Jeux et exercices des jeunes filles
LES MOTS PROHIBÉS.
Ce jeu est, dit-on, d'origine italienne. On convient d'adresser des questions auxquelles il faut répondre sans dire ni oui, ni non, ni pourquoi; ou bien ni monsieur, ni madame, ni mademoiselle. Le talent de celle qui dirige le jeu consiste à faire des questions embarrassantes qui obligent la personne qui répond à se servir de circonlocutions pour éviter l'emploi des mots défendus.
LES COULEURS PROHIBÉES
Si le jeu précédent nous vient d'Italie, celui-ci arrive d'Angleterre. On décide d'abord qu'on ne nommera pas certaines couleurs. L'une des jeunes filles dit: «Comment madame sera-t-elle habillée pour le bal?» Chacune à son tour propose un article de toilette, et si elle nomme la couleur que l'on est convenu d'omettre, elle donne un gage. Pour rendre le jeu plus difficile, on peut supprimer deux couleurs.
LA PENSÉE, OU A QUOI RESSEMBLE CE QUE JE PENSE?
Les jeunes filles ayant pris leurs places, la première pense à quelque objet bien déterminé; par exemple, au soleil, à une montre, à un chapeau, etc. Et elle dit à chacune successivement: «A quoi ressemble ce que je pense?» Chacune donne sa réponse, faite au hasard, puisqu'elle ignore la pensée. Elle répond donc: «A un gant, à une épingle, à quelque objet matériel enfin à son choix. Celle qui a interrogé doit dire ensuite quelle a été sa pensée et demander aux autres les rapports qu'il peut y avoir entre cet objet et ceux qui ont figuré dans les différentes réponses. Celle qui est incapable de trouver un rapport donne un gage. Nous mettons ce jeu en action pour le rendre plus intelligible:
MARIE. Hélène, à quoi ressemble ma pensée?
HÉLÈNE. A la pluie.
MARIE. Henriette, réponds.
HENRIETTE. A une fleur.
MARIE. A toi, Louise.
LOUISE. A une cloche.
MARIE. Émilie, à quoi ressemble ce que je pense?
ÉMILIE. A une chouette.
MARIE. Mathilde, que répondras-tu?
MATHILDE. A une étoile.
MARIE. A la pluie, à une fleur, à une cloche, à une chouette, à une étoile.
HÉLÈNE. Je ne vois pas comment ta pensée pourra ressembler à des choses si différentes.
MARIE. Ma pensée, c'est la lune. Hélène, quel rapport y a-t-il entre la lune et la pluie?
HÉLÈNE. Toutes les deux causent des inondations. Vous savez que la lune influe sur les marées, qui peuvent être très considérables, et la pluie fait grossir les fleuves et les rivières, et les fait, par conséquent déborder.
MARIE. Ton explication est très-savante. Maintenant, Henriette, dis-moi quelle ressemblance il y a entre la lune et une fleur?
HENRIETTE. C'est qu'elles changent de forme tous les jours.
MARIE. Pourquoi la lune est-elle comme une cloche?
LOUISE. Comme une cloche? Je ne sais pas; j'ai beau chercher, je ne trouve rien. Voilà mon gage.
MARIE. Émilie, pourquoi la lune est-elle comme une chouette?
ÉMILIE. Oh! c'est bien facile à trouver. C'est parce qu'elles paraissent toutes les deux la nuit.
MARIE. Mathilde, quel rapport y a-t-il entre la lune et une étoile?
MATHILDE. La lune est un astre et l'étoile aussi.
Voilà un aperçu de la manière dont on peut jouer ce jeu, qui nous paraît assez ingénieux.
LES COMPARAISONS.
C'est à peu près le même jeu que le précédent; mais l'explication qui en sera donnée montrera suffisamment sous quel rapport il en diffère et en quoi ils se ressemblent l'un et l'autre.
On compare quelqu'un à un objet quelconque; et comme il n'y a point de comparaison qui soit exactement parfaite, on dit en quoi est la ressem-* *blance et en quoi est la différence. Par exemple, on dira: «Je compare Mlle *** à une rose. Elle en a la fraîcheur et l'éclat: voilà la ressemblance; mais la rose est environnée d'épines et blesse ceux qui l'approchent: voilà la différence.» Nous laissons aux jeunes filles qui choisiront ce jeu le soin de trouver des comparaisons plus neuves et plus ingénieuses que celle-ci, nous avons seulement voulu leur donner un exemple.
LES PROPOS INTERROMPUS.
C'est encore une des variétés de ces jeux dans lesquels les demandes et les réponses s'entre-croisent d'une manière bizarre pour produire au hasard, soit des réponses qui surprennent par leur justesse, soit des contre-sens qui amusent encore davantage. Nous le mettons en action pour le rendre plus intelligible.
HENRIETTE. Je vais faire une question tout bas à Marie, qui est à ma droite, et elle me répondra aussi tout bas. Elle fera une question à celle qui vient après elle, qui lui répondra. Lorsque le tour du cercle sera fini, je reprendrai tout haut la question de ma voisine de gauche, qui est la dernière, et j'y répondrai par la réponse que ma voisine de droite m'a faite en commençant; ensuite celle-ci dira ma question et dira la réponse de celle qui est à sa droite, et ainsi de suite jusqu'à la fin. Ayez bien soin de vous souvenir des questions et des réponses qui vous sont faites. Marie, à quoi sert un soufflet?
MARIE. A souffler le feu. (A Émilie). A quoi servent les pompes des pompiers?
ÉMILIE. A éteindre le feu. (A Juliette). A quoi sert une charrue?
JULIETTE. A labourer la terre. (A Hélène). A quoi sert un bonnet?
HÉLÈNE. A couvrir la tête. (A Mathilde). A quoi sert un soulier?
MATHILDE. A chausser le pied. (A Louise). A quoi sert une épingle noire?
LOUISE. A attacher les cheveux. (A Henriette). A quoi sert un baromètre?
HENRIETTE. A marquer la pesanteur de l'air. (Haut) Nous allons voir maintenant si les réponses s'accordent bien. Louise m'a demandé à quoi servait un baromètre, et Marie m'a répondu: à souffler le feu.
MARIE. Henriette m'a demandé à quoi servait un soufflet, et Émilie m'a répondu à éteindre le feu.
ÉMILIE. Marie m'a demandé à quoi servent les pompes des pompiers, et Juliette m'a répondu: à labourer la terre.
JULIETTE. Émilie m'a demandé à quoi servait une charrue, et Hélène a répondu: à couvrir la tête.
HÉLÈNE. Juliette m'a demandé à quoi servait un bonnet, et Mathilde m'a répondu: à chausser le pied.
MATHILDE. Hélène m'a demandé à quoi servait un soulier, et Louise m'a répondu: à attacher les cheveux.
LOUISE. Mathilde m'a demandé à quoi servait une épingle noire, et Henriette m'a répondu: à mesurer la pesanteur de l'air.
Ce jeu, qui produit ce qu'on appelle des coq-à-l'âne 14 demande un certain effort de la mémoire pour ne pas oublier les demandes et les réponses. Nous allons encore citer quelques jeux qui rentrent dans la même catégorie.
LES PROPOS INTERROMPUS PAR ÉCRIT.
Les jeunes filles qui prennent part à ce jeu écrivent chacune sur un petit carré de papier une question, la plus bizarre possible. On mêle les petits papiers dans une boîte ou dans une corbeille. Chaque joueuse tire un de ces billets et y répond sur un autre papier, puis elle met sa réponse dans une seconde corbeille et remet la demande dans la première. On tire ensuite alternativement une demande et une réponse, mais la réponse ne sort presque jamais en même temps que la demande pour laquelle on l'avait faite.
Une variété de ce jeu consiste à mettre la réponse sur le même papier que la question. Tout l'intérêt repose alors sur l'esprit ou sur la bizarrerie de l'une ou de l'autre, ou sur l'anonyme que gardent les auteurs et que l'on s'efforce de pénétrer. Pour cette seconde manière de jouer, les questions sont tirées de même, et la réponse y est faite par une personne autre que celle qui a fait la question.
Au reste, nous renvoyons au jeu du secrétaire, qui a quelque analogie avec celui-là, et pour lequel nous donnons de plus grands développements.
LES POURQUOI ET LES PARCE QUE.
Ce jeu diffère du précédent en ce que la réponse n'est pas donnée directement, mais passe par un tiers, c'est-à-dire qu'une personne fait une question tout bas à sa voisine; celle-ci lui demande pourquoi, et l'autre voisine de la personne du milieu fait la réponse, en sorte que celle qui est au milieu ne sert que d'intermédiaire entre les deux autres, pour adresser la question «pourquoi?» et pour retenir ce que l'autre lui a dit à l'oreille. Cette manière de jouer aux propos interrompus produit des effets plus bizarres encore que la précédente, mais elle est moins animée.
LA NARRATION.
Pour ce jeu, il est d'usage d'avoir de longs rubans que chaque joueuse tient par un bout, tandis que tous les autres bouts sont réunis dans la main de celle qui dirige le jeu. Celle-ci commence une histoire ou narration, et s'arrêtant après deux ou trois phrases, elle donne une secousse à un des rubans. Celle à qui s'adresse ce signal doit continuer immédiatement la narration, en tâchant de bien lier ce qu'elle dit avec ce qui se disait au moment où elle a repris. Ce jeu demande une certaine invention pour trouver des détails qui soient un peu intéressants. On en jugera mieux par l'exemple que nous allons donner. Celle qui tient les rubans commence ainsi (les points marquent les interruptions et les reprises):
«La neige tombait par flocons épais quand Alice se leva le matin. Elle pensa qu'elle ne pourrait pas monter à cheval ce jour-là, à cause du mauvais temps, et descendit à la salle à manger, où elle trouva.....
«Une dame qu'il lui sembla avoir déjà rencontrée quelque part, et un petit garçon de sept ou huit ans qui avait de beaux yeux noirs et d'abondants cheveux bouclés. «Vous ne me reconnaissez pas, Alice, lui dit cette personne; je suis....
«La femme de chambre de votre cousine Jeanne, que vous n'avez pas vue depuis six ans, et voilà son petit garçon que je vous amène. Il lui est arrivé, il y a quelques jours, une aventure bien extraordinaire. Il était allé au bois de Boulogne avec un domestique. Là....
«Le domestique l'ayant perdu de vue un moment, il se trouva seul, et, comme il le cherchait avec inquiétude, son air effaré attira auprès de lui....
«Une troupe de petits gamins assez déguenillés qui commencèrent à le tourmenter. Comme il est très-vif, il ne put supporter leurs mauvais propos et donna un soufflet à l'un d'eux, qui....
«Se jeta sur lui et commençait à le battre, lorsqu'ils virent paraître tout à coup un monsieur qui se trouvait être, etc....»
Nous ne donnerons pas la suite de l'histoire, et nous engageons nos jeunes lectrices à la terminer elles-mêmes, ou à en inventer de meilleures dont elles sauront faire «le modèle des narrations agréables,» comme le dit Mme de Sévigné avec raison, de sa lettre que l'on appelle la lettre de la prairie.
Si l'on veut au contraire faire une narration absurde, le jeu sera peut-être moins difficile, mais nous préférons une narration suivie et un peu élégante. Toutefois, nous allons donner un exemple de ce que peut être un discours dont les idées n'ont aucune liaison entre elles.
«C'était par une belle nuit d'été, alors que le soleil, prêt à se plonger dans la mer, comme un charbon rougi aux feux de la forge, jetait encore un dernier éclat....
«Vraiment, s'écria Hippolyte, il fait noir comme dans un four. Que demanderons-nous ce matin pour notre déjeuner? J'ai envie d'oeufs à la coque...
«A ces mots, ils poursuivirent leur course, renversant tout sur leur passage; leurs chevaux excités refusaient de s'arrêter malgré tous leurs efforts....
«La vague grossissait toujours et menaçait de les engloutir; déjà plusieurs lames avaient pénétré dans leur frêle embarcation. Tout faisait pressentir un prochain désastre....
«Lorsque la voix d'un chien se fit entendre; c'était celui du portier de leur maison, rue Neuve-Saint-Roch. Ces aboiements réitérés annonçaient leur arrivée....
«Chacun s'empressa d'accourir. La vue de ce fidèle animal rappelait des jours qui n'étaient plus; mais l'ardente chaleur de cette après-midi....
«Les accablait et semblait faite pour les inviter au repos. Ils s'assirent donc en cercle auprès d'un rocher qui leur prêtait son ombre....
«L'endroit leur paraissant convenable, chacun s'empressa de faire un grand feu. L'intensité du froid rendait cette précaution plus nécessaire que jamais.»
Nous sommes obligés d'avertir, en donnant ce modèle de contre-sens, qu'il ne nous est pas venu à la pensée d'imiter la forme de quelques romans modernes.
LE JOURNAL.
Ce jeu, moins difficile que le précédent, lui ressemble sous quelques rapports. La jeune fille qui le dirige doit avoir un livre ou un journal contenant un récit sérieux. Chacune des autres choisit un métier, comme confiseur, épicier, marchand de joujoux, marchande de modes, etc. Elles se placent vis-à-vis de la lectrice. Celle-ci, en lisant, s'arrête quand elle rencontre un substantif et quelque fois un verbe, et regarde celle qui doit parler, ou bien tire un ruban, comme nous l'avons indiqué plus haut. La jeune fille à qui s'adresse ce langage muet doit à l'instant placer un mot qui se rapporte au métier qu'elle a choisi. La lectrice alors finit la phrase, et continue, s'arrêtant de nouveau aux endroits que nous avons déjà indiqués, et regardant tantôt l'une, tantôt l'autre de ses compagnes. Celle qui ne répond pas, ou qui fait une erreur, paye un gage. L'exemple que nous allons donner suffira pour notre explication.
