L'oeuvre de John Cleland: Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir: Introduction, essai bibliographique par Guillaume Apollinaire
The Project Gutenberg eBook of L'oeuvre de John Cleland: Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir
Title: L'oeuvre de John Cleland: Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir
Author: John Cleland
Commentator: Guillaume Apollinaire
Illustrator: William Hogarth
Release date: January 3, 2020 [eBook #61091]
Most recently updated: October 17, 2024
Language: French
Credits: Produced by René Galluvot and www.ebooksgratuits.com (using
images generously made available by the Bibliothèque
nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
LES MAITRES DE L'AMOUR
L'Œuvre
de
John Cleland
Mémoires de Fanny Hill, Femme de plaisir
Avec des documents sur la vie à Londres
au XVIIIe siècle,
et notamment la Vie galante d'après les Sérails de Londres
INTRODUCTION, ESSAI BIBLIOGRAPHIQUE
PAR
GUILLAUME APOLLINAIRE
Ouvrage orné de six compositions d'après la suite gravée par
William Hogarth:
La Destinée d'une Courtisane
PARIS
BIBLIOTHÈQUE DES CURIEUX
4, RUE DE FURSTENBERG, 4
MCMXIV
10 exemplaires sur Japon Impérial
(1 à 10)
25 exemplaires sur papier d'Arches
(11 à 25)
AVERTISSEMENT
Les six gravures de William Hogarth, dont nous publions en hors texte la reproduction, nous ont paru être le commentaire le plus vivant de l'œuvre de John Cleland. Gravées en 1734, elles présentent, à vrai dire, avec une agréable truculence, les étapes de la vie d'une courtisane anglaise au XVIIIe siècle, depuis le jour où, simple fille de campagne, elle est débauchée par une éloquente entremetteuse, jusqu'à celui de ses funérailles.
Nos reproductions ont été faites d'après les gravures figurant dans les collections de la Bibliothèque nationale, où elles sont accompagnées de quelques explications, traduction ou plutôt interprétation des légendes en anglais figurant au-dessous des gravures originales. Nous publions le texte de ces explications, pour aider à la compréhension de certains détails typiques.
Les Progrès d'une Garce
d'après les dessins de M. Hogarth.
I. L'Innocente trahie
Voyez cette fille de campagne: que ses regards sont innocents! que ses habits sont propres quoique unis! N'êtes-vous pas indigné de voir la maquerelle qui n'oublie rien pour la débaucher? Elle couvre ses desseins sous le voile de la piété et ne parle que de prières et de dévotions, jusqu'à ce que la pauvrette soit vendue et livrée à Francisque.
Voyez ce vieux paillard, comme il lorgne la belle: il est l'emblème véritable d'un satyre impudique.
Le curé de campagne arrive à la ville avec une méchante rosse. Jugez ce qui l'amène: moins à faire et mieux payé.
II. Un juif l'entretient somptueusement
Débauchée d'abord et chassée ensuite, c'est le sort de toutes les putains de Francisque. La pauvre Polly (Polly est un nom de baptême comme Margot) est obligée de battre du plâtre jusqu'à ce qu'elle rencontre un juif opulent.
Le circoncis lui donne tout. Examinez-la dans toute sa splendeur.
Elle a un singe et un Maure qui la suit.
Qu'un homme est sot de s'imaginer jouir seul d'une femme! Car malgré tout ce qu'il pourra lui donner, elle ne perdra pas une occasion favorable pour baiser avec d'autres.
Polly donc avait son amant dans le lit quand l'Hébreu arriva sans être attendu. Pour le faire évader, elle querelle le juif, donne un coup de pied à la table, pendant que sa femme de chambre fait sortir le galant.
III. Elle est réduite à la misère dans son logement de Drury-Lane
Margot, renvoyée pour la deuxième fois, se loge dans l'allée de Drury-Lane (célèbre à Londres par le grand nombre de filles de moyenne sorte), tient boutique pour son compte et commerce avec toute la ville. Pendant qu'on verse le thé, mademoiselle est occupée à regarder une montre qu'elle avait prise par subtilité à son galant pendant la nuit. On met sur une petite table, devant elle, du beurre enveloppé d'un mandement de Monseigneur, une soucoupe, un couteau et du pain.
Sa cape est derrière elle, sur le dos d'une chaise; la chandelle est fichée dans le trou d'une bouteille qui est auprès de la chaise percée.
Ne voyez-vous pas le chevalier Jean qui entre avec les archers pour mener mademoiselle et sa suivante à l'hôpital, pour y battre du chanvre?
Au haut est écrit: «Boette à perruque de Jacques Datton».
IV. Dans la maison de correction à battre le chanvre
Si vous voulez voir la pauvre Margot, il faut aller à l'hôpital où elle bat du ciment, sans que personne s'intéresse pour elle. L'inspecteur, avec un regard de travers, lui lâche de temps en temps quelques coups de bâton quand elle veut reposer.
Une vilaine garce, qui la voit en brocart, et avec une dentelle de Flandres, lui tire la langue et lui fait la moue en clignotant des yeux. Une autre salope, qui n'a que la moitié du nez, trousse sa méchante jupe, se moque de son habit de travail et du regard sévère de celui qui la fait travailler. Cator tue des poux.
Le chevalier Jean est dessiné sur un volet.
Au-dessus de celui qui fait travailler est écrit: «Il vaut mieux travailler que se tenir ainsi.»
V. Elle meurt en passant par le «grand remède»
Sortie de l'hôpital, Margot recommence de nouveau ses intrigues et ses galanteries. Mais en connaissez-vous une seule d'entre ces créatures qui ait échappé à la vérole?
Notre Margot avait mal sur mal; les élixirs, les pilules et l'émétique l'avaient si fatiguée qu'elle était lasse de vivre.
Bref, elle crève dans la salivation; sa suivante, la voyant expirer, se met à crier de toutes ses forces.
Les médecins se blâment l'un et l'autre. Meagre (nom d'un des médecins) s'emporte de rage et de fureur, renverse la table et traite son camarade de fou.—Ce sont vos pilules de Squab (nom de l'autre médecin) qui l'ont tuée, et non mon élixir.
Pendant qu'ils se chamaillent, une vilaine garce fouille le coffre de Margot.
VI. Pompe de ses funérailles
La communauté de Drury-Lane s'assemble autour du cercueil. Mlle Priss lève le couvercle pour dire adieu à la défunte. Cator, abattue de chagrin, boit. Margot ferme ses poings et baisse la vue. Babet essuie ses yeux, et Janeton s'ajuste devant le miroir.
La maquerelle, ruinée, ne fait que crier et boire. Madgee remplit les verres, et le petit garçon ne songe qu'à faire aller sa toupie.
Le gantier a la vue attachée sur Suky en essayant ses gants; la belle, l'ayant remarqué, lui prend ce qu'il a dans ses poches.
Le curé lorgne Nanette; auprès de laquelle il se campe, et laisse répandre son vin, pendant qu'il a une main cachée quelque part.