L'Arcadie; suivie de La pierre d'Abraham
EXTRAIT
DES
ÉTUDES DE LA NATURE.
En y réfléchissant, il m’a paru que non-seulement la nature avait fait un jardin magnifique du monde entier, mais encore qu’elle en avait, pour ainsi dire, placé plusieurs les uns sur les autres, pour embellir le même sol de ses plus charmantes harmonies.
Dans nos climats tempérés, on voit se développer, dès les premiers jours d’avril, au milieu des sombres forêts, les réseaux de la pervenche et ceux de l’anemona nemorosa, qui recouvrent d’un long tapis vert et lustré les mousses et les feuilles desséchées par l’année précédente. Cependant, à l’orée des bois, on voit déjà fleurir les primevères, les violettes et les marguerites, qui bientôt disparaissent en partie pour faire place, en mai, à la hyacinthe bleue, à la croisette jaune qui sent le miel, au muguet parfumé, au genêt doré, au bassinet doré et vernissé, et aux trèfles rouges et blancs, si bien alliés aux graminées. Bientôt les orties blanches et jaunes, les fleurs du fraisier, celles du sceau de Salomon, sont remplacées par les coquelicots et les bluets, qui éclosent dans des oppositions ravissantes ; les églantiers épanouissent leurs guirlandes fraîches et variées, les fraises se colorent, les chèvrefeuilles parfument les airs ; on voit ensuite les vipérines d’un bleu pourpré, les bouillons blancs avec leurs longues quenouilles de fleurs soufrées et odorantes, les scabieuses battues des vents, les ansérines, les champignons, et les asclépias, qui restent bien avant dans l’hiver, où végètent des mousses de la plus tendre verdure.
Toutes ces fleurs paraissent successivement sur la même scène. Le gazon, dont la couleur est uniforme, sert de fond à ce riche tableau. Quand ces plantes ont fleuri et donné leurs graines, la plupart s’enfoncent et se cachent pour renaître avec d’autres printemps. Il y en a qui durent toute l’année, comme la pâquerette et le pissenlit ; d’autres s’épanouissent pendant cinq jours, après lesquels elles disparaissent entièrement : ce sont les éphémères de la végétation.
Les agréments de nos forêts ne le cèdent pas à ceux de nos champs. Si les bois ne renouvellent point leurs arbres avec les saisons, chaque espèce présente, dans le cours de l’année, les progrès de la prairie. D’abord les buissons donnent leurs fleurs ; les chèvrefeuilles déroulent leur tendre verdure ; l’aubépine parfumée se couronne de nombreux bouquets ; les ronces laissent pendre leurs grappes d’un bleu mourant ; les merisiers sauvages embaument les airs, et semblent couverts de neige au milieu du printemps ; les néfliers entr’ouvrent leurs larges fleurs aux extrémités d’un rameau cotonneux : les ormes donnent leurs fruits ; les hêtres développent leurs superbes feuillages, et enfin le chêne majestueux se couvre le dernier de ces feuilles épaisses qui doivent résister à l’hiver.
Comme dans les vertes prairies les fleurs se détachent du fond par l’éclat de leurs couleurs, de même les rameaux fleuris des arbrisseaux se détachent du feuillage des grands arbres. L’hiver présente de nouveaux accords ; car alors les fruits noirs du troëne, la mûre d’un bleu sombre, le fruit de corail de l’églantier, la baie du myrtille, brillent souvent au sein des neiges, et offrent aux petits oiseaux leur nourriture et un asile pendant la saison rigoureuse. Mais comment exprimer les ravissantes harmonies des vents qui agitent le sommet des graminées, et changent la prairie en une mer de verdure et de fleurs ; et celles des forêts, où les chênes antiques agitent leurs sommets vénérables, le bouleau ses feuilles pendantes, et les sombres sapins leurs longues flèches toujours vertes ? Du sein de ces forêts s’échappent de doux murmures, et s’exhalent mille parfums qui influent sur les qualités de l’air. Le matin, au lever de l’aurore, tout est chargé de gouttes de rosée qui argentent les flancs des collines et les bords des ruisseaux ; tout se meut au gré des vents ; de longs rayons de soleil dorent les cimes des arbres et traversent les forêts. Cependant des êtres d’un autre ordre, des nuées de papillons peints de mille couleurs, volent sans bruit sur les fleurs ; ici l’abeille et le bourdon murmurent ; là des oiseaux font leurs nids ; les airs retentissent de mille chansons. Les notes monotones du coucou et de la tourterelle servent de bases aux ravissants concerts du rossignol et aux accords vifs et gais de la fauvette. La prairie a ses oiseaux : les cailles qui couvent sous les herbes ; les alouettes, qui s’élèvent vers le ciel, au-dessus de leurs nids. On entend de tous côtés les accents maternels, on respire l’amour dans les vallons, dans les bois, dans les prés. Oh ! qu’il est doux alors de quitter les cités, qui ne retentissent que du bruit des marteaux des ouvriers et de celui des lourdes charrettes, ou des carrosses qui menacent l’homme de pied, pour errer dans les bois, sur les collines, au fond des vallons, sur des pelouses plus douces que les tapis de la Savonnerie, et qu’embellissent chaque jour de nouvelles fleurs et de nouveaux parfums.