MARIE. Asseyez-vous toutes en face de moi; voici mon journal. Quels métiers choisissez-vous?
HÉLÈNE. Je suis épicier.
HENRIETTE. Moi, quincailler.
LOUISE. Moi, fruitière.
MATHILDE. Moi, je serai lingère.
ÉMILIE. Moi, marchande de nouveautés.
JULIETTE. Moi, je serai herboriste.
MARIE. Je commence: Une grande....
HÉLÈNE. Bougie.
MARIE. Se fait sentir dans notre....
HENRIETTE. Arrosoir.
MARIE. A plusieurs reprises cette semaine des....
LOUISE. Carottes.
MARIE. Ont proféré des cris séditieux. Des....
MATHILDE. Bonnets.
MARIE. Considérables, se sont formés en cherchant à séduire les....
ÉMILIE. Gros de Naples.
MARIE. Honnêtes de notre....
JULIETTE. Graine de lin.
«Une grande agitation se fait sentir dans notre ville. A plusieurs reprises, cette semaine, des groupes ont proféré des cris séditieux. Des attroupements considérables se sont formés en cherchant à séduire les habitants honnêtes de notre ville.»
On continue ainsi jusqu'à la fin de l'article, si le jeu amuse.
L'AVOCAT.
Toutes les jeunes filles se placent en rond, ou sur deux lignes, en nombre égal. Au milieu se tient celle qui fait les questions. Quand elle s'adresse à une des compagnes, il faut que ce soit sa voisine qui réponde pour elle, en parlant à la première personne, comme l'avocat qui prend fait et cause pour son client. Cette complication amène des erreurs fréquentes, qui obligent à donner des gages. Nous allons développer le jeu à l'aide du dialogue. Henriette fait les questions; elle s'adresse à Marie, qui a Mathilde à sa droite.
HENRIETTE. Marie, aimes-tu bien Mathilde?
MATHILDE. Oui, elle l'aime beaucoup.
HENRIETTE. Un gage, Mathilde; il fallait répondre: «Oui, je l'aime beaucoup.»
MATHILDE. Mais je ne pouvais pas répondre cela de moi-même.
HENRIETTE. C'est le jeu. Tu sais que les avocats parlent souvent comme s'ils étaient la partie intéressée. Ne disent-ils pas: «Comment, j'ai passé dans votre pré avec mon âne! Vous osez dire que mes poules ont mangé votre grain; et je prends à témoins tous mes voisins que je les renferme dans mon poulailler!» Allons, continuons, Émilie, chante avec ta voisine: «Au clair de la lune,» à deux parties. (Émilie et Hélène chantent.)
HENRIETTE. C'est Hélène qui devait chanter la première partie, et Émilie la seconde, parce que je m'adressais à Émilie. Et toi, Louise, saurais-tu chanter aussi?
LOUISE. Que faut-il que je chante?
HENRIETTE. Allons, encore un gage. C'était à Juliette à répondre.
JULIETTE. C'est vrai, je n'y ai pas pensé.
HENRIETTE. Juliette, n'est-ce pas qu'Hélène a un bon caractère?
HÉLÈNE. Non, il y a des moments où je ne suis pas aimable.
HENRIETTE. Hélène, ta petite soeur Julia ne serait-elle pas en état de jouer avec nous?
MARIE. Oui, je trouve que nous pourrions amener ma petite soeur et choisir pour elle des jeux simples.
Nous conseillons ce jeu, qui n'est pas très-difficile et qui peut amener des réponses inattendues, si on veut se donner la peine de le bien jouer.
LA SELLETTE.
Nous ne quitterons pas le tribunal sans expliquer le jeu de la sellette, qui est un de ceux que l'on aime le mieux quand la compagnie est un peu nombreuse. On sait que la sellette est le siége sur lequel se place un accusé. On prend un petit tabouret, qui en tient lieu; on le place au milieu de la chambre, et la personne coupable s'assied. Une autre fait le tour du cercle et demande tout bas à chaque juge quelle est son accusation. Quand on a pris l'opinion de chaque personne, on la dit tout haut à l'accusé, qui doit deviner qui a parlé contre lui. Nous supposons qu'Henriette est sur la sellette. Elle peut faire, si elle veut, un petit discours pour attendrir ses juges, pendant qu'on recueille les opinions. Cela n'est pas hors du jeu, qu'il faut animer autant que possible.
MARIE interroge tout bas les juges, puis elle dit: Henriette, tu es sur la sellette, parce qu'on t'accuse de chanter faux. De qui vient ce reproche?
HENRIETTE. C'est Louise qui me fait ce reproche. Parce qu'elle a la voix très-juste, elle est très-difficile pour les autres.
MARIE. Non, c'est Hélène. Donne un gage. On t'accuse d'être paresseuse.
HENRIETTE. C'est toi, Marie, parce que j'ai mieux aimé me promener aujourd'hui que de travailler avec toi au jardin.
MARIE. Non, c'est Juliette. La cour exige que tu donnes encore un gage. On t'accuse de n'avoir pas l'air de te repentir.
HENRIETTE. Oh! c'est Mathilde qui a dit cela.
MARIE. Oui, c'est Mathilde. A ton tour, sur la sellette.... Mathilde, on t'accuse d'être gourmande.
MATHILDE. Je reconnais Henriette, parce que j'ai voulu manger la moitié de ses cerises.
MARIE. Non, ce n'est pas elle.
MATHILDE. Qui est-ce donc?
MARIE. On n'est pas obligé de nommer quand on n'a pas deviné juste. Il suffit qu'on dise: «Non, ce n'est pas telle personne.» On t'accuse d'être étourdie.
MATHILDE. Oh! si ma gouvernante était ici, je serais bien certaine que c'est elle; mais je sais qu'elle l'a dit ce matin à Hélène, et c'est Hélène qui répète l'accusation.
HÉLÈNE. Va donc me juger à ton tour.
LES CONSÉQUENCES.
On coupe de petits morceaux de papier ou des cartes d'égale grandeur. On en peut faire environ quatre douzaines. Sur la moitié, on écrit le nom de personnes que l'on connaît. Sur le troisième quart on écrit le nom d'un endroit comme: A la campagne, en voiture, au spectacle. Enfin, sur le dernier quart, on écrit les conséquences ou ce qui est arrivé aux personnes dont les noms ont été écrits d'abord. Par exemple, on écrit: Ont déchiré leurs gants, ont perdu leurs souliers, se sont querellées. Quand tout est prêt, on fait trois parts: l'une de tous les noms réunis, l'autre des endroits, la troisième des conséquences. On tire deux noms, et enfin en suivant une carte de chacune des autres parts. En les lisant, on peut faire de singulières rencontres ou produire de bizarres assemblages. Par exemple: Caroline et Marie ont été dans la rivière, et se sont brûlées.
LE SECRÉTAIRE.
Ce jeu n'est que le perfectionnement du précédent. Les grandes personnes même peuvent s'en amuser en y mettant toutes les ressources de leur esprit. On a également des cartes, mais assez grandes pour écrire beaucoup de choses. On écrit en tête le nom de chacune des personnes de la compagnie. On les met dans une corbeille que l'on couvre. Chacun tire au hasard et écrit sur la carte qui lui échoit une phrase. On les remet dans la corbeille; on les tire une seconde fois; sur celle que l'on a prise, on met encore une phrase, et ainsi de suite jusqu'à ce que les cartes soient remplies. Il faut bien cacher à ses voisins ce que l'on écrit, dissimuler son écriture, et, chaque fois que l'on a fini sa phrase, qui doit être courte, mettre quelques points pour la distinguer de celle d'une autre personne. Nous allons supposer que nos jeunes filles sont encore réunies, qu'elles ont rempli les cartes par le procédé que l'on a indiqué plus haut, et qu'elles vont y lire des compliments ou des vérités.
HENRIETTE. Ah! voilà la carte de Marie. Voyons ce qu'on y a écrit.
MARIE. Elle a beaucoup de raison pour son âge... Aussi ne fait-elle pas grande attention aux jeux.... C'est pourquoi elle donne tant de gages...
JULIETTE. Est-ce que ce sont des vers? voilà deux rimes.
HENRIETTE. Il ne faut pas interrompre la lecture ni faire de réflexions. Je continue: Elle devrait bien relever ses cheveux....
JULIETTE. Encore une rime!
HENRIETTE. Tu es terrible, Juliette, avec tes interruptions.... Elle ne se fâche jamais.... Pourquoi se fâcherait-elle contre ses amies? Il y en a tant d'autres qui le font...
MARIE. J'avais peur d'entendre de dures vérités, mais je vois qu'on m'a bien ménagée. C'est à moi de lire une carte maintenant. Ah! c'est celle de Juliette. On dit que les petites filles sont bavardes.... Ce n'est pas Juliette qui fera dire le contraire.... Il faut bien que chacun ait un petit défaut.... Celui-là n'est pas le plus grave de tous.... Non, si elle n'était pas aussi un peu indiscrète.... Vous êtes trop sévères pour la pauvre Juliette... Cela ne nous empêche pas de l'aimer de tout notre coeur.
JULIETTE. Je ne suis pas fâchée contre celles qui ont écrit tout ce mal de moi, parcequ'elles me le disent toute la journée; ainsi je dois y être habituée. C'est à mon tour de tirer ma carte. C'est celle de Louise.
Nous ne multiplions pas ces exemples, qui n'auraient que peu d'intérêt, et nous pensons que le jeu est suffisamment compris, mais nous ne pouvons trop recommander aux jeunes filles qui auront à écrire sur les cartes de leurs compagnes, de se souvenir que ceci n'est qu'un jeu, et que si elles veulent s'en servir pour donner quelques avis, il faut qu'elles y mettent de grands ménagements. Il en est de même pour le jeu de la sellette, pour celui des contre-vérités, etc. On peut plaisanter des légers travers de ses amis, mais les défauts véritables sont choses trop sérieuses pour qu'il en soit question au milieu d'innocents amusements.
LES DEVISES.
Chacune des jeunes filles choisit une fleur. On la lie avec un lien analogue à l'idée que représente la fleur que l'on a choisie, on la place dans un vase qui répond aussi à l'idée primitive, et enfin on y ajoute une devise toujours en rapport avec cette même idée. Pour faire comprendre ce joli jeu, qui est assez difficile, nous revenons à nos petites scènes dialoguées. Nous n'aurons plus beaucoup d'occasions d'y recourir.
HÉLÈNE. Je prends des immortelles.
MARIE. Moi des violettes.
HENRIETTE. Moi, une rose.
LOUISE. Moi, un bouquet de houx.
JULIETTE. Je prends un beau pavot.
MATHILDE. Moi, des soucis.
ÉMILIE. Et moi, un lis.
HÉLÈNE. Je lie mes immortelles avec un cordon de soie verte.
MARIE. Moi, mes violettes avec un brin d'herbe.
HENRIETTE. J'attache la rose avec un ruban d'or.
LOUISE. Je lie mon bouquet de houx avec une chaîne d'acier.
JULIETTE. Je lie mon beau pavot avec un ruban de velours rouge.
MATHILDE. Je lie mes soucis avec une des cordes de mon piano.
ÉMILIE. J'attache mon lis superbe avec un ruban blanc.
HÉLÈNE. Je place mes immortelles dans un vase de porphyre.
MARIE. Mes violettes, je les mets dans un petit pot de terre.
HENRIETTE. Je mets ma rose dans un vase de cristal.
LOUISE. Mon bouquet de houx, dans un vase de fer.
JULIETTE. Je mets mon pavot dans un vase de Chine.
MATHILDE. Mes soucis, je les mets dans un vase de marbre noir.
ÉMILIE. Et moi, mon lis, dans un vase d'albâtre.
HÉLÈNE. Sur mes immortelles liées avec un ruban de soie verte, symbole d'espérance, et mises dans un vase de porphyre, le plus durable des marbres, je grave cette devise: ne cherchez que la vraie gloire.
MARIE. A mes violettes, dans leur humble vase, liées avec un brin d'herbe, je mets cette devise: Leur parfum les fait découvrir.
HENRIETTE. La rose, liée avec un ruban d'or, et placée dans un beau vase de cristal, aura pour devise: Elle ne vivra que l'espace d'un matin.
LOUISE. Mon bouquet de houx, lié avec une chaîne d'acier, mis dans un vase de fer, aura cette devise: Qui s'y frotte s'y pique.
JULIETTE. Mon pavot, qui est lié avec un ruban de velours rouge, et mis dans un vase de Chine, aura cette devise: Plus d'éclat que de vrai mérite.
MATHILDE. J'ai mis mes soucis dans un vase de marbre noir; je les ai liés avec les cordes de mon piano, et j'écris dessus: On les retrouve partout.
ÉMILIE. Sur le vase d'albâtre qui contient mon lis, lié avec un ruban blanc, je fais graver cette devise que je viens de lire: Ex candore decus, et dont voici la traduction: Sa beauté vient de sa blancheur.
LES MÉTAMORPHOSES.
