Le duel : $b roman
POSTFACE
Il y a tantôt dix-sept ans que parut la première édition russe de ce livre : énorme laps de temps dans la courte vie humaine ; quelques siècles dans l’existence de la malheureuse Russie.
L’auteur avait conçu ce roman bien avant la guerre russo-japonaise ; il l’écrivit, le cœur navré, uniquement guidé par son profond amour de la patrie et de l’armée ; et, s’il découvrit — peut-être un peu rudement — les plaies dont celles-ci souffraient, ce n’était pas par raillerie mais dans le seul souci de les guérir. Cependant l’amertume qui empoisonna son âme pendant cette guerre inutile, désastreuse et sans gloire l’aveugla et lui enleva cet équilibre entre l’esprit et le cœur, cette calme sérénité indispensables à la création d’une œuvre purement artistique. Toutefois, s’il est vrai que ce livre ait pu exercer, grâce à sa large diffusion, une quelconque influence sur la rénovation de l’armée russe, pendant les dix années qui séparèrent la campagne de Mandchourie de la Grande Guerre, l’auteur estime aujourd’hui encore n’avoir pas fait œuvre vaine.
Pendant cette période en effet l’armée russe a été traitée comme un rucher dont le maître ouvre les ruches vieillies et mal ventilées, pour en retirer les bourdons et les abeilles malades et transporter les bien portantes dans une nouvelle ruche sèche, solide : ce sont toujours les mêmes abeilles, mais déjà la ruche bourdonne d’une fébrile activité !
L’armée qui partit en 1914 contre les Allemands était au-dessus de tout éloge, tant par sa préparation militaire que par ses qualités morales et son enthousiasme inouï. Le cadre des officiers de carrière et le premier contingent de ceux de réserve méritent des louanges éternelles. Quand, à la bataille, un régiment perdait 30 % de son effectif, le nombre des officiers tués et blessés atteignait 75 % ; et s’il perdait la moitié de ses hommes, il ne conservait pas un seul chef. L’officier russe a toujours eu pour règle d’entraîner le soldat à l’attaque et non pas de l’y suivre.
J’ai la conviction que seuls les Français et les Russes sont en droit de prétendre avoir moralement gagné la guerre. Ils ont, les premiers, montré que les Allemands pouvaient être vaincus ; les autres Alliés ont trouvé déjà frayée la route de la Victoire. La France a mené à bien une tâche au-dessus des forces humaines. Quant aux Russes, après avoir supporté des pertes innombrables, réalisé des prodiges et changé plus d’une fois des défaites en victoires, — ils abandonnèrent, hélas ! la partie à l’heure suprême. Il faut chercher les causes de cet effondrement dans une éducation technique encore trop rudimentaire, dans les accablantes fatigues d’un fastidieux séjour au fond des tranchées, dans la fantastique étendue d’un front allant du cercle polaire au Tropique, enfin dans le virus diabolique de la propagande allemande.
Cependant l’armée russe ne périt pas. Elle vivait encore, lorsque les soixante-dix officiers d’un régiment corrompu par le délétère bavardage de l’an 17, s’élancèrent seuls à l’attaque et furent tués — effrayant symbole ! — à coups de mitrailleuses manœuvrées par leurs propres soldats. Elle vivait toujours, lorsque Alexeïev, Kornilov et leurs successeurs réussirent à regrouper des éléments épars et à reconstituer des forces imposantes.
Cette aptitude organique de l’armée russe à renaître de ses cendres découle tout naturellement de la vitalité et de la force d’endurance du peuple russe, dont l’armée a toujours formé une partie très représentative. La Russie devait infailliblement succomber sous le joug tatare et cependant elle résista, barra au torrent oriental la route de l’Occident, et se redressa fermement sur ses pieds. En 1613 sa situation était pour le moins aussi terrible qu’à l’heure actuelle : et cependant elle sortit du cloaque, se releva de ses ruines et prit bientôt un rang honorable parmi les nations civilisées.
Elle est depuis quatre ans en proie à une grave maladie qui menace de contaminer tout l’univers. D’aucuns désespèrent de sa guérison. Pour moi, je suis sûr qu’elle trouvera en elle-même assez de vigueur pour terrasser finalement son mal. Oui, je le crois, la nation russe et son armée glorieuse ressusciteront d’entre les morts.
Ainsi soit-il !
A. K.
Ville-d’Avray, 11 novembre 1921.
