assilemez (assaillimes) les Turz de tres grand cuer et nous combatinez toutez nuit, et si ne poons paz bien vraiement dire nuit, car la lune non pas comme lune, maiz comme le soleil resplandissant. Et le jour venu, les Turz qui demourez estoient s'enfouirent si que pluz ne lez veismez et aussi par l'aide de Dieu nous eumez victoire de la bataille, et de matin nous nous sentienz plus fors que nous ne faisienz au commencement de la première bataille. Si feimez chanter une messe en lonneur de la benoite Trinité et de la benoite Vierge Marie, et devotement priamez Dieu que il nous vousit octroier grace que les corps des sainz martirs nous puissienz reconnoistre des corps aux mescreanz. Et adonc celui qui devant nous avoit aparut nous dit: «Vous aurez ce que vous avez demandé et plus grant chose fera Dieu pour vous, se fermement en vraie foy perseverez.» Adonc de notre propre bouche li demandamez: «Sire, di nous qui es tu, qui si granz choses as fait pour nous, pourquoy nous puissionz au pueple crestien ton non manifester.» Et il respondi: «Je suis celui qui dist: Ecce agnus Dei, Ecce qui tollit peccata mundi, Celui de cui aujourduy vous celebrez la feste.» Et ce dit, plus ne le veismez mais de lui nous demoura si très-grant et si très-soueve oudeur que ce jour et la nuit ensuivant nous en feumez parfaitement soustenus recreez et repuez sans autre soutenance de viande corporelle. Et en ceste si parfaite recreation nous ordenemez de querre et denombrer lez corps dez sainz martirs et quant nous veinmez au lieu nous trouvasmes au chief de chaccun corps dez crestienz un lonc fut sanz wranchez (branches) qui avoit au coupel une trez blanche fleur ronde comme une oiste (hostie) que l'on consacre, et en celle fleur avoit escript de lettrez dor: Je suis crestien. Et adonc nous lez separamez dez corps dez mescreanz, en merciant le souverain Seingneur. Et ainsi comme nous voulienz suz lez corps faire dire l'office dez mors, cy comme lez crestienz ont accoustume à faire, lez voix du ciel sanz nombre entonnerent et leverent un chans de si tres doulce melodie que il sembloit a chaccun de nous que nous feussienz en possession de la vie perdurable, et par III foiz chanterent ce verset: Venite, benedicti Patris mei, etc. Venez lez benoiz filz de mon Pere, et vous metez en possession du royaume qui vouz est aplie dez le commencement du monde. Et adonc nous ensevelismez lez corps, c'est a savoir III mille et cinquante et II, jouste la cite de Tesbayde qui fu jadiz une cite singuliere, laquelle, avuecquez le pays dileuc environ, nous tenonz pour nous et pour loiaux crestienz. Et est ce pays tant plaisant et delitable et plantureux que nul bon crestien qui soit la, ne se puet doubter que il ne puist bien vivre et trouver sa soustenance. Et les charoingnez des corps des mescreanz cy, comme nous les poimez nombrer, furent pluz de LXXIIIM. Si avonz esperance que le temps est présent venu que la parole de l'Euvangele sera verefiée qui dit qu'il sera une bergerie et un pasteur, c'est-à-dire que toutez manières de gent seront d'une foy emsemblez en la maison et lobediance de Se église dont Jhesucrist sera pasteur. Qui est benedictus in secula seculorum. Amen. Et avint cedit miracle en lan de grace MIL CCC. et XLVIIArchives, Section hist., M. 105.(Retour au texte)

Note 101: V. la lettre de Clément V au roi de France, 11 nov. 1311.(Retour au texte)

Note 102: L'Imitation de Jésus-Christ est le sujet commun d'une foule de livres au XIVe siècle. Le livre que nous connaissons sous ce titre est venu le dernier; c'est le plus raisonnable de tous, mais non peut-être le plus éloquent. «Nihil in hoc libro intendit nisi Jesus Christi notitia et dilectio viscerosa et imitatoria vita.» Arbor Vitæ crucifixi Jesu, Prolog. I, I.—Plusieurs passages respirent un amour exalté: «Ô mon âme, fonds et résous-toi toute en larmes, en songeant à la vie dure du cher petit Jésus et de la tendre Vierge sa mère. Vois comme ils se crucifient, et de leur compassion mutuelle et de celle qu'ils ont pour nous. Ah! si tu pouvais faire de toi un lit pour Jésus fatigué qui couche sur la terre... Si tu pouvais de tes larmes abondantes leur faire un breuvage rafraîchissant; pèlerins altérés, ils ne trouvent rien à boire.—Il y a deux saveurs dans l'amour; l'une si douce dans la présence de l'objet aimé: comme Jésus le fit goûter à sa mère tandis qu'elle était avec lui, le serrait et le baisait. L'autre saveur est amère, dans l'absence et le regret. L'âme défaille en soi, passe en Lui; elle erre autour, cherchant ce qu'elle aime et demandant secours à toute créature. (Ainsi la Vierge cherchait le petit Jésus lorsqu'il enseignait dans le Temple.) Ubert. de Casali, Arbor Vitæ crucifixi Jesu, lib. V, c. VI-VIII, in-4o.(Retour au texte)

Note 103: Selon quelques-uns, la Passion était mieux représentée dans l'aumône que dans le sacrifice: «Quod opus misericordiæ plus placet Deo, quam sacrificium altaris. Quod in eleemosyna magis repræsentatur Passio Christi quam in sacrificio Christi.» Erreurs condamnées à Tarragone, ap. d'Argentré, I, 271.(Retour au texte)

Note 104: Dante célèbre le mariage de la pauvreté et de saint François. Ubertino dit ce mot: «La lampe de la foi, la pauvreté...»(Retour au texte)

Note 105: Voyez Ubertino de Casali, dans son chapitre: Jesus pro nobis indigens. «Habentes dicit (apostolus) non quantum ad proprietatem dominii sed quantum ad facultatem utendi, per quem modum dicimur esse quod utimur, etiam si non sit nobis proprium, sed gratis aliunde collatum.» Ubert. de Casali, Arbor. Vitæ, l. II, c. XI.(Retour au texte)

Note 106: Ceux qu'on avait nommés les priants (béghards) défendaient la prière comme inutile: «Où est l'esprit, disaient-ils, là est la liberté.»—«Non sunt humanæ subjecti obedientiæ, nec ad aliqua præcepta Ecclesiæ obligantur, quia, ut asserunt, ubi spiritus domini, ibi libertas.» Clementin, l. V, tit. 3, c. III. D'Argentré, I, 276.(Retour au texte)

Note 107: Montagne appelée depuis Monte Gazari. Il y vint beaucoup de croisés de Verceil et de Novarre, de toute la Lombardie, de Vienne, de Savoie, de Provence et de France. Des femmes se cotisèrent et envoyèrent cinq cents Balistarii contre ces hérétiques. (Benv. d'Imola.)(Retour au texte)

Note 108: «Venit de Anglia virgo decora valde pariterque facunda, dicens Spiritum sanctum incarnatum in redemptionem mulierum, et baptizavit mulieres, in nomine Patris, Filii ac sui.» Annal. Dominican. Colmar. ap. Urstitium. P. 2, fo 33.(Retour au texte)

Note 109: Eux aussi avaient prêché que l'âge d'amour commençait. Depuis la venue du Christ jusqu'à son retour devaient s'écouler sept âges, «le sixième, âge de rénovation évangélique, d'extirpation de la secte antichrétienne sous les pauvres volontaires, ne possédant rien en cette vie. Cet âge avait commencé à saint François, l'homme séraphique, l'ange du sixième sceau de l'Apocalypse.—Il semblait qu'il fût comme une nouvelle incarnation de Jésus (Jesus Franciscum generans), et sa règle comme un nouvel Évangile... (Ubertino).(Retour au texte)

Note 110: Ubertino, dans son désir de représenter l'Évangile, assure qu'il en avait senti et revêtu spirituellement tous les personnages, qu'il se figurait être, tantôt le serviteur ou le frère du Sauveur, tantôt le bœuf, l'âne ou le foin, quelquefois le petit Jésus. Il assistait au supplice, se croyant la pécheresse Madeleine; puis il devenait Jésus sur la croix et criant à son père. Enfin l'esprit l'enlevait dans la gloire de l'Ascension.(Retour au texte)

Note 111: Walsingham.(Retour au texte)

Note 112: La plupart des historiens ont cru que l'ordre avait été jugé par le concile; la bulle d'abolition n'a été imprimée pour la première fois que trois siècles après, en 1606.—«Multis vocatis prælatis cum cardinalibus in privato consistorio, ordinem Templariorum cassavit. Tertia autem die aprilis 1312, fuit secunda sessio concilii, et prædicta cassatio coram omnibus publicata est (Quint. Vita Clem. V)... præsente rege Franciæ Philippo cum tribus filiis suis, cui negotium erat cordi.» (Tert. Vita Clem. V.)(Retour au texte)

Note 113: «Quod ipsæ confessiones ordinem valde suspectum reddebant... non per modum definitivæ sententiæ, cum tam super hoc, secundum inquisitiones et processus prædictos, non possemus ferre de jure, sed per viam provisionis et ordinationis apostolicæ...» Reg. anni VII Dom. Clem. V, Rayn., 195. On ne peut nier toutefois qu'il n'y eût aussi beaucoup de complaisance et de servilité à l'égard du roi de France. C'était l'opinion du temps... «Et sicut audivi ab uno qui fuit examinator causæ et testium, destructus fuit (ordo) contra justitiam. Et mihi dixit quod ipse Clemens protulit hoc: Et si non per viam justitiæ potest destrui, destruatur tamen per viam expedientiæ, ne scandalizetur charus filius noster rex Franciæ.» Albericus à Rosate.(Retour au texte)

Note 114: On trouve aujourd'hui en blanc, dans ces registres, les pages qui ont été raturées très-adroitement.(Retour au texte)

