L'oeuvre du divin Arétin, première partie: Introduction et notes par Guillaume Apollinaire
Puisque nous sommes tous nés pour faire l'amour;
Et si tu adores le cas, toi, moi j'aime le mirely,
Car le monde ne serait rien qui vaille sans cela.
Je dirais: Faisons l'amour à en mourir.
A partir de ce moment-là nous ferons l'amour avec Adam et Ève
Qui inventèrent la si déshonnête mort.
N'avaient pas mangé ce fruit traître,
Je sais bien que les amants auraient sans cesse joui.
Fiche-moi le cas et fais que de moi jaillisse
L'âme qui, sur le cas, tantôt naît, tantôt meurt.
Ne me tiens pas hors du mirely les appendages,
De tout plaisir fortunés témoins.
NOTE
Ces seize Sonnets sont à queue, colla coda. On appelle ainsi des sonnets auxquels on ajoute une queue d'un ou plusieurs tercets dont le premier vers n'est qu'un simple hémistiche rimant avec le dernier vers du tercet précédent. La queue des Sonnets luxurieux n'est que d'un tercet. Je pense que la mode de cette sorte de sonnets provenait d'Espagne.
SONNET II
Et pousse le cas dedans peu à peu,
Lève bien cette jambe et fais bon jeu,
Puis, démène-toi sans faire de compte.
Que de manger une tartine auprès du feu,
Et si cela le déplaît dans le mirely, change de lieu:
Car il n'est pas homme celui qui n'est pas bougre.
Et dans celui-ci la prochaine, et dans le mirely et ailleurs le cas
Me rendra joyeux et vous béate.
C'est proprement un oiseau perd-journée
Qui à autre chose qu'à faire l'amour prend plaisir.
Messire Courtisan, et attends qu'un tel meure;
Pour moi, j'espère seulement passer ma rage.
NOTE
Dans les deux premiers vers de la queue de ce sonnet, l'Arétin fait sans doute allusion (à la fin de 1525) à ses récents déboires à la Cour de Rome.
SONNET III
Ceci est celui-là qui peut me rendre heureuse!
Celui-ci est vraiment un bien d'impératrice!
Cette gemme vaut plus qu'un puits d'or!
Et trouve bien le fond de la matrice:
En somme, un cas tout petit se dédit
Si dans le mirely il veut observer le decorum.
Qui a petit le cas et le met au mirely
Mériterait d'avoir d'eau fraîche un clystère.
Mais qui l'a comme je l'ai, impitoyable et fier,
Qu'il s'ébatte toujours dans les mirelys.
Du cas, et cela nous semble si joyeux
Que nous recevrions l'aiguille tout entière derrière.
SONNET IV
Et ôte aussi ta main de mon cas,
Et quand tu voudras que je pousse fort ou doucement,
Doucement ou fort avec le derrière danse sur le lit.
Dis que je suis un scélérat et un rustre,
Car je sais reconnaître la vulve de l'anus,
Comme l'étalon reconnaît la cavale.
Non, moi, je ne veux pas faire cette folie
Et si tu ne veux pas ainsi, va-t'en avec Dieu.
Mais devant le plaisir est à toi et à moi.
Ainsi donc fais l'amour à la bonne façon ou bien va-t'en.
Signora chère, d'une aussi douce bêtise,
Quand bien même je croirais délivrer le roi de France.
NOTE
Au dernier vers, l'allusion à la captivité de François Ier, qui dura du 24 février 1525 au 15 mars 1526, nous renseigne sur l'époque à laquelle furent composés ces sonnets. C'est probablement vers la fin de 1525, et peut-être à Mantoue. On est à peu près certain maintenant qu'ils ne furent pas imprimés du vivant de l'Arétin et que l'histoire du scandale qu'ils causèrent à Rome est une fable imaginée de bonne foi par Mazzuchelli.
SONNET V
Qui me retourne l'ourlet du c...,
Je voudrais me transformer toute en c...,
Mais je voudrais que tu fusses tout v...
Je rassasierais d'un seul coup mon c...
Et tu aurais aussi du c...
Tout le plaisir qu'en peut avoir un v...
Ni toi devenir en tout un v...,
Prends le bon vouloir de ce c...
La bonne volonté et affermissez en bas votre c...
Tandis que moi au-dessus je ficherai mon v...
Laissez-vous aller toute avec le c...,
Et je serai v... et vous, vous serez c...
