← Retour

Le trésor de la cité des dames de degré en degré et de tous estatz

16px
100%

Cy devise les manieres que la sage dame ou damoiselle qui a en gouvernement jeune princesse doit tenir pour maintenir sa maistresse en bonne renommee & en l'amour de son seigneur. chap. .xxiiii

Et avec ces choses / pource que jeunesse nourrie en grans delices aucunesfois peut de legier estre encline a trop grant gayeté pourroit desvoyer la jeune personne qui point n'a de malice de se garder convient par especial mettre frain de longue main si que ja est touché si devant ains que l'inconvenient adviengne Si peut estre le remede tel la saige dame qui aura en gouvernement la jeune princesse qui verra amour entre le prince son seigneur & sa maistresse si que communement jeunes gens nouveaulx mariés ont ensemble mettra toute la peine que elle pourra & les nourrira en celle amour & les ennortera de dire doulces parolles & amoureuses tousjours l'un a l'autre & faire tous plaisirs & prendra grant cure de elle mesmes rapporter entre eulx gratieulx messages & dons de choses plaisans recommandations & salus pour les nourrir tousjours en celle paix & amour & bien se traveillera que toutes choses au contraire soyent destourbees & eschevees & a part quant le seigneur n'y sera & la jeune princesse se couchera l'ancienne dame luy en tiendra plait en la ramentevant & devisant les bons motz qu'elle luy aura ouÿ dire de l'amour qu'il a en elle et comment il est bon & comme il est bel & gratieulx que bonne nuyt luy doint dieu & toutes telles choses. Et avecques ce pource que est de coustume que les seigneurs chevaliers & escuyers estranges et autres vont aucuneffois devers les princesses & dames & que leurs seigneurs & parens mesmes les y mainent il convient que elles voient & parlent a plusieurs & qu'elles les festoyent sicomme il apartient en festes & en dances aucunesfois ou parler ou autres esbatemens / si que il eschiet donc il avient aucuneffois que aucuns d'iceulx a telles assembles sont ferus de l'amour des dames ou veulent faire semblant que ilz le soyent donc la saige gouverneresse qui tousjours sera pres de sa maistresse prendra bien garde aux semblans & manieres de tous se elle pourra appercevoir par quelque semblant que aucuns ou aucun y voulsist penser & s'il advient que il luy semble en apercevoir quelque chose n'en dira riens a personne ains les tiendra secret a son couraige. Et quant vendra que ilz seront departis & la feste faillie & sa maistresse sera retraicte pourra advenir se sadicte maistresse est privee d'elle luy entrera elle mesmes en parolles disans nous avons bien dancé telz & telz sont gracieulx ou ilz ne sont mye en quelque autre chose. & adonc la saige princesse pourra respondre telz manieres de parolles je ne sçay que c'est / mais je ne voy nul qui me semble tant plaisant ne tant bel & gratieux que fait monsieur & m'en suis bien prinse garde / mais il m'est advis que entre les autres c'est celuy a qui plus advient toutes choses a faire. Et se ledit seigneur est vieil ou lait dira. certes je ne prenois garde a nul de la compaignie sinon a monseigneur. Car il m'est advis que entre les autres il sembloit si bien seigneur & prince / & comment le fait il si bon ouÿr parler qui parle sagement. Et posons qu'il n'y ait esté si le pourra elle ramentevoir en quelque guise disant bien de luy. mais de ce que pensé aura ne dira riens & se prendra bien garde se celuy ou ceulx de qui elle aura ymaginé se mettent en peine de frequenter entour sa maistresse & se ilz querront voyes & manieres cy avoir acointance ou aux parens ou autres qui les y puisse mener ou se eulx ou aucuns de leurs gens si vouldront acointer d'aulcunes des femmes Et se elle voit que aprés ladicte feste ou assemblee nul de ceulx qu'elle a pensé ne se traveille par choses qu'elle y voye s'en mettra en paix & hors de suspection. Mais se elle apperçoit les signes dessusditz ou semblables elle ne aura pas euvre laissee ne son couraige sans grant soing ou cure se pener se veult de y mettre remede a faire son devoir Si conviendra que elle oeuvre bien sagement. Car de le descouvrir a personne s'elle est sage & prudente se gardera bien / & seroit trop mal fait. Mais que fera elle pour le mieulx et pour ouvrer plus sagement / quant verra bien que ce sera a certes que aulcun par grant diligence se vouldra mettre en peine d'estre en grace pour telle amour de sa maistresse ains qu'il ait eu espace de luy en touchier aucune chose. posons qu'il eust le hardement elle luy fera si bel acueil que achoison luy donnera que il s'acointe d'elle / et ce fera il moult voulentiers / car il cuydera pource que c'est la plus prochaine de la dame que sa besoigne en doyve mieulx valoir & pourrira la chose qu'il s'enhardira de luy dire ce qu'il aura sur le cueur avec les grans offres des services & de tous biens qu'il luy fera selon la coustume des hommes en tel cas. Adonc la dame qui sera pourveue de sa responce & qui parlera a luy sans le sceu de la dame & le moins qu'elle pourra luy repondra sans nul effroy bassement par telles parolles. & s'il est tel qu'il appartient dira: monseigneur vrayement je me suis bien donné garde par voz semblans que vous aviez en couraige ce que vous m'avez dit. & pource que vouloye que telles parolles venissent de vous premierement je desiroye que j'eusse telle acointance de vous que le me dissiés affin que je le sceusse ains que aulcune autre personne par qui la chose peut estre raportee & mal selee la sceust ou s'en apperceust. si suis bien ayse que j'ay a present advisé de vous faire la responce sur ce que dit m'avez telle qu'elle est affermee en mon courage & qui jour de ma vie pour mourir en ce prometz je a dieu & a vous ne changera & sans vous faire de ce long sermon ne tenir trop de parolles vous dy tout a ung brief mot & une fois pour toutes que tant que je soye vivant & je soye en sa compaignie ceste jeune dame qui par la fiance que ses amys & son seigneur ont en moy tant n'en soye digne m'ont baillé en gouvernement / ne fera mal ne chose dont reproches ne parolles autres qu'il appartient a avoir a dame telle qu'elle est & du noble sang dont elle est yssue / car de ce a l'ayde de dieu la cuyderay je bien deffendre nonobstant qu'elle en est legiere a garder. Car je sçay bien que toute s'amour est en son seigneur ainsi qu'elle doit estre & qu'elle est toute bonne & bien condicionnee / ne que de telz amours elle n'a que faire ne n'y pense. & si sçay bien tant d'elle que se vous ou autre luy aviez dit ou qu'elle s'en apperceust qu'elle hairoit sur toutes choses celluy qu'elle cuyderoit qui a telle chose vers elle pensast. Si vous suplie monseigneur tant comme je puis que vous en vueillés oster du tout & plus n'y penser. Car je vous jure ma crestienté que vous perdriés vostre peine. Et affin que vous n'y ayez plus nulle esperance pour veoir dire. Je vous jure mon ame que posons qu'elle le voulsist / ce que je sçay bien que jamais ne feroit: j'y mettroye telles barres qu'elle ne pourroit. Si me croyés seurement & plus ne faictes telz allees ne telz venues ne telz semblans que sur l'ame de moy je ne les pourroye souffrir & conviendroit que je le disse a telz qui ne vous en sçauroyent nul gré & qui bien la garderoye de voz mains. Car je n'ay que d'une mort a mourir / laquelle chose aymeroye mieulx que il me advint que je consentisse ne veisse le deshonneur de ma maistresse. Si vault mieulx que n'en soit plus & que la chose demeure a tant. Telle responce ou semblable fera la sage dame / ne pour promesse don ofre ne menace ne changera son propos ne lors ne autres fois ne riens ne fera qui la puisse flechir au contraire. Si se gardera bien que n'ayt point la chere muee ne enflambee ne les yeulx felons quant elle partira de luy / mais aura le visaige rassis et la maniere asseuree sicomme se de autres choses eussent parlé. affin que personne ne se peust de ce appercevoir. Aussi ladicte dame se gardera bien que nul mot n'en sonnera a sa maistresse ne a autre soit son privé ou privee / ne nul semblant n'en fera / mais ne la laissera tant soit pou / & se prendra bien garde que nulle femme ou des servans ou aultre ne conseille a elle en maniere qu'elle puisse apercevoir que telle chose peust toucher. Car tantost l'appercevra a la maniere du rire & du parler / posons que elle ne les ouÿst & s'elle en aperçoit certainement quelque chose ne s'en taire mye ains menacera la personne de la faire bouter hors s'elle se mesle de plus conseiller a sa maistresse car ce n'appartient mye & si de pres s'en prendra garde que personne ne aura loisir de luy faire aulcun rapport. Si pourra advenir que celluy ne se souffrera mye pourtant & yra & viendra par aulcune voye cautelleuse qu'il aura trouvee de quelque acointance parquoy de foys a autre y pourra hanter & ce ne pourra la dame pas bien empescher / car se elle ce disoit trop grant mal en pourroit venir / si s'en souffrera. & de pres gardera sa dame et maistresse / mais s'il advient que de si pres ne la puisse garder qu'il ne conviengne que sadicte maistresse apperçoyve ou voye par les semblans ou parolles couvertes que celluy dira l'intencion & voulenté de luy encores ne s'en effroyera elle de riens pource que bien sçaura que maintes dames & damoiselles sont aymees & priees a qui bien petit en chault. & qui pourtant ne les ayme mye. Mais elle se prendra bien garde se elle pourra appercevoir que la jeune dame ou princesse y prengne aucun plaisir. & si elle en parlera plus voulentiers que d'ung autre ou si elle s'esjouyra quant elle le verra / ou s'elle muera aulcune contenance Si mettra toute peine par belles & doulces parolles de traire de sa bouche a privé qu'il n'y ayt que elles deux ce qu'elle aura sur son cueur de celluy homme / & s'il luy en aura point touché ou parle. Et adoncques selon ce qu'elle chantera ou dira elle luy pourra respondre. Et s'il advient qu'elle mesmes die que voyrement l'apperçoyve ou que il luy ayt dit / et qu'elle en est bien troublee & courroucee / & qu'il luy en poise la dame qui sera saige & discrete appercevera bien aucunement des parolles s'elle la veult bien sagement enquerre & par bonne maniere sans se monstrer au commencement trop rebelle si la dame le dit fainctement & pour luy donner acroire qu'elle n'y veult point penser ou s'elle le dit tout a certes / dont s'il advient qu'elle congnoisse qu'elle ayt bonne voulenté de non y avoir aucune pensee elle sera bien joyeuse & l'ennortera de toute sa puissance que se tienne en son bon propos / si luy dira de tous exemples du mal qui peut advenir & qui maintesfois est advenu a plusieurs par telles follies le grant deshonneur & reproches qui en sourdent & les decevemens qui sont en hommes. Si l'ennortera qu'elle garde bien comment elle respondera saigement a celluy toutes les fois qui luy en parlera & luy die tout a ung mot qu'il pert sa peine / & luy jure & afferme bien a certes que jamais pour toute sa puissance ne l'en demouvera qu'il luy desplaise de telles parolles ne de ses semblans n'a que faire / & avec ces parolles qu'elle l'estrange & eslongne tout le plus qu'elle pourra. Et qu'elle se garde bien que des yeulx de parolle de ris ne de contenance quelconques ne luy face nul semblant parquoy le puist attraire ne luy donner aucune esperance. Ainsi luy toute la maniere que tenir devra pour courtoisement l'estranger luy fera dire quant il viendra qu'elle se repose ou qu'elle est occuppee d'aulcune chose & qu'il ne luy desplaise qu'elle ne le peut veoir pour ceste foys. Et ainsi luy face dire par plusieursfoys que par la continuation de tenir tieulx manieres longuement il apperçoyve bien qu'il perdroit sa peine de plus y muser. Et avecques ces choses la sage dame ennortera bien a sadicte maistresse qu'elle se garde bien que de ceste chose ne parle a homme ne a femme. car mal en pourroit venir & que c'est le plus grant sens de s'en taire / & n'est point honneur a femme se vanter de telle chose. Et ceste deffence luy fera pource qu'elle le disoit se pourroit adresser a tel ou a telle qui ne luy donneroit mye bon conseil ains la conforteroit par adventure & ficheroit en la follie. ou qui le celeroit maulvaisement Si en pourroit saillir aucune fumee & venir mal / & ainsi par ceste saige tenue fera tant la bonne dame qu'elle estaindera & aneantira toute ceste chose & n'en fera plus qui que l'en doye haïr ou luy chaudra de telle hayne & ne la craindra pour bien faire. Car qui que l'en hait au premier l'en aymera au dernier & prisera mille foys plus quant on verra sa grant prudence & sa constant bonté car bien fait vault tousjours quoy qu'il demeure. Si fera cause que ladicte jeune princesse soit en son temps une tressage bonne & honneste dame & ayt les belles vertus que declairees avons cy devant.

¶ Cy devise de la jeune haulte dame qui se vouldroit esvoyer en fole amour & l'enseignement que prudence donne a la dame ou damoyselle qui l'aura en gouvernement. Chapitre .xxv.