Note 115: Cependant en Aragon, Jean XXII à la prière du roi applique les biens du Temple non aux Hospitaliers, mais au nouvel ordre de Monteza (monastère fortifié du royaume de Valence, dépendance de Calatrava).(Retour au texte)

Note 116: Per captionem bonorum quondum ordinis templi jam miserunt per omnes domos ipsius Hospitalis certos executores qui vendunt et distrahunt pro libito bona Hospitalis...» Lettre de Jean XXII, XV kal. jun. 1316, Rayn., 25.(Retour au texte)

Note 117: «Modica bona mobilia... quæ ad sumptus et expensas... sufficere minime potuerunt.» Avignon, mai 1309.—Cependant le roi de Naples, Charles II, lui avait cédé la moitié des meubles que les Templiers possédaient en Provence.(Retour au texte)

Note 118: «... Personas reservatas ut nosti,... vivæ vocis oraculo...» 1310, nov. Archives.(Retour au texte)

Note 119: Cont. G. de Nangis, p. 67. Il nous reste encore un acte authentique où cette exécution se trouve indirectement constatée dans un registre du parlement de l'année 1313: «Cum nuper Parisius in insula existente in fluvio Sequanæ justa pointam jardinii nostri, inter dictum jardinium nostrum ex una parte dicti fluvii, et domum religiosorum virorum nostrum S. Augustini Parisius ex alterâ parte dicti fluvii, executio facta fuerit de duobus hominibus qui quondam templarii extitarunt, in insula prædicta combustis; et abbas et conventus S. Germani de Pratis Parisius, dicentes se esse in saisina habendia omnimodam altam et bassam justitiam in insula prædicta... Nos nolumus... quod juri prædictorum... præjudicium aliquod generetur.» Olim. Parliam, III, folio CXLVI, 13 mars 1313 (1314).(Retour au texte)

Note 120: Il y a des monnaies de Philippe le Bel qui représentent la Salutation angélique, avec cette légende: Salus populi.(Retour au texte)

Note 121: «Comment qualifier les paroles de Dupuy: Les grands princes ont je ne scay quel malheur qui accompagne leurs plus belles et généreuses actions, qu'elles sont le plus souvent tirées à contre sens, et prises en mauvaise part, par ceux qui ignorent l'origine des choses, et qui se sont trouvez intéressez dans les partis, puissants ennemis de la vérité, en leur donnant des motifs et des fins vitieuses, au lieu que le zèle à la vertu y prend d'ordinaire la meilleure part.» Dupuy, n. 1.(Retour au texte)

Note 122: Ce reniement fait penser au mot: Offrez à Dieu votre incrédulité.—Dans toute initiation, le récipiendaire est présenté comme un vaurien, afin que l'initiation ait tout l'honneur de sa régénération morale. Voyez l'initiation des tonneliers allemands (notes de l'Introd. à l'hist. univ.): «Tout à l'heure, dit le parrain de l'apprenti, je vous amenais une peau de chèvre, un meurtrier de cerceaux, un gâte-bois, un batteur de pavés, traître aux maîtres et aux compagnons; maintenant j'espère... etc.»—V. plus haut, t. II, livre III et livre IV, ch. IX, les cérémonies grotesques et la fête des idiots, fatuorum: «Le peuple élevait la voix..., il entrait, innombrable, tumultueux, par tous les vomitoires de la cathédrale, avec sa grande voix confuse, géant enfant, comme le saint Christophe de la légende, brut, ignorant, passionné, mais docile, implorant l'initiation, demandant à porter le Christ sur ses épaules colossales. Il entrait, amenant dans l'Église le hideux dragon du péché, il le traînait, soûlé de victuailles, aux pieds du Sauveur, sous le coup de la prière qui doit l'immoler. Quelquefois aussi, reconnaissant que la bestialité était en lui-même, il exposait dans des extravagances symboliques sa misère, son infirmité. C'est ce qu'on appelait la fête des idiots, fatuorum. Cette imitation de l'orgie païenne, tolérée par le christianisme, comme l'adieu de l'homme à la sensualité qu'il abjurait, se reproduisait aux fêtes de l'enfance du Christ, à la Circoncision, aux Rois, aux Saints-Innocents.»(Retour au texte)

Note 123: Un des témoins dépose que, comme il se refusait à renier Dieu et à cracher sur la croix, Raynaud de Brignolles, qui le recevait, lui dit en riant: «Sois tranquille, ce n'est qu'une farce. Non cures, quia non est nisi quædam trufa.» (Rayn.) Le précepteur d'Aquitaine dans son importante déposition, que nous transcrirons en partie, nous a conservé, avec le récit d'une cérémonie de ce genre, une tradition sur son origine.—Celui qui le recevait, l'ayant revêtu du manteau de l'Ordre, lui montra sur un missel un crucifix et lui dit d'abjurer le Christ, attaché en croix. Et lui tout effrayé le refusa s'écriant: Hélas! mon Dieu, pourquoi le ferais-je? Je ne le ferai aucunement.—Fais-le sans crainte, lui répondit l'autre. Je jure sur mon âme que tu n'en éprouveras aucun dommage en ton âme et ta conscience; car c'est une cérémonie de l'Ordre, introduite par un mauvais grand maître, qui se trouvait captif d'un soudan, et ne put obtenir sa liberté qu'en jurant de faire ainsi abjurer le Christ à tous ceux qui seraient reçus à l'avenir; et cela fut toujours observé, c'est pourquoi tu peux bien le faire. Et alors le déposant ne le voulut faire, mais plutôt y contredit, et il demanda où était son oncle et les autres bonnes gens qui l'avaient conduit là. Mais l'autre lui répondit: Ils sont partis, et il faut que tu fasses ce que je te prescris. Et il ne le voulut encore faire. Voyant sa résistance, le chevalier lui dit encore: Si tu voulais me jurer sur les saints Évangiles de Dieu que tu diras à tous les frères de l'Ordre que tu as fait ce que je t'ai prescrit, je t'en ferais grâce. Et le déposant le promit et jura. Et alors il lui en fit grâce, sauf toutefois que couvrant de sa main le crucifix, il le fit cracher sur sa main... Interrogé s'il a ordonné quelques frères, il dit qu'il en fit peu de sa main, à cause de cette irrévérence qu'il fallait commettre en leur réception... Il dit toutefois qu'il avait fait cinq chevaliers. Et interrogé s'il leur avait fait abjurer le Christ, il affirma sous serment qu'il les avait ménagés de la même manière qu'on l'avait ménagé... Et un jour qu'il était dans la chapelle pour entendre la messe... le frère Bernard lui dit: Seigneur, certaine trame s'ourdit contre vous: on a déjà rédigé un écrit dans lequel on mande au grand maître et aux autres que dans la réception des frères de l'Ordre tous n'observez pas les formes que tous devez observer... Et le déposant pensa que c'était pour avoir usé de ménagements envers ces chevaliers.—Adjuré de dire d'où venait cet aveuglement étrange de renier le Christ et de cracher sur la croix, il répondit sous serment: «Certains de l'Ordre disent que ce fut un ordre de ce grand maître captif du soudan comme on l'a dit. D'autres, que c'est une des mauvaises introductions et statuts de frère Procelin, autrefois grand maître; d'autres, de détestables statuts et doctrines de frère Thomas Bernard, jadis grand maître; d'autres, que c'est à l'imitation en mémoire de saint Pierre, qui renia trois fois le Christ.» Dupuy, p. 314-316. Si l'absence de torture, et les efforts de l'accusé pour atténuer le fait, mettent ce fait hors de doute, ses scrupules, ses ménagements, les traditions diverses qu'il accumule avant d'arriver à l'origine symbolique, prouvent non moins sûrement qu'on avait perdu la signification du symbole.(Retour au texte)

Note 124: Pourtant mes études pour le 2e volume du procès m'ont livré des actes accablants. C'étaient les mœurs de l'Église, prêtres et moines. V. le cartulaire de Saint-Bertin pour le XIe et le XIIe siècles, Eudes Rigaud pour le XIIIe. (1860.)(Retour au texte)

Note 125: Origines du droit, page CXVIII:

«Le symbolisme féodal n'eut point en France la riche efflorescence poétique qui le caractérise en Allemagne. La France est une province romaine, une terre d'église. Dans ses âges barbares, elle conserve toujours des habitudes logiques. La poésie féodale naquit au sein de la prose.

«Cette poésie trouvait dans l'élément primitif, dans la race même, quelque chose de plus hostile encore. Nos Gaulois, dans leurs invasions d'Italie et de Grèce, apparaissent déjà comme un peuple railleur. On sait qu'au majestueux aspect du vieux Romain siégeant sur sa chaise curule, le soldat de Brennus trouva plaisant de lui toucher la barbe. La France a touché ainsi familièrement toute poésie.

«Malgré l'abattement des misères, malgré la grande tristesse que le christianisme répandait sur le moyen âge, l'ironie perce de bonne heure. Dès le XIIe siècle, Guilbert de Nogent nous montre les gens d'Amiens, les cabaretiers et les bouchers, se mettant sur leur porte, quand leur comte, sur son gros cheval, caracolait dans les rues, et tous effarouchant de leurs risées la bête féodale.

«Le symbolisme armorial, ses riches couleurs, ses belles devises, n'imposaient probablement pas beaucoup à de telles gens. La pantomime juridique des actes féodaux faisait rire le bourgeois sous cape.

«Ne croyez pas trop à la simplesse du peuple de ces temps-là, à la naïveté de cette bonne vieille langue. Les renards royaux, qui s'affublèrent de si blanche et si douce hermine pour surprendre les lions, les aigles féodaux, tuaient, comme tuait le sphinx, par l'énigme et par l'équivoque.»(Retour au texte)

Note 126: «Una est columba mea, perfecta mea, una est matri suæ... Una nempe fuit diluvii tempore arca Noë... Hæc est tunica illa Domini inconsutilis... Dicentibus Apostolis: Ecce gladii duo hic...» preuves du différend, p. 55.—«Qu'elle est forte cette Église, et que redoutable est le glaive...» Bossuet, Oraison funèbre de Le Tellier.(Retour au texte)

Note 127: Et aussi, je crois, des frères servants. La plupart des deux cents témoins interrogés par la commission pontificale sont qualifiés servants, servientes.(Retour au texte)

Note 128: C'est un des faits qui par l'accord de tous les témoignages avait été placé en Angleterre dans la catégorie des points irrécusables. «Articuli qui videbantur probati.»

