L'abbé Sicard: célèbre instituteur des sourds-muets, successeur immédiat de l'abbé de l'Épée
Le directeur de l'Institution des sourds-muets, administrateur des hospices de bienfaisance, membre de l'Institut de France et de plusieurs académies, chanoine de l'église de Paris.
«Je dois commencer, madame, par vous demander mille fois pardon d'avoir si longtemps différé de répondre à votre aimable lettre. Je puis enfin y répondre.
«Je n'ai, madame, aucune connaissance d'un sourd-muet qui ait recueilli quelque bienfaisant effet du magnétisme, et auquel on ait fait éprouver l'application de ce moyen. Ce n'est pas que je ne croie à l'existence de cet agent merveilleux, ni que je doute de ses effets. Je vous confesse que j'ai la bêtise de croire et à l'existence de l'un et à celle des autres, quoi qu'en dise en plaisantant M. Hoffman, dans le Journal des Débats.
«Agréez, ma chère dame, l'assurance de mon inaltérable et respectueux attachement.
«L'abbé SICARD.»
Discours de Ferdinand Berthier sur la tombe de Paulmier.
Le 10 mars 1817.
«Mes frères, mes amis, mes enfants,
«Vous le voyez tous, la reconnaissance m'appelle à remplir un devoir sacré sur la tombe qui va recevoir les dépouilles mortelles d'un de mes anciens maîtres, Paulmier. Comment puis-je mieux acquitter cette dette du cœur qu'en adressant devant vous quelques expressions de regret à sa mémoire, dans une langue qui lui fut chère?
«L'enseignement des sourds-muets perd en Paulmier un de ses vétérans, une tradition vivante de la doctrine de l'abbé de l'Épée, comme on l'a si judicieusement observé; l'École de Paris pleure en lui un instituteur d'un dévoûment inépuisable, un homme capable d'apprécier ce qu'il y a de respectable, d'imposant, de religieux, dans ce grand sacerdoce.
«Savez-vous, mes frères, mes vieux et jeunes amis, quel heureux hasard avait fixé le vénérable Paulmier auprès de ceux qu'il se plaisait à appeler ses chers enfants?
«Fils d'un ancien militaire, il fut chargé encore bien jeune de conduire à l'armée du Nord quarante voitures attelées chacune de quatre chevaux normands, et il devint successivement chef du parc d'artillerie au siége de l'île de Cadsan (Hollande), fourrier dans l'artillerie de marine et greffier du terrible tribunal de guerre maritime, lui qui avait l'âme si douce et le cœur si bienveillant. Après environ quatre ans de séjour à Toulon en cette dernière qualité, libéré du service, il revint à Paris et suivit les cours publics de la capitale, avec cette soif d'instruction qui n'a jamais cessé de brûler son âme.
«Assistant un jour aux démonstrations de l'abbé Sicard, il sentit, a-t-il dit lui-même, naître sa vocation, une révolution s'opéra subitement en lui, et il se trouva comme illuminé. Dès lors, il se voua tout entier à la réhabilitation de mes frères, et les divers ouvrages qu'il publia dans ce but ne décèlent pas seulement, à chaque page, à chaque ligne, toute la ferveur de son culte pour ses maîtres, les abbés de l'Épée et Sicard, mais encore toute la sincérité de son affection pour ses élèves.
«Après vingt-cinq ans de travaux actifs et pénibles, il accepta une retraite peu convenable, peu en rapport (tous ceux qui environnent cette tombe partagent sans doute mes regrets) avec les services de toute espèce qu'il avait rendus, avec les sacrifices incessants qu'il s'était imposés, et ne cessa, jusqu'à son dernier jour, de donner de nouvelles preuves de son dévouement à notre sainte cause.
«O Paulmier! Reçois nos derniers adieux! Jouis du repos éternel, récompense de tes vertus. Tu vivras éternellement dans la mémoire du cœur de tes anciens élèves.»
Sur le monument à ériger à la mémoire de l'abbé Sicard, d'après un journal de l'époque, du 15 décembre 1823.
Les souscripteurs pour l'érection de ce monument apprendront avec intérêt qu'il vient d'être placé vers la partie nord-est du cimetière du Père-Lachaise, sur un terrain acquis à perpétuité par l'administration de l'établissement des sourds-muets, à peu de distance du monument consacré à la mémoire du baron Hue, un des plus fidèles serviteurs de Louis XVI. C'est là qu'ont été déposés les restes mortels du célèbre instituteur des sourds-muets.
Sur ce terrain, entouré d'une grille, s'élève, sur un socle de granit, une borne en marbre noir, de forme antique, que domine une croix. A la partie supérieure sont gravées sur une première ligne, en style d'hiéroglyphes égyptiens, six mains dans différentes positions, indiquant les six lettres du nom Sicard, conformément aux signes manuels adoptés par les sourds-muets de l'Institution de Paris. On lit au-dessous l'inscription suivante:
ICI
SONT
LES RESTES MORTELS
DE
L'ABBÉ SICARD.
Il fut donné par la Providence pour être le second créateur des infortunés sourds-muets.
(MASSIEU.)
Grâce à la divine bonté, et au génie de cet excellent père, nous sommes devenus des hommes.
(MASSIEU et CLERC, ses élèves, à Londres, 1815.)
Né le 12 septembre MDCCXLII.
Décédé le 11 mai MDCCCXXII.
De l'autre côté sont gravés ces mots:
CONSACRÉ
PAR
L'AMITIÉ
ET PAR
LA RECONNAISSANCE.
N. B. Les comptes des fonds furent déposés chez Me Castel, notaire, rue Neuve-des-Petits-Champs, nº 41, dès que l'emploi en fut réglé.
Paris, 11 décembre 1823.
Lettre de Mme Robert (mère de la sourde-muette dont nous avons parlé) à l'abbé Sicard.
«Je suis désolée, Monsieur, de n'avoir pas reçu plus tôt votre aimable billet.
«J'ai vu hier matin M. Laujon, auquel j'ai recommandé M. de Chateaubriand, sans avoir le bonheur de connaître cet auteur célèbre, et sans que personne m'eût parlé pour lui: mon suffrage n'est pas d'un assez grand poids pour que j'ose espérer qu'il soit de quelque autorité auprès de M. Laujon; le vôtre et celui de M. l'abbé Morellet[31] feront assurément pencher la balance, et je vais lui envoyer votre lettre, afin qu'il en prenne date et qu'il puisse vous certifier que j'ai sollicité, par sentiment, une place que ses connaissances profondes et son jugement bien mûri vous feront accorder à l'homme qui me paraît le plus digne.
«Le Génie du christianisme m'a consolée dans mes peines, je dois de la reconnaissance à son auteur, et j'ai fait apprendre à Fanny[32] les passages tirés de l'Incarnation et de l'Extrême-Onction. Elle les rend par signes, et ses gestes égalent presque le sublime de cette prose. Ce n'est pas le seul titre que M. de Chateaubriand ait auprès de moi, je ne sais si je dois vous le dire, il m'a fait aimer les capucins! Son style harmonieux a déjà opéré bien des miracles, mais il me semble que celui-là en vaut bien un autre.
«Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma parfaite considération.»
Extrait d'une autre lettre de cette dame de mérite
sur le même sujet.