Mais pource que toutes gens ne sont pas d'une condition / & qu'il est assez de hommes & de femmes si pervers que quelque bonne correction & enseignement que on leur donne si suyvront ilz tousjours leur mauvaise inclination / & leur monstrer n'est que chose perdue & ne acquiert on que leur haine. Dirons icy a l'enseignement de la bonne dame qui aura en garde et gouvernement aulcune jeune princesse ou dame la maniere qu'elle devera tenir au cas que la maistresse verroit desvoyer en folle amour & qui ne vouldroit user de son saige & bon conseil. Si disons ainsi Et s'il advient que aucune jeune princesse ou haulte dame ne soit mye de tel sçavoir ne constance qu'elle puisse ou saiche ou vueille resister aux admonnestemens que celluy qui met toute sa peine a l'attraire a s'amour par divers semblans & manieres sicomme hommes scevent bien faire en tel cas. & que la dame qui l'a en garde voye & aperçoyve par signes & semblans que son cueur y trait quoy qu'elle luy face entendre & qu'elle luy die le contraire elle sera dolente de ceste chose de tout son cueur. mais non obstant quelque haine que avoir en doye d'elle fera son devoir de l'admonnester de son bien ne point ne dissimulera ne luy celera de luy dire a part puis par bel puis par menaces. s'elle l'avoit continué luy monstrer le grant mal & peril & le tresgrant prejudice qui en peut venir & sans cesser de ce la tournera tant par adventure que pour la destourber de faict & par l'admonition de ses parolles la pourra demouvoir et oster de celle pensee ains que la folie soit allee plus avant mais s'il advient que tout ne vaille riens & que elle la voye conseiller a part a aulcunes de ses autres femmes qu'elle pourra penser qui saiche de sa convenue & intencion & qu'on mettra peine de conseiller a messaiges qui viendront dehors & qu'on fera divers signes & se gardera l'en d'elle sur toutes riens & que ja sa maistresse qui sera fiere & de haultain couraige ne vueille plus souffrir d'elle / ains luy semble qu'elle n'est plus enfant pour estre en sa gouvernance & correction & que mal prendra en gré ce qu'elle luy dira / respondra fierement demy en menaçant / & qu'elle luy rechignera & grongnera. parquoy on pourra apparcevoir qu'elle sera en sa male grace & qu'elle en vouldroit estre delivre a toutes fins pour mieulx faire a sa voulenté. & orra par adventure qu'elle dira aucuneffois a part aucunes de ses femmes jeunes qui mieulx sera en sa grace que dyable ferons nous de ceste vieille elle ne fait que rechigner le feu d'enfer l'arde / ja n'en serons delivres. Et l'autre respondra Se m'aist dieu ma dame il fault semer des pois sur les degrés si se rompra le col. Et telles manieres de parolles. Que fera doncques la saige dame puis qu'elle verra que remede n'y peut estre mis & que elle a fait tout son devoir & a quite sa conscience de luy avoir monstré & luy fait dire par son beau pere les maulx qui pour ceste folie faire luy pourroient advenir / et que sadicte maistresse est si attainte que remede n'y pourroit estre mis. & a ja la voye trouvee de faire sa voulenté vueille ou ne vueille & a qui que doye desplaire. Car impossible est de garder personne qui ne veult garder d'elle mesmes / et que on en commence ja a murmurer & a s'en appercevoir & mesmes entre ses femmes par l'envye qu'elles ont sur celle ou celles qui scevent du secret a la jeune dame qui sont les mieulx aymees et en orra ja dire plusieurs nouvelles qui moult luy feront grant mal Adoncques quoy que son cueur en soit dolent merueillesement elle comme sage advisera la meilleure partie en pensant le mal et peril qui luy pourroit advenir de ceste chose se plus demouroit en court. Car posons que elle ne fust pas consentant du fait / laquelle chose ne consentiroit pour mourir & la chose venoit a congnoissance ou des parens ou du mary elle en auroit toute la charge. car ilz diroient / pourquoy ne le nous disiés vous / nous y eussions mis remede. Car nous nous en attendions a vous. Laquelle chose pour riens ne diroit pour les perilz & maulx qui s'en pourroyent ensuyvre. Car qui a conscience & sens doit bien redoubter a faire rapport de telles choses aux maris ne aux amis / ne qui que ce soit / & qui plus est d'y demourer ne seroit mie sans ung autre grant peril qui luy pourroit venir de par la haine de sa maistresse / ou de celuy a qui auroit son cueur. Pource que aulcunnement ilz la doubteroyent & leur seroit advis qu'elle les empescheroit. Et pource elle qui sera sur toutes choses advisee usera a ceste fois de son grant savoir & mestier en sera. si se taira du tout de ceste chose / ne bien ne mal plus a sa maistresse n'en parlera. et ne fera chiere ne semblant que au cueur en ait nul desplaisir / mais tout au plus tost qu'elle pourra par aucune bonne voye que ja de loings aura ouverte des le commencement que les condicions de sa maistresse vit changier se departira de court par le bon vouloir du seigneur se elle peut / mais se elle est bonne & saige se gardera bien que ne puisse appercevoir pourquoy se veult partir. si trouvera achoison se elle scet que il la voulsist a toutes fins retenir ou de maladie ou vieillesse ou d'aucune impotence & inconvenient qui luy soit venu a son propre corps ou se il vuloit trop enquerir de la cause de sa despartie dira avant que congé ne ayt du partir que elle n'est propice d'estre entour telle dame pour aulcun mal qui luy est venu tant qu'elle soit garie. Et ainsi se excusera & pourra advenir que sa mesme maistresse pource que veu aura que elle ne luy en parlera plus sera courroucee de sa despartie pource que elle penseroit que meilleur loysir auroit de faire ce que elle vouldroit tant qu'elle fust avecques elle. Car les gens ne parleroyent my sitost quant acompaignee seroit d'une telle dame si la vouldra flater & luy fera promesses affin qu'elle demeure. Mais la bonne dame de ce bien & saigement se sçaura excuser en disant que sans faulte elle est malade / mais elle guarie pourra bien retourner ne pour chose que le cueur luy face mal du partir ne pour tendreté qu'elle ayt a sa maistresse se gardera bien se elle est sage de demourer pour quelconques blandissemens. car aps s'en repentiroit. Mais s'il advient que la dame soit joyeuse de sa despartie quant viendra au despartir / l'ancienne dame parlera a elle a part agenoillee humblement la remercyera des biens et des honneurs qu'elle luy a faitz luy priera que pardonner luy vueille & si bien & deuement ne l'a servye comme a l'estat d'elle luy appartiendroit ou s'elle a faict ou dit chose aulcune qui luy soit desplaisante que ce luy a fait faire la grant amour & jalousie qu'elle avoit a elle & qu'il luy fait bien mal de laisser. mais qu'elle est vieille & impotent & ne peut plus servir ou que par adventure vieillesse la fait estre rechinee & si maugratieuse qu'elle ne scet suporter ainsi que devroit les esbatemens des jeunes et pource a plus cher se partir & que ce soit par son bon congié & que elle luy supplie que elle se parte a tout sa bonne grace. car de tant peut bien estre certaine que jamais jour de sa vie n'aura femme qui mieulx ne plus loyaulment ayme elle ne son honneur que elle a fait & fera toute sa vie & que tousjours sera en celle voulenté. Telles manieres de parolles la dame dira a sa maistresse au departir / laquelle par adventure luy respondra belles parolles pour la joye que de sa departie aura / ou par adventure qu'elle l'aura longuement gouvernee & peut estre de son enfance le cueur luy sera mal. Et luy dira peut estre que de riens ne luy a sceu mauvais gré fors de ce que elle ne pensa oncques / et telles manieres de excusations aux quelles choses la dame qui point ne vouldra arguer a elle pource que bien sçaura que riens ne vouldra respondre que voirement peut bien estre advenu que de sa folie pour la grant paour qu'elle avoit d'elle avoit eu aucunes suspections. Si luy priera que tout luy vueille pardonner & que elle soit certaine que jamais jour de sa vie quelque suspection que elle y ait eu ne quoy qu'il en ait esté sa bouche n'en mouvera a personne ne oncques ne feist fors a elle pour son bien & ainsi se departira. Pource que l'espitre qui est contenue au livre du duc des vrays amans ou il est mis que Sebille de la tour l'envoya a la duchesse peut servir au propos que au chapitre cy aprés ensuyt sera de rechief recordé si la peut passer oultre qui veult si au lire luy ennuye ou se autreffois l'a veue quoy qu'elle soit bonne & prouffitable a ouÿr & noter a toutes dames & autres a qui ce peut appartenir.

¶ Cy devise la maniere des lettres que la saige dame peut envoyer a sa maistresse Chapitre. xxvi.