Il est encore question de fleurs dans ce jeu: mais elles doivent représenter des personnes présentes ou absentes. On forme un bouquet composé de trois, quatre ou cinq fleurs au plus, en l'absence d'une des jeunes filles, qui doit faire un emploi quelconque des fleurs que l'on a choisies, et qui ne sait pas quelles sont les personnes ainsi métamorphosées. On ne le lui dit qu'après, et le seul intérêt du jeu est de faire un choix de fleurs qui induise en erreur la personne à qui on les offre. Donnons-en un court exemple:
Émilie sort, et on décide de choisir trois fleurs: une pensée, un pied d'alouette et une jacinthe.
Lorsque Émilie rentre on lui demande ce qu'elle en fait. Elle répond qu'elle met la pensée sur son coeur; qu'elle jette loin le pied d'alouette qu'elle n'aime pas, et qu'elle met la jacinthe sur sa fenêtre, parce que l'odeur en est trop forte. Alors on lui apprend qu'elle a mis sur son coeur une vieille femme du village, qu'elle a rejeté son amie Marie, représentée par le pied d'alouette, et qu'elle a mis sur sa fenêtre sa petite soeur qui vient de naître.
Ce jeu est encore employé comme une des pénitences quand on tire des gages, ainsi que nous le verrons à la fin de cette quatrième partie.
LA VOLIÈRE.
Chacune des jeunes filles prend le nom d'un oiseau. Celle qui dirige le jeu, après avoir reçu tout bas les noms d'oiseaux, dit tout haut: «J'ai dans ma volière un serin, un hibou, un colibri, etc.,» mais en brouillant l'ordre pour qu'on ne sache pas quel est l'oiseau que chacune a choisi. La première jeune fille dit alors tout haut: «Je donne mon coeur à tel oiseau, je confie mon secret à tel oiseau, j'arrache une plume à tel oiseau.» Ensuite, celle qui dirige le jeu, en se souvenant bien de ce que chacune a dit à son tour, ou l'écrivant si elle craint de ne pas s'en souvenir, déclare que l'oiseau auquel l'une a donné son coeur, est telle de ses compagnes, et qu'elle doit l'embrasser; qu'elle doit aller faire une confidence à celle à qui elle a confié son secret, et demander un gage à celle à qui elle a arraché une plume.
Ce jeu ressemble un peu à celui des métamorphoses; on devient oiseau, au lieu de se changer en fleur. Il n'y faut faire figurer que les personnes présentes.
LE PAPILLON ET LES FLEURS.
Chacune des jeunes filles prend le nom d'une fleur, et celle qui dirige le jeu fait le rôle de papillon. Si quelques jeunes garçons étaient admis parmi les jeunes filles, ils pourraient représenter les insectes; sinon, il faut, pour éviter toute confusion, que les jeunes filles chargées de ce rôle se mettent toutes d'un côté et les fleurs de l'autre, en forme de demi-cercle. Le papillon se place en face d'elles.
Il y a dans ce jeu huit règles qui doivent être soigneusement observées:
1º Les insectes sont représentés par des garçons, s'il est possible, et les fleurs par des jeunes filles.
2º On ne doit appeler que les insectes ou les fleurs qu'on a désignés. Par exemple, s'il y a six jeunes filles, on conviendra que l'une est le lis, une autre la balsamine, une autre la violette, la quatrième sera l'oeillet, la cinquième sera la marguerite, et la sixième sera le muguet. Si on appelle la rose, qui ne s'y trouve pas, on devra un gage. De l'autre côté, les six autres prennent les noms de chenille, de cerf-volant, d'abeille, de ver à soie, de fourmi et de guêpe. Si on appelle la mouche, on donne un gage.
3º On ne devra pas appeler deux fois le même insecte ou la même fleur.
4º Quand on nommera le jardinier, toutes les jeunes filles représentant les fleurs étendront les bras comme pour montrer avec quel plaisir les fleurs déploient leur feuillage lorsque le jardinier vient les arroser. Tous ceux qui portent le nom d'insectes, au contraire, devront faire un petit saut en arrière comme pour fuir le jardinier.
5° Au mot arrosoir, les fleurs devront relever leur tête, et les insectes baisser la leur en se mettant à genoux, par crainte d'être mouillés.
6° Au mot soleil, les fleurs et les insectes se lèveront tous, aimant également le soleil.
7° Chacune doit parler quand elle entend son nom.
8° Après avoir pris les positions indiquées dans les articles 4, 5 et 6, chacun restera comme il est, jusqu'à ce qu'on appelle quelque fleur ou quelque insecte. (Voy. plus bas à l'exemple de la guêpe.) Quand on manque à une de ces règles, on donne un gage.
Il n'y a pas de règle établie pour ce qui doit être dit par les personnes qui jouent. Cela dépend d'elles et de la vivacité de leur esprit. L'intérêt du jeu consiste à bien dire ce qui est dans le caractère du rôle que l'on a choisi, soit en improvisant, soit en récitant quelque morceau de littérature que l'on se rappellerait à propos. Nous allons donner quelques exemples pour nous faire comprendre. Nos jeunes lectrices trouveront sans doute des choses meilleures à dire que tout ce que nous pourrions leur indiquer. Après que tout a été disposé selon l'ordre indiqué, le papillon commence.
LE PAPILLON. O belle fleur! comment pourrai-je te louer? On dit que je suis inconstant, que je vais de fleur en fleur, mais je veux prouver ma constance en me reposant longtemps sur les feuilles de ce beau lis.
LE LIS. Votre flatterie prouve votre inconstance. Les amis fidèles ne se vantent pas de leur amitié. De quelle valeur sont vos compliments pour une fleur qui ne veut entr'ouvrir son calice que pour les purs rayons du soleil (tous se lèvent)? Votre flatterie me déplaît presque autant que les piqûres de la guêpe. (Ici la guêpe qui est restée debout avec les autres, jusqu'à ce qu'un nom fût prononcé, se rassied et dit:)
LA GUÊPE. Quoi qu'en disent les fleurs, elles ne sont jamais si contentes que quand on leur fait des compliments. Même quand la sécheresse leur fait baisser la tête, elles sont fâchées de voir venir le jardinier (voy. art. 4), de peur que son arrosoir (voy. art. 5) ne dissipe et n'éloigne la foule des insectes qui voltigent autour d'elles, surtout autour de la balsamine.
Nous avons donné des exemples qui suffiront à faire comprendre le jeu, et nous laisserons maintenant l'abeille répondre seule.
LES SIGNES.
Chaque jeune fille, dans ce jeu, représente un animal dont elle imite le cri, le grognement ou le chant, et s'il est possible quelques-uns des mouvements. L'intérêt consiste à changer rapidement de rôle entre les divers acteurs. On n'est pas obligé de prendre le rôle de l'animal qui vient de prendre le vôtre; on peut choisir celui de tel autre personnage de la ménagerie, lequel peut à son tour contrefaire tel animal qui lui convient.
LES MAGOTS.
La jeune fille qui commence dit à sa voisine à droite: Mon vaisseau est revenu de la Chine. L'autre demande: Qu'a-t-il apporté? La première répond: Un éventail, et elle fait avec sa main droite le geste de s'éventer. Toutes les personnes présentes font le même geste. La seconde à son tour dit à la troisième: Mon vaisseau, etc., et, sur sa question, répond: Deux éventails, en ajoutant le geste de la main gauche, qui est imité par tous les autres. A la troisième, on dit: trois éventails, et on fait agir le pied droit sans cesser d'agiter les deux mains. Au quatrième éventail, on remue le pied gauche; au cinquième, la paupière de l'oeil droit; au sixième, celle de l'oeil gauche; au septième éventail, la bouche; au huitième enfin la tête. Ces mouvements exécutés tous à la fois par toutes les jeunes filles qui jouent, leur donnent une complète ressemblance avec des pantins à ressorts ou de petits magots de la Chine.
LE BÂTIMENT.
Celle qui dirige le jeu fait prendre aux autres les noms des matériaux, des outils ou des parties qui composent un bâtiment, comme le plâtre, la chaux, la pierre, la truelle, le balcon, l'escalier, etc.; ensuite elle fait un discours où elle parle d'un édifice qu'elle a entrepris, nommant toutes les choses l'une après l'autre, et celle qui en porte le nom doit aussitôt répéter ce nom deux fois, ou payer un gage.
LE JARDINAGE.
C'est le même jeu que le précédent: seulement on change les noms, et on y prend ceux des outils qui servent au jardinage et des objets qui se voient dans un jardin, comme râteau, bêche, arrosoir, bosquets, allées, bassin, fontaine, cerisiers, orangers, etc.
LE CAPUCIN.
C'est encore un jeu qui a une grande analogie avec les précédents. Chacune prend le nom d'une partie de l'habillement d'un capucin. L'une sera le manteau, l'autre la robe, l'autre les sandales, l'autre la barbe, l'autre le capuchon, etc. Une aussi fait le rôle de capucin, et enfin celle qui dirige le jeu s'appelle l'historien. Elle doit inventer une histoire où figure un capucin, et, chaque fois que dans cette histoire revient un des noms donnés, il faut que celle qui le porte le répète deux fois si l'historien le dit une, et une fois si l'historien le dit deux. Ce jeu, qui est assez animé s'il est bien conduit, et qui fait donner beaucoup de gages, ressemble un peu à celui de la toilette de madame, que nous avons décrit plus haut; mais il demande quelques efforts d'imagination, parce qu'il y a un récit qu'il faut inventer en y faisant entrer souvent les mêmes mots.
COMBIEN VAUT L'ORGE?
A ce jeu, il y a une des jeunes filles qui représente le maître, et dont le rôle est le plus difficile, parce qu'elle fait les questions. Les autres s'appellent Pierrot, Combien, Comment, Oh, oh!, Vingt sous, Trente sous, Quarante sous, etc. On invente tous les noms qu'on veut. Dès qu'on s'entend appeler, il faut répondre: «Plaît-il, maître?» et alors le maître vous demande combien vaut l'orge, et on répond le prix qu'on veut. Nous allons mettre ce jeu en action, et distribuer ainsi les rôles:
Le maître. Henriette.
Pierrot. Hélène.
Combien. Louise.
Comment. Marie.
Oh, oh! Émilie.
Vingt sous. Juliette.
Trente sous. Mathilde.
HENRIETTE. Je commence, soyez bien attentives. Pierrot?
HÉLÈNE. Plaît-il, maître?
HENRIETTE. Combien vaut l'orge?
HÉLÈNE. Trente sous.
HENRIETTE. Oh, oh!... c'est bien cher... Un gage, Émilie. Dès que j'ai prononcé: «Oh, oh!» il fallait répondre: «Plaît-il, maître?»
ÉMILIE. Plaît-il, maître?
HENRIETTE. Combien vaut l'orge?
ÉMILIE. Vingt sous.
HENRIETTE. Ce n'est pas trop cher, vingt sous!
JULIETTE. Plaît-il, maître?
HENRIETTE. Bon! c'est cela; combien vaut l'orge?
HENRIETTE. Oh, oh!... Combien?... Comment?... Eh bien! personne ne répond?
LOUISE. Je pensais à la distraction d'Émilie.
HENRIETTE. C'est ce qui arrive souvent à ce jeu-là.
Il est assez rare de pouvoir retrouver l'origine d'un de ces jeux d'esprit, qui n'a pas ordinairement assez d'importance pour que l'on se soit occupé de la conserver et de la transmettre aux races futures; mais ici, il paraît qu'un fait historique a donné lieu à une coutume qui a longtemps existé, et qui ne se retrouve plus que dans le jeu dont nous venons de tracer l'esquisse. Le fameux duc de Lorges, faisant le siége de la petite ville de Lagny, dit, en parlant des habitants: «Ils me résistent, mais je leur ferai voir combien vaut l'orge.» Depuis cette époque, les habitants de Lagny se croyaient insultés quand on leur adressait cette question; ils se saisissaient du malencontreux questionneur, et le plongeaient dans une fontaine sur la place. Quelquefois, on faisait la très-mauvaise plaisanterie de faire dire à quelqu'un qui ignorait les conséquences de cette phrase innocente: «Combien vaut l'orge?» et il l'apprenait à ses dépens.
LES CRIS DE PARIS.
Chacune des jeunes filles prend le nom d'un de ces marchands qui parcourent les rues de Paris en annonçant à haute voix leur marchandise. Un grand nombre de ces cris est de tradition, et conserve sans doute depuis des siècles les mêmes formules et les mêmes inflexions de voix. Nous allons indiquer ceux que l'on entend le plus fréquemment:
Le marchand d'habits. Habits, habits, galons!
La marchande de chiffons. Chapeaux à vendre! Voilà la marchande de chiffons!
La marchande de plaisirs. Voilà l'plaisir, mesdames, voilà l'plaisir!
Le marchand de cerises. A la douce, cerises, à la douce!
Le marchand de groseilles. Groseille à confire, à confire!
Le marchand d'huîtres. A la barque, à la barque, à la barque!
La marchande de poissons. Harengs qui glacent, qui glacent, limandes à frire, à frire!
Le marchand d'oeufs. A la coque, tous les gros oeufs, à la coque!
La lanterne magique. Voilà la lanterne magique! (très-lentement et avec accompagnement d'orgue de Barbarie)!
La marchande de cerneaux. Des gros cerneaux!
Le marchand de fromages. Bon fromage de Marolles!
Le marchand de légumes. Des choux, des poireaux, des carottes, des navets, navets!
Le marchand de jouets. V'là les petits moulins à vent! V'là l'amusement des p'tits enfants!
Le marchand de coco. A la fraîche, qui veut boire? etc.
