Le moyen de parvenir, tome 1/3
The Project Gutenberg eBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3
Title: Le moyen de parvenir, tome 1/3
Author: Béroalde de Verville
Release date: September 9, 2018 [eBook #57878]
Language: French
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LE
MOYEN
DE
PARVENIR.NOUVELLE ÉDITION.
Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres.
Caritas inter jocosve regnat Moria.
TOME PREMIER.
A LONDRES.
M. DCC. LXXXI.
DISSERTATION
Qui doit être lue*.* Cette dissertation est du savant Bernard de la Monnoye. Elle donne une assez parfaite connoissance & une idée assez claire de l'Auteur, pour ne devoir pas être rejettée par les Lecteurs, qui veulent s'instruire quand ils lisent.Le livre, qui a pour titre le Moyen de Parvenir, étant en son espece véritablement original, bien des gens demandent tous les jours qui en est l'auteur. On sait, à n'en pouvoir douter, que c'est François Béroalde, sieur de Verville, gentilhomme Parisien, & de plus chanoine de saint Gatien de Tours. Les registres de cette cathédrale datent sa réception du vendredi 5 Novembre 1593.
Il a composé, tant en prose qu'en vers, une infinité d'ouvrages, où, à l'exception du Moyen de Parvenir, il n'a fait nulle difficulté de mettre son nom. Comme cet écrit est extrêmement licentieux, il n'a pas voulu tout-à-fait demeurer d'accord qu'il fût de lui. Voici comme il s'en explique, pag. 461 & 462 de son Palais des Curieux. «Cependant je vous avise que, comme ici je donne des atteintes à plusieurs fautes, j'ai fait un œuvre, lequel est une satire universelle, où je reprends les vices de chacun. Je pensois vous le faire voir sous un titre qui est tel: le Moyen de Parvenir. Mais on me l'a volé: si que, pour en avoir le plaisir, vous attendrez encore. Je l'ai mis en tel état, que je l'avouerai mien; au lieu que l'exemplaire, dont on m'a fait tort, est insolent, & que je dénierois être de moi, aussi qu'il n'est pas de mon écriture; & avec cela il n'est pas de mérite pour être lû, à cause des convives qu'on m'a rapporté qui y sont, pource qu'il y a des contes désagréables; ce qui n'est pas au mien, où je ne taxe ni moine ni prêtre, ni ministre ni nonnain, & n'y a point de contes qu'on tire à telle conséquence; mais rencontres joyeuses, & touches tendantes à réformation».
Ce désaveu, fait pour la forme, n'a pas empêché qu'on ne l'ait crû l'unique auteur de ce livre. On y reconnoît d'un bout à l'autre son style & son caractere. Quoiqu'on l'ait repris d'avoir affecté, dans cet ouvrage, d'écrire sans suite; il ne laisse pas d'y marquer du dessein, & de cacher, dans son désordre apparent, un ordre plus fin qu'on ne se l'est imaginé. C'est une représentation naïve des conversations ordinaires. Que trois ou quatre personnes s'entretiennent ensemble familiérement, elles parleront insensiblement de mille choses différentes, sans s'appercevoir de la différence des sujets. Le marquis de Châtres-Brodeau nous donna, sur ce modèle, en 1697 ses Jeux d'esprit & de mémoire, mais d'un goût fort subalterne. J'ai exposé l'idée du Moyen de Parvenir. L'auteur y suppose une espece de festin général, où, sans conséquence pour les rangs, il introduit des gens de toute condition & de tout siecle, savans la plûpart, qui, n'étant là que pour se divertir, causent de tout en liberté, & par liaisons imperceptibles passant d'une matiere à une autre, font des contes à perte de vue. La vérité est que, brouillés comme ils sont dans le livre, on a de la peine à les y retrouver quand on les cherche; mais il est aisé de remédier à cet inconvénient par le secours d'une table sommaire des Chapitres qu'on a faite, en vertu de laquelle il n'y a pas de quolibet, pour mince qu'il soit, qu'on ne trouve en son lieu dans le moment.
Le Moyen de Parvenir en est le répertoire général; c'est en cette source que non-seulement Bruscambille & Tabarin ont puisé; mais encore Daubigné dans son Baron de Fæneste, & Sorel dans son Francion.
Un ami très-docte du docte Saumaise, m'a dit que ce grand homme se délassoit quelquefois à lire le Moyen de Parvenir, & qu'il l'estimoit en son genre. Il m'en a même appris un fait curieux, qui mérite d'être rapporté. C'est que, dans le tems que monsieur Saumaise étoit malade à la cour de Suede, la reine Christine, qui l'y avoit fait venir, l'étant allé voir, le trouva au lit tenant un livre, que par respect il ferma, au moment qu'il la vit entrer. Elle lui demanda ce que c'étoit. Il lui avoua que c'étoient des contes un peu libres, que, dans l'intervale de sa maladie, il lisoit pour se réjouir. Ha, ha, dit la reine, voyons ce que c'est; montrez-m'en les bons endroits. Monsieur Saumaise lui en ayant montré un des meilleurs, elle le lut d'abord tout bas en souriant; après quoi pour se donner plus de plaisir, s'adressant à la belle Sparre, sa favorite, qui entendoit le françois: viens, Sparre, s'écria-t-elle; viens voir un beau livre de dévotion intitulé, le Moyen de Parvenir. Tiens, lis moi cette page tout haut. La belle demoiselle n'eut pas lû trois lignes, qu'arrêtée par les gros mots, elle se tût en rougissant; mais la reine, qui se tenoit les côtés de rire, lui ayant ordonné de continuer, il n'y eut pudeur qui tînt; il fallut que la pauvre fille lût tout. Monsieur Saumaise, racontant cette particularité au savant homme, alors fort jeune, de qui je la tiens, lui fit voir le propre exemplaire qui avoit été le sujet de cette plaisante scène, & le lui donna.
Tout ce qu'on peut dire à l'avantage de cet ouvrage, c'est qu'il a été une source intarissable de bons contes, proverbes & mots plaisans pour nous & nos successeurs. Il n'est enfant de bonne maison qui n'en bégaie à tort & à travers quelque lambeau; bien ou mal placé, n'importe. Mais aussi Verville ne s'est pas livré à sa seule imagination dans la formation de ce livre plein d'imagination.
Une remarque particuliere, sur le Moyen de Parvenir, c'est que le mot car, par où il commence, n'y est dans la suite répété en nul endroit.
Bayle nous a donné un léger article de François Béroalde sieur de Verville, & un autre de Mathieu Béroalde, pere de François. Mathieu, originairement catholique, fut, vers 1550, précepteur d'Hector Frégose, fils de César Frégose & de Constance Rangon. Le Bandel en parle avec éloge, dans l'épître dédicatoire de la 63e. Nouvelle du 3e. tome. «Messer Matteo Beroaldo, Parigino, (dit-il) huomo non solamente nella lingua latina e greca eruditissimo, mà nell'hebrea anchora, e negli studii filosofici essercitato, e precettore del nostro signor Hettor Fregoso, dal re christianissimo nomato al summo pontefice per vescovo di Agen». Et dans l'épitre dédicatoire de la nouvelle suivante. «La novella fù narrata qui trà noi dal dottissimo messer Matteo Beroaldo, precettore del nostro gentilissimo signor Hettor Fregoso».
Le calvinisme commençant alors à s'établir à Agen, Mathieu Béroalde, Jules-César Scaliger & quelques autres savans, alors habitans de cette même ville, goûterent la nouvelle religion. Mathieu Béroalde en fit profession ouverte, quelques années après, & fut même ministre à Genêve. Il étoit neveu de Vatable, & avoit des livres rares & exquis, lesquels furent la plupart vendus & dispersés après sa mort. Quelques-uns cependant demeurerent à son fils, qui, dans un tems de troubles, tel que celui où il vivoit, eut peine à les conserver. Il en regrettoit un, surtout, imprimé, dit-il, à la Chine, que Joseph Scaliger, à qui il l'avoit prêté, lui retint. Il en dit un mot dans son Moyen de Parvenir, tome II. chap. XXI. intitulé Sommaire, & en parle plus au long & plus sérieusement, sur la fin de son Palais des Curieux.
Il étoit poëte, chimiste, médecin, philosophe, grammairien, mathématicien. Ses ouvrages, dont nous avons un grand nombre, sont presque tous ou romanesques ou chimiques, ou tous les deux, tel que son Voyage des Princes Fortunés, livre ennuyeux à la mort, au chapitre près qui contient l'histoire du roi Eufrantis, & de son favori Spanio. On la peut voir toute entiere, dans les remarques de Sorel, sur le Xe. livre de son Berger Extravagant. Claude Barthelemi Morisot, avocat au Parlement de Dijon, l'a mise en latin, en ayant seulement changé les noms, & l'a insérée dans son Veritatis lacrima, petite satire que les jésuites, qu'il y maltraitoit, firent brûler publiquement à Dijon, par arrêt du même parlement, le 4 Juillet 1625. On dit que, ce Voyage des Princes Fortunés n'ayant point eu de débit, Verville composa, pour dédommager son libraire, le Moyen de Parvenir, dont il s'est fait des éditions sans nombre. Le titre seul excitoit la curiosité. C'est assurément un livre singulier. L'auteur y paroît fort désabusé de la pierre philosophale, dont il avoit été long-tems entêté. Pour sa religion, l'on ne peut douter qu'étant fils d'un ministre de Genêve, il n'ait été élevé dans la prétendue réformée. De huguenot, après la mort de son pere, il se fit catholique: mais à en juger par son Moyen de Parvenir; qui fut un de ses derniers ouvrages, il est aisé de voir que, s'y moquant comme des Catholiques & des Huguenots, il n'étoit ni l'un ni l'autre.
Sa retraite à Tours, où apparemment il est mort, l'a fait mettre par l'abbé de Maroles, page 255. de la partie de ses Mémoires, au nombre des illustres Tourangeaux. Le même abbé lui donne pour compagnon de poésie enjouée, le nommé Gui de Tours, qui en effet s'appliqua peu de tems après que le Moyen de Parvenir eut paru, à en tourner quelques contes en vers françois. Ce sont des manieres d'épigrammes. Je les ai vues, rien n'est plus sec.
SOMMAIRE
DES CHAPITRES.TOME PREMIER.
I. Qui sert d'exorde à ce discours clair & intelligible, intitulé: Moyen de Parvenir; satyrise les géometres, les géographes & les chronologues; prépare le lecteur à l'assemblée de ces illustres fous, qui, de section en section, donneront de plus en plus des preuves de leur folie stéganographique. Les interlocuteurs s'engagent à se revoir chez le bonhomme, pour y faire festin. Invective contre ceux qui donnent légérement leur parole.
Guillaume qui fait jurer pour lui, Page 3.
Honnête démenti de Coguerean, p. 4.
Seigneur de paroisse qui ne refuse rien, p. 5.
II. Satyre contre les grammairiens latins, si hérissés par-tout qu'on ne peut en aborder, sans être sûr d'être déchiré par l'épine; & contre les pindariseurs de la langue françoise.
L'assesseur pindarisant, p. 6.
III. A l'ajournement chez le bon homme, aucun des conviés ne manque, & tous en entrant dans la salle se saluent. Satyre contre les révérencieux. Description de la salle. Critique de Platon.
IV. Eloge de toute l'assemblée, dans un style si singulier, qu'on ne sait s'il l'injurie ou la loue. Cet éloge est terminé par l'apologie de madame (la belle inconnue) dont beaucoup de bien est dit.
V. Les flaccons de vin étoient au frais. Sortie vigoureuse contre les buveurs d'eau tiede, les sots à table, & les timides en conversation. Histoire de la découverte de la vérité au fond d'un puits par Démocrite. Raison pourquoi le vin s'avale plus promptement que le pain. Vin répandu est le plus grand malheur. Origine du proverbe: vessies sont des lanternes.
Sermon du curé, page 10.
Démocrite qui trouve la vérité dont un puits, p. 12.
VI. Socrate fut chargé de l'emploi de maître des cérémonies. On y vit arriver Alexandre revenu de chez les Gymnosophistes, Aphtonius, Bodin, Pythagore, Pline, Démosthenes, Aristote, Rabelais; Cusa & Jean Hus se placent; digression plaisante sur la future destinée de ce livre.
L'archidiacre grand gourmand, p. 15.
Moine circonspect au pied de la potence, p. 16.
VII. Le repas commence. A propos de repas, savante & profonde dissertation sur les pets, & histoire des pets musqués de la belle Imperia avec le gentilhomme de Lierne.
Naissance de la couronne impériale, p. 23.
De Lierne couché avec la belle courtisanne peteuse, page 24.
Naissance des orties, 26.
VIII. L'histoire de la belle Marciole qui ramasse, toute nue, les cerises qu'elle avoit apportées au sieur de la Roche. Les plaisirs indiscrétement prisés des regardans, & la somme que la belle emporta, font le sujet de cette section.
Marciole ramassant les cerises, p. 27.
Prudence de l'abbesse de Montfleury, p. 33.
IX. Il est bien intitulé coq-à-l'âne; chacun, rempli de l'histoire de Marciole, raisonne sur son cela, & pourquoi cela est appellé cela. Plaisanterie d'un médecin visitant une fille malade.
Médecin examinant une malade, p. 35.
X. L'auteur annonce clairement à ses lecteurs la difficulté de lire ce livre, dont toutes les phrases sont cousues par le hazard: l'exemple du bon homme Guyon, qui mettoit dans une grande terrine tout pêle-mêle ce qu'on lui donnoit à boire & à manger, est une comparaison sensée de cet ouvrage. Analyse d'une dissertation d'un prieur de Vau-de-Vire, sur le mot cela. Homme & femme sont honteux de montrer leur cela, selon la petitesse de l'un ou la grandeur de l'autre. Le dialogue d'Hippolite & de son amant vis-à-vis sa mere, mérite l'attention de ceux qui aiment de la chaleur dans les dialogues. Histoire de monsieur de la Rose, qui, pour se moquer des notaires, fait passer des pois pardevant eux.
Guyon qui mangeoit & buvoit pêle-mêle, page 36.
La belle Hippolite qui se chauffoit à la parisienne, p. 39.
Pois passés pardevant notaires, p. 43.
XI. Eloge ambigu des convives, de l'ouvrage, & des lecteurs assez spirituels pour l'aimer & comprendre. Comparaison de ce volume avec verre & bouteille.
XII. En continuant l'apologie de ce volume, il l'appelle bréviaire, pour avoir droit de faire un sarcasme contre les propriétaires de bréviaires. Le conte du bréviaire du curé, & du quiproquo de la femme du libraire, n'est qu'une courte parenthese à cette apologie, qui n'est interrompue que par une furieuse satyre contre les financiers & gens pressurant le peuple par la levée des impôts. Embarras dans lequel il entre sur le nom qu'on doit dignement imposer à ce livre; en rejettant le mot de clavicule, il fait un conte sur Rabelais qui prépare une médecine à M. du Bellai avec une décoction de clefs. Il termine cette section par une invective contre les pédans latinistes, & les ennuyeux scholiastes.
Le bréviaire du curé, page 48.
Quiproquo de la femme d'un libraire, p. 49.
Médecine apéritive de Rabelais, p. 53.
XIII. Plaisante conversation d'un principal du collége de Genêve & d'un ministre: on y développe un germe de scepticisme sur les deux religions catholique & protestante. Il termine son éloge de ce livre par des idées très-burlesques & fort analogues au style dont il est écrit.
Guérison du ministre malade, p. 58.
XIV. Beze est le premier qui forme l'interlocution dans cet ouvrage; il disserte plaisamment sur les gouvernantes de prêtres, qui le premier jour disent votre; le second, notre: & le troisieme mon. Quelques quiproquo fort plaisans précedent l'histoire du bachelier fouetté; elle est commencée, & tout d'un coup interrompue.
Bonne foi d'un homme prêt d'être rompu, p. 62.
Gradations de familiarité des chambrieres, p. 64.
La tête de veau de l'avocat du Mans, p. 65.
Le bachelier fouetté & fouettant, p. 66, contin. p. 71.
XV. L'interruption ayant toujours lieu, à propos de soutanes & de braguettes, plaisanteries vives sur les papistes & les huguenots, sur les buveurs d'eau vigoureux champions en amour, & sur le terme de faire la pauvreté. Enfin le conte du bachelier fouetté par la dame Laurence & la fouettant à son tour, reprend son fil; le trépas de la pauvre dame, & la frayeur de sa jument à ce triste spectacle de fouetterie.
XVI. Propos de sœur Dronice avec son abbesse qui la réprimande d'avoir tâté du fruit de vie. Raisonnement intéressant à la république sur l'encouragement qu'on doit donner à celles qui l'enrichissent par des enfans. Différentes réponses d'enfans sur le cocuage des peres & le putanisme des meres.
La nonnain curieuse reprimandée, p. 78.
Réponses naïves d'un enfant à sa mere, p. 81.
Naïveté d'un curé, p. 82.
XVII. Continuation des propos sur les femmes, que j'aime mieux qu'on lise que d'en faire l'analyse. Plaisanterie sur l'aventure d'un moine, (sans contredit c'est aventure de paillardise; & toutes les fois que je dirai aventure de moine, cela aura cette signification) & sur l'explication de omnis caro fœnum. Thevet tourné en ridicule sur son style & ses bévues. Grotesque serment d'un paysan égrillard, pour détourner la jalousie bien fondée de son voisin sur son compte, vis-à-vis sa femme.
Décision sur les femmes en général, page, 83.
Femme prise pour un boiteau de foin, p. 84.
Frere Jérôme le chimiste, p. 85; continuée, 86; cont. 87; finie, 89.
Expression reprise, p. 86.
Plaisant serment de Georget, 87.
XVIII. Explication burlesque d'une vérité trop certaine, qu'il faut graisser la main aux gens de justice. Histoire de frere Jérôme, grand alchimiste, dans laquelle on se moque des brûleurs de charbons & des entrepreneurs de fortunes imaginaires; frere Jérôme, pour fermer la bouche à sa parente anti-chimiste, lui dit qu'il cherche la poudre qui le fait faire sept coups.
Façon de graisser les mains de son juge, p. 88.
XIX. Un coq-à-l'âne fort court, d'un valet qui explique à sa façon mundus caro dæmonia, differe un moment l'histoire de la pierre à casser les œufs. Secret de faire mourir quelqu'un sans qu'il y paroisse; il ne se peut pratiquer qu'en huitaine qui précede le carême.
Naïveté d'un valet, page 91.
Pierre à casser les œufs, p. 91,
XX. Nouvel éloge du livre, dont le résultat est de donner des leçons aux gourmands superlatifs, pour n'être jamais dupes dans les repas où ils se trouvent.
XXI. Denost le gourmand sert de modele dans l'apothéose de la gourmandise. Ici la conversation des convives se brouille; & par une cascade inattendue, elle rentre dans les quiproquo. Comment faire dans un terrein couvert de neige, pour que les pas d'une pucelle n'y paroissent point. Conte de la fille du métayer qui avoit perdu un mouton, & qui vouloit être tuée pour retourner à la maison.
Cornu, le modele des gourmands, page 99.
Quiproquo d'une femme, p. 100.
La fille qui veut mourir, p. 101.
XXII. Secret infaillible pour savoir si une fille est pucelle, pourvu qu'on ne soit ni manchot ni courte-haleine. Maniere fort sensée d'annoncer la fête de la Madelaine.
Sermon de la Madelaine, p. 104.
XXIII. Les évêques ni les chapitres n'ont beau jeu dans cette section; les uns sont traités comme pharisiens, qui disent de bonnes choses & en font de mauvaises; les autres, comme assemblées de corps sans ame, de matiere sans esprit. Histoire de la fille reconnoissante qui prend le meilleur, & veut qu'on donne à sa mere le pire: vit-on un meilleur cœur!
Sermon sur la charité, p. 106.
L'achat d'un meilleur outil, p. 108.
