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Le jour du Seigneur

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PRÉFACE

Après un tremblement de terre, les survivants se regardent avec étonnement. Mille sentiments très-serrés les uns contre les autres, surgissent en un instant sur le même point du temps et de l’espace.

Voici l’une des expressions confuses, indéterminées, rapides et ardentes qui se font jour, dès que le jour devient possible, dans les âmes épouvantées :

« Comment vivrons-nous désormais ? »

Une immense catastrophe exige et promet quelque immense rénovation. Il semble impossible de suivre, après l’abîme, la route ancienne qui a mené à l’abîme. Les discours ont été inutiles. L’autorité des faits semble imposer une rénovation. L’esprit s’ouvre à la fois aux désespoirs les plus profonds et aux espérances les plus audacieuses.

Tout est perdu, à moins que tout ne soit sauvé.

Une seule chose paraît impossible, c’est la continuation du passé.

Cette chose est précisément la seule qui se soit réalisée.

Examinez les âmes ; examinez les livres ; examinez les journaux. Chacun pense ce qu’il pensait, chacun dit ce qu’il disait, chacun est ce qu’il était.

Comme l’eau qui se referme, après l’immersion d’une pierre lancée et engloutie, la foule s’est refermée sur les événements avec indifférence. Elle n’a rien appris et rien oublié.

Le 13 mai 1867, j’écrivais dans l’Univers, quelques jours après sa réapparition :

« La nécessité suprême de Jésus-Christ est descendue du domaine de la contemplation dans le domaine des faits. »

« Le christianisme n’est plus seulement la nécessité morale du monde ; il est devenu la nécessité matérielle. Elle est si pressante, cette nécessité, qu’on oserait dire qu’elle est l’unique expédient. Les palliatifs sont épuisés. La vérité seule est praticable. Il n’y a pas pour ce monde-ci et pour l’autre deux sauveurs différents. Il n’y en a qu’un : c’est Celui qui parlait, il y a dix-huit cents ans, à Marthe et à Marie. »

Il est impossible de parler aujourd’hui, sans répéter ce que nous disions alors. Seulement la vérité qui semblait hardie en 1867, est devenue évidente en 1871.

Évidente !… Et cependant rien n’indique nulle part aucune disposition à ouvrir les yeux et les oreilles.

Le Journal des Débats, par exemple, comprend-il mieux, même après l’événement, les paroles que nous lui adressions avant l’événement ? Non. La fermeture de ses bureaux ne lui a pas révélé les conditions spirituelles de son existence, même matérielle. Il n’a pas compris qu’il est protégé, même dans ses intérêts les plus palpables, par les vérités qu’il combat.

Puisque la surdité des hommes est à l’épreuve de la foudre, comment ne serait-elle pas à l’épreuve de ma voix ?

Leurs précautions sont si parfaitement prises contre la lumière et contre la parole, que toutes les charités et toutes les haines, tous les pardons et tous les incendies, toutes les sollicitations et toutes les fureurs, tous les souffles et tous les tonnerres meurent à leur porte, sans troubler leur sommeil.

Ils sont mieux trempés qu’Achille, leur talon n’a pas été oublié. Toutes les parties d’eux-mêmes sont également bien garanties contre les blessures de la vérité.

Ils ont fait un pacte avec les ténèbres, et les cas de force majeure, qui déchirent tous les traités, n’ont pas déchiré celui-là.

Chacun traîne sa vieille chaîne ; le sang ne l’a pas rouillée ; le feu ne l’a pas fondue.

Puisque chacun répète son erreur, répétons notre vérité. Nous disions, il y a plus de quatre ans :

« Quand la tempête s’élève, le matelot se souvient. Le matelot qui tout à l’heure buvait en jurant, se trouve d’accord avec une carmélite qui est en oraison à mille lieues de là… »

« Les sifflements du vent sont terribles : le navire est bien léger, la mer est bien profonde, et l’éternité bien inconnue. Cette nécessité spirituelle, que la tempête révèle aux matelots, tout la révèle à tous aujourd’hui ! »

Ceux qui se moquaient ont persisté. Ils verront un jour le Nom et la Face qui étaient l’objet de leurs moqueries.

Nous exhortions les hommes à la ressemblance du matelot et nous ajoutions :

« Ou tout croule et vous mourez. »

C’était le dernier mot de l’article.

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