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Histoire du Chevalier d'Iberville (1663-1706)

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CHAPITRE VI

GRANDS CHANGEMENTS EN FRANCE.

Lorsque M. d'Iberville revint, au mois de juin 1700, de grands changements étaient survenus en France. Louis XIV avait ramené à la paix toute l'Europe coalisée contre lui. Délivré de graves difficultés, il était déterminé à s'occuper exclusivement du bien-être de ses sujets, du développement du commerce et de l'industrie, et enfin des établissements.

Pour bien envisager ces changements, il faut faire quelque retour sur les événements précédents.

De 1690 à 1700, quatre grandes nations: l'Angleterre et la Hollande, l'Allemagne, l'Espagne et la Savoie s'étaient réunies contre la France, et, malgré ces coalitions et les efforts réunis depuis dix ans, le roi, à force de ménagements et aussi de succès victorieux, était parvenu à se faire accorder une paix qui lui assurait une autorité encore prépondérante en Europe.

Le roi, dès le commencement, avait jugé dans sa sagesse qu'il ne pouvait prolonger indéfiniment une lutte, qui était un si rude fardeau pour ses sujets. Aussi, plusieurs fois il chercha à se faire accorder des conditions convenables d'arrangement, qui furent rejetées avec dédain, par des ennemis fiers de leur puissance et confiants dans leur nombre.

Alors le souverain, déçu dans ses tentatives, résolut de demander à la victoire ce que les voies de conciliation n'avaient pu obtenir, et il y réussit d'une manière inespérée, grâce à cette force et à cette intrépidité qui se révélèrent encore si merveilleusement dans le peuple qu'il gouvernait.

Il put mettre 400,000 hommes sur pied, des troupes aguerries et habituées à vaincre. Il disposa ses forces et ses généraux suivant les centres d'attaque, et, la victoire secondant ses desseins, il inspira à la France un élan et un enthousiasme dignes de la plus grande nation militaire.

Les succès étaient si nombreux, si multipliés, que les coalisés, tout en espérant qu'ils finiraient par lasser la France et l'accabler, pouvaient prévoir qu'ils sortiraient, d'ici là, épuisés et anéantis.

An bout de dix ans de lutte les Anglais et les Hollandais réclamaient la paix. Dans ce laps de temps, les Français avaient remporté plusieurs victoires et enlevé aux ennemis pour près d'un milliard de marchandises.

Les Espagnols ne savaient quel sort attendre: ils avaient été chassés de la Navarre et du Roussillon; ils avaient perdu la Catalogne avec les villes principales: Gironne et Barcelone.

Le roi de Savoie avait perdu plusieurs batailles rangées, et il avait vu succomber dix villes principales.

L'Allemagne avait été chassée de la Flandre, de la Lorraine, de la Franche-Comté, du Palatinat, et, dans toute la confédération, l'on ne savait que prévoir.

La paix de Ryswick, appuyée par les succès des armées de terre et de mer, dans lesquels les exploits d'Iberville au nord de l'Amérique eurent leur part, avait calmé les esprits, et conservait à la France un prestige incomparable.

Le roi avait, fait, il est vrai, de grandes concessions, mais il avait gagné bien des avantages, étant on paix avec l'Allemagne et avec l'Espagne. Il savait en ce moment que, malgré les efforts de l'Autriche, la succession au trône d'Espagne était assurée à l'un de ses enfants.

Il avait reconnu l'autorité du roi d'Angleterre, et n'avait rien à craindre de ce côté.

Débarrassé de ses plus grands soucis, il ne songea plus qu'à rétablir les finances, à procurer le bien-être à ses sujets et à assurer la prospérité des établissements extérieurs.

Il licencia la moitié de ses troupes, réduisit les impôts, suivant les sages traditions laissées par Colbert, et commença à donner le plus grand essor aux Indes Orientales. La France y possédait un territoire immense, avec des points d'une grande importance, parmi lesquels Chandernagor et Pondichéry, qui, en quelques années, devaient compter 50,000 âmes.

Quant aux Indes Occidentales, le roi en comprenait très bien l'importance. Il pensait, d'après Vauban, que l'on pouvait y établir l'un des plus grands royaumes du monde, avec la Nouvelle-France, le cours du Mississipi, la Louisiane, et enfin les Antilles françaises, dont Saint-Domingue formait la partie principale.

Saint-Domingue donnait la clef des possessions espagnoles du Mexique, du Pérou, du Quito, en fournissant l'accès à Carthagène, à Porto Bello et à la Vera Cruz.

Quant à l'embouchure du Mississipi, son occupation donnait l'accès aux richesses de la Louisiane, que Sa Majesté avait fait découvrir depuis plusieurs années, et qui révélaient «dans le nouveau monde un monde nouveau.»

Les nouvelles que M. d'Iberville apportait répondaient bien aux desseins des autorités souveraines. Il arriva en France aux premiers jours de juillet 1699. Il commença par licencier son monde et décharger ses bâtiments, et en même temps il envoyait une copie de son journal à M. de Pontchartrain, ministre de la marine.

Celui-ci lui en accusa aussitôt réception. Il lui demanda de plus amples détails pour la satisfaction du roi, et en même temps il lui fit pressentir la nécessité d'un second voyage.

On destina aussitôt deux bâtiments, la Renommée, de 45 canons, et la Gironde, pour la nouvelle entreprise.