XXIV. Histoire du notaire & du beau petit diabolique faucheur: elle est coupée par deux ou trois parentheses fort plaisantes. Dans l'une on y développe bien réguliérement les différentes sortes de bénéfices; & ce développement ne peut manquer d'être bon & raisonnable, il est fait par Cicéron. Dans une autre, il y a quelques railleries sur des termes qu'entre gens de religion on se reproche qu'il ne faut jamais prononcer, à moins qu'on ne veuille se voir lapider avec pierres d'églises ou de prêches. Dans la derniere est une plaisanterie sur un faucheur qui se coupa la tête voulant attraper un poisson avec le bout de la lame de sa faux.
Le pré fauché & le petit faucheur, p. 113, continuée, 117.
Maladresse d'un faucheur, p. 116.
XXV. Histoire de monsieur Jacques de la Tour, autrefois prédicateur, & finalement marchand de lanternes, qui mourrant de faim à en débiter, fit une petite fortune à en vendre. Sortie vigoureuse sur les ubiquitaires. Histoire du petit saint homme, qui devint méchant comme un diable dès qu'il fut moine.
Le ministre marchand de lanternes, page 119.
Le novice méchant comme un diable, p. 123.
XXVI. De naïves & simples réponses font le sujet de cette section, qui est terminée par l'illustre & fameux conte de Robin mon oncle. Sarcasme contre la vénalité des bénéfices & la simonie.
Stupidité d'un écolier, p. 126.
Le pere de Melchisedech, p. 130; continuée, 133; fin. 134.
Evêque généreux comme de raison, p. 131.
Conte de Robin mon oncle, p. 132.
XXVII. Pour autoriser son propos sur la simonie, il raconte plaisamment la finesse d'un jeune bachelier qui vouloit avoir un bénéfice de messire Imbert. Généalogie très-suivie de Melchisedech, quoi qu'en dise le texte sacré, qu'on ne connoît ni son pere ni sa mere.
XXVIII. Singuliere explication du premier vers des distiques de Caton, sur les carmes. Sœur Jeanne explique fort énergiquement la valeur du mot coquebin. Plaisant remede d'une paysanne pour guérir son pataud de mari.
Chapelain chatré d'une Angloise, page 137.
Valet qui n'est pas coquebin, p. 138.
XXIX. Messire Gilles, après avoir passé par l'étamine hypercritique de Scaliger sur son nom, & l'origine de son nom, raconte l'histoire du diable châtré. Sentimens de religion bien placés, sur le chagrin qu'on doit avoir que S. Michel n'aie pas tué le diable, quand il avoit si beau, puisqu'il étoit armé comme quatre mille, & que le diable étoit tout nud.
Le diable châtré, p. 141.
Nom de sculpteur tronqué plaisamment, p. 143.
XXX. Naïveté d'une fille-de-chambre, qui ne cede en rien à la simplicité d'un prédicateur. Messire Guillaume le Vermeil veut parler à son tour; mais il est représenté comme un homme ivre & qui bégaie. Diogenes, dans ce repas, est aussi cinique contre nos porte-chasubles, qu'il l'étoit dans les rues d'Athenes, tapissé des douves de son tonneau.
Naïveté d'une fille de chambre, p. 147; continuée, p. 148.
Sermon expressif fait à des jacobins, p. 148.
Conte de la reine des pois pilés, p. 149.
XXXI. C'est ici la scene des souhaits; chacun en fait à double entente, plus plaisans les uns que les autres. Conte de Martine & de sa flûte, pour faire opposition à Robin & ses flûtes. Satyre contre les moines à besace. Plaisant testament d'un Toulousain, en faveur de sa femme, qu'il laissa fort bien pourvue, en ne lui ajoutant rien à ce qu'elle avoit auparavant. Sortie contre ces Agnès d'apparence, qui donnent leurs faveurs à des rustres. Conte des pelotons & de l'honneur cousu & recousu.
Martine qui promet une flûte à son mignon, p. 154.
Amphibologie dans le sermon d'un curé, p. 156.
Le testament en faveur d'une femme, page 156.
Conte des pelotons & de l'honneur cousu, p. 159.
Madeleine la bien fêtée, p. 161.
XXXII. Ici le banquet reprend vigueur; on boit & on mange en toute sûreté. Histoire du farfadet de Poissi. Explication des termes de petit exercice, de dispense, & de purgatoire. Sergent tombé plaisamment moqué. Question, dont le premier vers de Despautere est la réponse. Dissertation sur le vin, les buveurs & sur l'ivresse. Jaquette du Mas trouve bien heureusement le nom de son fils. Amiot accusé de vérole. Satire contre l'inquisition d'Espagne.
Conte du farfadet de Poissi, p. 162.
Chûte d'un sergent, p. 165.
Naïvetés d'un paysan d'Orléans, p. 165.
Sermon d'un ministre de Strasbourg, p. 167.
Prudence d'une servante, p. 168.
Nom donné à un enfant par un sermon, page 171.
Conte sur Amiot & sa vérole, p. 171.
Bon avis d'un fils à sa mere, p. 172.
XXXIII. Erasme raconte aux convives l'histoire de Dom Rodigue das Yervas. La soupe de Glougourde la fait canoniser à Rennes. C'est une parenthese au conte de Dom Rodigue. Mot à double sens sur l'indifférence d'Erasme pour l'épître & l'évangile. Sentimens sur les poésies d'Æneas Silvius & de Beze. Munster moqué d'avoir voulu être l'apologiste de Thevet. Bonne raison de l'amour des femmes pour les moines. Cette section est terminée par quelques propos de niaiserie paysanne.
Conte de la soupe de S. Glougourde, p. 174.
Mere d'Erasme, qui oublia son pater, p. 175.
Naïveté d'un berger, p. 178.
Histoire de Dom Rodigue das Yervas, p. 178.
Balourdise d'une paysanne, p. 182.
XXXIV. Invective contre les mœurs & la fourberie des gens du siecle. Scot & Uldric se disent des pouilles; madame veut les racommoder; plaisante façon de faire une déclaration d'amour: si elle n'est pas bien éloquente, du moins est-elle bien sensible.
Chanoine qui veut le bien d'autrui, p. 185.
XXXV. Les convives se plaignent qu'on ne vient pas au but qu'ils s'étoient proposé. Tout d'un coup Paracelse commence une belle dissertation sur la premiere matiere. Dissertation claire comme un étang bourbeux, ou comme la bouteille à l'encre.
TOME SECOND.
I. Il continue sa dissertation, & se jette un peu sur la friperie des parvenus, & de la façon de parvenir dans ce monde de désordre & de dissolution.
Plaisant parti d'un domestique, p. 6.
II. L'histoire de Quenault & de sa serpe est coupée de diverses instructions très-profitables. On y voit la différence d'une femme de par dieu, d'avec une femme de par le diable. Sermon du curé de Busançois, divisé en trois points.
Le conte de Quenault & de Thibault, page 7.
Sermon en trois points, du curé de Busançois, p. 10.
III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie: castigat ridendo mores. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un prêtre, &c.
Conte du ministre qui avoit rime & raison, p. 14.
Conte de la malvoisie, p. 16.
Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie, p. 19.
IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un besacier, l'autre pour l'avoir rebuté.
Ruisseau à faire la forte bierre, page 20.
Conte de la Le Page & de la Gousson, p. 23; contin. p. 24.
Interrogatoire de maître Pierre, p. 23.
Propos de pisseurs, p. 28.
V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué. Pourquoi le cela de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule. Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le Moyen de Parvenir, que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du chose. La section finit par une question, dont le titre de la section suivante fait la réponse.
Aventure de Platon & de Prédicac, page 30.
Bonne logique d'une chambriere, p. 32.
Plaisante origine des minimes, p. 34.
Description élégante de la sphere, p. 35.
Conte des trois filles, p. 36; contin. p. 37.
Propos d'un curé & d'un charpentier, p. 37.
Question d'une chambriere, p. 38.
VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape, qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les femmes Allemandes de ce temps-là, & qui pourroit très-bien convenir aux femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent leurs noms par des du, de, le, &c. Origine du proverbe: s'il a bon cœur, qu'il mange de la merde.
Conte du cul de la femme d'Esculape, p. 42.
Changemens de noms, p. 44.
Conte de Stace avec la femme peteuse, p. 45.
VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quillebœuf ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre.
Trois féves qui font le mariage d'une fille, p. 47.
Conte de la femme à moitié épilée, p. 48.
Obstination d'un marinier, p. 49.
Disputes de deux maquerelles, p. 50.
VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit le comment a nom de sa femme un gardon. Origine de la solution de continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison. Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos facétieux.
Lamentation de putain, p. 51.
Femme qui montre son cela, sans y prendre garde, p. 52.
Conte de jeune femme & vieux mari, page 53.
La couture des mâles & femelles, p. 54.
Le beurre net de la Soldée, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin. p. 63.
Propreté des femmes, p. 57.
Caractere des moines, p. 58.
IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section, toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI, tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le bon âge, & avance que le cela des hommes est plus fort dans la vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete.
Emploi d'un contrat de mariage, p. 60.
Expérience de Sculpture, p. 63.
Conte du médecin, p. 65.
Mot à double entente, p. 67.
X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine du proverbe, afin que le bon homme ait son sac. Quelques-uns des convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin, rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se fendre la bouche.
Le revenant, p. 71.
Conte du sac du bon homme, p. 72.
Réponse humble d'un valet, p. 73.
Propos naïf d'une fille, p. 75.
XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre. Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous œuvre, de l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée. Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots.
XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation sur le Pheros ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames. Interprétation du mot apprendre. Conte fort plaisant à ce sujet. Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure, & de la naïveté du procureur avec son écritoire.
Conte du bonnet tombé, p. 83.
Bonne leçon d'une vieille servante, p. 85.
Conte du moulin à barbe, p. 87.
Chanoine pris par son propos, p. 88.
Conte de l'écritoire du procureur, p. 89.
XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un moine.
Plaisante réponse d'un homme gras, p. 93.
Le jeune homme en couche, p. 93.
Quiproquo d'un domestique, p. 94.
Nom tronqué, p. 95.
Conte de la dispute d'Erasme, p. 95.
Plaisant jugement, p. 96.
Description du pays de papimanie, p. 99.
XIV. Mœurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan & Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité, & l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux, les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre supérieure du mari par l'autre.
Eloge de la vis des tuileries, p. 100.
Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle, p. 103, contin. p. 104.
Les beaux sont les gros, p. 105.
XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere.
Conte d'un moine pris en partie, comme une souris, p. 108.
XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise. Véritable explication du mot quasimodo, & de quelques autres intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé un cocu. Maniere d'être poussé.
Sermon dont le texte est plaisant, page 110.
Conte du moine & des voleurs, p. 110.
Conte du fagot, p. 112.
Le mot quasimodo expliqué, p. 113.
Secret pour être poussé, p. 116.
XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue; cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur du terme de chausse-pied de mariage.
Conte canonique d'un homme & d'une femme, p. 117.
Conte de l'âne volé sous son maître, p. 120.
Confession d'une femme, p. 121.
Bon avis d'un galant homme, p. 124.
XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait.
Conte des hommes vissés, p. 124.
Conte de la courtisanne Conscience, page 130.
XIX. Le bon prédicateur fait bonnes mœurs; exemple d'un qui détournoit ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend & continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame l'amiralle, vient égayer. (Nota. Dame de compagnie, auprès des dames de haut-parage, est même chose qu'esprit, auprès de leurs maris. On dit: monsieur D. est l'esprit du duc D.)
Conte des prédicateurs ennemis des paillardises, p. 134.
Naïveté de la belle Dubois, p. 137.
XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours vérité & honneur, (serment sans conséquence.)
Vérité dans la bouche d'une Normande, p. 145.
Conte du Prieur de Marmoutier, p. 146.
XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers & conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'in illo tempore à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit, pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes.
La ville de Lubec, p. 148.
XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris dont les enfans ont cheveux de deux couleurs.
Conte de l'origine du putanisme, p. 155.
XXIII. Explication du terme de putain, faite par plusieurs, & terminée de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c. &c. &c. Trois choses sont à éviter; trois vœux à faire. Satyre contre la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de fesse tondue. Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés béats peres.
Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain, page 163.
Conte de la fesse tondue, p. 162.
L'éguillette nouée et dénouée, p. 168.
Le Chanoine dupe, p. 170.
XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet; dissertation sur l'origine des mitres.
XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison. Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot tu autem. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou, deux moines.
Conte d'un page attrapé, page 177.
Jean Dissolez, voleur de poires, p 180.
Aventure de Ferrand & Margeou, p. 183, continuée, p. 192.
XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se reprend & se termine.
Musique d'un moine, page 188.
Les deux moines en fonction, p. 188, continuée, p. 191.
Origine du proverbe de la chape à l'évêque, p. 189.
XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie naturelle d'une présidente.
Histoire d'une femme de sergent, p. 194.
Conte de Jacques Adriot, p. 197, contin. p. 198.
Plaisant mot d'une présidente, p. 198.
XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église, diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier. Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est que femmes pour bien juger des choses.
Conte de la femme d'un huissier, p. 200.
Conte des religieuses de Poissi, p. 203.
Conte sur le mot groseille, p. 204.
Résolution académique de trois nonnains, p. 205.
XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon. Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé & inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces. Façon d'un curé d'imposer silence.
Le conte de Nabuchodonosor, p. 207, contin. p. 209.
La confession sincere, page 214.
Conte d'une femme avare de beurre, p. 218.
XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle. Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle.
Femme soumise aux volontés du roi, p. 220.
Conte du chaudron, p. 223.
Le fromage mou & l'aveugle, p. 228.
XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un appareil mis sur une blessure.
Le cheval de Rabelais, p. 229.
Conte du mulet, p. 231.
XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie. Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne & Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines.
Le ministre en cave, p. 238.
Franchise d'un hôtelier, p. 242.
La huguenote en colere, p. 244.
XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans ses souhaits.
Conte de l'époussetée de deux façons, p. 251.
Prudence d'une servante dans ses souhaits, p. 255.
XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées. Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des prunes.
Bans publiés, p. 256.
Curé égrillard puni, p. 257, continuée, page 259.
Le jardinier & les prunes, p. 258.
Propos dissolus de moines prêchans. Conte du thuribulum. Quelques explications de phrases latines.
Le conte de thuribulum, p. 266.
TOME TROISIEME.
I. Sortie contre l'hipocrisie des prédicateurs. Conte de la femme du meûnier complaisant.
Le meûnier complaisant, p. 2, cont. p. 10, fin. p. 10.
II. Il n'est repris qu'après le conte de la naïveté d'une fille violée; & de celle du galant qui n'entendoit pas la différence de questionner à ordonner. Explication du mot sot; subtilité d'une femme, dont, je crois, elle fut dupe.
La file violée, p. 8.
L'amant trop complaisant, p. 9.
La femme chere à vivre, p. 10.
III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé.
Conte du ministre et de la servante, p. 13.
IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier.
Conte de l'âne bâté, p. 15.
Conte du nom du paysan, p. 17.
V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée. Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement.
La famille bien élevée, p. 23.
Le paysan et le rapporteur, p. 25.
VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la main.
Conte du barbier, p. 32.
VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties singulieres.
Le barbier ladre & le médecin, p. 35.
L'homme saigné par quiproquo, p. 39.
Pari d'un paysan, p. 40.
VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques & du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité. Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque. Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau froide.
Conte de Pâques & du jambon, p. 44.
L'abbé de Grammont & madame l'amiralle, p. 47.
L'ambassade grotesque, p. 48, cont. p. 50.
IX. Augurelle fait des vœux, & est la preuve que tôt ou tard les prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés, présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de prédicateurs.
X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur; explication des mots premiere messe & premieres nôces. Ici les convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un François.
Le curé curieux, p. 55.
Conte de l'amant en preuve de son amour, p. 60.
XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien. Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central. Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église. Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés.
Conte du cheval chrétien, p. 64.
La fille & l'œuf, p. 66.
Conte du crucifix du curé, p. 67.
XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats & rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le transport au cerveau.
Soldat pris en maraude, p. 73.
Le ramonneur pris pour le diable, p. 77.
XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage. Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la fourchette de St. Carpion.
Le serrurier de Bourgueil, p. 82.
La fourchette de S. Carpion, p. 86.
XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent encore. Conversation de Frostibus & de Luther.
XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, le faire pour épargner le pain. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi & privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si reconnoissantes.
Histoire de Michelle & de ses amans, p. 105.
XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la maison. Métier de huguenot à vendre.
XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans son genre.
XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai.
Histoire de l'abbé de Turpenai, p. 125.
XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes. Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce qui est malfait sans crime, & bienfait sans mérite. Réception d'un maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être ministre, c'est à peu-près de même.
XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison. Ridiculité des moines de parler toujours par nous.
Confession du Chien, p. 135.
XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine, qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont faits pour tout savoir. Origine du proverbe, avoir le boudin par le nez. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames. Pourquoi on appelle une femme vesse. Pourquoi les femmes ne prient pas les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le sotier de Genêve.
Conte du cordonnier & de la chambriere, p. 153.
XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit audaces. Obstination d'une femme. Invention du célibat.
Conte des génitoires noires, p. 156.
XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand on passe devant la porte d'une putain.
XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal.
Le Pendu de Douai, p. 166.
La bonne fortune de Colette, p. 170.
XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces.
XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au memento.
XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante.
XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris pour le diable.
Conte de Jean Tenon, p. 181.
Le chaudronnier pris pour le diable, p. 184.
XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve clairement que Rabelais a été évêque.
XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni. Question lequel des deux bœufs est le plus gras. Plaisantes réparties. Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue par un savant & un menuisier.
Femme qui rend le pain béni, p. 195.
XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots. Rêverie de Cardan.
XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la femme battue.
XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible.
XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois. Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere de connoître les hommes & les femmes fideles.
La femme battue, p. 208.
Le jeu de la courte-paille, p. 216.
XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses affaires par trop de zele de son valet.
Conte de la femme bercée, p. 220.
XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées. Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de souliers en une heure.
XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique.
XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon de se torcher le cul avec du papier blanc.
Le jardinier & sa femme, p. 239.
Le faiseur d'enfans, p. 242.
XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un libraire à l'article de la mort.
XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître. Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, & quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le prunier, devinez ce que c'est.
XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du MOYEN DE PARVENIR.