Mais si nous considérons la nature dans les autres climats, nous verrons que les inondations des fleuves, telles que celles de l’Amazone, de l’Orénoque et de quantité d’autres, sont périodiques : elles fument les terres qu’elles submergent. On sait d’ailleurs que les bords de ces fleuves étaient peuplés de nations, avant les établissements des Européens : elles tiraient beaucoup d’utilité de leurs débordements, soit par l’abondance des pêches, soit par les engrais de leurs champs. Loin de les considérer comme des convulsions de la nature, elles les regardaient comme des bénédictions du ciel, ainsi que les Égyptiens considéraient les inondations du Nil. Était-ce donc un spectacle si déplaisant pour elles, de voir leurs profondes forêts coupées de longues allées d’eau, qu’elles pouvaient parcourir sans peine, en tous sens, dans leurs pirogues, et dont elles recueillaient les fruits avec la plus grande facilité ? Quelques peuplades même, comme celles de l’Orénoque, déterminées par ces avantages, avaient pris l’usage étrange d’habiter le sommet des arbres, et de chercher sous leur feuillage, comme les oiseaux, des logements, des vivres et des forteresses. Quoi qu’il en soit, la plupart d’entre elles n’habitaient que les bords des fleuves, et les préféraient aux vastes déserts qui les environnaient, et qui n’étaient point exposés aux inondations.
Nous ne voyons l’ordre que là où nous voyons notre blé. L’habitude où nous sommes de resserrer dans des digues le canal de nos rivières, de sabler nos grands chemins, d’aligner les allées de nos jardins, de tracer leurs bassins au cordeau, d’équarrir nos parterres et même nos arbres, nous accoutume à considérer tout ce qui s’écarte de notre équerre, comme livré à la confusion. Mais c’est dans les lieux où nous avons mis la main que l’on voit souvent un véritable désordre. Nous faisons jaillir des jets d’eau sur des montagnes ; nous plantons des peupliers et des tilleuls sur des rochers ; nous mettons des vignobles dans les vallées, et des prairies sur des collines. Pour peu que ces travaux soient négligés, tous ces petits nivellements sont bientôt confondus sous le niveau général des continents, et toutes ces cultures humaines disparaissent sous celles de la nature. Les pièces d’eau deviennent des marais, les murs des charmilles se hérissent, tous les berceaux s’obstruent, toutes les avenues se ferment : les végétaux naturels à chaque sol déclarent la guerre aux végétaux étrangers ; les chardons étoilés et les vigoureux verbascum étouffent sous leurs larges feuilles les gazons anglais ; des foules épaisses de graminées et de trèfles se réunissent autour des arbres de Judée ; les ronces de chien y grimpent avec leurs crochets, comme si elles y montaient à l’assaut ; des touffes d’orties s’emparent de l’urne des naïades, et des forêts de roseaux, des forges de Vulcain ; des plaques verdâtres de mnion rongent les visages des Vénus, sans respecter leur beauté. Les arbres mêmes assiégent le château ; les cerisiers sauvages, les ormes, les érables montent sur ses combles, enfoncent leurs longs pivots dans ses frontons élevés, et dominent enfin sur ces coupoles orgueilleuses. Les ruines d’un parc ne sont pas moins dignes des réflexions du sage, que celles des empires : elles montrent également combien le pouvoir de l’homme est faible quand il lutte contre celui de la nature.
Je n’ai pas eu le bonheur, comme les premiers marins qui découvrirent des îles inhabitées, de voir des terres sortir, pour ainsi dire, de ses mains ; mais j’en ai vu des portions assez peu altérées, pour être persuadé que rien alors ne devait égaler leurs beautés virginales. Elles ont influé sur les premières relations qui en ont été faites, et elles y ont répandu une fraîcheur, un coloris, et je ne sais quelle grâce naïve qui les distinguera toujours avantageusement, malgré leur simplicité, des descriptions savantes qu’on en a faites dans les derniers temps. C’est à l’influence de ces premiers aspects que j’attribue les grands talents des premiers écrivains qui ont parlé de la nature, et l’enthousiasme sublime dont Homère et Orphée ont rempli leurs poésies. Parmi les modernes, l’historien de l’amiral Anson, Cook, Banks, Solander et quelques autres, nous ont décrit plusieurs de ces sites naturels dans les îles de Tinian, de Masso, de Juan Fernandès et de Taïti, qui ont ravi tous les gens de goût, quoique ces îles eussent été dégradées en partie par les Indiens et par les Espagnols.
