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La dernière lettre écrite par des soldats français tombés au champ d'honneur 1914-1918

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Je n'ai pas toujours été un fils bien docile. Oubliez-le, car j'étais jeune.

Avant de vous quitter, je vous souhaite, parents adorés, une vieillesse tranquille, après une vie de labeur comme la vôtre vous avez droit au repos.

Et toi, chère soeurette, j'espère que Dieu exaucera tes voeux et que tu vivras heureuse auprès de celui que ton coeur aime.

Petit frère, sois obéissant, travaille avec ardeur afin de devenir un fils faisant honneur à ses parents.

Une pensée pour tous nos parents.

A vous tous, ma famille, une dernière fois, adieu.

CHARLES.

Lettre écrite par le Sergent Georges NICOLET, pasteur de l'église réformée évangélique de Mont-rouge, 66e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur le 20 Février 1915.

1er Février 1915.

Mes chers Parents,

Je viens de prendre une grande décision. On manque de sous-officiers dans les régiments d'infanterie et le ministre en a demandé chez nous. Personne ne voulait s'offrir. Il m'a semblé que c'était plus à moi qu'à tout autre à donner l'exemple et je me suis fait inscrire. Entraînés par mon exemple, un caporal et trois hommes de mon groupe se sont fait inscrire à leur tour et maintenant le branle est donné. J'espère que ma décision ne vous peinera pas trop et que vous comprendrez qu'il y a des circonstances où un homme courageux ne peut pas s'empêcher de payer de sa personne. D'ailleurs, je ne suis pas beaucoup plus en danger dans un régiment qu'aux brancardiers de corps, car on nous laisse de plus en plus à bonne portée des canons allemands.

…Mais la question est plus haute. Il faut en finir avec les Allemands et on n'en finira que si, au printemps, chacun donne à sa place et selon ses aptitudes son coup d'épaule, et pour en finir la France a besoin de réunir dans un faisceau tout ce qui lui reste d'hommes courageux et capables de conduire ses soldats.

Je vous écrirai le plus souvent possible, ne vous inquiétez pas. Je me suis déjà tiré sain et sauf de tant de situations périlleuses que je suis convaincu qu'il en sera ainsi jusqu'au bout et que je vous reviendrai en bonne santé à la fin de la guerre, c'est-à-dire bientôt, car je ne crois pas que cette guerre dure encore de longs mois, comme le disent les journaux.

Je vous envoie mes plus affectueux baisers.

Georges NICOLET.

P.-S.—J'ai bien reçu le quatrième mandat de 50 francs. Le paquet de sardines ne m'est pas arrivé.

Lettre écrite par le Sergent Maurice NINORET, 123e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur le 7 mai 1916.

4 Mai 1916.

Chers amis,

Ma lettre, aujourd'hui, a un caractère spécial; je vous l'écris du fort de S—— où 9e et 10e sommes arrivés cette nuit. Même vue à 10 kilomètres, l'impression colossale de la lutte qui se déchaîne devant Verdun ne peut être comparée à l'effroyable réalité. Pauvre 123e, d'ici à huit jours, il sera bien maigre. Hier soir seulement, pour faire la relève sur les pentes sud de Douaumont, au cours de la traversée du bois de la Caillette, ou plutôt de ce qui le fut, le 10e bataillon a beaucoup souffert; qu'il me suffise de vous dire que le lieutenant Verron a été tué, le capitaine Missaut blessé de nouveau, etc., etc…. Nous-mêmes avons eu à traverser pour nous rendre ici, à 1.800 mètres de la première ligne, des rafales de leurs gros obus et une chance réelle nous a seule permis d'en sortir indemnes.

Ce soir, nous allons renforcer le bataillon déjà en ligne et, malgré tout mon courage, qui n'est pas amoindri, j'appréhende cette galopade à la mort. Il faut les vivre, ces minutes, pour en comprendre toute la tragique angoisse; tout sent le carnage: par ici, l'air est empesté d'une odeur de charnier.

Et pourtant notre artillerie nous montre bien sa terrible puissance par son fracas ininterrompu. Nous ne resterons point longtemps ici, car c'est le coin le plus terrible du secteur de Verdun. Tous les régiments qui s'y succèdent n'y font souvent pas plus de huit jours; à ce moment, si je suis encore debout, je vous enverrai une carte….

Soyez persuadés que ma façon de vous écrire ne m'est pas inspirée par un sentiment de crainte, mais bien parce que je suis logique avec moi-même, mais parce que dans cette fournaise l'importance de mon devoir m'apparaît précise et que tous mes efforts tendront à l'accomplir, pour notre chère France, jusqu'à mon dernier soupir.

Chers amis, je vous embrasse, permettez-moi ce bonheur.

A bientôt, et vive la France!

M. NINORET.

Lettre écrite par Victor-Désiré-Joseph OLLAGNIER, tombé au champ d'honneur le 20 Juillet 1915.

14 Juin 1915.

Mes bien chers Parents,

Je viens de recevoir votre lettre du 10 Juin et j'y réponds immédiatement. Nous sommes aujourd'hui au repos sur place à Gaschney. Ma santé est toujours excellente, je ne puis demander mieux à ce sujet-là; au moral, il en est de même.

Je suis un peu inquiet au sujet de maman; papa me dit que chaque jour elle se décourage un peu.

Il ne faut pas de cela, au contraire; malgré les soucis de l'heure présente, il ne faut songer qu'au but poursuivi. Je crois qu'aujourd'hui nous tenons la main sur les Boches. En particulier dans le secteur, ils ont peur de nous, et l'heure n'est pas éloignée où nous allons leur passer une triquette quelque chose de soigné. Tous les jours, au contraire, je suis plus confiant dans l'avenir, et ce n'est pas un sentiment unique, personnel, c'est aussi le sentiment vrai de nos chefs, de mes camarades.

On les aura, on veut les avoir. Mais il ne faut pas se leurrer. Pire que les poux qui se collent partout, ils se cramponnent; mais maintenant c'en est fait: on leur passera sur le ventre et demain nous verrons se lever devant nous une ère de bonheur. On sera d'autant plus heureux que notre bonheur aura été payé plus cher. Quelle satisfaction n'aurons-nous pas au retour!

Ne serez-vous pas, et maman aussi, très fiers après la guerre de vous dire, de pouvoir dire à tous: mon fils, notre enfant, a fait son devoir; et moi-même, auprès de vous, je marcherai la tête bien haute, fier de pouvoir chanter bien haut: «Dans cette lutte gigantesque, j'ai pris ma part, j'ai collaboré à cette oeuvre immense, j'y ai trempé mon courage, éprouvé mon énergie», et je ne souhaite qu'une chose, pouvoir dire jusqu'à la fin, comme je puis le faire aujourd'hui, jamais mon courage ni mon énergie n'ont faibli.

Je dirai même, mais ceci comme un enfant cause à ses parents, en pleine intimité et en toute franchise, et sans forfanterie de ma part: Si vous saviez comme je suis heureux, étant chef de section, de sentir autour de moi mes cinquante lapins qui ont en moi une confiance absolue. Il est une chanson bien douce à mon âme quand j'entends leurs conversations après une petite affaire, le soir au bivouac: «Avec le sergent Ollagnier, ça c'est un gars, j'irais n'importe où»; c'est un caporal de ma section qui disait cela. Eh bien! voyez-vous, je l'aurais embrassé, c'était aussi bon pour moi que si devant la brigade on m'eût donné la médaille militaire.