Maintenant, pour jouer le jeu, chacune des jeunes filles ayant pris un métier, elles se promènent lentement. La première qui commence appelle l'une d'elles par le nom de son métier. Celle-ci, à l'instant, doit imiter le cri qui convient à ce métier. Alors l'autre lui demande une des choses qu'elle doit vendre. Il faut qu'elle réponde: «Je n'en ai pas, demandez à tel autre marchand.» Celle qu'elle désigne commence à imiter le cri du rôle qu'elle a pris. On lui fait la même question; elle renvoie aussi à une autre, et ce jeu, qui n'a pas d'autre mérite que l'imitation fidèle des cris bien connus, n'est pas assez compliqué pour avoir besoin d'une plus longue explication. On donne des gages quand on manque à l'appel de son nom, ou quand on demande à un marchand un objet qu'il ne doit pas vendre.
LES ÉLÉMENTS 15.
Note 15: (retour) On a cru, pendant des siècles, que les corps n'étaient composés que d'eau, de terre, d'air et de feu, et on a appelé les quatre substances des éléments, c'est-à-dire des corps qui ne pouvaient être décomposés. Aujourd'hui que la physique et la chimie ont découvert soixante-quatre ou soixante-cinq éléments, tels que l'oxygène, l'hydrogène, l'iode, le potassium, etc., on a reconnu que l'air, l'eau, la terre et le feu étaient formés de plusieurs principes, et pouvaient, par conséquent, se décomposer. Le mot élément, dans ce sens, ne doit donc être pris que comme acception générale ou figurée.
Dans ce jeu, on emploie un mouchoir roulé comme une balle. Les jeunes filles sont assises en cercle. Celle qui dirige le jeu jette la balle à une de ses compagnes, en disant: Terre, air ou eau. On omet le feu parce qu'il ne contient pas d'habitants. La jeune fille à qui la balle est adressée doit, en la recevant, répondre par le nom d'un animal vivant dans l'élément nommé. Si on lui dit: «Air,» sa réponse sera: «Aigle» ou «Vautour,» ou quelque autre oiseau. Si le mot est: «Eau,» elle répond par le nom d'un poisson; par le nom d'un quadrupède, si on lui dit: «Terre.» Il faut répondre promptement et sans se tromper. Si, au lieu de jeter une balle, on préfère se servir de rubans, comme dans le jeu de la narration, que nous avons expliqué plus haut, c'est un moyen qu'on peut employer. Nous allons, à l'occasion de ces rubans, indiquer un petit jeu simple, dont ils font tous les frais.
LES RUBANS.
On tient les rubans de la manière que nous avons indiquée précédemment. Lorsque celle qui en a tous les bouts réunis dans sa main, dit: «Tirez,» il faut lâcher le ruban qu'on tient, sans l'abandonner tout à fait. Quand elle dit: «Lâchez,» il faut au contraire tirer à soi, et il en résulte des méprises fréquentes, et par conséquent une moisson de gages plus ou moins considérable.
L'ORATEUR.
Deux personnes seulement agissent dans ce jeu, tandis que les autres restent spectatrices. L'une doit parler sans faire de gestes, l'autre doit faire des gestes sans parler. Celle qui représente l'orateur est au milieu de la chambre, enveloppée dans un grand manteau. L'autre se place derrière elle, cachée entièrement par le grand manteau, à genoux si elle est trop grande, et passant ses bras par les ouvertures des manches, tandis que les bras de l'orateur ne doivent pas bouger. Quand tout est prêt, celle qui représente l'orateur récite un long monologue en vers ou en prose, qu'elle sait par coeur, à moins qu'elle ne préfère l'improviser. Elle doit être immobile, tandis que celle qui est cachée doit faire beaucoup de gestes qui non-seulement seront mal appropriés au discours, mais encore seront aussi exagérés et aussi ridicules que possible. On peut déclamer une longue tirade, comme le récit de Théramène ou le songe d'Athalie; mais nous indiquons à regret ces beaux morceaux, que nous n'aimons pas à voir parodier.
CHARADES EN ACTION.
Les enfants doivent savoir qu'une charade est un mot qui peut se séparer, et dont chaque syllabe forme également un mot. On divise le mot entier en commençant à définir la première syllabe, ensuite la seconde et ainsi de suite, et on définit encore le tout. On les donne alors à deviner. Nous ne présentons ici que l'exemple le plus connu, pour nous faire comprendre.
Mon premier est un métal précieux,
Mon second un habitant des cieux,
Et mon tout est un fruit délicieux.
Le mot est or-ange.
Les charades en action, dont nous allons parler, sont très-amusantes à jouer et à voir jouer. On choisit un mot, dont on formera une action, comme les différentes scènes d'une comédie. Pour se costumer, on emprunte tout ce que des amis complaisants veulent bien prêter de leur garde-robe: écharpes, manteaux, fourrures, plumes, armes, etc. On s'affuble du mieux qu'on peut, et on tâche de mettre le plus d'esprit possible dans l'arrangement des petites scènes que l'on présente au public. Il faut que le mot ait bien son emploi dans toute l'action, mais que les spectateurs aient quelque peine à le deviner. Il faut aussi leur demander de ne le révéler, s'ils l'ont découvert, que lorsque toute la pièce est jouée; car il arrive souvent que, pour faire preuve de perspicacité, on détruit tout l'effet d'une scène bien arrangée. On comprend que, quand le mot est trop tôt deviné, les acteurs se sentent refroidis pour achever leur rôle; cependant nous leur conseillons encore d'aller jusqu'au bout.
Nous allons donner l'esquisse d'une charade très-simple, dont le mot est cordon.
Dans la première partie, il s'agit de mettre en action le mot cor, et l'idée de la chasse se présente naturellement. Les acteurs figurent, les uns des piqueurs, les autres des chasseurs, les autres des chiens. Quelques-uns chevauchent sur une chaise. Le malheureux cerf se distingue par un bois élevé, formé de petits fagots branchus. Les fanfares se font entendre, et c'est dans cette partie de l'action que se retrouve le mot cor, qu'il faut démêler à travers tout le mouvement de la chasse:
Du cor bruyant j'entends déjà les sons.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le cerf frémit, s'étonne et balance longtemps.
Doit-il, loin des chasseurs, prendre son vol rapide?
Doit-il leur opposer son audace intrépide?
Il hésite longtemps; la peur enfin remporte,
Il fuit, il court, il vole. . . . . . . . .
On suit avec intérêt les manoeuvres du pauvre cerf.
Du son lointain du cor, bientôt épouvanté,
Il part, rase la terre; ou, vieilli dans la feinte,
De ses pas, en sautant, il interrompt l'empreinte;
Ou tremblant et tapi loin des chemins frayés,
Veille et promène au loin ses regards effrayés,
S'éloigne, redescend, croise et confond sa route.
Quelquefois il s'arrête, il regarde, il écoute;
Et des chiens, des chasseurs, de l'écho des forêts,
Déjà l'affreux concert le frappe de plus près.
Les piqueurs ont peine à retenir leurs chiens pleins d'ardeur. Ils les ont découplés à la poursuite du cerf haletant,
Sur lui seul, à la fois, tous ses ennemis fondent. 16
et le cor sonne enfin l'hallali.
Le second tableau est plus paisible. Une jeune princesse, qui vient de naître, est dans un petit berceau entouré des dames de la cour. Des fées se présentent pour lui faire chacune un don. «La plus jeune lui donna pour don qu'elle serait la plus belle personne du monde; celle d'après, qu'elle aurait de l'esprit comme un ange; la troisième, qu'elle aurait une grâce admirable à tout ce qu'elle ferait; la quatrième, qu'elle danserait parfaitement bien; la cinquième, qu'elle chanterait comme un rossignol; la sixième, qu'elle jouerait de toutes sortes d'instruments dans la dernière perfection. Le rang de la vieille fée étant venu, elle dit, en branlant la tête avec plus de dépit que de vieillesse, que la princesse se percerait la main d'un fuseau, et qu'elle en mourrait. Ce terrible don fit frémir la compagnie, et il n'y eut personne qui ne pleurât. Dans ce moment, une jeune fée sortit de derrière la tapisserie, et dit tout haut ces paroles: «Rassurez-vous, roi et reine, votre fille n'en mourra pas; je n'ai pas assez de puissance pour détruire ce que mon ancienne a fait. La princesse se percera la main d'un fuseau; mais, au lieu d'en mourir, elle tombera seulement dans un profond sommeil qui durera cent ans, au bout desquels le fils d'un roi viendra l'éveiller 17.»
Pour le mot cordon, qui est le tout de la charade, on peut chercher une scène chez les Orientaux et représenter un vizir tombé en disgrâce, qui reçoit avec respect le fatal cordon que son maître lui envoie, et qui découvre son cou, avec assez de regret, pour se soumettre à la volonté du sultan.
Pour bien jouer les charades, il faut que quelqu'un les dirige avec intelligence et autorité; car si chacun veut suivre sa propre idée, l'effet général sera manqué.
Nous allons donner maintenant quelques mots qui peuvent être mis en action.
Il faut, autant que possible, choisir des mots dans lesquels l'orthographe n'est point défigurée quand on les décompose en syllabes.
Chardon (char, don).--Charpente (char, pente).--Orange (or, ange).--Drapeau (dra, peau.)--Mercure (mer, cure).--Merveille (mer, veille).--Famine (fa, mine).--Assaut (as, saut).--Poisson (pois, son).--Chiendent (chien, dent).--Chèvrefeuille (chèvre, feuille).--Cornemuse (corne, muse).--Charpie (char, pie).--Passage (pas, sage).--Verjus (ver, jus).--Vertige (ver, tige).--Verveine (ver, veine).--Orage (or, âge).--Corbeau (cor, beau).
Il serait convenable d'avertir les spectateurs chargés de deviner le mot d'une charade, dans le cas où l'on aurait choisi des mots dont l'orthographe ne serait pas exactement conservée, tels que ceux-ci: chapeau (chat, peau); champion (chant, pion); dédain (dé, daim); armure (art, mûre ou mur), etc.
BOUTS-RIMÉS.
Voici un genre d'amusement qui demande une certaine habitude de la versification et qui exerce l'esprit plus qu'aucun de ceux que nous avons vus jusqu'à présent. On donne à quelqu'un des mots bizarres, rimant ensemble, et il faut que chacun de ces mots s'ajuste au bout d'un vers sans que le sens soit trop tourmenté. Quelques exemples vaudront mieux que notre définition, et nous allons les prendre chez des auteurs du dix-septième siècle, temps où les bouts-rimés étaient fort à la mode. Celui-ci, qui est de Molière, fut composé à la demande du prince de Conti, qui en avait sans doute donné les mots difficiles:
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Que vous m'embarrassez avec votre Qui traîne à ses talons le doux nom d' Je hais des bouts-rimés le puéril Et tiens qu'il vaudrait mieux filer une La gloire du bel air n'a rien qui me Vous m'assommez l'esprit, avec un gros Et je tiens heureux ceux qui sont morts à Voyant tout le papier qu'en sonnets on M'accable de rechef la haine du Plus méchant mille fois que n'est un vieux Plutôt qu'un bout-rimé me fasse entrer en Je vous le chante clair, comme un Au bout de l'univers je fuis dans une Adieu, grand prince, adieu; tenez-vous |
grenouille, hypocras! fatras, quenouille. chatouille; plâtras, Coutras, barbouille. cagot, magot, danse. chardonneret. manse; guilleret. |
Si on relit les mots donnés, on verra qu'il était difficile de remplir des bouts-rimés avec plus de bonheur; mais il semble que Molière lui-même ait trouvé sa tâche pénible, et il est vrai qu'il faut s'exercer assez longtemps pour parvenir à bien y réussir. Parmi ces curiosités littéraires, nous pouvons encore donner un sonnet que cite Ménage et qui est peut-être le chef-d'oeuvre du genre.
«En 1683, une jeune demoiselle qui sera ici nommée Iris, pleurait à chaudes larmes un beau chat qu'on lui avait dérobé. Pour l'en consoler, on s'avisa de lui adresser un sonnet dont les rimes n'étaient composées que de noms de villes et de provinces.» L'invention était nouvelle; mais quoique la difficulté fût, ce semble, capable de faire quitter la plume aux plus hardis, il parut néanmoins que l'auteur du sonnet qui suit l'avait heureusement ou surmontée ou éludée:
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Iris, aimable Iris, honneur de la Vous pleurez votre chat plus que nous Et fussiez-vous, je pense, au fond de la On entendrait de là vos cris jusqu'à La peau fut à vos yeux fourrure de On eût chassé pour lui Titi (20) de Il faisait l'ornement d'un couvent de Mais quoi, l'on vous l'a pris? On a bien pris D'aller pour une perte, Iris, comme la Se percer fortement la gorge d'une Il faudrait que l'on eût la cervelle à l' Chez moi le plus beau chat, je vous le dis, ma Vaut moins que ne vaudrait une orange à Et qu'un verre commun ne se vend à |
Bourgogne, Philipsbourg (18). Gascogne. Fribourg. Pologne (19); Luxembourg (21). Cologne. Strasbourg (22). Sienne (23), Vienne (24), Anvers (25), Bonne (26), Narbonne, Nevers. |
Voilà bien des connaissances dépensées en bouts-rimés. On rapporte l'origine de ce jeu d'esprit à Dulot, poëte médiocre, qui vivait au dix-septième siècle. Ce poëte s'était plaint d'avoir perdu 300 sonnets, dont il avait par avance fait les rimes; cette manière de procéder parut si singulière, qu'on imagina d'en faire l'essai par forme de passe-temps. C'est aussi comme simple passe-temps que nous conseillons ce jeu d'esprit à nos jeunes filles.