Si pourra advenir aprés ces subzdictes choses que la jeune dame se gouvernera si mal advisement despuys la departie de celle qui gouverner la souloit que parolles seront eslevees contre l'onneur d'elle & tant se multiplieront que la bonne sage dame dessusdicte qui l'avoit en gouvernement et ores demeure a son mesnaige en orra parler / de laquelle chose sera tant doulente de ainsi veoir amendrir l'honneur de sa maistresse qui tant a mis peine de bien l'endoctriner enseigner & apprendre que plus ne pourra. Si ne sçaura bonnement que faire de ceste chose & conclusion quant assez aura pensé sur ceste chose sera contraincte par grant amour quel que bon gré ou maulgré que avoir en doye pource que ce qui est escript en lettres est aucunesfoys mieulx retenu et plus perce le cueur que ce qui est dit de bouche de luy escripre & signifier par lettres de rechief l'amonnestement que dire luy souloit pour veoir se aulcune chose y pourroit prouffiter. Si escripra telles ou les semblables parolles en une lettre & par ung prestre qui escriptes en confession les aura tressecretement les luy envoyera. Maistresse doubtee dame je me recommande a vous tant & si treshumblement comme je puis ma tresredoubtee dame plaise vous a ne me sçavoir aucun mauvais gré se je me suys a present meue de vous escripre pour vostre bien ce que grant aymer me contraint a faire. Car ma tresredoubtee dame il m'est advis que je suis jeune de vous admonnester vostre bien comme a celle qui a esté en ma gouvernance depuis enfance jusques a ores tout n'en feusse je mye digne me semble que je mesprendroye de moy taire de ce que sçauroye qui vous peust tourner a aucun grief se ne le vous signifioye. Et pource chere dame je escrips en ces presentes ce qui s'ensuyt de laquelle chose treshumblement je vous prie derechief que maulvais gré ne m'en vueillés sçavoir aucunement. Car vous povez estre trescertaine que tresgrant amour & desir de l'acroissement de mieulx en mieulx de vostre noble renommee & honneur me meut a ce faire. ma dame j'ay entendu aucunes nouvelles de vostre gouvernement telles que j'en suis dolente de tout mon cueur pour la peur que j'ay du decheement de vostre bon los & sont telles comme il me semble que comme il soit de droit & de raison que toute princesse & haulte dame tout ainsi comme elle est hault eslevee en honneur & estat sur les autres qu'elle doye estre en bonne sagesse meurs conditions & manieres excellente sur toutes affin qu'elle soit exemplaire par lequel les autres dames et mesmement toutes femmes se doibvent rigler en tout maintien & comme il appartiengne qu'elle soit devote vers dieu & quelle ayt contenance asseuree quoye & rassise en ses esbatemens attrempee et sans effroy rie bas & non sans cause ayt haulte maniere humble chere & grant port. Soit a tous doulce responce & aymable parolle son habit & atour riche & non trop cointe. A estrangiers d'acueil seignery parlant a dangier non trop acointable de regard tardif & non volage. A nulle heure n'appaire male felle ne despite ne a servir trop dangereuse a ses femmes & serviteurs humaines & amiables non trop haultaine en dons large par raison ordonnee. Saiche congnoistre de toutes gens lesquelz sont les plus dignes en bonté et preudhommie & de ses servans les meilleurs & ceulx & celles tire vers soy & leur guerdonne selon leurs merites ne croire ne adjouster foy a flateurs ne flateuses ains les congnoisse & chasse de soy ne croire de legier parolles raportees / n'ait coustume de souvent conseiller a estrange ne privé en lieu secret ne apart mesmement a nul de ses gens ou de ses femmes si que on ne puisse juger que plus sache de son secret l'une que l'autre & ne dye devant gens a personne quelconques en riant aucuns motz couvers que chascun n'entende / affin que les oyans ne supposent aucun vice secret entre eulx trop enclose en chambre ne trop solitaire ne se doit tenir / ne aussi trop commune a la veue des gens. Mais a certaine heure retraire & aucuneffois plus convenables. Et comme sesdictes condicions & toutes autres manieres convenables a haulte princesse feussent en vous le temps passé estes a present toute changee sicomme on dit. Car vous estes devenue trop plus esgaree plus emparlee & plus jolie que ne souliés estre & c'est ce qui faict communement jugier. les cueurs changent quant les contenances se changent / car vous voules estre seulle & retraire de gens fors d'une ou de deux de vos femmes ou aucuns de vos serviteurs a qui vous conseillés & riés mesmes devant gens & dictes parolles couvertes comme se vous vous entre entendissiés bien & ne vous plaist fors la compaignie d'iceulx / ne les autres ne vous pevent servir a gré. Lesquelles choses & contenances sont cause de mouvoir a envye vos autres servans & de juger que vostre cueur soit en amouré ou que ce soit a ma tresredoubtee dame pour dieu mercy prenés garde qui vous estes a la haultesse ou dieu vous a eslevee ne ne vueille vostre ame & vostre honneur pour aucune vaine plaisance mettre en oubly & ne vous fiés en vaines pensees que plusieurs jeunes femmes ont qui se donnent a croire que ce n'est point mal d'aymer par amours / mais qu'il n'y ait villenie car je me rens certaine que autrement ne le vouldriés penser pour mourir & que on vit plus liement & que de ce faire on faict ung homme vaillant & renommé a tousjours. Ha ma chere dame il va tout autrement. Et pour dieu ne vous y decevés ne laissés decevoir & prenes exemples a de telles grans maistresses avés vous veu en vostre temps qui pour seullement estre souppesonnees de telle amour sans que la verité en fust oncques attaincte en perdoyent l'honneur & la vie de telles y eut. Et si tiens sur mon ame que peché ne coulpe vilanie n'y avoyent & leurs enfans en avés reprouchiés & moins prisés / et combien que a toute femme soit povre ou riche telle folle amour deshonnorable encores trop plus est messeant & prejudiciable en princesse ou haulte dame de tant que est plus grande / & la raison y est bonne / car le nom d'une princesse est porté par tout le monde parquoy s'il y a en son renom aucune chose a redire plus est sceu par les estranges contrees que des simples femmes. Et aussi pour cause de leurs enfans qui doyvent seigneurir les terres & estre princes de aultres gens. Si est grant meschief quant il y a aucune suspection qu'ilz ne soyent droitz hoirs & maint meschief en peut venir. car posons qu'il n'y ait meffait de corps si ne le croyroient mye ceulx qui seullement l'orront dire telle dame est amoureuse. Et pour ung petit de vice semblant par adventure fait par jeunesse & sans malices mauvaises langues jugeront & y adjousteront des choses qui oncques ne furent ne faictes ne pensees / & ainsi va tel langaige de bouche en bouche qui mye n'est apeticié ains est acreu. Et ainsi est necessaire a une chascune grant maistresse avoir plus grant regard en toutes ses manieres contenantes & paraboles que a autres femmes. La cause si est / car quant on vient en la presence d'une haulte dame toute personne adresse son regard a elle & ses oreilles a ouÿr ce qu'elle dira & son entendement a noter tout son fait. Si ne peut la dame ouvrir l'ueil dire parolle rire ou faire semblant a aucun que tout ne soit recueilly & retenu de plusieurs personnes & puis raporté en maintes places. Et que cuidés vous ma treschiere dame que ce soit mauvaise contenance a une grant maistresse voire a toute femme quant plus qu'elle ne seul deul devient esgaree jolye & plus veult oÿr parler d'amours & puis quant son cueur se change pour aucun cas tout a coup devient rechinee malgratieuse tenceresse & ne la peut on servir a gré & ne luy chault de son habit & atour. Certes adonc dient les gens que elle souloit estre amoureuse. mais ne l'est plus. Ma dame si n'est mye maniere que dame doye avoir Car elle doit prendre garde encore quelque pensee qu'elle ait que tousjours soit d'un maintien et contenance a celle fin que telz jugemens ne puissent estre faitz sur elle. Mais peut bien estre que fort seroit en la vie amoureuse garder telle mesure. Et pource le plus seur est du tout l'eschever & fuir. Si povés veoir chiere dame que toute grant maistresse & semblablement toute femme doit trop plus estre couvoiteuse d'acquerir bon renom que quelconques autre tresor. Car il la fait reluyre en honneur & demeure tousjours a elle & ses enfans redoubtee dame ainsi comme devant est touchié / je suppose bien et pense les raisons qui pevent mouvoir la jeune dame a soy encliner a si faicte amour aise & joyeuseté luy fait penser Tu es jeune il ne te fault fors que ta plaisance tu peulz bien aymer sans villanie & n'est point de mal puis qu'il n'y ait peché tu feras ung vaillant homme on n'en sçaura riens tu en vivras plus joyeusement & auras acquis ung vray serviteur & loyal amy & ainsi telles choses. Ha ma dame pour dieu soiés advisee que telles folles oppinions ne vous deçoyvent. Car quant a la plaisance soyés certaine que en amours a deux foys plus de dueil nuysances & dangiers perilleux par especial du costé des dames qu'il n'y a de plaisance. Car avec ce amours livre de soy maintes diverses amertumes la peur de perdre honneur & qu'il soit sceu leur demeure ou cueur qui chier acheter leur fait telle plaisance. Et quant a dire ce ne sera mye mal puis que fait de peché n'y a. Helas ma dame ne soit nul ne nulle si asseuree de soy qu'elle se rende certaine quelque bon propos qu'elle ait de garder tousjours mesure en si faicte amour et que ne soit sceu comme j'ay cy devant dit. Certes c'est chose impossible. Car feu n'est point sans fumee. mais fumee est souvent sans feu. Et a dire je feray ung homme vaillant. Certes je dis que c'est trop grant folie de soy destruyre pour accoistre ung autre. Posons que vaillant en deust devenir & celle bien se destruyt qui pour refaire ung aultre se deshonnoure. Et quant a dire j'auray acquis ung vray amy et serviteur dieu dequoy pourroit servir si fait amy a la dame. car s'elle avoit aulcun afaire il ne se feroit porter en nul cas pour elle / pour peur de son deshonneur dequoy doncques luy pourra servir si fait serviteur qui s'osera employer pour le bien d'elle. mais ilz sont aucuns qui dient qu'ilz servent leur dames quant ilz font beaucoup de choses soit en armes ou autrefois. Mais je dy qu'ilz servent eulx mesmes. Car l'honneur & le preu leur est demouré & non mye a la dame. Encores ma dame se vous ou autres vous voulés excuser en disant j'ay mauvaise partie qui pou de loyaulté & de plaisir me fait. pource puis je sans mesprendre avoir plaisir en aucun autre pour oublier melencolie & passer le temps. mais certes telles excusations / saulve vostre bonne reverence & de toutes autres qui ce dient / ne vallent riens. car trop fait grant folie celluy qui met le feu en sa maison pour ardoir celle de son voisin. mais se celle qui a tel mary le porte patiemment & sans soy empirer tant acroist plus le merite de son ame & son honneur en bon los & quant a avoir plaisance. Certainement une si grant maistresse voire toute femme s'elle veult elle peut assés trouver de loisibles & bonnes plaisances a quoy s'entendre & passer le temps sans melencolie sans telle amour. Celles qui ont enfans plus gratieuse plaisance & plus delectable peut on demander que de souvent les veoir & prendre garde que bien soyent nourris & endoctrinés sicomme il appartient a leur haultesse & estat. & les filles ordonner en telle maniere que en enfance prengnent rigle de bien & de deuement vivre par exemple de suyvre & estre en bonne compaignie. Helas & se la mere n'estoit toute saige quel exemple seroit ce aux filles & a celles qui enfans n'ont. Certes n'est ce honneur non a tout haulte dame. Aprés ce qu'elle a dit son service de soy prendre & faire aulcun ouvraige ou besongne pour eviter oysiveté ou faire faire fins linges estrangement ouvrés / ou draps de soye ou autre choses dequoy elle peust user justement. & telles occupations sont bonnes / & destourbent a penser choses vaines. Et je ne dis mye que une grant maistresse ne se puisse bien esbatre rire & jouer en temps & en lieu mesmement ou il y ait seigneurs & gentilz hommes / & qu'elle ne doye honnorer les estrangiers selon que a sa haultesse appartient chascun selon son degré / mais ce doit estre fait si rassisement & de si beau maintien qu'il n'y ait ung seul regard ne ris ne parolle que tout ne soit a mesure & par raison. Assés & tousjours doibt estre sur sa garde que on ne puisse appercevoir en parolle ou regard ou contenance en elle chose desconvenable ne mal seant. Ha dieu se toute grande maistresse voire toute femme sçavoit bien comment beau maintien luy est advenant plus mettroit peine a l'avoir que quelque autre parement. Car il n'est joyau precieux qui tant la peust parer Et encores ma tresredoubtee dame reste a parler des perilz et dangiers qui sont en celle amour / lesquelz sont sans nombre. Le premier et greigneur est que l'en courrouce dieu. Aprés que se le mary s'en appercevoit ou les parens la femme est morte ou cheute en reproche ne jamais puis n'aura bien. Et encores suppose que n'aviengne disons du costé des amans encores que tous fussent loyaulx secretz vrays disans ce qu'ilz ne sont mye / ainçois scet on assés qui comunement sont faintz & pour les dames decevoir dient ce qu'ilz ne pensent ne vouldroient faire. Touteffois c'est chose vraye que l'ardeur de / telle amour ne dure mye longuement mesmes aux plus loyaulx & est ceste chose certaine. Ha chiere dame comment cuydés vous que quant il advient que celle amour est deffaillie & que la dame qui aura esté aveuglee par l'enveloppement de folle plaisance s'en repent durement quant elle s'avertist & pourpense les follies & divers perilz ou maintes fois s'est trouvee / & combien elle vouldroit qui luy eust cousté & oncques ne luy fust advenu & que tel reproche de elle ne peust estre dicte. Certes vous ne pourriez penser la grant repentance & desplaisant pensee qui au cueur leur en demeure Et oultre se vous & toutes les autres povés veoir quelle follie c'est de mettre son corps et son honneur es dangiers de langues & es mains de telz servanz puis que serviteurs s'apellent / mais la fin du service est communement telle que quoy qu'ilz vous ayent promis & juré de tenir secret ilz ne s'en taisent mye & en la fin de telle amour souventesfois le blasme & parler de gens aux dames en demeure ou a tout le moins la crainte & paour en leurs cueurs que ceulx mesmes en qui se sont fiees le dient & s'en vantent ou aulcun autre qui le fait saiche / et ainsi se sont mises de franchise en servaige & veés la fin du service de celle amour. Comment cuydés vous ma Dame qu'il semble a ses servans grant honneur de dire et eulx vanter qu'ilz soyent aimés ou ayent esté d'une grant maistresse ou femme de renom. Et comment en tairoient ilz la verité. car dieu scet comment ilz mentent. Et que pleust a dieu que entre vous mes dames le sceussiés bien. Car cause auriés de vous en garder. Oultreplus les servans qui scevent vos secretz & en qui convient que vous vous fiez cuydez vous qu'ilz s'en taisent. combien que leur ayés fait jurer. Certes la plus grant partie sont telz qu'ils seroyent bien dolens que l'on ne sceust que plus grant priveté & hardiesse ont vers vous que les autres. et s'ilz ne dient de bouche vos secretz ils les monstreront au doy par divers semblans couvers qui veullent bien que on note. He dieu quel servitude a une dame & a toute autre femme en tel cas qui n'osera reprendre ne blasmer son servant ou sa servante posons qu'elle les voye grandement mesprendre quant elle se sent en leur dangier & seront montés contre elle en tel orgueil que mot n'osera sonner ains conviendra qu'elle leur seuffre a faire et dire chose qu'elle n'endureroit de nul autre. Et que pensés vous que dient ceulx & celles qui ce voyent & notent ilz ne pensent fors ce qui y est & soyés certaine qu'ilz en murmurent assés. Et s'il advient que la dame se courrouce ou donne congié a telz servans / dieu scet se tout est revelé & dit en plusieurs places. et toutesfois souvent advient qu'ilz sont & ont esté moyens & procureurs d'icelle amour bastir / laquelle chose ilz ont voulentiers pourchassee & a grant diligence pour traire a eulx dons ou offices ou autres emolumens. Tresredoubtee dame que vous en dirois je / soyés certaine que aussi tost espuiseroit on une abisme comme on pourroit racompter tous les perilz et maulx qui sont en ceste vie amoureuse. & ne doubtés du contraire. Car il est ainsi. Et pource treschiere dame ne vous vueillés ficher en si fait peril. Et se aulcune pensee y avés eue / pour dieu vueillés vous en retraire ainçois que plus grant mal vous en ensuyve. Car trop mieulx vault tost que tard / & tard que jamais. Et ja povés veoir quelz parolles en seroyent se plus ce continuoyent vos nouvelles manieres quant ja sont apperceues parquoy parolles s'en espandent en maint lieu. Si ne vous sçay plus que respondre fors que de toute ma puissance vous supplye humblement que de ce ne me sachez aucun maulvais gré / mais vous plaise de adviser le bon vouloir qui le me fait dire / & au fort mieulx doit vouloir faire mon devoir & vous loyaulment admonnester & en deusse avoir vostre mal talent que de vous conseiller vostre destruction ou de l'attraire pour avoir vostre bon gré. Tresresoubtee princesse & ma treschere dame je prie a dieu qu'il vous doint bonne vie et longue / et en la fin paradis. Escript. &c.

¶ Cy commence la deuxiesme partie de ce livre laquelle s'adresse aux dames & damoiselles. Et premierement a celles qui demeurent a court de princesse ou haulte dame. Le premier chapitre parle comment les trois dames / c'est assavoir raison droicture et justice recapitulent en brief ce qui est dit devant. chap. .xxvii.

Apres ce que avons parlé aux roynes princesses & haultes dames / c'est assavoir en ce qui touche la doctrine qui est proprice tant aux enseignemens de ce qui affiert a l'ame comme aux meurs vertueux & bons qui leur sont propices & appartiennent a leur haulte noblesse & a leur estat qui d'honneur est adornee sur toutes autres s'adressera nostre leçon doresenavant en ceste .ii. partie de la presente collation aux dames & damoiselles & femmes tant a celles qui sont demourans a court de princesses pour leur service & estat comme a celles qui demeurent sur leurs terres en chasteaulx manoirs villes fermes & bours / mais a ce commencement faisons protestation que nonobstant qu'il appartienne & affiere une mesmes doctrine par especial en plusieurs choses tant a l'ame comme aux vertus & meurs aussi bien aux dames & damoiselles & a toutes femmes comme aux princesses ne pensons mye a relater & dire de rechief tout ce qui est dit devant / car peine seroit sans necessité & a ennuy pourroit tourner aux lisans si serve ce que dit est pour toutes ou il eschiet & en prengne chascune ce dequoy sentira que elle ayt besoing au bien & au proffit de son ame & de ses meurs. Car semblablement que aux plus grans maistresses est mestier aux dames damoiselles & autres femmes qu'elles ayent tousjours & en tous leurs faitz devant les yeulx & en leur memoire l'amour & crainte de nostreseigneur qui leur ramentoyve les biens qu'elles reçoyvent de luy / c'est assavoir l'ame qui est creé a son ymage laquelle s'elles y veullent mettre peine possedera a tousjours le royaulme des cieulx. Ce n'est mye petit don l'entendement pour congnoistre dieu & que est bien & mal force de corps pour mettre le bien a effect santé & foison d'autres grans graces parquoy l'amour a quoy elles sont obligees vers luy qui est mesmes ung des commandemens de la foy et le premier qui dit tu aimeras dieu sur toutes choses ne doit jamais partir de leur memoire La crainte aussi en pensant la grant punition de sa justice en quoy se mettent en peril les creatures qui ne vont droite voye Ceste amour & crainte se a droit & en leurs couraiges les deffendra de vices & conduyra aux vertus / abessera en elles orgueil & essaucera humilité chassera ire & amenera pacience deboutera avarice & y mettra charité. leur tollira envye & leur donnera amour vers leurs prochains. eslongnera paresse & approuchera diligence de bien faire Leur fera haÿr gloutonnye et aymer sobrieté. bennira luxure et attraira chasteté Et ainsi donera toutes les vertus propice a l'ame. & chassera les vices qui nuyre y pourroyent. Et avec ce aussi bien & semblablemement affiert aux dames damoiselles & autres femmes avoir prudence mondaine pour ordonner en bonne guise leur maniere de vivre chascune selon son estat & qu'elles ayment honheur le bien de renommee & de bon los que aux princesses. Si commencerons ainsi

Cy devise des quatre pointz les deux bons a tenir & les deux autres a eschever & comment dames & demoiselles de court doivent aymer leur maistresse. & ce est le premier point. chap. .xxviii.

