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La vie des termites

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LA TERMITIÈRE

I

On compte de douze à quinze cents espèces de termites. Les plus connus sont le Termes Bellicosus, qui édifie d’énormes monticules, le Nemorosus, le Lucifugus qui a fait une apparition en Europe, l’Incertus, le Vulgaris, le Coptotermes, le Bornensis et le Mangensis qui ont des soldats à seringue, le Rhinotermes, le Termes Planus, le Tenuis, le Malayanus, le Viator, l’un des rares qui vivent parfois à découvert et traversent les jungles, en longues lignes, les soldats encadrant les ouvriers porteurs, le Termes Longipes, le Foraminifer, le Sulphureus, le Gestroi qui attaque délibérément les arbres vivants et dont les guerriers sont féroces, le Termes Carbonarius, dont les soldats rythment d’une façon très particulière le martellement mystérieux sur lequel nous reviendrons, le Termes Latericus, le Lacessitus, le Dives, le Gilvus, l’Azarellii, le Translucens, le Speciosus, le Comis, le Laticornis, le Brevicornis, le Fuscipennis, l’Atripennis, l’Ovipennis, le Regularis, l’Inanis, le Latifrons, le Filicornis, le Sordidus qui habitent l’île de Bornéo, le Laborator, de Malacca, les Capritermes, dont les mandibules, en cornes de bouc, se détendent comme des ressorts et projettent l’insecte à vingt ou trente centimètres de distance, les Termopsis, les Calotermes qui sont les plus arriérés ; et des centaines d’autres dont l’énumération serait fastidieuse.

Ajoutons que les observations sur les mœurs de l’insecte exotique et toujours invisible sont récentes et incomplètes, que bien des points y demeurent obscurs et que la termitière est lourde de mystères.

En effet, outre qu’il habite des contrées où les naturalistes sont infiniment plus rares qu’en Europe, le termite n’est pas, ou du moins n’était pas, avant que les Américains s’y fussent intéressés, un insecte de laboratoire, et l’on ne peut guère l’étudier dans des ruches ou des boîtes de verre, comme on fait pour les abeilles et les fourmis. Les grands myrmécologues, tels que les Forel, les Charles Janet, les Lubbock, les Wasmann, les Cornetz et bien d’autres, n’ont pas eu l’occasion de s’en occuper. S’il pénètre dans un cabinet d’entomologie, c’est, généralement pour le détruire. D’autre part, éventrer une termitière n’est pas chose facile et agréable. Les coupoles qui la couvrent sont d’un ciment tellement dur que l’acier des haches s’y ébrèche et qu’il faudrait les faire sauter à la poudre. Souvent les indigènes, par peur ou superstition, refusent de seconder l’explorateur qui, comme le raconte Douville dans son voyage au Congo, est obligé de se vêtir de cuir et de se masquer afin d’échapper aux morsures de milliers de guerriers qui, en un instant, l’enveloppent et ne lâchent jamais prise. Enfin, quand elle est ouverte, elle ne livre que le spectacle d’un immense et redoutable tumulte et nullement les secrets de la vie quotidienne. Au surplus, quoi qu’on fasse, on n’atteint jamais les derniers repaires souterrains qui s’enfoncent à plusieurs mètres de profondeur.

Il existe, il est vrai, une race de termites européens, très petits et probablement dégénérés, qu’un entomologiste français, Charles Lespès, a consciencieusement étudiés il y a soixante-dix ans. On les confond assez facilement avec les fourmis, bien qu’ils soient d’un blanc légèrement ambré et presque diaphane. Ils se trouvent en Sicile, notamment dans la région de Catane et surtout dans les landes des environs de Bordeaux où ils habitent les vieilles souches de pins. Au rebours de leurs congénères des pays chauds, ils ne s’introduisent que fort rarement dans les maisons et n’y font que d’insignifiants dégâts. Ils ne dépassent pas la taille d’une petite fourmi et sont fragiles, minables, peu nombreux, inoffensifs et presque sans défense. Ce sont les parents pauvres de l’espèce, peut-être des descendants égarés et affaiblis des Lucifugus que nous retrouverons plus loin. En tous cas, ils ne peuvent nous donner qu’une idée approximative des mœurs et de l’organisation des énormes républiques tropicales.

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