Fin du Sommaire des Chapitres.LE
MOYEN
DE
PARVENIR.I. Car est-il, que ce fut au tems, au siecle, en l'indiction, en l'ére, en l'hégire, en l'hebdomade, au lustre, en l'olympiade, en l'an, au terme, au mois, en la semaine, au jour, à l'heure, à la minute, & justement à l'instant, que, par l'avis & progrès du démon des spheres, les étœufs déchurent de crédit, & qu'au lieu d'eux, furent avancées les molles balles, au préjudice de la noble antiquité qui se jouoit si joliment. Confus soient ces inventeurs de nouveautés, qui gâtent la jeunesse, & contre les bonnes coutumes, troublent nos jeux. N'est-ce point au jeu, où l'ame se dilate, pour faire voir ses conceptions? Si un diable jouoit avec vous, il ne se pourroit feindre; il vous feroit voir ses cornes. Mais qu'est-ce que jouer? c'est se délecter sans penser en mal. Beaucoup de maux sont avenus à cause de ce changement, qui troublera l'intelligence des histoires, & gauchira toute la mappe-monde. Voyez combien déja en sont venus de troubles, guerres, maux, véroles, & telles petites mignardises qui chatouillent malheureusement les personnes pour les faire rire. Tant de sages, qui étudient aux aventures, attribuent tels effets à d'autres causes; comme au retranchement des dix jours, depuis quoi on n'a fait vendanges que par rencontre de saison; aux pullulations d'hérésies, depuis lesquelles les bosses n'ont pu être plattes; aux révoltes des grands, qui sont occasion que fillettes ont hanté les cloîtres, & les ménagers les tavernes; aux haussemens des tailles, durant quoi les vieilles gens ne font que rechigner; & infinies autres sottises, dont je ne suis point contrôleur, d'autant qu'il ne m'appartient pas d'entreprendre sur vous. Et bien, en cet excellent période, il avint ce que vous savez; & je vous jure, sans jurer, que tout est vrai. Si vous me pressez, je vous défoncerai trois ou quatre ruades toutes brodées de cramoisi, & jurerai comme un homme; ou bien je prierai mon voisin de jurer pour moi, ainsi que fit le sire Guillaume, qui pressé du juge de jurer, lui dit ainsi: Monsieur, je ne sais point jurer, parce que je n'ai pas étudié, ni été à la guerre, & ne suis docteur, ni gendarme, ni gentilhomme; mais j'ai un frere qui jurera pour moi. Il fut donc, en cette saison, sonné, trompé, trompeté corné, (comme vous voudrez; prenez au goût de votre rate) & crié, huché, dit & proclamé avec la trompe philosophique, que toutes ames, qui avoient serment à la sophie, se trouvassent au lieu susdit, ainsi qu'il avoit été ordonné & promis avec serment solemnel, comme il est ordinaire ès affaires sérieuses de la benoîte coutume des sages; pour assurance de quoi les enfans de la science avoient mis la main au symbole de la conscience. Par quoi nous fûmes tous résolus de nous trouver chez le bon homme notre pere spirituel, parce qu'il avoit été ordonné & jugé en dernier ressort de serrure, d'horloge, de cranequin, de rouet, de rôtissoir, d'arbaleste, &c. que les défaillans seroient mis à la noix, à la noisette, au noyau & à l'amende. A cet éclat de mandement, je ne faillîmes à nous trouver; aussi avions-nous promis de nous bien chercher pour cet effet; & puis je l'avois juré: & sachez que c'est un grand péché de faillir parmi nous, parce que suivons uniquement la regle de perfection en promesse. Et bien que ce soit une ordinaire glissée de pere en fils pour gens de bien, coulée de mere en filles pour femmes d'honneur, d'oncle à neveu pour gens d'église; (ordinaire, dis-je, comme ces docteurs qui enflent leurs discours) que promettre & tenir est tout ce qu'une personne de bien peut faire, & qu'il n'appartient qu'à ceux qui sont issus de damoisellerie & de gentilhommeté; si en a-t-on menti un petit. Et je vous le dirai aussi honnêtement, que fit Coguerean à Monsieur le Président son maître. Il étoit sommelier; & nous boivions frais & bon: je disois que le vin étoit bas, Monsieur disoit qu'il étoit à la barre; Madame dit: eh bien, sommelier, qu'en est-il? Ha, ha, dit-il, Monsieur n'a menti de gueres. Promettre est facile; mais effectuer, difficile. De tenir, il est aisé. Tenir ce que l'on promet, est faire comme le Seigneur de notre Paroisse, qui ne vous refuse rien, & baille encore moins.
Point.
II. Chut! je vous prie, si vous allez à l'école, enseignez ce mot de Grammaire à Lipsius & à Scaliger, afin que l'on die ci-après, promettre & effectuer: & que gens latineux & de telle farine qui remâchent ce que les doctes antiques ont jetté & chié, & vont grattant tant dans les balieures & bourbiers du latin, & ès éviers d'éloquence, pour en tirer quelque haillon, se rendent parfaits en leur art. J'ai ouï dire, à ce propos, que les docteurs de ce tems ont défoncé les pipes de leurs sciences, pour trouver une glu, qui pût congeler les paroles & les faire tenir. Je pense qu'ils y parviendront, moyennant qu'ils sachent ce volume; & que, par cette doctrine qui leur sera infuse comme une poignée de bon vin, ils aient connoissance de la glaire concentrique de l'émolument naturel, qui peut produire ce dont ils ont affaire. Mais, je vous prie, ne vous amusez pas à ces Messieurs les Gens de Lettres, qui sont si très-savans, qu'ils en sont tous sots. Vous les verrez hallebardant avec de grands lambeaux de latin, effarouchant les fauvettes. Fi, ôtez cela; ce n'est pas là le trou par où on enfourne notre pâte. Passons outre: si quelque sot s'en fâche, qu'il se mutine; que le plus sot en prenne la querelle. Allons vîtement: la soupe se mange. Je pindarise; je voulois dire: on mange la soupe. Aussi Monsieur dit au matin: ça mes habits, je me vais lever. Eh! où est-ce qu'il va, avant que se lever? J'aimerois autant notre Assesseur, qui durant ces guerres, étant Maire, ouit du bruit dans la rue; il étoit couché; il se leva vîtement, &, ouvrant sa fenêtre, il regarda les passans qu'il appella; & comme ils lui dirent quel bruit il y avoit, il leur demanda: Messieurs, me leverai-je?
Paraphrase.
III. Mes gens sont là qui m'attendent. Sont Messieurs da; ils sont à moi; est-il pas vrai? Ne sommes-nous pas les uns aux autres? Dites-vous pas: bon jour, Monsieur? Il est donc votre sieur; & partant, vous, le maître du chantier où l'on scie. Ainsi nous disons: bon jour, ou adieu, Madame, ma commere; & on nous dit: mon ami, mon hôte; & de même nous sommes aux autres, & nous à eux; pour ce ils sont à moi. Ils sont donc mes gens, qui avec moi, & moi avec eux, nous trouvâmes tous & toutes, chez notre pere se puisse tuer, que Madame avoit choisi pour y célébrer cet admirable banquet. Chacun y entrant avisa à son devoir; par ce moyen, nous exerçâmes un notable conflict de révérences, dont les pétarades sentoient, je ne sais quoi, de la musique ancienne; & pratiquant mille vétilles d'humilités, avec une friponne escopeterie de langage courtisanifié, fîmes plusieurs belles entrées & rencontres, à la façon que l'on porte les barbes, excepté l'institution de la petite Hongrie (Saint Martin en étoit, voilà pourquoi, parmi ses nourriçons, il y a toujours quelque châtré) & trouvant tant de gens de bien assemblés, nous nous sentîmes saisis de quelques menues tranchées de sagesse. Nous fûmes introduits en une belle grande salle parée, comme dit l'autre, autant à l'antique qu'à la moderne; tout y étoit avec grace fort bien rataconné, & avec symmétrie parfaite; & ce, pour donner autorité & lustre à l'aventure & aux discours; & pour enfler notre dessein de plus de majesté, Platon y apporta une siringue impériale, pleine de vent de cour, qu'il avoit autrefois épargnée à la suite de Denys.
Axiome.
IV. Or entendez, belles petites mignonnes ames, qui venez ici succer les rainceaux du rameau d'or, pour savourer la science, que nous sommes, nous qui parlons de ce tems. Nous y sommes, en tenons & y vivons, si ne sommes trompés; & la plupart de ceux du tems passé ont vécu leur siecle, comme nous au nôtre, & vous au vôtre; & parce que nous sommes gens qualifiés, notre assemblée a été réparée de menus suffrages de la magnifique mélodie de l'antiquaille & nouveauté, congreageant ainsi le plus célebre, scientifique & vénérable Sénat qui fut jamais, & jamais sera: & de fait la gloire de l'antiquité, remembrance des gestes & parure de l'enfance, & autres âges du tems, n'a fait que feuille à notre congrégation, y apportant une gelée de sagesse, qui, resplendissant par-tout, nous a fait triomphamment agir. Madame, qui est l'unique entre les sages, la perle des entendues, & le parangon de perfection, (reconnoissez-là par ces épithetes, & ne vous enquêtez plus qui elle est) nous fêtoyoit, & prenoit grand plaisir de nous avoir pour son contentement, sans quoi les dames jamais n'en feroient rien, tant soient-elles ferues du desir de science.
Songe.
V. Quand nous fûmes assemblés, qu'on fut prêt, le vin dans les vaisseaux plongés en l'eau fraîche pour se rafraichir, (aussi le pratiquer autrement, seroit boire à cloche-pied) la soif étant appétit de froid & d'humide. O qu'il est dangereux pour le corps & pour l'ame, (pour le corps, à cause de la fievre, pour l'ame, à l'occasion de la colere) de fréquenter ces malheureux, qui boivent tiede. Ils sont pires que Pharisiens, vu qu'ils trompent manifestement. Ceci vous fera souvenir de deux sortes de sots. Foin, il m'est échappé; je cuidois prononcer honteux; je n'en veux pourtant point quereller: je dirai comme notre vieux Curé, qui disoit en son prône: il y en a qui ont des pantoufles qui vont faisant flique flaque, & chantent: revange-moi, prens ma querelle. Et qui veux-tu qui te revange? Va, prens une échelle, & t'en va à tous les diables. Ces doncques troublés des documens de honte paysanne, ils n'osoient demander à boire frais, ni en demander davantage, si on leur en verse trop peu, ou si on leur baille un reste; mais le reçoivent comme corbeaux qui béent. Ils n'osent demander du meilleur, ou de celui de Monsieur; mais se contentent de ce qu'un malotru valet leur apportera. Hé! grosse pécore, grande pécude, animal irraisonnable, est-ce là le peu d'état que tu fais de ta conscience que tu ne crains point de la laver indiscrétement? Les autres sont des messieurs sages & entendus, c'est-à-dire, sots d'honneur, ou honorables, qui étant venus voir quelque Seigneur ou homme d'affaire, après avoir discouru & mis en avant la disposition du tems, qu'un chacun sait aussi bien qu'eux, soit chaud, ou froid, & puis ayant conté au-delà de ce qu'ils savent, demeurent là fichés & esto, & muets vont traversant après les caprioles de leurs fantaisies; & se tenant ès piéges d'ennui où ils se sont fourrés, n'ont pas l'assurance de dire adieu pour s'en aller, & cesser d'être importuns; mais, pour user la bienséance, demeurent là, tant que quelque changement les vienne relever de sotise, où ils sont en sentinelle. Jan il nous faisoit beau voir & bon ouir; &, si étoit chose meilleure, de regarder les flacons en état. Que vous apprendrez ici de bonnes doctrines! Les sots, qui viennent se mettre en état, se laissent envelopper; & puis on les gâte. O la belle distinction! La bouteille en état n'est point prisonniere; ains retient en soi, & enveloppe le vin: mais hélas! pauvre vin, où es-tu? Je vous prie, ôtez-moi ces bouteilles, d'autant qu'elles sont sujettes à être cassées: ayez de bons flaccons, pour y trouver, par leur moyen, la vérité, comme fit Démocrite, qui la trouva au fond du puits. Le roi avoit fait faire un puits, qui répondoit à une vieille carriere, où Démocrite alloit souvent se rafraîchir. En ce puits, on rafraîchissoit le vin du roi. Démocrite s'en apperçut, & alla, avant que d'être aveugle, joliment prendre le bon vin gisant en flaccons dans l'eau du puits, & trouva que c'étoit la vérité; que le vin valoit mieux que l'eau. C'étoit une vie mystique que de notre fait. Nos flaccons étoient d'argent vivans, & pleins de leur vraie ame, joint que sans vin ils sont corps inanimés, les vaisseaux étoient dignement arrangés, selon leur mérite, ne plus ne moins que les vers des Sibylles, couvrant sous leur sainte cabale les plus savoureuses intelligences du bien futur. Mais encore notre maître, vous qui savez que le pain est plus ancien que le vin, d'où vient qu'étant le pain en la bouche, il est long-tems à se démener çà & là, avant que de trouver le chemin de la vallée; & le vin tout incontinent le trouve. Ce mystere n'est pas de votre religion. C'est parce qu'il y a plus d'esprit en une pinte de vin, qu'il n'y en a en un boisseau de bled. Voire, direz-vous, l'eau en fait bien autant. O lourdaut, mon doux & bel ami, c'est une folle que l'eau; elle se laisse tomber du haut en bas, elle court les rues, & fait devenir fols ceux qui l'aiment: & là-dessus, mon mignon, résolvez un peu à quoi il y a plus de réputation à se faire déclarer ivrogne, ou fou. Guette au paneau, & dis que tu en as. Je vous avertis, doctes buveurs, que vous ayez des flaccons; ils sont bons vaisseaux fermans à vis, vous serez en sûreté. Qui a, pensez-vous, été cause de la guerre de Troye, du siége de Babylone, de la ruine de Thebes, de la venue de l'antechrist, & de tant d'autres malheurs, dont les vraies & fausses histoires nous amusent? Bouteilles cassées, & vin répandu. A dire vrai, vin répandu ne vaut pas plein le cul d'eau nette, pour vous débarbouiller dans une écuelle percée. Et pour ce que l'on n'osoit pas, en paroles vulgaires, prophaner ce digne & excellent sujet; on le taisoit, & faisoit-on accroire aux bonnes gens qui ne savent pas les mysteres mystérieux du vin, comme nous autres philosophes, que les lanternes étoient vessies, & attribuoit-on ces malheurs à d'autres jolies causes, pour vous emmailloter l'esprit.
Proposition.
VI. Oui-dà, je vous ai ôté de peine, si vous en êtes capable; & vous ferai remarquer ceux qui assisterent en ce notable simpose. Au moins je vous en nommerai quelques-uns; si je ne me souviens de tous, je vous envoierai à la cuisine où ils sont, ou bien autre part, à jouer, comme les sages de la Grece, au franc du carreau, avec les pages & les laquais. Je vous dirai que Socrate étoit présent à ce banquet, où il fit fort bien son devoir des mâchoires; (à propos de notre archidiacre, qui s'en sait très-bien escrimer. Et vraiment, s'il se tenoit aussi bien à cheval qu'à table, il seroit le meilleur écuyer de France. Et bien plus s'il officioit, ou pouvoit officier autant parfaitement à un grand autel qu'à une table, il mériteroit d'être pape.) Quant à Socrate, il ne pensoit qu'à ce qui s'offroit; & je vous assure que, sur toutes choses, il avoit la meilleure mine à faire de l'honneur, & à en recevoir sans quittance. Ce fut lui qui inventa, puis l'enseigna à Messire Guillaume le Vermeil, à conclure sans résoudre, & à résoudre sans conclure, ainsi qu'il m'a assuré. Et pourtant Madame lui donna la charge d'expédier la bienséance, dont il s'acquitta galament, d'autant qu'il étoit expert aux proportions du manege révérencieux de la cour, & avoit fort bien étudié les circonstances & similitudes, cérémonies, fadaises & miracles, qui se pratiquent entre ceux qui s'aident des spécialités d'honneur, que l'on se fait, en entrant ou sortant, s'asséant ou se levant, se rencontrant ou passant. Je me repens d'avoir dit une parole, parce qu'il y a de nos maîtres, qui disent qu'en tous discours, il se faut garder de régimber des mâchoires, & qu'il ne faut pas user des mots réservés à certaines personnes & actions; témoin un pauvre moine, que l'on pendoit, pour avoir été trouvé faisant la guerre. Hélas! dit-il, messieurs, je suis bien marri, de n'avoir pas cru que nous avions congé de vivre à discrétion de conscience. Il n'osa dire liberté, de peur d'être estimé huguenot. Si tout le monde avisoit aussi bien à ses paroles, il n'y auroit pas tant de procès perdus, ni au croc. Alexandre y vint tout ralu; mais il nous fit tant de ravoire, que les dames d'Orléans en furent émues. Vraiment, j'en fus tout aise, & ma cervelle s'en épanouit philosophiquement; de sorte qu'il m'étoit avis que l'on m'enclissoit les réparations, pource que l'on nous avoit rapporté qu'il avoit été tué, ce que nous lui dîmes; & il se prit à rire & s'excuser, nous disant qu'il étoit vrai, qu'il s'étoit battu avec son ennemi, mais qu'il n'avoit pas été tué, & qu'il le prouveroit par ceux qui l'avoient vu faire. Il s'en rapportoit à Aphthonius son secrétaire, qui nous raconta la cause de son absence, qui étoit, qu'il avoit voyagé pour voir toutes sortes de sagesses; & que s'étant trouvé avec les gymnosophistes, il avoit séjourné avec eux; & y avoit tant profité, qu'il en étoit revenu savant, d'autant que, suivant leurs maximes, il avoit inventé les haut-de-chausses sans braguettes, en dépit des Turcs, pour favoriser les Vénitiens & les Suisses. En témoignage de quoi, il nous montra une belle piece qu'il en avoit apportée; c'est le rêts à prendre les ânes de haute futaie. Nous n'entendions point cela, quand il tira de sa manche, & nous montra le beau saint & gracieux abrifou, qui catholiquement s'interprete le rêts à prendre les cocus. Je n'ai garde d'oublier notre grand Bodin, qui, premier des mortels, & contre tout ordre naturel, par artifice délectable & grand revers d'entendement, en plein jour, en la présence de ceux qui s'y trouverent, prit la mesure au diable, & lui fit un habillement, dont depuis il s'est vêtu comme on le voit aujourd'hui habillé: chose, & ne leur déplaise, qu'ainsi que beaucoup d'autres, les anciens ne surent oncques, & jamais ne sauront; &, si vous ne me croyez, allez en enfer m'en quérir un vêtu à la nouvelle mode, & me le montrez tout vif & habillé; & puis me démentez. Il y a bien plus; c'est qu'ayant compassion d'une infinité de pauvres diables qui fournissent d'émouloires aux chambrieres, pour caqueter à la premiere messe, il leur donna une belle industrie, recueillie des antiques archives, & leur fit des genouillieres de conserve, si qu'ores les diables se mettent à genoux, ce qu'au tems passé ils n'eussent osé, de peur de se pocher les yeux qu'ils y ont. Voilà que c'est des gens de grand engin, de l'esprit des grandes natures, comme parle du Haillan en Charlemagne. O diables heureux de si belle commodité! Pythagoras étoit ici en fort bonne mine: il ressembloit à ces vieux sergens du Châtelet, qui ont fait faire leur barbe de pipeux; (je cuidois dire depuis peu) aussi savoit-il de vilaines fessées de prudence, témoin les morbolisantes estafilades de discrétion, que l'on reconnoissoit aux cicatrices de sa félenie. C'est lui qui, au livre des inventions, sans crainte, a librement prononcé hérétiques excommuniables, comme écus au soleil, ceux qui mangent des choux avec une cuilliere. Pline s'avança, selon la rente d'honneur qui lui étoit dûe; ainsi qu'il paroissoit par un contrat passé par-dessus les ponts de Rome. C'est un homme notable & de prix: il est le premier inventeur de pisser honorablement contre les murailles des autres. Tandis que l'on murmuroit, le recevant, voici arriver le bon Démosthene. J'y suimes, dimes-nous; j'en fûmes bien-aises; d'autant qu'il est certain que j'apprendrois beaucoup de bonnes choses; comme déja il y parut. En entrant, il se mit à discourir; & nous enseigna ce que c'est qu'honnête homme, le définissant ainsi qu'il se trouve au Talmud; honnête personne est celle qui, ayant santé, se torche le cul avec un torchoir, le tenant de la main gauche. Aristote, dépité de n'avoir trouvé cette belle définition, se noya, & lui déroba celle de bonne ménagere, qui est insérée en ses économiques, comme l'a remarqué Ciriaque Strosse. Bonne ménagere est celle personne qui, s'étant torché le cul, resserre le papier dans sa pochette, le gardant pour une autre fois, ou pour empaqueter des confitures pour donner aux mignardes. Il n'y a plus de danger; nous sommes tous ici, puis que le pere Rabelais est dedans; ceux qui viendront ci-après, passeront par l'huis de derriere; la galle arrive au dernier. Et bien, couillaut que dis-tu de ceci? Je dis que ceux qui s'amusent à nos folies, font comme les médecins, qui regardent & épluchent les éjections des autres, qui sont aussi fous que nous, si mieux n'aiment être dits fous d'Inde, ou fous de Ludonois. Dieu sauve les beaux coqs, poules & poulets, amen. Et comptez diligemment les jours: parce que, d'ici à deux cents trois ans, dix mois, sept jours, dix-neuf heures, quarante minutes & trois secondes justement, le grand stéganografique fera une nouvelle translation de ce livre, à cause du changement de religion. Chaques uns, qui s'assirent selon les paraphrases de leurs dignités, avoient fait ronfler la réputation, pour maintenir leur rang, qui fut égal à tous jusques à la semelle des souliers. Et ains, chicanant avec les plumes de modestie, ils colloquerent leurs personnes, selon la remembrance de leur qualité. Il n'y eut que le cardinal de Cusa, qui, se trouvant assis près de Jean Hus, s'en prit si fort à rire, qu'il cuidât, éternuant, avancer toute sa réputation. Il en devint un peu fou, sans que pour cela les autres cardinaux encourussent note d'infamie, non plus que pour la dégradation d'un ministre. Et, pour ce que l'intention juge de tout entre toutes, on choisit la bonne intention, qui fut assise au haut bout avec une robe de président. Nous étions-là devant elle, pour faire preuve de nos esprits. Cela fut cause que je m'y trouvai, & m'assis aussi bien qu'un autre, d'autant que j'ai un cul; joint que, sans cul, nul ne pourroit avoir séance entre gens d'honneur.
