L'ibis bleu
TROISIÈME PARTIE
I
A pleins bras, comme il eût porté une enfant, Pierre porta Elise jusque dans sa chambre. Déjà, sincèrement, sa résolution était prise. Son cœur, léger, était bon. «Ah! on la chassait?... Eh bien, il la garderait, lui! Elle était sienne, maintenant, sa maîtresse définitive et, qui sait! peut-être, un jour sa femme...»
Elle n'était pas évanouie. Pourtant le contact de l'eau à peine fraîche, en ce mois chaud, ne l'avait pas rendue à elle-même. C'était dans un délire confus qu'elle s'était jetée à la mer; et, sous l'eau, elle avait éprouvé, comme dans la fièvre, un bien-être mauvais! Elle avait eu non pas l'idée mais la sensation d'un enveloppement brusque dans la mort liquide, fatale, où ses douleurs étaient sûres d'étouffer. Ses douleurs, c'était elle-même. Elle se sentait donc, avec une joie étrange, ensevelie vivante, d'un seul coup... elle allait mourir... elle le voulait... et ne savait plus pourquoi... mais elle le voulait! Elle souffrait, ne voulait plus souffrir, et ne savait plus de quoi! Sa volonté, sa raison déjà avaient abandonné le monde des vivants et pourtant la vie physique était encore intégrale en elle. Elle n'eut pas même le temps de vouloir mécaniquement respirer. L'eau amère n'était pas même arrivée à sa bouche, quand elle se sentit saisie, arrêtée dans son élan inflexible vers la mort et l'oubli.
A ce moment elle voulut avancer plus loin dans la mort et pour cela crier: «Laissez-moi!» Elle ouvrit la bouche et but; elle se sentit étouffer. Tout le reste disparut pour elle aussitôt. Il n'y eut plus en elle de douleur autre que l'angoisse de l'asphyxie. La volonté de la nature se substitua, infinie, à toutes les raisons, toujours agissantes quoique oubliées, qu'elle avait de vouloir mourir—et la créature désira respirer. Et, lorsque, après une minute de cauchemar sous l'eau profonde, elle se sentit ramenée à l'air des vivants, alors elle s'abandonna dans les bras qui la sauvaient. Et tandis que Pierre la descendait, toute ruisselante dans sa chambre, il se sentait serré contre elle. Il s'y trompait. Ce n'était pas la maîtresse qui étreignait l'aimé. C'était une femme qui, obéissante à la nature physique, étreignait la vie retrouvée.
Instinctivement, le capitaine le suivait, ce que François, le valet de chambre, n'osa point faire. Pierre vit le capitaine passer devant lui et ouvrir les portes, puis s'éloigner en lui disant:
—Je vais revenir, monsieur Pierre!
Le vieux brave homme l'appelait souvent ainsi. Il l'avait connu tout petit.
Pierre, qui avait compris, attendait debout, avec son fardeau entre les bras, qui ruisselait comme lui d'eau marine.
Le capitaine revint aussitôt et jeta sur le parquet un matelas qu'il avait pris en hâte dans une chambre voisine. Et, agenouillé tout en développant le matelas, il expliquait:
—Il faudra tout à l'heure un lit bien sec et bien chaud... Ne vous effrayez pas, monsieur Pierre. Ce ne sera rien. La saison est bonne.
—C'est bien, merci, mon ami, dit Pierre, je ferai le thé moi-même et tout ce qu'il faut...
Le bon capitaine, de nouveau, sortit.
Pierre s'agenouilla à son tour près du matelas sur lequel il posa Elise, mais elle crispait ses bras autour de son cou, et il ne pouvait parvenir à lui faire lâcher prise. Elle rêvait maintenant qu'elle se noyait tout de bon, et elle s'accrochait à l'épaule du jeune homme qu'elle reconnaissait—bien qu'elle eût les yeux fermés.
—A présent, murmurait-elle dans une crise de délire, je n'ai plus que toi! plus que toi!