LES GAGES.
On sait qu'un gage est le prix donné par une personne qui a fait quelque erreur dans un jeu. Ce prix est représenté par n'importe quel petit objet: un dé, une bague, un ruban, etc. Lorsque le jeu est fini, et que les gages ont été rassemblés, on les tire au hasard, et, l'on décide, avant tout, quelle sera la pénitence imposée au possesseur du gage. Si, dans les jeux, il y a des jeunes filles et des jeunes garçons, on en fait la distinction. Il faut que les gages soient renfermés dans une corbeille recouverte ou sur les genoux couverts d'un tablier, et que la personne qui est chargée de les tirer mette une bonne foi rigoureuse à ne pas choisir, parce que la main peut discerner la forme des objets. Le mieux, pour éviter toute tentation de ce genre, est de charger la personne qui dirige le jeu d'imposer la pénitence, sans qu'elle puisse voir le gage qu'une autre vient de tirer.
Nous allons indiquer quelques-unes des pénitences les plus usitées. Comme on en invente sans cesse de nouvelles, nous nous bornerons à donner ce qui est de tradition.
La formule est: «Le premier gage touché fera telle pénitence.»
Voici les différentes pénitences:
Il faut danser.
Chanter une chanson.
Réciter quelques vers.
Faire la statue. Pour cela, il faut que la jeune fille à qui appartient le gage se mette au milieu de la chambre. Chacune des autres vient tour à tour lui donner une pose différente.
Annoncer la mort du roi de Maroc. Cela se fait en tirant deux gages à la fois. La pénitence pour les deux personnes est de se rencontrer en faisant semblant de pleurer et de se dire: «Le roi de Maroc est mort.» On se sépare et l'on se rencontre de nouveau en disant: «Hélas! hélas!» On se sépare et on se rencontre encore en disant: «Il m'aimait beaucoup, parce que je suis gai, très-gai, excessivement gai.» Tout cela avec la figure la plus triste.
Une pénitence du même genre consiste à tenir une bougie allumée de chaque main, à se placer devant une glace, et à chanter sans rire:
Ah! que je suis drôle!
Ah! que je suis plaisant!
sur l'air de Vive Henri IV! en répétant assez de fois pour chanter l'air entier.
Rire en faisant la gamme ascendante et descendante sur ah!
Garder son sérieux pendant cinq minutes, quelles que soient les mines que l'on vous fait.
Rire dans un coin de la chambre, pleurer dans un autre, bâiller dans le troisième et sauter dans le quatrième.
On fait, derrière la personne qui doit accomplir la pénitence, trois actions qu'elle ne doit pas voir, et on lui demande ce qu'elle choisit pour elle. Ces actions sont de figurer un baiser, un petit soufflet et une chiquenaude. On lui donne ensuite ce qu'elle a choisi.
Il faut imiter le cri de l'animal qu'on vous indique.
Baiser une boîte en dedans et en dehors, sans l'ouvrir. La personne à qui on donne cette pénitence en ignore le secret, qui est de baiser la boîte en dehors de la chambre et dans la chambre.
On remarquera que l'on impose souvent des pénitences dont il est difficile de s'acquitter parce que l'on n'en sait pas le vrai sens; ainsi celle qui suit:
Passer à travers le trou de la serrure. Pour cela, il faut écrire son nom sur un papier que l'on fait passer par cette étroite ouverture.
Baiser le dessous du chandelier. Pour cela, on pose le flambeau sur la tête d'une de ses amies que l'on embrasse.
Oter une pièce de vingt sous de son front sans y toucher. On applique une pièce de monnaie un peu mouillée sur le front de la jeune fille qui a la pénitence, et on a soin de la retirer et de la cacher ensuite dans la main; mais l'impression du froid qui reste après que la pièce est ôtée fait croire à celle à qui on l'a appliquée qu'elle tient encore, et elle fait divers mouvements pour l'ôter, sans y porter les mains.
Faire le tour de la chambre à cloche-pied.
Compter vingt à rebours. Il y a aussi une foule de petites phrases, difficiles à prononcer, que l'on donne pour pénitence. On en trouvera quelques-unes plus haut, dans l'article intitulé la Clef du jardin. On trouvera aussi différents jeux qui sont employés au même usage, comme celui des Métamorphoses, quand on vous donne pour pénitence de dire ce que vous faites d'un bouquet.
Tirer au blanc. On attache une feuille de papier à la tenture. Le milieu est marqué par un petit rond tracé, et il faut que l'on s'avance du bout de la chambre avec le bras tendu et que l'on place le bout de son doigt juste au milieu du rond. Il vaut mieux que le bout du doigt soit légèrement noirci pour qu'il laisse une trace. Si l'on a encore une quantité de gages à tirer et que l'on veuille aller plus vite, on peut les tirer tous à la fois, en y procédant de cette manière. Une des jeunes filles dit à sa compagne: «Madame Trois-Étoiles vient de s'évanouir.» L'autre répond: «Comment?» La première prend une pose bizarre. La seconde adresse la même phrase à celle qui suit, qui la questionne de même, et elle prend à son tour une pose. Ainsi de suite jusqu'à la dernière; ce qui forme des attitudes variées.
On peut encore faire un concert de chats. Chacune chante une chanson différente, toutes à la fois.
Nous n'en donnons pas davantage, parce qu'il nous semble que cette série doit suffire. On en pourra inventer d'autres du même genre.
LA DANSE.
Il semble, au premier moment, que rien n'est plus simple que de danser, et la plupart des jeunes filles, en suivant leur propre instinct, pensent qu'elles n'ont pas besoin des leçons d'un maître. Cependant la danse est un art, qui a ses lois, ses règles, ses principes arrêtés; et, quand on veut véritablement la cultiver, il ne faut pas moins qu'une étude continuelle et souvent très-pénible. Ce n'est pas à ce degré de perfection que nous voulons amener nos jeunes lectrices; mais nous croyons qu'elles aimeront à trouver ici quelques explications que nous rendrons aussi claires que possible.
La danse, si on l'analyse, se compose d'exercices, de pas, et enfin de figures dans lesquelles ces pas, enchaînés les uns aux autres, forment un ensemble dont le plan est tracé à l'avance. Aujourd'hui on se contente d'exécuter en marchant les figures, dont il est très-facile de retenir les différentes combinaisons, et il serait même ridicule d'y faire entrer les pas que l'on enseigne à la leçon. Mais ces mêmes pas, supprimés dans une contredanse, doivent être connus et étudiés, parce qu'ils servent à donner le sentiment de la mesure, et qu'ils ont également de l'influence sur le maintien. Nous croyons à l'utilité des leçons de danse pour corriger les mouvements gauches et disgracieux, et nous pensons que, pour les jeunes filles, ces leçons ont un avantage réel sur la gymnastique, en contribuant de même à leur développement physique, sans excéder la mesure de leurs forces.
Habituellement le maître de danse fait étudier les pas au son d'un instrument. C'est quelquefois un violon ordinaire, mais le plus souvent c'est une pochette, sorte de violon très-aigre, assez petit pour ne pas gêner les mouvements du professeur lorsqu'il en joue lui-même tout en répétant les pas en même temps que l'élève. Lorsqu'on n'a aucun instrument, il faut au moins chanter pour bien régler la mesure.
Les positions. Ce sont les différentes manières dont les pieds se placent, en conservant facilement l'équilibre du corps. Ces positions, au nombre de cinq, se retrouvent dans la formation des pas, et comme on les désigne souvent en enseignant les exercices, il est bon de s'en souvenir. Nous désirons que l'élève s'accoutume également à mettre ses pieds en dehors, c'est-à-dire à les tourner de manière que, les deux talons étant joints, les pieds se trouvent sur une même ligne. On arrive par degrés à ce point assez difficile, qui a l'avantage de donner de la souplesse aux articulations, et il faut le maintenir dans tous les exercices de la leçon.
La première position, que nous venons de décrire, se fait en plaçant les talons l'un contre l'autre, les pieds étant sur une ligne horizontale.
La deuxième, de la même manière, en écartant les talons à peu près à la distance de la longueur du pied.
La troisième, en croisant les pieds à la moitié de leur longueur, c'est-à-dire que les chevilles se touchent.
La quatrième comme la troisième, mais en mettant entre les pieds, qui sont en face l'un de l'autre, la distance d'à peu près la largeur du pied.
La cinquième, en croisant exactement les deux pieds, de manière que le bout de l'un corresponde au talon de l'autre.
Ce n'est qu'aux danseurs de profession que l'on enseigne différentes positions des bras; cependant nous engageons l'élève, pendant les exercices, à les tenir quelquefois étendus horizontalement, et comme servant de balancier, la main un peu abaissée en ployant le poignet et le pouce touchant le doigt du milieu. Habituellement les bras doivent retomber naturellement sans se coller au corps. La tête doit être droite ou un peu tournée, les épaules abaissées, le buste bien d'aplomb sur le corps, et enfin l'attitude de la personne doit être naturelle, c'est-à-dire sans affectation et sans roideur.
Exercices. En se mettant à la troisième position, l'élève exécutera les exercices suivants:
Les battements, qui consistent dans le mouvement d'une jambe, tandis que l'autre supporte le corps. Il y a deux sortes de battements: les grands battements et les petits battements. Pour les premiers, on élève la jambe à une certaine hauteur, et on la replace alternativement à la troisième position, devant et derrière le pied qui est resté à terre. Pour les petits battements, le pied qui agit a la pointe tournée en bas et le cou-de-pied très en dehors, et il vient se croiser, presque sans quitter la terre, sur le pied resté immobile, en s'appuyant sur la cheville, derrière et devant alternativement. Les petits battements doivent s'exécuter avec plus de rapidité que les grands battements.
Les ronds de jambe s'exécutent en se plaçant à la première position et en décrivant un cercle complet en dehors, avec le pied posé à plat quand les deux talons se rapprochent, tandis qu'il est sur la pointe, le cou-de-pied tendu, à l'endroit du cercle où il y a le plus d'écartement. Le cercle se fait soit en dedans, soit en dehors.
Dans ces différents exercices, qui sont les plus usités, il est permis de s'appuyer pour conserver l'équilibre.
Les pliés, qui donnent une grande souplesse, doivent se faire en se mettant dans chacune des cinq positions successivement, et en se baissant presque jusqu'à terre et se relevant sur la pointe des pieds.
Il y a encore quelques exercices qui rentrent dans la série des pas, et que nous devons placer sous ce titre:
Pas. Les assemblés se font en plaçant les pieds à la troisième position, et les déplaçant alternativement, c'est-à-dire que le pied droit, étant d'abord devant le pied gauche, s'y met à son tour par une sorte de glissade de côté pendant laquelle l'élève ploie légèrement les genoux afin que son pas soit flexible, puis se relève en sautant un peu, mais sans secousse. On comprend que les pas se font en changeant de place, puisque chaque pied les exécute alternativement. Dans les assemblés, on avance progressivement de la largeur du pied.
Les jetés se font de la même manière; mais le pied doit se retrouver un peu relevé sur la cheville de l'autre pied, la pointe en bas, comme dans les petits battements.
Les glissades se font comme les assemblés, mais en glissant de côté, et en rapprochant de la jambe qui agit celle qui soutenait le corps.
Les temps levés se font en mettant un pied de la troisième à la quatrième position avec le même mouvement du corps que dans les assemblés.
Les chassés, comme les temps levés, mais en redoublant, c'est-à-dire en faisant deux pas de suite ou davantage, le pied qui est devant étant chassé par celui qui est derrière quand il s'agit d'avancer, et le même mouvement s'exécutant en arrière quand il s'agit de reculer.
Tous ces pas, que nous venons de décrire, se faisaient autrefois pendant une contredanse. On les a remplacés par une sorte de marche cadencée, entremêlée de quelques glissades, pour laquelle on ne s'inquiète pas de mettre les pieds en dehors. Cependant, comme il y a encore quelques avis à donner, c'est ici que nous répétons ce que nous avons dit plus haut sur le maintien, dont une des premières conditions est le naturel, non pas ce que l'on prend très-souvent pour le naturel, et qui n'est qu'une certaine manière d'être sans façon et aussi sans grâces, mais une simplicité pleine de charme, qui est comprise par tous, et peut à peine se définir. Nous avouons qu'on ne l'acquiert pas par des leçons; mais les leçons peuvent corriger les défauts contraires. Nous ne donnerons pas, comme on le faisait autrefois, des règles pour la manière de marcher, d'entrer dans la chambre, de saluer, etc.; et cependant, sans insister sur ces détails, nous devons dire qu'il est bon de s'exercer à faire des révérences plus ou moins profondes, selon le degré de respect que l'on doit à la personne que l'on salue, et en conservant le centre de gravité, c'est-à-dire l'équilibre. Pour y parvenir sûrement, il faut encore une certaine habitude.
M. JOURDAIN. A propos! apprenez-moi comme il faut faire une révérence pour saluer une marquise; j'en aurai besoin bientôt.
LE MAÎTRE A DANSER. Une révérence pour saluer une marquise?
M. JOURDAIN. Oui, une marquise qui s'appelle Dorimène.
LE MAÎTRE A DANSER. Donnez-moi la main.
M. JOURDAIN. Vous n'avez qu'à faire, je le retiendrai bien.
LE MAÎTRE A DANSER. Si vous voulez la saluer avec beaucoup de respect, il faut faire d'abord une révérence en arrière, puis marcher vers elle avec trois révérences en avant, et à la dernière vous baisser jusqu'à ses genoux.