M. de Pontchartrain voyait que les oppositions ne manquaient pas, mais il savait que le roi ne voulait en tenir aucun compte.

Les gens de Montréal, parmi lesquels M. de Longueuil et M. Le Ber, les plus proches parents de M. d'Iberville, avaient écrit que l'occupation, du sud de l'Amérique pouvait nuire gravement aux établissements de la Nouvelle-France.

Le gouverneur de Saint-Domingue, de son côté, voyait avec ombrage cette nouvelle expédition; il pensait que ce serait une disgrâce pour les possessions françaises aux Antilles.

Il disait, dans ses lettres, qu'on allait susciter l'agression des Espagnols. Suivant lui, ils pouvaient mettre 100,000 hommes sur pied et soulever les sauvages, qui étaient au nombre de plusieurs millions, disait-il. «Je crois, ajoutait-il, que M. d'Iberville est un très honnête homme, et bien intentionné, mais il faut se défier de son esprit d'entreprise.»

De plus, des officiers supérieurs de la marine, prévenus contre les succès d'un officier canadien, répandaient le bruit «qu'il ne réussirait pas mieux que La Salle; que son expédition avait été mal menée parce qu'il avait fait trop de retards; qu'il n'avait pas su ménager ses provisions, etc., etc.; enfin qu'il fallait appréhender que les 80 hommes placés à Biloxi ne fussent exposés au même sort que les gens de La Salle.»

M. de Pontchartrain, voulant être à même d'éclairer le roi sur ces objections, demanda à M. d'Iberville de faire un mémoire sur l'importance de son établissement.

M. d'Iberville répondit aussitôt par un factum d'une dizaine de pages. Il avait déjà exposé les avantages que le Canada retirerait de cette entreprise, qui donnerait les moyens de communiquer avec toute l'Amérique centrale par le Mississipi, où les Canadiens avaient déjà des stations importantes. Il montrait ensuite la possibilité de se saisir du Mexique, où se trouvaient des trésors; enfin il affirmait la nécessité d'arrêter l'extension continuelle des Anglais, «déjà trop puissants».

Ensuite M. d'Iberville énumérait les sites occupés par les Espagnols sur le golfe du Mexique, et leur peu de valeur, puis il signalait les conditions favorables pour le commerce des pelleteries et des autres produits.

Il finissait en affirmant que dans ces régions presque tropicales on pouvait récolter les productions des Antilles.

M. de Pontchartrain répondit en recommandant à M. Duguay, l'intendant de la marine à Rochefort, d'activer l'armement des navires destinés à l'expédition.

Il envoyait en même temps la liste des officiers nommés par le roi sur la Renommée, bâtiment de 50 canons: M. d'Iberville, commandant; M. de Ricouard, lieutenant; le sieur Duguay, enseigne; le sieur Desjordy, le sieur de Hautemaison et le sieur de Saint-Hermine, gardes de marine. Dans l'équipage il devait y avoir 50 Canadiens réunis à Rochefort.

M. d'Iberville emmenait avec lui un de ses cousins, M. Lesueur, militaire plein d'expérience, et son frère de Châteauguay, âgé de 14 ans. C'était lui qui était destiné devenir un jour gouverneur de la Guyane.

Sur la Gironde, se trouvaient le chevalier de Surgère, commandant; M. de Villautreys, lieutenant; le sieur de Courcières, lieutenant en second, etc.

M. d'Iberville et M. de Surgère, pour récompense de leurs services, recevaient le titre de chevaliera de Saint-Louis.

Le roi nommait aussi M. de Sauvalle commandant du fort de Biloxi, et M. de Bienville, âgé alors de vingt ans, lieutenant.

En même temps, M. Duguay recevait l'ordre de donner a M. d'Iberville tout ce qu'il avait demandé pour l'armement du fort de Biloxi: 10 pièces de canon, 2,000 boulets, 400 paquets de mitraille, 17,000 livres de poudre à mousquet.




SIXIEME PARTIE

DEUXIÈME VOYAGE.

Le départ eut lieu de La Rochelle le 17 septembre 1699, à 8 heures et demie du matin.

Le 11 décembre, c'est-à-dire après 50 jours de navigation, l'escadre arrivait au cap Français, où débarquèrent quatre malades. M. de Galifet, lieutenant du gouverneur, accueillit M. d'Iberville et lui fournit les rafraîchissements nécessaires. On embarqua aussi des volailles et des bestiaux.

Le 22 décembre, départ du cap Français, et, 20 jours après, arrivée au fort de Biloxi.

Le 9 janvier M. de Sauvalle vint à bord, et rendit compte de tout ce qui s'était passé depuis le départ de M. d'Iberville.

Il avait reçu la visite d'un bâtiment anglais commandé par le capitaine Banks, que M. d'Iberville avait fait prisonnier au fort Nelson cinq ans auparavant. Le capitaine, ayant vu le fort de Biloxi, avait dit qu'il reviendrait en force, mais cela n'inquiéta ni M. d'Iberville ni M. de Sauvalle.

Pendant que quelques marchands de Montréal s'inquiétaient de l'établissement de Biloxi, d'autres Canadiens s'en réjouissaient, et y voyaient la source de beaucoup d'avantages pour la Nouvelle-France.