«Savez-vous, Monsieur, qu'il s'en est peu fallu que M. de Chateaubriand ne l'emportât? Je serais presque tentée de croire que j'y ai contribué, si l'humilité chrétienne ne m'interdisait cette petite vanité. En recommandant cet écrivain distingué, sans le connaître, je pensais à ce passage d'une lettre écrite de Rome, où il parle d'une chapelle isolée bâtie sur les ruines de la maison de Varus, où, entrant un soir, il vit un pauvre à genoux devant une image de la Vierge. M. de Chateaubriand se mit en prière à côté de lui, en adressant au ciel des vœux pour cet inconnu, et en se félicitant de la joie qu'éprouverait cet infortuné dans le Paradis, lorsqu'il devrait au miracle de la charité chrétienne d'un passant son bonheur éternel. L'étonnement du pauvre se retrouvant au pied du trône de Dieu vis-à-vis de l'âme bienfaisante qui lui valait cette bonne place et qu'il n'avait rencontrée qu'une fois sur la terre, réjouissait fort le pieux auteur des Martyrs, et il ne voile même pas le petit mouvement d'orgueil que lui inspira la haute faveur dont il jouit à la Cour céleste.
«J'ai agi, sans me vanter, encore plus charitablement, je n'ai pas l'espoir de rencontrer M. de Chateaubriand face à face sur les bancs de l'Institut, et il ne saura jamais que c'est à une catholique de la rue Saint-Antoine qu'il doit une partie de sa félicité temporelle. Mais ce qu'il ne faut pas lui laisser ignorer, c'est que M. Laujon a presque été victime de la bonne cause: un honorable membre lui a dit des injures. Notre Anacréon, qui n'a jamais fait d'épigramme, a été évidemment ému d'une scène qui se passait devant plusieurs de ses confrères. Il a eu un accès de fièvre des plus violents, et porte encore sur sa figure les traces de son dévouement à la bonne compagnie.
«Daignez agréer, Monsieur, l'assurance de ma profonde considération.»
A M. Ferdinand Berthier.
«Je viens vous parler d'un sourd-muet, nommé Bonnafous, natif de Bordeaux.
«Ce sourd-muet est fort instruit. Il faisait l'éducation de ses frères d'infortune à Fumel, département de la Gironde. Il l'a cessée. Il est revenu à Bordeaux, mais il n'a pu y trouver une place. Je me souviens qu'il m'a dit, le jeudi 6 novembre 1823, qu'il désirait beaucoup s'en aller en Amérique pour y être instituteur des sourds-muets, et qu'il m'y appellerait.
«M. Gauthier, instituteur en second des sourds-muets de Bordeaux, commissaire de police de cette ville et adjoint au maire de Caudéran, aux environs, l'a envoyé à Besançon, où il est instituteur de sourds-muets.
«Je crois que si vous écriviez à M. Bonnafous, il accepterait très-volontiers la proposition dont vous m'avez entretenu. C'est un brave garçon. Il s'est déclaré mon ami et m'a touché cent fois la main. Son frère qui, comme lui, n'entend ni ne parle, est marié. Sa femme, son fils et sa fille sont également privés de l'ouïe et de la parole. Il est à Brest, où il exerce la profession de voilier. Il n'a pu trouver une place à Bordeaux.
«Mon très-cher ami, faites-moi l'amitié de me dire en quel endroit de l'Amérique on désire qu'aille ce sourd-muet français, qui est très-capable et bien en état d'instruire ses frères d'infortune.
«MASSIEU.
Autre lettre de Massieu, datée de Rodez, le 25 octobre 1828, à Ferdinand Berthier.
«Mon bien cher ami,
«J'ai reçu votre lettre, qui m'a causé la plus vive satisfaction. Je croyais, avec bien de la douleur, que vous m'aviez tous en abomination; mais je me recommandais à la divine Providence et à la protection du tribunal de première instance du département de la Seine. Je croyais aussi que l'on vous avait conseillé de ne plus jamais m'écrire, parce que l'on vous avait dit que j'étais le plus criminel des sourds-muets.
«Quant à ma pauvre sœur, feu mon frère parlant l'avait engagée à quitter la capitale, où elle avait une bonne place. Il nous avait demandé trop souvent, à elle et à moi de l'argent. M. l'abbé Goudelin m'avait conseillé de ne point lui en envoyer. Il l'avait appelé fin.
«Hélas! à présent, elle se repent d'avoir abandonné sa bonne place. Elle ne gagne rien, et se trouve obligée de travailler à la terre.
«Pour moi, je ne suis point propre à être cultivateur du sol, mais à l'être de mes compagnons d'infortune.
«Venons à l'affaire des États-Unis! M. Gard m'a dit, en 1823, qu'un Américain était venu lui proposer de s'en aller dans son pays, mais qu'il lui avait demandé 30,000 francs, avec la nourriture, le logement, la lumière, le chauffage, le blanchissage, les médicaments, etc., et que l'étranger avait trouvé que c'était trop cher. Arrivé à Paris, il avait été trop heureux d'y trouver M. Clerc, qui s'était empressé d'accepter ce qu'il lui avait offert (2,500 francs, avec la table, le logement, etc.). M. Valentin, de Toulouse, et M. Honorat, de Nîmes, tous deux répétiteurs sourds-muets, fort instruits et très-versés dans l'art d'instruire leurs frères d'infortune, furent les imitateurs de M. Gard et ne voulurent point s'en aller en Amérique. D'ailleurs, l'administration de l'Institution royale de Bordeaux est on ne peut plus contente d'eux, et les gardera toute leur vie. Un des surveillants de la même école, ayant été appelé en Amérique, a offert à un des élèves de le suivre là-bas pour y être répétiteur; mais personne n'a accepté cette proposition.
«Si je n'avais pas été appelé à l'établissement où je suis actuellement, j'aurais fait une pétition au gouvernement ou au tribunal de première instance de la Seine, pour en obtenir l'autorisation de voyager en Amérique et d'y être professeur de mes frères d'infortune.
«Ma nouvelle méthode est plus claire, plus instructive, plus graduelle que l'ancienne.
«Notre brave ami M. Gourdin instruit les sourds-muets comme les professeurs ordinaires instruisent les élèves parlants. Il m'aime autant que je l'aime. Nous sommes bons amis. Je lui ai montré votre lettre. Il vous remercie beaucoup de la bonté que vous avez eue de vous rappeler à son souvenir, et il me charge de vous dire mille choses des plus amicales.
«Il m'a dit que M. Bertrand, un de vos anciens camarades, qui est à présent instituteur et directeur de la nouvelle école des sourds-muets, à Limoges, ferait bien d'accepter les fonctions de professeur de sourds-muets en Amérique.
«M. l'abbé Perier est reparti mardi 14 du courant pour Paris, d'où il reviendra ici au mois de janvier ou de février prochain. Il reprendra la direction de son école, et y restera toujours, à ce qu'on dit.
«Présentez, s'il vous plaît, mes respects à M. Keppler, mes civilités à MM. Paulmier, Lenoir, Gazan, à MM. les abbés Perier, Salvan et à toutes mes connaissances. Saluez de bon cœur, de ma part, les dames Salmon.
«Croyez, mon très-cher ami, à la sincérité de mes sentiments.
«Votre très-affectionné,
«JEAN MASSIEU, professeur
à l'École départementale des sourds-muets de Rodez.
Massieu, premier répétiteur de l'École royale des sourds-muets de Paris, à M. le préfet du département du Nord.