Malgré cela, n'ayez point trop d'inquiétude, je sais que j'ai non seulement à me garder pour vous, pour Germaine, mais aussi que les cinquante hommes de ma section ont aussi des mères, des femmes, des enfants.

Donc, je vous en prie, bien chers parents, pas de défaillances, même d'une minute. Ce serait m'ôter de mon courage, de ma confiance que de savoir que là-bas, bien loin, à la maison, maman se désespère.

J'attends une lettre dans laquelle maman me dira elle-même qu'elle a repris le dessus, et m'exhortant à avoir confiance.

Adieu, bien chers parents, recevez mes plus tendres embrassades.

OLLAGNIER.

Lettre écrite par le Sergent OUDET, Georges-Adolphe, 46e Régiment Territorial d'Infanterie, tombé glorieusement à l'ennemi, le 24 Août 1915, au bombardement de Nisslessmath.

20 Août.

Ma chère petite Lulu,

Je reçois bien tes lettres. En est-il de même des miennes pour toi? Je ne le pense pas, elles doivent subir un retard considérable depuis qu'il nous est permis à nouveau d'écrire sous enveloppe fermée, car, ne pouvant s'assurer de l'observation stricte des consignes imposées aux militaires que très difficilement, l'autorité supérieure les retarde afin que, lorsqu'elles parviennent aux intéressés, les renseignements donnés ne puissent être nuisibles aux mouvements ordonnés; mais enfin tu les recevras. Dans cet ordre d'idées, je puis donc te parler de ma vie de soldat, mais sans détails, tu dois le comprendre.

La guerre actuelle est une guerre où toute l'intelligence de l'homme est mise à épreuve sous toutes ses formes: se masquer, c'est l'attention de toutes les secondes; se démasquer, c'est le courage à l'instant choisi; se garantir est un devoir, tout comme ricaner à la mort comme il le faut en est un autre. Puisque ton coeur de femme est assez stoïque, je vais te donner avec la plus grande sincérité, dénuée d'aucune ficelle, des épisodes. Je vois des choses qui vont te laisser rêveuse.

Rien en ce moment et depuis une demi-heure déjà, et cela va durer tout le jour. Je t'écris au son d'une musique militaire en plein centre d'action—c'est fou—non, c'est sublime. Ici, la mort se fait en plein champ. On salue celui qui tombe par une salve ou par une marche qui hurle: «En avant!» On ne pleure pas les morts, on les élève aux nues sur des ondes sonores qui relient le coeur de l'homme aux confins du ciel…. Une civière passe, on salue et on chante la gloire aux héros, on fait des funérailles de soldat; il semble que celui qui vient d'entrer dans le repos éternel vient d'illuminer le bataillon d'un rayon de gloire de plus. Jamais une larme, jamais un sanglot, un cri immense des canons qui crachent, des cuivres qui sonnent—Vive la France!—Quand le silence se fait, la civière a marqué sa trace lumineuse dans un sillon de têtes nues où l'imagination a tracé la route du devoir.

Hier, j'ai vu, écouté et regardé six hommes à béret montagnard, qui jouaient une banque endiablée, car ici l'argent compte à peu près comme les haricots que l'on joue en famille; pour placer les cartes, ils avaient une planche ronde ou plutôt ovale; un éclat d'obus gros comme une noix tombe au milieu de la planche, crève une carte…. J'étais à un mètre d'eux, je suivais sur leurs visages non pas les émotions que le jeu pouvait y mettre, car il y a longtemps que leurs muscles sont voués à l'impassibilité, mais la trace des rires que les saillies, les lazzi pouvaient entraîner, je les ai vus tous comme l'objectif le plus pur pouvait les prendre et voici ce que j'ai vu: l'un d'eux, celui qui distribuait les cartes, a pris la carte crevée, qui désormais allait se reconnaître, et a dit une seule parole: «Salauds!» Aucun des six hommes n'a interrompu son jeu; l'un des cinq autres a dit: «Donne-moi une carte». Et la partie a continué sans qu'une parole de fanfaronnade soit ajoutée. J'ai regardé ces hommes et, moi que tu connais, j'ai rougi … j'ai rougi pour moi-même qui venais de saluer l'obus avec un serrement de coeur, j'ai rougi pour mon courage de jeunesse que j'ai un peu oublié dans la quiétude du foyer, j'ai rougi pour mes nerfs encore indomptés et, une larme de rage au fond du coeur, j'ai fait le serment de forcer ma carcasse humaine à faire arrêter mon coeur plutôt que de le sentir battre pour autre chose que pour la cause que nous défendons. Ces hommes sont au feu pour la plupart depuis un an et la mort ils ne s'en soucient guère. C'est eux qui sont devenus des hommes malgré leur jeunesse et c'est nous qui sommes des enfants; mais déjà nous nous ressaisissons au contact de tant de vaillance et la meilleure des preuves c'est que la nuit, moi et mes compagnons, nous dormons du sommeil du juste et qu'avec le temps, nos nerfs obéissent à nos cerveaux.

Quant à l'avenir, il est certain que l'Allemagne est vaincue, que le soleil luit. Ceux qui en douteraient peuvent toujours prendre un billet d'aller et retour pour le front. Ici, plus rien des doutes, des torpeurs, des angoisses; rien que du soleil dans l'âme, même dans la brume; de la joie, même dans le malheur, et des fêtes sublimes, même dans la mort!…

Lettre écrite par l'Adjudant Paul OUDIN, 128e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur le 12 Mai 1916.

A vous, chers et bons parents, mes dernières pensées.

Je ne puis trouver d'accents assez forts pour vous remercier des bons soins dont vous m'avez entouré.

Je vous sais à l'abri du besoin et si je tombe ce sera ma consolation.

Mille fois merci et tendres baisers.

POLO.

Lettre écrite par le Sous-Lieutenant Laurent PATEU, 141e Régiment d'infanterie, tombé au champ d'honneur, le 15 Juin 1915, à Notre-Dame-de-Lorette.

Rouge-Croix (Pas-de-Calais). 4 Novembre 1914.

Ma Femme bien-aimée,

Mes Enfants chéris,

Si vous recevez cette lettre, je ne serai plus; mais je vous défends de pleurer. A cette époque où les enfants de la France versent leur sang, le mien n'est pas plus rouge que celui des autres. Vous supporterez d'autant mieux votre douleur que vous vous direz avec une inexprimable fierté que j'ai payé ma dette à la plus belle Patrie du monde et que je suis mort pour elle. Levez la tête bien haut, on doit vous saluer bien bas!

Tu m'as souvent recommandé, ma femme adorée, d'avoir du courage. J'avais le mien propre et celui que tu m'as donné. Je te les adresse tous deux pour t'aider à supporter la douleur. Je t'ai toujours aimée, mon Angèle chérie, malgré mes quelques rares moments d'emportement, je ne t'ai jamais oubliée et j'aspirais, mon Dieu! avec quelle ardeur, au bonheur du retour. Je ne te laisse rien que mon souvenir et je partirai tranquille car tu le garderas autant que la vie, je le sais. Nous nous aimions trop. Raidis-toi, ma petite femme, je te laisse nos enfants et c'est à eux que je m'adresse maintenant.