Tantôt les chefs renvoyaient à absoudre au frère chapelain, sans confession: «Præcipit fratri capellano eum absolvere a peccatis suis quamvis frater capellanus eam confessionem non audierat,» p. 377, col. 2, 367.

Tantôt ils les absolvaient eux-mêmes, quoique laïcs:... «Quod et credebant et licebatur eis quod magnus magister ordinis poterat eos absolvere a peccatis suis. Item quod visitator. Item quod præceptores quorum multi erant laici,» 358, 22 test. «Quod... templarii laici suos homines absolvebant.» Concil. Brit., II, 360.

«Quod facit generalem absolutionem de peccatis quæ nolunt confiteri propter erubescentiam carnis... quod credebant quod de peccatis capitulo recognitis, de quibus ibidem fuerat absolutio non oportebat confiteri sacerdoti... quod de mortalibus non debebant confiteri nisi in capitulo, et de venialibus tantum sacerdoti» (5 testes) 358, col. 1.

Même accord dans les dépositions des templiers d'Écosse: «Inferiores clerici vel laïci possunt absolvere fratres sibi subditos,» p. 381, col. 1, premier témoin. De même le 41e témoin. Conc. Brit. 14, p. 382.(Retour au texte)

Note 129: M. Fauriel a fort bien établi que le grand poète théologien ne fut jamais populaire en Italie. Les Italiens du XIVe siècle, hommes d'affaires, et qui succédaient aux Juifs, furent antidantesques.(Retour au texte)

Note 130: V. la mort du président Minart.(Retour au texte)

Note 131: Rien de plus fréquent dans les hagiographes que cette lutte pour l'âme convertie, ou plutôt ce procès simulé où le Diable vient malgré lui rendre témoignage à la puissance du repentir.—On connaît la fameuse légende de Dagobert. César d'Heisterbach cite une pareille histoire d'un usurier converti. Que le débat fût visible ou non, c'était toujours la formule: «Si quis decedat contritus et confessus, licet non satisfecerit de peccatis confessis, tamen boni angeli confortant ipsum contra incursum dæmonum, dicentes... Quibus maligni spiritus... Mox advenit Virgo Maria alloquens dæmones..., etc.» Herm. Corn. chr. ap. Eccard. m. ævi, t. II, p. 11.(Retour au texte)

Note 132: «Agnei, lucifugi, etc.» M. Psellus. Cet auteur byzantin est du XIe siècle. Édid. Gaulminus. 1615, in-12.—Bodin, dans son livre De Præstigiis, imprimé à Bâle, 1578, a dressé l'inventaire de la monarchie diabolique avec les noms et surnoms de 72 princes et de 7,405,926 diables.(Retour au texte)

Note 133: La sorcellerie naît surtout des misères de ce temps si manichéen. Des monastères elle avait passé dans les campagnes. Voir sur le Diable, l'An 1000, tome II; sur les sorcières, Renaissance, Introduction; sur le sabbat au moyen âge, tome XI de cette histoire, ch. XVII et XVIII. Le sabbat au moyen âge est une révolte nocturne de serfs contre le Dieu du prêtre et du seigneur, (1860.)(Retour au texte)

Note 134: Plusieurs furent accusés d'en avoir vendu en bouteilles. «Plût à Dieu, dit sérieusement Leloyer, que cette denrée fût moins commune dans le commerce!»(Retour au texte)

Note 135: Mém. de Luther, t. III.(Retour au texte)

Note 136: La dénonciation avait été d'autant mieux accueillie que Guichard passait pour être fils d'un démon, d'un incube. Archives, section hist. J. 433.(Retour au texte)

Note 137: Marguerite, fille du duc de Bourgogne; Jeanne et Blanche, filles du comte de Bourgogne (Franche-Comté). «Mulierculis... adhuc ætate juvenculis.» Contin. G. de Nangis.(Retour au texte)

Note 138: «Pluribus locis et temporibus sacrosanctis.»(Retour au texte)

Note 139: Jean de Meung Clopinel, qui, dit-on, par ordre de Philippe le Bel, allongea de dix-huit mille vers le trop long Roman de la Rose, exprime brutalement ce qu'il pense des dames de ce siècle. On conte que ces dames, pour venger leur réputation d'honneur et de modestie, attendirent le poète, verges en main, et qu'elles voulaient le fouetter. Il aurait échappé en demandant pour grâce unique que la plus outragée frappât la première.—«Prudes femmes par saint Denis. Autant en est que de Phénix, etc.»—Lui-même au reste avait pris soin de les justifier par les doctrines qu'il prêche dans son livre. Ce n'est pas moins que la communauté des femmes:

Car nature n'est pas si sotte...
Ains vous a fait, beau fils, n'en doubtes,
Toutes pour tous, et tous pour toutes,
Chascune pour chascun commune
Et chascun commun pour chascune.
Roman de la Rose, V, 14, 653. Éd. 1725-7.

Cet insipide ouvrage, qui n'a pour lui que le jargon de la galanterie du temps, et l'obscénité de la fin, semble la profession de foi du sensualisme grossier qui règne au XIVe siècle. Jean Molinet l'a moralisé et mis en prose.(Retour au texte)

Note 140: Elle fut, dit brutalement le moine historien, engrossée par son geôlier ou par d'autres.—D'après ce qu'on sait des princes de ce temps, on croirait aisément que la pauvre créature, dont la première faiblesse n'était pas bien prouvée, fut mise à la discrétion d'un homme chargé de l'avilir.—«Blancha vero carcere remanens, a serviente quodam ejus custodiæ deputato dicebatur imprægnata fuisse quam a proprio comite diceretur, vel ab aliis imprægnata.» Cont. G. de N., p. 70. Il passe outre avec une cruelle insouciance; peut-être aussi n'ose-t-il en dire davantage.—Cette horrible aventure des belles-filles de Philippe le Bel a peut-être donné lieu, par un malentendu, à la tradition relative à la femme de ce prince, Jeanne de Navarre, et à l'hôtel de Nesle. Aucun témoignage ancien n'appuie cette tradition. Voyez Bayle, article Buridan. La tradition serait toutefois moins vraisemblable encore, si l'on voulait, comme Bayle, l'appliquer à l'une des belles-filles du roi. Jeunes comme elles l'étaient, elles n'avaient pas besoin de tels moyens pour trouver des amants. Quoi qu'il en soit, Jeanne de Navarre paraît avoir été d'un caractère dur et sanguinaire. (Voyez plus haut.) Elle était reine de son chef, et pouvait moins ménager son époux.(Retour au texte)

Note 141: Contin. G. de Nangis, ann. 1304, 1308, 1313, 1315, 1320, p. 58, 61, 67, 68, 70, 77, 78.(Retour au texte)

Note 142: À sa mort, il demeura quelque temps comme abandonné.—«Gascones qui cum eo steterant, intenti circa sarcinas, videbantur de sepultura corporis non curare, quia diu remansit insepultum.» Baluz., Vit. Pap. Aven., I, p. 22.(Retour au texte)

Note 143: À côté de Monaldeschi.(Retour au texte)

Note 144: Dante, Paradiso, c. XIX:

Li si vedra in duol, che sopra Senna
Induce, falseggiando la moneta
Quel che morra di colpo di cotenna.

Suivant plusieurs auteurs, il aurait été en effet tué à la chasse au cerf. «Il veit venir le cerf vers luy, si sacqua son espée, et ferit son cheval des esperons, et cuida férir le cerf, et son cheval le porta encore contre un arbre, de si grand'roideur, que le bon roy cheut à terre, et fut moult durement blecé au cueur, et fut porté à Corbeil. Là, luy agreva sa maladie moult fort...» Chronique, trad. par Sauvage, p. 110, Lyon, 1572, in-folio.

«Diuturnâ detentus infirmitate, cujus causa medicis erat incognita, non solum ipsis, sed et aliis multi stuporis materiam et admirationis induxit, præsertim cum infirmitatis aut mortis periculum, nec pulsus ostenderet nec urina.» Contin. G. de Nangis, fol. 69.(Retour au texte)

Note 145: V. S. Ægidii Romani, archiep. Bituricensis questio De utraque potestate, edidit Goldastus, Monarchia, II, 95. Un Colonna ne pouvait qu'inspirer à son élève la haine des papes.(Retour au texte)

Note 146: C'est l'auteur du Roman de la Rose, Jean de Meung, qui lui avait traduit ces livres.—La confiance que lui accordait le roi ne l'avait pas empêché de tracer dans le Roman de la Rose ce rude tableau de la royauté primitive:

Ung grant villain entre eux esleurent,
Le plus corsu de quanqu'ils furent,
Le plus ossu, et le greigneur,
Et le firent prince et seigneur.
Cil jura que droit leur tiendroit,
Se chacun en droit soy luy livre
Des biens dont il se puisse vivre...
De là vint le commencement
Aux rois et princes terriens
Selon les livres anciens.
Rom. de la Rose, v. 1064.