NOTE
Il fallait, pour ce sonnet, essayer d'en rendre l'aspect si particulier que lui donne la répétition alternée des deux mots à la fin des vers. On a dû, pour cela, recourir au déplaisant artifice typographique des trois points qu'on pourrait appeler points de discrétion ou d'hypocrisie.
SONNET VI
Et moi je vois comment sont faites les tiennes,
Mais tu pourrais dire que je suis un fou
Parce que j'ai les mains où se tiennent les pieds.
Tu es une bête et tu n'en viendras pas à bout,
Parce que je me prête bien mieux à faire l'amour
Quand tu appuies ta poitrine contre ma poitrine.
Et je veux vous faire par derrière tant de mamours,
Avec les doigts, avec le cas, en me démenant,
Et je sais bien que c'est plus doux que les chatouilles
De déesses, de duchesses ou de reines.
Que je suis un vaillant homme en ce métier...
Mais de n'en avoir qu'un petit je me désespère.
NOTE
On connaît les Triolets à une vertu, pour s'excuser du peu, de Verlaine:
Ne va pas mesurer ma force,
Je ne prétends aucunement
A la grosseur du sentiment.
Toi, serre le mien bontément,
Entre ton arbre et ton écorce.
A la grosseur du sentiment
Ne va pas mesurer ma force.
Que la quantité, fût-ce énorme.
Vive un gourmet, fi du glouton.
La qualité vaut mieux, dit-on.
Allons, sois gentille et que ton
Goût à ton désir se conforme.
La qualité vaut mieux, dit-on,
Que la quantité, fût-ce énorme...
SONNET VII
Derrière ou devant? Je le voudrais savoir,
Parce que je vous ferai peut-être déplaisir
Si, par derrière, je me le chasse par malheur.
Le cas à tel point qu'il y a peu de plaisir;
Mais ce que je fais, je le fais pour ne point paraître
Un Fra Mariano, verbi gratia.
Comme veulent les sages, je suis content
Que vous fassiez du mien ce que vous voulez.
Vous le trouverez aussi utile pour le corps
Que l'est aux malades l'argument.
A le sentir dans votre main
Qu'entre nous, je mourrai, si nous faisons l'amour.
NOTE
Fra Mariano dont il est question ici s'appelait Mariano Fetti. Il avait été barbier de Laurent de Médicis, père de Léon X, qui, à cause de ses bouffonneries et de ses joyeux Caprices, en fit le Frate del Piombo, Frère du Plomb ou Plombier des Bulles Apostoliques, à la Chancellerie pontificale. L'Office du Plomb était une sinécure lucrative dont Bramante avait joui avant Fra Mariano. Après la mort de celui-ci, Benvenuto Cellini intrigua pour lui succéder, mais le pape Clément VII lui préféra le peintre Sebastiano Luciani, dit del Piombo, à cause de sa charge. Dans la 2e partie des Ragionamenti, l'Arétin parle des merveilleux jardins que Fra Mariano possédait à Rome sur le Monte Cavallo. Dans son Dialogue des Cours il fait raconter par Pietro Piccardo quelques-uns des caprices du facétieux plombier. Il le montre à la fin d'un festin à la cour pontificale dansant sur la table en jonglant avec des torches allumées. Léon X ne pouvait se passer de Fra Mariano qui fut son bouffon préféré et dont les bouffonneries, qu'on appelait ses caprices, étaient célèbres dans toute l'Italie. Alfonso Pauluzzo ou Pocolucci, ambassadeur, à Rome, du duc de Ferrare, Alphonse d'Este, lui décrit dans une lettre datée du 8 mars 1519 une représentation des Suppositi de l'Arioste, donnée le dimanche précédent au Vatican, en présence de Léon X et d'une nombreuse assemblée. Entre autres détails intéressants, l'Ambassadeur dit que le décor brossé par Raphaël était caché avant la représentation par un rideau «sur lequel était peint Fra Mariano avec quelques diables qui jouaient avec lui de chaque côté de la toile, et puis, au milieu de la toile, il y avait une inscription qui disait: Ce sont là les Caprices de Fra Mariano». Il était très gourmand, et dans la Cortigiana, l'Arétin fait dire au Rosso par un pêcheur qui lui montre quelques lamproies: «Les autres viennent d'être achetées par le majordome de Fra Mariano pour offrir à souper au Moro, à Brandino, au Proto, à Troja et à tous ces gloutons du palais.» Léon X faisait souvent manger à sa table Fra Mariano, dont l'appétit était formidable et qui buvait en proportion. Il