Couplet.
VII. Nous nous mîmes à étoffer des mâchoires. Cependant il y avoit gens apostés, à ce qu'ils eussent égard que personne ne chommât; sur-tout qu'il n'y eût point de parole perdue, & qu'aucune ne tombât, ou fût égarée, ou échappée: pour à quoi parvenir on fit des barrieres spirituelles, & des gardefous intellectuels. Avec cela furent haut & bas tendus des tapis de considération, & des linceuls de conservation. On m'a dit, (& je le tiens d'un bon théologien, consumé en l'une & l'autre religion, comme chanoine en l'une & l'autre église d'Orléans) qu'autrefois, & à faute de tels remedes, il chut des paroles à terre, dont il leva des herbes de plusieurs façons: & y si a-t-il bien pis; c'est que, quand la terre est en chaleur & forte rage d'engendrer, il se faut bien garder de laisser tomber des pets; témoin Dioscoride écrit en veau au livre des herbes nouvelles, lequel dit que les plantes ont des odeurs différentes, selon tels accidens; & même les beautés & douceurs des fleurs en sont dérivées, comme l'a bien remarqué Paracelse en ses mineures. Et afin que je vous embouche, je vous mets devant le nez cette belle fleur, la couronne impériale, qui nâquit d'une vesse que fit une grande dame; étant fille & belle, après avoir mangé des confitures musquées, elle fit une cabriole, qui causa ce bel accident. L'original en est sorti du cabinet de notre Ambroise Paré. Je vous le prouverai par le sieur de Lierne, gentilhomme François, lequel, étant couché avec une courtisane à Rome, y fut pris. Elle, comme les chastes courtisanes le savent pratiquer, avoit amassé des petites pellicules légeres, comme celle des poules dougées & délicates; les avoit remplies de vent musqué, selon l'artifice des parfumeurs. La belle Impéria, ayant quantité de telles balottes, tenant le gentilhomme entre ses bras, se laissoit aimer. Ainsi que ces deux amans temporels pigeonnoient la mignotise d'amour, affilant le bandage, la dame, détournant la main, mit une petite vessie en état, & d'un petit coup de fesse, la fit éclater, de sorte que la petite balotte se résolut en la figure auditive d'un pet. Le gentilhomme l'ayant oui, voulut retirer son nez du lit pour lui donner air. Ce n'est pas ce que vous pensez, dit-elle; il faut savoir, avant que craindre. A cette persuasion, il reçut une odeur agréable, & contraire à celle qu'il présumoit. Ainsi il reçut ce parfum avec délectation. Ce qu'ayant encore reçu d'abondant plusieurs fois, il s'enquit de la dame, si tels vents procédoient d'elle qui sentoient si bon, vu que celui qui glissoit des parties inférieures des dames Françoises, étoit assez puant & abominable: à quoi elle répondit, avec un frétillement philosophique, que le naturel du pays & de la nourriture aromatique, faisoit que les dames Italiennes, qui usent de délices odoriferantes, en rendoient la quintessence par le cul, ainsi que par le bec d'une cornue. Vraiment, répondit-il, nos dames ont bien un autre naturel de pets. Il advint qu'après quelques musquetades, par circonstance de vent trop enfermé, Impéria fit un pet, non-seulement au naturel, mais vrai & substantiel. Le François, accoutumé par le nez à la chasse des pets, (de-là vient le proverbe, mené par le nez) oyant ce corps sensuel & momentaire, jetta en diligence le nez sous le linceuil, afin d'appréhender la benoîte odeur, pour laquelle envahir il eût voulu être tout de nez; mais il fut trompé; il en recueillit avec le nez, plus que vous n'en feriez avec quatorze pelles de bois, telles qu'on mesure le bled à Orléans. Et quoi? Une odeur plus infecte, venu du plus fin endroit de l'établissement de la merde, que vesse ne fut jamais si puante. O dame, dit-il, qu'avez-vous fait? Encore, en ouvrant le bagonisier, il y en entra une allenée humide, qui lui parfuma breneusement tout le palais. Elle répondit: seigneur, c'est une galantise, pour vous remettre en goût de votre pays. Avisez bien doncques à tout ce qui peut avenir. Les orties sont crues des paroles que disoit, en menaçant, un président, dont on ne faisoit gueres de cas. Faites étendre de beaux draps blancs, comme fit monsieur de la Roche, l'été passé.
Cérémonie.
VIII. Son meûnier plus proche de son château, ayant recueilli le premier de fort belles cerises bien avancées, les lui envoya le même jour. Là, il y avoit avec monsieur, plusieurs gentilhommes de ses voisins; c'étoient gentilhommes de la petite passe, comme vous diriez des chanoines de saint Mambeuf à Angers, au prix de ceux de saint Maurice; ou bien ceux de saint Venant, à l'égard de ceux de saint Martin de Tours. J'y suis, j'ai rencontré. Le meûnier mit ses cerises en un beau petit panier; & le bailla à sa fille, pour le porter à monsieur. La belle, qui étoit de l'âge d'un vieil bœuf, désirable & fraîche, vint à la salle faire la révérence à monsieur qui dînoit, & lui présenta ce fruit de par son pere. Ha! dit la Roche, voilà qui est très-beau. Sus, dit-il à ses valets; apportez ici les quatre plus beaux linceuls qui soient céans, & les étendez par la place. Notez, en passant, qu'il falloit obéir à tout ce qu'il disoit, d'autant qu'il étoit le prototype de l'antechrist. C'est lui, dont les prêcheurs disoient ce carême, que, comme hérétique, il pointoit sur sa tour ses fauconneaux, & étoit si bon canonier, comme le sire de Sautal, que gaiement il tiroit le cheval, entre les jambes de son ami qui venoit de dîner avec lui, & le prenoit au passage au détour du carrefour; & pour montrer son adresse, quand le laboureur tournoit sa charrue, il donnoit droit à l'appui de l'aiguillon, sans faire mal au laboureur: & le tout pour rire. Les draps étendus, il commanda à la belle de se dépouiller. La pauvre Marciole se prit à pleurer. Ha, que vous êtes sage! Vous vous gardez bien de rire; Fille à qui la bouche pleure, le con lui rit. Allons, çà, dépêchez; ou je ferai venir ici tous les diables. Holà, sans me fâcher, faites ce que je vous dis. La pauvrette se déshabille, se déchausse, se décoeffe, & puis, ô le danger! elle tira sa chemise; &, toute nue comme une fée sortant de l'eau, va semer les cerises de côté & d'autre, de long en large, sur les beaux linceuls, au commandement de monsieur. Ses beaux cheveux épars, mignons lacets d'amour, alloient vétillant sur ce beau chef-d'œuvre de nature, poli, plein, & en bon poinct, montrant, en diversités de gestes, un million d'admirables mignardises. Ses deux tétons, jolies balottes de plaisir, jointes à l'ivoire du sein, firent des apparences montueuses, différentes en trop de sortes, selon qu'elles parurent en distincts aspects. Les yeux paillards, qui se glissoient vers ses bonnes cuisses pleines & relevées de tout ce que la beauté communique à tels remparts & commodités du cachot d'amour, ravissoient de regards goulus toutes les plus parfaites idées qu'ils en pouvoient remarquer: &, combien qu'il y eût tant de beautés mignonnement étalées en doux spectacle, il n'y avoit pourtant qu'un petit endroit, qui fût curieusement recherché avec la vue; tant les regards tiroient au but, où chacun eût voulu donner, tous n'ayant intention qu'au précieux coin, où se tient le registre des mysteres amoureux. Après que les cerises furent semées, il les fallut recueillir, & ce fut lors qu'auparavant de merveilleuses dispositions essayantes de cacher sur-tout le précieux labyrinthe de concupiscence, le pauvre petit centre de délices eut bien de la peine à chercher des gestes, pour se faire disparoître. Ce beau parfait, cette belle étoffe à faire la pauvreté, ce corps tant accompli fut vu à tant de plans si délicieux, que difficilement y eut-il jamais yeux plus satisfaits que ceux des assistans. L'un le regardant, disoit: il n'y a rien au monde de si beau; je ne voudrois pas pour cent écus n'avoir eu le contentement que je reçois. Un autre, racontant sa fantaisie occupée de délectation, prisoit sa bonne aventure, en ce spectacle, plus de deux cents écus. Un vieux pécheur mettoit cette liesse à trois cents écus. Un valet, trémoussant comme les autres, en mettoit sa part de plaisir à dix écus. Et n'y eut celui des maîtres, qui ne parlât de cent ou cent-cinquante écus; qui plus, qui moins, selon que la langue alloit après les yeux, spirituellement léchant le marbre de ce spectacle, sur lequel la parole fourchoit après l'esprit, lequel attachoit à cette beauté son imagination, avec cent mille spécieuses images. Chacun des regardans avança sa goulée, & proféra la somme du prix des délices qu'il avoit imaginées. Les cerises remises au panier, la belle revint vers les fenêtres reprendre sa chemise. Encore les yeux des voyans s'alloient allongeant par les replis, afin d'avoir encore quelque reste d'objet; &, ainsi peu à peu qu'elle levoit une jambe, puis l'autre, ils épioient tant qu'elle se fût remise en l'état de sa venue, toute coeffée & habillée. Ses beaux yeux, petits cupidonneaux, étoient tout allans des vagues de feu qu'ils avoient octroyé à la honte de présenter en liqueur pour excuse de cette aventure. Monsieur de la Roche cependant avoit les yeux en la tête, & le regard au bel objet, riant en quarré plus d'un pied & demi dans le cœur, ayant toutefois dessein à écouter ce que ces tiercelets jasoient, tandis que trop bavards, ils se délavoient les badigoinces de ce qu'ils avoient à dire. Il les observoit, & retenoit fort bien le tout, & sur-tout la taxe que chacun avoit faite au rapport de son aise; même il remarqua jusques à un laquais, qui avoit allégué un écu. Laisse-toi cheoir, t'y voilà; il ne faut que se baisser & en prendre. Marciole, toute habillée, fut, par le commandement de mondit sieur, assise au bout de la table, où il la réconforta & reforça le mieux qu'il put, lui donnant ce qu'il y avoit de plus délicat. Elle étoit fâchée & pleureuse, indignée d'avoir montré tout ce que dieu lui avoit donné d'apparent; & avoit regret que tant de gens l'eussent vu à la fois, hors de l'église. Quand la Roche se fut avisé, il frémit sur la compagnie; &, tournant les yeux en la tête, comme les lions de notre horloge de saint Jean de Lyon, se mit à jurer son grand juron évangélique, d'autant que pour lors il étoit huguenot de bienséance, & dit: par la certe dieu, (ainsi que jurent les voleurs qui sont de la religion) messieurs, pensez-vous que je sois votre plaisant, votre valet, votre provisionneur de chair vive? Par la double digne grande corne triple du plus ferme cocu qui soit ici, vous paierez chacun ce que vous avez dit; ou il n'y aura jambe, tête, membre, trippe, corps, poil, jarret, qui demeure sauve. Ventre de putain, vous le compterez tout présentement, si mieux vous n'aimez avoir les yeux pochés, & les vits coupés. Si on les eût tous coupés, cela eût servi à l'abbesse de Montfleury, à laquelle son procureur vint dire, ces vendanges passées, que la vis de son pressoir étoit rompue; sur quoi ayant long-tems pensé, elle dit: foi de femme, si je vis, je ferai provision des vis. Les paroles de ce monsieur firent peur à messieurs les aubareaux, qui payerent ce qu'ils avoient dit, ou l'envoyerent quérir, ou l'emprunterent de mondit sieur, sur bons gages, ou bonnes cédules. Ainsi cette noblesse effarée, cracha au panier environ douze cents beaux mignons écus de mise & prise. J'aimerois bien mieux faire ma provision à Paris; j'aurois pleine chemise de chair pour cinq sols, & une pannerée de cerises pour quatre. Les écus mis au panier, la Roche les bailla à Marciole, qui se mordoit la langue de grande rage d'aise, sachant que c'étoit pour elle; & monsieur lui dit: tenez, ma mie, portez cela à votre pere, & lui dites que vous l'avez gagné, à montrer votre cul. Il y en a bien qui l'ont montré, le montrent, qui ne gagnent pas tant, & si courent plus grande fortune.
Coq-à-l'Asne.
IX. Voilà comment, en dînant & banquetant, ils avoient de notables effets: aussi est-ce le tems des grands mysteres. C'est un grand heur de bien dîner & voir une belle fille, & sans la payer; avoir une tant délectable vision que l'aspect de Marciole toute nue, qui n'étoit fâchée d'autre chose, sinon que l'on avoit vu son cela. J'ai pensé le nommer par son droit nom. Bien le pouvois-je, d'autant que je sais plusieurs langues; mais il me faut ici parler françois; & en françois, un con est nommé cela. Qu'ainsi ne soit, si vous mettez la main au devant d'une fillette, elle la repoussera vîte, & dira, laissez cela. Quand je dis le devant, je l'entends comme faisoit monsieur le feu premier médecin, qui ayant tâtonné l'estomac d'une belle demoiselle couchée & un peu malade, coule sa main plus bas, &, venant à l'imperfection du corps, s'y avançoit, quand elle lui dit: hé, monsieur, que pensez-vous faire? Mademoiselle, je croyois que vous fussiez comme les vaches de notre pays; que vous eussiez les tétins entre les jambes. Pourquoi est-ce que les femelles repoussent la main, quand on la met vis-à-vis de leur cela? C'est parce que ce n'est pas ce qu'il y faut mettre.
Circoncision.
X. Dames, qui avez les oreilles chatouilleuses, de peur de rire, lisez ceci tout bas ou de nuit, durant laquelle la honte dort; & ne vous formalisez, scandalisez, ni estomirez de chose quelconque que trouverez en ces textes & mémoires mêlés de toute sapience, moyens, élémens & enseignemens à bien vivre. Les mélanges que vous trouverez sont survenus, à cause de l'antiquité de ce volume, & des annotations, apostilles & interprétations qui y étoient mises; & le gentilhomme qui le transcrivit, pour votre avancement en toute sagesse, a tout écrit d'une suite, mêlant, sans distinction, glose & texte, ainsi que, quand vous êtes à table, vous qui ne jeûnez pas, vous mangez des viandes prises deçà & delà, selon l'occurrence. Quant aux jeûneurs de carême, ils mangent par couches, comme les bonnes femmes qui mettent des herbes à distiller. Ils mangent le potage, puis des échaudés au beurre frais, des entrées, des pois, des feves, des harengs, des pruneaux, puis le poisson, puis le dessert, & tout à cause du jeûne. Je vous assure que ce livre étoit simple & net, beau comme le jour, ainsi qu'il est encore, bien qu'il soit pêlemêlé de notes & considérations, à la façon du bon homme Guyon qui, à l'âge de cent ans, se mit à vivre capuchinement. Il avoit été page de chez le roi; puis il etudia, fut à la guerre, se fit cordelier, s'en retira pour être huguenot, se fit savant, devint ministre, mangea tout, puis se mit à demander sa vie. On lui donnoit de tout ce qu'il lui falloit, qu'il mettoit en son écuelle, pain, chair, soupe, potage, vin, sert, dessert ensemble. Et on lui disoit: pourquoi ne mangez-vous & beuvez d'ordre & à part? Ha, ha, disoit-il, lourdaut, mon ami, puisqu'ils se doivent mêler au ventre, il n'y a point de danger de lui envoyer tout déja mêlé. De même ceci doit être mêlé en votre cervelle: il le vous faut bailler tout mêlé. Le personnage, qui vous produit en tout honneur ces saints mémoires de perfection a pensé que le texte ne valoit pas mieux que le commentaire; par quoi il les a fait aller ensemble. Doncques, soit que vous les lisiez ou non, ou que vous commenciez ici ou là, n'importe; ce livre est, partout, plein de fideles instructions & sens parfait, tellement que c'est tout un, par où vous le lisiez. Il est un globe d'infinie doctrine; & il y a autant à apprendre dans un lieu qu'en l'autre; en cette sorte-ci qu'en celle-là: il n'y a ligne, endroit, ou passage (afin de parler niaisement aussi-bien que les doctes) qui ne soit tout farci de science mystigorique & concluante. Qu'ainsi ne soit: le prieur du Vau-de-vire, lequel vivoit du tems des Anglois: (il en vit encore de ce tems, ainsi que m'a assuré le gardien des cordeliers qui m'a dit, qu'il y avoit encore des Anglois) ce bon prieur avoit fait une grande annonciation sur ce mot cela, sur-tout à cause de la considération de la soudure des membres d'amour, ou des membres de la soudure d'amour, ajoutant, comme il se trouve ès vieux exemplaires grecs & hébrieux, qui sont au Vatican & à Londres, ce qui s'ensuit. C'est une chose étrange de la différence des hommes & des femmes: si une femme l'a petit, elle ne fera point de difficulté de le montrer, & ne se souciera guere qu'on le voie, parce qu'il sera le petit mignon d'amourettes. Mais celle qui l'aura se dilatant en grandeur, jamais n'en permettra la vue, de crainte qu'on voie son ignominie. Voyez les hommes qui se baignent, & qui n'ont guere de différence masculine; c'est-à-dire, qui sont mal envitaillés. Ils ont infiniment de la peine à le cacher; ils mettent devant mains, chemise, chapeau, chausses; encore, s'ils pouvoient prendre la lune, ils la mettroient devant leurs harnois, tant ils craignent qu'on sache le peu qu'ils ont d'outil à faire la belle joie, honteux de leur peu de bien. Au contraire, ceux qui en ont une belle venue, ils la recommandent & commettent à nature, pour la faire voir ou la cacher; ils en sont si libéraux. Aussi de fait, la libéralité convient mieux à un homme riche qu'à un pauvre; joint que l'âge, comme ils le croient, doit donner de la discrétion à leur chose, pour se cacher, s'il en est besoin, comme le pensoit & faisoit bien la belle Hipolite, qui, un jour d'hiver que nous étions auprès du feu, madame sa mere y étoit en sa chaise, tournée vers la table, écrivant ou faisant autre semblable exercice; nous vetillons près le feu; & la belle, pour se chauffer, haussa un peu la cuisse & sa chemise, pour faire convoitison, parce qu'elle y avoit froid: dont je m'étonne, parce qu'il fait bien chaud là où il ne fit jamais froid, & où il y a toujours du feu. Je lui dis: belle, cachez votre cela. Elle me dit: qu'est-ce que mon cela? C'est votre minon. Qu'est-ce que mon minon? C'est votre petiot de lectation. Qu'est ce que mon petiot de lectation? C'est celui qui a perdu de l'argent. Qu'est-ce qui a perdu de l'argent? C'est celui qui regarde contre bas. Qui est celui qui regarde contre bas? C'est votre petit crot à faire bon, bon. Qu'est-ce que mon petit crot à faire bon, bon? C'est votre chose. Qu'est-ce que mon chose? c'est votre con. Qu'est ce, qu'est-ce? je le dirai à madame. Madame se revirant, dit: je l'entends bien; vous êtes une sotte; que ne le cachez-vous? Hipolite répond, qu'il se cache, s'il a honte; il est aussi vieil que moi. Plutarque étoit au bout de la table, qui écrivoit ses morales, qui nous tença en riant; (aussi je crois que c'étoit à petit semblant) & nous dit: il n'est pas séant de nommer à nud les parties honteuses; & pour cause. C'étoit pour voir ce que je lui répondrois; ce que je fis aussi bien: Signor mio, sur ma fe, je deviendrai sage; je prends en gré & fort honnêtement votre admonition; vous la faites & dites de bonne grace; vous n'en usez pas comme ces docteurs qui, ne sachant que répondre, viennent aux injures, & puis veulent s'immiscer à faire des remontrances flasques comme une caillette froide. Je prendrai garde à nommer ceci & cela. J'imiterai Platon, quand je parlerai de l'endéléchie, (j'ai pensé dire de l'endroit où l'on chie) & grand jointure du corps & de ses environs; je nommerai le cul derriere ou fondement; ou l'un, d'autant qu'il est un, & qu'il ne peut y avoir en un corps deux culs, non plus que deux papes à Rome, & que le cul est tellement uni de ses deux fesses, que miraculeusement il n'est qu'un, non plus qu'une mitre n'est qu'une mitre, encore qu'elle ait deux cornes. Je dirai doncques l'un; & celui d'auprès, je le nommerai l'autre, d'autant que l'un sans l'autre n'agissent point en nature ès productions génératives. Ainsi je disposerai les secrets, afin qu'ils ne soient entendus que de ceux qui ont bon nez, lesquels, par ce moyen, sous cette plaisante escorte, chercheront le noyau qui est caché en l'un & en l'autre. Cependant je vous avertis, (& ne vous en déplaise; un sage conseille bien un fou) il ne faut pas toujours dire ces parties là honteuses, d'autant qu'elles ne le sont que par accident: &, faisant autrement, vous feriez tort à nature, qui n'a rien fait de honteux. Ces parties là sont secrettes, nobles, desirables, mignonnes & exquises, comme l'or que l'on cache. Il est vrai qu'elles peuvent devenir honteuses, & le sont, quand il leur survient une belle petite écrevisse de mer; (c'est-à-dire un chancre) ou qu'auprès d'elles sont logés de jeunes chevaux; (ce sont poulains) ou qu'une joyeuse chaude-pisse les tient en humeur. C'est alors que tels membres sont honteux: &, ce qui est encore pis au ceci d'un homme, & qui le rend du tout honteux & mélancolique à bon escient, est quand il a perdu les cimbales de concupiscence, les caisses d'amour, les boulettes de Vénus; le défaut desquelles fait appeller les hommes châtrés. Ceux qui voyoient tantôt la belle Marciole toute nue eussent bien voulu la châtrer, c'est-à-dire lui ôter les trébillons d'entre les jambes; il eût fallu premiérement les y mettre. Que le chat fût bien bridé des vôtres, qui riez encore de cette belle fille qui fut mariée; & le contract de son mariage fut passé par devant les deux plus savans notaires de Rouen. Le maître de la rose-rouge en diroit bien ce qu'il en sait; & pource, il envoya quérir ces deux fameux notaires; lesquels laisserent le bon paysan, pour venir à ce riche marchand. Les notaires venus, on leur donna des siéges, & Monsieur de la Rose commanda à sa servante d'apporter ce qu'il lui avoit commandé; notate verba. Servantes, sont celles qui servent chez les gens de bien, d'autant qu'à ce qu'elles disent, chambrieres sont celles qui demeurent avec les prêtres, ou chanoines, pour subvenir à toutes leurs nécessités. Là dessus, Monsieur de la Rose dit à ces Messieurs les notaires, qu'il avoit grand desir de manger des pois passés par devant notaires; partant il les prioit de les voir passer. Sa servante se mit, là devant eux, à les passer. Ces notaires se mutinerent, & se fâcherent, & l'injuriant l'appellerent moqueur, & dirent qu'ils s'en ressentiroient. Ils se prirent aux paroles, jusques à dire qu'ils alloient quérir leurs épées, pour s'aller battre hors la porte. Allez, dit-il, je le veux bien: passez par ici, & m'appellez. Il prend son épée, & se mit à la fenêtre. Incontinent les autres passerent & l'appellerent. Ho, méchant, qui abuses les officiers du roi, viens hardiment. Non ferai, dit-il, je ne suis plus courroucé; je ne vous veux mie tuer.