Mon petit Vonvon, tu as déjà onze ans et demi, tu es une grande fille, tu seras avant peu une petite femme. Tu te souviendras de moi mieux que le pauvre Dudu. Tu me connais, tu sais ce qui me plaît et ce qui me déplaît. Eh bien, dans tous les actes de ta vie, demande-toi bien avant d'agir ce que penserait le pérot s'il était là.

Aide la mérotte de toutes tes forces, aide-la dans tous les soins du ménage; tu sais ce que je te reprochais bien doucement parfois: Corrige-toi, deviens une bonne petite femme de ménage et surtout, oh! surtout, mon petit Vonvon adorée, rappelle-toi combien je t'aimais et, je t'en supplie, sois toujours honnête.

Et toi, mon petit Dudu, à tes deux ans et demi on perd vite le souvenir. Tu parles encore de moi parce que la mérotte et soeur t'en causent, mais tu m'auras vite oublié. Pourtant, lorsque tu seras plus grand, tu te rendras compte que tu avais un pérot que tu appelais en ton doux zézaiement pezot chéri, et qui t'aimait ainsi que ta soeur de toute son âme. Apprends vite à lire pour déchiffrer toi-même ce que j'écris aujourd'hui. Sois d'abord un petit garçon bien sage, puis un élève studieux, apprends, apprends encore, apprends toujours, tu n'en sauras jamais assez. Sois aussi un jeune homme modèle. Enfin et surtout, sois un homme. Si tu es un jour appelé à servir ta Patrie, embrasse les tiens aussi ardemment que je vous ai embrassés et pars sans regarder en arrière, en criant tout le long de la route: Vive la France!

Je m'arrête sans avoir dit tout ce dont mon coeur déborde, je vous aime tous trois, je vous aime, je vous aime et je vous embrasse mille et mille fois du fond du coeur qui ne bat plus vite au son de la mitraille, mais qui palpite à votre souvenir.

Adieu, mes chéris, toutes mes tendresses sont pour vous et pour la meilleure des mères que je n'oublie pas.

Vive la France!

Laurent PATEU.

Lettre écrite par PATOUILLART, tombé au champ d'honneur.

7 Septembre.

Enfin, je reçois ce matin deux lettres de toi, une de Maurice dont je le remercie, son style est meilleur, et recommandée, ce qui est inutile, elles n'arrivent pas plus vite; écris-moi sous enveloppe fermée, mais non cachetée; tu peux me donner quelques nouvelles en gros; joins-moi une ou deux enveloppes et une feuille de papier pour te répondre, ou une feuille de journal, La Liberté, si tu veux, elle me parviendra probablement, en tout cas, on pourra l'enlever sans arrêter la lettre. Si tu m'écris sur une carte, prends une carte avec feuille pour la réponse, mais sur une carte ne me parle pas du contenu des paquets afin de ne pas faire de jaloux; argent inutile: où les Allemands sont passés, tout est saccagé et les habitants sont nourris par nous.

Tes lettres m'ont bien rassuré, je craignais que tu ne fus malade. Merci des images. Je vais bien, à part de fortes coliques; envoie-moi des nouvelles de tous, et du fils Tallon, de Levallois, si possible. Envoie-moi, si possible, les médicaments demandés pour ma pharmacie de poche. Mes amitiés à tous, oncle, etc., Hervaut, Henri, Deschamp, René, Mme Masson, Tallon, etc. Bonne santé à toi et à Maurice, et tous ayez confiance et courage et ne crois pas aux racontars, et ne te fais pas de mauvais sang, je vais pour le mieux et le courage ne manque pas. Les dernières paroles de papa, le 7 Octobre, ont été: «Mon fils, sois bon soldat et fais ton devoir». Mon devoir, je l'ai toujours fait et le ferai jusqu'au bout, quelque dur et pénible qu'il soit parfois. Si papa me voit, il sera heureux et fier de son fils, qui est prêt à donner, s'il le faut, son sang et sa vie pour la France. Si je reviens, tant mieux, mais si je tombe, ce sera en faisant mon devoir et tu pourras être fière de moi. Mais je suis plein d'espoir et espère toujours te souhaiter la bonne année de vive voix.

Mes baisers les plus tendres, et vive la France! Bons baisers à Maurice, écrivez-moi souvent.

PATOUILLART.

Lettre écrite par le Maréchal des Logis Jean-Germain PATROUILLEAU, 15e Dragons, tombé au champ d'honneur le 22 Juin 1915.

Mon cher père,

J'ai reçu hier trois lettres, la vôtre, d'Amélie et de Paul; je comprends un peu votre anxiété. Ah! je voudrais comme vous que le tyran Guillaume descendît rapidement au cercueil; en attendant, que voulez-vous donc y faire!!! Vous ne pleurez plus, me dites-vous, c'est bien; je n'ai plus de larmes non plus, mes yeux se mouillent seulement à la vue de vos lettres et c'est tout; je les relis plusieurs fois et suis plus courageux alors que jamais. La nuit, parfois, lorsque je suis éveillé, je bâtis des châteaux en Espagne, je me vois parmi vous tous, en famille où nous avons tant ri. Eh bien! courage, oui, vous rirez encore, Dieu me protégera. S'il doit en être autrement, le sort en est jeté maintenant, vivons dans l'espérance….

Que vous dire de plus, pas grand chose; nous sommes toujours au même endroit depuis un mois, nous allons aux avant-postes trois jours et trois jours en arrière, nous tenons bon le Grand-Couronné … qui a reçu des milliers et des milliers de marmites allemandes qui font plus de peur que de mal; les cochons ont attaqué furieusement pendant huit jours; nous étions le bloc intangible, ils avaient pris un peu de terrain, nous les avons délogés, ils ont fui en laissant quantités de munitions, de vivres, etc…. Resterons-nous longtemps là, je ne crois pas, il faudra sous peu, je pense, remettre les pieds en pays annexé, espérons que nous irons rapidement. J'espère que vous allez revenir à Jugazan, si toutefois vous n'y êtes pas quand cette lettre vous parviendra. Je serais bien heureux qu'Amélie reste le plus longtemps possible chez elle; je suis bien sûr qu'elle a dû trouver les vendanges longues quoique n'en ayant jamais parlé. Vous ne sémerez probablement pas à la Clotte, vous n'avez donc pas besoin d'elle là-bas. Encouragez-la à rester chez elle le plus longtemps possible; je suis bien sûr que vous lui ferez bien plaisir et à moi aussi; c'est actuellement la chose seule qui me tracasse, elle n'ose rien dire, j'en suis bien sûr, mais elle serait bien heureuse, ses parents aussi; de deux enfants ils n'en ont plus aucun; vous souffrez aussi, mais si le sort veut que mon tombeau soit en Lorraine, vous avez quatre enfants, il vous en restera quatre, au lieu d'avoir deux garçons et deux filles, vous aurez trois filles et un garçon, vous aurez le même nombre de coeurs pour vous aimer et vous soigner, à ma mère et à vous dans vos vieux jours; pensez donc à ceux qui sont auprès de vous, rendez-leur autant que possible la vie douce; je ne crois pas un seul instant qu'il en soit autrement; quant à moi, advienne que pourra, je suis là pour une noble cause, je ferai mon devoir facilement, le vôtre est plus difficile, je compte sur vous….