Éditions Bossard, 43, rue Madame, Paris-VIe.
COLLECTION LITTÉRAIRE
“LES CHEFS-D’ŒUVRE MÉCONNUS”
Format in-16 Grand-Aigle, 13,5cm × 19,5cm.
Portrait gravé sur bois, papier de luxe, tirage limité.
1. Marguerite de Valois. — Mémoires. Introduction et Notes de Paul Bonnefon, Conservateur de la Bibliothèque de l’Arsenal.
2. Regnard. — La Provençale, suivie de la Satire contre les Maris, de Edmond Pilon.
3. Bouhours. — Entretiens d’Ariste et d’Eugène. Introduction et Notes de René Radouant.
4. Honoré d’Urfé. — Les Amours d’Alcidon. Introduction et Notes de Gustave Charlier.
5. Tallemant des Réaux. — Richelieu — sa Famille — son favori Bois-Robert. Introduction et Notes de Émile Magne.
6. Chateaubriand. — Vie de Rancé. Introduction et Notes de Julien Benda.
7. Delécluze. — Mademoiselle Justine de Liron. Introduction et Notes de Marcelle Tinayre.
8. Bossuet. — Lettres sur l’Éducation du Dauphin suivies de Lettres au Maréchal de Bellefonds et au Roi. Introduction et Notes de E. Levesque.
9. Fénelon. — Écrits et Lettres politiques. Introduction et Notes de Charles Urbain.
10. Dufresny. — Amusements sérieux et comiques. Texte nouveau. Introduction et Notes de Jean Vic.
11. Mme de Maintenon. — Lettres à d’Aubigné et à Mme des Ursins. Introduction et Notes de Gonzague Truc.
12. Gérard de Nerval. — De Paris à Cythère. Introduction et Notes de Henri Clouard.
13. Calvin. — Traité des Reliques et Epître à Messieurs les Nicodémites. Introduction et Notes de Albert Autin.
14. Gui Patin. — Lettres du Temps de la Fronde. Introduction et Notes de André Thérive.
15. Proudhon. — Du Principe fédératif et de la Nécessité de reconstituer le parti de la Révolution. Introduction et Notes de Charles-Brun.
16. La Mettrie. — L’Homme machine, suivi de l’Art de jouir. Introduction et Notes de Maurice Solovine.
17. Marivaux. — Le Spectateur français. Introduction et Notes de Paul Bonnefon.
18. Noël du Fail. — Propos rustiques. Introduction et Notes de Jacques Boulenger.
19. Bourdaloue. — Sermons sur l’Impureté, sur la Conversion de Madeleine et sur le Retardement de la Pénitence. Introduction et Notes de Gonzague Truc.
20. Ronsard. — Sonnets pour Helene. Introduction et Notes de Roger Sorg.
21. Diderot. — Entretien entre D’Alembert et Diderot. Rêve de D’Alembert suivi de l’Entretien avec Mlle de Lespinasse. Introduction et Notes de Gilbert Maire.
22. Saint-Évremond. — Critique littéraire. Introduction et Notes de Maurice Wilmotte.
23. Mme du Deffand. — Lettres à Voltaire. Introduction et Notes de Joseph Trabucco.
24. Méry. — Quatre Nouvelles humoristiques (La Chasse au Chastre. — Les Explorations de Victor Hummer. — Un Chinois à Paris). Introduction et Notes de Ernest Jaubert.
25. Le Prince de Ligne. — Coup d’œil sur Belœil et sur une grande partie des Jardins de l’Europe. Édition nouvelle publiée avec une Introduction et des Notes par le Comte Ernest de Ganay.
26. Du Guay-Trouin. — Vie de Monsieur Du Guay-Trouin écrite de sa Main. Nouvelle édition contenant les passages inédits des manuscrits de la Bibliothèque et des Archives communales de Saint-Malo, et colligée sur le texte du manuscrit de la Bibliothèque de Chaumont, avec une introduction et des Notes par Henri Malo.
27. Racine. — Lettres à son Fils, suivies de Lettres de J.-B. Racine à Louis Racine. Introduction et Notes de Gonzague Truc.
28. Filleau de la Chaise. — Mémoire sur les Pensées de M. Pascal. Introduction et Notes de Victor Giraud.
Prix de chaque volume : 12 francs.
PARIS. — SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D’IMPRIMERIE ET D’ÉDITION,
ANC. IMPR. LEVÉ, 71, RUE DE RENNES.