Il rappelle tous ses titres littéraires dans l'Épître liminaire qu'il a mise en tête du livre de la Consolation. «À ta royale Majesté, très-noble Prince par la Grâce de Dieu, Roy des François Philippe le Quart; je Jehan de Meung qui jadis au Romans de la Rose, puisque Jalousie ot mis en prison Belacueil, ay enseigné la manière du Chastel prendre, et de la Rose cueillir; et translaté de latin en françois le livre de Vegèce de chevalerie, et le livre des merveilles de Hirlande: et le livre des Épistres de Pierre Abeillard et Héloïse sa femme: et le livre d'Aclred, de spirituelle amitié: envoyé ores Boëce de Consolation, que j'ai translaté en françois, jaçoit ce qu'entendes bien latin.»(Retour au texte)

Note 147: «En celle année s'esmeut grand'dissension en les Recteur, maistres et escholiers de l'Université de Paris, et le prévost dudit lieu; parce que ledit prévost avoit fait pendre un clerc de ladite Université. Adonc cessa la lecture de toutes facultez, jusques à tant que ledit prévost l'amenda, et répara grandement l'offense, et entre autres choses fut condamné ledit prévost à le dépendre et le baiser. Et convint que ledit prévost allast en Avignon vers le pape, pour soy faire absoudre.» 1285. Nicolas Gilles.(Retour au texte)

Note 148: Bulæus, IV, 70. Voyez dans Goldast., II, 108, Johannis de Parisiis Tractatus de potestate regia et papali.(Retour au texte)

Note 149: Ord., I, 502. Le roi déclare qu'il n'y aura pas de professeurs de théologie.(Retour au texte)

Note 150: Aux colléges de Navarre et de Montaigu, il faut ajouter le collége d'Harcourt (1280); la Maison du cardinal (1303); le collége de Bayeux (1308).—1314, collége de Laon; 1317, collége de Narbonne; 1319, collége de Tréguier; 1317-1321, collége de Cornouailles; 1326, collége du Plessis, collége des Écossais; 1329, collége de Marmoutiers; 1332, un nouveau collége de Narbonne fondé en exécution du testament de Jeanne de Bourgogne; 1334, collége des Lombards; 1334, collége de Tours; 1336, collége de Lizieux; 1337, collége d'Autun, etc.(Retour au texte)

Note 151: Mons acutus, dentes acuti, ingenium acutum.(Retour au texte)

Note 152: Le maître sera élu entre les pauvres écoliers et par eux... L'élu sera appelé le ministre des pauvres. Il est fait mention dans ce règlement de 84 pauvres écoliers fondés en l'honneur des 12 apôtres et des 72 disciples.(Retour au texte)

Note 153: L'habit de cette société était une cape fermée par devant comme en portaient les maîtres ès arts de la rue de Fouarre, et un camail aussi fermé par devant et par derrière, d'où leur nom de Capètes. Les parents ne pouvaient menacer leurs enfants d'un plus grand châtiment que de les faire Capètes. Félibien, I, 526 sq.(Retour au texte)

Note 154: Ord., I, 329.(Retour au texte)

Note 155: Olim Parliamenti.(Retour au texte)

Note 156: «Omnes in regno Franciæ temperatam juridictionem habentes, baillivum, præpositum et servientes laicos et nullatenus clericos instituant, ut, si ibi delinquant, superiores sui possint animadvertere in eosdem. Et si aliqui clerici sint in prædictis officiis, amoveantur.» Ord., I, 316. Années 1287-1288.(Retour au texte)

Note 157: «Non capiantur aut incarcerentur ad mandatum aliquorum patrum, fratrum alicujus ordinis vel aliorum, quocunque fungantur officio.» Ord., I, 317.(Retour au texte)

Note 158: Ord., I, 322. On y distingue les fiefs du roi, les arrière-fiefs, les aleux. Dans tous les cas, la taxe royale pour les acquisitions à titre onéreux est le double de la taxe des acquisitions à titre gratuit. On craignait plus les achats que les donations.(Retour au texte)

Note 159: «Ad instar sancti Ludovici, eximii confessoris... guerras... bella..., provocationes etiam ad duellum... durantibus guerris nostris, expresse inhibemus.» Ord., I, 390, Conf. p. 328. Ann. 1296, p. 344. Ann. 1302, p. 549. Ann. 1314, juillet.—«Quatenus omnes et singulos nobiles... capias et arrestes, capique et arrestari facias, et tamdiu in arresto teneri, donec a nobis mandatum.» Ord., I, 424 (Ann. 1304).

En 1302, ordre au bailli d'Amiens d'envoyer à la guerre de Flandre, tous ceux qui auront plus de 100 livres en meubles et 200 en immeubles: les autres devaient être épargnés. Ord., I, 345. Mais l'année suivante (29 mai) il fut ordonné que tout roturier qui aurait cinquante livres en meubles ou vingt en immeubles, contribuerait de sa personne ou de son argent. Ord., I, 373.(Retour au texte)

Note 160: C'étaient des formalités analogues à celles qu'on impose aujourd'hui à l'étranger qui veut devenir Français; autorisation du prévost ou maire, domicile établi par l'achat «pour raison de la bourgeoisie d'une maison dedenz an et jour, de la value de soixante sols parisis au moins; signification au seigneur dessoubs cui il iert partis;» résidence obligatoire de la Toussaint à la Saint-Jean, etc. Ord., I, 314.(Retour au texte)

Note 161: Ord., I, p. 318... «Quod bona mobilia clericorum capi vel justiciari non possint... per justiciam secularem... Causæ ordinariæ prælatorum in parliamentis tantummodo agitentur... nec ad senescallos aut baillivos... liceat appellare... Non impediantur a taillis..., etc.»

«Baillivis... injungimus... diocesanis episcopis, et inquisitoribus... pareant, et intendant in hæreticorum investigatione, captione... condemnatos sibi relictos statim recipiant, indilate animadversione debita puniendos... non obstantibus appellationibus.» Ord., I, p. 330, ann. 1298.

Mandement adressé aux baillis de la Touraine et du Maine pour leur commander le respect des ecclésiastiques. Lettres accordées aux évêques de Normandie contre les oppressions des baillis, vicomtes, etc. Ord., I, 331, 334. Ordonnance semblable en faveur des églises du Languedoc, 8 mai 1302, ibid., page 340.(Retour au texte)

Note 162: «Contra usurarum voraginem... volumus ut debita quantum ad sortem primariam plenarie persolvantur, quod vero ultra sortem fuerit legaliter penitus remittendo.» Ord., I, 334.

«Nisi prius per aliquem idoneum virum, quem ad hoc specialiter deputaverimus... constiterit, quod nos sumus in bona saisina percipiendi...» Ord., I, 338-339.(Retour au texte)

Note 163: «Signifiez à tous, par cri général, sans faire mention de prélats ni de barons, c'est à savoir que toutes manières de gens apportent la moitié de leur vaissellement d'argent blanc.» Ord., I, 317.(Retour au texte)

Note 164: L'irritation semble avoir été grande contre les prêtres; le roi est obligé de défendre aux Normands de crier Haro sur les clercs. (Ord., I, 318.)—«Nonnulli prælati, abbates, priores..., inhibitione nostra spreta... ab regno egredi... Nolentes igitur ob ipsarum absentiam personarum bona earum dissipari et potius ea cupientes conservari... mandamus, etc.» Ord., I, 349.(Retour au texte)

Note 165: Ord., fin 1302.(Retour au texte)

Note 166: Le roi déclare qu'en réformation de son royaume, il prend les églises sous sa protection, et entend les faire jouir de leurs franchises ou priviléges comme au temps de son aïeul saint Louis. En conséquence, s'il lui arrive de prononcer quelque saisie sur un prêtre, son bailli ne devra y procéder qu'après mûre enquête, et la saisie ne dépassera jamais le taux de l'amende. On recherchera par tout le royaume les bonnes coutumes qui existaient au temps de saint Louis pour les rétablir. Si les prélats ou barons ont au Parlement quelque affaire, ils seront traités honnêtement, expédiés promptement.» (Ord., I, 357.)(Retour au texte)

Note 167: «Nisi in casu pertinente ad jus nostrum regium...» Il ajoutait pourtant que le fief acquis ainsi par forfaiture serait dans l'an et jour remis hors sa main à une personne convenable qui desservît le fief. Mais il se réservait encore cette alternative: «Ou nous donnerons au maître du fief récompense suffisante et raisonnable.» Ord., I, 358.

La plus grande partie de cette ordonnance de réforme concerne les baillis et autres officiers royaux, et tend à prévenir les abus de pouvoir. Nommés par le grand conseil (14), ils ne pourront faire partie de cette assemblée (16). Ils ne pourront avoir pour prévôts ou lieutenants leurs parents ou alliés, ni remplir cette charge dans le lieu de leur naissance (27), ni s'attacher par mariage ou achat d'immeubles au pays de leur juridiction, mesure de garantie imitée des Romains, mais étendue aux enfants, sœurs, nièces et neveux des officiers royaux (50-51). L'ordonnance réglait le temps de leurs assises (26), dont chacune, en finissant, devait préciser le commencement de la suivante; elle posait les limites de leur ressort entre eux (60), de leur compétence entre les justices des prélats et des barons (25), et les limites de leurs pouvoirs sur les justiciables. Ils ne pouvaient tenir aucun en prison pour dettes, à moins qu'il n'y eût sur lui contrainte par corps, par lettres passées sous le scel royal (52).

La même ordonnance leur défendait de recevoir à titre de don ou de prêt (40-43) ni pour eux ni pour leurs enfants (41) (ils ne pourront recevoir de vin, nisi in barillis, seu boutellis vel potis), et ils ne pourront vendre le surplus, ni donner rien aux membres du grand conseil, leurs juges (44), ni prendre des baillis inférieurs leurs comptables (48). La nomination à ces charges devait se faire par eux avec les plus grandes précautions (56); le roi continue à en exclure les clercs; il met ceux-ci en assez mauvaise compagnie: «Non clerici, non usurarii, non infames, nec suspecti circa oppressiones subjectorum» (19). Ord., II, 357-367.(Retour au texte)

Note 168: Nul doute que le Parlement ne remonte plus haut. On en trouve la première trace dans l'ordonnance, dite testament de Philippe Auguste (1190). Si pourtant l'on considère l'importance toute nouvelle que le Parlement prit sous Philippe le Bel, on ne s'étonnera pas que la plupart des historiens l'en aient nommé le fondateur.—Voyez l'important mémoire de M. Klimrath Sur les Olim et sur le Parlement. V. aussi une dissertation ms. sur l'origine du Parlement (Archives du royaume). L'auteur anonyme, qui peut-être écrivait sous le chancelier Maupeou, partage l'opinion de M. Klimrath.(Retour au texte)

Note 169: Ann. 1304. Ord., I, 547. Cette ordonnance paraît être la mise à exécution de l'art. 62 de l'édit que nous venons d'analyser. C'est le règlement d'administration qui complète la loi.