Bien des baisers à tous.

JEAN.

P.-S.—Inutile de montrer cette lettre à Amélie.

Lettre écrite par Pierre PELERIN, 36e Régiment d'Infanterie, blessé mortellement, à Neuville-Saint-Vaast, le 3 Juin 1915.

Abbeville, 5 Juin 1915.

Ma chère Tante,

Enfin! ça y est, j'ai payé mon tribut à la Patrie et je vais me reposer un peu. Je suis blessé d'un éclat de grenade à l'épaule droite et j'ai été envoyé à l'arrière.

Je t'écris à toi directement pour que tu puisses prévenir maman et surtout qu'elle ne se fasse pas trop de soucis.

Je vous embrasse tous, tous, tous, de tout coeur, comme je vous aime.

PIERRE.

Dernières lettres écrites par le Soldat Louis-Joseph PENEL, du 174e Régiment d'Infanterie, 3e Bataillon, décédé à l'ambulance 9/21.

Ces deux lettres furent écrites le même soir et envoyées à la famille, sur le désir du mourant, à vingt-quatre heures d'intervalle.

10 Septembre 1918.

Ma chère Caroline,

Vous avez dû être bien étonnés en recevant la lettre que j'ai envoyée il y a trois jours à Antoinette. Je parlais de la vue; pour le moment, il n'en est plus question. Les gaz m'ont pris à la poitrine et, comme tu sais que j'ai toujours été faible, ils ont pris le dessus; ce sera long à guérir.

Ne vous faites tout de même pas trop de mauvais sang à mon sujet; si la maladie prend une autre tournure, je vous en aviserai aussitôt.

J'ai le plaisir de t'annoncer qu'en récompense à ma conduite, on m'accorde la médaille militaire.

Septembre 1918.

Ma chère Caroline,

Les choses se sont passées comme c'était prévu: ma maladie a eu le dessus.

Je meurs! que cela soit votre consolation à tous: j'ai toujours vécu en bon Français et en bon chrétien.

Embrasse bien tout le monde de la famille.

Lettre écrite par le Sergent PESSIN, Robert-Charles-Louis, 313e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur, à Rarécourt (Meuse), le 5 Juillet 1916.

Argonne, le 29 Novembre 1915.

Mon cher petit Fernand,

Je profite que j'ai un peu de temps à moi aujourd'hui pour t'adresser ces quelques lignes. Ce sera d'abord pour te féliciter pour les beaux progrès que j'ai remarqués dans ta dernière lettre. Elle m'a fait bien plaisir sous tous les rapports. Continue de bien apprendre, fais ton devoir à l'école comme nous faisons le nôtre ici, apprends à bien connaître ton beau pays que nous défendons et souviens-toi toujours de tous ces grands frères et tous ces papas qui sont dans les tranchées, empêchant la race maudite de pénétrer plus avant. J'espère recevoir bientôt une belle lettre de mon amour de petit Fernand, sur laquelle je souhaite remarquer encore de beaux progrès.

Mille baisers du grand à son petit nini, nounou.

ROBERT.

Lettre écrite par le Général PLESSIER, commandant la 88e Brigade d'Infanterie, blessé mortellement, en Alsace, le 19 Août 1914.

17 Août 1914.

…Quoi qu'il en soit, nous voilà en guerre, et quelle guerre! on n'en aura jamais vu de semblable.

Puissions-nous être victorieux! Pour obtenir ce résultat, je sacrifierai tout ce que j'ai de plus cher. Je ne parle pas de ma vie qui, à l'âge que j'ai, n'est pas du tout précieuse. J'espère que tous nous allons nous battre avec un acharnement inouï.

J'ai hâte de partir d'ici. C'est l'affaire de quelques jours, et je ne suis plus inquiet maintenant; je serai bel et bien de la partie. Elle sera intéressante. Les débuts sont bons, mais tout dépendra de la grande bataille. Je crois que la guerre sera longue.

PLESSIER.

Lettre écrite par Marcelin PORTEIX, tombé au champ d'honneur, à Lankhof (Belgique), le 24 Décembre 1914.

Bien chers Parents,

La lettre que je vous écris est une lettre d'adieu et lorsqu'elle vous parviendra je serai probablement tombé sous les balles de l'ennemi. Mais, qu'importe, ne pleurez pas trop, ma mort sera bien peu de chose si elle peut contribuer à la victoire de mon pays. Mon seul regret aura été de mourir sans avoir pu jouir du beau spectacle de son triomphe.

Naturellement, ayant déjà perdu mon pauvre frère, ce sera pour vous et toute la famille une grande douleur; vous achèterez une petite couronne ou un rameau de laurier que vous mettrez sur la tombe de mon frère et vous lui direz un dernier adieu pour moi.

Embrassez bien mes soeurs et frères et beaux-frères s'ils reviennent sains et saufs. Dites-leur que si ma vie a été courte, mon rôle aura été suffisamment rempli, car j'aurai disparu au champ d'honneur sous les plis du drapeau, en faisant mon devoir de Français.

Chers parents, j'écris cette lettre avant de partir au feu, car probablement demain nous arriverons sur le champ de bataille. Et, avant d'y aller, j'ai voulu vous faire mes adieux; pour le moment, je suis en parfaite santé et désire qu'il en soit de même pour vous tous; vous donnerez le bonjour à Monsieur Jacques et vous lui ferez voir ma lettre. Je termine ma lettre en vous embrassant bien tous.

MARCELIN.

Lettre écrite par Etienne POTIER, tombé glorieusement dans les bois de l'Argonne, le 1er Octobre 1914.

1er Août 1914.

Cher Papa,

Comme vos autres fils, je pars à coup sûr pour me battre; je sais que vous pouvez compter qu'à l'exemple des vertus que vous nous avez appris à pratiquer, nous saurons les pratiquer à notre tour.

Merci mille fois de nous avoir élevés dans le sentiment du devoir. Je dois vous le dire en cette heure solennelle, tout ce que je suis, c'est à vous que je le dois, après Dieu, que vous nous avez appris en toutes circonstances à voir présider au destin des peuples et des familles.

Qu'il protège la France! Qu'il protège les miens! Qu'il me protège! Je pars confiant dans l'avenir. J'ai mis ordre à mes affaires….

Embrassez bien mes frères pour moi et tous nos parents et que tous nous priions fervemment pour ceux que Dieu rappellera à lui ou seront blessés dans cette effroyable tuerie qui se prépare.

Si je disparais, je sais que vous entourerez toujours Marguerite de vos conseils si sages, surtout en ce qui regardera l'éducation de mon fils. Je lui demande de vous écouter comme elle m'aurait écouté.

Donnez-moi votre bénédiction….

E. POTIER.

Lettre écrite par le Sous-Lieutenant grenadier Louis QUITTET, 158e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur, le 4 Septembre 1916, au combat de Sajécourt.