Monsieur le préfet,
(Cette lettre doit être de 1820 ou de 1824.)
«J'ai l'honneur de vous demander pardon si je prends la liberté de vous écrire. La bonté que vous avez eue de me promettre de placer sous vos auspices mes frères et sœurs d'infortune, me donne la hardiesse de vous prier en grâce de vouloir bien faire admettre à l'Institution des sourds-muets d'Arras la jeune sœur d'un sourd-muet, nommé Quique de Leers, ainsi que le jeune enfant que j'ai eu l'honneur de vous présenter. J'ose aussi les recommander à votre bienveillance, à votre inépuisable bonté, et je vous aurai, Monsieur le préfet, la plus véritable obligation de la faveur que vous leur accorderez.
«Je profite de cette occasion pour vous témoigner combien je suis sensible à toutes les marques de sympathie dont vous m'avez comblé. Je voudrais vous exprimer toute ma gratitude, mais la pauvreté de la langue française me met en défaut.
«J'ai montré la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire à mon respectable et illustre maître, l'abbé Sicard, qui m'en a témoigné la plus vive satisfaction. En même temps, il m'a dit qu'il irait l'an prochain à Arras et à Lille, accompagné de deux autres élèves et de moi. Je crois devoir vous mander que la santé de ce vénérable bienfaiteur de l'humanité s'améliore chaque jour, Dieu merci! Mais je crains que son âge ne l'empêche de voyager les vacances prochaines dans votre département. S'il en est ainsi, je ne laisserai pas d'y mener le jeune Berthier.
«Croyez, Monsieur le préfet, que, si j'accompagne dans ces voyages le célèbre successeur de l'immortel abbé de l'Épée, j'éprouverai la joie la plus grande à publier la gratitude que j'ai et aurai toujours de ses bontés paternelles et des soins pénibles et constants qu'il n'a cessé de prodiguer à mon éducation.
«Veuillez bien, Monsieur le préfet, agréer l'hommage de mes sentiments respectueux et reconnaissants et présenter mes respects à madame la baronne.
«J'ai l'honneur d'être, Monsieur le baron,
«Votre très-obéissant et très-humble serviteur,
«MASSIEU.»
La première institution de sourds-muets, établie en Amérique, est celle d'Hartford, capitale de l'État de Connecticut. Elle doit son introduction dans ce pays au docteur Cogswell qui, ayant eu parmi ses enfants une fille devenue sourde-muette à l'âge de trois ans, chercha les moyens de soulager son infortune par l'instruction à défaut des remèdes qu'il avait inutilement essayés pour lui rendre le sens de l'ouïe. Il savait qu'il y avait en Europe, et surtout en France, plusieurs écoles ouvertes à ces malheureux: les papiers publics le lui avaient appris; il désira qu'il y en eût au moins une dans la ville qu'il habitait. Il en parla à quelques-uns de ses amis, entre autres au révérend Thomas H. Gallaudet, et tous s'empressèrent de se joindre à son projet.
En conséquence, M. Gallaudet, ministre du saint Évangile, jeune homme plein de zèle et de bienveillance, entreprit le voyage d'Europe et arriva à Paris dans le printemps de 1816. Il se présenta chez M. l'abbé Sicard, qui lui fit l'accueil le plus cordial. M. Gallaudet, étudiant la méthode d'instruction, assistait aux classes et recevait des leçons particulières de M. Laurent Clerc, sourd-muet, qui, d'élève de M. Sicard, était devenu professeur à vingt ans, et l'était depuis plus de huit années. Il y avait déjà trois mois que l'Américain passait ainsi son temps à Paris, quand il proposa à M. Clerc de l'accompagner aux États-Unis. Celui-ci accepta cette offre; ils quittèrent Paris en juin 1816, et arrivèrent à Hartford en août.
Bientôt ils se mirent à parcourir ensemble les principales villes de l'Amérique du Nord pour éveiller l'intérêt des habitants en faveur des sourds-muets, et ils réussirent au delà de leurs espérances. Témoin les nombreux dons généreux qu'ils reçurent en chemin, et qui leur permirent d'ouvrir leur école à Hartford, le 17 avril 1817, sous le titre de Connecticut Asylum for the Instruction and Education of the deaf and dumb.
Un an après, c'est-à-dire dans l'hiver de 1818, Clerc visita Washington pendant la session du Congrès et eut occasion de s'entretenir par écrit avec James Monroë, Président des États-Unis, ainsi qu'avec plusieurs membres de l'une et de l'autre branche de la législature. Ce fut pour eux une agréable surprise de voir qu'un sourd-muet pouvait, à défaut de la voix, comprendre et se faire comprendre au moyen de son crayon; ce qui ne servit pas peu à déterminer le Congrès à accorder, en 1819, à l'Institution, une certaine étendue de terre dans l'état d'Alabamas. De la vente qu'on en fit, on réalisa un fonds assez considérable pour mettre l'Institution à même de tenir longtemps la place qu'elle méritait. En reconnaissance de cet acte de générosité de la part du Congrès, l'Institution changea de nom et prit celui d'American Asylum for the deaf and dumb.
Plus tard se sont successivement formées les écoles de New-York, Pennsylvania, Kentucky, Ohio et Canada, dont les directeurs actuels doivent à MM. Clerc et Gallaudet leur connaissance dans l'art d'instruire qu'ils ont transmis à leurs confrères.
FIN DES NOTES.
APPENDICE
C'est au moment où ce livre touchait à sa fin que, comme on pourra l'imaginer, j'ai dû m'estimer heureux de recevoir du fils du baron de Gérando, ancien procureur général de la Cour impériale de Metz, quelques-unes des lettres de l'abbé Sicard adressées à cet homme illustre, dont il a été l'ami et le confrère à l'Institut, et elles offrent un si grand intérêt pour sa biographie que je les joins ici avec autant de reconnaissance que d'empressement.
I
Ce 7 ventôse an VIII.
Comme je n'ai plus l'espérance de recevoir mon sauvage et qu'on lui a trouvé une famille, je ne dois plus différer de vous procurer, ainsi qu'à vos amis, le plaisir d'assister à une leçon particulière. En conséquence, mon cher ami, faites vos invitations pour le 15 ventôse, à 10h. très-précises. Je choisis précisément un jour de congé pour que nous ne soyons pas dérangés. Et pour prendre toutes les précautions possibles, on n'entrera que par billets. Ainsi comptez tous ceux et celles que vous voulez mener, demandez-moi le nombre de billets suffisant et vous les recevrez à temps.
Je vous remercie de l'attention amicale que vous avez eue de me rendre compte de la conversation de Rœderer, notre constant ami avec le Consul suprême. Je ne pensais pas que celui-ci voulût jamais me voir et je n'espérais pas qu'il en eût non plus le temps. Je profiterai des courts moments qu'il me donnera pour l'intéresser en faveur de l'instruction publique, comme vous me le recommandez. Je me garderai bien de lui rien demander pour moi. Il ne me manque plus rien, Dieu merci, et tous mes vœux vont être comblés, puisque notre bon ami Camille arrive et que je suis réuni à mes enfans. Adieu, je vous embrasse.
SICARD.
Demandez tous les billets qu'il vous faudra, plutôt plus que moins, sans craindre d'être indiscret. Par la voie de la petite poste.