Je n’ai vu que des pays fréquentés par les Européens et désolés par la guerre ou par l’esclavage ; mais je me rappellerai toujours avec plaisir deux de ces sites, l’un en-deçà du tropique du Capricorne, l’autre au-delà du 60e degré nord. Malgré mon insuffisance, je vais essayer d’en tracer une esquisse, afin de donner au moins une idée de la manière dont la nature dispose ses plans dans des climats aussi opposés.
Le premier était une partie, alors inhabitée, de l’île de France, de quatorze lieues d’étendue, qui m’en parut la plus belle portion, quoique les noirs marrons qui s’y réfugient y eussent coupé, sur les rivages de la mer, les lataniers avec lesquels ils fabriquent des ajoupas, et dans les montagnes, des palmistes dont ils mangent les sommités, et des lianes dont ils font des filets pour la pèche. Ils dégradent aussi les bords des ruisseaux en y fouillant les oignons des nymphæa, dont ils vivent, et ceux mêmes de la mer, dont ils mangent sans exception toutes les espèces de coquillages, qu’ils laissent çà et là sur les rivages par grands amas brûlés. Malgré ces désordres, cette portion de l’île avait conservé des traits de son antique beauté. Elle est exposée au vent perpétuel du sud-est, qui empêche les forêts qui la couvrent de s’étendre jusqu’au bord de la mer ; mais une large lisière de gazon d’un beau vert gris, qui l’environne, en facilite la communication tout autour, et s’harmonie, d’un côté, avec la verdure des bois, et, de l’autre, avec l’azur des flots. La vue se trouve ainsi partagée en deux aspects, l’un terrestre, et l’autre maritime. Celui de la terre présente des collines qui fuient les unes derrière les autres, en amphithéâtre, et dont les contours, couverts d’arbres en pyramides, se profilent avec majesté sur la voûte des cieux. Au-dessus de ces forêts s’élève comme une seconde, forêt de palmistes, qui balancent au-dessus des vallées solitaires leurs longues colonnes couronnées d’un panache de palmes et surmontées d’une lance. Les montagnes de l’intérieur présentent au loin des plateaux de rochers, garnis de grands arbres et de lianes pendantes, qui flottent, comme des draperies, au gré des vents. Elles sont surmontées de hauts pitons, autour desquels se rassemblent sans cesse des nuées pluvieuses ; et lorsque les rayons du soleil les éclairent, on voit les couleurs de l’arc-en-ciel se peindre sur leurs escarpements, et les eaux des pluies couler sur leurs flancs bruns, en nappes brillantes de cristal ou en longs filets d’argent. Aucun obstacle n’empêche de parcourir les bords qui tapissent leurs flancs et leurs bases ; car les ruisseaux qui descendent des montagnes présentent, le long de leurs rives, des lisières de sable, ou de larges plateaux de roches qu’ils ont dépouillés de leurs terres. De plus, ils frayent un libre passage depuis leurs sources jusqu’à leurs embouchures, en détruisant les arbres qui croîtraient dans leurs lits, et en fertilisant ceux qui naissent sur leurs bords ; et ils ménagent au-dessus d’eux, dans tout leur cours, de grandes voûtes de verdure qui fuient en perspective, et qu’on aperçoit des bords de la mer. Des lianes s’entrelacent dans les cintres de ces voûtes, assurent leurs arcades contre les vents, et les décorent de la manière la plus agréable, en opposant à leurs feuillages d’autres feuillages, et à leur verdure des guirlandes de fleurs brillantes ou de gousses colorées. Si quelque arbre tombe de vétusté, la nature, qui hâte partout la destruction de tous les êtres inutiles, couvre son tronc de capillaires du plus beau vert, et d’agarics ondés de jaune, d’aurore et de pourpre, qui se nourrissent de ces débris. Du côté de la mer, le gazon qui termine l’île est parsemé çà et là de bosquets de lataniers, dont les palmes, faites en éventail et attachées à des queues souples, rayonnent en l’air comme de soleils de verdure. Ces lataniers s’avancent jusque dans la mer sur les caps de l’île, avec les oiseaux de terre qui les habitent, tandis que de petites baies, où nagent une multitude d’oiseaux de marine, et qui sont, pour ainsi dire, pavées de madrépores couleur de fleur de pêcher, de roches noires couvertes de nérites couleur de rose, et de toutes sortes de coquillages, pénètrent dans l’île, et réfléchissent comme des miroirs tous les objets de la terre et des cieux. Vous croiriez y voir les oiseaux voler dans l’eau et les poissons nager dans les arbres, et vous diriez du mariage de la Terre et de l’Océan qui entrelacent et confondent leurs domaines. Dans la plupart même des îles inhabitées, situées entre les tropiques, on a trouvé, lorsqu’on en a fait la découverte, les bancs de sable qui les environnent remplis de tortues qui y venaient faire leur ponte, et de flamants couleur de rose qui ressemblent, sur leurs nids, à des brandons de feu. Elles étaient encore bordées de mangliers couverts d’huîtres, qui opposaient leurs feuillages flottants à la violence des flots, et de cocotiers chargés de fruits, qui, s’avançant jusque dans la mer, le long des récifs, présentaient aux navigateurs l’aspect d’une ville avec ses remparts, et ses avenues, et leur annonçaient de loin les asiles qui leur étaient préparés par le dieu des mers. Ces divers genres de beauté ont dû être communs à l’île de France comme à beaucoup d’autres îles, et ils auront sans doute été détruits par les besoins des premiers marins qui y ont abordé. Tel est le tableau bien imparfait d’un pays dont les anciens philosophes jugeaient le climat inhabitable, et dont les philosophes modernes regardent le sol comme une écume de l’Océan ou des volcans.