Origines du droit, livre IV, chap. VII: «Pendant tout le moyen âge, la jurisprudence flotte entre le duel et l'épreuve, selon que l'esprit militaire et sacerdotal l'emporte alternativement.

«Le serment et les ordalies étant trop souvent suspectes, les guerriers préféraient le duel. Saint Louis et Frédéric II le défendirent dès le XIIIe siècle.

«Une trop mauvese coustume souloit courre enchiennement, si comme nous avons entendu des seigneurs de lois, car li aucuns si louoient campions, en tele manière que il se devoient combatre par toutes les querelles que il aroient à fere ou bonnes ou mauveses.» (Beaumanoir.)—«Quand aucun a passé âge comme de soixante ans, ou qu'il est débilité d'aucun membre, il n'est pas habile à combattre. Et pour ce fut établi que s'il étoit accusé d'aucun cas, qui par gage de bataille se deut terminer, qu'il pourroit mettre champion qui feroit le fait pour lui, à ses périls et dépends, et pour ce fut constitué et établi homage de foy et de service. Et en vouloit-on anciennement plus user, que l'on ne fait, car on combattoit pour plus de cas, qu'on ne fait pour le présent... Et doit l'en savoir, que quand un champion faisoit gaige de bataille pour aucun autre accusé d'aucun crime, se le champion estoit desconfit, feust par soi rendant en champ, ou autrement, cil pour qui il combattoit estoit pendu, et forfaisoit tous ses biens et meubles héritages, ainsi que la coutume déclaire, aussi bien comme cil propre eust été déconfit en champ; et le champion n'avoit nul mal et ne forfaisoit rien.» (Vieille glose sur l'ancienne coutume de Normandie.)(Retour au texte)

Note 170: «Nos autem Johanna impertimus assensum.» Ord., I, 326.—Ord., I, 429.—Ord., I, page 451.

«Que nul ne rachace, ne fasse rechacier, ne trebucher, ne requeure nulle monnoye quele qu'ele soit de nostre coing.» 20 janvier 1310. Ord., I, 475.—Ord., I, 481, 16 mai 1311.

«Que le Roi pourchace par devers ses Barons que ils se sueffrent de faire ouvrer jusques à onze ans, car autrement il ne peut pas remplir son pueble de bonne monnoie, ne son royaume. Et furent à accort que li Rois doint tant en or, en argent que il n'y preigne nul profit.» Ord., I, 548-549. Cependant on rencontra tant de résistance de la part des barons et des prélats intéressés qu'il fallut se contenter de leur prescrire l'aloi, le poids et la marque de leurs monnaies. Leblanc, p. 229.(Retour au texte)

Note 171: Ord., ann. 1311.(Retour au texte)

Note 172: Boulainvilliers.(Retour au texte)

Note 173: Voyez comme le continuateur de Nangis change de langage tout à coup, comme il devient hardi, comme il élève la voix. Fol. 69-70.—Ord., I, 551 et 592, 561-577 et 525, 572.—Ord., I, 559, 8º; 574, 5º; 554, 2º.—Ord., I, 562, 2º.

«Nous voullons et octroyons que en cas de murtre, de larrecin, de rapt, de trahison et de roberie gage de bataille soit ouvert, se les cas ne pouvoient estre prouves par tesmoings.» Ord., I, 507. «Et quant au gage de bataille, nous voullons que il en usent, si come l'en fesoit anciennement.» Ibid., 558.

«Le quart article qui est tiel. Item, que le Roy n'acquiere, ne s'accroisse ès baronnies et chastellenies, ès fiez et riere-fiez desdits nobles et religieus, se n'est de leur volonté, nous leur octroyons.»—Ord., I, 572 (31); 576 (15); 564 (6).(Retour au texte)

Note 174: «Gratiosus, cautus et sapiens.» Cont. G. de Nangis.(Retour au texte)

Note 175: Ses ennemis l'en accusèrent.—On disait encore qu'il avait, pour de l'argent, procuré une trêve au comte de Flandre.(Retour au texte)

Note 176: Les modernes ont ajouté beaucoup de circonstances sur la rupture de Charles de Valois et de Marigny, un démenti, un soufflet, etc.(Retour au texte)

Note 177: Il y eut trois Raoul de Presles; le premier, qui déposa en 1309 contre les Templiers, fut impliqué dans l'affaire de Pierre de Latilly, et recouvra la liberté en perdant ses biens. Louis le Hutin en eut des remords; par son testament, il ordonna qu'on lui rendît comme de raison tout ce qu'on lui avait pris. Philippe le Long et Charles le Bel l'anoblirent pour ses bons services. Le second Raoul n'est connu que par un faux, et aussi par un bâtard qu'il eut en prison. Ce bâtard est le plus illustre des Raoul. En 1365, il se fit connaître de Charles V par une allégorie, intitulée la Muse. Il fut chargé par ce prince de traduire la Cité de Dieu, et paraît n'avoir pas été étranger à la composition du Songe du Vergier.(Retour au texte)

Note 178: «Nous qui avons oie la grande complainte de nostre pueble du royaume de France, qui nous a montré comment par les monoies faites hors de nostre royaume et contrefaites à nos coings, et aus coings de nos barons, et par les monoies aussi de nos dits barons lesquelles monoies toutes ne sont pas du poids de la loy ne du coing anciens ne convenables, nos subgiez et nostre pueble sont domagiés en moult de manières et de ceuz souvent grossement... Ordenons, etc.» Ord., I, 609-6.—Ord., I, 615 et suiv.(Retour au texte)

Note 179: Ord., I, p. 583.(Retour au texte)

Note 180: À la fin de son règne si court, Louis semble devenu l'ennemi des barons. Jamais Philippe le Bel ne leur fit réponse plus sèche et, ce semble, plus dérisoire que celle de son fils aux nobles de Champagne (1er décembre 1315). Ils demandaient qu'on leur expliquât ce mot vague de Cas royaux, au moyen duquel les juges du roi appelaient à eux toute affaire qu'ils voulaient. Le roi répond: «Nous les avons éclaircis en cette manière. C'est assavoir que la Royal Majesté est entendüe, ès cas qui de droit, ou de ancienne coutume, püent et doient appartenir à souverain Prince et à nul autre.» Ord., I, 606.(Retour au texte)

Note 181: «N'étant revenu à Paris qu'un mois après la mort de Louis X, il trouva son oncle, le comte de Valois, à la tête d'un parti prêt à lui disputer la régence. La bourgeoisie de Paris prit les armes sous la conduite de Gaucher de Châtillon, et chassa les soldats du comte de Valois, qui s'étaient déjà emparés du Louvre.» Félibien.(Retour au texte)

Note 182: Le roi révoque spécialement les dons faits à Guillaume Flotte, Nogaret, Plasian et quelques autres. Ord., I, 667.(Retour au texte)

Note 183: Cont. G. de Nang.(Retour au texte)

Note 184: «Le roi avait commencé à régler qu'on ne se servirait dans son royaume que d'une mesure uniforme pour le vin, le blé et toutes marchandises; mais, prévenu par une maladie, il ne put accomplir l'œuvre qu'il avait commencée. Ledit roi proposa aussi que, dans tout le royaume, toutes les monnaies fussent réduites à une seule; et comme l'exécution d'un si grand projet exigeait de grands frais, séduit, dit-on, par de faux conseils, il avait résolu d'extorquer de tous ses sujets la cinquième partie de leur bien. Il envoya donc pour cette affaire des députés en différents pays; mais les prélats et les grands, qui avaient depuis longtemps le droit de faire différentes monnaies, selon les diversités des lieux et l'exigence des hommes, ainsi que les communautés des bonnes villes du royaume, n'ayant pas consenti à ce projet, les députés revinrent vers leur maître sans avoir réussi dans leur négociation.» Cont. G. de Nang., 79.(Retour au texte)

Note 185: Ord., I, 713-4, 629, 639.—Ord., I, p. 660 (27).—Ord., I, 728-731.—Ord., I, 702.(Retour au texte)

Note 186: Contin. G. de Nang.(Retour au texte)

Note 187: V. au 1er vol. de cette histoire, p. 264 et suiv., la concession de Clovis à saint Remi.—Voy. aussi la Légende dorée, c. 142.—Origines du droit, p. 79-80: «En l'an 676, Dagobert ayant donné à saint Florent la ville où il demeurait et ses dépendances, le saint vint prier le roi de lui faire savoir combien il avait en long et en large. «Tout ce que tu auras chevauché sur ton petit âne pendant que je me baignerai et que je mettrai mes habits, tu l'auras en propre.» Or saint Florent savait fort bien le temps que le roi passait au bain: aussi il monta en toute hâte sur son âne et trotta par monts et par vaux mieux et plus rapidement que ne l'aurait fait à cheval le meilleur cavalier, et il se trouva encore à l'heure indiquée chez le roi.» Grimm. 87.(Retour au texte)

Note 188: Ord., I, p. 661 (39).—Ord., I, 713 (9).(Retour au texte)

Note 189: «Que pour les dons outragens qui ont esté faiz ça en arrières, par nos prédécesseurs, li domaine dou royaume sont moult apetitié. Nous qui désirons moult l'accroissement et le bon estat de notre Royaume et de nos subgiez, nous entendons dores en ayant garder de tels dons, au plus que nous pourrons bonement, et défendons que nul ne nous ose faire supplication de faire dons à héritage, se ce n'est en la présence de notre grand conseil.» Ord., I, 670 (6).(Retour au texte)

