L'avant-naissance de Claude Dolet
CLAVDIN DE TOVRAINE
A Estienne Dolet,
SALVT.
APRES le grand labeur, auquel estois contrainct de vacquer totalement cest yuer passé (pour la fondation de mon honneur, et acquerir quelcque estime entre les doctes) venant de Lyon a Tours, pour relief de la fascherie de mon voyage, ie me mys a composer quelcques dixains et huictains sur la naissance du filz qu’il a pleu a Dieu te donner pour le commencement du grand heur de ton mariage. Lequel combien que plusieurs (peu congnoissantz ton esprit, et iugement) ayent trouué estrange, pour ce que par la cuydent ta fortune (quant aux biens) estre troncquee, ou pour le moyns retardee de beaucoup : ie l’ay toutesfoys tousiours trouué bon, et louable. Car ie scay que tu n’as chose en plus grande recommendation que de viure selon le commandement de Dieu : et de t’entretenir en tranquillité d’esprit, pour plus amplement vacquer aux letres. Ces raisons doncques sont apparentes, que non follement et sans iugement tu t’es marié, mais pour le plus hault bien que tu as peu choisir, as ce faict : soit pour reuerer l’honneur de Dieu : soit pour viure entre les hommes sans reproche de paillardise : soit pour augmenter le bien literal de tes labeurs assiduz. Ioinct, que tu n’as faict ce sans exemple prouuable : comme d’vng Socrates (tenu en son temps le plus saige du monde) d’vng Cicero (ton dieu vnique en eloquence) et de nostre temps d’vng Budée. Mais il n’est besoing de debattre que tu ayes faict cela auec raison et iugement singulier, car ceulx qui bien te congnoissent n’ignorent de quelle prudence tu vses maintenant en tes affaires. Ie laisse doncq ce propos et reuiens a mes dixains. Aiant entendu que le liure que tu as composé en latin sur l’auant-naissance de ton filz estoit traduict en francoys, et que tu deliberoys de l’imprimer, ie t’ay bien voulu enuoyer ceste mienne facture : non pour aultre chose toutesfoys, que pour demonstration de l’amytié que ie te porte. Et si messieurs les Rithmartz de France ne la trouuent selon leur goust, ie ne m’en soucie en rien, moyennant qu’elle te plaise. Adieu amy.
Dixain du Filz de Dolet.
Huictain.
Dixain.
Huictain.
FIN.