inventa les saucisses à la chair de paon et prisait surtout les ortolans, les becfigues, les faisans, les paons et les lamproies. Sa voracité était inimaginable, il ne faisait qu'une bouchée d'un pigeon; durant un seul repas il dévorait vingt chapons et gobait quatre cents œufs. La délicatesse de son goût laissait parfois à désirer: un seigneur put lui faire avaler un bout de vieux câble en guise d'anguille. Une fois même, il mangea tout un froc de moine, en camelot, graisseux et plein de crasse. Il n'était pas le seul, d'ailleurs, qui se livrât à ces excentricités à la cour de Léon X. L'Arétin cite aussi un autre Frère dont la spécialité était de manger des bonnets. De nos jours, un poète de grand mérite, André Salmon, est pris, lorsqu'il a un peu bu en compagnie, de fringales qui le poussent à manger les objets les moins comestibles: boîtes d'allumettes, crayons, journaux, etc. Il a même un goût très particulier pour les chapeaux, commençant toujours par dévorer le sien et passant ensuite à ceux de l'assemblée. Un soir d'été, il venait de se repaître de quelques couvre-chefs, lorsque la vue d'un Anglais qui passait coiffé d'un canotier de paille blanc et noir réveilla soudain son appétit. Il réussit à s'emparer du chapeau truffé et le mordit à belles dents, s'en délectant, tandis que l'Anglais, effrayé, se sauvait en courant par la rue des Trois-Frères.
Bouffon et glouton, Fra Mariano n'était pas moins farceur, et la moindre de ses espiègleries c'était, à table, de renverser les sauces sur les vêtements des convives. Ses traits d'esprit avaient un grand succès; c'est lui qui surnomma Lucques l'Urinal des Guées, parce qu'il y pleut toujours. Léon X avait composé une épitaphe anticipée de son bouffon:
Fra Mariano aurait pu lui-même composer cette épitaphe pour le plaisant pontife, son bienfaiteur, auquel il survécut. Selon l'un des nombreux bruits qui coururent alors, il assista seul à son agonie, et le voyant mourir sans sacrements, il lui cria: «Souvenez-vous de Dieu, Saint-Père!» Cette bouffonnerie n'est pas la moins fantastique de celles auxquelles il se soit livré. Au demeurant, c'était un brave homme de courtisan, plus dévot qu'on ne supposerait, très charitable et plein d'affabilité, et à sa mort il édifia tout le monde. M. Arturo Graf a consacré à Fra Mariano Fetti un important chapitre dans Attraverso il 500 (Turin, 1888).
SONNET VIII
Ayant le désir de vous prendre maintenant,
Que de vous avoir mis le cas au mirely,
Puisque de l'autre côté pour moi vous n'êtes pas chiche.
Je veux vous prendre à l'inverse souvent, souvent,
Puisque le rond est plus différent de la fente
Que la tisane du malvoisie.
Devant, derrière, je me soucie peu
Du lieu où tu feras ton affaire,
Et tous les cas qu'ont mulets, ânes et bœufs
N'éteindraient pas de mon ardeur seulement un peu.
De me le faire à l'antique, entre les cuisses:
Moi aussi je le ferais de l'autre côté si j'étais un homme.
SONNET IX
Allons! Si tu veux bien, laisse-moi le voir.
—Nous allons essayer si vous pouvez recevoir
Ce cas au mirely et moi par dessus.
Plutôt cela que manger ou boire!
—Mais si je vous écrase ensuite en étant couché,
Je vous ferai mal.—Tu as la pensée du Rosso.
Sur moi, quand ce serait Marforio
Ou un géant, moi j'en aurais soulas.
Avec ce lien divinissime cas
Qui guérit les mirelys de la toux.
Certes, on pourrait voir des femmes
Mieux vêtues que vous, mais non mieux foutues.
NOTE
La robuste commère trouve que son galant, craignant de l'écraser, a là une idée aussi comique que celle du Rosso, auquel une annotation a déjà été consacrée. Pour Marforio, on le connaît assez. On sait que l'Arétin le prit souvent pour interprète, avec Pasquin. C'est à propos de ses pasquinades, dont il est parlé dans l'introduction, que dans une lettre adressée en 1537 à Gian-Jacopo Leonardo, ambassadeur du duc d'Urbin, le Divin racontant un rêve où Apollon le couvrait de couronnes diverses appropriées à ses diverses productions, dit avoir reçu une couronne d'orties pour ses sonnets contre les prêtres.