Le second lieu agreste que j’ai vu était dans la Finlande russe, lorsque j’étais employé, en 1764, à la visite de ses places avec les généraux du corps du génie dans lequel je servais. Nous voyagions entre la Suède et la Russie, dans des pays si peu fréquentés que les sapins avaient poussé dans le grand chemin de démarcation qui sépare leur territoire. Il était impossible d’y passer en voiture, et il fallut y envoyer des paysans pour les couper, afin que nos équipages pussent nous suivre. Cependant nous pouvions pénétrer partout à pied et souvent à cheval, quoiqu’il nous fallût visiter les détours, les sommets et les plus petits recoins d’un grand nombre de rochers, pour en examiner les défenses naturelles, et que la Finlande en soit si couverte que les anciens géographes lui ont donné le surnom de Lapidosa. Non-seulement ces rochers y sont répandus en grands blocs à la surface de la terre, mais les vallées et les collines tout entières y sont en beaucoup d’endroits formées d’une seule pièce de roc vif. Ce roc est un granit tendre qui s’exfolie, et dont les débris fertilisent les plantes en même temps que ses grandes masses les abritent contre les vents du nord, et réfléchissent sur elles les rayons du soleil par leur courbure et par les particules de mica dont il est rempli. Les fonds de ces vallées étaient tapissés de longues lisières de prairies qui facilitent partout la communication. Aux endroits où elles étaient de roc tout pur, comme à leur naissance, elles étaient couvertes d’une plante appelée kloukva, qui se plaît sur les rochers. Elle sort de leurs fentes et ne s’élève guère à plus d’un pied et demi de hauteur ; mais elle trace de tous côtés et s’étend fort loin. Ses feuilles et sa verdure ressemblent à celles du buis, et ses rameaux sont parsemés de fruits rouges bons à manger, semblables à des fraises. Des sapins, des bouleaux et des sorbiers végétaient à merveille sur les flancs de ces collines, quoique ils y trouvassent à peine assez de terre pour y enfoncer leurs racines. Les sommets de la plupart de ces collines de roc étaient arrondis en forme de calotte, et rendus tout luisants par des eaux qui suintaient à travers de longues fêlures qui les sillonnaient. Plusieurs de ces calottes étaient toutes nues, et si glissantes qu’à peine pouvait-on y marcher. Elles étaient couronnées, tout autour, d’une large ceinture de mousses d’un vert d’émeraude, d’où sortait çà et là une multitude infinie de champignons de toutes les formes et de toutes les couleurs. Il y en avait de faits comme de gros étuis, couleur d’écarlate, piquetés de points blancs ; d’autres, de couleur d’orange, formés en parasols ; d’autres, jaunes comme du safran et allongés comme des œufs. Il y en avait du plus beau blanc et si bien tournés en rond, qu’on les eût pris pour des dames d’ivoire. Ces mousses et ces champignons se répandaient le long des filets d’eau qui coulaient des sommets de ces collines de roc, s’étendaient en longs rayons jusqu’à travers les bois dont leurs flancs étaient couverts, et venaient border leurs lisières en se confondant avec une multitude de fraisiers et de framboisiers. La nature, pour dédommager ce pays de la rareté des fleurs apparentes qu’il produit en petit nombre, en a donné les parfums à plusieurs plantes, telles qu’au Calamus aromaticus ; au bouleau, qui exhale au printemps une forte odeur de rose ; et au sapin, dont les pommes sont odorantes. Elle a répandu de même les couleurs les plus agréables et les plus brillantes des fleurs sur les végétations les plus communes, telles que sur les cônes du mélèze, qui sont d’un beau violet, sur les baies écarlates du sorbier, sur les mousses, les champignons et même sur les choux-raves…
Rien n’égale, à mon avis, le beau vert des plantes du Nord, au printemps. J’y ai souvent admiré celui des bouleaux, des gazons et des mousses, dont quelques-unes sont glacées de violet et de pourpre. Les sombres sapins mêmes se festonnent alors du vert le plus tendre ; et lorsqu’ils viennent à jeter de l’extrémité de leurs rameaux des touffes jaunes d’étamines, ils paraissent comme de vastes pyramides toutes chargées de lampions. Nous ne trouvions nul obstacle à marcher dans leurs forêts. Quelquefois nous y rencontrions des bouleaux renversés et tout vermoulus ; mais en mettant les pieds sur leur écorce, elle nous supportait comme un cuir épais. Le bois de ces bouleaux pourrit fort vite, et leur écorce, qu’aucune humidité ne peut corrompre, est entraînée à la fonte des neiges, dans les lacs, sur lesquels elle surnage tout d’une pièce. Quant aux sapins, lorsqu’ils tombent, l’humidité et les mousses les détruisent en fort peu de temps. Ce pays est entrecoupé de grands lacs qui présentent partout de nouveaux moyens de communication en pénétrant par leurs longs golfes dans les terres, et offrent un nouveau genre de beauté, en réfléchissant dans leurs eaux tranquilles les orifices des vallées, les collines moussues, et les sapins inclinés sur les promontoires de leurs rivages…