Soyez forts, mes chers parents, et, si je dois tomber, vous aurez au moins la consolation de penser que j'aurai fait mon devoir jusqu'au bout. Il ne faudra pas pleurer, on ne pleure pas celui qui meurt pour sa Patrie.

Lettre écrite par Charles RAVINET, 119e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur, le 24 Juin, à Ablain-Saint-Nazaire.

Ils étaient quatre frères au front. Le frère aîné, Marcel, fut tué vers le 10 Juin. C'est en apprenant cette nouvelle que Charles écrivit cette lettre; deux jours après, il était tué à son tour.

22 Juin

Mes pauvres Parents,

Hier, dans la tranchée, on m'a apporté la lettre de papa m'apportant la terrible nouvelle. C'est bien triste de penser qu'il est parti pour toujours, mais c'est bien beau de songer qu'il est mort pour la Patrie, à son poste. C'est une belle mort pour un Français comme lui qui était soldat dans le fond de l'âme.

Dieu m'appellera peut-être aussi à lui comme Marcel, que sa volonté soit faite, je suis prêt à paraître devant lui. Depuis que nous sommes ici, nous côtoyons la mort: les cadavres encombrent les boyaux, les anciennes tranchées boches retournées par notre artillerie d'où s'exhale une odeur de cadavres en décomposition, les blessés râlent dans la plaine, demandant à boire ou appelant à leur secours leur mère ou leur femme, le tout couvert par les obus qui éclatent de tous côtés et les balles qui sifflent à nos oreilles: voilà le spectacle qui s'ouvre à nos yeux.

Quelle est ma destinée? je n'en sais rien, mais je jure, si Dieu me prête vie, de venger Marcel, après quoi qu'il fasse de moi ce qu'il voudra, si je dois y rester je mourrai content de l'avoir vengé. S'il m'arrivait malheur (il faut tout prévoir), ne me plaignez pas, car Dieu, dans sa miséricorde, nous réunira tous dans un lieu où ces cruelles séparations ne se produiront plus.

Bon courage, mes chers parents, priez pour lui, pour moi pendant les heures terribles que je vis par ici.

Recevez de votre fils qui vous aime de tout son coeur beaucoup de bons baisers.

Charles RAVINET.

Lettre écrite par le Caporal Robert RICAUX, 87e Régiment d'Infanterie, blessé mortellement le 8 Septembre 1914.

Septembre 1914.

Chère Mère,

Lorsque tu recevras cette lettre, je ne serai plus sur la terre, ce sera pour toi une émotion fort grande, mais, je t'en supplie, console-toi, dis-toi que j'ai fait mon devoir jusqu'au bout et que je suis resté un bon soldat.

Moi parti, il te reste papa; si nous sommes perdus tous les deux, tu dois vivre pour les autres et rendre aux malheureux ce que tu aurais pu faire pour nous.

Je suis convaincu que papa et toi avez fait votre devoir. Puisque mon corps ne te parviendra pas, va prier pour moi sur la tombe de grand'mère, ta voix montera vers moi.

L'on te fera parvenir, sans doute, en même temps que ma lettre, un petit carnet où est enregistrée l'histoire de la campagne, conserve-le en souvenir de moi et montre à tes amis les endroits par où j'ai passé.

Je tiendrais que tu ailles remercier l'amie Madame Médard, religieuse laïcisée de l'Institut Saint-Jean de Saint-Quentin, pour la médaille et l'encouragement qu'elle m'a donnés avant mon départ, ainsi que le prêtre qui s'est intéressé à moi.

Crois bien une chose, c'est que je suis mort en bon chrétien, non muni de l'absolution peut-être, mais n'ayant jamais oublié la prière du soir et pensant toujours à toi et à papa.

Je te dis un dernier adieu en t'embrassant bien fort ainsi que ceux qui restent.

Ton fils qui a toujours pensé à toi et à papa,

ROBERT.

Lettre écrite par Louis ROBBE, 217e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur, le 30 Mai 1918, à Terdeghem, près Cassel.

Aux armées, le 12 Août 1917.

Bien chers Parents,

Si vous recevez cette lettre, c'est que je ne serai plus de ce monde. Oh! mes chers parents, croyez que je serai par la grâce de Dieu auprès de lui, et je vous supplie de ne pas pleurer sur moi, car, n'étant sur cette terre que pour gagner le ciel, qu'importe-t-il que ce soit tôt ou tard, et quelle belle occasion de passer dans l'éternité en combattant pour la France, qui a certainement commis bien des fautes, mais qui est malgré tout le royaume de la Sainte Vierge; quoi de plus beau que de mourir pour elle qui sert quand même la juste cause?

Je fais ici le sacrifice de ma vie au bon Dieu pour la France, si c'est sa volonté, et je pars avec le désir de faire tout mon devoir sans exposer ma vie inutilement, bien entendu, mais de servir entièrement mon pays et aussi je pars réconforté à la pensée que je vous défends vous-mêmes, mes chers parents.

Je vous demande bien pardon des peines que j'ai pu vous faire, et je vous remercie de tout mon coeur de ce que vous m'avez élevé dans notre religion et je demande au bon Dieu de vous bénir pour cela.

Je n'oublierai pas non plus de remercier de tout mon coeur Monsieur l'Abbé Perret, qui m'a instruit de ma religion et qui m'a fait tant de bien; Monsieur l'Abbé Amiot, qui a été pour moi un bon pasteur et qui a si bien continué l'oeuvre de l'Abbé Perret; mes oncles et tantes des Faittes, qui depuis mon plus jeune âge ont été pour moi des seconds pères et mères, et en général tous mes autres parents et amis qui m'ont fait du bien sur la terre; je me recommande aux prières de tous: j'en aurai tant besoin pour paraître devant le souverain juge.

Enfin, je termine, mes bien chers parents, en vous disant de croire que ma dernière pensée après Dieu sera pour vous crier un grand au revoir dans l'Eternité.

Votre LOUIS.

Lettre écrite par le Sous-Lieutenant Louis ROBIN, 76e Régiment d'Infanterie, blessé mortellement le 25 Septembre 1915.

Chère Soeurette,

Je t'écris à toi, car je te sais assez courageuse pour préparer papa et maman au cas où je resterais dans la fournaise. Si, dans une dizaine de jours, tu n'as rien reçu de moi, tu pourras dire adieu à ton grand frérot. Comme tu as dû t'en rendre compte, c'est le grand coup que l'on donne aux Boches et ce sera probablement la plus grande bataille des temps modernes sur un front de 800 kilomètres.

Que m'est-il réservé? Mystère. Le 76° est appelé à pénétrer un des premiers dans les pays envahis par les Boches. Tout le monde ici est plein d'espoir, ainsi que moi d'ailleurs, et je te recommande mes vieux parents, ma chère femme et surtout ton petit neveu.

Je termine en t'embrassant.

Ton frère,

LOUIS.

Lettre écrite par Pierre SAGOT, Sous-Lieutenant au 22e Bataillon de Chasseurs Alpins, mort glorieusement pour la France, le 3 Septembre 1914, en conduisant sa section à l'assaut de la Tête de Behouille (Vosges).