Dès que Mgr l'évêque de Québec avait eu connaissance des succès de M. d'Iberville, il avait envoyé M. de Montigny, son grand vicaire, avec M. d'Avion, missionnaire des Illinois. Ces messieurs parlaient les langues de plusieurs nations sauvages, et ils venaient s'offrir au zèle religieux du chevalier d'Iberville. M. Juchereau de Saint-Denis, oncle de madame d'Iberville, comme nous l'avons vu précédemment, vînt offrir ses services et son expérience; il avait conduit plusieurs hommes avec lui. Il était réservé à plus d'une aventure. Enfin, l'on vit aussi arriver vingt Canadiens commandés par M. de Tonty, qui avait traversé intrépidement toutes les nations sauvages, et qui s'était rendu avec bonheur é cet ancien théâtre de ses premiers exploits. Il était au comble de la satisfaction de voir se réaliser l'oeuvre qu'il avait déjà, tentée avec l'héroïque M. de La Salle.

M. d'Iberville accueillit ces nouveaux auxiliaires avec la plus entière cordialité. Il enjoignit d'abord à M. Lesueur, son cousin, de préparer tout ce qui était nécessaire pour remonter le fleuve avec une vingtaine d'hommes, afin d'aller exploiter aussitôt les mines de cuivre qui lui avaient été signalées au 45e degré de latitude.

Il donna des compagnons à M. de Saint-Denis pour s'en aller explorer les côtes du golfe, à, l'ouest, depuis la Palissade jusqu'à la baie Saint-Louis.

Quant à M. de Tonty, qui connaissait les langues sauvages, ainsi que les Canadiens qui l'avaient accompagné, il lui proposa de remonter le fleuve avec lui. Enfin, il prit aussi avec lui l'aumônier de l'escadre, ainsi que M. de Montigny. Son frère Châteauguay devait être aussi de l'expédition.

Le but de M, d'Iberville était de reconnaître les sites avantageux, de voir quelle était la fertilité de la terre et les productions utiles, enfin de lier des relations avec toutes les tribus sauvages, dont il avait dessein de se servir pour l'exploitation et la colonisation du pays.

Il partit le 1er mars 1700, et en deux jours il atteignit la première île du Mississipi en quittant la mer. Il paraît que c'est alors qu'il commença à être atteint de la fièvre et de douleurs extrêmement vives aux genoux, qui venaient probablement de toutes les fatigues qu'il avait ressenties dans les expéditions précédentes. Il chercha d'abord à vaincre son mal et continua sa marche, mais au bout de quelques semaines, les douleurs furent si vives, qu'il fut obligé de revenir sur ses pas.

Le 3 mars 1700, il débarquait aux Oumas, et renouvelait les arrangements qu'il avait faits avec eux lors de son premier voyage.

Les jours suivants il atteignit le port qui se trouve à l'extrémité nord de la nation des Oumas.

Le 10, il visitait les Natchez, qu'il considérait comme la nation sauvage la plus intelligente, et où il voulait établir une station principale, à laquelle il désirait donner le nom de Sainte-Rosalie, en l'honneur de la patronne de madame la marquise de Pontchartrain.

Le 14 mars, arrivée aux Tasmas, à 15 lieues des Natchez, au 34e degré de latitude. Ce fut le point extrême où se rendit M. d'Iberville. M. de Montigny connaissait la langue de cette nation, et il y fit commencer une église, qu'il devait remettre à un missionnaire du Canada. Lui-même se proposait de résider aux Natchez. Il était capable de rendre les plus grands services aux intérêts do la religion.

M. d'Iberville ayant rempli le principal objet de son excursion, et, se sentant encore plus malade, confia à M. de Bienville la suite des opérations.

Il avait accompli au moins une partie de ce qu'il s'était proposé. Il avait parcouru 200 lieues sur le fleuve, il en avait exploré les rives, et constaté l'abondante fertilité du sol. Il avait noué des relations avec les principales tribus du Sud; il avait pacifié leurs différends, et les avait exhortées à vivre en amitié avec les Français qui allaient s'établir chez eux.

Des missionnaires allaient fonder des sanctuaires et faire connaître les enseignements de la religion, contre lesquels les naturels n'avaient aucune prévention.

M. de Montigny devait s'établir aux Natchez, et un autre religieux devait résider aux Oumas. En même temps, M. Davion allait s'établir aux Illinois, sur l'invitation de ceux-ci, et un Père Jésuite commençait l'érection d'une église aux Bayagoulas.

M. de Tonty, ayant vu les premiers fruits de l'entreprise, reçut une mission particulière. Il devait aller jusqu'aux Illinois, chargé des présents de M. d'Iberville pour concilier les indigènes aux enseignements de M. Davion.

Le 24 mars, M. d'Iberville, revenant vers Bayagoulas, rencontra M. Lesueur, son cousin, qui avait terminé ses préparatifs, et qui allait remonter jusqu'aux chutes Saint-Antoine. Il avait avec lui le sieur Pénicaud, maître charpentier, qui a écrit la relation de cette entreprise. Nous en citerons quelques détails.

Le 25 au matin, M. d'Iberville se dirigea vers Bayagoulas avec son frère de Châteauguay, tandis qu'il envoyait M. de Bienville passer quelques semaines dans les régions de l'Ouest. C'était d'abord son dessein de faire lui-même cette excursion, mais son malaise étant devenu plus grand, il lui fallut confier cette mission à son frère. Il continua son retour en canot, avec deux hommes et le jeune de Châteauguay.