II
Ce 23 Nivôse, an VIII.
Jouissez de mon bonheur, puisque nos affections sont communes, aimable et bon ami. Je suis réintégré dans mes fonctions le 25 nivôse à dix heures très-précises, je vais les reprendre à Saint-Magloire, au haut de la rue Saint-Jacques. Venez avec celle qui partage et vos plaisirs et vos peines, qui double les uns et qui adoucit les autres, et vous en console, jouir du spectacle touchant de voir un père retrouver, après 28 mois de séparation, ses enfants chéris. Vous êtes faits, l'un et l'autre, pour cette scène touchante. Adieu, je vous embrasse tous deux.
P. S. Si le bon Mathieu et sa charmante femme sont ici, prévenez-les, je vous prie, de ma part.
III
Samedi, 11 mars 1815.
Votre aimable réponse est parfaite en tout point, et je l'adopte dans tout son entier. Les croix et les médailles vont être distribuées tout à l'heure, et je distribuerai aussi la monnaie morale, enfin je suivrai, de point en point, tous vos excellents avis. Je renonce, de bien bon gré, à tout ce que je vous avais proposé, et que vous n'approuvez pas, et je trouve que vous avez raison et que je n'en avais pas. J'ai remis à l'agent, depuis plusieurs jours, le petit paquet cacheté de l'adorable princesse, je ne sais pas ce qu'il contient. Décidez de ce qu'il en faut faire. Je renonce à l'emploi que je vous avais proposé, et c'est sans le moindre regret. Permettez-moi seulement de vous faire toutes les propositions qui me passeront par la tête. Je trouve parfaitement bien que nous tenions séparés nos deux sexes. D'ailleurs, comme vous l'observez, ces modestes enfants sont d'une grande édification, pour les assistants. Je faisais assister les garçons à la paroisse, à la grand'messe et à vêpres, aux grandes fêtes. Peut-être cet usage seroit-il bon à reprendre. Peut-être faudroit-il les y faire aller plus souvent, et dans une des chapelles collatérales, comme les filles. Réfléchissez là-dessus dans votre sagesse. Entendons-nous pour faire de notre institution un modèle pour toutes les autres. Vous me trouverez bien disposé à abandonner tout ce qui ne vous paroîtra pas propre à atteindre ce but et à adopter pleinement, et sans restriction aucune, tout ce que vous proposerez.
Adieu, aimable et excellent camarade. Tous les jours, je bénis la Providence de tous les avantages que notre maison retire et retirera de votre dévouement. Conservez-nous ce tendre intérêt qui fait mon bonheur et aimez-moi comme je vous aime.
L'abbé SICARD.
IV
Londres, le 25 juillet 1815.
Le Directeur de l'Institution des Sourds-muets; Administrateur des Hospices de Bienfaisance; Membre de l'Institut de France et de plusieurs Académies; Chanoine de l'Église de Paris.
On ne m'a pas laissé ignorer, cher et bon ami, tout ce que nous devons de reconnaissance pour votre dévouement sans bornes pour notre institution. Nous vous devons, je le sais, d'avoir été préservés du pillage de la populace. Vous n'avez épargné ni soins, ni peines pour nous en garantir. Je n'attends pas, pour vous en remercier, d'être rendu auprès de vous, et je m'empresse de remplir un devoir aussi sacré et aussi cher à mon cœur.
Je quitte Londres, ce soir, pour me rendre avec mes élèves au port de Brighton qui est à une journée de cette grande cité, pour aller m'y embarquer pour Dieppe, par le premier paquebot qui en partira. J'espère être rendu à Paris samedi au soir, 29 de ce mois, ou dimanche, ou pour le plus tard lundi, 31 du courant.
Que de choses n'aurai-je pas à vous dire de cette belle métropole! Et surtout de ses nombreuses institutions de bienfaisance et d'instruction publique! j'ai vu les établissements du docteur Bell et de Lancaster, et je les ai vus avec le plus grand soin, de manière à pouvoir donner là-dessus les plus grands renseignements. Je les ai visités avec mon ami M. Laffon Ladébat qui prend le plus vif intérêt à tout ce qui est utile. Vous aviez bien raison de me parler de ces utiles écoles. Il faudra nous occuper de les établir dans notre patrie. Vous me trouverez bien disposé à être votre collaborateur. Je vous ferai connoître tout ce qui est fondé ici pour le soulagement et l'instruction du malheur et de l'enfance, et vous cesserez d'être surpris de la prospérité de ce vaste empire. L'admiration va toujours croissant, à mesure qu'on visite les établissements sans nombre, que la piété des particuliers y forme sans cesse avec un enthousiasme de bienfaisance qui ne connoît ni bornes, ni mesure.
Ne m'oubliez pas, je vous prie, auprès de l'aimable et bonne Annette, ni auprès de mes chers collègues qu'il me tarde de revoir pour ne plus en être séparé, et agréez mes tendres amitiés pour votre propre compte. Permettez que je vous charge aussi de bien des amitiés pour les bons Salvan et Mauclerc et nos angéliques maîtresses, et pour nos chers et chères enfants.
L'abbé SICARD.
Faites-moi l'amitié de dire à Mademoiselle Salmon que j'ai reçu, hier, sa lettre qui m'a fait un grand plaisir.
V
Paris, le 13 décembre 1818.
Le Directeur général de l'Institution royale des Sourds-muets de naissance, l'un des quarante de l'Académie française.
Ne croyez-vous pas, mon cher collègue, que le temps de nous occuper de l'organisation de notre maison d'instruction est enfin venu? Tous nos collègues avec lesquels nous devons faire ce travail si important et si nécessaire sont, en ce moment, à Paris. Vous savez que nous attendions leur retour pour cela.
J'ai beaucoup pensé à cette amélioration, et voici le résultat de mes réflexions. Je désirerais que nous proposassions au ministre de rétablir dans l'enseignement le mode qui fut établi, par l'Assemblée constituante, lors de la fondation de l'institution, en l'année 1791. Il fut créé un chef de l'enseignement, et je fus nommé à cette première place, à laquelle fut attaché, quelques années après la création, le titre de directeur général, par un arrêté du ministre.
2º Il fut créé une 2e place d'instituteur sous le titre de second instituteur, au traitement de 3,000 fr.
3º Puis deux places d'instituteurs-adjoints, au traitement, chacun, de 2,400 fr.
4º Puis deux places de répétiteurs, chacun, au traitement de 600 fr.
5º Puis enfin deux places de surveillants, au traitement de 400 fr.
Voilà, mon cher collègue, quelle fut la première organisation.
Quelques années après, un ministre jugea à propos de porter le nombre des répétiteurs à 4, et de supprimer les deux instituteurs-adjoints et c'est là l'organisation actuelle. Il voulut opérer dans l'institution de Bordeaux le même changement. Mais tous les employés opposèrent une très-grande résistance, et le ministre n'insista pas. De sorte que l'organisation de l'école de Bordeaux resta telle qu'elle était dans son principe, et qu'elle a les mêmes employés qui lui furent donnés sur le modèle de celle de Paris, avec le même traitement qu'ils avaient.