J'écris ce petit mot aujourd'hui 2 Septembre, ne connaissant pas le sort que Dieu me destine.

Quand vous recevrez cette lettre, bien chers parents, j'aurai donné ma vie pour la Patrie, je serai mort en pensant à vous, après avoir fait ma prière si Dieu m'en donne le temps! Vivez heureux malgré cette dure épreuve, reportez votre affection sur votre petit Roger. Dites à tous de bien aimer leur Patrie pour récompenser ceux qui sont morts pour elle. Dites à tous de vivre en chrétien, car on a besoin de Dieu au moment de mourir.

Adieu, bien chers parents, je vous bénis tous.

Votre PIERRE.

Lettre écrite par Marcel SARCIRON, blessé mortellement, le 6 Septembre 1914, à la bataille de la Marne.

Ma chère Maman,

A la hâte, car le temps presse, une dernière lettre. Malheureusement, les pourparlers dont je t'avais déjà causé ne sont que trop vrais: avant la fin de cette semaine, il y aura déjà de mes camarades qui seront blessés ou morts, peut-être serai-je de ceux-là. En tout cas, il faut que je te dise qu'avant d'aller à la mort, j'ai rempli mes devoirs de chrétien. Monsieur le Curé de Gaillon est venu et j'ai été me confesser; nous étions nombreux, plus que je ne l'aurais cru; il m'a remis une médaille que je garde. Si tu voyais la figure des soldats, tous sont pâles et muets.

A l'heure actuelle où je t'écris, on nous informe que nous allons aller demain à Maubeuge; tu regarderas sur la carte et tu verras que c'est tout près de la frontière; enfin, je pourrai mourir content, car, bien que nous soyons tous sacrifiés, j'aurai fait mon devoir jusqu'au bout, car je pars fier de servir ma Patrie, pour te défendre, et tu pourras dire que ton fils aura accompli sans défaillance la tâche qu'on lui imposait, et au dernier moment, je te reverrai, ma petite mère chérie, et mon cher papa qui a été pour moi un grand ami. Je vous embrasse de tout coeur en criant: «Vive la France!»

Votre fils qui vous aime et qui pense toujours à vous.

Marcel SARCIRON.

P.-S.—Ce matin, les habitants de Gaillon nous ont accompagnés à la gare, nous ont donné du pain, du tabac; tous pleuraient.

Encore un dernier souvenir à vous deux et je meurs en pensant à vous! Adieu, mon papa chéri, adieu, ma maman adorée! Je vous embrasse comme je vous ai toujours aimés.

MARCEL.

Lettre écrite par le Sous-Lieutenant Louis SAUVRY, tombé au champ d'honneur, le 9 Août 1918 à la prise de Montdidier, à son fils aîné, Aspirant au 61e d'artillerie, sur le front.

Mon bien cher Fils,

Nous voici à la veille de prendre part d'une manière personnelle et agissante à la lutte et à notre offensive générale.

Sans trahir aucun secret, nous allons pousser à notre tour par un mouvement sur notre droite en traversant la voie ferrée à trois kilomètres environ de la ville de X… (Montdidier), dans un endroit qui possède des marécages malencontreux. Mais ce qui se passe à notre droite et à notre gauche nous déblayera certainement beaucoup le terrain.

Il y a, bien entendu, des pièces de tous les calibres et il en arrive encore cette nuit. Nous avons eu une nuit bruyante, le tapage s'est continué toute la journée et des deux côtés cela a été un grand concert, toute la lyre.

Mon bien cher Alfred, tu n'as pas oublié ce que je t'écrivais l'an dernier dans une semblable circonstance, tu es mieux placé encore pour apprécier mes sentiments. Si la mort me frappait sur le champ de bataille, tu pourras te dire que je l'ai trouvée, que je suis venu la chercher de loin, pour accomplir ce qui m'a paru un devoir, et que j'ai considéré, à tort peut-être, mais en toute conscience, que je travaillais pour notre honneur, inspiré par mon amour pour vous.

Au demeurant, la confiance la plus entière m'anime que Dieu veillera sur mes jours comme il veille sur les tiens et je me place entièrement sous sa suprême volonté.

Ne t'étonne pas surtout si tu ne reçois pas de lettres de moi, cela prouvera simplement que les correspondances ne marchent pas, mes dispositions étant prises à toutes éventualités.

Au revoir, mon bien cher Alfred, je t'embrasse avec tout mon coeur.

Ton père qui t'aime,

Louis SAUVRY.

Lettre écrite par Charles SAVEL, Maréchal des Logis au 11e Chasseurs, à Vesoul, mort au champ d'honneur.

Chers Parents,

Si vous recevez cette lettre, c'est que mon rêve se sera réalisé, je serai mort pour la Patrie, j'aurai donné mon sang pour la France. Je vous demande de ne verser sur mon cercueil que des larmes de joie; faites en vos coeurs le sacrifice de votre enfant et exaucez ma prière. Je pars avec la volonté ferme de me battre à outrance toutes les fois que j'en aurai l'occasion; rassurez-vous, je ne m'acharnerai pas sur un ennemi désarmé ou sur un vieillard, non. Mais je veux montrer aux Allemands que les jeunes Français sont plus patriotes qu'ils ne le croient. J'ai fait, pour ma part, depuis longtemps, le sacrifice que je vous demande de faire, encore une fois, exaucez cet ultime voeu. Je meurs pour Dieu, pour ma Patrie et pour vous et cela ne fait qu'un tout indissoluble. Parents chéris, je vous presse une dernière fois sur mon coeur.

Votre CHARLES.

Lettre écrite par Albert-Charles TAUZIN, 12e Cuirassiers à pied, blessé mortellement devant La Pompelle le 19 Décembre 1917, décédé sept jours après à l'ambulance du front, Château Pommery, à Chigny-les-Roses (Marne).

Le 25 Décembre 1917.

Mon petit Papa chéri,

Ma bonne petite Maman chérie,

Je ne vous verrai plus, mais je veux que vous sachiez, encore une dernière fois, que vous étiez ce que j'ai de plus cher au monde et que je vous ai aimés jusqu'à la dernière minute.

Albert TAUZIN.

Lettre écrite par le Sergent Charles TEMPLIER, 331e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur, le 16 Septembre 1916, à Bouchavesne.

Jeudi 14 Septembre 1916.

Mon cher Georges,

Deux mots seulement pour te dire que cette fois j'ai vu la bataille, ou du moins nous y sommes depuis hier.

Je ne veux pas m'en plaindre, loin de là. J'y suis, je ferai mon possible pour faire pour le mieux, mais sois certain que ton frère fera son devoir sans trembler, en pensant à vous tous.

Hélas! je ne puis et ne veux te parler de la guerre que je ne connaissais en rien depuis deux ans et cependant dans sa beauté (car ce qu'elle représente dans un rayon très étendu est beau), mais aussi quelle horreur dans son détail, que de tristes choses que l'on voit….

Enfin, les opérations vont assez bien et espérons que bientôt ce sera fini et j'espère aussi qu'il me sera encore permis de retourner vous dire ce que j'aurai vu.

Voilà déjà qu'il ne fait pas chaud.