M. Jourdain n'oublie pas la leçon, mais il a commencé à saluer de trop près la marquise Dorimène, et il est obligé de lui demander de se reculer un peu pour la troisième, afin que son salut soit fait d'après toutes les règles.
Du temps de M. Jourdain, la révérence et le sa-* *lut avaient une très-grande importance, et formaient les principaux éléments du menuet, qui était à peu près la seule danse en usage alors. On comprend qu'il fallait des danses graves et lentes en rapport avec les costumes de l'époque, dont la riche ampleur n'aurait pu s'accommoder à des mouvements vifs et légers. Aussi les danses anciennes, comme la pavane, la sarabande, la chaconne, le menuet, n'étaient guère que des attitudes qui permettaient aux danseurs de montrer leurs grâces étudiées. Nous croyons qu'il y a quelque chose à regretter dans ces danses d'un caractère sérieux, plus agréables à regarder que le galop ou la valse à deux temps; mais nous ne pouvons qu'en rappeler le souvenir, et, puisque l'art moderne a adopté de nouvelles formes, ce sont celles-là que nous allons tenter d'enseigner à nos enfants.
LE QUADRILLE OU LA CONTREDANSE.
Pour former un quadrille, il ne faut pas être moins de quatre personnes, deux dames et deux cavaliers, en face les uns des autres, le cavalier, ou la jeune fille qui le remplace, à la gauche de sa danseuse. Lorsqu'on est huit, on forme un carré, et enfin, on peut multiplier le nombre des danseurs d'un quadrille toujours en augmentant de quatre, afin que chacun ait son vis-à-vis. Si on n'est que quatre, la musique cesse lorsque la figure est terminée; mais elle recommence pour les danseurs placés dans l'autre sens, jusqu'à ce qu'ils aient dansé la figure entière. Le quadrille, ou la contre-danse, se compose de cinq figures, placées dans l'ordre suivant: le pantalon ou chaîne anglaise, l'été, la poule, la pastourelle et la finale.
Le pantalon. Les danseurs qui se font vis-à-vis partent tous à la fois en commençant la figure. On traverse pour changer de place et on revient à sa place, pendant l'espace de huit mesures. Autrefois, on balançait et on faisait un tour de main avec son danseur, pendant huit mesures encore; mais maintenant on reste en place pendant que la musique continue. Puis les dames seules font la chaîne des dames en se donnant la main droite et donnant ensuite la main gauche au cavalier qui fait vis-à-vis, avec qui elles font un demi-tour. Elles reviennent à leur place de la même manière. On retraverse encore une fois et l'on revient à sa place, comme au commencement de la figure. Dans tous les moments où la danseuse ne donne pas la main, elle doit tenir sa robe, à peu près à la hauteur des genoux, en la relevant très-peu, et sans affectation.
L'été. Un cavalier et une dame vis-à-vis marchent en avant et en arrière, ou en avant-deux, pendant quatre mesures; puis de la même manière, mais un peu en biais. Ils traversent ensuite pour changer de place, avancent et reculent un peu en biais deux fois, et retraversent pour gagner leur place. Quand ils s'en rapprochent, ils doivent faire une sorte de balancé avec le cavalier ou la dame qui les attendent; mais le balancé, autrefois très-marqué et suivi d'un tour de main, se fait à présent d'une manière presque inaperçue. Le cavalier et la dame qui n'ont pas dansé vont en avant-deux à leur tour. Les autres danseurs, placés sur les côtés, exécutent après eux la même figure.
La poule. A la poule, le cavalier et la dame vis-à-vis traversent en se donnant la main droite, puis la main gauche, qu'ils gardent en offrant la main droite au cavalier et à la dame restés à leurs places. On balance sans se quitter et on reprend sa place pour aller en avant-d'eux deux fois; on donne la main à sa dame ou à son cavalier, on va deux fois en avant quatre, et l'on traverse en retournant ensuite à sa place, ou bien, plus ordinairement, après avoir été en avant-quatre, on reste en place pendant les huit mesures qui terminent la figure.
La pastourelle. Le cavalier conduit sa danseuse au cavalier de vis-à-vis, qui lui donne la main gauche, et la droite à sa dame. Il les conduit ainsi en avant et en arrière, puis en avant, et les remet au cavalier resté seul, qui recommence à son tour en faisant de même. Après s'être avancés deux fois, les deux dames et leur cavalier, sans se quitter, reprennent la main du cavalier seul, et l'on fait un tour entier en rond, puis l'on se sépare pour regagner sa place.
Le finale. Cette cinquième figure est semblable en tout à la seconde, excepté que, dans les premières mesures qui précèdent l'avant-deux, tous les danseurs du quadrille font une sorte de balancé général qui se nomme chassé-croisé; ce balancé est répété encore au milieu et à la fin de la figure.
Le quadrille, tel que nous venons de le décrire, peut se danser encore en quadrille croisé, c'est-à-dire que tous les danseurs à la fois, des quatre côtés du carré, dansent sans interruption, et s'entre-croisent avec une certaine habileté qui consiste à prendre bien son temps pour ne pas se rencontrer exactement au même point. On ne peut danser les quadrilles croisés qu'entre quatre couples de danseurs. Dans la poule, lors du balancé-quatre, les danseurs se tiennent les mains de manière à former la croix. Dans la pastourelle, ceux qui partent les seconds, passent constamment derrière le dos des premiers, et, au moment du rond, tous ceux du quadrille se prennent la main pour former un rond général.
LA VALSE.
La position est la même pour la valse et pour toutes les danses allemandes qui sont de la même famille, comme la polka, la mazurka, etc., dont nous parlerons plus tard. Le cavalier doit se trouver presque en face de sa danseuse. Il doit la soutenir avec sa main droite, placée à peu près à la hauteur de la taille. La danseuse aura sa main droite dans la main gauche de son danseur, et l'autre main appuyée sur son épaule. Il faut qu'elle se laisse entièrement guider par lui. C'est le cavalier qui doit seul déterminer tous les mouvements pour éviter la rencontre des autres couples; et quand la valseuse désire se reposer, elle doit avertir son valseur, sans s'arrêter d'elle-même, afin qu'il choisisse la place convenable.
On valse à deux temps et à trois temps, c'est-à-dire que le rhythme de la musique reste le même, mais que dans la valse à deux temps on fait seulement deux pas et trois tours; la valse à trois temps est moins usitée aujourd'hui. Pour la valse à deux temps, l'orchestre doit presser un peu le mouvement et l'accentuer avec un soin particulier.
Valse à trois temps 27. Le cavalier doit se placer bien en face de sa dame, et se tenir droit sans roideur, ni trop courbé ni trop cambré. Le bras gauche doit être arrondi avec celui de la dame, de manière à former un arc de cercle souple et moelleux.
Le cavalier part du pied gauche, et la dame du pied droit.
Le pas du cavalier se fait en passant le pied gauche devant sa dame. Voilà pour le premier temps.
Il reporte le pied droit, un peu croisé, derrière le gauche, le talon levé et la pointe en l'air. Voilà pour le deuxième.
Ensuite il pivote sur ses deux pieds, en montant sur les pointes, pour se retrouver le pied droit devant, à la troisième position, allonge le pied droit de côté, glisse le pied gauche de côté en pivotant sur le pied droit, puis rapproche le pied droit devant à la troisième position. Voilà pour les troisième, quatrième, cinquième et sixième temps.
La dame part au même instant que le cavalier, par le quatrième temps, exécute le cinquième et le sixième, et continue par le premier, le deuxième et le troisième, et ainsi de suite.
La préparation se fait par le cavalier: il pose le pied droit un peu en avant sur le premier temps de la mesure, laisse passer le deuxième, et saute sur le pied droit en levant la jambe gauche pour se trouver au troisième temps et emboîter le premier pas de la valse. Cette préparation donne à la dame le signal du départ.
Avec les six premiers pas, on doit accomplir un tour entier et employer deux mesures. Les trois premiers pas doivent se tourner également dans le premier demi-tour; il n'en est pas de même des trois derniers. Au quatrième pas, le cavalier doit, sans tourner, placer son pied entre ceux de sa dame, accomplir son demi-cour en passant devant la dame avec le cinquième pas, et rapprocher le pied droit au sixième temps.
Le pied de la valseuse, comme celui du valseur, doit conserver sa position ordinaire. On ne doit ni chercher à se placer sur les pointes, ni rester non plus cloué sur les talons; la moitié du pied seule doit porter sur le parquet, de manière à conserver le plus de solidité possible, sans toutefois nuire à la légèreté.
Valse à deux temps. Le pas est fort simple, et n'est autre que celui du galop exécuté d'une jambe et de l'autre en tournant; seulement, au lieu de sauter ce pas, il faut s'attacher à le bien glisser, en évitant les soubresauts et les saccades. J'ai indiqué déjà, à l'article de la valse à trois temps, quelle doit être la position du pied. Le valseur doit tenir les genoux légèrement pliés. Le fléchissement des jambes doit être très-peu marqué et presque imperceptible à la vue. Il faut sur chaque mesure faire un pas, c'est-à-dire glisser un pied et chasser de l'autre. La valse à deux temps, différente en cela de la valse à trois, qui décrit un cercle, se valse carrément et ne se tourne que sur le glissé. Il est essentiel de noter cette différence de mouvement, afin d'apprécier le caractère des deux valses.
La position du cavalier n'est pas la même pour la valse à deux temps que pour celle à trois. Il ne doit pas se tenir en face de sa dame, mais un peu à sa droite; s'incliner légèrement sur son épaule droite, ce qui lui permet de bien s'élancer en entraînant sa dame. Le cavalier, dans la valse à deux temps, part du pied gauche, et la dame du droit. La valseuse doit s'abstenir de s'appuyer avec force sur l'épaule ou la main de son valseur, ce que l'on appelle, en terme de valse, se cramponner.
Pour bien valser, il ne suffit pas de conduire toujours sa dame dans le même sens, ce qui ramènerait bientôt l'uniformité de l'ancienne valse: il faut savoir tantôt la faire reculer en faisant le pas de valse, non plus obliquement, mais en droite ligne, tantôt la faire avancer sur soi en faisant le même pas à reculons. Certains valseurs font même le pas de redowa de côté, qui n'est pas sans grâce, lorsqu'il s'exécute bien d'accord avec la dame, et que l'on peut reprendre de côté sans perdre la mesure. A-t-on de l'espace devant soi, on doit aussitôt étendre son pas et prendre cette course impétueuse que les Allemands exécutent si bien, et qui est un des plus heureux caractères de la valse à deux temps.
C'est ici qu'il convient de dire quelques mots de la valse dite à l'envers, qui fait partie de la valse à deux temps. Le cavalier, au lieu de s'élancer du côté gauche, ainsi qu'il est dit plus haut, peut s'élancer du côté droit et continuer dans ce sens, en entraînant sa dame avec lui.
LA POLKA.
La position du cavalier et de la dame est à peu près la même dans la polka que dans la valse ordinaire. La polka se danse sur une mesure à deux-quatre, mouvement d'une marche militaire un peu lent.
Le pas de la polka se divise en trois temps.
Dans le premier, le talon gauche doit être levé à côté de la jambe droite sans la dépasser derrière et de manière à effleurer le mollet. Dans cette position, on saute sur le pied droit, afin de donner l'élan au pied gauche, qui forme une glissade en avant, à la quatrième position.
Le deuxième et le troisième temps se composent de deux petits pas sautés de chaque pied avec légèreté, en ayant soin que les deux pieds se trouvent à peu près sur la même ligne. Au deuxième petit pas, on relève la jambe droite, le talon près du bas du mollet gauche, et on laisse passer le quatrième temps de la mesure, ce qui fait que trois temps seulement se trouvent marqués. On recommence de l'autre pied et ainsi de suite.
Le cavalier doit toujours partir du pied gauche, et la dame du droit, comme à la valse ordinaire.
La polka offre dans son exécution plusieurs évolutions particulières: le danseur devra faire tourner sa dame dans tous les sens, tantôt à droite, tantôt à gauche, la faire reculer ou avancer sur lui, ou avancer en droite ligne, à l'aide de ce mouvement connu, en terme de valse, sous le nom de redowa; il devra même quelquefois faire pivoter la dame sur place en rapetissant le pas, de manière à le former entièrement sous lui.
Dans les premiers temps de la polka, on exécutait d'autres figures auxquelles on a renoncé maintenant.
La polka-mazurka. La polka-mazurka a remplacé la mazurka, danse nationale polonaise, dont les figures, très-compliquées, exigeaient beaucoup d'étude. Il en est resté seulement un pas qui s'exécute sur un mouvement de valse à trois temps, en sautant légèrement sur le pied droit, laissant glisser le pied gauche à la quatrième devant, ce qui emploie deux temps de la mesure. On recommence de l'autre jambe, et ainsi de suite.
La position du pied est la même pour la polka-mazurka que pour la valse à deux temps; on ne doit chercher ni à le cambrer, ni à le tourner en dehors, mais le laisser dans sa position naturelle.
La marche est celle d'une valse.
LA REDOWA.
Cette danse, d'origine bohémienne, s'exécute par couples, ainsi que toutes les valses. La mesure est à trois temps, et doit être jouée sur un rhythme beaucoup plus lent que celui de la valse ordinaire.