Ainsi, mon cher collègue, nous ne demandons pas une chose nouvelle, en demandant que le ministre rétablisse les places d'employés, telles qu'elles étoient avant la création des 4 répétiteurs. Le ministre est trop juste pour vouloir que l'École royale de Paris ait l'humiliation de voir celle de Bordeaux plus honorée qu'elle ne l'est. Celle de Bordeaux n'a que deux répétiteurs et deux instituteurs-adjoints auxquels le traitement primitif a été conservé (et c'est 2,400 fr. pour chacun). Nous devons demander le même privilége, et nous le devons d'autant plus qu'un des 4 répétiteurs de notre école est un sujet des plus distingués, qu'il a un zèle incomparable; qu'il est toute mon espérance.
Enfin si le malheur des temps ne permettait pas au ministre de rétablir les deux places d'instituteurs-adjoints telles qu'elles étaient à l'école de Paris et qu'elles sont encore à celle de Bordeaux, je me contenterais du rétablissement d'une de ces places, et je voudrais que ce fût en faveur de M. Bébian, dont vous connoissez, aussi bien que moi, la passion pour l'avancement des élèves, le zèle infatigable et les talents éminents. Le jeune homme ne peut rester dans l'institution qu'autant qu'il jouira de cette faveur. Son père ne cessera de lui faire une guerre durable qu'autant qu'il ne le verra pas dans l'humiliation du titre de répétiteur. Ainsi nous le perdrions si le ministre nous refusait cet acte de justice. Ainsi, mon cher collègue, après nous avoir accordé le changement des heures des classes et des ateliers d'une manière si aimable, je ne puis craindre que la demande du rétablissement d'une place d'instituteur-adjoint me soit refusée.
Enfin, si le rétablissement du traitement paroissait, à raison de la gêne actuelle de nos finances, devoir être ajournée, j'attendrais pour ce rétablissement un temps plus heureux, et je me contenterais de celui de la place unique d'instituteur-adjoint, sans demander d'autre traitement que celui qui est attaché aux places de répétiteur.
Je compte donc, mon cher ami, sur votre amour pour notre maison, et je ne puis pas penser que ce que je demande avec tant de concessions ne me soit pas accordé. Je ne demande point d'innovation, rien dont ne jouisse l'école de Bordeaux, organisée sur le modèle de la première école, aucun sacrifice d'argent. Ainsi, encore une fois, je ne dois pas être refusé.
Voilà donc, cher collègue, ce qui vous reste à faire pour l'école que je dirige, et ma reconnoissance pour ce dernier bienfait sera sans bornes comme mon amitié.
L'abbé SICARD.
VI
31 Mars 1819.
Vous savez, mon cher collègue et bon ami, que nos élèves se réunissent tous les matins et tous les soirs dans une salle d'étude, pour préparer ou repasser leurs devoirs, et que je remplis religieusement la promesse que je vous fis, un jour, chez vous. L'administration avait bien senti les avantages de ces études, et l'expérience l'a confirmé, il est donc important de le rendre aussi profitable que possible aux élèves; et c'est ce qu'on ne pourra obtenir si elles sont exclusivement destinées aux surveillants qui ne peuvent s'intéresser assez aux progrès des élèves et n'ont pas assez de force pour les maintenir.
M. Macé Mauclerc qui vient de partir avait bien voulu s'en charger, quoique ce fût hors de ses attributions de venir aider les surveillants. Le peu d'habitude qu'il avait des signes aurait toujours laissé encore beaucoup de choses à désirer; mais du moins sa présence faisait régner la tranquillité et l'ordre dans les classes et dans l'étude.
Maintenant si nous abandonnons les surveillants à eux-mêmes, nul doute que ces études si importantes n'offrent bientôt le spectacle de quelques-uns de nos ateliers.
Il est donc urgent d'y placer quelqu'un qui puisse montrer aux surveillants la manière de diriger ces études et qui ait l'œil sur eux, en même temps que sur les élèves, pour m'en rendre compte.
J'ai jeté, pour cet emploi si nécessaire, les yeux sur M. Bébian. Son zèle et son amour pour les sourds-muets sont de sûrs garants qu'il le remplira à merveille, et qu'il acceptera avec plaisir ce surcroît de travail. Mais pour lui donner toute l'autorité nécessaire, vous jugerez sans doute ainsi que moi que nous devons le faire nommer par le ministre censeur des études. Cette place n'est pas une nouveauté, elle fait partie de l'organisation des colléges royaux. On lui doit la discipline et le bon ordre qu'on y voit régner. Ce moyen qui n'augmenterait pas d'un centime la masse des traitements, nous attacherait un sujet précieux que nous sommes sur le point de perdre si nous négligeons ce moyen, et cette perte serait incalculable. Vous connoissez l'inanité de tout ce qui m'entoure et l'immense supériorité de ce bon jeune homme. Personne n'a mieux saisi l'esprit de ma méthode.
Quoique cette demande n'ait rapport qu'aux études et me regarde plus personnellement, le zèle qui anime mes honorables collègues pour le bien de cet établissement, me fait espérer qu'ils ne refuseront pas de se joindre à moi pour cela. Qu'en pensez-vous? Daignez m'écrire un mot à ce sujet et agréer mes respectueuses et tendres amitiés.
L'abbé SICARD.
VII
Paris, le....... 1819.
Le Directeur général de l'Institution royale des Sourds-muets de naissance, l'un des quarante de l'Académie française.
Cher et bon ami,
Lorsque je vous manifestai, il y a quelques mois, le désir que M. Bébian eût un titre convenable et dont il pût s'honorer dans notre institution, celui de troisième répétiteur ne pouvant flatter l'ambition de son père qui le persécute sans cesse pour reprendre, sans plus la quitter, la carrière de la médecine, vous pensâtes qu'il convenoit d'attendre qu'il pût justifier cette distinction par le succès d'un nouveau plan d'études dont nous lui avons confié l'exécution. Ne croyez-vous pas maintenant que le temps en est arrivé? La classe de Massieu est déjà réunie à celle de Bébian. Il serait nécessaire que celui-ci reçût à présent le titre que vous jugeriez convenable, pour flatter l'amour-propre du père, qui permettrait alors à son fils de se consacrer entièrement à l'enseignement des sourds-muets, et dès lors tous les moyens de simplification seraient faciles.
Voyez donc dans votre sagesse quel pourroit être ce titre que nous demanderions au ministre, et à la faveur duquel nous attacherions à notre école cet intéressant jeune homme qui se montre si propre à seconder toutes nos vues d'amélioration.
Ne vous pressez pas pour la réponse que j'attendrai sans impatience. Pensez à ma demande, et réfléchissez sans distraction à ce qui convient le mieux à nos projets.
Agréez, mon cher et bon collègue, mes tendres et respectueux sentiments qui sont invariables.
L'abbé SICARD.
ERRATA.
(corrigés)
Page 40, lignes 14-15, au lieu de: novembre 1795, lisez: 30 octobre 1794.