Les plantes ne sont donc pas jetées au hasard sur la terre ; et quoiqu’on n’ait encore rien dit sur leur ordonnance en général dans les divers climats, cette simple esquisse suffit pour faire voir qu’il y a de l’ordre dans leur ensemble. Si nous examinons de même superficiellement leur développement, leur attitude et leur grandeur, nous verrons qu’il y a autant d’harmonie dans l’agrégation de leurs parties que dans celle de leurs espèces. Elles ne peuvent en aucune manière être considérées comme des productions mécaniques du chaud et du froid, de la sécheresse et de l’humidité. Les systèmes de nos sciences nous ont ramenés précisément aux opinions qui jetèrent les peuples barbares dans l’idolâtrie, comme si la fin de nos lumières devait être le commencement et le retour de nos ténèbres. Voici ce que leur reproche l’auteur du livre de la Sagesse : Aut ignem, aut spiritum, aut citatum aerem, aut gyrum stellarum, aut nimiam aquam, aut solem et lunam, rectores orbis terrarum deos putaverunt. « Ils se sont imaginé que le feu, ou le vent, ou l’air le plus subtil, ou l’influence des étoiles, ou la mer, ou le soleil et la lune régissaient la terre et en étaient les dieux. »
Toutes ces causes physiques réunies n’ont pas ordonné le port d’une seule mousse. Pour nous en convaincre, commençons par examiner la circulation des plantes. On a posé comme un principe certain que leurs sèves montaient par leur bois et redescendaient par leur écorce. Je n’opposerai aux expériences qu’on en a rapportées qu’un grand marronnier des Tuileries, voisin de la terrasse des Feuillants, qui, depuis plus de vingt ans, n’a point d’écorce autour de son pied, et qui cependant est plein de vigueur. Plusieurs ormes des boulevards sont dans le même cas. D’un autre côté, on voit de vieux saules caverneux qui n’ont point du tout de bois. D’ailleurs, comment peut-on appliquer ce principe à la végétation d’une multitude de plantes, dont les unes n’ont que des tubes, et d’autres n’ont point du tout d’écorce, et ne sont revêtues que de pellicules sèches ?
Il n’y a pas plus de vérité à supposer qu’elles s’élèvent en ligne perpendiculaire, et qu’elles sont déterminées à cette direction par l’action des colonnes de l’air. Quelques-unes, à la vérité, la suivent, comme le sapin, l’épi de blé, le roseau ; mais un bien plus grand nombre s’en écarte, tels que les volubilis, les vignes, les lianes, les haricots, etc… D’autres montent verticalement, et étant parvenues à une certaine hauteur, en plein air, sans éprouver aucun obstacle, se fourchent en plusieurs tiges, et étendent horizontalement leurs branches, comme les pommiers ; ou les inclinent vers la terre, comme les sapins ; ou les creusent en forme de coupe, comme les sassafras ; ou les arrondissent en tête de champignon, comme les pins ; ou les dressent en obélisque comme les peupliers ; ou les tournent en laine de quenouille, comme les cyprès ; ou les laissent flotter au gré des vents, comme les bouleaux. Toutes ces altitudes se voient sous le même rumb de vent. Il y en a même qui adoptent des formes auxquelles l’art des jardiniers aurait bien de la peine à les assujétir. Tel est le badamier des Indes, qui croît en pyramide, comme le sapin, et la porte divisée par étages, comme un roi d’échecs. Il y a des plantes très-vigoureuses qui, loin de suivre la ligne verticale, s’en écartent au moment même où elles sortent de terre. Telle est la fausse patate des Indes, qui aime à se traîner sur le sable des rivages des pays chauds, dont elle couvre des arpents entiers. Tel est encore le rotin de la Chine, qui croît souvent aux mêmes endroits. Ces plantes ne rampent point par faiblesse. Les scions du rotin sont si forts, qu’on en fait, à la Chine, des câbles pour les vaisseaux ; et lorsqu’ils sont sur la terre, les cerfs s’y prennent tout vivants, sans pouvoir s’en dépêtrer. Ce sont des filets dressés par la nature. Je ne finirais pas si je voulais parcourir ici les différents ports des végétaux ; ce que j’en ai dit suffit pour montrer qu’il n’y en a aucun qui soit érigé par la colonne verticale de l’air. On a été induit à cette erreur, parce qu’on a supposé qu’ils cherchaient le plus grand volume d’air, et cette erreur de physique en a produit une autre en géométrie ; car, dans cette supposition, ils devraient se jeter tous à l’horizon, parce que la colonne d’air y est beaucoup plus considérable qu’au zénith. Il faut de même supprimer les conséquences qu’on en a tirées, et qu’on a posées comme des principes de jurisprudence pour le partage des terres, dans des livres vantés de mathématiques, tels que celui-ci, « qu’il ne croît pas plus de bois ni plus d’herbes sur la pente d’une montagne qu’il n’en croîtrait sur sa base. » Il n’y a pas de bûcheron ni de faneur qui ne vous démontre le contraire par l’expérience.