Pause derniere.
XI. Or commençons de conclure; & soyez avertis, vous qui verrez ces précieuses reliques des richesses du monde, que vous devez porter honneur à cet ouvrage; que, si vous n'êtes pas assez fort pour lui en porter assez, traînez-le, ou lui envoyez, ou le roulez, ou lui faites tenir en révérence; & prenez garde à ce que cet honneur soit distribué honnêtement aux scientifiques personnes & discretes qui sont en ce banquet, comme poulets en mue. Ne pensez pas que ce soit moquerie, que de ce simpose & souper philosophique, le plus authentique qui fut jamais, & auquel toutes questions, propositions, théorêmes, problêmes, & plusieurs autres ont été solues, résolues, trouvées, démontrées & fidélement reconnues en toute perfection; pource que tout y fut débattu, égratigné, écorché, tourné & entendu; & ce, selon les graces dont étoient barrés Messieurs les assistans, qui pourtant furent, & ont été, & seront approuvés doctes & savans; ayant au reste tous si bon esprit, qu'ils ne mirent guere à devenir fous. Ainsi soit-il de vous, amen. Ils avoient les yeux ouverts, comme chiens qui chassent aux puces. Or ils s'étoient réparés l'entendement à trois sous pour livre, y ayant fait des arcs-boutans de mémoire, au rabais. Nos amis & toute la belle & sage compagnie furent rangés en la salle au beau milieu, en même ordre & façon que la Reine de Saba fêtoya ses Princes en Meroé, quand elle voulut faire preuve de sa sagesse. A voir tous ces gens de bien en bel ordre, vous eussiez dit & pensé avoir devant vos yeux une belle, joyeuse & sainte congrégation, comme une bande de Prélats. Et que faisoient tant de bonnes gens de loisir? Voire, mais que fit-on là? On parla, on mangea, on beut, on fist st, on se teut, on fit du bruit, on protesta, on rencontra, on rit, on bailla, on entendit, on disputa, on cracha, on moucha, on s'étonna, on s'ébahit, on admira, on gaussa, on rapporta, on entendit, on brouilla, on s'éclaircit, on débattit, on s'accorda, on trinqua l'un à l'autre, on fit carroux, on remarqua, on trémoussa, on s'accorda, on cria tout bas, on se teut tout haut, on se moqua, murmura, on s'avisa, on se reprit, on se contenta, on passa le tems, on douta, on redouta, on s'assagit, on devint, on parvint. Qu'en avint-il? Il en avint ce docte monument, ce précieux mémorial, ce joyeux répertoire de perfection, cet antidote contre tout malheur, cette affiloire de bonnes graces, Ce Moyen de Parvenir, unique bréviaire de résolutions universelles & particulieres: à quoi on ne peut contredire, ni opposer d'hyperboles, ni le rédarguer de fausseté. Et dites que vous en avez, captieuses tignes, qui voulez tout réformer & refondre. Mais vous, sectateurs de vraies vertus cardinales, gens haïs de l'oisiveté, qui aimez mieux vous amuser à boire, que penser à mal, ou perdre le tems inutilement; considérez ceci, empoignez ce volume; volume dit, à cause de la vérité qu'il contient, comme un bon verre plein de bon vin. Verre & volume sont équivoques; le verre est un volume: il est vrai que c'est le petit, c'est l'épitome; d'autant que le gros volume est le poinçon bienheureux. Qui ont belles & amples bibliotheques remplies de tels volumes, ils sont capables, de rendre victus tout le monde, tant docte soit-il.
Vidimus.
XII. De tous bons volumes cettui-ci est le bréviaire, ainsi dit & nommé pour plusieurs raisons. C'est qu'il est bref; & qu'en peu de paroles il enseigne toutes sciences. Item, bréviaire est un livre ordinairement gras; &, par application, on s'engraisse au moyen de l'usage de cettui-ci. Le bréviaire donne de l'appétit & l'aiguise; cettui-ci l'entretient & le fortifie. Le bréviaire fait gagner la vie à ceux qui s'en aident; cettui-ci la fait trouver toute gagnée. Je m'en rapporte à notre curé, auquel, après le service, mademoiselle dit: monsieur le Curé, venez dîner avec nous, je vous prie. Je vous remercie, mademoiselle; j'y serai aussi-tôt que vous. Mademoiselle, ennuyée qu'il ne venoit, regarda par sa fenêtre, & vit à côté le Curé, qui, ayant pissé, serroit sa piece. Elle se retiroit de peur de le voir, parce que ceci l'eût fait rire. Quand il fut entré, elle dit: là, monsieur le Curé, lavez-vous la main, & venez. Eh da, dit-il, mademoiselle, je n'ai rien touché que mon bréviaire. Quel bréviaire, dit-elle! Il est fait comme une andouille. Là, là, lavez vos mains. Comme nous contions ceci à Paris, en la boutique d'un libraire, la dame écoutoit attentivement, & prêtoit aussi l'oreille au discours de son mari, qui contoit qu'en le payant d'un inventaire qu'il avoit fait, on lui avoit baillé un vieil bréviaire, qu'il avoit vendu six écus. La dame répondit (je ne sais à qui, d'autant que les deux contes furent achevés en un instant): je voudrois que tous nos livres ressemblassent à ce bréviaire. Ce que je vous dis est vrai; & savez-vous comment je prouverai cette vérité? Ce sera en la sorte que vous comprendrez ces heureux discours, auxquels si vous ne voulez croire, les prenant pour unique raison, faites ce que vous voudrez: comme charitable, je trouve tout bon ce qui plaît aux autres. O ames, à bon droit pleines de félicité, réservez au parfait contentement, puisque votre bonheur a eu la patience de vous faire naître en ce temps, pour avoir la grace, le bien, la prérogative, l'honneur & le profit que vous tirerez de ces mémoriaux & commentaires de raison étonnante, unique en son accomplissement, il ne faut point faire d'estime des belles inventions, & avoir regret de ne les avoir point vues, ou sues, ou penser ne les pouvoir rencontrer, puisque vous avez ce livre, qui vous fournit de tout. Ce bel objet est tel, qu'en lui vous avez les élémens qui vous guideront au bien accompli: & par ces élémens, non de particulieres sciences, mais de toutes exclusive & inclusive, vous pourrez trouver & inventer tout secret, tant caché, séparé & admirable soit-il, (si vous avez de l'esprit, cela s'entend) à crocheter, voir & chercher ce qui est sous cette écorce de velours & d'or entortillé de paroles, quelquefois de soie, & quelquefois d'or, & quelquefois de fil, & étoffées de petite qualité, & puis d'azur, & de gueules, & de ce qu'il ne faut alléguer. Il nous suffit de vous raconter, & à vous de croire que tout est fort bien caché sous ces énigmes, ainsi que le trouveront les enfans de la science, les fils des sages & heureux prédestinés à trouver la lanterne de discrétion, & la lampe de béatitude. Et afin d'avoir le crédit de se chauffer au beau feu d'intelligence, vous qui avez envie de parvenir, que nous vous faisons part de ce fin recueil de mysteres authentiques, vous proposant devant les yeux les symboles de chacun, comme ils ont été proférés. Sitôt que quelqu'un ouvroit la bouche pour prononcer sa goulée, aussi-tôt les secrétaires les mettoient par état, & colligeoient les paroles & propos, comme belles & bonnes perles ès rives de l'Asie, dont ce volume a été compilé & lequel de tout temps a été & sera, à cause de son excellence, pour son mérite, & à jamais, par ceux qui ont de l'entendement, en grosse lettre dit, nommé le Livre. Ne dites pas sans queue, d'autant qu'il aviendra, ainsi qu'il est avenu plusieurs fois, & que les grands, au détriment des plus foibles, les trouvant, & craignant qu'il ne soit vu du petit & bon monde, le scelleront, comme chanceliers à simple queue, ou à double, telle que le temps admettra. Je vous prie, bonnes personnes, de ne rien dire de ceci, & n'alléguer ce mot que nous n'avons pas mis au titre, d'autant que, s'il y étoit, on le reconnoîtroit tout aussi-tôt, & il en aviendroit trop de malheur. Le plaisir des gens de bien seroit perdu. Ces méchans excommuniés, qui font tant mettre de daces & impôts sur le peuple au desçu du Roi, (le pauvre homme ne l'entend pas) ces malheureux-là viendroient & prendroient ce livre, & le vous vendroient un écu pour lettre, au meilleur marché; joint qu'à tel on vendroit la lettre cinquante écus; & ainsi le feroient tout d'or, comme Simon Magus & son chien, & les ministres quand ils seront affriandés aux lettres d'envoi comme en Angleterre. Jouissez, amis, de cet œuvre, sans le prophaner; & sachez que, par le rapport des savans, il est tel, que les plus gens de bien racontent & affirment par-tout qu'il contient tout ce que chacun sait, a su & saura, ou doit savoir & entendre. Il embrasse les mysteres approuvés de toutes sciences, pour autant qu'il est la juste, solide & naïve interprétation de la pure cabale de valeur non imaginaire. Ne parlez plus de clavicules ou clavifesses, ni d'arts apéritifs, canons & artillerie, qui sont engins grandement ouvrans, puisque vous avez ces cahiers de vérité; ce bon volume qui est la grosse clef d'ordonnance, à laquelle pend le trousseau de toutes clefs. Pour le prouver, j'ai le pere Rabelais le docte, qui fut Médecin de Monsieur le Cardinal du Bellay; & je le mets ici en avant, parce que les substances de ce présent ouvrage & enseignemens de ce livre furent trouvées entre les menues besognes de la fille de l'Auteur. Ce Cardinal étant au lit malade d'une humeur hyphocondriaque, fit assembler les médicins, pour consulter un remede à son mal. Il fut avisé par la docte conférence des docteurs, qu'il falloit faire à Monsieur une décoction apéritive, qui, réduite en sirop, seroit accommodée à son usage ordinaire. Rabelais, ayant recueilli cette résolution, sort, & laisse Messieurs achever de caqueter pour mieux employer l'argent; & fait ledit sieur mettre au milieu de la cour un trépied sur un grand feu, un chaudron dessus plein d'eau, où il mit le plus de clefs qu'il put trouver; &, en pourpoint, comme ménager, remuoit ces clefs avec un bâton, pour les faire prendre cuisson. Les docteurs descendus, voyant cet appareil, & s'en enquêtant, il leur dit: Messieurs, j'accomplis votre ordonnance, d'autant qu'il n'y a rien tant apéritif que des clefs; &, si vous n'en êtes contens, j'enverrai à l'arcenal quérir quelques pieces de canon: ce sera pour faire la derniere ouverture, après l'exhibition de ces apozemes. Je pense que cette preuve est de mérite. Avisez doncques bien, & diligemment épluchez, & voyez avec curieuse conférence. Tous les autres prétendus livres, cahiers, volumes, tomes, œuvres, livrets, opuscules, libelles, fragmens, épitomes, registres, inventaires, copies, brouillards, originaux, exemplaires, manuscrits, imprimés, égratignés, bref les pancartes des bibliotheques, soit de ce qui a été, ou est, ou qui jamais encore ne fut ou ne sera, sont ici en lumiere prophétisés ou restitués; de perdus, sont retrouvés & recouvrés. Et s'il y a bien davantage: si quelqu'un a dérobé un œuvre, il sera découvert, comme il se présume en vérité, par une bonne révisitation de textes, paraphrases, commentaires, métaphrases, homélies, annotations, récensions, notes, adversaires, lectures, leçons, & autres telles négoces & inventions de gloses & interlignes pédantines. Et les calculez: vous les trouverez ici, sans qu'il soit plus besoin de tant de livres, romans, poésies, prônes & bavarderies, qui occupent les esprits mal-à-propos, & lesquels, après que l'on les sait, ne laissent pas l'industrie d'avoir un paillard écu. A dire vrai, cette vérité a touché de compassion le cœur de beaucoup de gens de bien, qui, pleins de charité, comme j'en ai vu de doctes & sages avancés près les papes, rois, empereurs & républiques, gens sans fard, lesquels oyant les affamés de bonne lecture, s'amuser à faire joliment relier, parer, dorer & mignarder proprement des livres communs, tant vieux que nouveaux; ces bonnes personnes, ayant déplaisir & regret au tems qui se perd en la lecture de tant de livres de fadaises, de surcroît emplis de douleur & obscurité, avoient l'ame touchée de fâcherie & impatience, considérant que ce bon livre n'étoit pas connu des vrais amateurs de sciences; déploroient la misere de tels pauvres acheteurs abusés, & disoient: voilà dommage & pitié. Hé! qui ne s'étonneroit du malheur qui abonde en ce tems. Voilà, ces misérables dévoyés ont assez de ces livres de vétilles: ils n'auroient pas sitôt en main un Moyen de Parvenir. Sur quoi je vous dirai un grand secret, & puis l'autre; c'est que vous ne trouverez point en ceci de truandage de pédantisme, comme ès autres, pleins du ravaudage de folle doctrine qui n'apporte point à dîner. Et davantage, je vous dirai le secret des secrets: mais je vous prie, afin qu'il soit secret, de vous embéguiner le museau du cadenac de taciturnité; & écoutez. Ce Livre est le centre de tous les Livres. Voilà la parole secrette, qui doit être découverte du temps d'Hélie, artiste, ainsi que disent les alquemistes. Tenez-le fort caché, & vous gardez des pattes pelues de ces enfarinés, qui gourmandent la science & l'emplissent d'abus: étrangez-vous de ces pifres présomtueux, qui, voyant les bonnes personnes désireuses de se calfeutrer le cerveau d'un peu de bonne lecture & profitable, s'en scandalisent: chassez ces écorcheurs de latin, ces écarteleux de sentences, maquereaux de passages poétiques, qu'ils produisent & prostituent à tout venant: gardez-vous de ces entre-lardeurs de théologie allégorique, de ces effondreux d'argument, & de tous ceux qui aiguisent les remontrances sur la meule d'hypocrisie. Fuyez telles bêtes; & ne leur communiquez point ce rare trésor; ains le commettez à gens de bien, comme gens de bien ont pris la peine de le vous donner; non pour en abuser, d'autant que ce seroit un péché plus que contre nature, parce qu'il n'est ni mâle, ni femelle. Je m'en rapporte à ces sages & prudens prêtres, qui nomment leur bréviaire leur femme. O quelle impiété rouge comme sang! Ceux qui parlent d'abuser de ce qui peut servir, ne l'entendent pas. Je les renvoie au Principal du Collége de Geneve. J'en atteste la pantoufle du Pape, que je dis vrai.
Conclusion.
XIII. Le second Ministre étoit malade. Je fus appellé pour le voir; je lui fis au moins mal que je pus. Se trouvant un peu bien, il me parla de ce Monsieur le Principal, & me dit qu'il étoit fallot. A ce mot, il arriva; & moi bien aise, & aussi, parce qu'il y avoit occasion de rire, inter privatos parietes, je me mis à faire des contes, & lui aussi; mais les miens alloient plus vîte: de sorte que, soit ou pour m'éprouver, ou pour se venger, comme il me l'a confessé depuis, il lui prit fantaisie de changer de propos, & dit: O nous misérables réformés, de proférer tant de paroles oiseuses, dont nous rendrons compte; & vous le premier. Il est bien vrai, dis-je; mais, monsieur, il faut ici distingo Genevoisien; venons à l'écriture. Le sage dit qu'il y a tems de rire & de pleurer. Et bien j'avons ri; ce que nous avons dit n'offense personne. Les paroles oiseuses, sont celles qui offensent, & qui sont dites pour ôter l'office, ou le bénéfice, ou la renommée à un homme; comme si je disois, monsieur le principal abuse des graces de Dieu; & que, pour le prouver, je misse en avant cette démonstration: c'est que, tous les matins, il fait de son vit un chausse-pied. Ce bon ministre se prit si fort à rire, qu'il fut tout guéri: & puis dites qu'il ne se fait point de miracle à Genève. Dis que tu en as, papiste. Recevez donc ce présent, ce passé, ce futur, beaux & fidèles esprits. Vous y trouverez un insigne profit, attendu que tous les livres qui furent jamais faits, ou seront faits par hommes ou femmes, filles ou garçons, ou neutres, sont signes, ou marques, ou paraphrases, ou prédictions de cettui-ci tant naïf, clair & évident, lequel est la fin finale & intelligible de tous: & ainsi que tous ne sont & ne seront qu'interprétation des secrets ici exposés, & qui ne se trouvent que par dessein en ce beau & petit abondant moule de perfection exemplaire. Quiconque le saura, sera capable de toutes sciences, & n'ignorera que ce qu'il ne saura pas; d'autant que tout est ici au petit-pied en parfaite idée, clarifiant tout autant qu'il est possible. Que si quelque mauvais opiniâtre, incrédule, hérétique, stupide, conscientieux, faussonnier, ou autre ribaudaille ne me veut croire; je parle à vous qui êtes de telle qualité, & vous dis que, si vous ne croyez, je veux & désire qu'en guise de personne demi-sainte, chacun pour soi, vous puissiez recevoir une bonne secouade d'estrapade, qui vous dure une semaine, redoublant toujours pour mignarder votre constance, ou une gêne de rage de fondement, ou une cuisson de carnosités intolérable, ou un chatouillement de fines goutes, ou passion colique, voire tout ensemble avec toutes autres sortes d'incommodités à la sauce d'Allemagne, tant qu'à votre requête je vous donne remede. Et ne vous scandalisez, si, en l'excès de mes charités, je vous souhaite, avec si bonne & sainte affection, tel & si grand bien. Assurez-vous que ce n'est sans cause, d'autant que je sais qu'il vous en aviendra un merveilleux émolument; à cause que, chatouillés de telles friandises de maux & trouble, de l'aise cruel que vous en sentirez, aurez connoissance de votre faute, & ne serez plus juges ingrats d'autrui, qui peut-être vaut mieux que vous. Ainsi ce mal vous réussira en bien, afin que, vous souvenant de ce livre en vos rigueurs, vous y aurez recours; & vous vous en trouverez ou de même, ou mieux, ou pis, au grand avantage du salut de votre ame, si vous en savez bien user, & comme nos bons peres de familles, qui traitent bien leurs hôtes, & entretiennent les toîts de leurs maisons, de peur d'être incommodés.