Page 43, ligne 8, au lieu de: du 18 brumaire (10 novembre 1799), lisez: du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799).
| TABLE DES MATIÈRES | |
|---|---|
| UN MOT D'EXPLICATION | 1 |
| CHAPITRE PREMIER. | |
| Vocation de l'abbé Sicard.—Il est appelé à recueillir la succession de l'abbé de l'Épée qui avait fondé l'École nationale des Sourds-Muets de Paris | 5 |
| CHAPITRE II. | |
| L'abbé Sicard est arrêté en raison de ses principes religieux et conduit au Comité de la section de l'Arsenal. Il retrouve parmi les détenus deux de ses subordonnés.—Massieu, à la tête des élèves de l'Institution, présente une supplique à l'Assemblée législative.—L'élargissement du directeur est ordonné immédiatement | 8 |
| CHAPITRE III. | |
| L'abbé Sicard songe à aller fonder à l'étranger une école en faveur des sourds-muets.—Son nom est rayé de la liste fatale, mais ses accusateurs mettent tout en œuvre pour le faire périr.—Il est placé dans un fiacre avec des malheureux qui vont être exécutés. Une distraction des égorgeurs le sauve.—Il entre dans la salle du Comité de la section des Quatre-Nations | 13 |
| CHAPITRE IV. | |
| Il est sauvé de nouveau. Un citoyen, Monnot, horloger, était accouru pour le défendre contre la rage des bourreaux.—La harangue du directeur est couverte d'applaudissements. Sa lettre au président de l'Assemblée législative contient un témoignage de sa reconnaissance envers son libérateur | 17 |
| CHAPITRE V. | |
| Nouveaux dangers que court l'abbé Sicard. Un asile lui est offert près de la salle du Comité.—Deux prisonniers lui proposent de lui faire une échelle de leur corps pour le mettre en sûreté.—Il est poursuivi à outrance par ses ennemis. Il réclame l'assistance d'un député qui prie un de ses collègues plus influent d'informer la Chambre du récent péril qui le menace. Il écrit encore au président Hérault de Séchelles, à M. Laffon de Ladébat, son ami particulier, et à Mme d'Entremeuse.—M. Pastoret, député, à la prière de la fille aînée de cette dame, Mlle Éléonore, vole au Comité d'instruction.—Un second décret est rendu en faveur de l'instituteur | 25 |
| CHAPITRE VI. | |
| L'abbé Sicard vient à la barre de l'Assemblée présenter ses remercîments aux membres.—Il reçoit les excuses d'un des commissaires, qui assiste à la levée des scellés après avoir contribué lui-même à son incarcération.—Ce dernier le dissuade de rentrer à l'École.—Massieu le visite dans sa retraite.—Communication de l'arrêté de l'Assemblée générale du 1er septembre 1792.—Protestation de l'abbé Salvan | 34 |
| CHAPITRE VII. | |
| Aussitôt sa réinstallation définitive, l'abbé Sicard est nommé à divers emplois importants. Mais sa collaboration à une feuille politico-religieuse donne de l'ombrage au Directoire exécutif.—Condamné à la déportation, il trouve un refuge dans le faubourg Saint-Marceau. Ses protestations inutiles au Gouvernement.—Seconde représentation du drame de l'Abbé de l'Épée, par Bouilly, à laquelle assistent le général Bonaparte et son épouse Joséphine.—Supplique de Collin d'Harleville en faveur de l'abbé Sicard.—Le public prend fait et cause pour lui.—Son élargissement | 40 |
| CHAPITRE VIII. | |
| Graves erreurs échappées à l'auteur du Cours d'instruction d'un sourd-muet de naissance.—Plus tard il se rétracte dans sa Théorie des signes.—Prérogatives de la mimique naturelle que fait valoir Bébian.—Différences entre la dactylologie et la mimique.—Observation judicieuse de l'abbé Sicard sur l'articulation | 49 |
| CHAPITRE IX. | |
| Exercices publics des sourds-muets. Incroyable enthousiasme des spectateurs.—L'abbé Sicard se plaît à parler ailleurs de ses tentatives et de ses succès.—On tâche de persuader à Napoléon 1er que le célèbre instituteur n'a rien inventé pour ces malheureux. Cette insinuation est repoussée dans une lettre de l'illustre inventeur à M. Barbier, bibliothécaire de ladite Majesté | 64 |
| CHAPITRE X. | |
| Visite du pape Pie VII à l'Institution des sourds-muets. Le directeur lui adresse un discours, suivi de l'Exposé de sa méthode.—Parmi ses élèves brillent deux charmantes jeunes sourdes-muettes: l'une, Mlle de Saint-Céran, complimente Sa Sainteté à haute et intelligible voix; l'autre, Mlle Fanny Robert, la complimente en italien.—A l'imprimerie Le Clere, les ouvriers sourds-muets déposent aux pieds du Souverain Pontife une allocution latine qu'il vient d'imprimer lui-même.—Il parcourt ensuite les ateliers, les dortoirs, etc.—Mlles Robert et de Saint-Céran sont amenées aux Tuileries par l'abbé Sicard | 70 |
| CHAPITRE XI. | |
| L'habile instituteur sert d'interprète à un sourd-muet de naissance ne sachant ni lire ni écrire, François du Val, accusé de vol, et à un faux sourd-muet, Victor de Travanait.—Il est nommé administrateur de l'Hospice des Quinze-Vingts et de l'Institution des Jeunes Aveugles.—Chanoine honoraire de Notre-Dame de Paris, grâce au cardinal Maury.—Un mot de M. Thiers sur la réception du prélat par l'abbé Sicard | 87 |
| CHAPITRE XII. | |
| L'esprit sourd-muet de l'abbé Sicard chez M. de Fontanes.—Ce dernier fait un quatrain à sa louange.—La Restauration le nomme chevalier de la Légion d'honneur, et plus tard chevalier de l'ordre de Saint-Michel de France.—Détails sur la visite de François II, empereur d'Autriche, à l'Institution.—Même honneur que lui accorde la duchesse d'Angoulême.—Il assiste à la réception des souverains alliés par M. de Talleyrand.—L'empereur de Russie, Alexandre Ier s'étonne du silence de l'instituteur.—Encore l'esprit sourd-muet | 93 |
| CHAPITRE XIII. | |
| L'abbé Sicard est accusé de professer des opinions hostiles à l'Empereur.—Fouché le défend.—A la demande de ses élèves, il fait payer ses créanciers.—Le célèbre instituteur part pour Londres, pendant les Cent-Jours, avec Massieu et Clerc, sans en prévenir le gouvernement.—Le ministre de l'intérieur, Carnot, lui enjoint d'avoir à renvoyer sur-le-champ Clerc à Paris.—Retour du maître et de ses deux élèves en France au moment où Napoléon est renversé | 105 |
| CHAPITRE XIV. | |
| Un incendie éclate dans l'aile gauche de la maison des sourds-muets. Parmi les travailleurs, on remarque le sourd-muet Carbonnel (de Béziers).—Visites du duc de Glocester, du duc d'Angoulême et de la duchesse de Berry, qui promet d'amener son fils à l'Institution quand il sera plus grand, pour lui faire apprendre la grammaire des sourds-muets | 112 |
| CHAPITRE XV. | |