Note 190: Cont. G. de Nang.(Retour au texte)

Note 191: «Cum solis pera et baculo sine pecunia, dimissis in campis porcis et pecoribus, post ipsos quasi pecora confluebant.» Cont. G. de Nangis, p. 77.—«Projectis innumerabilibus lignis et lapidibus, propriis projectis pueris, se viriliter et inhumaniter defensabant... Videntes autem dicti judæi quod evadere non valebant... locaverunt unum de suis... ut eos gladio jugularet.» Ibidem.—«Illic viginti, illic triginta secundum plus et minus suspendens in patibulis et arboribus.» Ibid.(Retour au texte)

Note 192: Voyez le Mémoire de M. Beugnot, sur les juifs d'Occident, et la grande histoire de Jozt.(Retour au texte)

Note 193: Ord., I, p. 595.(Retour au texte)

Note 194: «Fiebant de sanguine humano et urina de tribus herbis... ponebatur etiam Corpus Christi, et cum essent omnia dissicata, usque ad pulverem terebantur, quæ missa in sacculis cum aliquo ponderoso... in puteis... jactabantur.» Cont. G. de Nang., ann. 1321, p. 78.—«Inventum est in panno caput colubri, pedes bufonis et capilli quasi mullieris, infecti quodam liquore nigerrimo... quod totum in ignem copiosum... projectum, nullo modo comburi potuit, habito manifesto experimento et hoc itidem esse venenum fortissimum.» Ibidem.

«Suadente diabolo per ministerium Judæorum... ut christiani omnes morerentur, vel omnes uniformiter leprosi efficerentur, et sic, cum omnes essent uniformes, nullus ab alio despiceretur.» Ibidem.—Voyez sur les lépreux les Dictionnaires de Bouchel et Brion et surtout le Dictionnaire de police par Delamarre, I, p. 603. Voyez aussi les Olim du Parlement, IV, f. LXXVI, etc.(Retour au texte)

Note 195: «Leprosum aqua benedicta respersum ducat ad ecclesiam cruce procedente... cantando. Libera me Domine... In ecclesia, ante altare pannus niger. Presbyter cum palla terram super quemlibet pedum ejus perducit dicendo: Sis mortuus mundo, vivens iterum Deo.» Rituel du Berri, Martène, II, p. 1010. Plusieurs rituels défendirent plus tard ces lugubres cérémonies, celui d'Angers, de Reims. Ibid, p. 1005, 1006.(Retour au texte)

Note 196: Ce n'était point cependant un signe de réprobation. Mort au monde, il semblait avoir fait son purgatoire ici-bas; et en quelques lieux on célébrait sur lui l'office du confesseur: «Os justi meditabitur sapientiam.»(Retour au texte)

Note 197: Judæi... sine differentia combusti... Facta quadam forea per maxima, igne copioso in eam injecto, octies viginti sexies promiscui sunt combusti; unde et multi illorum et illarum cantantes quasique invitati ad nuptias, in foveam saliebant.» Cont. G. de Nangis, p. 78.—«Ne ad baptismum raperentur.» Ibid.

«Unius antiqui... sanctior et melior videbatur; unde et ob ejus bonitatem et antiquitatem pater vocabatur.» Ibid., p. 79.—«Cum funis esset brevior... dimittens se deorsum cadere, tibiam sibi fregit, auri et argenti præ maximo pondere gravatus.» Ibidem.(Retour au texte)

Note 198: Voyez le Différend entre la France et l'Angleterre sous Charles le Bel, par M. de Bréquigny. La querelle, qui d'abord n'avait pour objet que la possession d'une petite forteresse, prit en peu de temps le caractère le plus grave par la faiblesse d'Édouard et l'audace de ses officiers. Tandis qu'Édouard excuse ses lenteurs à venir rendre hommage, et prie le roi de France d'arrêter les entreprises des Français sur ses domaines, les officiers anglais en Guyenne ruinent la forteresse disputée et rançonnent le grand maître des arbalétriers de France, qui avait voulu en tirer satisfaction. Édouard se hâta de désavouer ces actes auprès de Charles, et en même temps il donnait ordre à toutes personnes de prêter assistance à Raoul Basset, auteur de l'insulte faite au roi de France. Mais il recula bientôt devant cette guerre et destitua Raoul Basset; ses officiers, laissés sans secours, durent donner satisfaction à Charles le Bel, qui ne s'arrêta pas en si beau chemin: les ambassadeurs d'Édouard lui écrivaient qu'on disait tout haut à la cour de France: «Qu'on ne voulait mie être servi seulement de parchemin et de parole comme on l'avait été.» Édouard, qui d'abord avait eu recours au pape et fait quelques préparatifs, s'alarma de cet orage qui pouvait troubler ses plaisirs. Il donna pleins pouvoirs pour tout terminer, et envoya à Charles un Français nommé Sully avec son plénipotentiaire. Le roi écouta le Français, chassa l'Anglais et fit entrer ses troupes en Guyenne. Agen, après avoir inutilement attendu le secours du comte de Kent, ouvrit ses portes. De nouveaux ambassadeurs vinrent d'Angleterre; ils eurent pour toute réponse qu'il fallait «qu'on souffrît sans obstacle que le roi de France mît en ses mains le reste de la Gascogne, et qu'Édouard se rendît auprès de lui. Alors s'il lui demandait droit, il lui ferait bon et hâtif; s'il lui requérait grâce, il ferait ce que bon lui semblerait.»(Retour au texte)

Note 199: «... Dont plusieurs chevaliers en furent moult courroucés... et dirent que or et argent y étoient efforciement accourus d'Angleterre.» Froissart, éd. Dacier, I, 26.—«Si entendit-il secrètement que Charles le Bel étoit en volonté de faire prendre sa sœur, son fils, le comte de Kent et messire Roger de Mortimer, et de eux remettre ès mains du roi d'Angleterre et dudit Spencer; et ainsi le vint-il dire de nuit à la reine d'Angleterre et l'avisa du péril où elle étoit.» Froissart, I, 29.(Retour au texte)

Note 200: Il concluait que le seul moyen de guérir le corps était de lui couper la tête.(Retour au texte)

Note 201: «Ut innotuit viri dejectio, plena dolore (ut foris apparuit), fere mente alienata fuit... Misit indumenta delicata et litteras blandientes. Eodem tempore assignata fuit dos reginæ talis et tanta, quod regi filio regni pars tertia vix remansit.» Wals, p. 126-127.—«Ipso prostrato et sub ostio ponderoso detento ne surgeret, dum tortores imponerent cornu, et per foramen immitterent ignitum veru in viscera sua.» Ibid.(Retour au texte)

Note 202: Comme Christophe Colomb, il eut ses contradicteurs. Mais le retour de Colomb mit fin à tous les doutes: ils commencèrent au retour de Polo. Son traducteur latin en appelle au témoignage du père et de l'oncle de Polo, compagnons de son voyage.(Retour au texte)

Note 203: Marco Polo, captif à Gênes, dictait aux compatriotes de Christophe Colomb le livre qui inspira à ce dernier sa grande entreprise.(Retour au texte)

Note 204: Livre des secrets des fidèles de la Croix.—«Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Amen. En l'an 1321, j'ai été introduit auprès de notre seigneur le Pape et lui ai présenté deux livres sur le recouvrement de la Terre sainte, et le salut des fidèles; l'un était couvert en rouge, l'autre en jaune. En même temps j'ai mis sous ses yeux quatre cartes géographiques, l'une de la mer Méditerranée, l'autre de la terre et de la mer, la troisième de la Terre sainte, la quatrième de l'Égypte.» À la suite de Bongars, Gesta Dei per Francos.

S'il partage son livre en trois parties en l'honneur de la Sainte-Trinité, la raison qu'il en donne c'est qu'il y a trois choses principales pour le rétablissement de la santé du corps, le sirop préparatoire, la médecine et le bon régime: «Partitur autem totale opus ad honorem Sanctæ Trinitatis in tres libros. Nam sicut infirmanti corpori... tria impertiri curamus: primo syrupum ad præviam dispositionem... secundo congruam medicinam quæ morbum expellat... tertio ad conservandam sanitatem debitum vitæ regimen... Sic conformiter continet liber primus dispositionem quasi syrupum, etc. Secreta fidelium crucis, etc., p. 9.»(Retour au texte)

Note 205: Il montre la supériorité de la route d'Égypte sur celle de Syrie. Puis il propose contre le soudan d'Égypte, non pas une croisade, mais un simple blocus. Le blocus ruinera le soudan et par suite le monde mahométan, dont l'Égypte est le cœur. Dix galères suffiront. Il fixe avec une prévoyance toute moderne ce qu'il faut d'hommes, d'argent, de vivres. La flotte doit être armée à Venise. «Les marins de Venise, dit-il, sauront seuls se conduire sur les plages basses d'Égypte qui ressemblent à leurs lagunes» (p. 35-36). Il n'ose pas demander que l'amiral soit un Vénitien, il se contente de dire qu'il doit être ami des Vénitiens, pour agir de concert avec eux (p. 85). «Il faut, dit-il nettement, ou que l'accès de l'Égypte soit absolument interdit, ou qu'il soit élargi et facilité de telle sorte que chacun puisse aller, revenir, commercer par les terres du soudan, en toute liberté, et qu'en ce dernier cas, on ne parle plus de recouvrer la Terre sainte.»—«Mais, dira-t-on, si le soudan détournait le Nil de la Méditerranée dans la Mer Rouge? La chose est impossible; et si elle avait lieu, l'Égypte serait anéantie, elle deviendrait déserte... Le soudan réduit, les forteresses de l'Égypte maritime deviendront un sûr asile pour les nations chrétiennes comme le furent pour les Vénitiens les lagunes de l'Adriatique qui, dans les tempêtes des invasions gauloises, africaines, lombardes et dans celle d'Attila, sont restées inviolées.» (Part. 3, ch. II.) Ces derniers mots font allusion aux craintes récentes que les invasions des Mongols avaient inspirées à toute la Chrétienté.(Retour au texte)