Il pensait que cela était vrai et qu'il ne faillirait pas à son devoir. Oui, elle pouvait compter sur lui, l'adorable créature. Oui, c'était maintenant par devoir en même temps que par passion, qu'il l'étreignait, attendri.
—Je n'ai plus que toi! répéta-t-elle.
Et aussitôt elle se mit à pousser des cris aigus, prolongés, des cris qui semblaient ceux d'une douleur sans âme, d'une douleur mal imitée. C'est qu'en effet, ils ne se rapportaient pas du tout à son malheur essentiel, à ses remords, à son désespoir, à son amour. C'était seulement la plainte du corps affolé, vide de conscience.
Il commença à la déshabiller. L'humidité des vêtements rendait la besogne difficile. Les agrafes ne glissaient plus, arrachaient l'étoffe. Elle se mit à s'agiter, à se débattre contre lui en criant: «Non! non!» mais d'une voix basse comme pour rendre inutile ce refus! Elle rejouait, en un délire que rien ne révélait à son amant, la scène de la veille, de ce moment où elle s'était abandonnée à lui, avec des résistances toujours plus défaillantes.
Et lui, ne savait plus où elle en était. La scène présente, aux émotions si aiguës, effaçait aisément de son esprit celle à laquelle il n'avait pas assisté: le retour et la colère du mari. Telle est l'insuffisance de la pensée: elle-même n'a pas le don d'ubiquité; elle ne voit les choses que par succession. Tout entier à cette Elise qui était là, à demi dévêtue, couchée et se débattant contre lui, il oubliait, dans cette réalité physique saisissante, la peine morale qui l'avait amenée à ce point de désordre.
Et puis il la désirait. Une heure auparavant, après les joies sans nom d'un premier abandon, elle lui avait dit: «Nous ne nous reverrons plus! plus jamais!» Et voici qu'après cette menace la destinée la lui rendait! De nouveau elle était là, enfermée seule avec lui, dans cette même chambre de bord, et elle le serrait dans ses bras, elle attachait ses mains à son cou, l'attirait à elle, puis, par saccades, le repoussait en criant: «Non! non!»
Il se répétait qu'elle était sienne, qu'il avait à l'avenir des droits véritables.
Maintenant, elle était nue, sous la lumière du jour qui entrait à pleine fenêtre. Il n'avait pu voir encore sa beauté ainsi révélée, entière, non pas même cette nuit passée...
L'eau de la mer la couvrait de luisants çà et là, pareils aux grains étincelants d'un beau marbre. Les cheveux, dénoués, ruisselaient épars autour de sa tête. La bonne odeur de l'eau salée prenait sur la chaleur vivante un charme extraordinaire. Le poète eut la sensation d'avoir là, toute à lui, d'avoir dérobé à la mer une de ses ondines, une de ses reines mystérieuses. Il eut un éblouissement, un vertige... Il jeta sur elle la souple étoffe de soie qui couvrait le lit et qui, s'affaissant, la moula aussitôt de ses plis infiniment légers. Il ne pouvait s'empêcher de voir tous ces détails, et vainement il se reprochait l'attention voluptueuse qu'il y mettait malgré lui. Il s'éloigna un peu alors, pour échapper à la vue attirante de cette beauté impérieuse et songea enfin à quitter ses habits trempés. Il y mit une hâte involontaire. Singulière?... Non; ne fallait-il pas qu'il revînt au plus tôt la soigner?... En un tour de main, il fut prêt, revêtu seulement d'une robe orientale, serrée d'une ceinture... Il prit la toute pareille pour Elise... en songeant qu'il faudrait lui acheter des vêtements au plus tôt; qu'elle n'avait rien à bord...
Il était rassuré sur les suites de l'accident. Le bain, dans cette saison, n'était pas inquiétant par lui-même. Rien autour de lui ne parlait de douleur; tout, au contraire, lui parlait de volupté, de joie, même et surtout ce beau corps de la malheureuse étendue là, sous la soie rose, comme endormie dans une paix délicieuse, et dont rien ne révélait au regard l'angoisse oubliée.