| L'abbé Sicard tombe presque en enfance. Des solliciteurs et des intrigants l'assiégent.—L'infortuné vieillard refuse de quitter son poste, déclarant qu'il est résolu à mourir directeur. Sa fin en 1822.—Détails sur ses obsèques. Un passage remarquable du discours prononcé par M. Bigot de Préameneu, président de l'Académie française, au cimetière du Père La Chaise.—Le directeur avait recommandé, en mourant, ses élèves à la sollicitude de l'abbé Gondelin, second instituteur de l'École des sourds-muets de Bordeaux.—Paulmier, élève du défunt, croit pouvoir disputer sa place au concours. Une réclamation de Pissin-Sicard paraît dans un journal.—Élèves parlants distingués de l'abbé Sicard: Pellier, Paulmier et Bébian.—Manuel d'enseignement pratique des sourds-muets, par ce dernier.—Travail remarquable de M. de Gérando: De l'Éducation des sourds-muets de naissance, 2 vol.—Divers hommages à l'abbé Sicard.—Énumération de ses Œuvres.—Sa correspondance avec Mme Robert sur divers sujets | 118 |
| CHAPITRE XVI. | |
| MASSIEU. | |
| Sa naissance et sa profession.—Son étrange plaidoyer pour un voleur.—Il raconte lui-même ses premières impressions et ses premiers chagrins.—Quel grand bruit ont fait ses définitions aux exercices publics de l'abbé Sicard!—Quels étaient ses habitudes et ses goûts.—Un professorat à l'École des sourds-muets de Rodez lui est offert à la mort de son illustre maître.—Il est réclamé par un vieil ami de Lille, qui le décide à venir finir ses jours dans cette ville.—Exercices publics des élèves du nouveau professeur.—Un journal de la localité publie des fragments de ses Mémoires. Il avait composé une nomenclature.—Sa mort et ses obsèques | 141 |
| CHAPITRE XVII ET DERNIER. | |
| LAURENT CLERC. | |
| Ses succès à l'École de l'abbé Sicard.—Ses rapports avec un académicien auprès duquel il avait à remplir une commission du respectable directeur.—Ses définitions et réponses aux exercices publics de l'Institution et autre part.—Il a été non-seulement l'interprète des élèves, mais encore le secrétaire de ses malheureux camarades.—Il appuie la supplique de l'un d'eux, graveur hongrois, auprès de l'ambassadeur d'Autriche. Appelé à fonder une nouvelle école à Hartfort, État de Connecticut (Amérique du Nord), il réussit à la faire prospérer.—Il unit son sort à celui d'une sourde-muette américaine qui lui donne six enfants, tous entendants-parlants.—Réponse au préjugé qui paraît encore régner sur la surdi-mutité héréditaire.—Voyages de Laurent Clerc en France.—Ses documents sur l'origine et les progrès de son école.—Ses anciens camarades et élèves lui offrent un dîner d'adieu.—Sa correspondance avec l'auteur de ce livre.—Sa fin aussi heureuse que sa vie, dans le Nouveau-Monde | 181 |
| NOTES | 195 |
| APPENDICE | 241 |
| ————— | |
| PARIS.—IMP. VICTOR GOUPY, 5, RUE GARANCIÈRE. | |
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR
—————
Histoire et Statistique de l'Éducation des Sourds-Muets, 1839, 1 vol. in-8º.
Notice sur la Vie et les Ouvrages d'Auguste Bébian, ancien Censeur des études de l'Institution des Sourds-Muets de Paris, 1839, 1 vol. in-8º.
Deux Mémoires, lus en 1839 et en 1840 au Congrès historique de Paris, l'un sur la Mimique chez les Peuples anciens et modernes, l'autre sur la Pantomime dans ses rapports, soit avec l'enseignement des Sourds-Muets, soit avec les connaissances humaines, in-8º.
Les Sourds-Muets avant et après l'Abbé de l'Épée, mémoire qui a obtenu le prix proposé par la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise, 1840, 1 vol. in-8º.
Examen critique de l'opinion de feu le docteur Itard, médecin en chef de l'Institution des Sourds-Muets de Paris, réfutation présentée aux Académies de médecine et des sciences morales et politiques, 1852, 1 vol. in-8º.
Observations sur la Mimique, considérée dans ses rapports avec l'enseignement des Sourds-Muets, adressées le 13 juin 1853 à l'Académie de médecine, à propos des questions relatives à la surdi-mutité, à l'articulation et à la lecture de la parole sur les lèvres, qui s'y discutaient en ce moment, in-8º.
Discours prononcés en langage mimique aux distributions solennelles des prix de l'Institution des Sourds-Muets de Paris, des 13 août 1842, 9 août 1849 et 8 août 1857, in-8º.
Banquets des Sourds-Muets réunis pour fêter les anniversaires de la naissance de l'abbé de l'Épée, de 1834 à 1848 et de 1849 à 1863, relation publiée par la Société centrale des Sourds-Muets de Paris, 2 vol. in-8º.
L'Abbé de l'Épée, sa vie, son apostolat, ses travaux, sa lutte et ses succès, avec l'historique des monuments élevés à sa mémoire à Paris et à Versailles, orné de son portrait en taille-douce, d'un fac-simile de son écriture, du dessin de son tombeau dans l'église Saint-Roch à Paris, et de celui de sa statue à Versailles, 1853, 1 vol. in-8º.
Le Code civil français mis à la portée des Sourds-Muets, de leurs familles et des parlants en rapport journalier avec eux, 1868, 1 vol. in-12.
POUR PARAITRE PROCHAINEMENT:
Souvenirs et Impressions de voyage d'un Sourd-Muet français en Italie.
NOTES:
[1] Relation des Banquets des Sourds-Muets, réunis pour fêter les anniversaires de la naissance de l'abbé de l'Épée, de 1834 à 1863, relation publiée par les soins de l'ancienne Société centrale des Sourds-Muets de Paris, 2 vol., à la librairie de L. Hachette et Ce, boulevard Saint-Germain, 77.
Les comptes rendus, depuis cette époque, paraîtront dans un troisième volume.
[2] Journal de l'Instruction des Sourds-muets et des Aveugles, 1826-1827.
[3] De l'Éducation des Sourds-muets de naissance, 2 vol. 1827.
[5] Voir à la fin du volume à la note B une lettre de l'abbé Sicard au citoyen Dubois, préfet de police, en faveur du gouverneur d'un élève sourd-muet, le sieur Brylot qui, par sa soumission à la loi de déportation, est sauvé du péril qui menace sa vie pendant les journées de septembre.
[7] Elle allait toucher à sa fin, après avoir langui pendant plus d'un an dans des douleurs inexprimables, quand, à la grande satisfaction de notre instituteur, elle est sauvée, grâce à un long voyage que sa tendre mère lui avait fait entreprendre.
[9] Voir, à la fin du volume, note F, la circulaire de l'intrus aux parents des sourds-muets.
[12] Dans la suite, élève de Girodet-Trioson, peintre d'histoire, elle s'est fait remarquer par ses gracieux tableaux. Quelle est intéressante la correspondance de sa mère, femme d'un mérite supérieur, avec le célèbre artiste qui essaie de mettre son élève chérie dans la confidence de ses secrets!
[15] Cette église fut jadis construite à côté de la chapelle de l'ancien monastère pour les besoins spirituels des fidèles du quartier, auxquels les heures des religieux ne pouvaient guère convenir.—Elle était séparée de l'église paroissiale de Saint-Jacques-du-Haut-Pas par une ruelle qui, pour cette raison, s'appelait rue des Deux-Églises, et qui, plus tard, reçut la dénomination de rue de l'abbé de l'Épée, qu'elle porte encore.
[16] Voir, à la fin du volume, à la note K, un rapport du sieur Mascé Mauclerc, remplissant les fonctions d'agent général en l'absence de son oncle.
[18] Voir, à la fin du volume, la note M, où se trouve le compte rendu de cet hommage d'après le Moniteur.