Embrasse bien tout ton monde pour moi et reçois de ton frère un bien bon baiser.

CHARLES.

Lettre écrite par le Caporal Jean TISSIER, 81e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur.

Chère petite Mère,

Bien reçu ta longue lettre du 18, et tu penses si je suis heureux avec une lettre pareille!

Je te remercie pour ton colis que j'ai bien reçu. Tu parles d'une surprise! je le reçois hier au soir à la soupe, avant ta lettre, donc. Que peut-il bien contenir? Je l'ouvre. Ciel, que vois-je! Un pâté de chez Bourbonneux…. Une demi-heure après, il était mort et enterré avec les honneurs militaires … ce qu'il était bon! Et l'arrosage, donc!

Petite mère, ce que tu me gâtes! Je vois que tu es bien occupée avec tes poilus! que de travail! et combien je suis heureux de voir, malgré tout le travail qui t'est imposé par la maison de commerce, tout le mal que tu te donnes pour nous gâter, et heureux surtout que tu te portes bien.

Ce qu'il en a de la veine, papa! Déjà été deux fois en perm à Paris, et tu vas aller le voir. Tu es avec lui en ce moment! Je suis positivement jaloux…. Oui, mais je me rattraperai quand ça sera fini.

Petite mère, tu te fais une trop belle idée de moi; de mon insouciance et de ma gaieté, je n'ai pas de mérite. N'ai-je pas tout ce qu'il faut pour être aussi heureux que possible? Tu me gâtes comme je ne pensais pas qu'il fût possible d'être gâté; je suis jeune, je n'ai pas de soucis pour plus tard, et n'ai rien à craindre, ou presque, pour ceux que j'aime…. Au contraire, je vois autour de moi des poilus des pays envahis, qui n'ont plus rien sur terre; leur pays est ruiné, leurs parents sont prisonniers, ils sont sans nouvelles; quelquefois, leurs femmes, leurs enfants sont aux mains des Boches. Que trouveront-ils la guerre finie? Leur maison saccagée, pillée, peut-être en ruines; leurs parents, leurs femmes, leurs enfants, que seront-ils?… Voilà ceux qui ont du mérite à être gais, à avoir un bon moral!

J'ai reçu tous tes colis, chère maman, il n'en manque pas à l'appel. Le beurre que je reçois maintenant est délicieux.

J'espère que tu as reçu les pellicules. Ici, il continue à faire un temps épouvantable; je me souviendrai des huit jours que nous venons de passer, c'est du joli. Heureusement que je suis costaud! Je n'ai plus que deux hommes à mon escouade, le reste est évacué: angines, bronchites, courbatures fébriles, etc.

Chère mère, je te quitte en t'embrassant très tendrement.

JEAN.

Lettre écrite par le Sous-Officier TOUSSAINT, 117e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur le 22 Juillet 1916.

17 Juillet 1916.

Cher Monsieur Croland,

Ces lignes pour vous exprimer toute ma reconnaissance, toute ma gratitude, tout ce que je ressens de bons sentiments pour la constante bienveillance dont vous avez fait preuve envers moi toujours, en tout temps. Cher Monsieur Croland, je vais peut-être casser ma pipe, peut-être cette lettre est la dernière que vous recevrez de moi, car demain nous partons à V…, après un repos d'une huitaine. Le régiment a la mission de reprendre l'ouvrage de Th…, gagné et perdu plusieurs fois. C'est vous dire qu'il va faire chaud. Je ne me dissimule pas qu'il y a bien 90 chances sur 100 de n'en pas revenir, car on cite des bataillons qui furent entièrement décimés. Mais, quoi qu'il arrive, soyez persuadé, Monsieur Croland, que Toussaint cassera sa pipe très proprement. Tout ce que je souhaite est de ne pas être amoché avant d'avoir fait entrer Rosalie en danse. Le résiné, ça me connaît, vu que je suis boucher.

Je vous prie, Monsieur Croland, de dire à Monsieur Dauphin que je serai parti avec les bons souvenirs de satisfaction dus à sa grande amabilité et à la profonde amitié de son fils. Non pas adieu, mais au revoir.

TOUSSAINT.

Lettre écrite par le Sous-Lieutenant Gustave VEUILLET, 23e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur, le 26 Août 1916, à Curlu (Somme).

Ma chère Maman,

Lorsque tu liras ces lignes, je me serai, comme tant d'autres, acquitté envers le pays de la dette sacrée; et ce n'est certes que payer un juste prix l'honneur d'avoir porté le nom de Français en ces heures sublimes, en renonçant à certains rêves d'avenir. Depuis longtemps, j'avais fait le sacrifice de ma vie à la noble cause, la plus belle entre toutes, celle pour laquelle nous avons su souffrir, lutter et mourir.

Elle en vaut la peine. Que cette nouvelle te trouve forte et fière d'avoir donné un fils à la Patrie, c'est là mon dernier voeu. Le coeur des mères est, je sais, bien sensible à de pareils coups, mais je sais aussi que le coeur d'une Française les supporte vaillamment, et tu étais la maman d'un bon Français.

Comme j'ai sacrifié ma vie sur l'autel de la Patrie, offre ton héroïque douleur à notre chère France et nous aurons tous deux bien mérité du pays. Songe que la mort est notre lot fatal et qu'il faut la bénir lorsqu'elle concourt à un tel but. Sois assurée que je l'ai affrontée sans crainte, mon seul souci étant de faire dignement mon devoir. Et je meurs sans remords, ma tâche consciencieusement accomplie, avec la joie sereine de songer que mon souvenir survivra parmi celui des braves tombés au champ d'honneur pour que l'humanité fût faite de plus de justice. Je ne regrette rien de la vie, car j'ai vécu des heures uniques et sublimes, exemptes de tout calcul et d'égoïsme, et je ferme les yeux sur une vision presque trop belle pour être humaine.

J'ai vu tomber à mes côtés en un effroyable pêle-mêle, mais d'un geste héroïque, des heureux de la vie et des pauvres diables, de puissants cerveaux et de rudes primitifs, qui, après avoir souffert de longs mois, fait abstraction de tout, sacrifié fortune, plaisir, famille, ont donné leur vie pour un idéal d'amour, de justice et de liberté.

Si tu savais comme de tels exemples aident à mourir! J'emporte dans la tombe le radieux espoir d'une France grande, forte et respectée, avec la pensée que j'aurai modestement contribué à l'oeuvre de rénovation; ma dernière pensée s'envole vers toi, chère petite maman, et auprès d'Henri que j'ai beaucoup aimé, dans la communion de pensée où nous réunissait l'amour profond de notre belle France.

Ne pleurez pas ma mort, ce serait faire injure à ma mémoire; placez mon portrait en tenue à la place d'honneur du salon et ne l'encadrez pas de crêpe, car je veux être uniquement un souvenir de gloire et non de deuil. Ceux qui sont tombés en soldat ont droit que l'on ne pleure pas leur trépas puisqu'ils l'ont librement consenti et jugé utile.

Adieu et vivez pour transmettre mon exemple à ceux qui auront la gloire d'achever la tâche.

GUSTAVE.