SONNET X
O Femme, je ne veux pas faire ce péché,
Parce que ceci est un mets de Prélat
Qui a perdu le goût à tout jamais.
—Pourquoi? N'use-t-on plus de l'autre côté
Id est au mirely?—Si, mais il est plus agréable
De l'avoir derrière que devant, de beaucoup.
Ma virilité est à vous et si elle vous plaît tant,
Comme à un cas, vous n'avez qu'à lui commander.
Plus haut, plus à fond, et va sans cracher,
O cas, bon compagnon! ô saint cas!
—Je l'ai accueilli dedans plus que volontiers;
Mais je voudrais rester ainsi un an assise!
SONNET XI
Tes belles hanches et ton mirely de face.
O hanches à faire qu'un cas change d'avis!
O mirely qui distille les cœurs par les veines!
Un caprice de vous baiser à l'improviste,
Et je me parais beaucoup plus beau que Narcisse
Dans le miroir que mon cas allègre tient.
Je te vois bien, putain! et prépare-toi,
Je vais te rompre deux côtes dans la poitrine.
Car pour ce plaisir archiparfaît
J'entrerais dans un puits sans seau.
Gourmande de fleurs comme moi d'une noble virilité.
Je ne l'éprouve pas encore, et rien qu'à le contempler, je me mouille.
NOTE
Au moment du congrès, une vieille entre et menace le couple en criant le premier tercet. L'homme qui a débité les quatrains reste interdit et muet, c'est la fille qui éloigne la vieille en l'injuriant.
SONNET XII
On ne se place pas ainsi sous une femmelette
Et l'on ne f... pas Vénus à l'aveuglette
Avec tant de furie et si peu de discrétion.
Et je vous f... vous qui êtes Angiola la Grecque,
Et si maintenant j'avais là mon rebec
Je vous f...rais sonnant une chanson.
Dans le mirely vous ferez baller la chouse
En remuant le c... et en poussant très fort.
Mais je crains que l'Amour ne me donne la mort
Avec vos armes, étant un enfant et un fou.
Il est votre fils, et mes armes il les garde
Pour les consacrer à la déesse de la lâcheté paillarde.
NOTE
On a essayé de donner à ce sonnet le mouvement qu'il a en italien. On espère que les lecteurs le trouveront assez sonore. L'Arétin a été à diverses reprises en relations avec des membres de l'illustre famille des Rangoni. Il y avait à cette époque deux personnages du nom de Ercole ou Hercule Rangone.
L'un d'eux avait été envoyé par sa mère en Lombardie pour apporter des dons et des secours au cardinal Jean de Médicis, prisonnier des Français, en 1512, après la bataille de Ravenne. Le jeune homme s'offrit aussi à l'accompagner en France. Après sa captivité, le cardinal fut accueilli avec beaucoup de considération par les Rangoni, à Modène. Il conduisit avec soi, à Rome, le jeune Ercole, et en 1513, parvenu au pontificat sous le nom de Léon X, il le créa son camérier secret et protonotaire apostolique. Il le nomma cardinal, le 1er juillet 1517. L'Ambassadeur du duc de Ferrare le mentionne dans la lettre citée plus haut à propos de Fra Mariano et dans laquelle il parle de la représentation de Suppositi au Vatican: «Je fus à la comédie dimanche soir et Monseigneur de Rangoni me fit entrer...» En 1519, il fut élu à l'évêché d'Adria et démissionna en 1524. Il était, en 1520, évêque de Modène et régnait par l'entremise d'un vicaire par lequel il fit célébrer en 1521 un synode qui est le premier dont on possède les actes imprimés. Se trouvant à Rome, en 1527, au moment du sac, il suivit Clément VII au castel Saint-Ange et y finit ses jours à 36 ans, le 25 août.