Corollaire.
XIV. Par manda, j'en jure la bonne fête de madame la Saint-Jean, que je ne daignerois vous tromper loyalement; & y eût-il à gagner autant que le monde vaut, & fiez-vous en moi, comme le pauvre la Motte, qui étoit sur l'échaffaud prêt à être rompu, ce qui le fâchoit fort, parce qu'il ne l'avoit pas accoutumé, & il dit au greffier: hélas! monsieur le greffier, à la pareille; souvenez-vous de la grace que messieurs m'ont promise; je m'en fie en vous. Là, monsieur de la Motte, mon ami, fiez-vous à moi; on ne vous fera nul mal. Mais tandis que je vous sermone, il m'est avis que je vois un glorieux caparaçonneur d'intelligence bigarrée, qui, donnant dans les hypocondres de la conscience, pour éclorre quelque œuf d'hypocrisie feint, qu'il a couvé sous le voile bigot de sapience folle, lequel grignotant de dépit, & pour faire l'habile homme, jettera dédaigneusement l'œil sur ce monarque des livres d'humanité; blasphémera, & pour en conter se fera peter les mâchoires, comme un vendeur d'époussettes, disant que nos paroles sont erronées; & nous pensera faire des escapades d'admirations; alléguant des sentences du livre saint, auquel tels que lui n'entendent rien. O toi donc cettui là à qui je parlois tantôt, relevé d'orgueil, bouquin qui as été mille fois gourmandé par ta chambriere, ainsi qu'il se fait volontiers en nos cloîtres.
Beze. Savez-vous comment? Je fais cette parantese à votre discours; beuvez; puis vous acheverez. Mais devant, sachez que, quand une femelle s'addonne à un écclésiastique, elle est, le premier mois, sa chambriere; le second, elle est sa compagne; & le troisieme sa maîtresse; & ainsi conséquemment. Et de fait, votre chambriere vient-elle demeurer avec nous (pour nous servir, cela s'entend); le premier mois, elle est tant sage, que tout ce que j'ai est à moi. Si, en sortant de l'église, je la vois venir de chez un des confreres chanoines, je lui demanderai: d'où venez-vous, Jeanne? Je viens de chez votre compere, quérir votre vaisselle, que vous laissâtes hier que vous y fûtes souper. Ho dà! tout est encore à moi. Le mois d'après, je ferai la même question en même posture. Elle dira, je viens de quérir notre vaisselle, que nous laissâmes hier, chez notre compere où nous soupâmes. Ha, ha! nous y avons encore part. Mais après, si je l'interroge; elle me dira bien autrement. Que vous avez d'affaire, & n'avez point de chemise au cul! Vous voulez tout savoir comme les grands. Je viens de quérir ma vaisselle, que je laissai, hier au soir, chez mon compere où j'ai soupé. Voilà, tout est à elle. Mais je ne t'ai pas laissé, ô maître sophiste, perdu de la vanité de tes imaginations; ame déloyale qui ne peux comprendre le légitime Moyen de parvenir, auquel tu prétends d'arriver par sottise ou fraude ordinaire. Entens, vestaudier, que nous ne parlons ici que des livres d'humanité; & t'en vas faire panser à mon barbier; il te donnera, pour te faire docteur, une éponine ou épauliere, d'un coup de barre de fer, sur le collet, en guise de chausse d'hypocras, ou de hallebarde de drap. Que je dirois de belles choses, si je les savois; & en bons termes & beaux, si j'osois éventer ma doctrine. Je ne suis pas de ces petits docteraux, dont il est écrit: j'ai une tête de docteur à dîner. Un avocat du Mans ayant plaidé pour un boucher, & ayant gagné sa cause, il trouva sa partie. Hé bien, lui dit-il, n'ai-je pas bien plaidé pour vous? Je le sais bien, dit-il, monsieur; aussi en récompense, vous avez la plus belle tête de veau qui soit en la ville: ce sera pour votre dîner. Ce jour-là, nous devisions, en dînant, de choses diverses. On parloit d'une tête de veau, & aussi d'une serviette. A ces dernieres paroles, un jeune chantre dit à un monsieur: véritablement, monsieur, vous en avez une belle sur les épaules. Oh! devinez s'il parloit de tête, ou de serviette par intelligence. Je ne suis pas aussi docteur à la vinaigrette, ainsi qu'un tas de sages & beaux docteurs qui sont doctores à docendo, comme montes a movendo. C'est lancer du latin cela, comme pois en vessies. Allez donc au grat, correcteurs ingrats, & vous gratez le cul au soleil; puis succez vos ongles. Ça ici, bons amis du cœur, gens dociles, qui savourez le bien que dieu donne, voyez cette analogie d'harmonie parfaite. Si quelqu'un ne prend plaisir à ce banquet & aux beautés qu'il a produites, qu'il se fasse fouetter, comme fit celui qui s'adressa à madame la principale. Je vous prie d'écouter ce qu'en dit Ramus, qui fut son proche voisin. Paix là, paix; écoutez cet homme de bien.
Ramus. Près le collége du cardinal le Moine, de mon tems, & non si près, que ce ne fût aux fauxbourgs, une sage dame que tout le monde nommoit madame la principale, un mercredi matin qu'elle étoit à la porte assise, sans penser en mal, non plus qu'un autre: voici venir à elle un beau jeune homme habillé à la jésuite, ainsi qu'un écolier envoyé pour étudier. Il avoit une soutane. Soutane est un vétement; vétement est un accoutrement; accoutrement est dont on s'habille. Il étoit donc habillé d'une soutane. C'est comme nous eussions dit, de notre tems, un saye tout d'une venue. Je dis ceci, afin que vous trouviez ici la raison de tout; & notez qu'il est vrai que, de ce que vous desirez avoir la raison, sans faute vous la rencontrerez en ces mémoires. (Remarquez ce grand & admirable secret.) Si vous ne la rencontrez à votre intention, voici le remede; écrivez-la en un papier tant de fois, la corrigeant & racoûtrant, qu'elle vous plaise; & au soir, à soleil couchant, transcrivez-la, ou la faites transcrire en ce livre; & je vous assure que vous l'y trouverez au matin, si vous vivez: & que vous y regardiez, & que le livre soit encore en votre puissance, & que n'ayez perdu la vue, ou la mémoire. Et s'il y a encore quelque chose à dire, je le tiens pour dit, & c'est en quoi git l'admirable perfection de cette notre science universelle, mondaine & céleste.
Dessein.
XV. Mais à propos je m'ébahis comment, ô bon Gilandius, & me fâche qu'en Europe les chrétiens, même les bons catholiques, usent tant du vétement des Turcs, vu que nous ne voudrions pas être Turcs. Et ce qui me met en plus grand souci pour ces soutanes, est que tel habillement est devenu commun au grand préjudice des cocus, depuis que les braguettes ont été déclarées insupportables. Je me souviens qu'aux seconds troubles nous étions en garnison à la Charité. Etant en garde, s'il passoit un homme avec une braguette, nous l'appellions papiste, & la lui coupions: c'étoit mal fait, d'autant que sous tel signe, il y a de grands mysteres quelquefois cachés, vu que papiste peut signifier pere de la foi, ou suivant la foi paternelle. Je m'en repentis, & m'en allai à Cosne, où nous nous fîmes soldats derechef, & nous mîmes ès bandes catholiques. Il nous avint une autre cause de remords de conscience: c'est que, voyant ces ébraguettés, les disions huguenots. Notre bon ami Budée m'avisa de ce péché, m'instruisant que ce mot étoit grec, signifiant heureusement reconnoissant. En cette agitation, je m'en allai à Basle, dont je revins avec les jésuites, qui en apportoient cette invention. Je les laisse disputer avec Calvin, pour voir qui sait mieux entr'eux la religion du Turc, c'est-à dire, turcisme. O Suisses heureux! ne changez jamais de braguettes. Voyez, il ne faut que ce texte pour faire brûler beaucoup de pauvres gens. Ne changez point vos coutumes avec celles du Turc qui ne boit que de l'eau. Boire du vin, c'est être bon catholique. Y mettre trop d'eau, est se sentir de l'hérésie. Ne boire que de l'eau & avoir le vin en haine, est pure hérésie noyable, approchant de l'athéisme. N'en parlons plus. Mais vous, messieurs, qui avez femmes belles & friandes ou belles amies, defiez-vous de ces buveurs d'eau, & de ces gens qui ont la queue si longue, sous laquelle en liberté pend l'outil à faire la pauvreté.
Cesar. Qu'est-ce que faire la pauvreté?
Ramus. Puisque je vous vois ententif, aussi éveillé qu'un chat qu'on fesse, vous le saurez. Toutefois je m'étonne, que vous, qui êtes Latin, ne le savez; & sur-tout vous, qui, entre les galans, savez mieux votre cour. J'ai pensé dire comme nos docteurs, votre entregent: mais il me sembleroit dire entre-jambes; tant cela est fat. Mais oyez: Bipes facit damnum, l'animal à deux pieds fait dommage. Onan en mourut célestement puni. Quadrupes facit pauperium. Venez un peu ici, hé! couilliacier de Papinian. L'animal à quatre pieds fait la pauvreté; c'est que, faisant la pauvreté, on a quatre pieds; on pratique le doux androgine, on fait la bête à deux dos; on fait le destin d'homme à femme; c'est faire la cause pourquoi, c'est exercer les bons membres; c'est être bonne personne, parce que nul n'est bon, & n'y a bonne personne, que celle qui, se faisant du bien, en fait à un autre. Il y a, Fac benè, & benè tibi erit. Et bien, voilà alléguer la loi, comme un beau petit licencié de l'antechrist. Si, nous autres doctes, n'avons que faire de noter le titre, ni le paragrafe, c'est à ces petits écoliers, qui ne font que venir, & tous nouveaux commencent à briller.
Sevola. Cet écolier ensoutané vouloit-il faire la pauvreté avec la principale?
Carpentier. C'est bien au rebours. Quand il l'eut profondément saluée, (ainsi on salue les dames; & les hommes, on les salue longuement & directement, &, à contrario, quia) elle, lui rendant son salut, lui dit: treves de chapeau, Monsieur; mettez dessus. Il repart: treves de fesses, Madame, tenez-vous ferme. Ainsi les hommes saluent du chapeau; & les dames saluent du cul.
Carpentier. Ayant mutuellement achevé la salutation, il lui dit qu'il desiroit parler à elle, s'il lui plaisoit. Elle le mene en sa chambre, où ils s'asséent, & il dit: Madame, étant trébuché en extrémité de creuse dévotion, j'ai bonne envie d'être fouetté, réellement & de fait, par quinze matinées consécutives. S'il vous plaît me faire ce bien d'en prendre la peine, je vous donnerai douze beaux écus, & un écu pour les verges. Elle répond: Monsieur, excusez-moi, s'il vous plaît; je ne me connois point en fouetterie. A donc ce jeune ensénovillé gracieusement se retire. Oh! combien il y a d'écoliers, qui voudroient que fesserie fût éteinte, & que l'on n'en parlât non plus que de nôces en paradis. La dame, revenue à sa porte, fut enquise, par une voisine curieuse, de l'intention de ce beau fils, à laquelle la principale le déclara. O, ma voisine! dit l'autre, que ne me l'avez-vous adressé! Il le faut appeller. Huguette, (c'étoit sa servante) allez après, lui dit la principale. On cria après lui, à la mode des marchands de Paris: Monsieur, Monsieur! Il revint, & demanda à la dame si elle s'étoit ravisée. Non, dit-elle, mais voici ma commere Laurence, qui vous rendra content. Elle les mit ensemble; & ils allerent chez elle, à l'enseigne de la coquille, faire leur marché; & depuis il vint, tous les jours, être fouetté demi-heure; & ce, à sept heures du matin, qui est une heure fort commode à se faire fouetter; je vous en avise. Laurence, le trouvant gras & frais, eût bien voulu qu'il l'eût fouettée de verges de Saint-Benoît, dont il ne faut qu'un brin pour faire une poignée. Le tems & la fesserie accomplie, le fessé paya fort bien la fesseuse, & s'en alla. La bonne dame, à ce qu'elle disoit, en s'en délayant les badigoinces, eût bien voulu avoir souvent de telles pratiques: aussi étoit-elle de nos sœurs, faisant souvent plaisir aux amis; & faisoit exercer, comme dit Plaute, le proverbe de tantôt: fac benè, & benè tibi erit. Fais le bien, & il te fera grand bien. Ce sont de belles choses. Belles, si vous le savez, taisez-vous: si vous ne le savez, laissez-nous faire; nous vous l'apprendrons. Or Laurence ne faisoit pas l'amour; (il est tout fait; apprenez, jeunesse) mais elle pratiquoit les jeux d'amour avec un moine de Saint-Denis, qu'elle aimoit de bon foie, de bon cœur, (laissons le nom) de bonne cuisse, & de bon ventre. La coutume en étoit pour lors, parce que c'étoit durant les guerres, devant ou après; (il ne faut pas être si exact en tems, si ce n'est aux contracts, & sur-tout entre faussaires) & puis à Saint-Denis ils étoient tous gentilshommes; parquoi toutes bonnes conditions leur étoient permises; même ils les autorisoient: ce qui ne peut être, depuis, à ce qu'on m'a conté, qu'il y en est entré qui sentent l'aune, le marc, le mortier, & autres telles ustensiles roturieres, qui est cause qu'ils sont sujets à la loi commune, puis qu'ils sont enfans de personnes communes, in utroque genere. Or bien son ami frere Ambroise (dont on chante: vous avez bû la cervoise, frere Ambroise, dont vous êtes enivré) lui envoya sa haquenée. J'ai quasi dit son haquené, d'autant que son fils représente sa personne. La bonne Laurence monta dessus, en bonne intention de lui aller apprêter un bouillon. Aussi falloit-il restaurer le pauvre religieux qui étoit infirme, ayant une forte colique dans le ventre, ou dans la tête. Elle s'achemine. Et ainsi qu'elle est dans cette forêt de moulins à vent, voici sur la brune son fessé avec sa soutane, qui lui vint à la rencontre: & sur cela belle chose & grande pitié. Pleurez, vieille, pleurez: mais non faites; d'autant qu'il n'y a point de rime sur vieille; & j'en dépite tous les poëtes, fussent-ils autant savans que chose. Pleurez donc, & chiez bien des yeux; vous en pisserez moins. Cet homme, qui avoit eu la fessée au prix de son argent, vint à elle, & lui dit: mettez pied à terre; &, lui faisant la révérence de basse taille, avec un visage déchiqueté de mines remontrantes, passementé de rides de répréhensions, la prit & l'empoigne, & s'assit sur une pierre du chemin, la met sur son genouil le cul à mont, la trousse comme une petite fille qui va à l'école chez un montreux, & la fesse à nud avec de bonnes & sanglantes verges sur son cul de derriere. Elle n'en vit rien; & cette action lui repoussa fort & ferme le fondement. La haquenée, toute ébahie, regardoit si on lui en feroit autant, pour la passer maîtresse, comme le cheval de Rabelais fut passé docteur à Orange, sous le nom de Joannes Cavallus. Après la fessade accomplie, le jeune homme remit madame Laurence sur sa bête, à laquelle tournant la tête vers la ville, il la renvoya & tout le paquet à la ville, recommandant l'ame de Laurence à sa bonne grace. La pauvrette revint avec grande frayeur, & se mit au lit, où elle ne fut que cinq jours, finis lesquels elle mourut comme une vache qui trépasse.
Cesar. Hé quelle fessée! Quel appliqueur de stigmates sensuels! O diable si cela me plairoit; j'aimerois mieux que tels fouetteurs-fouettés-fouettant, attendissent à naître après le jugement.
Carpentier. Or le fouetté-fouettard conduisit sa fouettée de belles bénédictions, en lui disant: adieu, ma douce amie; ci-après soyez sage. Bienheureuses sont les personnes bien fouettantes, & bien fouettées. Voilà comme la pauvre Laurence a changé d'air; & avint, à sa mort, une merveille notable, une chose émerveilleuse. C'est que son ame sortit de son corps par l'endroit proportionnel & semblable à celui par lequel toutes les autres ames s'en vont.
Esope. Que faisoit la haquenée, tandis qu'on fessoit la dame?
Ramus. L'as-tu pas ouï? Elle chioit de male rage de peur; & fiantoit si sec, que ses étrons devinrent étuis de lunettes, pour ceux qui ont courte haleine: mais un petit bout de patience. Messieurs les théologiens, dites-moi, si vous savez tous, qui étoit ce fouetté-fouettant. Vous en savez autant les uns que les autres. Vous hésitez, parce qu'il rendoit la pareille pour néant contre vos maximes: rien pour rien, tout pour argent. A dire vrai, (& je l'ai appris du grand vicaire du pape Jacques sixieme) que c'étoit un bon & magnanime pénitent, l'un de ceux qui (par dispense spéciale, comme dit le docte St. Antonin, lequel sortit de purgatoire, pour faire bien à quelques ames extravagantes. Si vous n'admettez cela, je dirai que c'étoit un vrai diable) s'en vint trouver proie, la goule enfarinée de bresil, se connoissant en parchemin; & parce que cettui-ci n'étoit pas vierge, il le courroya, ainsi que sera le vôtre, s'il y échet. Amen.
Homélie.
XVI. Cujas. Le parchemin peut bien mais de ceci; je m'en rapporte à la Nonnain, & ne le voudrois avancer, sans que ces méchans hérétiques en font le contenu au désavantage de la Religion: parquoi je le dirai au vrai pour leur fermer la bouche, & qu'ils soient punis s'ils disent autrement qu'il n'en est. Cette dame, par avis de connoissance, & pour savoir le plaisir qu'il y a, sans toutefois tendre à aucune volupté ou déshonnêteté, avoit voulu faire la pauvreté, & la fit moyennant un ami, à quoi il n'y a point de coulpe, ainsi qu'elle m'a dit, d'autant qu'elle ne s'y étoit obligée, ni par serment, ni par notaire, ni prêtre, ni ministre. Aussi c'est un grand fait, que depuis qu'un fou de prêtre, ou un étourdi de ministre, ont donné congé à deux personnes, ils le font à gogo; mais le diable y est, pour autant que les pauvres mariés le font par contract; ils y sont obligés: & les autres le font par plaisir, sans être sujets à la loi, en quoi gît tout contentement. L'abbesse, un jour, s'appercevant que cette nonnain venoit à quatre pieds au chœur, la prit à part, & lui remontra, la censurant améro-doucement, comme font les capucins, qui en cela imitent les ministres de Genève, qui épluchent à leur mercuriale qu'ils font le jeudi prochain des quatre-temps, & puis vont banqueter ensemble. Sœur Dronice, qui ne voulut point être tancée pour avoir bien fait, lui dit humblement: madame, pardonnez-moi; je ne pense pas avoir failli. J'ai lu au grand livre de parchemin: bonum est omnia scire, il est bon de tout savoir. O, ma fille, il falloit tourner le feuillet, vous eussiez trouvé: & non uti, & n'en faut pas user. S'il eût été usé je n'en eusse pu travailler. Madame ma chere mere, excusez-moi, s'il vous plaît; quand je serai de votre âge, je tournerai le feuillet.