M. d'Iberville, malgré la fièvre qui le tourmentait toujours, et malgré les douleurs qui l'empêchaient de marcher, passa tout ce mois à sonder les passes, à examiner les sites pour les établissements futurs. Enfin, il put recueillir bien des renseignements de la part des sauvages qu'il rencontra.

Il apprit ensuite que des nations sauvages avaient quitté leur position au nord pour s'établir dans un climat plus favorable au sud. Entre autres, il en était ainsi des Tuscaroras, une des cinq nations iroquoises établies près du lac Ontario, qui avaient quitté leurs foyers depuis quelques années, attirés par la douceur du climat du sud, et qui étaient venus se fixer dans la Caroline, et cela, paraît-il, lui suggéra des idées pour l'avenir. Par une disposition particulière, les pays du sud qui étaient les plus doux et les plus fertiles étaient les moins peuplés, et les populations les plus nombreuses étaient au nord. Du golfe du Mexique jusqu'à l'entrée du Missouri, on comptait une vingtaine de petites nations, et ces nations n'étaient composées que de quelques familles, 30 ou 40, et pas davantage.

Pour exploiter tous ces pays, il aurait fallu que les nations du Nord qui sont très nombreuses, comme les Sioux, les Ottawas, les Illinois, fussent déterminées à descendre dans la proximité du golfe, ce qui serait d'un immense avantage pour eux et pour les Français qui voudraient traiter avec eux.

Cette idée, si étrange qu'elle puisse paraître, était déjà venue à plusieurs de ces nations, même les plus sauvages, et, comme nous l'avons dit, les Tuscaroras étaient établis dans la Caroline.

Le 18 du mois de mai, comme il avait été convenu, M. de Bienville, qui avait été en excursion à l'ouest du Mississipi, revint à Biloxi. Il avait fait peu de chemin, et avait rencontré peu d'indigènes. A cette époque de l'année, la fonte des neiges faisait déborder toutes les rivières affluant au Mississipi, qui sortait de ses rives. L'on pouvait à grande peine remonter la force des courants, et l'on ne pouvait aborder, parce, que toutes les côtes étaient submergées à une grande distance. M. de Bienville avait donc peu de renseignements à fournir à son frère.

Le 19 de mai, M. de Montigny et M. Davion arriveront avec deux chefs sauvages des Natchez et des Tonicas.

M. de Montigny était tellement accablé de fatigue, qu'il crut devoir demander de repasser en France. Il pouvait utiliser son voyage en demandant des prêtres à la maison des Missions étrangères à Paris. On pensait néanmoins qu'il était déjà découragé du peu de succès qu'il y avait à espérer parmi ces populations légères et dépravées du Sud.

Le 16 mai, M. d'Iberville donna des instructions à M. de Sauvalle sur ce qu'il y aurait à faire pendant son absence.

«Il insiste sur la nécessité de recueillir toutes ces plantes que connaissent les sauvages, et dont ils se servent pour leurs teintures et pour leurs remèdes.

«Il faut se procurer le plus que l'on pourra de veaux sauvages pour les élever dans les parcs et les domestiquer.

«Il faut rechercher tous les lieux où se trouvent des perles. L'on devra éprouver différents bois en les mettant dans l'eau pour voir quels sont ceux qui ne sont pas attaqués par les vers.

«En attendant que M. Lesueur revienne de son excursion dans le haut Mississipi, il faudra envoyer M. de Saint-Denis pour visiter la rivière de la Marne au pays des Gododaquis.

«Enfin, il faudra s'opposer par tous les moyens à aucune agression de la part des Espagnols.»

Le 28 mai, M d'Iberville ayant fini ses dispositions, partit pour la France avec ses deux vaisseaux. Il était favorisé par un vent sud-sud-ouest.




CHAPITRE VIII

MORT DE D'IBERVILLE.

A partir de 1700, la santé de d'Iberville fut profondément altérée. En 1702, il repassa en France et alla à Paris. Sa femme, née Marie Thérèse de La Pocatière, qu'il avait laissée à La Rochelle, chez son frère de Sérigny, intendant du port de cette ville, vint le rejoindre dans la ville capitale avec Sérigny.

Le 8 octobre 1693, d'Iberville avait épousé a Québec Mlle Marie Thérèse Polette de La Combe-Pocatière, fille de François Polette de La Combe-Pocatière, capitaine au régiment de Carignan Salières, et de dame Marie Anne Juchereau, qui elle-même, à la date du mariage de sa fille avec d'Iberville, avait contracté un second mariage avec le chevalier François Madeleine Ruette, sieur d'Auteuil et de Monceaux, conseiller.

De ce mariage d'Iberville eut deux enfants; Pierre Louis Joseph qui, né et ondoyé le 22 juin 1694, sur le grand banc de Terre-Neuve, reçut le baptême à Québec, le 7 août suivant, des mains de M. Dupré, curé de la cathédrale; le parrain était M. Joseph Le Moyne, sieur de Sérigny, et la marraine, dame Marie Anne Juchereau, épouse de M. d'Auteuil, sa grand'mère; et une fille connue dans le monde sous le nom de dame Grandive de Lavanais.