L'autre, Ercole Rangone, qui fut un des correspondants de l'Arétin, était le cousin du fameux Ludovico Rangone et, comme lui, embrassa la carrière militaire. Condottier au service des ducs de Ferrare, lorsqu'en 1529 les Florentins appelèrent Hercule, le fils d'Alphonse d'Esté, en qualité de capitaine général, pour la guerre et la défense de leur liberté contre Clément VII et Charles-Quint, Rangone alla en Toscane en qualité de lieutenant d'Hercule. Bien qu'il se fût distingué par un fait d'armes près de Lari, on vit ensuite qu'il opérait avec mollesse, et cela fut manifeste au siège de Peccioli. Le motif de cette conduite se découvrit lorsque la maison d'Este, qui voulait être neutre dans cette guerre, le rappela. En 1548, il fut désigné pour accompagner en France Anne d'Este, destinée en mariage au duc de Guise. De 1549 à 1552, il fut ambassadeur des ducs d'Este à la cour impériale. Il mourut à Modène le 27 mai 1572. Il avait cultivé la poésie, en latin et en italien, et l'on a de lui une paraphrase des psaumes pénitentiels. Il semble à première vue que c'est ce deuxième Hercule Rangone que l'Arétin a introduit dans son deuxième sonnet luxurieux. Mais rien n'est moins certain. Chorier, qui connaissait les Sonnets, a fait de ce personnage un des interlocuteurs des Dialogues d'Aloysia Sigea. Sans doute, l'Arétin avait-il de bonnes raisons pour en vouloir à Hercule Rangone. Le Sonnet XII est nettement satirique et il ne s'agit pas seulement d'une plaisanterie, comme l'a pensé Alcide Bonneau. En effet, le Divin a consacré au comte Hercule un autre sonnet pour le moins aussi injurieux que le précédent. Il a été publié par M. Francesco Trucchi (Poésie italiane inédite di dugento autori, Praio, 1847, t. III). Voici la traduction de ce sonnet, qu'on n'a jamais songé (et c'est bien étonnant) à rapprocher du douzième sonnet luxurieux:
Ce malatestissime soldat
Qui par le comte Ugo, le triste et le malencontreux,
Se laissa enlever la bannière, spontanément!
Tu voulais être, toi, ô coquin!
Lieutenant du Signor Giovanni.
Poltron, archipoltron, à tel point que les goujats
S'archivergogneraient de te garder à leur solde.
A discourir de toi, vilain poltron,
Infamie et honte de la maison Rangone.
Il ressort de ces deux sonnets que le comte Hercule aurait épousé Angiola Greca, courtisane d'origine grecque sans doute, et dont il est dit dans le Zoppino: «Angela Greca vint à Rome à l'époque de Léon X; elle avait été dépouillée par certains ruffians, à Lanciano, et pleine de rogne, ils la menèrent au Campo di Fiore dans une taverne; puis elle prit une maisonnette dans le quartier de Calabraga, étant aux mains d'un Espagnol des Alborensis, puis, comme elle était une belle dame fort honnête et ayant de beaux charmes, un camérier de Léon s'en amouracha et la mit en faveur.» Le Zoppino semble donc désigner assez clairement le premier de nos Ercole Rangone, qui fut, en effet, camérier secret de Léon X. Et, dans ce deuxième sonnet, il signor Giovanni s'appliquerait à Jean de Médicis, c'est-à-dire Léon X lui-même, auprès de qui Monseigneur de Rangoni était si en faveur qu'on pouvait bien l'appeler son lieutenant.
Mais alors pourquoi dans les deux sonnets cet appareil guerrier qui s'appliquerait si bien au second Hercule Rangon? Ce personnage semblable à Mars, ce malatestissime soldat (c'est-à-dire sans scrupules comme les Malatesta ou bien pareil à Malatesta de' Medici que l'Arétin cite dans une lettre au marquis de Mantoue, disant qu'il lui envoie quatre peignes d'ébène dont les trois derniers sont très certainement ceux dont Mars se peignait la barbe, et les lui a enlevés de force l'horrible Malatesta de' Medici), ce lâche Hercule Rangon que les valets de soldats auraient honte de garder à leur solde, ne pouvait être qu'un soldat, et en ce cas, il signor Giovanni pourrait bien être Jean des Bandes Noires. En tout cas, le sonnet luxurieux prête au comte Hercule des mœurs contre nature et nous le montre se laissant entièrement dominer par l'Angiola, son épouse. Le sonnet publié par M. Trucchi fait allusion au scandale provoqué par ce mariage auquel la famille des Rangoni se serait opposée. Le comte Ugo était un frère du second Hercule: le militaire Ugo Rangone, qui embrassa l'état ecclésiastique, fut nonce en Allemagne au temps de la diète de Smalcade. Mais on lui retira sa charge de nonce comme incapable de la remplir. Il fut aussi gouverneur de Plaisance et de Parme sous Paul III, gouverneur de Rome, nonce à la cour de Charles-Quint, et mourut à Modène en 1540.