Il revint s'agenouiller près d'elle.
—Elise! murmura-t-il.
Sa voix parvint jusqu'à elle, à travers la brume infinie qui la séparait du monde réel.
—C'est moi, moi, Pierre, me reconnaissez-vous?
—Oui... dit-elle avec un prolongement câlin du mot.
Au ton caressant de cette réponse, se mêlait comme un commentaire ironique, mais venu de si loin qu'il était perdu! Cela pourtant signifiait: «Oui, je vous reconnais, ou plutôt je vous reconnaîtrais, si j'étais encore du monde où vous êtes. C'est vous ce Pierre qui m'a perdue, parce que nous nous sommes aimés. Puis... je vous reconnais bien... Vous ne pouvez plus rien pour moi!»
—Elise! répéta-t-il.
Elle souleva son bras nu, le mit autour du cou de Pierre. Ses yeux demeuraient fermés. Où était son âme?... Qui le dira? en route vers elle-même! Mais à coup sûr elle n'était pas entièrement présente.
Dans le mouvement qu'elle fit, l'étoffe glissa, montra toute sa poitrine... Il se sentit éperdu et la couvrit de baisers. Elle avait eu, la veille, les pudeurs hésitantes du premier abandon. Voici que tout la lui livrait tout entière et sans défense. Elle, dans les limbes d'une sorte de folie momentanée, répéta:
—Je n'ai plus que toi!... plus que toi!... plus que toi!...
Il ne prenait pas garde que le mot était répété chaque fois avec une intonation toute différente. La voix partie de la tendresse, montait par saccades vers l'ironie irritée... D'un brusque mouvement de main il arracha et jeta au loin l'étoffe dont il l'avait couverte.
Ce fut terrible!... Elle éprouva comme une brûlure de honte qui courut en frissons sur tout son corps, de la tête aux pieds, et elle se trouva debout, nue, à demi détournée de lui, voilée un peu de ses mains, hautaine, désespérée et forte—debout, en pleine conscience... Son âme brusquement lui était revenue, avec le souvenir, la douleur, la pudeur, la colère et le mépris!
Et le démon qui, à ce moment, s'était emparé de Pierre, cria en lui: «Elle est belle!» Il eut l'envie diabolique de la ressaisir... Et cela fut visible. Au mouvement imperceptible qu'il fit en avant, elle bondit vers la robe qu'il avait apportée pour elle et qu'il avait jetée au pied du lit. Elle l'enroula autour de son corps et, s'asseyant sur ce lit dont elle arrachait au hasard la couverture, les draps, pour s'en faire des voiles plus épais.
—Sortez! commanda-t-elle. Je vous jure que, maintenant, vous me faites horreur à tout jamais... Jamais! non, jamais! je ne pourrai plus vous revoir! Vous me faites vraiment horreur! Vous n'avez pas respecté mon désespoir!
En parlant de son désespoir, elle en vit le fond. L'idée de son enfant reprit en elle toute la place, et les larmes jaillirent de ses yeux... Elle cacha sa tête dans les coussins et pleura longuement.
Pierre sentit qu'elle lui était reprise par quelque chose de plus puissant que lui. Et pénétré d'une douleur sincère, aimante, il s'agenouilla devant elle et posa son front près d'elle... Elle ne le vit pas mais elle sentit tout à coup qu'il effleurait ses pieds d'un baiser chaste.
—C'est atroce, tout cela! dit-il. Vous êtes une martyre et je vous vénère. Vous êtes une victime... ma victime... et je vous aime! Vous avez une âme sainte!... Ecoutez-moi, ma bien-aimée. Tout n'est pas perdu... Tout cela n'est pas un jeu... Le mal que l'amour a fait, l'amour peut le défaire... Ecoutez-moi, Elise... Les choses s'arrangeront. Je ferai tout pour cela... Il y a le divorce... Il faut absolument qu'il soit prononcé pour une cause tout autre que la vraie—et alors, si vous daignez y consentir, nous nous marierons!