D'Iberville avait contracté depuis plusieurs années des douleurs rhumatismales, et on ne sait si c'est à cette époque qu'il alla aux eaux de Bourbon-l'Archamhault.

Les bons soins qu'il reçut le remirent en quelques mois. Toute souffrance cessant, il crut pouvoir continuer son oeuvre.

Connaissant les projets de la cour de France sur les colonies des Antilles, il offrit au cabinet de Versailles d'aller surprendre la Barbade et les autres îles occidentales.

On lui accorda ce qu'il demandait. Il partit avec onze vaisseaux de Sa Majesté et trois cents hommes d'équipage. Sur son chemin, en se rendant aux Barbades, il attaqua l'île de Niepce. C'était au commencement d'avril 1706.

Après quelques escarmouches, les habitants, se voyant inférieurs en nombre, et surpris par la rapidité de l'attaque, offrirent de capituler et de se rendre avec tous leurs biens.

Pendant ce temps, la petite armée de d'Iberville parcourait le pays et rançonnait toute la contrée. Elle s'emparait des chevaux, des animaux, des moulins, des serviteurs et des nègres.

M. d'Iberville proposa des conditions de capitulation, elles furent acceptées par le commandant anglais.

La capitulation fut signée le 4 avril 1706. On fit la liste des prisonniers. Elle comprenait le gouverneur, 1758 hommes de guerre, tous les habitants, y compris 7,000 nègres.

D'Iberville s'était en outre emparé de trente navires, les uns armés en guerre, les autres chargés de marchandises.

Les nègres faits prisonniers, s'étant enfuis sur la montagne, à un endroit appelé le Réduit, on stipula que dans les trois mois à partir du jour de la capitulation, on transporterait à la Martinique 1400 nègres, ou la somme de cent piastres par chaque nègre qu'on ne remettrait pas.

Les pertes faites par les Anglais à, Niepce furent immenses.

La conquête de cette île répandit de grandes richesses a la Martinique, où d'Iberville alla déposer ses trophées.

D'Iberville mit bientôt après à la voile pour aller attaquer les flottes marchandes de la Virginie et de la Caroline. Il cingla vers la Havane afin de tomber sur la flotte de la Virginie pendant qu'elle s'assemblait pour retourner en Europe.

Mais, dit M. Guérin, dans son Histoire maritime de la France, cette entreprise importante fut interrompue par la mort prématurée de son chef. D'Iberville, qui avait conservé sa santé pendant vingt années de combats glorieux, de découvertes importantes et d'utiles fondations, fut victime, à la Havane, d'une attaque d'épidémie. M. Guérin affirme que si ses campagnes prodigieuses par leurs résultats avaient eu l'Europe pour témoin, d'Iberville eût en, de son vivant et après sa mort, un nom aussi célèbre que ceux des Jean Bart, des Duguay-Trouin, des Tourville, et serait parvenu, sans conteste, aux plus grands commandements dans la marine.

Depuis longtemps, cet illustre marin était affligé d'une maladie qui lui enlevait toutes ses forces. Il voyait sa santé décliner tous les jours. A un âge qui lui permettait d'espérer une longue existence (il avait à peine 45 ans), il se résigna noblement et il offrit avec générosité le sacrifice de cette existence qu'il avait remplie de tant de faits glorieux et pendant laquelle il croyait pouvoir terminer tant d'oeuvres importantes qu'il avait si admirablement commencées.

Il avait doté son pays de conquêtes immenses, il avait assuré le commerce des produits les plus variés et les plus riches, il s'était rendu maître de tout un immense continent, et était parvenu à détruire complètement le prestige militaire et naval de deux grandes puissances, l'Angleterre et l'Espagne.

D'Iberville voyait la mort arriver à grands pas. Il lui fallait donc renoncer à toutes ses espérances.

Ce qui aggravait sa position, c'était la pensée qu'il abandonnait son oeuvre à des mains qui n'étaient ni assez expérimentées ni assez éprouvées.

A la métropole les affaires étaient dirigées par des hommes d'un mérite incontestable, mais qui ne comprenaient pas l'importance, ni l'avenir de ces pays lointains.

Au centre de ces nouvelles colonies, ceux appelés à les régir se laissaient souvent conduire par des motifs d'intérêt personnel. Il eût fallu, d'une part, des administrateurs parfaitement éclairés sur la valeur des nouvelles conquêtes; d'autre part, une direction désintéressée sur les autorités subalternes.

C'est, dans ces tristes prévisions que le chevalier d'Iberville débarqua à la Havane, étant si malade qu'il ne pouvait plus supporter la mer. Il fut transporté à l'hôpital, où il se prépara sérieusement à recevoir les secours de cette religion qu'il avait si fidèlement observée toute sa vie, et à laquelle il avait toujours eu recours au milieu des plus grands dangers.

D'Iberville expira à la Havane, le 5 juillet 1706, après avoir reçu tous les secours de la religion, comme on en trouve la preuve dans les registres de la paroisse principale de la ville, que nous citons ci-après.

D'Iberville ne fut inhumé que le 5 septembre, dans l'église paroissiale majeure de Saint-Christophe, où on ensevelit plus tard les restes de Christophe Colomb, ramenés de Séville.

Voici comme est relaté l'acte de décès de d'Iberville:

«En la cité de la Havane, le 5 septembre 1706, a été inhumé dans cette sainte église paroissiale majeure de Saint-Christophe, M. Moine de Berbilla, natif du royaume de France, muni des saints sacrements.