La position du cavalier est la même que pour la valse à trois temps; le cavalier part du pied gauche et la dame du droit. Le pas de la redowa, en tournant, peut se décomposer ainsi pour le cavalier:
Jeté du pied gauche en passant devant la dame, comme dans la valse à trois temps; glissé du pied droit derrière à la quatrième position de côté; on ramène le pied gauche à la troisième position derrière, puis on exécute un pas de basque du pied droit, en rapportant le pied droit devant, et on recommence du pied gauche.
Le pas de basque s'exécute en trois temps, afin de marquer la mesure. Pour le premier temps, on saute en changeant de jambe et en portant la jambe changée en l'air à la quatrième position devant. Pour le deuxième temps, on pose cette jambe à terre en la glissant un peu, et pour le troisième, on chasse avec l'autre pied le pied qui est devant.
Pour valser à deux temps sur la mesure de la redowa, on doit faire chaque pas sur chaque temps de la mesure et se retrouver, toutes les deux mesures, le cavalier du pied gauche, et la dame du pied droit, c'est-à-dire que l'on fait un pas entier et un demi-pas sur chaque mesure.
LA SCHOTTISCH.
La schottisch se danse sur la même mesure que la polka. Pour les deux premières mesures le pas est celui de la polka, excepté au quatrième temps, où, le pied restant en l'air, on saute légèrement sur le pied qui est posé. La première mesure se fait du pied droit, et la seconde du pied gauche. Pour les deux mesures suivantes, au premier temps, on passe le pied droit devant; au second temps, on saute légèrement en levant le pied gauche derrière; le troisième temps et le quatrième se font de la même manière avec le pied gauche. Ensuite on recommence le pas, qui se fait en tournant, comme la polka.
LE GALOP
Le galop, qui se danse quelquefois à la fin d'un bal ou dans une figure de cotillon, est de la plus grande simplicité. La position est la même que pour la polka, et le pas consiste seulement à chasser un pied par l'autre, en les changeant alternativement, pour franchir, devant soi, le plus grand espace possible. Le galop se danse sur un mouvement animé, que l'on presse vers la fin.
LE COTILLON.
Le cotillon est le finale presque obligé de toute réunion dansante.
Pour former un cotillon, on doit s'asseoir autour du salon en demi-cercle ou en cercle complet, suivant le nombre des valseurs. On se dispose couples par couples, le cavalier ayant toujours sa dame à sa droite, et sans laisser d'intervalles entre les siéges.
Le cavalier qui se lève le premier pour partir prend le titre de cavalier conducteur; la place qu'il occupe avec sa dame représente ce qu'on appelle la tête du cotillon.
Le cotillon peut se composer de valse seule, de polka ou de mazurka; il arrive souvent que l'on mêle ces trois valses ensemble, et que l'on passe de l'une à l'autre pour plus de diversité.
Lorsque l'on commence par la valse, le couple conducteur part le premier et fait le tour du salon, suivi des autres couples, qui reviennent successivement à leur place. Le premier couple se lève de nouveau et exécute une figure de son choix, que les autres couples doivent exécuter à tour de rôle jusqu'à l'extrémité du cercle.
Celui qui conduit le cotillon donne à l'orchestre le signal du départ, l'arrête lorsqu'il faut changer d'air dans les cotillons mêlés de valses et de polka. L'orchestre doit jouer pendant toute la durée d'un cotillon sans jamais s'arrêter, et ne cesser que lorsqu'il en a reçu l'ordre du cavalier conducteur.
Le devoir du cavalier conducteur est de ne jamais perdre de vue les autres couples, d'avertir en frappant des mains, les cavaliers retardataires, ou ceux qui prolongeraient trop leur valse.
Nous donnerons maintenant l'explication de quelques-unes des figures du cotillon les plus faciles à décrire et à comprendre.
La course. Le premier cavalier quitte sa dame après avoir valsé, et va choisir deux autres dames dans le cercle; sa dame, de son côté, choisit deux cavaliers. Ils se placent vis-à-vis l'un de l'autre à une certaine distance, puis se lancent et font quelques tours de valse ou de polka, chaque cavalier avec la dame qui se trouve devant lui.
Les fleurs. Le conducteur choisit deux dames et les invite à lui indiquer à voix basse chacune une fleur. Il va présenter les deux dames à un autre cavalier, et lui nomme les deux fleurs pour qu'il ait à en choisir une. Le second cavalier valse avec la dame représentée par la fleur qu'il a nommée, et le cavalier conducteur valse avec l'autre dame. La dame du premier cavalier exécute la même figure avec les deux cavaliers choisis par elle. Les fleurs peuvent se faire à un, deux et trois couples.
Les colonnes. Le cavalier conducteur valse avec sa dame, qu'il laisse au milieu du salon. Il prend un cavalier qu'il place dos à dos avec sa dame; il amène une autre dame qu'il place vis-à-vis du cavalier qu'il vient de choisir, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il ait formé une colonne de quatre ou cinq couples qu'il a le soin de terminer par une dame. Au signal qu'il donne, en frappant dans les mains, chacun se retourne et valse ou danse avec son vis-à-vis jusqu'à sa place. On peut former une colonne double en partant deux couples à la fois.
Le coussin. Le premier cavalier part en tenant de la main gauche un coussin. Il fait le tour du salon avec sa dame, qu'il fait asseoir au milieu du salon, et lui laisse le coussin, que celle-ci doit présenter à plusieurs cavaliers en les invitant à placer un genou dessus. La dame doit le retirer avec vivacité devant les cavaliers qu'elle refuse, et le laisser tomber devant celui qu'elle choisit pour valser.
La trompeuse. Deux ou trois couples partent en valsant et se séparent. Chaque cavalier va choisir un cavalier, et chaque dame une dame. Le cavalier conducteur choisit seul deux cavaliers. Les cavaliers forment une ligne, et se placent dos à dos avec les dames, qui forment une ligne parallèle. Le cavalier conducteur se tient hors des rangs, et se place devant la ligne des dames. Il frappe dans ses mains et choisit une dame. A ce signal, tous les cavaliers se retournent et prennent pour valser les dames qui se trouvent derrière eux. Le cavalier qui se trouve sans dame, par suite du choix du cavalier conducteur, retourne seul à sa place.
Le serpent. Le premier couple part en valsant. Le cavalier laisse sa dame dans un des angles du salon, le visage tourné vers la muraille, et va chercher ensuite trois ou quatre dames qu'il place derrière la sienne, en laissant entre chacune d'elles une certaine distance. Il va choisir autant de cavaliers, lui compris, qu'il se trouve de dames. Il forme une chaîne libre avec les cavaliers qu'il a choisis, et, après avoir promené cette chaîne avec rapidité, il passe derrière la dernière dame, puis entre chaque dame, jusqu'à ce qu'il ait repris la sienne. Il frappe alors dans les mains, et chaque cavalier valse avec son vis-à-vis.
Le changement de dames. Deux couples partent en valsant. Après avoir décrit plusieurs circuits, ils doivent se rapprocher: les cavaliers changent de dames sans perdre le pas ni la mesure: après avoir valsé avec la dame l'un de l'autre, chacun reprend la sienne et regagne sa place.
Le chapeau. Le chevalier laisse sa dame au milieu du salon, et lui remet un chapeau. Tous les cavaliers viennent former un rond autour de la dame en lui tournant le dos et marchant très-vite du côté gauche. La dame place le chapeau sur la tête de l'un des cavaliers avec lequel elle fait un tour de valse. Les autres cavaliers retournent à leur place.
L'écharpe. Cette figure est le pendant de celle du chapeau. Un cavalier tient une écharpe à la main, au milieu d'un rond que les dames forment autour de lui, et doit déposer l'écharpe sur les épaules de l'une d'elles qu'il choisit pour valser. Chaque cavalier doit aller rejoindre sa dame pour la reconduire à sa place.
Les dames assises. On place deux chaises dos à dos au milieu du salon. Les deux premiers couples partent en valsant. Les deux cavaliers font asseoir leurs dames sur les chaises, et vont ensuite choisir deux dames avec lesquelles ils font le tour du cercle. Ils viennent ensuite reprendre leurs dames pour les reconduire à leur place en valsant. Pendant que les deux dames qu'ils viennent de quitter s'assoient à leur tour, les deux cavaliers suivants exécutent la même figure, et ainsi de suite. Quand tous les cavaliers ont fait la figure, il reste sur les chaises deux dames que leurs cavaliers viennent délivrer. On peut faire cette figure à trois ou quatre couples, en plaçant trois ou quatre chaises au milieu du cercle.
Le chapeau magique. Le premier couple part en valsant. Le cavalier remet à sa dame un chapeau qu'elle va présenter à plusieurs dames en les engageant à y déposer un objet quelconque. Elle offre ensuite le chapeau à plusieurs cavaliers qui prennent un des objets, et vont chercher la dame à laquelle il appartient pour lui faire faire un tour de valse. Cette figure peut être exécutée par plusieurs couples à la fois.
La phalange. Départ des deux premiers couples. Chaque cavalier va choisir deux dames, et chaque dame deux cavaliers. Le premier cavalier donne la main droite à la dame de droite et la main gauche à celle de gauche; les deux dames se donnent la main derrière lui, de manière à former une figure connue anciennement sons le nom des Grâces. La dame du cavalier conducteur se place de même avec les deux cavaliers qu'elle a choisis; les autres groupes se rangent à la suite dans la même disposition, et se tiennent rapprochés de manière à former une phalange qui part en exécutant le pas de polka, valse sans tourner, ou de mazurka. Au signal donné, les cavaliers qui se trouvent entre deux dames se retournent avec elles, et chacun valse avec son vis-à-vis jusqu'à sa place.
Le cavalier trompé. Les cinq ou six premiers couples partent ensemble, et vont se placer en rang deux par deux. Le premier cavalier tient sa dame de la main droite, et ne doit pas regarder le couple qui se trouve derrière lui. Sa dame le quitte, et va choisir un cavalier parmi les autres couples. Ce cavalier et cette dame se séparent et avancent de chaque côté de la colonne en marchant sur la pointe du pied, afin de tromper le premier cavalier qui se trouve en tête, et s'efforcent de le rejoindre pour valser ensemble. Si le cavalier qui est aux aguets peut ressaisir sa dame, il la reconduit en valsant, et le cavalier suivant le remplacera. Dans le cas contraire, il doit demeurer à son poste jusqu'à ce qu'il ait pu prendre une dame. Le dernier cavalier restant valse avec la dernière dame.
Le grand rond. Quatre couples partent à la fois. Chaque cavalier va choisir un cavalier, et chaque dame une dame. On forme un rond général, les cavaliers se tenant par la main du même côté, et les dames de l'autre. On commence par tourner à gauche; puis le cavalier conducteur, qui doit avoir sa dame de la main droite, s'avance sans la quitter, et coupe le rond par le milieu, c'est-à-dire entre la dernière dame et le dernier cavalier. Il tourne à gauche avec tous les cavaliers, tandis que la dame tourne à droite avec toutes les dames. Le cavalier conducteur et sa dame, après avoir décrit un demi-cercle renversé, se retournent et valsent ensemble; le second cavalier prend la seconde dame, et ainsi de suite, jusqu'à ce que la chaîne soit épuisée. Cette figure peut se faire à cinq, six, sept, huit couples, et plus encore.
Les cercles jumeaux. Quatre couples partent ensemble. Chaque cavalier choisit un cavalier, et chaque dame une dame. Les cavaliers forment un rond, et les dames un autre à l'opposé. Le cavalier conducteur se place dans le rond des dames, et la dame dans celui des cavaliers. Les deux ronds tournent à gauche avec rapidité: à un signal donné, le cavalier choisit une dame pour valser avec elle; sa dame en fait autant avec un cavalier: pendant ce temps, les cavaliers se développent sur une ligne, et les dames sur une autre. Les deux lignes avancent l'une vers l'autre, et chacun valse avec son vis-à-vis. Cette figure, de même que la précédente, peut être exécutée par autant de couples que l'on veut.
Le rond trompeur. Départ du premier couple. Le cavalier conducteur va choisir trois dames qu'il place avec la sienne à une certaine distance les unes des autres, et comme pour le jeu des quatre coins. Il choisit ensuite quatre cavaliers, et forme avec eux un rond qui se trouve inséré dans le carré que forment les quatre dames. Les cinq cavaliers doivent tourner avec une très-grande vitesse, et à un signal donné, se retourner et prendre la dame qui se trouve derrière eux pour valser. Il y a nécessairement un cavalier qui est condamné à retourner seul à sa place.
La chasse aux mouchoirs. Les trois ou quatre premiers couples partent ensemble. Les cavaliers laissent au milieu du salon leurs dames, qui doivent toutes avoir un mouchoir à la main. Les cavaliers du cotillon viennent former un rond autour des dames en leur tournant le dos, et tournent rapidement à gauche. Les dames lancent leurs mouchoirs en l'air, et valsent avec ceux des cavaliers qui s'en saisissent.
La mer agitée. On place deux rangs de chaises adossées les unes aux autres, comme pour le jeu dont le nom a servi à désigner cette figure. Départ du premier couple. Le cavalier conducteur, s'il a placé douze chaises au milieu du salon, choisit six dames, y compris la sienne, et les fait asseoir de deux en deux chaises. Il va chercher ensuite six cavaliers avec lesquels il forme une chaîne qu'il dirige lui-même. Après avoir décrit une course rapide dans les diverses parties du salon, et qu'il peut prolonger ou varier à son gré, il finit par envelopper les rangs de chaises où se trouvent les dames. Quand il s'assoit, tous les cavaliers doivent s'asseoir au même instant, et chacun valse avec la dame qui est à sa droite. Dans cette figure, comme dans celle du rond trompeur, il se trouve nécessairement un cavalier de trop, qui doit retourner seul à sa place.