Pour toute réponse elle sanglota:
—Georges! mon Georges!...
—Elise! cria Pierre.
—Il faut que je meure, lui dit-elle d'un ton calme, en le regardant à travers ses larmes avec un sourire navrant. Il faut que je meure, mon ami. Je suis condamnée.
Elle sentit que ce mot, mon ami, elle l'avait prononcé par pitié pure pour cet homme courbé, là à ses pieds. Elle sentit que plus rien d'elle n'était avec lui. Quelque chose entre elle et lui s'était abaissé, qui les séparait plus sûrement qu'un obstacle tangible. Il avait perdu tout pouvoir de la troubler. Elle le regarda un instant; et elle eut l'impression bizarre de ne l'avoir jamais vu! Elle le sentit «étranger» à toute sa vie. Après tout, que savait-elle de lui?—A peine quelques anecdotes galantes, contées par lui-même. Elle n'avait assisté à rien de ce qui avait été l'existence de cet homme. Et sa pensée se reportant au contraire sur Marcant, elle le revit enfant, adolescent, jeune homme, homme fait. Tout entier il lui apparut avec son caractère ferme, sûr, sa vaillance un peu brutale, son affection solide; elle le vit travaillant toujours, encore, pour elle—qui ne possédait rien au monde—et pour leur enfant!... «Oh! Georges! Oh! Dieu! mon Dieu! Comment certains oublis, même momentanés, sont-ils possibles?» Georges! son enfant, la chair de sa chair! qu'elle connaissait, celui-là, dans les moindres replis de sa petite âme simple et profonde, où tout n'était qu'attachement et amour pour elle,—elle avait pu l'oublier! Que faisait-il à présent? il s'éveillait sans doute après cette nuit horrible où il l'avait appelée du haut de la terrasse, dans le vent de la mer, inutilement. Et de nouveau au réveil, inutilement, il l'appellerait. Il l'appelait! Elle entendit dans son cœur le cri: «Maman!» et devint blême, prête à défaillir.
Pierre la vit devenir si pâle qu'il eut un vif mouvement vers elle, mais elle tourna lentement vers lui un regard mort qui le glaça. Toute sa pensée était à l'enfant, et n'était plus dans les yeux dont elle regardait cet homme, son amant la veille! Dans ses yeux il y avait l'indifférence froide, faite de colère éteinte et d'un mépris involontaire pour celui qui n'avait pas su se détourner d'une mère...
Son mépris pour elle-même lui donnait le mépris de lui, et tous les doutes. Qui sait quelle part de ruse il y avait eu dans sa poursuite obstinée? Par quels moyens prémédités l'avait-il séduite? Il avait fallu des philtres pour l'amener à pareille honte! Par quelle puissance odieuse—qu'elle fût fatale ou artificielle et voulue—avait-elle été vaincue? L'avait-il consultée avant d'ordonner à son yacht de s'en aller si loin en mer, afin d'avoir avec elle une nuit, une nuit entière! La voilà, sa perfidie!... Est-ce que, sans cela, dans ce yacht maudit, il aurait pu lui faire oublier l'enfant? Est-ce aimer une femme que l'entraîner à des abîmes comme celui où elle était? Et il offrait de l'épouser! Mais il faudrait d'abord—il venait de le dire—que le divorce fût prononcé pour un motif tout autre que le véritable?... Eh bien, elle ne le permettrait pas... La loi a bien fait les choses... Elle crierait devant tous: «J'ai eu un amant!» et elle le nommerait! afin que jamais, jamais, il ne pût songer à devenir son mari! Oh! le divorce, c'est-à-dire l'adieu au père de Georges! La séparation de la mère et du fils, devenue légale, irrémédiable!... C'est bien à cela que, tout de suite, avait songé Marcant! C'est à cela qu'on allait la contraindre!... «Georges! Georges!» Le plus profond de sa chair criait: «Georges... plutôt mourir!»
Pierre vit bien dans les yeux d'Elise de quel lointain elle le regardait à présent et qu'il ne franchirait plus la distance qui se faisait entre eux.