Les plantes, dit-on, sont des corps mécaniques. Essayez de faire un corps aussi mince, aussi tendre, aussi fragile que celui d’une feuille, qui résiste des années entières aux vents, aux pluies, à la gelée et au soleil le plus ardent. Un esprit de vie, indépendant de toutes les latitudes, régit les plantes, les conserve et les reproduit. Elles réparent leurs blessures, et elles recouvrent leurs plaies de nouvelles écorces. Les pyramides de l’Égypte s’en vont en poudre, et les graminées du temps des Pharaons subsistent encore. Que de tombeaux grecs et romains, dont les pierres étaient ancrées de fer, ont disparu ! Il n’est resté, autour de leurs ruines, que les cyprès qui les ombrageaient. C’est le soleil, dit-on, qui donne l’existence aux végétaux, et qui l’entretient. Mais ce grand agent de la nature, tout puissant qu’il est, n’est pas même la cause unique et déterminante de leur développement. Si la chaleur invite la plupart de ceux de nos climats à ouvrir leurs fleurs, elle en oblige d’autres à les fermer. Tels sont, dans ceux-ci, la belle-de-nuit du Pérou, et l’arbre-triste des Moluques, qui ne fleurissent que la nuit. Son éloignement même de notre hémisphère n’y détruit point la puissance de la nature. C’est alors que végètent la plupart des mousses qui tapissent les rochers d’un vert d’émeraude, et que les troncs des arbres se couvrent, dans des lieux humides, de plantes imperceptibles à la vue, appelées mnions et lichens, qui les font paraître, au milieu des glaces, comme des colonnes de bronze vert. Ces végétations, au plus fort de l’hiver, détruisent tous nos raisonnements sur les effets universels de la chaleur, puisque des plantes d’une organisation si délicate semblent avoir besoin, pour se développer, de la plus douce température. La chute même des feuilles, que nous regardons comme un effet de l’absence du soleil, n’est point occasionnée par le froid. Si les palmiers les conservent toute l’année dans le Midi, les sapins les gardent, au Nord, en tout temps. A la vérité, les bouleaux, les mélèzes et plusieurs autres espèces d’arbres les perdent, dans le Nord, à l’entrée de l’hiver ; mais ce dépouillement arrive aussi à d’autres arbres dans le Midi. Ce sont, dit-on, les résines qui conservent, dans le Nord, celles des sapins ; mais le mélèze, qui est résineux, y laisse tomber les siennes ; et le filaria, le lierre, l’alaterne, et plusieurs autres espèces qui ne le sont point, les gardent chez nous toute l’année. Sans recourir à ces causes mécaniques, dont les effets se contredisent toujours dès qu’on veut les généraliser, pourquoi ne pas reconnaître, dans ces variétés de la végétation, la constance d’une Providence ? Elle a mis, au Midi, des arbres toujours verts, et leur a donné un large feuillage pour abriter les animaux de la chaleur. Elle y est encore venue au secours des animaux en les couvrant de robes à poil ras, afin de les vêtir à la légère ; et elle a tapissé la terre qu’ils habitent de fougères et de lianes vertes, afin de les tenir fraîchement. Elle n’a pas oublié les besoins des animaux du Nord : elle a donné à ceux-ci pour toits les sapins toujours verts, dont les pyramides hautes et touffues écartent les neiges du leurs pieds, et dont les branches sont si garnies de longues mousses grises, qu’à peine on en aperçoit le tronc ; pour litières, les mousses mêmes de la terre, qui y ont en plusieurs endroits plus d’un pied d’épaisseur, et les feuilles molles et sèches de beaucoup d’arbres, qui tombent précisément à l’entrée de la mauvaise saison ; enfin, pour provisions, les fruits de ces mêmes arbres, qui sont alors en pleine maturité. Elle y ajoute çà et là les grappes des sorbiers, qui, brillant au loin sur la blancheur des neiges, invitent les oiseaux à recourir à ces asiles ; en sorte que les perdrix, les coqs de bruyère, les oiseaux de neige, les lièvres, les écureuils, trouvent souvent, à l’abri du même sapin, de quoi se loger, se nourrir et se tenir fort chaudement.