Derechief disons nous trois seurs / filles de dieu nommees raison / droicture / & justice comme dessus. Premierement a vous dames damoiselles & femmes de court au service de princesses et haultes dames tout ce que dit avons qui toucher peut au bien de vos dames & a l'acroissement de vos meurs Mais avec les bons admonnestemens dessusditz adjousterons quatre pointz les deux premiers bons a suyvre / & les autres a eschever. & ne sont pas simplement ne sans plus les deux premiers bons a tenir / mais vous sont tresnecessaires pour le bien de voz ames & l'honneur de vos personnes. De ces deux pointz le premier est que de tout vostre cueur devés amer comme vous mesmes vostre maistresse. c'est assavoir la princesse / auquel service ou compaignie vous estes. L'autre point est que vous devés estre en vos manieres parolles & tous faitz non trop acointables ne privees a divers hommes. Et des causes qui nous meuvent vous enseignerons les raisons cy aps. Et quant est des autres belles manieres qui a tenir vous affierent pource qu'il est ja dit cy devant comment la saige princesse vous maintiendra en bel ordre en habitz simples & beaulx sans desguiseure. mais riches assés / & bien ordonnez sicomme il affiert comme en contenances rassises & coyes en parolles maintiens jeux & ris honnestes passerons oultre ces pointz pource que cy devant au xviii. chap. de la premiere partie de ce livre la peut on veoir qui veult. Selon nostre premier point & enseignement des deux dessusditz la dame ou damoiselle de court ou toute servante est tenue de aymer tresfort & de tout son cueur sa dame & maistresse soit bonne ou mauvaise / ou doulce / ou autrement elle se dampne et faict que tresmauvaise creature & semblablement je dis de tous servans puis que ilz sont aux gaiges pensions ou loyer de qui que ce soit. & si tu vouloies dire voire mais si mon maistre ou maistresse est mauvaise personne ou ne me fait gueres de bien suis je doncques tenue a l'aymer / nous te respondons que ouÿ sans faulte / car s'il te semble qu'ilz soyent mauvais & que n'y faces ton proffit: tu t'en dois partir se bonté semble non mye y demourer pour mal y faire ton devoir & ne luy porter tel amour & tel foy que tu doibs. posons qu'il face mal son debvoir pourtant ne doibs laisser a faire le tien tant que tu y es / ou t'en aller. Car saches si ainsi ne le fais tu te dampnes en servant. Si est a declairer nostre propos en quoy s'estendra celle amour que la dame ou damoyselle de court aura a sa maistresse sera en luy portant foy & loyaulté en toutes manieres / comment foy & loyaulté. c'est qu'elle aymera premierement le bien de son ame. en telle maniere qu'elle luy procurera et ennortera de son povoir & que a elle appartiendra tout bien a faire & ne luy donnera ocasion du contraire. gardera sa paix a son povoir en bien faisant. Et en ces choses icy fait entendre qu'elle ne luy fera rapors nulz quelz qu'ilz soyent qui a l'empirement de son ame puisse tourner / c'est assavoir ne en mesdisant d'autruy ne contre le bien de honnesteté ne de honneur. ne aussi en parolles felonnesses ou responces parquoy elle puisse troubler sadicte maistresse. Avecques ce elle gardera sauvement le sien en ce qu'il appartiendra a elle a faire & en destournant les autres a son povoir se oultrages non convenables appartenoyent en aucuns. & sur toutes riens soustiendra son honneur de toute sa puissance en fait en dit & en parolle plus en derriere que en devant & essaucera sa bonne renommee. Se gardera bien pourtant sur ce qu'elle ayme le bien de son ame que vers elle ne use de flaterie pour mieulx avoir sa grace. si que font plusieurs servans de tous estatz maistres & maistresses et par especial a grans seigneurs & dames qui est chose qui trop desplaist a dieu & que la saincte escripture blasme a merveilles. Mais pour plus proprement declarer que c'est flaterie affin que nul ne soit deceu de entendre. dirons la difference d'entre bien servir & flater. Si est assavoir que si tu sers bien & loyaulment de tout ton povoir & tressongneusement garde bien l'honneur & proffit en toutes manieres de maistre & maistresse & metz grant cure & dilligence de luy faire plaisir & service en toutes choses licites & honnestes. Mesmement tant pour faire ton devoir comme pour acquerir sa grace affin qu'il t'en face mieulx pource qu'il t'en est besoing & que se il a mal & desplaisir que tu en soyes dolent ou dolente comme du tien propre & semblablement joyeulx ou joyeuse de son bien & prosperité & soyes triste a mathe chiere quant luy voys avoir desplaisir & joyeulx quant bien luy vient & non mye devant luy seullement. mais plus en derriere & le excuses se mal oys dire & luy portes honneur & bonne renommee telz choses faictes de bon cueur ne sont mie flateries ains est vraye amour & pure loyaulté portee de bon servant ou servante a maistre ou a maistresse & ce en sont les signes. Le pur flateur est si tu sçayes que ton maistre ou maistresse eust aucune inclination vicieuse & contre le bien de son ame & de son honneur & bonnes meurs & se sur ce tu le confortoyes. en luy donnant conseil qui le peust soustenir & nourrir en son vice & peché & que tu portasses ses mesmes faitz en dit & en fait ou que tu luy ouÿsses dire parolles non vrayes contre le bien d'autruy ou soustenir oppinions mauvaises ou deshonnestes & tu disoyes monseigneur ou ma dame dit voir ou que tu luy feisses entendant qu'il soit bel ou bon ou saige ou que bien seroit que il fist quelque chose que tu penseroyes qui luy plairoit et ta conscience te disoit tout le contraire se telz choses & aultres semblables qui pourroyent advenir faisoyes vrayement tu flateroyes & pecheroye tresmortellement & avec ce que tu te dampneroyes pareillement seroyes cause de son dampnement. Mais non pourtant dieu scet tout comment plusieurs servans de jeunes gens & d'autres se gouvernent en telz cas car pour avoir leur grace & traire d'eulx plusieurs y a ne les soustiennent pas seullement en maulx faire ains eulx mesmes quierent & pourchassent les voyes de tirer & faire mettre maistres & mesmement maistresses aucunesfois en plusieurs vices & laiz pechés & telz gens ne sont pas loyaulx servans ains sont faulx & maulvais / mais ceux qui les treuvent quant ilz les scevent telz sont eulx mesmes si aveuglez qu'ilz ne s'en donnent de garde. Et pource dist trop bien ung saint docteur que le flateur par sa parolle fait tout ainsi que se il fichoit ung clou en l'oeil de son maistre ou maistresse c'est a dire qu'il l'aveugle par ses blandices. Mais a descendre a nostre propos on pourroit icy faire une telle question sçavoir mon se une dame ou damoiselle sert une princesse ou aultre dame quelle que elle soit & il advient que sa maistresse vueille mettre son cueur en folle amour vers quelque homme si la servante est tenue par la loyaulté que elle luy doit de la soustenir & porter en son fait / car peut estre que aulcuns ne cuyderoyent mye mesprendre en pensant j'ay pluscher a garder l'honneur de ma maistresse & celer son faict mesmement veu que je n'ay mye bastie la chose / mais elle la veult faire & si en moy elle ne se fioyt en quelque autre se fieroit qui par adventure ne la celeroit mye si bien que je feroye. La vraye responce a ceste question est que elle feroit mal quelque cas qui y peust advenir & mal faire n'a point d'excusation si ne peux porter ne soustenir ta maistresse en peché faisant que toy mesmes ne peches ne soye participant du mal. Et avecques ce posons que tu dies que pour garder son honneur le faces si tu espeluches bien ta conscience tu trouveras que aultre cause te y encline plus c'est assavoir pour avoir mieulx sa grace & en prouffiter en chevance. Mais quelque cause qui t'y maine tu fais mal & en ce faisant resembles l'aveugle qui maine ung autre aveugle & tous deux trebuchent en la fosse. Mais vecy que tu feras si tu veulx user de sens & de bonne conscience se ta maistresse se fie de tant en toy qu'elle te die son secret en tel cas tu luy feras si faicte ou semblable responce / ma dame je vous mercye dont tel fiance avez en moy que tant me dictes de vostre tresprivé secret & si vous n'aviés fiance en moy ne le me diriés si n'ayez jour de vostre vie quelconque doubte qui ne soit bien celé. Car je vous prometz loyaulment que tant que je vivray ne sera par moy sceu / mais vrayement il me poise de tout mon cueur de ce que vostre entente avez mise ou voulez mettre en tel chose. Car il ne vous en peut venir fors dampnement a l'ame & grant peril & deshonneur au corps & se par nulle voye estoit en ma puissance de vous oster de celle voulenté & pensee il n'est riens que je n'en feisse. Mais quant est de moy & me pardonnés je aymeroye mieulx le bien de mon ame & de ma consciece qui en seroit chargee que je ne fais vostre service et m'en deussiés vous haÿr & bouter hors. Car je doy avoir pluscher vostre hayne pour bien faire que vostre grace pour consentir mal si ne m'en mesleroye nullement mieulx vouldroye mourir / je sçay bien que je suis a vous & que obeyr je vous doy mais en tel cas je pecheroye laquelle chose je ne suis tenu de faire pour personne vivant. Telle responce doit faire la bonne servante en tel cas a sa maistresse / mais s'elle est sage & vraye se gardera bien pourtant de l'aler disant ça & la pour soy aloser comme assez en est par adventure qui pour faire les bonnes y soyent disant elle m'a requise de tel chose / mais je l'ay bien & bel escondite je aymeroye mieulx que elle fust arse & telz choses dont mieulx leur vauldroit taire ainsi se doit gouverner la bonne & discrete dame ou damoyselle ou autre vers sa maistresse. mais non pourtant affin que nous n'oublions riens a dire que bon soit a ce propos n'est mye a entendre cest admonnestement que s'il advenoit aucun inconvenient a la maistresse par quelque cas que la bonne servante ne la doye garder en tous perilz & deffendre comme elle feroit son enfant sicomme il est dit d'une dame qui fut gardee d'estre sourprise en cas dont elle eust perdu son honneur par sa damoiselle laquelle quant elle sceut l'adventure ala tantost comme bien advisee bouter le feu a la granche affin que tout courussent la & que sa maistresse en ce tandis se peust descouvrir. Et comme une autre qui trouva sa maistresse qui se vouloit desesperer & occire ellemesmes de honte que elle avoit de ce qu'elle estoit grosse sans estre mariee si la reconforta & l'osta de ce maulvais vouloir & ellemesmes affin que quant l'enfant viendroit qu'elle peust dire que il fust sien fist entendant qu'elle estoit grosse & par celle voye la saulva de mort & garda de deshonneur & telz choses faire puis que la chose est faicte & le conseil en est prins pour garder autruy de desesperance ou de prendre mauvaise voye mais que au fait de peché on ne soit consentant n'est pas mal. mais est tresgrant charité & doit chascun avoir pitié du pecheur. Car dieu ne veult pas sa mort. mais que il se convertise & vive. Et tel est cheu en peché que aprés se relieve & maine juste vie & non mye seullement en cas d'amours ne doibt estre consentant la servante de la maistresse: mais aussi en tous autres ou il pourroit avoir peché & vice. car nul n'est tenu d'obeyr a aultruy pour desobeyr a dieu.

¶ Cy devise du .ii. point qui est bon a tenir aux femmes de court qui est comment elles doibvent eschever trop d'acointances. Chapitre .xxix.

Le .ii. point & enseignement si que nous avons dit est que femmes de court de quelque estat qu'elles soyent se doivent garder de trop avoir d'acointances a divers hommes nous convient dire les raisons qui nous meuvent Car maintes par aventure pourroyent suposer & cuider que plus leur loysist & apartenist est acointables que autres femmes: mais celles qui le penseroyent se deceveroient & nous le te monstrerons par deux principaulx raisons / l'une est pource que sur toutes autres les femmes de court ont a garder honneur / l'autre raison te dirons aps. Quant a ceste pourquoy disons nous que plus que autres ont a garder honneur pource que leur honneur ou deshonneur refiert & redonde en leur maistresse. car se ilz sont ou bien ou mal ordonnees elle en aura le los ou le blasme si que ja est touché en la premiere partie de ce livre. Or il est ainsi que il n'est autre dame a qui tant d'honneur soit deue comme a princesse si seroit a son empirement si aucune tache avoit en femmes. Car on diroit selon seigneur meisgnie duite. Et pource je conclus que plus que autres se doivent garder. Si n'est point de doubte a venir a nostre propos que femmes qui que elles soyent qui se delictent avoir plusieurs acointances a hommes & suppose qu'elles n'y pensent a nul mal ne mais pour rire & esbatre a peine le pourront continuer qu'il n'en soit senestrement parlé & non mye seullement des estrangiers envyeulx qui sans cesser avisent comment pourront aultruy mordre / mais certes de plusieurs de ceulx mesmes a qui elles feront bonne chiere. Car ne pensent point le contraire femmes ne si aveuglent que ja hommes plusieurs ne les frequentent longuement que aucuns ou le plus d'iceulx ne pensent a elles atraire si pevent & quant ils voyent que plusieurs hantent ou lieu ou chascun voulsist estre seul receu ilz en parlent mal & contreuvent l'ung sur l'autre & en derriere s'en rigollent quelque chere que aux dames & damoiselles facent en devant ne quoy que ils se monstrent bien gracieulx & c'est chose vraye lesquelz rigolages & parolles sont raportees en ville de bouche en bouche par les tavernes & ailleurs & chascun y adjouste & met du sien Et par telle voye sans cause & sans raison quant a pechié / mais seullement par la simplesse des femmes qui n'y pensent sont souvent plusieurs a tort blasmés mesmes de ceulx a qui elles font bonne chiere et qui ne le croit si en enquiere. Car pleust a nostre seigneur que dames & damoiselles de court / voire toutes femmes d'ailleurs sceussent bien que telz acomtes dient d'elles cause auroient d'elles retraire de si faictes bonnes chiere. & mieulx leur vauldroit moins d'esbatement que de tant de parolles & par ce que ilz leur rient en devant & promettent corps & service a peine le pourroyent croyre. mais tu nous pourroyes demander comment ne vault il pas mieulx mesmes a honneur garder faire bonne chiere a chascun & que autant en emporte l'un que l'autre seullement que le faire a ung ou a deux & aussi que les autres puissent dire il ne hante en tel lieu que telz ou telz ilz sont en grace autres n'y sont congnuz. Nous te respondons que sans faille de ces deux maulx il n'y a nul qui face a tenir / car mal est / c'est assavoir contre honneur si plusieurs en hantent si que dit est & mal seroit ou est si on n'y voit frequenter seullement ung deux ou trois en maniere que on y peust avoir souspecion. Si n'est l'une maniere ne l'autre bonne. Mais tu nous diras comment seront doncques femmes par especial de court si subgetz que elles ne oseront ame veoir ne elle esbatre sans mal penser a compaignie ou il y ait gentilz hommes. Si te respons a ce que la subgection est bonne quoy que elle desplaise quant elle garde de plus grant inconvenient tout ainsi que la bride ennuye & desplaist au cheval mais non pourtant elle le garde aucunesfois de trebucher ou fossé. Et quant est que elles ne facent bonne chiere ou il appartient & en temps & en lieu s'esbatent convenablement en compaignie d'honneur n'est pas nostre entente de les vouloir a ce restraindre. Et ne disons pas que s'il advient a quelque court que ce soit en france ou autre part que le prince ou princesse reçoyve estrangiers ou princes ou autres vaillans chevaliers ou escuyers que il n'apartiengne bien qu'ilz soient festoyés & entre dames & damoiselles bien venus / car ce seroit contre honneur qui ne le feroit / mais entendons seullement de ceulx qui par droictes bauldes acoustumeement frequenteroyent sans autre achoison y avoir fors de jouer & esbatre es chambres de l'estat des dames & damoiselles. Et ces choses que nous disons ne doyvent ennuyer a nulle soit jeune ou joyeuse ou autre si elle ayme honneur ne que il doit desplaire a celuy qui sa santé a chiere quant le medecin luy dit vous userés de tel remede contre telle maladie & suffise quant a la premiere raison. Mais a venir a l'autre laquelle peut aussi bien toucher aux autres femmes d'onneur comme a celles de court est telle. Chascun qui tant est une chose plus digne plus noble & de greigneur value plus doit estre tenue en grant chierté & moins commune. Or est il ainsi que toute femme honnorable bonne et saige doit este reputee comme ung beau tresor & une notable & singuliere chose digne d'onneur & de reverence. doncques puis que elle est telle et y veult estre tenue il n'appartient point que trop grant marché ne largesse face de ses tresgrans tresors c'est assavoir de l'acointance de sa treshonnorable personne. Car de tant que elle la tiendra en plus grant charté vers tous hommes non mye par orgueil / mais par une grandeur bien seant a femme de tant sera elle tenue en plus grant reverence & en fera l'en plus grant compte / car chose n'est tant voulentiers veue ne desiree que celle que on voit a dangier quant elle est bonne & belle. pource disons que non estre trop accointable a femme bien siet & que largesse de langaige & d'atrais accueillans luy messieent.

¶ Cy dit du .iii. point qui est le premier des deux qui sont a eschever parlant de l'envye qui regne en court & dequoy elle vient. cha. xxx.