«JEAN DE PETTROZA,

«Prêtre de l'église majeure.»

Moine de Berbilla n'est qu'une corruption espagnole de la prononciation de Le Moyne d'Iberville.

Après la mort de son mari, Mme d'Iberville passa en France, et épousa en secondes noces le comte de Béthune, lieutenant général des armées du roi.




CONCLUSION

Nous voici arrivé au terme de notre oeuvre. Nous avons relaté tout ce qui se rapporte au chevalier d'Iberville. Il nous resterait à faire quelques considérations sur les conséquences de toutes ces grandes expéditions.

D'abord les prévisions de d'Iberville ne se réalisèrent malheureusement que trop. Le gouvernement, au lieu d'accorder sa confiance aux hommes qui avaient donné les plus grandes preuves de dévouement, ne recourut pas à la famille d'Iberville, ni à aucun de ses anciens compagnons d'armes.

La compagnie des Indes, qui s'était emparée de l'administration de la nouvelle colonie, mit à la tête un homme qui ne connaissait pas le pays.

M. de Lamothe-Cadillac fut élu. Il avait quelques faits d'armes à invoquer: l'occupation des lacs, la fondation de la ville de Détroit; mais il était complètement étranger aux intérêts et aux besoins de la Louisiane. M. de Lamothe-Cadillac ne put conserver longtemps sa position de gouverneur, et il s'en alla blâmé par tout le monde.

Après lui, le pays tomba dans les mains de ce qu'on appelait la compagnie du Mississipi, que le malheureux Law avait fondée. Il profita de la mort de d'Iberville pour lancer sur le pavé de Paris une oeuvre qui, au début, eut une étonnante prospérité, et qui aboutit h une épouvantable catastrophe.

Ces deux insuccès rendirent le gouvernement plus prudent et plus attentif, et l'on recourut, dix ans après la mort de d'Iberville, à celui qui l'avait accompagné dans ses expéditions et secondé dans ses entreprises, c'est-à-dire à son frère de Bienville.

Le 4 octobre 1716, M. de Bienville recevait de France des lettres qui le plaçaient à la tête de toute la colonie. Ses mérites avaient été longtemps méconnus, mais on reconnaissait enfin, en ce moment, qu'on ne pouvait se passer de ses services.

Voici comme s'exprimait un intendant français sur les mérites de Bienville, le digne héritier de son frère:

«On ne saurait trop exalter, disait-il, la manière admirable dont M. de Bienville a su s'emparer de l'esprit des sauvages pour les dominer. Il a réussi par sa générosité et sa loyauté; il s'est surtout acquis l'estime de toute la population en sévissant contre toute déprédation commise par les Français.»

Ces paroles peuvent nous faire comprendre la mauvaise foi de M. de Cadillac, qui écrivait alors à, Versailles: «Tous ces Canadiens ne sont que des gens sans respect pour la subordination. Ils ne font aucun cas ni de la religion, ni du gouvernement. Le lieutenant du roi, M. de Bienville, est sans expérience, il est venu en Louisiane à 18 ans, sans avoir servi ni en Canada ni en France.» Ceci est inexact, car M. de Bienville avait alors près de vingt ans de service.

Nommé gouverneur, M. de Bienville s'empressa d'exécuter le projet qu'il avait depuis longtemps d'établir le centre de la colonie à l'extrémité du delta. Il lui donna le nom de Nouvelle-Orléans, en l'honneur du duc d'Orléans, régent du royaume de France. La nouvelle compagnie d'Occident éleva Bienville au commandement général de la Louisiane. Il fut secondé dans son oeuvre par ses frères, les messieurs de Longueuil, qui devinrent successivement gouverneurs de Montréal et de la Nouvelle-France.

Pendant ce temps la colonie se développait. Plusieurs des anciens compagnons de d'Iberville venaient s'y établir chaque année. On voyait y arriver des gens de Montréal, Québec et autres villes.

En 1724, M. de Bienville fut mandé à Paris pour donner des explications sur sa conduite. Il reçut sa démission par suite des rapports calomnieux qui avaient été faits contre lui par des ennemis de la famille de Longueuil. Cinq ans après, en 1731, il fut rétabli dans son commandement; puis ayant terminé son oeuvre, il passa en France, en 1760.

Comme nous l'avons dit en commençant, la France possédait à ce moment presque toute l'Amérique du Nord. Ses possessions, d'une superficie de plus de trois cent mille lieues carrées, s'étendaient de l'océan Atlantique à l'océan Pacifique, et de la baie d'Hudson au golfe du Mexique. Les plus beaux et les plus grands fleuves du monde: le Saint-Laurent, l'Ohio, le Missouri, le Mississipi s'y trouvaient; on y voyait des lacs grands comme des mers: les lacs Érié, Ontario, Huron, Michigan, Supérieur. Nous avons vu toute la part que M. d'Iberville eut à ces merveilleux résultats.

Cette contrée est douée des ressources naturelles les plus diverses et les plus abondantes; ses habitants sont actuellement au nombre de plusieurs millions. Aussi peut-on facilement comprendre la perte immense que fit la France en ne prenant pas les mesures nécessaires pour conserver cet immense territoire, dans lequel elle aurait pu créer un empire d'une incalculable richesse: une France d'outre-mer qui eût imprimé le sceau de son génie sur ce continent.