Mais un des plus grands bienfaits de la Providence envers les animaux du Nord, est de les avoir revêtus de robes fourrées, de poils longs et épais, qui croissent précisément en hiver, et qui tombent en été. Les naturalistes, qui regardent les poils des animaux comme des espèces de végétations, ne manquent pas d’expliquer leur accroissement par la chaleur. Ils confirment leur système par l’exemple de la barbe et des cheveux de l’homme, qui croissent rapidement en été. Mais je leur demande pourquoi, dans les pays froids, les chevaux, qui y sont ras en été, se couvrent en hiver d’un poil long et frisé comme la laine des moutons ? A cela ils répondent que c’est la chaleur intérieure de leur corps, augmentée par l’action extérieure du froid, qui produit cette merveille. Fort bien. Je pourrais leur objecter que le froid ne produit pas cet effet sur la barbe et sur les cheveux de l’homme, puisqu’il retarde leur accroissement ; que, de plus, sur les animaux revêtus en hiver par la Providence, les poils sont beaucoup plus longs et plus épais aux endroits de leur corps qui ont le moins de chaleur naturelle, tels qu’à la queue, qui est très-touffue dans les chevaux, les martres, les renards et les loups, et que ces poils sont courts et rares aux endroits où elle est la plus grande, comme au ventre. Leur dos, leurs oreilles, et souvent même leurs pattes sont les parties de leur corps les plus couvertes de poils. Mais je me contente de leur proposer cette dernière objection : la chaleur extérieure et intérieure d’un lion d’Afrique doit être au moins aussi ardente que celle d’un loup de Sibérie ; pourquoi le premier est-il à poil ras, tandis que le second est velu jusqu’aux yeux ?
Le froid, que nous regardons comme un des plus grands obstacles de la végétation, est aussi nécessaire à certaines plantes que la chaleur l’est à d’autres. Si celles du Midi ne sauraient croître au nord, celles du Nord ne réussissent pas mieux au midi…
Il s’en faut beaucoup que le froid soit l’ennemi de toutes les plantes, puisque ce n’est que dans le Nord que l’on trouve les forêts les plus élevées et les plus étendues qu’il y ait sur la terre. Ce n’est qu’au pied des neiges éternelles du mont Liban que le cèdre, le roi des végétaux, s’élève dans toute sa majesté. Le sapin, qui est après lui l’arbre le plus grand de nos forêts, ne vient à une hauteur prodigieuse que dans les montagnes à glaces et dans les climats froids de la Norwége et de la Russie. Pline dit que la plus grande pièce de bois qu’on eût vue à Rome jusqu’à son temps, était une poutre de sapin de cent vingt pieds de long et de deux pieds d’équarrissage aux deux bouts, que Tibère avait fait venir des froides montagnes de la Valteline, du côté du Piémont, et que Néron employa à son amphithéâtre. « Jugez, dit-il, quelle devait être la longueur de l’arbre entier, par ce qu’on en avait coupé. » Cependant, comme je crois que Pline parle de pieds romains, qui sont de la même grandeur que ceux du Rhin, il faut diminuer cette dimension d’un douzième à peu près. Il cite encore le mât de sapin du vaisseau qui apporta d’Égypte l’obélisque que Caligula fit mettre au Vatican ; ce mât avait quatre brasses de tour. Je ne sais d’où on l’avait tiré. Pour moi, j’ai vu en Russie des sapins auprès desquels ceux de nos climats tempérés ne sont que des avortons. J’en ai vu, entre autres, deux tronçons, entre Pétersbourg et Moscou, qui surpassaient en grosseur les plus gros mâts de nos vaisseaux de guerre, quoique ceux-ci soient faits de plusieurs pièces. Ils étaient coupés du même arbre, et servaient de montant à la porte de la basse-cour d’un paysan. Les bateaux qui apportent du lac de Ladoga des provisions à Pétersbourg ne sont guère moins grands que ceux qui remontent de Rouen à Paris. Ils sont construits de planches de sapin de deux à trois pouces d’épaisseur, quelquefois de deux pieds de large, et qui ont de longueur toute celle du bateau. Les charpentiers russes des cantons où on les bâtit ne font d’un arbre qu’une seule planche, le bois y étant si commun qu’ils ne se donnent pas la peine de le scier. Avant que j’eusse voyagé dans les pays du Nord, je me figurais, d’après les lois de notre physique, que la terre devait y être dépouillée de végétaux par la rigueur du froid. Je fus fort étonné d’y voir les plus grands arbres que j’eusse vus de ma vie, et placés si près les uns des autres qu’un écureuil pourrait parcourir une bonne partie de la Russie sans mettre le pied à terre, en sautant de branche en branche. Cette forêt de sapins couvre la Finlande, l’Ingrie, l’Estonie, tout l’espace compris entre Pétersbourg et Moscou, et de là s’étend sur une grande partie de la Pologne, où les chênes commencent à paraître, comme je l’ai observé moi-même en traversant ces pays. Mais ce que j’en ai vu n’en est que la moindre partie, puisqu’on sait qu’elle s’étend depuis la Norwége jusqu’au Kamtschatka, quelques déserts sablonneux exceptés, et depuis Breslau jusqu’aux bords de la mer Glaciale.