Or viendrons aux autres deux dessusditz poins lesquelz a femmes de court principallement & aprés a toutes femmes d'onneur sont a eschever. lesquelz quoy qu'ilz soyent assés communs par tout regnans par especial treshabondeement a toutes cours plus que autre part. ce sont deux vices mauvais & dampnables merveilleusement & en attrayent infinis d'aultres. L'un & le principal des deux mortelz vices est le trespiteable & de dieu hay pechié d'envye / & l'autre est le vice de mesdire. Et du premier dirons & de l'autre aps Et pource que nous tendons a bien de vous toutes nous plaist vous admonnester les remedes que nous enseignons a toute personne qui user veult de justice & de bonne conscience. Et tout premierement pour mieulx congnoistre la qualité ou nature de ceste faulce envye est a adviser de quelle chose & a quel cause elle naist si disons sans faille qu'elle sourt & vient purement d'orgueil qui l'engendre es creatures qui ne sont sur leurs gardes d'avoir tousjours devant leurs yeulx leur povre fragilité & leur venue de neant ains s'oultrecuident par une arrogance fole que orgueilleux met en teste si qu'ilz oublient leurs miseres & leurs vices & reputent & cuident estre dignes de grans honneurs et de grans biens mesmes sans l'avoir desservy. Et pource que le plus communement toute creature est en soy mesmes ainsi deceue / advient que chascun tend a suppediter son prochain & le surmonter / non mye en vertus / mais en grandeur d'estat de honneur ou d'avoir / mais quant il advient qu'il y fault & qu'il y voit autre plus avancé de luy ou qu'il cuyde ou qu'il a paour qu'il adviengne aussi hault. la est l'envye toute formee. En pourtant que a la court des princes & des princesses les honneurs et les estatz mondains sont distribués plus generallement que une aultre part disons nous / & il est vray que la regne principallement envye pource que chascun qui y frequente vouldroit avoir d'iceulx biens et honneurs la plus grant part. Mais a descendre a nostre propos en parlant a toute femme de court de quelque estat qu'elle soit qui soit la demourant pour estat ou pour service de princesse que se elle veult user de bon conseil pourvoyera si bien son couraige de saige & de bon advis que elle n'aura en soy le mortel ver de celle faulce envye qui destruyt l'ame a qui la porte & ronge & desfait l'intention.

¶ Cy dit encores de ce mesmes enseignement aux femmes comment se garderont entre elles d'avoir le vice d'envye. chap. xxxi

Que fera doncques pour eschever ce faulx arcison d'envye & qu'il ne soit nullement en son couraige la saige & bonne dame ou autre demourant en court elle estrivera par bon remede contre les choses qui s'ensuyvent lesquelles sont les causes dont sourt envye a court de princesse en couraige / c'est assavoir que quelque grande qu'elle soit s'il advient qu'elle voye ou apperçoyve ou qu'il luy soit advis que sa maistresse ait plus en grace quelque autre que elle ou souvent l'appelle en ses conselz & vueille le plus sache de son secret & soit plus entour elle ja pource le cueur ne luy vouldra / ne le vice d'envye ne la surmontera. nonobstant que les aguillons & poinctures en couraige de celle faulce envye en tel cas soyent telz. Et pourquoy peut ce estre que ma dame a plus en grace ceste icy ou ceste la que toy & plus la veult & plus l'appelle en ses secretz & environ soy / n'es tu de son lignaige ou plus noble que celle n'est si en fust mieulx paree / ou tu es plus sage ou plus preudefemme ou mieulx taillee de y estre. Et appartient il aussi que telle & telle qui est venue de neant / ou qui ne scet ou qui ne vault ne peut de se mettre si avant ne qu'elle prengne tel peine d'estre en grace devant les autres / ne aussi que ma dame la doyve tant avancer ne faire telle chiere qu'elle luy faict ne tel harnois / & luy baille tel estat. Ja est plus avancee en ce pou de temps qu'elle y a demouré que toy qui y es de ton enfance / pourquoy peut ce estre quelque cause y a. mais je y mettray barres se je puis & la desavanceray Je sçay bien comment telles choses & telles sçay sur elle / & si je ne le sçay si le controuveray ou mettray du sel plus que je ne sçay avant que je ne la desavance. elle se veult trop mallement mettre avant et ja fait la maistresse & veult supediter les autres & mettre arriere mais je y mettray barres se je sçay quoy que advenir en doye. ne quelque peine que je y doye mettre. Je n'en pourroye plus souffrir en mon renc mesme se veult elle ja mettre / et ma dame luy souffre & la porte & veult qu'elle voise devant les autres mais ainsi n'ira mye. Telz ou semblans sont les admonnestemens de envye. mais tantost par bon advis & juste conscience les boutera arriere la saige dame ou damoiselle de court qui se reviendra a soy Ha folle musarde & dequoy t'es tu advisee mais pour dieu que te chault il de toutes ces faulsetés si tu fais ce que tu peulx loyaulment en toutes choses & tu n'en as si grans guerdons en ce monde comme ung autre dieu qui seul est juste & vray juge & qui congnoist tous couraiges. & a qui riens ne peut estre celé le scet bien si le te rendra & n'y fauldra point. & en luy seul dois avoir ton esperance. Car celluy est mauldit qui a son esperance & la fiance es princes ne es hommes. Et pourtant se ung autre a bien en ce monde qui n'est que ung trespas comme ung pelerinaige des biens de fortune plus que a toy ce te semble. que t'en apartient il a murmurer ne en avoir dueil. veulx tu garder les princes & les princesses & les puissans personnes qu'ilz ne facent du leur a leur voulenté: Si ta maistresse ou dame donne du sien a ung autre plus que a toy quel tort te faict elle. certes nul. Et de ce donna bien exemple nostreseigneur en la parolle dont l'evangille parle des ouvriers qui furent mis en la vigne / dont les aucuns vindrent a soleil levant. les autres a midy & les autres a vespres. Et quant vint a faire le payement de leur journee le seigneur de la vigne partit & donna tout autant a ceulx qui estoyent venus a vespres comme a ceulx du point du jour de laquelle chose les premiers murmuroyent / & le seigneur leur respondist. Mes amys quel tort vous fais je. Je vous paye de vostre journee bien & bel ce que avez esté louez. & s'il me plaist de donner a ceulx icy autant ou plus comme a vous ce n'est riens du vostre si n'avez cause d'en parler. Tout ainsi & semblablement n'as tu nulle cause de groucier si ta maistresse donne le sien ou il luy plaist quand ce n'est rien du tien. Et aultre si peut advenir que toymesmes ne congnois pas tes propres deffaulx par ce que tu es envers toy trop favorable & ta dame les congnoist bien qui voit ung autre plus saige plus abille & mieulx condicionnee & plus parfaicte de toy quoy qu'il te semble que tu vaille mieulx s'il a plus chere environ soy. Et aussi si tu veulx bien regarder au vray de ta conscience & lire en tes faitz tu trouveras ce peut estre que tu le peves bien avoir desservy pour telle chose et telle que tu fais. & telles parolles que tu dis luy furent rapportees / dont elle se courrouça qui ne fut bien fait ne dit a toy / & elle ne t'en ayme mye mieulx. assez d'autres t'eussent mise hors si est par ta coulpe. pource tu n'as cause de tant t'en courroucer tu estoyes trop ayse & trop orgueilleuse. & te sembloit que riens ne te povoit nuyre / or en prens ce que tu en as & ne te en plains que a toy. Et avec ce que scés tu: quel bien & quel service vers dieu peut avoir fait ceste creature qui tant est en grace quoy qu'il te semble qu'elle n'en soye mye digne. Parquoy il la veult par ceste voye en ce monde guerredonner. car tu as ouÿ dire comment sont couvers les secretz de dieu / si n'appartient a personne de en juger pour chose qu'il voye tant luy apere merveilleuse Et pour ce ne te dois empescher d'estat d'autruy / mais pense de ton ame & de te gouverner sagement & faire tousjours bien ton devoir / si le congnoistra bien dieu & tel maistre fait il bon servir qui est tout saige tout bon & tout puissant & tout autre service n'est que vent & empeschement. Et gardes bien sur quanques vers luy tu peulx meffaire que ne muses a autruy par faulse envie en faict en dit ne en quelconques pourchas / car tu te dampneroyes. posons que on le te eust desservy. Car dieu ne veult pas que l'on se venge de tant que en as pensé crie en mercy a nostreseigneur. & ne te chaille qui va devant ne qui va derriere. qui soit en grace ne qui non. car de chose qui faicte en soit tu n'en vauldras de riens pis. Et avec ce ceulx & celles qui te verront ainsi gracieusement suporter l'orgueil & oultrecuydance d'autruy sans en faire parolles ne semblans t'en priseront & aymeront mieulx. Et si tu veulx garder ton reng entre les autres que il te appartient sans vouloir supediter autruy si le gardes gracieusement. Mais prens toy bien garde que ta conscience ne soit point blessee pour telz fatras / ne que tu donnes cause a autruy de troublemens ne de empeschemens car le peché en descenderoit sur toy. Telz & semblables sont les remedes que la saige dame de court bien pourveue si peut mettre contre les pointures & aguillons d'envie. Et de cestuy mauvais peché pour demonstrer comment toute personne le doit fuyr dict ung saige: Je ne sçay fait il comment toute creature raisonnable deboute de soy sur tous autres vices le peché d'envie / car a adviser la qualité de tous les autres peches il n'y a celluy qui en l'exerçant ou faisant n'ayt aucun delit comme en vaine gloire ou orgueil ou a delit d'honneurs en gloutonnie plaisir ou menger en charnalité delit de corps & ainsi aux autres / lesquelz plaisirs pevent attraire la creature a les aymer quoy qu'ilz soyent l'ame deffendus. Mais celluy dyabolicque peché d'envie il ne fait ne donne a la personne qui plus en est souprinse nul plaisir ne mais dueil de pensee & deffrichement de couraige triste et desguise de visaige tourment qui perce l'ame & tous maulx & tous desplaisirs. Et a brief dire encline a tous maulx & a toutes felonnies. ne autre bien ne rend a son maistre cestuy infernal vice. Et que les envieux facent a haïr dit contre eulx de rechief ung autre saige pleust a dieu que l'envieux eust si grans yeulx qu'il peust veoir toute la prosperité & la joye qui est esparse par tout le monde. & plusieurs gens a celle fin qu'il eust cause d'estre plus tourmentés.

¶ Cy dit du quatriesme point qui est le deuxiesme des deux qui sont a eschever. Et parle comment femmes de court se doibvent bien garder de mesdire / et de quelle chose vient mesdit ne a quelle cause ne occasion. Chap. .xxxii.

Nous venons au deuxiesme point qui est l'autre vice duquel la dame ou damoiselle & femme de court & toute autre se doibt garder. c'est assavoir du peché de mesdire. Et tout premierement pource que mesdit ne peut estre excusé par nulle bonne raison / & aussi pour mieulx venir a noz termes toucherons trois causes / dont communement il vient & sourt & qui toutes sont communes a court & aucunesfois de toutes troys ensemble. L'une des causes si est par hayne. la .ii. pour cause d'oppinion. & l'autre pour pure envye. Si sont ces trois causes maulvaises / mais non pourtant celle qui vient d'envie faict le moins a excuser. Et pource que tous trois sont a eschever et que en nul cas mesdire ne est loisible / ains est peché mortel tresdeffendu Car c'est contre des deux des commandemens de dieu l'ung qui dit. Ne fais a aultruy ne que tu vouldrois qu'il te fist. Et l'autre / ayme ton prochain comme toymesmes: nous en dirons & enseignerons aux dessusdictes dames les remedes de s'en garder. Et premierement toucherons sur la premiere cause qui est hayne & sur ce formerons quattre principalles a demonstrer pourquoy par hayne on ne doit mesdire d'autruy quelque injure que on ayt receue. On ne hait point de fformee hayne communement si ce n'est a cause d'aucune injure receue d'aultruy ou que on la se repute avoir receue soit a tort ou a droit en la personne qui est ou qui se tient injuriee. Adonc est tresencline par la haine & mal talent qu'elle porte de mesdire dont elle se repute estre blessee comme quoy & a nostre propos qui est chose qui souvent advient a court une dame ou autre femme de court sçaura que aucunes gens ou certaine personne luy nuyra & la tiendra a la faire mal de sa maistresse ou du seigneur ou des amys d'elle ou de la faire bouter hors & par adventure viendra a son entente parquoy ladicte dame ou damoyselle en perdra son service son bien & son estat / & par adventure son honneur par les choses qui luy seront mises sus / peut estre sans cause / & posons que a cause fust: si herra elle la personne qui ce luy aura pourchassé: si mesdira n'est pas doubte a part et en publicque si la personne n'est si grant qu'elle n'ose. Mais trop fort fera si aulcunement n'en murmure / car le cueur luy deuldra trop & n'est merveille en disant de ladicte personne mal & villennie & ce qu'elle sçaura & ce qu'elle ne sçaura mye. Ceste cause de mesdire c'est assavoir par hayne par quelque meffaict sembleroit a aucunes gens qu'elle peut estre juste. mais sans faille non est. Et voicy nostre premiere raison qui le demonstre. Dieu veult et commande expressement qu'on ayme son ennemy & qu'on luy rende bien pour mal. & qui fait contre le commandement de dieu se dampne & si ne gaigne riens: pourquoy seroit mieulx son prouffit se taire. Item avec ce ung autre inconvenient luy en vient / & est nostre .ii. raison c'est qu'il fait ou elle fait contre son honneur / & voicy la raison. une personne de grant couraige jamais ne mesdiroit de son ennemy / pource que elle scet bien qu'il pourroit sembler aux gens que vengier se vouldroit de parolles laquelle chose est la vengeance des gens de pou de puissance & de foible de cueur et de quoy pou de saiges gens usent. Item la .iii. raison est que ceulx qui orront mesdire aux hayneulx de son adversaire ou ennemy ne la croyront mye / car ilz diront qu'i le dist par hayne si ne doibt estre creu. Et la quarte raison est que la personne qui ja luy a nuy ou peu nuyre sera de tant plus indignee contre luy quant dire orra qu'elle en mesdit / si purra engreger l'injure & luy faire encores pis si seroit moins mal recevoir ung desplaisir que deux. Et pource en concluant fut trop bien comparé par exemple a mesdit ce qui est escript d'un qui vouloit prendre guerre au ciel / & tiroit d'ung arc contre les nues et les fleches retournoyent sur son chief & le navroyent. Tout ainsi le mesdit que le haineux fait de son adversaire retourne sur luy & navre son ame & son honneur / sicomme par les dessusdictes quatre raisons est demonstré.