Solon. Puisqu'elle n'avoit point gâté son fruit, il la falloit louer. Si jamais je fais des loix, je me joindrai avec notre ami Lycurgus, & promulguerai cette-ci: Toute fille qui aura fait un enfant à crédit, sera dotée aux dépens de la ville.
Plutarque. Si cela est reçu, on aura de beaux enfans, que les meres feront à la dérobée; & les meres seront conservées; au contraire que, selon qu'il avient souvent par sotte & maudite cruauté, les meres tuent leurs enfans, puis sont justement punies, faute de bonnes loix.
Denis. Le diantre emporte qui en ment, disoit Janot à sa mere.
Plutarque. Je vous assure que j'ai ainsi ouï parler, & l'ai mis en mes apophtegmes françois, & bien d'autres de ces menues réponses. Sa mere, disputant, un jour, avec lui, & par dépit de quelque mauvais ménage, lui reprocha sa femme, lui disant qu'elle étoit putain. Hau, ma mere, dit-il, laissez-là ma femme, je vous prie; parlez de vous. Il est vrai que, comme on lui dit que sa mere très-malade, se mouroit, il courut l'assister plutôt que sa femme; &, comme on lui en disoit quelque chose: otto o, dit-il, si je perds ma mere, je n'en pourrai retrouver une autre; & si ma femme meurt, j'en trouverai assez d'autres. Sa mere étant relevée, & devisant, avec sa voisine, du secours que lui avoit apporté son fils, le vit venir, elle va dire: le voilà qui vient, ce grand maladroit; mais avisez un peu comme il marche, ce grand fils de putain.
Poliphile. Un jour, il m'en avint autant. Ma mere étoit fâchée contre moi, & me voulut fesser; je résistai; elle me dit: tu en auras une autre fois, petit fils de putain. Mon pere me trouva tout pleurant; & je lui en dis la cause. Va lui dire, ce me dit-il, qu'elle est une sotte. Elle me répondit, aussi-tôt que je le lui eus dit: va dire à ton pere qu'il est un cocu. En même tems, un petit garçon de Paris appella un autre, fils de putain, qui s'en prit à pleurer, & le vint dire à sa mere, qui lui dit: que ne lui as-tu dit qu'il avoit menti? Et que savois-je, dit-il? Ainsi parloit le curé de Saint-Denis, un dimanche, à son prône; il exhortoit tout le monde, & dit aux dames: quant à vous autres, mes bonnes paroissiennes, je vous reconnois pour femmes de bien; mais vos enfans sont de mauvais fils de putains.
Journal.
XVII. Comines. A ce propos; une après-dînée, la reine d'Egypte étoit à deviser, en sa chambre, avec quelques dames, sans autres personnes (c'est qu'il n'y avoit ni homme, ni prêtre, ni moine, ni ministre). Le seigneur de Danois se présenta pour entrer. Comme il eut vu qu'il n'y avoit point d'homme, il se retira. La reine, qui l'avoit apperçu, l'appella: ho, monsieur le grand prieur, entrez; vous y pouvez bien. Au commandement, il s'approche. Elle lui dit: nous étions sur le sujet des dames. Vraiment, madame, le sujet est unique en perfection. Mais qu'en dites-vous? Tout bien, madame. Et encore? Dites-nous-en, à bon escient, votre opinion. Puis qu'il vous plaît, madame, par la mordong, toutes les femmes sont putains. O, ho, dit la reine, & moi? A, ha, madame, vous êtes la reine. Et votre mere? Madame, ne parlons point des trépassés.
Brutus. Comment vous parlez au désavantage des dames?
Comines. Point, d'autant que cela ne les touche aucunement. Mais à savoir, s'il y a honte, ou non? Je pense que non. Si quelqu'un nommoit une dame boiteau de foin, lui feroit-on autant ou même tort, que de l'appeller putain?
Brutus. Il n'y a point d'apparence.
Comines. Et si c'est une même chose, que direz-vous?
Brutus. Je ne sais.
Comines. La nuit passée, il y eut un moine dru, gai & gaillard, qui fut surpris avec une garce. J'ai quasi dit avec une grace; il n'y a que transposition de lettres. Il s'étoit ébattu avec elle, cum commento, & la sauce. Ses supérieurs lui remontrent qu'il avoit offensé. En s'excusant, il démontra que non, disant qu'il étoit, selon la pauvreté de l'ordre, couché sur un boiteau de foin: quia omnis caro fœnum, parce que toute chair est foin. Concluez.
Guido. Je pensois que vous voulussiez donner jusques à St. Denis, & parler de frere Jérôme, qui cherchoit la pierre à casser les œufs.
Alain. Qu'est-ce à dire!
Vives. Vous le saurez tantôt. Ce moine, pour le dire plus gaiement, cherchoit la pierre philosophale, & étoit Parisien. Et de fait, j'ai été en beaucoup de lieux & places du monde habitable philosophique, & je ne vis jamais en aucun endroit tant de Parisiens qu'à Paris. Et bien que, durant le grand jubilé, je visse beaucoup de Bretons à Rome, si n'en ai-je tant vu oncque en un monceau qu'en Bretagne. Ne fou déplaise, ô gros Thevet, bête de bon esprit, que tu étois sot, quand tu me dis qu'il n'y avoit point de contrée, où il y eût plus de vingt-quatre heures de jour, & que tu estimois que payennerie fut nationneté, comme tu dis en ton livre des portraits des Grecs, Latins & Payens! Ta révérende cervelle symbolise avec celle de messire Guillaume le Vermeil, quand tu dis en ton histoire qu'Anacréon s'étrangla d'un pepin, (comme il témoigne par ses écrits. Tu es un faiseur de parenthèse)! dont il mourut parenthésaquement au monde.
Thevet. Je vous attraperai tantôt, maître rufian, qui faisiez semblant de me visiter; mais c'étoit pour, en mon absence, travailler ma jeune chambriere.
Brutus. Que tu dis de sottises! Ne saurois-tu lui dire autrement? Il t'est avis que tu dis bien, d'avoir parlé de travailler, comme la derniere fois que nous étions avec le feu roi notre maître. Tu voyois un grand viédase d'évêque sur un beau cheval, & l'ayant considéré, le nous vins dire: voilà un homme qui besongne mal, pour dire il chevauche mal.
Vives. Laissons cela; nous le dirons au roi. Or frere Jérôme, cherchant la pierre philosophale, que sans doute on trouvera ici. (Et ce que je vous dis est vrai; & s'il n'est vrai, je puisse mourir devant toute la compagnie, demeurant aussi sain & sauf que je fus jamais, ainsi que Georget notre métayer, à qui son compere dit: je sui mau de toi. Et que te faut-il? On dit que tu couches o ma femme. Pardai, Jean mon ami, mordienne, ils sont menteurs. Que je passe monter sur iquent hesne, & que j'en tombe de branque en branque, que je me rompe le cou sans m'y faire mau, si je toque en pus que tai. A de pardi, alin bere, compere, alin bere).
Mappe-Monde.
XVIII. Or frere Jérôme avoit consumé plus de trente ans à sa recherche, & n'en avoit rien rapporté. J'en crois le Vigénere, qui n'en a pas fait moins. C'est lui qui m'a fait ce conte; à quoi il ne songe pas à cette heure, tant il est jaloux. Le voilà avec Postel, à fripper quelque vieil haillon d'histoire, pour accommoder sa pierre. Les parens du frere Jérôme, voyant qu'il se consumoit mal à propos, délibérerent ensemble de lui en faire quelque gracieuse remontrance (non pas si grasse, que la faveur de la vieille, à laquelle on avoit dit qu'il falloit graisser les mains de son avocat; & elle, le prenant par derriere, lui ondoyoit les mains avec une piece de lard, ainsi qu'il avoit les mains sur les reins. Le bon homme, se revirant, lui dit: que me faites-vous, ma mie? On m'a dit, monsieur, que je devois vous graisser les mains. Ha, pauvre bonne femme, ce n'est pas dit quelle graisse). La conclusion prise, pour tâcher à le détourner de telles follies, un des plus notables parens eut charge de l'aller inviter, lequel le moine lui promit, moyennant la commodité de monsieur son fourneau, qu'ils nomment athanor, dont les fous alquemistes font un grand Achilles, ayant trouvé en Néhémie ce mot Athanorum, i. des fourneaux. Voilà une des gloses des chymistes, dont la secte est la plus jolie du monde, parce qu'à leur dire, & entr'eux, il n'y en a pas qui sache; ils se tiennent tous pour bêtes au spécial, & n'en estiment aucun, qui, au jugement des autres, ne soit un ignorant: mais s'il y en a quelqu'un qui se laisse mourir, le voilà, par leur jugement, aussi-tôt canonisé. O, diront-ils, grande perte! S'il eût encore vécu quinze jours, trois heures & dix-sept minutes, il eût achevé l'œuvre, que j'acheverai, d'autant que j'ai son secret. Mais le principal est de dîner; à quoi faire, vint à Paris le frere, qui s'y transporta sans oublier son bon appétit. Il trouva bonne compagnie, qui fit bonne chere. Après dîner, selon l'avis pris, vint à lui une dame choisie entre celles qui ont été dépucelées sur le tard de leur âge. Telles sont plus sages & meures, parce qu'elles n'ont tant été, ni sitôt hochées; elles en sont plus fermes. Adonc la sage vieille, prenant la main charbonneuse de frere Jérôme, lui dit: monsieur mon cousin, la pitié que nous avons de vous voir décheoir, non-seulement de commodités, mais aussi d'honneur, vu le mépris auquel vous gisez par vos déportemens, est cause que nous nous sommes assemblés; & nous vous avons appellé ici, pour vous dire notre ennui, vous priant de vous reconnoître & penser à vous, & au lieu dont vous êtes sorti. Vous êtes en âge d'être sage; faites paroître que vous l'êtes, prétendant à choses dignes de vous. Que cuidez-vous, pour devenir si riche? Quand bien cela aviendroit, que vinssiez à bout de votre philosopherie, vous devez être content, vous avez le viton & le vetiton, sans en rechercher davantage par cette arquemine. Il ne lui laissa pas achever, qu'il lui dit: madame ma bonne cousine, je vous prie ne passer outre; je ne m'y amuserai plus gueres; j'ai presque fait: mais il faut achever; je suis sur le point. Ne pensez pas pourtant que je cherche ce grand bien, pour être riche; je suis assez content d'avoir le victum & le vestitum: mais sachez, ô bienheureuse cousine, si vous le voyez, que, quand j'aurai fait cette divine œuvre, j'aurai une belle poudre, de laquelle je prendrai, au soir, ou au matin, un seul petit grain, avec de la conserve de roses; & je le ferai sept coups.
Métaphrase.
XIX. Dis que tu en as, grand chemise: & moine de rire, & de conter que l'hiver passé, que la Seine chariote, un fauconnier venoit de la chasse, avec son valet, qui l'avoit fâché; & il le vouloit battre: quand ils eurent mis pied à terre, il y parut. Le maître prit une fourche, pour plauder son serviteur, qui, n'en étant pas d'accord, s'enfuit & se jetta en la riviere, qu'il passa à la nage; puis étant delà l'eau, le poulce contre la joue, la main en aîle, fit la quine-mine à son maître, lui criant tout haut: j'en savois bien d'autres. Et, là, là, mundus, caro, dæmonia, le monde n'a cure de moines.
Cujas. Cette belle haquenée de bran nous a fait perdre la pierre à casser les œufs.
Vives. Non, ha non, j'y suis. Il y avoit, près Saint-Yves, un jeune gentilhomme logé en chambre garnie, seul en sa chambre. Et ceci avint, durant qu'il y avoit grand débat entre les moines & les ministres, pour décider, qui étoit le mieux dit: c'est demi-vie que d'être saoul: ou, c'est demi-vie que de rire; sur quoi ils se confondoient comme hérétiques. Ce jeune homme, qui ne se soucioit pas beaucoup de ces débats de théologie, jetta l'œil sur la servante, qui étoit une assez belle connaude, mais un peu nice. Il parloit souvent à elle assez froidement & discrétement. Entr'autres, un jour, il lui dit: vous êtes des champs, ma mie? Voire, monsieur. Je m'en doutois bien: je ne laisse pas de vous aimer, autant que si vous étiez de la ville, vous voyant si bonne fille & si bonne ménagere. En dà, monsieur, je vous en rends graces. Or, ma mie, parce que je vous aime, & que vous nous servez bien, je vous veux avertir, pour votre grand profit, qu'il y a un certain mal qui prend aux filles des champs, quand elles viennent demeurer en la ville: c'est qu'il leur croît dans le ventre de petits œufs, qui y grossissent & se durcissent; & puis il faut que les pauvres filles montrent leur derriere au barbier. Je serois marri que cela vous avînt. Il n'aviendra pas pourtant, si vous me voulez croire. Je ferai quelque chose pour vous; & il est tems d'y commencer: je vois, à votre teint, qu'il y en a déjà. Ardé, monsieur, je vous suis bien attenue; il est bien vrai que je ne me porte pas bien; je ne suis pas en mon naturel. Je vous donnerai demain quelque chose. Le matin venu, qu'elle vint en sa chambre, il lui donna une cueillerée d'hypocras blanc, qu'elle savoura, & lui dit qu'elle allât & vînt par le ménage, puis qu'elle déjeûnât d'un peu de pain sec. Cela fut continué, deux ou trois jours. Un matin que madame n'y étoit pas, il prit cette fille; & riant doucement, il la posa contre le lit, comme pour lui regarder en la bouche. Hélas! monsieur que voulez-vous faire? Je ne vous ferai point de mal; je veux vous casser un œuf, qui est prêt de se durcir. Elle se laissa faire & lui fit céleques; il lui mit chair vive en chair vive.
Cujas. Mais encore, ô bon Lycurgus, est-ce péché de mettre chair vive en chair vive?
Lycurgus. Non, quand ce n'est point contre les loix écrites. Si vous mettez votre nez en mon cul, ce sera chair vive en chair vive; c'est auprès de la merde.
Vives. Le gentilhomme acheva ce qui n'étoit point commencé: aussi ne sauroit-on besongner une pucelle, parce que l'on ne sauroit mettre si peu avant, que ce ne soit achevé. Elle s'en trouva fort bien, sinon qu'il lui cuisoit un petit; & non tant, qu'elle ne fût contente d'y retourner, tellement qu'en dépit qu'elle vouloit bien, il lui cassoit souvent des œufs au corps, au grand plaisir de la fille, qui eût voulu en avoir autant en une ventrée, que l'on eût pu en casser en cent ans, sans faire autre chose. Un jour que déja elle y étoit affriandée, & qu'elle avoit trop musé, sa maîtresse la tança, quand elle fut descendue, lui disant: vous êtes une affetée; vous faites quelque méchanceterie avec cet homme de là-haut. Ha, ha, becasse, babouine, qu'avez-vous tant fait là-haut? Rien autre chose, madame. Vous avez menti, vilaine. Ne vous déplaise, madame; c'est ce que je vous dis. Vous faites là-haut quelque rien qui vaille, avec cet homme. Hélas, madame, ma bonne maîtresse, vous avez grand tort; c'est le plus honnête homme du monde: il m'étoit venu des œufs au ventre; & il me les a cassés. Quels œufs sont-ce, vilaine, quels œufs? O regardez, madame, s'il n'est pas vrai; tenez, je hausse ma chemise; voyez-en le devant, qui est tout mouillé de la glaire qui en est sortie, quand il les cassoit.
Terence. Sa maîtresse ne lui fit rien?
Guido. Et que lui eût-elle fait? Elle la devoit tuer, voire donc sans qu'il y parût.
Terence. Comment ce feroit cela?
Guido. Mon ami, si tu veux faire mourir une personne, sans qu'il y paroisse, souffle lui si fort par le cul, que l'ame s'en aille par la bouche.
Tite-Live. Par Ædepol, voilà de belles nouveautés.
Paragraphe.
XX. Davantage, il y a je ne sais quelle sorte de bouts d'hommes, ayant les ames mal préparées à ces enseignemens, lesquels ont de petites putains de fantaisies, qui les empêchent de voir & entendre. Tels diront, comme faisoit hier un maquereau de l'antechrist: je ne sais que trouver ici de nouveau. Je savois bien cela; je l'ai vu autre part; je l'avois ouï dire. Pauvre défoncé d'entendement, avalé de la brague de raison, déchaussé de cervelle jusques aux talons, fou métropolitain, penses-tu pouvoir proférer quelque indiscrétion contre ce code de toute vérité? Ne sais-tu point que ceci est proportionnellement établi plus de cinq cents ans avant la création du monde? Te voilà au rouet: tu n'entens pas ce problême. Aussi ne font plus sages que toi. Et encore tu oses gronder, hérétique que tu es! Es-tu plus que le roi, qui sait bien que, quand ce volume ne seroit point conféré au public, il ne lairroit d'être écrit dans les ames des doctes, gravés dans les cœurs des savans, imprimés dans les consciences des gens de bien, insculpé ès esprits curieux, & mis au net dans les entendemens des bonnes personnes, selon la minute qui en fut brochée par les premiers peres. De là avient que, quand qui que ce soit s'est immiscé, mettroit, ou se mettra en avant à faire quelque chose de bon, il se trouvera tiré & extrait, ou puisé de cette source abondante en bénédictions de fontaine doctorale. Croyez-le, si vous voulez: ou ne le croyez pas; si est-ce qu'il est bien aisé de le croire, d'autant que vous croyez des choses de plus difficile croyance. Vous croyez fort aisément que vous êtes habile personne; & possible votre voisin croit le contraire, & que vous êtes une bête de haute graisse en dépit du carême. Mais avisez à un conseil que je vous donne, pour paroître en perfection de finesse. N'allez jamais dîner chez ces seigneurs, où madame dîne à part, d'autant qu'il y a là des maîtres d'hôtel du Levant. Ce sont Turcs; ils veulent faire mourir de faim les Chrétiens; ils vont vîte en besogne. Otez-vous de-là; vous n'auriez pas le loisir de refaire votre nez. Quand je m'y trouve, afin d'empêcher cette levée de plats, je demande à boire à quatre ou cinq tout à la fois. Ceux-là ne peuvent aider à lever, ainsi j'en attrape; puis je me venge sur le vin. Je ne parle pas de ceux qui ne soupent point. Il fait bon avec eux à dîner: attachez là votre âne; faites-y bonne chere; puis, après dîner, faites bonne mine: tenez-vous roide sur le devant, comme une chevre qui pisse. Or, mes chers amis que j'aime de toute ma fressure, si vous avez affaire de quelque sujet, cherchez-le ici; & ne vous chaille des autres. Vivons & buvons, selon nos mérites. Il ne nous faudra point de bésicles sur les oreilles, pour nous détourner le rhume; ni de cotton dans le nez, pour l'empêcher.
Occasion.
XXI. Un jour, Denost dînoit avec son prélat. On commença à proposer. Il y avoit une belle langue de carpe, que monsieur donna à Denost & à son prochain assis; & dit: je vous la donne à tous deux. Denost dit à l'autre: Cornu, jouons à croix ou à pile, qui l'aura. C'est bien dit, dit Cornu; il ne faut pas la diviser. Denost tire un douzain, & dit: que prens-tu, Cornu? Cornu dit: je prens la croix. Et l'autre dit: & moi la langue; & la mangea. Un médecin, qui étoit de ceux qui savent tout, considéroit cet homme qui avoit le nez fort rouge; & comme il eut divisé avantageusement de sa science, Denost va dire à ce médecin: monsieur, vous qui êtes si expert, me feriez-vous bien partir ces rougeurs que j'ai au visage & au nez? Oui dà, monsieur: j'en ai bien effacé de plus maculées. Et combien me demanderiez-vous, pour ce faire? Deux cents écus. Par le saint sabre du castud, vous êtes un affronteur, monsieur le docteur. Vous ne sauriez pour si peu, d'autant qu'il m'en a coûté plus de mille, à le rendre ainsi de haute couleur. Ecrivez ceci, vous autres petits écoliers, en parchemin vierge.