Quand le sort des armes eut trahi le drapeau des Français, qui luttèrent avec une indomptable énergie, et qui ne succombèrent que sous le nombre, le pays tout entier fut conquis par B'Angleterre. Son gouvernement s'était solennellement; engagé à, respecter tous les droits et privilèges des familles françaises. Néanmoins, beaucoup de ces familles ne voulant pas rester sous la domination des Anglais, émigrèrent sur la rive gauche du Mississipi pour se trouver sur une terre française. Là, ces familles fondèrent les établissements de Saint-Louis, Saint-Ferdinand, Carondelet, Saint-Charles, Sainte-Geneviève, Nouvelle-Madrid, Gasconnade.

Ce mouvement d'émigration vers le nord-ouest se continua, et par suite, les Franco-Canadiens fournirent les premiers groupes de colons de la plupart des États de l'Ouest et de la Rivière-Rouge. Ne s'arrêtant que sur les bords de l'océan Pacifique, ils jetèrent le germe des établissements de Vancouver et de l'Orégon.

Nous les trouvons aussi dans le Nord-Ouest canadien et jusqu'à la baie d'Hudson. La plupart sont dispersés dans les terres, où ils trafiquent avec les indigènes. Des centres qui deviendront vite prospères se sont formés au fort Edmonton, au lac Sainte-Anne, au lac La Biche.

Les Canadiens-Français sont déjà nombreux au Manitoba; ils se sont groupés à Saint-Boniface, à Saint-Norbert, à Sainte-Agathe, à Saint-François-Xavier, à Saint-Laurent.

Dans d'autres États, on rencontre aussi des Canadiens: il y en a dans l'Ohio, l'Iowa, le Dakota, le Montana, le Colorado, l'État de Washington, le Kansas, l'Arizona, le Nouveau-Mexique.

Dispersés sur un immense territoire, entourés de populations de races différentes, les Canadiens-Français ont conservé leur religion. Dès qu'ils ont pu se rassembler et former des établissements, ils ont demandé des prêtres et ont élevé à leurs frais des temples au Seigneur. La plus grande partie d'entre eux ont conservé comme un trésor précieux leur langue et leurs habitudes nationales.

En 1864, M. E. Duvergier de Hauranne se trouvait dans le Minnesota. «Ce pays, dit-il, est plein de Français. Quelques-uns viennent de la mère patrie, la plupart ont émigré du Canada par les grands lacs. Quand je ne les aurais pas reconnus à, leur langage, leurs plaisanteries, leurs danses, leur gaieté invincible à la fatigue me les auraient désignés.»

«La France a été, jusqu'au milieu du 18e siècle, une des plus grandes puissances coloniales du monde, et l'Espagne seule pouvait lui disputer la prééminence. En effet, au commencement du 18e siècle, elle possédait toute l'Amérique du Nord jusqu'au Mexique sur l'océan Atlantique, et jusqu'à la Californie sur le Pacifique. Le golfe Saint-Laurent, le Canada, les lacs intérieurs, tout le bassin du Mississipi, le Nord-Ouest, l'Orégon et tous les territoires au nord de la Californie et du Mexique, lui appartenaient et formaient deux provinces immenses: le Canada et la Louisiane. Elle avait dans les Antilles plus de la moitié de Saint-Domingue, Sainte-Lucie, la Dominique, Tobago, Saint-Barthélémy, et enfin la Martinique et la Guadeloupe, faibles débris qui lui sont restes de tant de colonies.

«De toutes ces possessions, la plus précieuse était le vaste empire dont elle avait jeté les fondements au nord et à l'ouest de l'Amérique, et qui lui eût assuré une prépondérance incontestable dans le inonde entier.»

Malheureusement, les systèmes erronés, les fausses idées qui présidèrent alors à la direction de ses colonies, firent végéter ces établissements, tandis que ceux des Anglais prospéraient à côté des siens. Mais l'insouciance, l'incapacité de la cour les laissèrent exposés sans défense aux attaques de voisins qui, dix fois plus nombreux que ces malheureux colons, les écrasèrent un dépit d'une résistance énergique.

Ce fut donc sous le règne déplorable de Louis XV que succomba la puissance coloniale de la France: les Anglais lui enlevèrent, on 1763, tout le nord du continent américain. La même année, elle céda à l'Espagne la Louisiane et toutes les régions de l'Ouest, pour éviter de les abandonner aux Anglais, auxquels, dans le même temps, elle dut livrer la Dominique, Saint-Vincent, Tobago.

Ainsi s'accomplit la ruine de l'oeuvre de Richelieu et de Colbert, la ruine coloniale de la France.

Après cette ruine et après les désastres du premier empire, la France ne possédait plus que la Martinique, la Guadeloupe dans les Antilles, et la Réunion dans l'océan Indien; ajoutez les comptoirs de l'Inde, quelques établissements en Guyane et en Sénégal.

A peu près ruinées à la fin de l'empire, la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion se sont rapidement relevées, et aujourd'hui, la France peut les mettre en parallèle avec les colonies les plus florissantes. Leur population est beaucoup plus dense que celle du continent européen. La Martinique a près de 160,000 habitants, et elle exporte, rien qu'en sucre, pour plus de 20 millions par an. La Guadeloupe compte 170,000 âmes, la Réunion plus de 180,000, et leurs productions sont supérieures à celles de la Martinique.