SONNET XIII
Serre les cuisses et liens-moi serré, serré.
Laisse-toi aller à la renverse sur le lit,
Car de rien autre que de faire l'amour je n'ai cure.
Oh! voici qu'au bord du mirely il se morfond.
Un jour je te promets de le prendre de l'autre côté
Et je t'assure qu'il en sortira net.
Je m'efforcerai de vous servir, et maintenant, allons, poussez,
Poussez, comme fait la Ciabattina.
—Maintenant! donne-moi toute la languette,
Car je meurs!—Moi aussi, et vous en êtes la cause;
—Maintenant, maintenant je le fais, mon Seigneur;
Maintenant j'ai fait—Et moi aussi, oh! Dieu!
NOTE
Pour la Lorenzina, on en a déjà parlé plus haut; la Ciabattina, c'est-à-dire la Savetière, était aussi une des plus jolies courtisanes romaines et une de celles dont les faveurs coûtaient le plus.
SONNET XIV
La brouette, arrête-toi, double mulet,
Je veux faire l'amour dans la bonne voie et non dans la prohibée
A celle-ci qui me prend le cas, et je m'en ris.
Je suis dans une position si incommode que je ne t'adore point en ce moment.
Un mulet crèverait à rester une heure ainsi,
Et pourtant seulement par derrière je souffle et crie.
Vous devez me pardonner, car je montre
Que faisant l'amour mal à l'aise je me consume.
Les tenant suspendues sur l'un et l'autre bras,
Nous ne finirions jamais notre besogne.
Si votre vue ne me donnait du cœur,
C'est à peine si mon cas se tiendrait droit.
NOTE
La Béatrice était une courtisane romaine à la mode.
SONNET XV
En même temps vous donnez le lait et en recevez,
Et vous voyez en un lit trois heureux:
Chacun, prend son plaisir du même coup
Parmi les milliers que vous en avez eues?
En ce plaisir vous prenez plus de fête
Qu'un vilain lorsqu'il mange la recuite
La révérende fouterie, la dive fouterie,
Et comme si j'étais une Abbesse, je jouis;
Ce bel et vaillant cas qui est à toi et si solide,
Que je ressens un plaisir superlatif.
En grande hâte dans le mirely cache-toi,
Restes-y un mois et grand profit le fasse!
SONNET XVI
Pousse, Maître Andréa, pousse, ça y est,
Donne-moi toute ta langue; aïe, holà!
Que ton grand cas jusqu'à l'âme me va.
Bercez bien le petit garçon avec le pied,
Et vous rendrez service à tous trois,
Parce que nous achèverons, lui dormira.
Berce, démène-toi et travaille—toi encore plus, toi.
—Petite mère, j'achèverai en suivant votre mouvement.
J'éprouve tant de douceur à faire ainsi l'amour
Que je voudrais qu'il ne finît jamais plus.
Faites, de grâce!—Et maintenant, puisque tu le veux ainsi,
Je le fais, et toi, feras-tu?—Oui, Signora.
NOTE
Cette plaisanterie a dû faire la joie de Maître Andréa. Voir plus haut la note qui le concerne.
TABLE
| Portrait de l'Arétin | Frontispice |
| Introduction | 1 |
| Les Ragionamenti | 21 |
| La vie des Nonnes | 23 |
| La vie des Femmes mariées | 75 |
| La vie des Putains | 128 |
| Les Sonnets luxurieux | 189 |
| Sonnet I | 191 |
| Sonnet II | 193 |
| Sonnet III | 195 |
| Sonnet IV | 197 |
| Sonnet V | 199 |
| Sonnet VI | 201 |
| Sonnet VII | 203 |
| Sonnet de Léon X sur Fra Mariano | 206 |
| Sonnet VIII | 207 |
| Sonnet IX | 209 |
| Sonnet X | 211 |
| Sonnet XI | 213 |
| Sonnet XII | 215 |
| Sonnet contre Hercole Rangon | 217 |
| Sonnet XIII | 221 |
| Sonnet XIV | 223 |
| Sonnet XV | 225 |
| Sonnet XVI | 227 |
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| III. | La Galanterie parisienne sous Louis XV (épuisé) | ||
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| VI. | Maisons d'amour et Filles de joie | 15 | » |
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