—Je vous aime sincèrement, dit-il d'un air grave. Et même à moi, entendez-vous, même à moi vous devez quelque chose... vous devez de ne pas mourir!
Il était très effrayé pour lui-même à l'idée de cette mort. La responsabilité morale lui apparaissait, redoutable... Voilà de quoi troubler toute une vie d'homme! Et il se plaignait, non sans la plaindre, elle aussi, sincèrement...
—Que voulez-vous que je fasse, répondait-elle, que je devienne? Je ne peux pas quitter mon enfant ainsi: il a besoin de moi... Il mourrait de mon absence... Je retournerai près de lui, ou bien—je vous l'affirme—je mourrai!
Elle reprit, après un silence, avec le calme d'une résolution arrêtée:
—A quoi bon attendre, du reste? je connais mon mari. Il ne reviendra pas sur ce qu'il a résolu. Il ne me reprendra pas. Ainsi ma destinée est finie!... Je mourrai. Ce sera ce soir ou demain. C'est une affaire d'heure, de moment à choisir, car, je le sais, vous allez tenter de vous y opposer... Mais ces surveillances-là sont tôt ou tard trompées; il y a toujours une minute où elles sont inutiles... On a tant de moyens d'en finir! C'est si simple!... Songez que je n'ai point de famille, rien au monde. Où aller?... Je n'ai pas même, en ce moment, une robe pour me couvrir?...
L'idée de cette misère la fit de nouveau fondre en larmes...
Elle reprit, plus tranquille, sur un ton d'amertume poignant:
—Vous me dites d'avoir pitié de vous?... Oui, ma mort volontaire vous sera pénible... pendant quelques jours... Eh bien, cela vous donnera une sensation nouvelle, comme vous dites quelquefois, mon cher!... un goût de remords qui, je l'espère pour vous, vous sera nouveau!... Vous écrirez sur votre chagrin des vers... de beaux vers... que vous lirez un jour à quelque autre! et puis, un matin, vous vous apercevrez que je vous ai débarrassé d'une femme gênante à qui vous aviez eu la sottise d'offrir le mariage dans un moment d'exaltation vite passé... Et vous me remercierez d'être morte, le soir du jour où vous épouserez la belle jeune fille riche qui vous attend... La voilà, votre histoire... je vois si clair en ce moment! Oui, je vois clair! c'est pourquoi je mourrai, entendez-vous, je mourrai... Il faut que je meure. Et vous voyez bien que je suis tranquille, clairvoyante et toute vraie!
Toutes les illusions que donne la joie d'aimer avaient fui, au réveil terrible qui lui avait été fait. Elle voyait tout à coup les plus profonds dessous du réel mauvais et elle racontait sa vision avec l'air tragique et mystérieux d'une prophétesse de malheur. Et le mal qu'elle prédisait, elle le préparait par là même dans le cœur qui l'écoutait; elle le légitimait par avance, aux yeux de cet homme, le réalisait déjà un peu, en lui!
Il l'écoutait avec une angoisse d'âme extraordinaire. Et voilà qu'il sentait une possibilité abominable dans tout ce qu'elle disait, dans tout!... Elle-même le dégageait des fidélités qu'il venait d'offrir, et il se voyait à ce moment dont elle parlait, où il raconterait cette scène d'à présent... à une autre... Vraiment elle avait bien raison! Il ne se sentait aucune fidélité dans la mort. Il n'avait rien d'éternel en lui... L'enfant de cette femme était le fils d'un autre homme... Le seul lien durable de l'amour la rattachait à cet autre! Il éprouva toute la misère de sa situation, le dénuement de sa vie, son impuissance à donner à cette mère un avenir qui la payât de son passé détruit—et, doutant de lui-même avec tout son scepticisme depuis quelque temps noyé sous des enthousiasmes sensuels, il entra dans l'agonie morale, dans la défaillance suprême... Et il se mit à pleurer silencieusement, dans une grande et inutile pitié d'elle et de lui-même.