¶ De mesmes comment femmes de court se doyvent bien garder de dire mal de leur maistresse. Chap. xxxiii

La deuxiesme cause dont vient & sourt mesdit est de oppinion en telle maniere ou semblable une personne aura oppinion que une autre soit mauvaise ou deffaillant en aucunes choses ou en toutes / ou que elle ne se gouverne pas bien en tous cas ou en aucuns & pour ceste cause sans sçavoir la verité de la chose laquelle est par adventure toute autre qu'elle ne la pense en mesjurera & mesdira abondamment et plainement a petite consideration pour bien pou d'achoison. Et tel cas advient communement par tout. Car sans faille a cause de oppinion et sans sçavoir de certaine science mesdient plus ceulx qui ont la tache de mesdire. Si n'est mye communement court de prince & de princesse sans telz mesdisans / lesquelz a tel cause / c'est assavoir d'oppinion sans plus n'espargnent ame / et mesmes ne maistre ne maistresse. Et pource en parlant de ce vice chiet a dire du grant mal que fait toute personne qui diffame & dit mal d'autruy & par especial de qui le paist & nourrist dont il a son estat & son vivre / mais nonpourtant il advient a mainte court que se les servans ou servantes ou ceulx ou celles qui y demeurent voyent ou leur semble veoir en maistre ou maistresse tant soit petit signe de quelque vice tantost a cause d'oppinion les chargeront de grant langaige disant que la chose est faicte que ilz ont pensee. Et a nostre propos parlant aux femmes quoy qu'il peut aussi bien aux hommes toucher. Assés de femmes de court en mains pays est il de tous estatz que si elles voyent leur dame ou maistresse sans plus parler bas a une personne une fois ou deux ou quelque signe de priveté ou d'amitié ou quelque ris ou quelque joyeuseté faicte par adventure par jeunesse ou ygnorance & sans mal penser se ladicte maistresse se est tant soit petit joyeuse ou en ses habillemens gente & propre qui sont choses qui a mainte personne viennent de droicte condicion plus aux unes que aux autres tantost ilz seront prestz d'en mesjuger. & non mye seullement en cestuy cas mais aussi bien en tous autres dequoy par petite achoison aucunesfois prendront quelque maulvaise oppinion de leur dicte maistresse mais du mesjugement c'est du moins ilz feront pis / car pourtant se elle est leur dame et qu'ilz soyent nourris repeuz & a beaulx gaiges de ses biens que ilz facent ou qu'elles facent bien les obeissans les genoulx a terre a grant reverence & assez de flateries si ne s'en tairont ilz mye / ains diront leur advis l'une a l'autre & s'acointeront a conseil & a brief dire seront tout ainsi que la maulvaise brebis qui est rongneuse donne & depart de sa rongne aux autres / mais toutefvoyes bien se garderont que leur maistresse ne l'apperçoyve ne oye & leur suffira mais que a elle seulle soit celé & mesmement de ce que eulx ou elles luy accorderont & soustendront disant que sera bien faict d'ainsi faire s'en mocqueront & en parleront en derriere & y adjousteront plus qu'il n'y a & qu'il n'y scevent assez de servans & de servantes le font aussi. mais a nostre propos les dames damoiselles femmes de court qui ainsi le font trop grandement mesprennent & font trop plus grant peché que se d'autres ou d'entre elles mesdisoyent pour cinq principaulx raisons. La premiere pource que de tant qu'elle est plus grant maistresse son honneur ou deshonneur est plus renommé par tout pays que d'une autre simple femme pource fait pis que la diffame car celluy diffame peut voller en maintes contrees. La deuxiesme pource qu'elles font trahyson a qui ilz monstrent bel semblant & obeissent. Tiercement ilz font contre leur serment qui fut tel elles garderoyent son bien & son honneur. Quartement qu'elles rendent mal pour bien a celles de qui & par qui sont soustenus & nourries & ont leur estat. Et quintement que elles jugent autruy qui est contre le commandement de dieu qui dit ne juges si tu ne veulx estre juge. Et posons ores qu'elles sceussent tout clerement seur leur maistresse sicomme ja est dit devant / & qu'elle fust une tresmauvaise & perverse creature si ne la doibvent ilz diffamer ne entre elles ne aultre part. car parolles ne sçauront ja estre dictes si celeement que raportees ne soyent & elles sont tenues de garder son honneur & couvrir sa honte & que se autres en oyent mal dire de abaisser les parolles & l'excuser. Et en verité celles qui font le contraire font leur grant deshonneur et les en doibt on mains priser ne excuser ne s'en pevent. Car se tu nous dis je voy de quoy j'ay cause de parler & mesdire le service n'est ne bel ne bon nous te respondons si t'en va s'il ne te plaist. Et s'il te est besoing de servir parquoy ne t'en puisses aller que trop grant prudence n'y eusses si tentais a tout le moins & fay semblant que tu n'y voyes goute & que riens n'y apperçoys puis qu'il n'est en toy d'y mettre remede ne quel ne te appartient fay bien et loyaulment ce qu'il te appartient & de plus ne te mesle prie dieu qu'il la vueille amender & luy doint congnoissance se tu y vois mal & se a autre en oys parler abesse les parolles se tu peulz ou sinon t'en tays & de ce seras tu mieulx prisee / mais ce que ja devant est dit certes il va tout autrement Car dieu scet que maintes parlent de leur maistresse qui le font plus par despit de ce que elles ne sont appellees au secret et par l'envye que autres femmes en scevent plus que pour autre precieuté ne cause. Mais toutesfois voicy ce que la bonne & loyalle dame damoyselle ou autre de court fera qui vouldra user de bonne conscience & aymera le bien & honneur de sa maistresse que elle verra dechoir de son honneur & en peril de grant inconvenient si ne luy oseroit dire ne le admonnester / elle s'en yra au confesseur de sa maistresse & non a autre si luy dira secrettement & en confession ce que on dit d'elle & le peril ou elle se met & le mal qui luy en pourroit venir luy priera pour dieu qu'il luy monstre / & ne l'accuse mye.

¶ Cy dit comment il n'appartient a femmes de diffamer l'une l'autre ne dire mal. Chapitre .xxxiiii.

Avecques ce que les femmes de court doyvent garder semblablement que dit est de blasmer ne diffamer l'une l'autre pour le peché & autres causes ja assignees / comme aussi que qui diffame autruy de secret que luy mesmes soit diffamé. Car n'est pas doubte que la personne qui sçaura que on le diffame diffamera aussi celuy ou ceulx qui le diffameront & le deust controuver ne nul ne nulle n'est si juste qui doye dire je ne crains ame que pourroit on dire sur moy je me sens net ou nette pource puis parler des autres hardiement / mais c'est follement penser a ceulx et celles qui ainsi le cuident / car par tout a a redire & quelque maniere & ce tesmoigne l'escripture qui dit il n'est homme sans crime c'estadire sans peché & ce tu n'as ung vice tu en as ung autre par adventure pire ou deux ou trois & si tu ne lisoyes bien en ta conscience tu y trouveroyes assés a redire. car pourtant si ton pechié est secret au monde n'est il pas a dieu mucé & luy seul scet qui est bon pelerin. Et avec ces choses c'est trop grant honneur que aval la ville ou autre part on puisse dire les dames & femmes de court mesdient trop bien l'une de l'autre j'ay ouÿ dire a telle dame ou damoiselle tel chose et telle de tel autre. Car court de princesse en tel cas doit estre ainsi que une abbaye bien ordonnee dont les moynes ont serment que aux seculiers ne dehors ne diront riens de chose qui adviengne entre eulx ne de leurs secretz tout ainsi se doivent aymer & porter l'une l'autre comme seurs dames & femmes de court non mye tencer ensemble es chambres des dames ne de traire en derriere comme feroyent harengieres. Car telles choses sont trop mal seans a court de princesse & ne les devroit on souffrir. Nous avons cy devant que la troiziesme cause qui fait mesdire est envye & que c'est celle qui fait le moins a excuser. C'est assavoir est la plus mauvaise & la plus loing de droit & de toute raison & il est vray car se le haineux mesdit de celluy qui luy a meffait c'est chose naturelle que chascun dueille de sa blessure & si dieu ne le deffendoit par la raison susdicte selon droit sensuel te seroit chose juste aussi qui mesdit par oppinion se peut aucunement fonder sur aucune apparence ou couleur qui luy appert comme il luy semble de ce qu'il dit / mais qui mesdit par envye il n'a autre cause ne mais pure mauvaistie qui est & habonde en son courage & pource est le plus dampnable a celle ou celluy qui le dit & le plus perilleux a celluy ou celle de qui il dit que quelzconques autres mesdit. Car oncques morsure de serpent coup d'espee ou autre pointure ne fut venimeuse ne si perilleuse comme langue de personne envieuse / car elle frape & tue souvent soy & autre & aucuneffois en ame & corps. Car se nous y voulons regarder beau sire dieu quans royaulmes quantes contrees & quantes bonnes personnes ont esté destruyctes par maulvais rapors dont le fondement venoit & sourdoit d'envie a merveilles nous en trouvons plusieurs exemples lesquelz je laisse pour briefveté. Et que il est vray que le mesdit de l'envieux viengne par pure mauvaistie sans autre achoison il y pert. Car dequoy a deservy celuy ou celle qui est bonne personne ou qui a plusieurs des biens de grace de nature & de fortune que on die mal de luy ou que il luy pourchasse encombrier pourtant se ces choses luy viennent bien ou se il est eureux & bien fortuné cestuy mesdit ne vient de nul droit pource concluons ce que dit est devant c'est assavoir de pure mauvaistie il vient / & pourtant est le plus dampnable & de ceste envye pource que cy devant en est assez parlé au quatriesme & cinquiesme chapitre de ceste deuxiesme partie n'en dirons plus & suffise a tant quant a parler des dames damoiselles & femmes de court.

Cy parle de dames baronesses la maniere du sçavoir qu'il leur appartient. chap. .xxxv.

Or advient a parler aux dames et damoiselles qui demeurent en chasteaulx ou en autres manoirs sur leurs terres ou en villes fermees ou bours / si nous fault adviser que nous pourrons dire qui leur soit propice. Et pource que leurs estatz & puissances soyent differens nous convient parler en aucunes choses differentement c'est assavoir de l'estat ordre & maniere de leurs vivre / mais quant aux meurs et biensfaitz vers dieu tout leur affiert ce que dit est devant aussi bien que aux princesses & dames de la court. C'est a entendre ensuyvir les vertus & fuyr les vices si le pourront la veoir si leur plaist. & pource que en diverses seigneuries sont demourans plusieurs puissans dames. Sicomme baronesses & grans terriennes qui pourtant ne sont pas appellees princesses lequel nom de prince n'affiert estre dit ne mais des emperis des roynes & des duchesses se ce n'est aux femmes de ceulx a qui a cause de leurs terres sont appellees princesses par le droit nom du lieu sicomme il en a en ytalie & ailleurs & quoy que les contesses ne soyent mye en tous pays nommees princesses / mais pource que suyvent assés le renc des duchesses selon la dignité des terres entendons d'elles ou nombre dessusdit des princesses parlerons icy premierement ausdictes baronnesses dont assés y a en france en bretaigne & autre part qui passeroient en honneur & puissance moult de contesses est il quoy que le nom de baron ne soit si hault que de conte / mais moult est la puissance grant d'aulcuns barons a cause de leurs terres & seigneuries & la noblesse qui y est dont leurs femmes tiennent moult grant estat & a dire d'icelles ce que a leur gouvernement appartient est assavoir qu'il affiert trespeciallement a baronnesses qu'elles soyent saiges & prudentes & plus communement que les autres femmes. Si nous convient deviser comment s'estendra son sçavoir / ce que elle se sache entendre de toutes choses / car dit le philozophe que celluy n'est pas saige qui ne congnoist aucune chose de chascune part. Et aussi luy appartient a avoir sicomme couraige d'homme. Si n'est mye a dire que elle doye estre nourrie trop en chambre ne soubz grans & feminines mignotes. Or est a parler des causes [qui nous meuvent. Il n'est pas doubte que il apertient a tout baron, se il veult estre honnourez en son degré, que le moins du temps demoure sus ses manoirs et en son propre lieu, car suivre armes, la court de son prince, et voyagier sont ses offices. Or demeure la dame, sa compaigne, laquelle doit representer son lieu: quoy que il ait assez baillis, prevosts, receveurs et gouverneurs, il affiert que souveraine soit sur tous. Et pour ce convient ce faire: veult selon son droit que elle se gouverne par tel savoir que craintte soit et aussi amee. Car c'est la meilleur craintte qui soit que celle qui vient d'amour, si que dit est devant, et que ses hommes puissent recourir a elle pour tous reffuges aprés le seigneur, et en cas que on leur feroit aucun tort: et pour ce est droit que elle sache de toutes choses, afin que en chascun cas puist donner response convenable. Soit toute enseignee et aprise des usages, drois et coustumes du lieu, et quelz choses y apertiennent; bien enlangagee, haultaine, se besoing est, par bonne discrecion contre ceulx qui la vouldroient mespriser ou qui aucunement seroient rebarbatis et rebelles, et doulce, humble, et charitable vers les gens obeissans; si doit ouvrer par les gens du conseil de son seigneur en tous ses fais, et oïr les opinions des anciens sages afin que elle ne soit reprise de chose que elle face ne que on ne die que elle vueille ouvrer de sa teste. Nous avons dit aussi que elle doit avoir cuer d'omme, c'est qu'elle doit savoir des drois d'armes et toutes choses qui y affierent afin que elle soit preste d'ordonner ses hommes se besoings est, et le sache faire pour assaillir et pour deffendre se le cas s'y adonne; prendre garde que ses forteresses soient bien garnies; se elle est en aucun doubte ou avis que elle entrepregne aucun fait, essaie ses gens et sache de leurs courages et voulentez ains que trop s'y fie, regarde quelle puissance elle a de gens et quel secours puet avoir se besoing en a; et que elle en soit certaine, non mie se attendre en vain ne en foibles promesses, prengne garde comment pourra fournir ains que son seigneur viegne, et quel finance elle a et puet avoir pour ce faire; se garde le plus que elle pourra de grever ses hommes, car c'est chose de quoy on acquiert trop leur haine; parle hardiement et constamment a ses gens de ce qui sera deliberé par son conseil a faire, non pas die hui une raison et demain une autre; donne par ses bonnes et belles paroles courage aux gens] d'armes & a ses hommes d'estre bons & loyaulx et de bien faire ainsi & par tel voye sont ces manieres convenables a tenir a la saige baronnesse son mary estant dehors se il luy en a donne la charge & la commission se il advient que aucun autre baron ou puissant homme luy vueille faire quelque chalenge d'aucune chose. et avecques ce luy sont expedians & propices les manieres que avons ja devisees cy devant ou chap. des princesses vefves lesquelles choses par une autre raison luy sont prouffitables a aprendre & que elle sache tout le fait de son gouvernement si que dit est / des le vivant de son mary / c'est assavoir que se vefve demouroit qu'elle ne fust pas trouvee ignorante de sçavoir son estre si que chascun la voulsist fouler et emporter sa piece.

¶ Cy devise la maniere comment il appartient que les dames & damoiselles qui demeurent sur leurs manoirs se gouvernent ou fait de mesnage. chap. .xxxvi.