Note 206: Dans la quatrième croisade.(Retour au texte)

Note 207: Sartorius.(Retour au texte)

Note 208: Ulmann.(Retour au texte)

Note 209: Grosley.(Retour au texte)

Note 210: Hallam.(Retour au texte)

Note 211: Les foires de Champagne étaient plus anciennes que le comté même. Il en est fait mention dès l'an 427, dans une lettre de Sidoine Apollinaire à saint Loup. Elles se perpétuèrent toujours florissantes, sans que personne gênât leurs transactions. L'ordonnance de Philippe le Bel est le titre royal le plus ancien qui les concerne.(Retour au texte)

Note 212: Voyez les ordonnances de Charles le Bel et de Philippe de Valois. Ce qui acheva la ruine des foires de Champagne, ce fut la rivalité de Lyon. Quand aux tracasseries fiscales s'ajoutèrent les alarmes et les pillages de la guerre intérieure, Troyes fut désertée, et Lyon s'ouvrit comme un asile au commerce. Il fallut abolir les foires de Lyon pour rendre quelque vie aux foires de Champagne. En 1486, des quatre foires de Lyon, deux furent transférées à Bourges et deux à Troyes; mais elles tombèrent dès que Lyon eut obtenu de rouvrir ses marchés.(Retour au texte)

Note 213: «... Qu'ils en fissent leur profit comme d'un marchand.» Commines.(Retour au texte)

Note 214: Peu après, les priviléges des villes qui auraient entravé ce libre commerce sont déclarés nuls et sans force. Le roi et les barons ne s'inquiétaient pas si la concurrence des étrangers nuisait aux Anglais (Rymer). Le roi déclare qu'il leur accorde à jamais, en son nom et au nom de ses successeurs, 1º de pouvoir venir en sûreté sous la protection royale, libres de divers droits qu'il spécifie: De muragio, pontagio et panagio liberi et quieti; 2º d'y vendre en gros à qui ils voudront; les merceries et épices peuvent même être vendues en détail par les étrangers; 3º d'importer et exporter, en payant les droits, toute chose, excepté les vins, qu'on ne peut exporter sans licence spéciale du roi; 4º leurs marchandises n'auront à craindre ni droit de prise ni saisie; 5º on leur rendra bonne justice; car si un juge leur fait tort, il sera puni même après que les marchands auront été indemnisés; 6º en toute cause où ils seront intéressés, le jury sera composé, pour une moitié, de leurs compatriotes; 7º dans tout le royaume il n'y aura qu'un poids et une mesure; dans chaque ville ou lieu de foire, il y aura un poids royal, la balance sera bien vide, et celui qui pèse n'y portera pas les mains; 8º à Londres, il y aura un juge desdits marchands, pour leur rendre justice sommaire; 9º pour tous ces droits ils paieront deux sous de plus qu'autrefois sur chaque tonneau qu'ils amèneront; quarante deniers de plus par sac de laine, etc., etc.; 10º mais une fois ces droits payés, ils pourront aller et commercer librement par tout le royaume.(Retour au texte)

Note 215: Hallam.(Retour au texte)

Note 216: Mathieu de Westminster.(Retour au texte)

Note 217:

Par devant la roïne Robert s'agenouilla,
Et dist que le hairon par temps départira,
Mes que chou ait voué que le cuer li dira.
«Vassal, dit la roïne, or ne me parles jà;
Dame ne peut vouer, puis qu'elle seigneur a,
Car s'elle veue riens, son mari pooir a.
Que bien puet rapeller chou qu'elle vouera;
Et honnis soit li corps que jasi pensera,
Devant que mes chiers sires commandé le m'ara.»
Et dist le roy: «Voués, mes cors l'aquittera.
Mes que finer en puisse, mes cors s'en penera;
Voués hardiement, et Dieux vous aidera.»
«Adonc, dit la roïne, je sais bien, que piecha,
Que suis grosse d'enfant, que mon corps senti là,
Encore n'a il gaires, qu'en mon corps se tourna,
Et je voue, et prometh a Dieu, qui me créa,
Qui nasqui de la Vierge, que ses corps n'enpira,
Et qui mourut en crois, on le crucifia,
Que jà li fruis de moi, de mon corps n'istera,
Si m'en arès menée ou païs par delà,
Pour avanchier le veu que vo corps voué a;
Et s'il en voelh isir, quant besoins n'en sera,
D'un grand coutel d'achier li miens corps s'ochira:
Serai m'asme perdue, et li fruis perira.»
Et quand li rois l'entent, moult forment l'en passa.
Et dist: «Certainement nuls plus ne vouera.»
Li hairons fu partis, la roïne en mengna.
Adonc, quant che fu fait, li rois s'apareilla,
Et fit garnir les nés, la roïne i entra,
Et maint franc chevalier avecques lui mena.
De illoc en Anvers, li rois ne s'arrêta.
Quant outre sont venu, la dame délivra;
D'un beau fils gracieux la dame s'acouka,
Lyon d'Anvers ot non, quant on le baptisa.
Ensi le franque Dame le sien veu acquitta;
Ainsque soient tout fait, main prudomme en morra,
Et maint bon chevalier dolent s'en clamera.
Et mainte prude femme pour lasse s'en tenra.
Adonc parti li cours des Englès par delà.

Chi finent leus veus du hairon.

Ce petit poëme se trouve à la fin du t. I de Froissart, éd. Dacier-Buchon, p. 420.(Retour au texte)

Note 218: «Il y avoit dans la suite de l'évêque de Lincoln plusieurs bacheliers qui avoient chacun un œil couvert de drap vermeil, pourquoi il n'en put voir; et disoit-on que ceux avoient voué entre dames de leur pays que jamais ne verroient que d'un œil jusqu'à ce qu'ils auroient fait aucunes prouesses au royaume de France.» Froissart.(Retour au texte)

Note 219: Froissart.(Retour au texte)

Note 220: Pour Carthage, V. Plutarque, Vie de Timoléon. Pour Palmyre, ma Vie de Zénobie, Biogr. Univ.(Retour au texte)

Note 221: «Ils prétendaient qu'il y avait une conjuration des hommes du bas état pour ruiner la noblesse française, et en conséquence ils obtinrent d'abord un ordre du roi pour que tous leurs créanciers fussent mis en prison et leurs biens séquestrés; puis vint l'ordonnance qui réduisit toutes leurs dettes aux trois quarts, à quatre mois de terme, sans intérêt.» (Contin. G. de Nangis.—Ord., t. II)(Retour au texte)

Note 222: Pierre Remy.(Retour au texte)

Note 223: «Appelant ledict Roy Philippe roi trouvé.» Oudegherst.(Retour au texte)

Note 224: «Oncques en l'ost du roy ne feit on guet: et les grands seigneurs alèrent d'une tente en l'autre, pour eux déduire, en leurs belles robes. Or vous dirons des Flamans, qui sur le mont étoient... Si feirent trois grosses batailles les Flamans; et veindrent avalant le mont, au grand pas, devers l'ost du roy: et passèrent tout outre, sans cry ne noise: et fut à l'heure de vespres sonnans... Et les Flamans ne s'atargèrent mie, ains veindrent le grand pas, pour surprendre le roy en sa tente.» Froissart, I, c. LXIX, p. 123.—V. aussi Cont. G. de Nangis, p. 90. Oudegherst, c. CLIV, f. 259.—Je regrette de n'avoir pas eu entre les mains l'important ouvrage de M. Warnkœnig, lorsque j'ai imprimé le récit de la bataille de Courtrai: Histoire de la Flandre et de ses institutions civiles et politiques, jusqu'à l'année 1305, par M. Warnkœnig, trad. de l'allemand, par M. Ghueldorf. 1835. Voyez particulièrement aux pages 305, 308, du premier volume, quelques circonstances intéressantes qui complètent mon récit.(Retour au texte)

Note 225: Les châteaux, comme les églises du moyen âge, comme les cités antiques, sont, je crois, généralement, orientés. Voyez mon Histoire romaine, et ma Symbolique du droit.(Retour au texte)

Note 226: Un arrêt de la cour de France, prononcé en plein parlement, déboutait pour toujours Robert et ses successeurs de leurs prétentions, et ordonnait: «Que ledit Robert amast ladite comtesse comme sa chière tante, et ladite comtesse ledit Robert comme son bon nepveu.»(Retour au texte)

Note 227: L'ancienne chronique de Flandre allait même jusqu'à lui en donner tout l'honneur: «Et n'estoient mie les barons d'accord de faire le roy, mais toutefois par le pourchas de messire Robert d'Artois fut tant la chose démenée, que messire Philippe... fut élu à roy de France.» Chron... ch. LXVII, p. 131, Mém. Ac. Insc. X, 592.(Retour au texte)

Note 228: Le bruit commun était que Mahaut avait été enherbée. Quant à Jeanne, sa fille, «si fut une nuit avec ses dames en son déduit, et leur prit talent de boire clarey, et elle avoit un bouteiller qu'on appeloit Huppin, qui avoit esté avec la comtesse sa mère... Tantost que la Royne fut en son lict, si luy prit la maladie de la mort, et assez tost rendit son esprit, et lui coula le venin par les yeux, par la bouche, par le nez et par les oreilles, et devint son corps tout taché de blanc et de noir.» Chron. de Flandre.(Retour au texte)

Note 229: «Sur ce qu'il lui a esté donné à entendre, que au traitté de mariage de Philippe d'Artois avec Blanche de Bretagne... duquel traicté furent faites deux paires de lettres rattiffiées par Philippe le Bel... et furent enregistrées en nostre Cour ès registre, lesquelles lettres, depuis le deceds dudit comte, ont esté fortraites par notre chière cousine Mahault d'Artois.» 1329. Chron. de Flandre, p. 601.(Retour au texte)

Note 230: «Quædam mulier nobilis et formosa, quæ fuerat M. Theoderici concubina.» Gest. episc., Leod., p. 408.