Je terminerai cet article par réfuter une erreur, qui est que le froid a diminué dans le Nord parce qu’on y a abattu des forêts. Comme elle a été mise en avant par quelques-uns de nos écrivains les plus célèbres, et répétée ensuite, comme c’est l’usage, par la foule des autres, il est important de la détruire, parce qu’elle est très-nuisible à l’économie rurale. Je l’ai adoptée longtemps, sur la foi historique ; et ce ne sont point des livres qui m’ont fait revenir, ce sont des paysans.
Un jour d’été, sur les deux heures après midi, étant sur le point de traverser la forêt d’Ivry, je vis des bergers avec leurs troupeaux qui s’en tenaient à quelque distance, en se reposant à l’ombre de quelques arbres épars dans la campagne. Je leur demandai pourquoi ils n’entraient pas dans la forêt pour se mettre, eux et leurs troupeaux, à couvert de la chaleur. Ils me répondirent qu’il y faisait trop chaud, et qu’ils n’y menaient leurs moutons que le matin et le soir. Cependant, comme je désirais parcourir en plein jour les bois où Henri IV avait chassé, et arriver de bonne heure à Anet…, j’engageai l’enfant d’un de ces bergers à me servir de guide, ce qui lui fut fort aisé, car le chemin qui mène à Anet traverse la forêt en ligne droite ; il est si peu fréquenté de ce côté-là, que je le trouvai couvert, en beaucoup d’endroits, de gazons et de fraisiers. J’éprouvai, pendant tout le temps que j’y marchai, une chaleur étouffante et beaucoup plus forte que celle qui régnait dans la campagne. Je ne commençai même à respirer que quand j’en fus tout-à-fait sorti, et que je fus éloigné des bords de la forêt de plus de trois portées de fusil…
J’ai depuis réfléchi sur ce que m’avaient dit ces bergers sur la chaleur des bois, et sur celle que j’y avais éprouvée moi-même, et j’ai remarqué, en effet, qu’au printemps toutes les plantes sont plus précoces dans leur voisinage, et qu’on trouve des violettes en fleur sur leurs lisières, bien avant qu’on en cueille dans les plaines et sur les collines découvertes. Les forêts mettent donc les terres à l’abri du froid dans le Nord ; mais ce qu’il y a d’admirable, c’est qu’elles les mettent à l’abri de la chaleur dans les pays chauds. Ces deux effets opposés viennent uniquement des formes et des dispositions différentes de leurs feuilles. Dans le Nord, celles des sapins, des mélèzes, des pins, des cèdres, des genévriers, sont petites, lustrées et vernissées ; leur finesse, leur vernis et la multitude de leurs plans réfléchissent la chaleur autour d’elles en mille manières ; elles produisent à peu près les mêmes effets que les poils des animaux du Nord, dont la fourrure est d’autant plus chaude que leurs poils sont fins et lustrés. D’ailleurs, les feuilles de plusieurs espèces, comme celles des sapins et des bouleaux, sont suspendues perpendiculairement à leurs rameaux par de longues queues mobiles, en sorte qu’au moindre vent elles réfléchissent autour d’elles les rayons du soleil comme des miroirs. Au Midi, au contraire, les palmiers, les talipots, les cocotiers, les bananiers portent de grandes feuilles qui, du côté de la terre, sont plutôt mates que lustrées, et qui, en s’étendant horizontalement, forment au-dessous d’elles de grandes ombres, où il n’y a aucune réflexion de chaleur. Je conviens cependant que le défrichement des forêts dissipe les fraîcheurs occasionnées par l’humidité ; mais il augmente les froids secs et âpres du Nord, comme on l’a éprouvé dans les hautes montagnes de la Norwége, qui étaient autrefois cultivées et qui sont aujourd’hui inhabitables, parce qu’on les a totalement dépouillées de leurs bois. Ces mêmes défrichements augmentent aussi la chaleur dans les pays chauds, comme je l’ai observé à l’île de France, sur plusieurs côtes qui sont devenues si arides depuis qu’on n’y a laissé aucun arbre, qu’elles sont aujourd’hui sans culture. L’herbe même qui y pousse pendant la saison des pluies est en peu de temps rôtie par le soleil. Ce qu’il y a de pis, c’est qu’il est résulté de la sécheresse de ces côtes le dessèchement de quantité de ruisseaux ; car les arbres plantés sur les hauteurs y attirent l’humidité de l’air, et l’y fixent.
FIN.