Que autre maniere d'estat & de vivre appartient aux simples dames et damoiselles demourans es fors ou sur leurs terres dehors les bonnes villes que aux baronnesses mais nonpourtant pource que semblablement que les barons et encores plus communement les chevaliers escuyers & gentilz hommes voyagent & suyvent guerres est convenable a leurs femmes qu'elles soyent sages de grant gouvernement & voyent cler en leurs faitz pource le plus de temps elles demeurent a leurs mesnaiges sans leurs marys qui a court sont ou en divers pays. si convient qu'elles ayent tout le soing de gouvernement & faire valoir leurs revenues et leurs meubles. Si appartient a chascune dame de tel estat s'elle veult user de sens qu'elle sache combien monte par an & vault la revenue de sa terre. Et doit tant faire s'elle peut ceste saige dame vers son mary par doulces parolles & bons admonnestemens que ilz advisent ensemble & disposent de tenir tel estat comme leurdicte revenue pourra fournir / & non mye si grant par dessus que au bout de l'an se treuvent en debtes vers leurs maisgnies ou autres crediteurs Car sans faille ce n'est point honte de tenir estat selon sa terre ou rente soit ores petit. Mais c'est honte de le tenir si grant que les debteurs viennent tous les jours crier & braire a l'ostel & lever les basteaux telle fois ou qu'il conviengne par necessité qu'on griefve ses hommes ou ses hostes ou qu'on face quelques autres extorcions il appartient a telle dame ou damoiselle / qu'elle soit toute aprinse es droitz des fiefz d'arriere fiefz de censives & droictures de champars de prises de plusieurs mains / et de toutes telles choses qui sont en droit de seigneurie selon les coustumes des pays / affin qu'elle n'y puisse estre deceue. Et pource qu'il est tout plain de gouverneurs de terres & de jurisdicions de seigneurs qui voulentiers trompent doit estre de tout ce advisee & bien s'en prendra garde & ne luy sera point de deshonneur s'elle se congnoist en comptes & que souvant les oye & vueille sçavoir comment iceulx se gouvernent vers ces choses ou hommes qu'ilz ne les trompent ne griefvent oultre raison. Car ce seroit a la charge de l'ame de son mary & d'elle ou fait des amendes aux povres gens doit estre pour l'amour de dieu plus piteuse que rigoureuse. Avecques ces choses luy affiert a estre tresbonne mesnagiere. & qu'elle se congnoisse en labour & en quel temps et en quelle saison on doit donner aux terres & aux labourages les façons / de quelle maniere est le meilleur que les talons aillent selon l'assiete du gueret s'il est en païs sec ou moiste & de la profondeur et qu'ilz soyent droitz & vivement fais semés a point de telz grains que les terres desirent et pareillement se congnoistre au labour des vignes se c'est pays ou il y ait vignoble se doit garder qu'elle ait bons laboureux & maistres en tel office / & ne prengne pas gens qui changent maistre de terme en terme / car c'est mauvais signe ne trop vieulx / car ilz seroyent paresseux & foibles / ne trop jeunes. car trop seroient en jeux / si soit soigneuse de les faire lever matin / ne s'en attendre a nul s'elle est droite mesnagere / ains elle mesme se lieve et affuble une houppelande / voise a sa fenestre & huche tant qu'elle les voye saillir dehors. car de ce sont ilz le plus volentiers paresseux / se voise souvent esbatre aux champs veoir comment ilz labourent. Car assés en est il qui voulentiers se passeroient de grater sans plus la terre par dessus pour eulx en delivrer s'ilz cuidoient qu'on n'y prenist garde et qui bien se scevent dormir aux champs soubz l'ombre d'ung arbre et laisser leurs chevaulx du labour ou les beufz entandis paistre en ung pré et ne leur chault / mais qu'ilz puissent dire au soir qu'ilz ont fait leur journee. Et pource la saige mesnagiere s'en prendra garde. Avec quant les bledz seront sur leur meurir des le mois de may n'attendra pas la cherté / mais baillera son aoust a soyer a compaignons bons fors & diligens / a eulx marchandera & composera a argent ou a bled Et quant viendra au temps qui seront en telle office se prendra garde qu'ilz ne laissent riens derriere eulx ou qu'ilz ne facent assez d'autres faulcetés que telz gens scevent bien faire qui n'est dessus & semblablement es autres labours se lievent voulentiers matin car en l'hostel ou la dame gist communement grande matinee a peine ira bien le mesnage / voise aval l'hostel assez trouvera commander. car peu chault a mesgnie communement comment voise qui n'est dessus / face mettre les bestes hors a heure. prengne garde au bergier comment il les gouverne. & s'il en est maistre / & qu'il ne soit despiteux / car il les font nourrir quant ilz veullent en despit de la maistresse ou du maistre / & quelles soyent nettement tenues gardees de trop ardant soleil & de pluye garies de la rongne / elle yra s'elle est saige souvent au toyt avecques une de ses femmes veoir comment on les ordonne. & ainsi sera le bergier plus songneux qu'il n'y ayt que redire. en fera bien penser au temps qu'elles devront agneler. & prendre grant soing des aigneaulx car souvent se meurent par faulte d'en penser. sera songneuse de lever des nourritures / soit present au tondre & que ce soit en saison. En ces hostelz qui seront en pays ou il aura grans praries & herbaiges tiendra grant foison bestes a cornes. & se foison a avaines qui pou se vendent tiengne des beufz en creche dont fera grant argent quant seront gras / s'elle a bocaiges la tiendra haras qui est prouffitable chose a qui bien s'en scet chevir advisera en yver que les gens sont a bon marché adonc leur fera coper ses saussoyes ou couldroyes & faire des eschaillas pour vendre en la saison aussi embesongnera les varletz a coper bois pour le chauffage de l'hostel ou deffricher quelque champ & s'il fait trop fort temps les fera batre en granche / & ainsi jamais ne les lerra oyseux. Car il n'est chose plus gaste en ung hostel que mesgnie oyseuse. Et semblablement embesongnera ses femmes les chamberieres de penser du bestial de faire a menger aux laboureux & des letaiges sarcler les courtilz aller a l'herbe & estre crotees jusques aux genoulx / elle ses filles & damoiselles s'embesongnera de draper de trier celle laine & sortir. mettre les coletz & la fine a part pour faire fins draps pour son mary & pour elle & pour vendre se mestier est. des gros pour les petis enfans & pour ses femmes et maignie fera des couvertures de gros bourions de la laine. & des fumiers fera cultiver des chanvres que toilleront & filleront au soir en yver ses chamberies pour faire des grosses toilles Et toutes telz choses & autres semblables qui trop long seroit a dire en plat pays ont mestier a mesnage / & celle qui plus en est diligente quelque grande qu'elle soit fait le plus que saige & en doit estre treslouee / & ceste voye tenir a saige mesnagiere rend aucunesfois plus de prouffit que la droicte revenue de la terre / sicomme le sçavoit bien faire la saige mesnagiere contesse de Eu mere du bon jeune conte qui mourut en voyage de hongrie qui n'avoit point de honte de se employer en tout honneste labeur de mesnaige tant que plus valoit par an le prouffit qui yssoit que toute la revenue de sa terre. Et de telle femme se peut bien dire la louenge que recite l'espitre de salomon de la saige femme.

¶ Cy devise de celles qui sont oultrageuses en leurs habitz atours & habillemens. Chap. .xxxvii.

ET pource que nous avons touché au chap. sidevant que les dames & damoiselles demourans dehors sur leurs manoirs & heritages doivent adviser & conseiller leurs maris de leur estat. C'est assavoir: que plus grans ne seront tenus que leurs revenues peut fournir. Nous semble bon admonnester a celles qui saigement veullent vivre & ensuyvre nostre doctrine qu'elles se veullent garder des superfluités & oultrages que aucunes font par especial en deux choses venues a cause de grant orgueil qui court entre plusieurs d'elles quoy que ailleurs soyent assez communs / mais pource que nostre present propos chiet en la matiere & que iceulx vices & deffaulx pevent tourner a grant prejudice de leurs ames et ne sont bons ne beaulx mesmes au corps en parlerons / l'ung est des tresoultrageux atours & habitz qu'ilz prennent / & l'autre des harnois qu'ilz font d'aller l'une devant l'autre ensemble sont. Et premierement de ce qui touche aux habitz a declarer que celles qui tant se delictent mesprennent n'est pas doubte que par les belles anciennes coustumes les habitz des roynes n'osassent prendre les duchesses / ne ceulx des duchesses les contesses. ne ceulx des contesses les simples dames / ne ceulx des dames les damoiselles / mais a present que tout est desordonné y pert comment tout va. car il n'y a es habitz ne es atours rigle tenu / car qui plus en peut faire de quelque estat que ce soit soyent femmes ou hommes leur semble qu'ilz besongnent le mieulx & tout ainsi que les brebis suyvent l'une l'autre / s'il y a aucun homme ou femme qui voye faire a autre quelque oultrage ou desordonnance en habit tantost les autres le suyvent & dient qu'il fault faire comme les autres / mais ilz dient voir il fault que ung autre oultrageux suyve ung autre oultrageux. mais se la plus grant partie des gens estoient bien amoderés & de bon sçavoir on ne suyvroit point l'un l'autre en faisant de riens oultraige / ains celluy qui l'auroit commencee en seroit moins prise & demouroit seul en la follie. Je ne sçay quelle plaisance ce peut estre & n'est que faulte de sens qui ainsi abuse les creatures / car par telz oultraiges d'estat d'abitz on n'en est de riens mieulx prisé / mais moins de ceulx & celles qui ont sens car il n'est plus grant mocquerie que de veoir a personne qui quelque soit grant & oultrageux estat & on scet bien qu'il ne luy appartient ou qu'il n'y a dequoy le maintenir et le temps est ores venu que on ne voit autre chose. Et se telz gens ont de la povreté par decoste que mal leur en prengne on ne les doibt pas plaindre car plusieurs en desertent et mettent a povreté par telz oultraiges qui fussent bien ayses se amoderement voulsissent vivre. & plus grant honte y a a plusieurs des debtes que souvent sont a cousturiers peletiers drapiers & orfevres desquelz sont a la fois executés & fault qu'ilz baillent une robe en gaige pour avoir l'autre. Et dieu scet se on leur salle bien ce qu'ilz prennent a creance & la denree leur couste au double. Et ces choses nous disons pour ceulx & celles qui le font en cuidant par celle voye surmonter leurs voisins. mais ce fait tout l'abondance du grant orgueil qui regne au jourd'huy sans faille plus que oncques mais / car a nul ne suffit son estat ains vouldroyent chascun sembler ung roy / & sera force que tel orgueil dieu punisse quelque fois lourdement. car il ne le peut souffrir. Et n'est ce pas grant oultraige voirement & chose superflue ce que comptoit l'autre jour ung taillandier de robes de paris qu'il avoit fait pour une dame simple qui demeure en gastinois une cotte hardie ou il a mis cinq aulnes a la mesure de paris de drap de brouxelles de la grant moison / et traine bien par terre trois quartiers de queue & aux manches a bonbardes qui vont jusques aux pedz / mais dieu scet se selon cest habit comment large atour & haultes cornes qui est en verité ung tres layt habillement & qui messiet n'est pas doubte a qui cler y voit / le moyen est le plus doulx & le plus plaisant: Et cecy est quant aux dames de france / car es autres pays se tiennent plus longuement communement les coustumes que ont tant hommes que femmes en leurs habillemens non mye changant de an en an comme icy qui va tousjours en croissans oultraiges. Mais encores comme il nous semble sont plus a priser les habillemens de ytalie par especial & d'aucuns aultres lieux voire quant a la coustange car quoy qu'ilz soyent de plus grant veue couvers de perles d'or & de pierrerie si ne coustent ilz point tant car c'est chose qui dure et se peut mettre de robe a autre. Mais telz oultraiges de draps & de pennes trainans se usent & fault tantost des autres. Et semblablement des atours des testes sont plus beaulx les leurs. Car il n'est au monde plus gracieulx atour a femmes que beaulx cheveulx blons. Et ce mesmes tesmoigne assez saint paul qui dit que cheveulx est le parement des femmes.

¶ Ce parle contre l'orgueil d'aucunes. Chap. .xxxviii.