[20] L'abbé Pissin (Joseph Barthélemy) s'était pourvu auprès du garde des sceaux pour en obtenir l'autorisation d'ajouter à son nom celui de son maître, comme une preuve évidente de l'affection que lui portait celui-ci, et de s'appeler désormais Pissin-Sicard (Moniteur du 6 mars 1821).
[21] Voir, à la fin du volume, à la note O, le petit discours que je fus chargé de prononcer le 10 mars 1847 sur la tombe de cet estimable instituteur.
[22] Ç'a été pour moi un besoin du cœur de livrer, en 1839, à la publicité une Notice sur la vie et les ouvrages de cet éminent professeur.
[24] Voir, à la fin du volume, la note Q contenant une lettre de Mme Robert, née Bazin, à l'abbé Sicard, ainsi que l'extrait d'une lettre de la même au sujet de la candidature de Chateaubriand à l'Académie française.
Le petit-fils de cette dame, M. Charles Rossigneux, architecte distingué, à qui nous sommes redevables de ces précieux souvenirs, suppose que la première doit être de la fin de février 1811, et la seconde du 4 mars de la même année.
[25] Voir, à la fin de ce volume, à la note R, une lettre que Massieu m'adressa de Rodez, où il remplissait alors les fonctions de professeur.
[26] Voir la lettre en question à la fin du volume note S.
[27] Nous ne pouvons adhérer à cette qualification de stupides, sortie de la bouche de l'orateur, contre son intention, sans doute. Il aura voulu dire peut-être stupéfaits.
[29] M. Rey Lacroix a voulu élever lui-même sa fille sourde-muette en s'inspirant de la méthode de Sicard, et pour dernier exemple de sa tendresse paternelle, il a fait hommage, en l'an IX de la République, d'un livre intitulé: La Sourde-Muette de La Clapière, leçons données à ma fille, aux Sourds-Muets devenus ses amis, comme il le dit lui-même dans la Dédicace de son ouvrage.
(Note de l'auteur de ce travail).
[30] PIERRE LAUJON, chansonnier correct, élégant, gracieux, depuis longtemps oublié, mais qui n'en a pas moins joui, à son époque, d'une certaine réputation, naquit à Paris, le 13 janvier 1727, d'un procureur qui le destinait au barreau. Auteur d'une parodie d'Armide et d'un opéra de Daphnis et Chloé, qui lui valurent la protection de MM. de Nivernais, de Bernis, d'Argenteuil, du duc d'Ayen et de la comtesse de Villemure, amie de la favorite, il devint secrétaire du comte de Clermont, qui l'amena à l'armée, en qualité de commissaire des guerres, et le fit décorer de la croix de Saint-Louis. A la mort du comte de Clermont, le dernier prince de Condé le nomma secrétaire des commandements du duc de Bourbon. A la révolution de 1789, il reçut l'ordre de quitter le Palais-Bourbon, et perdit d'un coup ses traitements et ses pensions; il n'avait rien amassé. Il tomba dans un état voisin de la misère, et se vit réduit, pour ne pas mourir de faim, à vendre un à un les livres de sa précieuse bibliothèque, qu'il rachetait souvent fort cher le lendemain. Mais il ne tendit la main à personne, et continua à chanter, ne conservant qu'une chétive rente pour vivre avec sa famille.
Qui n'a entendu parler du Caveau, célèbre société gastronomique chantante, née en 1729, morte en 1789, dans laquelle siégeaient Piron, Collé, Crébillon fils, Gentil-Bernard et bien d'autres beaux-esprits contemporains? Trente ans après, en 1759, fut fondé un second Caveau, qui compta, parmi ses membres, Marmontel, Suard et Laujon, le plus jeune de la bande. Cette assemblée tenait ses séances au Rocher de Cancale, rue Montorgueil. Ces dîners furent remplacés en 1796 par ceux du Vaudeville, où siégeaient tous les chansonniers du temps, entre autres Jay, Jouy, Arnault, Piis, les deux Ségur, Dupaty, Etienne, Désaugiers, Eugène de Monglave, Moreau, Francis, etc. Le doyen Laujon fut élu président, honneur qui lui fraya la route de l'Académie française, à laquelle l'excellent homme avait toujours aspiré. Il fut élu, en 1807, à la place du jurisconsulte, ministre Portalis. Les temps ne changent pas. Il avait quatre-vingts ans; ses facultés commençaient à baisser. Conduit aux Tuileries pour être présenté, suivant l'usage, au chef de l'État, lui qui avait frayé avec tant de princes, perdit subitement la mémoire, ne se rappelant pas même les titres de ses ouvrages. Il s'éteignit doucement dans sa quatre-vingt-quatrième année, le 14 juillet 1811. Ses convives du Caveau élurent, après lui, Désaugiers à la présidence. L'assemblée se traîna comme elle put jusqu'en 1817 avec Béranger, le roi de la chanson. Puis, dîners et couplets cessèrent devant les exigences de la politique.
Les œuvres dramatiques de Laujon sont nombreuses. Il eut des succès à l'Opéra, aux Italiens, au Théâtre-Français; mais c'est surtout comme chansonnier qu'il fut estimé de nos grands-pères. Je ne l'ai jamais connu; je n'avais que huit ans à sa mort, mais j'ai rencontré sur ma route bon nombre de ses compères de l'Académie et du Caveau, qui conservaient un bien doux souvenir de cet aimable vieillard.
F. B.º
[31] L'abbé André Morellet, né à Lyon, le 7 mars 1727, d'un père commerçant, fut destiné, de bonne heure, à l'état ecclésiastique. Après avoir fait ses études à Paris, au séminaire des Trente-Trois, et pris ses grades à la Sorbonne, en 1752, il fut chargé d'une éducation particulière, et voyagea en Italie avec son élève. A son retour, il étudia les matières de droit public et d'économie politique, et, se consacrant tout entier à soutenir les opinions nouvelles, écrivit de nombreux ouvrages sur tous les sujets d'administration, de politique et de philosophie à l'ordre du jour.
Il partit pour l'Angleterre en 1772, et se lia avec Franklin, Garrick, l'évêque Warburton et le marquis de Lansdown, qui lui fit obtenir, en 1783, une pension de 4,000 livres de Louis XVI. En 1785, l'Académie française ouvrit ses portes à l'abbé Morellet, qui succéda à l'historien abbé Millot. A cette époque aussi, il obtint le prieuré de Thimers, d'un revenu de 16,000 livres.
La Révolution changea cette heureuse position de fortune; et le décret qui ordonna la vente des biens du clergé, refroidit le patriotisme de l'abbé Morellet; mais la destruction de l'Académie française fut pour lui le coup le plus cruel. Échappé au proscriptions, il chercha dans des travaux de traduction des ressources contre la misère. Il se mit à traduire des romans, entre autres ceux d'Anne Radcliffe.
En 1799, il fut nommé professeur d'économie politique aux écoles centrales, et la révolution du 18 Brumaire lui rendit son fauteuil à l'Académie. Joseph Bonaparte, qui estimait son talent et son caractère, le combla de bienfaits. Appelé au Corps législatif en 1808, à l'âge de quatre-vingt-trois ans, il y siégea jusqu'en 1815, et mourut en 1817 des suites d'une chute qu'il avait faite en 1814 à la sortie du spectacle. Un de ses plus importants ouvrages est sa traduction du Traité des délits et des peines de Beccaria.
[32] Sa fille sourde-muette, peintre de mérite.