Galien. C'est une pitié que d'être tant de monde; on se ravit le propos de la bouche les uns des autres? Tantôt on en parloit, & on me le fait oublier: mais encore, sur le renouement de propos, qu'est-ce que vierge?
Cordus. Virgo est puella intacta, vierge est une fille à qui on n'a rien fait; mot à mot, une fille non touchée.
Galien. Ha, ha, hé, appelez-vous cela intacta? Une dame de Blois ne l'entendoit pas ainsi. On parloit d'un sien cousin qui étoit décédé, & sa femme étoit demeurée intacta. Cette femme l'ouit, & dit que ceux qui le disoient avoient menti; que son cousin n'étoit point ladre; qu'il ne tenoit point du tactac.
Hypocrate. Venez çà, beaux conteux. S'il avoit neigé un demi-pied d'épais, & qu'à l'autre côté de la cour, sous ce relais, il y eût une pucelle qu'il vous fallût amener ici, & la conduire huze à huze, comme monsieur de la Hunaudaye, & le roi, comment feriez-vous, afin que les pas de la pucelle ne parussent point?
Cordus. Je ferois comme fit l'autre.
Hypocrate. Et quel autre?
Cordus. Fils baise cul.
Pindare. Cela vous est aussi bien employé, que fievre en corps de moine: c'est tout un. Je ne lairrai de vous dire ce que je ferois.
Vives. Et quoi?
Pindare. Je la dépucelerois toute vive, ainsi que fit notre valet à la fille de notre métayer. Revenue au soir avec ses moutons, fut tancée de ce qu'elle en avoit égaré un; & sa mere la voulant battre, lui dit! va, méchante, va chercher ton ouaille. La pauvre fille, qui ne savoit où la prendre, s'en alla pleurant, & se mit sous un arbre. Ainsi qu'elle musoit trop, sa mere dit au valet: Jean, va-t'en quérir cette fille; va. Il y alla, & la trouva; il lui dit: Michelle, reviens à la maison, ta mere le dit. Non ferai. Viens, viens. Aga, non ferai: je n'irai pas quand tu me devrois tuer. Si tu ne viens, je te tuerai. Je ne m'en soucie pas. Adonc il la prend, la renverse sur l'échine, lui écarquille les jambes, se jette sur elle, & lui fiche au bas du ventre son couteau naturel, & la tue de la douce mort. Or çà, dit-il, je disois bien: oh viens à cette heure. Non ferai. Et viens, Michelle, viens. Tue-moi donc encore un coup.
Vives. C'est donc ainsi que tu ferois? Si tu as bons reins, je le quitte.
Pindare. Ne sais-je pas faire de la poudre à grimper?
Hypocrate. S'il est ainsi, tu serois propre à juger en hiver, qui sont les chênes mâles & femelles.
Pindare. Dis-moi comment cela, je te prie.
Hypocrate. Quand il gélera le plus fort, mettez-vous tout nud contre un arbre; & si vous arsez contre, ce sera une femelle.
Perion. Va, la gorge te coupe le col.
Plumitif.
XXII. A notre propos, ça vous qui parlez des pucelles, comment est-ce que vous connoîtriez si une fille est pucelle?
Pline. Puis que ces doctes se taisent, je parlerai aussi. Je le sais pour l'avoir appris en Chaldée, au voyage que je fis, du tems du pape Sixte, qui pria le roi de France de lui envoyer cinq ou six cents de ses quarante-cinq, avec une douzaine de druïdes, lesquels me reçurent avec eux, & allâmes en ambassade en la Chine, où nous vîmes ces hommes plus doctes. Il y en avoit un, qui étoit moult versé ès secrets. Il m'en conta, dont je n'avois onc ouï parler. Il m'enseigna le moyen de connoître les pucelles, de la même sorte que je l'ai démontré au premier médecin de la reine. Si vous le voulez savoir, prenez une fille bien faite, de quinze ans ou environ; mettez-la toute nue, & la faites tenir debout; &, vous mettant derriere elle, passez votre main gauche par entre ses jambes, & empoignez son cela, son con: (je m'ébahis puis qu'il est à une fille, qu'on ne dit, comme le Breton, qui prêchant disoit: sera cette semaine grand-fête de Mari-Marjolaine; qui, quand fut petite garcette, prêta son con; mais sera tant prié & ploré, que de dieu lui fut pardonné: faites ainsi, mes dames; & vous ferez très-bien pour votre salut.) Tenant ce con bien justement ferme & clos, vous avancerez votre main droite; & des deux premiers doigts vous ouvrirez le trou fignon, en éloignant les fesses, puis l'ouverture capable: soufflez de toute votre force; si d'aventure le vent passe outre, & que vous le sentiez à la main gauche, elle ne sera pas pucelle; autrement elle le sera. O gens de qualité, si vous ne mordez à ces intelligences, faites-vous bien aiguiser les dents. J'en sais le moyen, dit mondit seigneur l'évêque de Luçon, le bon prélat; il ne faut qu'envoyer quérir le faucheur du notaire de mon chapitre.
Problême.
XXIII. A ce mot de chapitre, chacun prêta l'oreille; sur quoi Simplicius dit tout haut: holà, messieurs, avant que passer outre, sachons que c'est que chapitre: oiseau, poisson ou bête.
Madame. Par mon ame, c'est bien dit. On en parle en diverses sortes. Je vous prie, cousin Zabarel, de nous l'enseigner. Adonc il empoigna la parole, & dit: chapitre est un corps, non corps; un certain composé dissoluble en ses élémens, sans détraction d'aucun; chose merveilleuse, à cause de tant d'habitudes différentes & semblables, dont uniquement & multipliquement il subsiste, étant homogene distingué en ce qu'il contient, & en ce qui l'établit; une vraie arche de Noé, auquel elle symbolise incessamment; & ce qui le fait être cela dont il est composé, sont plusieurs têtes, oreilles, yeux & culs, sans quoi on n'auroit aucune séance. On m'a dit qu'il étoit avenu une grande aventure: c'est que, depuis quelque temps, il étoit échappé, comme le lievre de l'arche, un certain petit consistoire qui sortit du chapitre imperceptiblement, ainsi qu'un atome, & est devenu grand, ayant déja fait plusieurs enfans. Je parle d'un petit corpuscule nommé consistoire. Je n'entends pas proférer ce que je dis, de ce grand & unique consistoire pere des chapitres. Paix, ce dit monsieur de Luçon; vous vous jouez à un dangereux monstre. Ecoutez mon histoire: mais je suis bien sot; il faut que je boive. Voilà Multon, qui a été mon clerc, mes successeurs usent de secrétaires, d'autant qu'ils sont du monde; & nous n'en sommes plus: ce compere contera ce que je disois là. Multon dit: j'aime mieux me conserver, pour prêcher demain, s'il y échet. Or là, mon pelaud, dit; tu sais ce qui avint, in illo tempore. Voire, monsieur. Il y eut un pauvre qui ouit votre sermon, quand vous prêchâtes que qui auroit deux robes, qu'il en donnât une au pauvre. Le pauvre, tout consolé, vous oyoit avec une grande attention, étant merveilleusement aise. Après que vous fûtes retourné au logis, le pauvre vous vint voir, vous fit une ample & grande révérence, vous racontant qu'il avoit fort profité à votre exhortation, dont il se consoloit du tout. Je suis bien aise, dites-vous, mon fils, que vous soyez si bon chrétien. Mais, Monsieur, dit-il, vous avez dit que qui auroit deux robes, en donne une au pauvre; je vous supplie me donner la plus méchante que vous ayez. O, ho, dites-vous, as-tu été au commencement du sermon. Non, dit-il, Monsieur. Ha, ha, répliquâtes-vous, si vous eussiez été au commencement du sermon, vous eussiez oui, in illo tempore, c'est-à-dire, en ce temps-là. Je prêchois que cela se faisoit jadis, & non pour le présent. Vere, voilà bien débuté, c'est bien ce que je vous ai dit; c'est bien à propos d'aiguiser les dents, que male meule te puisse moudre. Ho, Monsieur, j'y suis: ne vous couroucez pas; il ne se faut fâcher qu'à bon escient. Acheve donc; va; je te le pardonne, pour tout ce que tu as dit. Le mulet de monsieur le président ne laissera de porter la buée à la riviere, tandis que monsieur sera au palais. Vous m'interrompez bien vraiment; je dirai, comme le bon homme Hauterove disoit, travaillant sa premiere femme: que j'enhane, ma mie! Je ne m'en ébahis pas, ce dit-elle; vous travaillez d'un méchant outil. J'en aurois bien un autre, si j'avois de l'argent. Oui? Et combien faudroit-il? Environ cent écus. Qu'il ne tienne pas à cela: je vous les baillerai demain. Quand il en eut ces écus, il va chez ses amis faire du feu & bonne chere, se rafraîchissant gaillard; puis s'en revint, & coucha avec sa femme qu'il traita bien. Ho, ho, dit-elle, mon ami; cettui-ci est aussi bon que celui que vous aviez, quand nous fûmes mariés. Mais, mon ami, qu'avez-vous fait de l'autre? Je l'ai jetté là, ma mie. En dà, vous avez eu grand tort; il eût été bon pour no'mere.
Madame. Je ne vis jamais tant sauter du coq à l'âne. Que ne poursuivez-vous le propos? Je vous jure, par la semelle du meilleur escarpin que je goûtai jamais, que ne vous commanderai jamais rien. Faut-il ainsi tergiverser à dire ce qu'un évêque vous commande de réciter?
Ciceron. Si j'eusse parlé, j'eusse été bien marri, si on m'eût interrompu.
Perion. Il est nécessaire d'interrompre les prélats; par quoi on vous fait grand plaisir. Mais écoutez tout bas; & je vous dirai une notable raison, qui est dans le livre imprimé chez Eustache Vignon, intitulé: des prélats. Il est besoin & utile d'interrompre un prélat prêchant; parce qu'il lui faut beaucoup de temps à se préparer, pour se paillarder à bien dire. Taisez-vous tous, dit l'évêque: ce petit bon homme ne sait où il en est. Il faut que je déduise l'histoire de mon aiguiseur.
Cardan. Laissons-le un peu dire; nous oirons quelque chose d'excellent; d'autant qu'il est plein de belles & bonnes paroles, comme sa mule a le ventre farci de noix de muscades. Il ne l'entendit pas: autrement il lui eût sans doute passé le pied par l'épaule: mais étoit attentif à ce récit.
Enseignement.
XXIV. L'Eveque. Mon chapitre devoit, au jour de la solemnité S. Louis, à Rome. (Si ce n'est ainsi: c'est tout un, puis que le reste est vrai. Voilà le moyen de faire la barbe aux hérétiques, que d'accorder les textes. Dis que tu en as, huguenot: tu n'es qu'une bête, comme dit l'interprete d'Aristote, qui traduit, disant; Aristoteles, au livre des bêtes, parlant de l'homme & de la femme, dit, &c. Ce docteur étoit sursemé de doctrine comme une écrevisse de morsures de puces.) Mais que devoit mon chapitre, ma petite église représentative, mon épouse, qui toutefois est, comme je crois, adultere, d'autant qu'elle ne me reconnoît point, & que je n'ai que voir sur mes chanoines, encore que je les fasse tels? C'est un pur abus. Voilà, un jeune désirant me flattera pour être chanoine; il sera mon petit chien couchant. Est-il reçu chanoine, il ne me connoît plus; je n'ai que voir sur lui. Or bien, je leur pardonne ces priviléges. Mon chapitre donc devoit un certain service de conséquence, abondant & parfait; & le falloit expressément effectuer; (perdonate mi; je n'ose parler en termes épiscopaux, à cause de la compagnie, qu'il ne faut pas ennuyer) & le terme de ce service échéoit dans six ou sept jours, ainsi que la bulle le portoit. (Il y a quelque docte qui a lu, traînoit long comme la gaîne d'une faux, ou l'étui d'une lance. Foin, que l'on ne m'interrompe point: j'y vais assez: je souhaite, pour vous faire sages, que la premiere mouche qui vous piquera, soit un petit diablotin tout éclos de frais.) Et si, par fortune, selon les pactes & conditions, il fût manqué aucun de ce service, on eût emporté, comme par droit de régale, tout le revenu annuel de mes chanoines, le mien excepté, à cause des priviléges & saints abus, qui nous séparent de corps & de biens. O, ho, quoi taisez-vous; attendez; je n'entends pas du corps mystique. Comment? quoi, dà, quelque fripon mouleroit un benoît dévolu sur mon bénéfice, & me voilà constipé.
Ciceron. Quelle phrase de parler est ceci? O pauvre homme, si tu savois combien il y a de sortes de bénéfices, tu ne serois pas sitôt offensé. Sachez qu'il y a bénéfice papal ou ecclésiastique; bénéfice de prince; bénéfice d'inventaire; bénéfice d'âge, & bénéfice de ventre.
L'Evêque. Je ne veux pas être dépourvu. Je me veux tenir au gros du chêne, ainsi que fit le notaire du chapitre, qui, sachant cette affaire, la proposa en tems qu'il n'y avoit plus de remede. Les chanoines avisés de ce faire, on vit chapitre monologiquement troublé, & tellement étonné, que godronnant sa mine de toutes sortes d'opinions, ne sut que résoudre, sinon se proposer un jeûne d'un an. Quelques lirepons furent d'avis par dépit, pour obvier à tel mal ci-après, qu'on élût un contrôleur de chapitre, & que les chanoines y avisent. Comme le président conclut, voilà le notaire qui, avec une sainte & pieuse exclamation, va dire: voilà, certes, une belle conclusion de mes fesses! (Il leur fut avis qu'il avoit dit de messieurs.) Vous ne remédiez pas mal; c'est où il faut travailler, ou faire de repos pitances. (Je sus ce discours par mes commençaux, qui me rapportent tout, ainsi qu'on fait autre part.) Mais, messieurs, j'ai pensé un moyen pour vous sortir de peine. Vous savez que, dieu merci à dieu & à vous, j'ai là-bas une petite cassine, au bout de votre grande prée qui est sur la riviere, vis-à-vis des fenêtres du palais épiscopal. S'il vous plaît me donner le fonds de ce que pourra faucher en un jour un ouvrier que je vous présenterai, je vous rendrai quittes de ce que vous devez à Rome. Et si vous pensez que ce soit à petit semblant (ce que je ne voudrois commettre, en lieu tant saint, & membre spécifique du concile qui ne peut errer) je vous baillerai caution & plége de dix mille écus, sans le bien de notre femme, & c'est à cette heure qu'il se faut résoudre, ou tout quitter, vu que le temps presse. Ayant dit, il sortit; & messieurs les capitulans ayant symbolisé sur cette affaire, conclurent de le prendre au mot du guet, considérant que c'étoit le profit de la compagnie. Il y avoit une de mesdames les dignités, qui vouloit mettre empêchement. Même un jeune chanoine de sa faction dit tout haut: messieurs, il y a six ans que je suis chanoine, moi indigne comme les autres; mais je ne trouve pas de goût en cela. A la fin, après beaucoup de telles foutimasseries capitulaires, il fut résolu que l'on contracteroit avec le notaire, & que commissaires, pour cet effet, iroient faire l'accord: & afin (ô sainteté ample) que la postérité n'y trouve de l'inconvénient, il fut dit que la conclusion en seroit mise entre celles du chapitre tenu un mois devant, de peur de scandale & de honte; selon quoi, & non autrement, il est permis de faire des faussetés aux statuts & registres. Le tout accordé, fut passée prévarication, (je cuidois dire procuration; voilà comment les belles paroles nous croissent en la goule) & fut donné tout pouvoir audit notaire, pour bien & dûement faire le pénitent. Aussi-tôt ce notaire ne fut plus notaire au pays; il n'avoit que trois jours pour faire ce qu'il avoit promis; & délogea aussi vîte que la natte d'un passementier frais marié, allant train magnifique, comme la mule du pape. A quinze ou vingt jours de-là, revint le notaire aussi gai, petou résolu, comme une brebis tondue, & se vint présenter à chapitre avec bon & entier certificat de sa négociation. Et comme il avoit légitimement, profitablement & catholiquement accompli le tout, selon l'intention de la bulle, au profit des chanoines & davantage, pour éviter aux frais futurs, il avoit fait marché avec les fratti ignoranti, (je n'entends pas bien le grec) lesquels s'obligerent à toujours d'acquitter ce qui étoit équitable. Ce qui étant reconnu vrai (comme on le peut aviser, si on n'est autant aveuglé de visage que du cul) le mutuel contrat du chapitre & du notaire étant vérifié & calfeutré de toutes les façons nécessaires, il fut dit au notaire que, fénaisons étant venues, il auroit ce qu'il avoit acquis, le temps échu. Mes chanoines, (je ne sais s'ils sont à moi ou au diable; mais je les nomme tels, honoris gratiâ, pour conserver notre institution en dépit des hérétiques) me supplierent de leur prêter ma salle, pour, des fenêtres, avoir avec moi le plaisir du faucheur notorial en fénaison. Un lundi matin, qui étoit le jour abuté, nous étions tous à regarder, ayant déjeûné joyeusement de bonne buglose, le soleil étant assez haut, que le notaire vint sur le pré avec un petit homme ramassé, qui portoit sa faux en-dehors. (Il ne l'avoit pas comme mon métayer, qui, ayant sa main sur son col, & passant sur une planche, avisa un gros poisson, qu'il cuida frapper du bout de la lame de sa faux; pourquoi faire, il s'efforça de si grande roideur, que la faux lui trancha le cou, & la tête alla en bas, dont il se trouva merveilleusement étonné; aussi étoit-il temps, témoin le proverbe qui en fut fait, il ne se faut point étonner, que l'on ne voie sa tête à bas ses pieds. A, a, si ces docteurs fussent venus ici apprendre, ils eussent été bien plus savans: cette recherche vient de mon entendement; regardez mon doigt à mon front, considérez mon entendoire, & notez les signacles.) Le petit faucheur quarré étant arrivé, se mit à travailler. Il ne donnoit trait de faux qu'il n'abbatît un quart de chartée de foin ou plus, tant il s'étendoit: & qui plus est, il ne s'amusoit pas à battre sa faux; mais quand elle ne tranchoit point, il la passoit sur le long de ses dents, & cela faisoit frooooococ. Ainsi il gagnoit temps, si qu'en moins de dix heures, qu'il fut sans boire & sans manger, il faucha plus de la moitié de la prée. Le notaire voyant qu'il avoit plus de soixante arpens de fonds, le fit arrêter, lui présenta un flaccon plein de vin d'Orléans tenant quinze pintes, qu'il avala tout d'un trait, & le vaisseau après. Adonc le notaire lui mit un doublon d'Espagne & deux angelots d'Angleterre, & trois vieux écus François, avec un daler d'or, & trois moutons à la grande laine, six sicles d'or, & douze médailles antiques de fin argent tenant d'or & le renvoya. De-là en avant, le notaire a joui de la part de la prée, & ses héritiers après lui, le reste appartenant aux chanoines jusques à cejourd'hui, s'il n'y a faute au bréviaire. Le joli faucheur n'avoit pas tant d'outils que les autres, qui ont une grosse gaîne de bois, où ils mettent rafraîchir leur coux, comme un prépuce en une grille de couvent féminin. Voilà comment ce faucheur s'en alla gai & droit, sans tourner çà ne là, comme vous irez en paradis. Que si vous desirez savoir où il alla & qui il étoit, allez après, tandis qu'il fait beau.
Demosthene. Voilà un brave notaire! Il entendoit les écritures.
Euclide. On parle tant de cette intelligence d'écritures: qu'est-ce que c'est?