Elle l'en menaçait même au nom du Roi. «J'ai voulu vous excuser, disait-elle en luy représentant que vous n'aviez nulle desdites lettres, et il m'a répondu qu'il vous feroit ardoir se vous ne l'en baillez.» Ibid. 600.

La Divion avait été envoyée tout exprès en Artois pour se procurer le sceau du comte. Elle parvint après quelque recherche à en trouver un entre les mains d'Ourson le Borgne dit le beau Parisis. Il en voulait trois cents livres. Comme elle ne les avait pas, elle offrit d'abord en gage un cheval noir sur lequel son mari avait joûté à Arras. Ourson refusa; alors, autorisée de son mari, elle déposa des joyaux, savoir deux couronnes, trois chapeaux, deux affiches, deux anneaux, le tout d'or et prisé sept cent vingt-quatre livres parisis.» Ibid., 609-610.—«Ensuite elle prit un scel à une lettre qui estoit scellée dudit évêque Thierry, et par barat engigneur, l'osta de cette lettre vieille et la plaça à la nouvelle. Et à ce faire furent présens Jeanne et Marie, meschines (servantes) de ladite Divion, laquelle Marie tenoit la chandelle, et Jehanne li aidoit.» Ibid, 598. Déposition de Martin de Nuesport. La Divion déclara qu'elle assista seule avec la dame de Beaumont et Jeanne à l'application des sceaux «et n'y avoit à faire que elles trois tant seulement.» Ibid., p. 611.—De plus «pour ce que le Roy Philippe avoit accoustumé de faire ses lettres en latin,» on avait demandé à un chapelain Thibaulx, de Meaux, de donner en cette langue le commencement et la fin d'une lettre de confirmation qui devait, disait-on, servir au mariage de Jean d'Artois avec la demoiselle de Leuze. Ibid., 612.

La Divion semble pourtant attacher grande importance à son œuvre; elle faisait passer les pièces, à mesure qu'elle les fabriquait, à Robert d'Artois, «Disant teles paroles, Sire vées ci copie des lettres que nous avons, gardez si elle est bonne; et il respondoit: Si je l'avoie de cette forme, il me suffiroit.» Elle voulut même les soumettre d'abord à des experts. Mém. Ac., X, ib.

Archives, Sect. hist., J., 439, nº 2.—Ils avaient eu soin de ménager à ces témoignages un commencement de preuve par écrit, dans la fausse lettre de l'évêque d'Arras: «Desquelles lettres jou en ay une, et les autres ou traictié du mariage madame la Royne Jehanne furent par un de nos grands seigneurs gettés au feu...» Ibid., p. 597.

«... Et jura au Roy, mains levées vers les saints, que un homme vestu de noir aussi comme l'archevesque de Rouen, il avoit baillé lesdites lettres de confirmation.» Cet homme vêtu de noir était son confesseur; Robert les lui avait données, puis les avait reçues de ses mains; moyennant quoi il jurait en toute sûreté de conscience. Ibid., p. 610.

Jacques Roudelle convint qu'on lui avait dit, que s'il déposait «ce luy vaudroit un voyage à Saint-Jacques en Gallice.» Gérard de Juvigny, «qu'il avoit rendu faux témoignage à la requeste dudit Monsieur Robert, qui venoit chiez luy si souvent, qu'il en estoit tout ennuyé...» Ibid., 599.

Déposition de la Divion: «... Item elle confesse que Prot, sondit clerc, de son commandement, escript toutes lesdites fausses lettres de sa main, et escript celle ou pent le scel de ladite feu comtesse une penne d'airain, pour sa main desguizier... Item elle dit que mons. Robert assez tost après en envoya ledit Prot elle ne scet où, en quel lieu, ne en quel part, que elle avoit dit à mons. Robert, Sire, je ne say que nous faciens de cest clerc, je me doubt trop de sa contenance, car il est si paoureus que c'est merveille et que à chacune chose que il oyoit la nuit, il dit: Ay ma damoiselle, Ay Jehanne, Ay Jehanne, les sergents me viennent querre, en soy effreant et disant: Je en ay trop grand paour. Et à moy mesme a il dit plusieurs fois, tout de jours, de la grant paour qu'il en avoit, que se il est pris et mis en prison, il dira tout sans rien espargnier. Et dit que ledit mons. Robert li respondoit, Nous nous enchevirons bien. Mes elle ne scet, ou il est, fors que elle croit que il est en aucuns des hébergements des terouere audit mons. Robert.» Archives, Section hist., T. 440, nº 11. Item elle dit que par trop de fois la dite dame Marie sagenouilla devant elle, en li priant, en plorant et adjointes mains, par telx mos: Pour dieux, damoiselle, faites tant que Monseigneur aie ces lettres que vous savez, qui li ont métier pour son droit don comté d'Artoys, et je say bien que vous le ferez bien se il vous plaist, car ce soit grand meschief s'il estoit desherité par deffaut de lettres, il ne li faut que trop peu de lettre. Le roy a dit à Madame que sil li en puet monstrer letre, ja si petite ne fet, que li delivrera la conté, et pour Dieu pensez en et en mettez Monseigneur et Madame hors de la mesaise ou il en sont. Car il sont en si grant tristesse qu'il n'en pucent boire, mengier, dormir ne reposer nuit ne jour.» Archives, Section hist., J., 440, nº 11.(Retour au texte)

Note 231: Archives, Section hist., J. 439.(Retour au texte)

Note 232: Jeannette sa servante y subit quatre ans après le même supplice. Quant aux faux témoins, les principaux furent attachés au pilori, vêtus de chemises toutes parsemées de langues rouges. Archives.(Retour au texte)

Note 233: ... Il resta assez longtemps en Brabant; le duc lui avait conseillé de quitter Bruxelles pour Louvain, et avait promis dans le contrat de mariage de son fils avec Marie de France que Robert sortirait de ses États. Cependant il se tint encore quelque temps sur ces frontières, allant de château en château; «et bien le savoit le duc de Brabant.» L'avoué de Huy lui avait donné son chapelain, frère Henri, pour le guider et «aller à ses besognes en ce sauvage pays.» Réfugié au château d'Argenteau et forcé d'en sortir «pour la ribauderie de son valet,» il se dirigea vers Namur, et dut parlementer longtemps pour y être reçu; il lui fallut attendre dans une pauvre maison, que le comte, son cousin, fût parti pour aller rejoindre le roi de Bohême.(Retour au texte)

Note 234: «Les assassins vinrent jusqu'à Reims, ou ils cuidoient trouver le comte de Bar a une feste qu'il y devoit tenir pour dames;» mais on était sur leurs traces, ils durent revenir; ce coup manqué, Robert d'Artois se décida à venir lui-même en France. Il y passa quinze jours, et revint convaincu par les insinuations de sa femme que tout Paris serait pour lui, s'il tuait le roi. Mém. de l'Acad., X, p. 625-6.(Retour au texte)

Note 235: «Entre la Saint-Remy et la Toussaint de la même année 1333, frère Henry fut mandé par Robert, qui, après beaucoup de caresses, débuta par luy faire derechef une fausse confidence, et luy dit que ses amis luy avoient envoyé de France un volt ou voust, que la Reine avoit fait contre luy. Frère Henry lui demanda «que est ce que voust? C'est une image de cire, répondit Robert, que l'en fait pour baptiser, pour grever ceux que l'on welt grever. L'en ne les appelle pas en ces pays voulz, répliqua le moine, l'en les appelle manies.» Robert ne soutint pas longtemps cette imposture: il avoua à frère Henry que ce qu'il venoit de luy dire de la Reine n'estoit pas vray, mais qu'il avoit un secret important à luy communiquer; qu'il ne le lui diroit qu'après qu'il auroit juré qu'il le prenoit sous le sceau de la confession. Le moine jura, «la main mise au piz.» Alors Robert ouvrit un petit ecrin et en tira «une image de cire envelopée en un quevre-chief crespé, laquelle image estoit à la semblance d'une figure d'un jueune homme, et estoit bien de la longueur d'un pied et demi, ce li semble, et si le vit bien clerement par le quevre-chief qui estoit moult deliez, et avoit entour le chief semblance de cheveux aussi comme un jeune homme qui porte chief.» Le moine voulut y toucher. «N'y touchiez, frère Henry, luy dit Robert, il est tout fait, icestuy est tout baptisiez, l'en le m'a envoyé de France tout fait et tout baptisé; il n'y faut rien à cestuy, et est fait contre Jehan de France en son nom, et pour le grever: Ce vous dis-je bien en confession, mais je en vouldroye avoir un autre que je vouldroye que il fut baptisié. Et pour qui est-ce, dit frère Henry. C'est contre une deablesse, dit Robert, c'est contre la Royne, non pas Royne, c'est une dyablesse; ja tant comme elle vive, elle ne fera bien ne ne fera que moy grever, ne ja que elle vive je n'auray ma paix, mais se elle estoit morte et son fils mort, je auroie ma paix tantos au Roy, quar de luy ferois-je tout ce qu'il me plairoit, je ne m'en doubte mie, si vous prie que vous me le baptisiez, quar il est tout fait, il n'y faut que le baptesme, je ay tout prest les parrains et les maraines et quant que il y a mestier, fors de baptisement... Il n'y fault à faire fors aussi comme à un enfant baptiser, et dire les noms qui y appartiennent.» Le moine refusa son ministère pour de pareilles opérations, remontra «que c'étoit mal fait d'y avoir créance, que cela ne convenoit point à si hault homme comme il estoit, vous le voulez faire sur le Roy et sur la Royne qui sont les personnes du monde qui plus vous peuvent ramener à honneur.» Monsieur Robert répondit: «Je ameroie mieux estrangler le dyable que le diable m'estranglast.» Ibid., p. 627.(Retour au texte)

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