Il est à remarquer que par un phénomène rare, la langue et les moeurs de la France, ainsi qu'un ardent amour pour elles, se perpétuent dans celles des anciennes colonies qu'elle a perdues. Témoin, Madagascar; témoin aussi, le Canada. Voilà certes des résultats assez inattendus.

Dans l'Inde, les comptoirs de la France, quoique enclavés dans l'empire indien de l'Angleterre, n'ont pas déchu.

Quant aux établissements du Sénégal, ils se sont développés dans des proportions énormes. La population soumise à la France ne dépassait pas une quinzaine de mille âmes en 1815, et l'on n'y opérait qu'un très maigre trafic. Aujourd'hui la France y a poussé ses postes jusqu'au Niger. Plusieurs millions d'hommes y sont ses tributaires et le commerce du pays, prodigieusement accru, a atteint plus de 50 millions de francs.

L'oeuvre coloniale de la France, dans ce siècle, n'a pas consisté seulement à conserver et à, améliorer les épaves du son ancien domaine; de 1830 à 1847, elle a conquis l'Algérie. L'Algérie ne peut être comparée, ni comme étendue, ni comme fertilité aux immensités de l'Amérique du Nord ou de l'Australie. Mais la France, dans la colonisation de ce pays, a obtenu des résultats précieux. Elle y a implanté plus de quatre cent mille colons européens. Des villes florissantes se sont élevées sur l'emplacement des terrains incultes et des marais fangeux d'il y a quarante ans. Le mouvement commercial atteint cinq cent millions de francs.

A l'Algérie, la France vient d'ajouter la Tunisie, qui rivalisera bientôt de prospérité et de vitalité avec l'Algérie française.

Pour un peuple soi-disant incapable de coloniser, le résultat ne laisse pas que d'être satisfaisant.

En Océanie, la France possède l'archipel de Taïti. La Nouvelle-Calédonie, occupée à une date plus récente, a permis à la France de créer une colonie pénitentiaire dont tout le monde reconnaît l'utilité. Par la Cochinchine, elle a repris pied sur le continent asiatique; et, si ce n'est encore qu'un embrion d'empire colonial en extrême Orient, cet embrion est prodigieusement vivace. Elle paie tous ses frais d'administration, et verse en outre une contribution dans le trésor de la métropole. Sa population est d'un million et demi, et son commerce extérieur très considérable.

De ce qui précède, on peut reconnaître que la France commence à revenir à ces entreprises coloniales qui lui ont fait tant d'honneur au XVIIe siècle.

Dans de pareilles dispositions, le récit de ces grandes oeuvres auxquelles d'Iberville a eu une si large part, ne peut manquer d'intéresser ceux qui se préoccupent de l'agrandissement de la France par les établissements coloniaux.

Le gouvernement français a donné la preuve de ses sympathies particulières pour les anciennes colonies en nommant un des bâtiments nouvellement construits; Le Chevalier d'Iberville.

C'est ce que nous avons appris au moment où nous écrivions les dernières lignes de cette histoire.



TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE

CHAPITRE:

I—De l'établissement de la Nouvelle-France.

II—La famille Le Moyne.

III—Développements de Montréal.

IV—Naissance de Pierre d'Iberville.

V—Les troupes arrivent en Canada.

VI—Expéditions des troupes.

VII—Montréal et ses souvenirs.

VIII—Exploration du fleuve Saint-Laurent.

IX—M. Le Moyne envoie ses enfants en France pour entrer dans la marine.

DEUXIÈME PARTIE

CHAPITRE

I—Expéditions à la baie d'Hudson.

II—Aspect de la baie d'Hudson.

III—Expédition dans la colonie anglaise.

IV—Nouvelle expédition à la baie d'Hudson.

V—Siège de Québec.

VI—Nouveaux événements à la baie d'Hudson.

VII—M. d'Iberville à Versailles.

TROISIÈME PARTIE

CHAPITRE

I—Expédition en Terre-Neuve (1696-1697).

II—Le Gulf-Stream.

III—M. d'Iberville mis à la tête de l'expédition.

IV—Arrivée de M. Beaudoin, aumônier des Abénaquis.

V—Prise de Pémaquid.

VI—Difficultés avec M. de Brouillan.

VII—Prise de Saint-Jean.

VIII—Conquête du territoire.

IX—Énumération des prises, et occupation de 500 lieues carrées en territoire.

X—État actuel de Terre-Neuve, cent bâtiments employés, 20,000 pêcheurs.

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE

I—IVe expédition à la baie d'Hudson.

II—Arrivée au Labrador.

III—-Rencontre des banquises.

IV—Arrivée dans la baie d'Hudson.

V—Rencontre de trois vaisseaux anglais.

VI—Prise du fort Nelson.

VII—Retour en France.

CINQUIÈME PARTIE

CHAPITRE

I—Expédition du Mississipi.

II—Premier voyage.

III—Arrivée aux Antilles.

IV—Arrivée devant les rives du golfe du Mexique.

V—Voyage à la Malbanchia.

VI—Grands changements on France.

SIXIÈME PARTIE

CHAPITRE

I—Deuxième voyage.

II—Retour en France.

III—Expédition dans les Antilles.

IV—Mort de d'Iberville.

CONCLUSION.

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