Lettre écrite par Louis-Don-Joseph VINCENTELLI, 158e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur, le 9 Juillet 1917, à Souchez.

8 Juillet.

Chers Parents,

J'ai reçu votre lettre datée du 13 Juin et suis très heureux de vous savoir en bonne santé. Nous étions au repos pour un mois, mais un ordre vient d'arriver et nous partons dans deux heures pour Lorette. Ça doit chauffer, mais mon courage n'a pas diminué. Je suis très content de savoir que vous vous soumettez à la volonté de Dieu. Oui, chers parents, je ne vous demande que cela. Même si un jour vous appreniez ma mort, eh bien! ayez la consolation de savoir que votre fils aura fait tout son devoir.

J'ai prévenu un de mes camarades de combat de vous envoyer la photo si je venais à tomber: il s'appelle Velin, Marius, de Saint-Saveurnin (B.-du-R.).

Un Marseillais a reçu une lettre de Marseille dans laquelle on lui dit que les Marseillais en ont assez. J'ai été peiné d'apprendre cela. Quant à vous, je suis persuadé que vous aurez toujours bon courage.

Voyez, chers parents, je ne vous cacherai rien. Au Valdabon, j'étais toujours malade, depuis le début jusqu'à ce que je rentre à l'infirmerie, j'ai souffert des intestins; les premiers jours, à la visite, on m'a reconnu et après le major ne m'a plus reconnu; depuis ce jour, j'ai toujours marché.

Dieu sait toutes les fatigues que j'ai supportées et pourtant, grâce à lui, jamais je ne me suis découragé, non, jamais, car je priais.

Il n'y a que le jour où, arrivé au maximum de mes forces, on m'a rapporté à moitié mort à l'infirmerie. Mais Dieu m'a réconforté, car ma maladie a disparu et je suis frais et dispos, aussi j'emploierai ma santé au service de la France.

Que Michel n'oublie pas son devoir de chrétien: je lui demanderai de faire une sainte communion pour moi.

Ce soir, j'irai à l'église voir si l'on me fera la faveur de communier avant de partir pour les tranchées.

J'espère recevoir l'argent demain ou après-demain. Heureusement, il me reste encore 3 francs pour m'acheter quelques provisions pour le voyage: nous avons 40 kilomètres à faire en automobile.

«Le caporal me remet à l'instant 200 pruneaux pour aller faire des cartons à la foire.»

Ici, il fait chaud. Donc, chers parents, bon courage, trouvez la consolation dans la prière.

Je vous embrasse de tout mon coeur.

LOUIS.

Chère Maman,

Je veux ajouter quelques mots pour toi afin de t'apporter un peu de courage. Je ne te cacherai pas que nous partons dans un vrai enfer.

Dieu m'a choisi pour vous représenter au combat, et c'est tout joyeux que j'accepte. Il est vrai que c'est dur, qu'à chaque minute, à chaque seconde, la mort vous guette, mais malgré tout je ferai mon devoir et, s'il le faut, je donnerai ma vie.

Je t'embrasse de tout mon coeur.

Au revoir. Vive la France!

Lettre écrite par le Sous-Lieutenant Pierre VIOLET, 6e Tirailleurs, mort au champ d'honneur le 26 Octobre 1918.

30 Mars 1918.

Je n'ai, à mon âge, pas connu grand'chose de la vie. La France et son idéal de liberté fut et demeure mon grand amour, et je serai fier de me dévouer pour elle.

Si, comme tant d'autres, je dois succomber dans la lutte ardente, je ne demande à Dieu qu'une chose: me laisser vivre assez longtemps pour voir les Boches en déroute et je mourrai content, comme un soldat doit mourir: face à l'ennemi.

Pierre VIOLET.

Lettre écrite par le Sous-Lieutenant Pierre-Eugène VUITTON, 101e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur le 28 Septembre 1917.

19 Juin 1915.

Mon cher Père,

Oui, évidemment, je sais que je fais mon devoir, mais je me demande si je ne pourrais pas le faire mieux. Je sais qu'en ce moment on manque d'officiers d'infanterie; je crois donc que je pourrais être beaucoup plus utile dans cette arme qu'ici, surtout si je réussis à être sous-lieutenant. Cette guerre dure si longtemps et affecte le moral de si nombreuses personnes (aussi bien civiles que militaires) que j'estime que ceux qui en sont capables doivent faire plus que leur devoir et je vous sais assez patriotes pour être sûr que vous pensez comme moi. Mais, naturellement, je ne ferai rien avant d'avoir votre avis.

PIERRE.

Lettre écrite par le Sous-Lieutenant Rodolphe WURTZ, 405e Régiment d'Infanterie, tombé au champ d'honneur en Champagne.

Ma chère petite Maman,

J'espère que tu ne recevras jamais cette lettre, car si elle te parvient un jour, c'est que je serai allé retrouver papa et mon cher petit frère.

Cette idée de mort ne m'épouvante pas le moins du monde. Si je tombe, ce sera pour la France, en faisant mon devoir, comme autant d'hommes le font en ce moment.

Il n'y a que toi qui m'inquiète, et je me dis: «Que deviendr [illisible] a pauvre maman?» Si je viens à mourir, voilà ce que tu feras. D'abord, tu auras et conserveras beaucoup de calme, tu garderas ton sang-froid et tu ne t'en iras pas par les rues en criant ton désespoir; ta douleur sera calme et digne.

Puis tu iras à Luché-Thouarsais, sur la tombe de papa, et tu lui diras que ses deux fils sont morts en faisant leur devoir et que son gendre en a fait autant.

Mon père sera content de savoir que son grand Rodolphe et son petit
Emile sont tombés au champ d'honneur.

Tu lui diras aussi que Rodolphe est tombé avec l'épaulette, face à l'ennemi et en tête de ses hommes. Il sera heureux, notre pauvre père, et toi aussi, chère maman, tu auras la satisfaction d'avoir donné le jour à des gens de bien, quoique certains en aient douté.

Tu retourneras à ton travail à la gare de Chef-Boutonne, et tu continueras jusqu'au jour où tu jugeras être assez fatiguée et avoir assez travaillé pour te reposer.

Tu retourneras dans ton pays, en Alsace redevenue française, et tu te diras si tu es à Thann ou à Strasbourg, c'est que tes fils auront contribué à rendre à la France nos chères provinces.

Que cette pensée te soit douce au coeur. Elle sera une consolation dans ta vieillesse. Je te veux et te désire toujours bon courage et de la confiance. Le sacrifice bien accepté, la joie dans la résignation font les forts. Tu chasseras bien loin de toi toute colère contre qui que ce soit; tu ne seras point jalouse des mères qui auront conservé leurs enfants. S'il t'arrive parfois de pousser des soupirs en voyant les camarades de mon frère ou les miens, songe que tes fils ne souffrent plus et que leur mort glorieuse vaut bien la misérable existence de ceux qui restent.

C'est bien promis, n'est-ce pas? si je ne reviens pas, tu diras que les dernières pensées de ton grand fils ont été vers toi et vers ma soeur Blanche et que du paradis des braves je vous protégerai toutes les deux.

Bons baisers, donc, et du courage et de la force de coeur, dans la vie comme dans la mort.

Rudolphe WURTZ.

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