Les quatre coins. On place quatre chaises au milieu du salon, à des intervalles marqués, pour figurer les quatre coins. Le premier cavalier, après avoir fait faire à sa dame un tour de valse, la fait asseoir sur une des chaises, et prend les trois dames suivantes pour occuper les trois autres chaises. Il se place debout au milieu, comme pour le jeu des quatre coins: les dames, en restant assises, exécutent les changements du jeu, qui se font, non plus en courant, mais en se tenant par les mains pour changer de chaises. Quand le cavalier peut s'emparer d'une des chaises laissée vacante par une des dames qui cherchait à changer de place avec sa voisine, il valse avec celle qu'il a déplacée. Un autre cavalier vient aussitôt se placer au milieu du rond, et une autre dame vient occuper la chaise vacante. Quand le dernier cavalier a pris la place de l'une des quatre dernières dames, les cavaliers des trois dames qui restent doivent venir les prendre pour les reconduire à leur place en valsant.
Le berceau. Quatre couples partent ensemble et vont former un rond général au milieu du salon. Quand le rond est formé, les dames et les cavaliers se retournent, et se trouvent dos à dos sans se quitter les mains. Quatre autres couples partent et vont former un rond autour du premier, mais sans se retourner. Dans cette position, et quand on est vis-à-vis les uns des autres, les cavaliers se donnent les mains en dessus, et les dames en dessous. Les cavaliers lèvent les bras assez haut pour former une issue circulaire que les dames parcourent rapidement et à gauche sans se quitter les mains. Au signal donné, les bras des cavaliers s'abaissent à la fois pour arrêter les dames qui valsent avec les cavaliers devant lesquels elles se trouvent. Cette figure peut être exécutée par un grand nombre de couples.
La poursuite. Départ des trois ou quatre premiers couples. Chaque cavalier du cotillon a le droit d'aller derrière chaque couple et de s'emparer de la dame pour valser avec elle. Il doit frapper dans les mains pour annoncer qu'il est dans l'intention de se substituer au cavalier. Cette figure se continue jusqu'à ce que chaque cavalier ait retrouvé sa dame pour la reconduire à sa place. Pour que cette figure soit exécutée avec toute l'animation voulue, il faut qu'à mesure qu'un cavalier s'empare d'une dame, un autre le remplace aussitôt. La poursuite est une des figures finales du cotillon.
Le rond final. Toutes les personnes du cotillon forment un rond général. Le cavalier conducteur s'en sépare avec sa dame, et il exécute une valse au milieu du rond, qui s'est reformé autour d'eux. Il s'arrête à un signal donné, et sa dame sort du cercle. Lui, choisit une dame avec laquelle il valse dans le cercle. Il sort du cercle à son tour, et la dame qu'il a choisie prend un autre cavalier, et ainsi de suite. Quand il ne reste plus que deux ou trois couples, on exécute une valse générale. Le rond final s'exécute, ainsi que la poursuite, surtout à la fin des cotillons.
Les quatre chaises. On place au milieu du salon quatre chaises que l'on dispose comme pour les quatre coins. Quatre couples partent en valsant, et se placent, chaque couple derrière une des quatre chaises. A un signal donné, chacun valse autour de la chaise devant laquelle il se trouve, puis passe à la suivante; et ainsi de suite en allant toujours à droite. Cette figure doit être faite avec ensemble pour éviter de s'entre-choquer. Pour finir, chacun regagne sa place en valsant.
La contredanse. Quatre couples vont se placer au milieu du salon, comme pour la contredanse. Le premier couple part en valsant autour du couple qui est à sa droite, et fait de la même manière le tour des trois autres couples, qui répètent à leur tour la même figure. Quand tous les quatre ont achevé, on retourne à sa place en valsant comme pour les chaises.
L'éventail. On place trois chaises au milieu du salon sur une même ligne. Les deux chaises des extrémités doivent être tournées dans le sens contraire de celle du milieu. Le premier couple part en valsant: le cavalier fait asseoir sa dame sur la chaise du milieu et lui remet un éventail. Il va chercher deux autres cavaliers qu'il fait asseoir sur les deux autres chaises. La dame offre l'éventail à l'un des deux cavaliers assis à son côté et valse avec l'autre. Le cavalier qui a reçu l'éventail doit suivre le couple valsant en l'éventant et en sautant à cloche-pied autour du cercle.
Le chapeau fuyant. Départ des deux premiers couples. Le cavalier conducteur tient derrière lui, de la main gauche, un chapeau dont il a soin de présenter l'ouverture. Le deuxième cavalier tient de la main gauche une paire de gants roulée qu'il doit chercher à lancer dans le chapeau sans cesser de valser. Quand il a réussi, il prend le chapeau, et remet les gants à l'autre cavalier, qui recommence le même jeu.
Les petits ronds. Départ des trois ou quatre premiers couples. Chaque cavalier choisit un cavalier, et chaque dame une dame. Les cavaliers se placent deux par deux, et les dames aussi deux par deux devant les cavaliers. Les deux premiers cavaliers et les deux premières dames font en rond un tour entier à gauche; quand le tour est achevé, les deux cavaliers, sans s'arrêter, lèvent les bras pour faire passer les deux dames en dessous, et exécutent un autre tour avec les deux dames suivantes. Les deux premières dames tournent de même avec les deux cavaliers qui se présentent; chacun suit jusqu'à ce que les deux premiers cavaliers soient arrivés aux dernières dames. Quand les deux premiers cavaliers ont fait passer toutes les dames, ils se placent en ligne, et les deux cavaliers suivants se rangent de chaque côté, de manière à former, tous les cavaliers ensemble, une seule et même ligne opposée à celle que les dames ont dû former de leur côté. Les deux lignes avancent l'une vers l'autre par quatre mesures, puis se rejoignent, et chaque cavalier prend la dame qui se trouve devant lui. Polka ou mazurka générale pour finir.
Les génuflexions. Départ des deux premiers couples. Les deux cavaliers mettent un genou en terre à une certaine distance l'un de l'autre. Dans cette position, ils font tourner leurs dames deux fois autour d'eux sans leur quitter la main. Après ces deux tours, les deux dames traversent la main droite, et vont donner la main gauche à la droite de l'autre cavalier pour faire également deux tours. Elles traversent une deuxième fois de la main droite pour retrouver leurs cavaliers, qui se relèvent et les reconduisent en valsant.
La corbeille. Départ du premier couple. Le cavalier choisit deux dames, au milieu desquelles il se place; sa dame choisit deux cavaliers, et se place aussi entre eux. On avance pendant quatre mesures, on recule pendant quatre autres, on avance pendant quatre mesures, on recule pendant quatre autres, on avance une dernière fois. Le cavalier qui tient les deux dames lève les bras, et fait passer en dessous les deux cavaliers, qui passent sans quitter les mains de la dame du premier cavalier, et se donnent les mains derrière ce dernier. Les deux dames choisies par le premier cavalier se donnent les mains derrière la dame du cavalier conducteur, ce qui forme la corbeille. Dans cette position on décrit un tour à gauche, et à un signal donné, sans que personne ne quitte les mains, le cavalier du milieu passe sous les bras des deux autres cavaliers, et la dame sous les bras des deux autres dames. Les six personnes se trouvent alors avoir les bras enlacés. A un autre signal, on sépare les bras, et on forme un rond ordinaire; on décrit un tour, et le cavalier qui se trouve à la gauche de la première dame commence une chaîne plate par la main droite, qui se continue jusqu'à ce que le premier cavalier ait retrouvé sa dame. On termine par une valse.
La dame à gauche. Toutes les personnes du cotillon forment un rond général; on tourne à gauche pendant quatre mesures; chaque cavalier fait le tour sur place en avant, pendant quatre autres mesures, en ayant soin, à la fin du tour, de laisser sa dame à gauche. On recommence le rond sur quatre mesures, et chaque cavalier prend la dame qui se trouve à sa droite, qu'il transporte à gauche, à l'aide d'un nouveau tour sur place. On continue jusqu'à ce qu'on ait retrouvé sa dame. La dame à gauche est une des figures finales du cotillon.
Pour terminer un cotillon, il est d'un usage assez général que chaque couple, après la dernière figure, passe devant la maîtresse du cotillon et s'incline devant elle successivement. Quelquefois, celui qui conduit le cotillon a été la chercher à sa place, et l'a fait asseoir sur une chaise placée au milieu du salon. Ce salut, qui a lieu dans quelques réunions, n'est cependant pas obligatoire, et nous devons l'indiquer seulement pour les circonstances où il paraît à propos de terminer ainsi la soirée.
TABLE DES MATIÈRES.
Page 1AVANT-PROPOS
PREMIÈRE PARTIE.
JEUX D'ACTION.
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Le loup ou la queue leuleu Cache-cache ou cligne-musette Cache tampon Le chat et la souris Le chat perché Petit bonhomme vit encore2 Le furet Jeu de la savate La main chaude Colin-Maillard Colin-Maillard assis et à la baguette Colin-Maillard à la silhouette Le sac d'étrennes Les ciseaux La mer agitée La toilette de madame |
Page 5 8 9 11 12 12 14 16 18 20 22 22 23 24 25 26 |
Le voyageur et l'hôtellerie Les quatre coins Les voisins Le tiers ou les petits paquets Le loup et la bergerie Le labyrinthe ou la dentelle Les barres Le concert Le pied de boeuf La scie Les fromages Cloche-pied Le coton en l'air Le singe L'exercice à la prussienne L'assiette tournante |
Page 27 29 29 30 31 32 33 35 38 38 40 40 41 42 43 44 |
DEUXIÈME PARTIE.
JEUX AVEC JOUETS.
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Les bagues La balançoire ou escarpolette La balle Le ballon Les bulles de savon Le bilboquet Le cerceau La corde Les dames Les dés Le diable Les dominos L'émigrant Les grâces Les jonchets Le kaléidoscope |
46 48 48 52 53 54 57 58 59 65 68 70 74 75 75 77 |
La lanterne magique Le loto Le loup La marelle L'oie Les ombres chinoises Les osselets Le pantin Le parachute La poupée Le renard et les poules Le solitaire Le sphinx Le toton Le volant |
77 80 80 82 84 85 87 89 92 93 100 102 103 104 105 |
TROISIÈME PARTIE
LES RONDES
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Nous n'irons plus au bois La boulangère Le laurier de Franc Il était une bergère Giroflé, girofla Le ciel et l'enfer La tour, prends garde Ah! mon beau château Gentil coquelicot La mère Bontemps Guilleri Le chevalier du Guet Le pont d'Avignonbr L'avoine |
109 112 113 115 118 121 123 127 130 133 136 141 145 147 |
Savez-vous planter des choux? La mistenlaire Biron Ramène tes moutons J'aimerai qui m'aime Il faut que le mal cède La bonne aventure La marguerite Meunier, tu dors La vieille Mon père m'a donné un mari Riche et pauvre Le rat de ville et le rat des champs Chanson de la mariée |
150 152 154 159 161 163 165 167 171 173 177 179 181 183 |
QUATRIÈME PARTIE
JEUX D'ESPRIT
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Pigeon vole Le corbillon Comment l'aimez-vous? J'aime mon ami par A L'amour Le logement196 Proverbes, sentences ou devises Le mot caché Réponse en une phrase Plusieurs mots pour un Le mot indicateur Les cinq voyelles La leçon de lecture Les douze questions ou les trois règnes Oui ou non La clef du jardin La première syllabe La syllabe devinée L'apprenti Les mots prohibés Les couleurs prohibées La pensée, ou A quoi ressemble ce que je pense? Les comparaisons Les propos interrompus Les propos interrompus par écrit Les pourquoi et les parce que La narration Le journal L'avocat La sellette Les conséquences Le secrétaire Les devises Les métamorphoses La volière Le papillon et les fleurs Les signes Les magots Le bâtiment Le jardinage Le capucin Combien vaut l'orge? Les cris de Paris Les éléments Les rubans L'orateur Charades en action Bouts-rimés Les gages |
187 188 191 195 195 196 197 198 200 202 203 204 209 209 212 214 220 220 224 225 226 226 228 229 231 232 233 238 240 241 243 244 248 251 252 252 256 256 257 257 258 258 260 262 265 266 267 272 275 |
La Danse Les positions Les exercices Les pas Le quadrille ou la contre-danse Le pantalon L'été La poule La pastourelle Le finale La valse Valse à trois temps Valse à deux temps La polka La polka-mazurka La redowa La schottisc Le galop Le cotillon La course Les fleurs Les colonnes Le coussin La trompeuse Le serpent Le changement de dames Le chapeau L'écharpe Les dames assises Le chapeau magique La phalange Le cavalier trompé Le grand rond Les cercles jumeaux Le rond trompeur La chasse aux mouchoirs La mer agitée Les quatre coins Le berceau La poursuite Le rond final Les quatre chaises La contredanse L'éventail Le chapeau fuyant Les petits ronds Les génuflexions La corbeille La dame à gauche |
280 281 283 284 287 288 288 289 289 290 290 291 293 295 296 297 298 299 299 300 301 301 301 302 302 303 303 303 303 304 304 305 306 306 307 307 307 308 309 309 310 310 311 311 311 312 313 313 314 |
FIN DE LA TABLE.