Mais l'orgueil de ces habitz dessusditz suyt ung aultre oultraige. certes moult desplaisant a qui droit y vise / c'est le harnoys que plusieurs font quant es compaignies a nopces & assemblees de femmes d'aller l'une devant l'autre / dieu scet les envies qui pour ceste cause sourdent / & les mautalens / & mesmement en laissent plusieurs y a a acointer l'une a l'autre & faire amytiés ensemble pensant. se je acointoye celle la qui se tient grande il conviendroit que je allasse au dessoubz d'elle & que devant moy fust mise / si ne le pourroit mon cueur souffrir. pource n'iray je point en sa compaignie. Et ainsi pour celle cause font plusieurs femmes tant estranges l'une de l'autre qu'elles se entreregardent es compaignies par dessus l'espaulle comme s'elles voulsissent / dire. celle la ne me vault mye. Et ce tour scevent bien faire mesmes a paris assez en est il dont qu'elles soient venues mais que leurs marys soyent ung pou montés par quelque office de roy. mais qui pir est encores a parler d'icelles dames & damoiselles ou autres de ce qu'elle en font en l'eglise de dieu auquel lieu par especiaulté doit estre eschevé tout peche qui plus est grief & grant quant il est fait ou pensé la que autre part / car c'est la place d'oraison au service de dieu le createur. sicomme luymesmes tesmoigne en la saincte evangille. Le harnois qu'elles font de aller a l'offrande l'une devant l'autre qui est tel & si oultrageux. Et plus est encores ceste coustume maintenue en picardie & bretaigne que en ceste france. Car on a veu mainte fois d'aucunes tant oultrecuydees que pour celle cause se prenoyent aux mains en l'eglise mesmes & s'entrefaisoient & disoyent de grans oultrages. Et semblablement de prendre le paix. Mais pis y a que les maleureux maris voire de telz y a la nourrissent & introduisent en celle folie & le veullent / ou autremens se ainsi ne le faisoient ilz se courrousseroyent a elles pensant. Je suis plus gentilhomme que tel / si doit ma femme aller devant la sienne. Et l'autre repensera. Mais moy suis plus riche ou plus grant en office ou pareil. si ne souffriray point que sa femme prengne l'honneur devant la mienne. Et par ainsi aucuneffois que pour ceste cause mesmes les folz hommes s'en entrebatent. Ha dieu quelz oultrages & quelle faulte de sens & sans faillir on ne deveroit point souffrir entre crestiens telz oultraiges. Et les curés & prestres ou les evesques mesmement qui plus ont puissance se les simples prestres n'osent deveroyent deffendre en leurs jurisdicions telles injures faire par especial en l'eglise. Car en verité mieulx vauldroit que telles femmes fussent en leurs maisons que de mener la faitz si oultrageux. Et les prestres qui a telz boubans les voyent venir a l'autel par semblant d'offrir a dieu a elles offrent au prince d'enfer qui est pere d'orgueil se deveroient tourner a n'attendre leur offrende & semblablement de la paix on leur deveroit attacher a ung clou & l'alast baiser qui vouldroit. Et sans faille celles dont nous parlons baisent bien l'oustil que on dit paix / mais pourtant ne la prennent mye ains prennent guerre puis que leur cueur en est en rancune par l'eslevance de grant orgueil Et c'est certes une mauvaise & laide coustume d'ainsi s'entreenvoyer la paix a la messe comme on fait & ung grant destourbier & empeschement de devotion car tel l'envoye a ung autre qui auroit grant despit s'il la prenoit Et que vallent donc telz serimonies. Car puis que elle signifie la communion de paix qui doit estre entre crestiens aussi bien appartient elle aux petis comme aux grans. Et les choses qui sont de dieu toute personne a qui elles viennent ne les doit refuser pour envoyer a ung autre. Et vrayement a tout dire telz coustumes sont a reprouver entre crestiens. mais pource qu'il ne souffist mye dire de sa maladie qui ne touche & parle du remede a la curer qui sans faille pour oster l'enfleure de tel orgueil acoustume a maintenir en ceste maniere / laquelle chose grant charité et bien seroit pour le prouffit des dames de plusieurs* si que ja avons touché cy devant que les evesques se penassent d'oster ces laides coustumes en telle maniere que ilz excommuniassent aprés la deffence tous ceulx & celles qui maintenir le vouldront & grant bien seroit. et a parler des creatures qui se veullent par arrogance eslever en si fais boubans certes grans folye les y conduyt. Car homme se tu veulx bien adviser la misere de ton commencement / ou tu es / ou tu yras tu n'auras cause de toy orgueillir. Et se tu veulx dire que ce fait gentillesse qui te conduyt & maine a desirer telz honneurs nous te faisons assavoir que il n'est noble si n'a aultre gentillesse ne mais des vertus & des bonnes meurs & se tu ne les suis et as en toy qui que tu soyes ne n'est point gentil ne gentillesse. Et se tu le cuides estre folle opinion te deçoit. Et ce mesmes tesmoignent tous les sains docteurs qui a ce propos ont parlé en disant que celuy n'est pas le plus grant qui plus est eslevé en estat. mais celuy qui est le plus vertueux. Et saint augustin au livre des parolles de nostreseigneur nommeement parlant a vous. C'est assavoir a ceulx qui cuident estre nobles seulement pour le sang & ne font force des vertus. O fait il gent deceue par cuider / vous vous delictes en haultesse & estre reputés grans & trenchiés a y monter / mais vous n'en sçavés pas bien le chemin ains vous y forvoyés / car vous cuidés attaindre & monter hault & vous descendés par ce que le premier degré ou voulés asseoir vostre pié est orgueil qui est tresbasse & vile fosse / mais je vous adresseray mieulx au degré par ou on monte se croyre me voulés. C'est le degré d'humilité qui est le premier & puis les autres vertus ensuyvant & ce par la montés vous serés tresnobles & yrés tant hault que vous vouldrés sans que nulle mauvaise fortune vous puist nuyre. Aprés ces choses reste a parler des dames & damoiselles qui demeurent aux bonnes villes & es cités fermees affin qu'en difference de toutes pensions dire quelque chose qui a l'acroissement de leur bien & honneur puist estre. Si est assavoir qu'il advient aulcunesfois & souvent que les gentilz hommes marient de leurs filles a de riches hommes demourans es cités & bonnes villes. dont les ungs sont chevaliers ou officiers du roy. les autres bourgois ou grans marchans. Et celles ne sont pas tousjours le pis mariees s'elles le veullent prendre en gré & se oppinion ne les deçoit / mais il advient aucunesfois a d'aucunes par faulte de sens et habondance d'orgueil que elles ne s'en tiennent par pour contentes / par ce qu'elles reputent leurs maris villains envers elles qui est grant folie si que ja est prouvé si devant / car nul n'est villain s'il ne fait vilenie ne gentil s'il n'est vertueulx / & pource se elles sont nobles & gentilz femmes le doivent monstrer par bonnes meurs & oeuvres vertueuses. Car si que il est contenu ou livre de ecclesiaste Se tu es grant & tu te humilies de tant croistra plus ta grandeur & ton honneur. Car de tant seras tu mieulx prisé. A propos icelles gentilz femmes de tant que plus se humilieront devant leurs marys en obeissance & reverence & la foy que mariaige requiert de tant plus croistra leur honneur. Car quoy qu'il appartiengne a toutes femmes la faire encores icelles plus que les autres en seront prisees. Et se es compaignies des autres femmes sont trouvees courtoises humbles & humaines & a leur maisgnie non trop maistriseuses ne trop curieuses de grant service entour elles & a toutes gens amiables & benignes de honorable port maintien & habit sans oultrage elles seront de bon exemple aux autres femmes & dira l'en d'elles ce qui est dit au proverbe commun Qui des bons est souef flaire.

¶ Cy devise des manieres qui appartiennent a dames de religion. chap. .xxxix.

Pource que nous avons parlé a la doctrine des dames & damoiselles / auquel estat noble les dames de religion de qui qu'elles soyent nees pour reverence de dieu a qui elles sont donnees & mariees pevent bien aller ou renc voire devant toutes a droit juger quant a honneur / pour reverence de leur espoux & d'ordre de religion qui est entre les estatz selon dieu de moult grant hautesse. Et affin que nostre doctrine soit generalle en tous les estatz des femmes parlerons a elles en ramentevant la forme de leur vivre. Laquelle nous disons il est vray / doit estre fondee sur sept principalles vertus desquelles vertus parlerons selon les ditz de jhesucrist & le tesmoignage des saintz docteurs. Et est a entendre que par la louenge des vertus sont les vices blasmes. Car se bien faire est bien il s'ensuyt que mal faire soit mal. Et pource que c'est plaisant chose d'oïr parler du bien et du mal. Nous plaist pour la reverence du sainct ordre tenir ceste forme en cestuy procés. Si disons ainsi a vous dames de religion combien que les leçons de vos status et rigles de tenir et ensuyvir les institucions establies par voz premiers fondateurs le vous notent & enseignent assez ne vous soit grief oÿr de rechief recorder par nous vos aymes si vous plaist les principalles vertus qui vous conviennent & sont necessaires / lesquelles sont sept especialles. C'est assavoir la premiere obedience sur laquelle est fondee toute ordre. La .ii. humilité. La .iii. sobresse. La quarte pacience. La .v. sollicitude. La .vi. chasteté. La .vii. concorde & benivolence. Et d'icelles nonobstant que nostre parolle s'adresse a entre vous religieuses doit estre entendu que semblablement y pevent tendre l'oreille toutes femmes & prendre ce qui peut toucher a leur proffit. Et aussi se aucune gouste ou miette en peut cheoir sur les hommes ne la vueillent pas despris escourre ne gecter la aval. Car bonne doctrine se peut comparer au bon & loyal amy. Lequel quant il ne peut ayder aumoins ne nuyst il point de ceste vertu d'obedience surquoy religion est fondee ne povons dire plusgrant louenge que ce que la saincte escripture mesmes en dit de nostreseigneur que il mesmes l'approuvant en sa personne qu'il fut trouvé obedient jusques a la mort. Si est a entendre obedience en trois choses principalles. C'est assavoir obeir a dieu en tenant ses commandemens car devant elle ne doit aller quelconque autre puis aux loys establies & aprés a son souverain. Si est doncques ainsi que la religieuse doit souverainement garder les commandemens de dieu. Aps tenir la loy establye de son ordre qui est a entendre les pointz & rigles. Et tiercement obeir a son abbeesse ou prieure. Quant est du premier chascun scet assés quiconques trespasse commandemens de dieu il peche mortellement. Mais pource que ordre de religion est plus digne que autre estat & plus grant degré peche plus mortellement religieux ou religieuse si chiet en pechié que autre ne fait & y a plusieurs causes dont l'une est ja dicte. C'est assavoir pource que ilz sont en plus saint estat tout ainsi que pis seroit le chambellan du roy s'il commettoit quelque crime contre la magesté que ne feroit celuy qui au roy n'auroit foy ne fiance ne aucun office. Aprés qu'elles feroient contre leurs veulx qui tous touchent que dieu serviront singulierement de toute leur force & qui peche ne le sert pas / ains fait tout le contraire Si devés bien garder entre vous dames que vous ne trepassés nulz des pointz de vostre ordre. Car durement pecheriés & tel chose a vous seroit pechié qui aux seculiers ne le seroit mye pource que ce seroit contre vos institucions a qui desoberiés. Avecques ce les commandemens de vostre soubz prieure ne vous doibvent estre griefz pensant la grant merite que en obeissant humblement acquerés La deuxiesme vertu est humilité sans laquelle se toutes autres aviés ne pourriés a dieu plaire. Et que ceste vertu soit aggreable a dieu tesmoigne la saincte escripture que l'humilité de la vierge marie plus agrea a nostre seigneur que mesmes sa virginité Et comme elle luy fut agreable le tesmoigne elle mesmes en sa chançon de magnificat ou elle dit il regarde l'umilité de son ancelle. Et certes qui vouldroit bien espeluchier & cuillir les louenges de ceste vertu d'umilité ce que la saincte escripture en dit seroit si comme une droicte abisme. La tierce vertu est sobrieté en laquelle est contenue abstine. Et a demonstrer qu'elle vous soit convenable le certifierons par les parolles de saint augustin ou livre aux sainctes vierges ou il dit que sobresse est la garde & tutelle de la pensee du sens & de tout le corps. C'est la custode de chasteté / c'est la voisine de vergongne la compaigne de paix & d'amistié & l'ensevelissement de tous vices. Item oregenes de ce mesmes dit que tout ainsi que yvresse est la naissance de tous vices / aussi sobrieté est la mere de toutes vertus. Pacience en la quarte qui pourroit tous racompter les grans biens de ceste vertu. Mais pour tout dire ainsi comme il appert par la vie de nostreseigneur qui en voult estre le droit acteur si pevent appeller les paciens drois filz de dieu. Et pource les appelle l'evangille beneurés. Car pour eulx proprement est le royaulme des cieulx. La quinte vertu qui a religieuse convient est solicitude ou diligence. Et pour mieulx declarer que elle luy soit convenable sans que nous querons aultres preuves de ceste vertu dit saint hierosme sur le psaultier qu'elle vint ce qu'il dit & suppedite nature par vertueuse diligence affin que les haulx biens ne te soyent empeschés c'est que tu faces tant que tu maistries mesmes le sommeil corporel & tous tes sens lesquelles choses tu peulz faire par diligence. Car mesmes nature peult estre maistrisee et domptee par celle vertu / c'est a dire par grant cure de vouloir attaindre a gouverner selon l'esperit son propre corps / lesquelles choses sont necessaires a bonne religieuse. La sixiesme vertu est chasteté a laquelle se conforme toute honnesteté tant d'abit & atour comme de parolles et de maintien. Si vous deffend ceste vertu se a droit la voulés tenir tout vestement & atour ou il ait tant soit petit de mondanité ne curiosité. ains soit tres simple et honneste chascune selon son ordre et est contre aucunes qui veullent estre jolies en leurs vestemens & atours estraintes espinglees / laquelle chose est treslaide & lubre a dame de religion ne plus deshonneste chose a veoir ne nulle autre que femme de religion en habit desordonnee. Mais encores croist trop plus le mechief quant aucunes veullent dancer baler ou jouer a jeux balufres & entre hommes certes se me semble ennemys ainsi transfigurés ne riens n'est plus lait ne plus abhominable que vos parolles se elles se desrivent de la rigle de pureté & d'onnesteté & celles qui se tiennent en tel estat ne pensent pas le contraire que l'ennemy d'enfer ne soit entre elles / Si sont ces choses contre chasteté. Lesquelles pour dieu treschieres amyes ne veullés avoir en vous. Car vous mesleries poison angoisseuse avec miel pour vostre dampnement / mais vous delictes en celle vertu de chasteté de laquelle dit sainct ambroise ou livre de virginité en la louant. Chateté dit il fait d'homme aignel. Car qui la garde il est aignel / et qui la pert il est dyable quil la garde il est citoyen & bourgois de paradis de ceste dit saint bernard que tout ainsi que la baulme a proprieté de garder char de pourriture chasteté garde l'ame sans corruption et tient en netteté & conferme la renommee ou bonne odeur. Et pource fut dit de la bonne dame judith louee de tout le peuple tu es la gloire de jherusalem tu es la lyesse d'israel tu es l'honneur de nostre peuple a qui dieu a donné force d'homme de laquelle tu as ouvré pource que tu as aymé chasteté. La septiesme est concorde ou benivolence laquelle est necessaire entre vous et que vous la doyés aymer et tenir chiere en vos couvens comme le droit lien de paix entendés que saint ambroise ou premier livre des offices dit. Benivolence fait il est ainsi que la commune mere de tous / car elle couple & ajoint tellement gens ensemble que ilz sont comme freres loyaulx aymans le bien l'ung de l'autre & tristes du contraire. Et qui osteroit benivolence d'une assemblee de gens autant vauldroit que on leur ostast le soleil. Et puis dist il benivolence est ainsi comme une fontaine qui rassasie ceulx qui ont soif. Benivolence est une lumiere qui luist a soy & a autruy. benivolence engendre paix brise le glaive de courroux elle fait tout ung de plusieurs & a tout dire elle est de si grant puissance qu'elle peut par sus nature. Par ces choses povés entendre trescheres dames qu'en vraye loyalle amour devés entendre & vivre ensemble comme seurs en union de paix. Et a tant souffise la deuxiesme partie de ce livre. Cy fine la seconde partie.

¶ Le premier chapitre parle comment tout ce qui est dit devant peut toucher aussi bien les unes comme les autres des femmes et de la maniere et gouvernement que femme d'estat doit tenir ou fait de son mesnage. chap. .xl.

Au commencement de ceste .iii. partie suyvant la route des princesses qui devant vont & puis les dames & damoiselles de court & dehors nous convient si que nous promismes parler aux femmes d'estat des cités. C'est assavoir a celles qui sont mariees aux clercz gens de conseil de roys ou de princes ou gardans justice ou en divers offices & aussi a celles qui sont mariees au bourgois des cités & bonnes villes qui en aucuns pays sont appellees nobles quant ilz sont de lignages anciens. Et aprés dirons aux autres estatz des femmes / affin que toutes se sentent de nostre doctrine. Et si que ja avons touché plusieurs fois cy devant c'est nostre entente que tout ce que recordé avons aux autres dames tant es vertus comme au gouvernement de vivre en ce qui peult a chascune femme appartenir de quelque estat qu'elle soit / soit aussi bien dit pour les unes que pour les autres si peut chascune prendre telle piece qu'elle voit qui luy appartient. et ne vueille mye faire comme aulcune folz ou folles qui sont trop aises quant ilz sont au sermon & le prescheur parle sur la charge d'aucun estat qui ne leur touche & trop bien le notent & dient qu'il dit vray & que c'est bien dit. mais quant vient a ce qui leur peut appartenir ilz baissent la teste & cloent les oreilles / & leur semble qu'on leur fait grant tort de en parler & ne prennent point garde a leurs faictz / mais ouy bien aux autres. Et pource le saige prescheur doit trop bien adviser quelz estatz de gens a a son sermon & s'il parle bien aux ungz doit si bien toucher les autres que l'ung ne se puisse mocquer de l'autre ne murmurer. Si dirons doncques ainsi de rechief nous troys vertus comme dessus disons a vous femmes d'estat & bourgoises de cités & bonnes villes que l'oreille vueillés tendre sur les enseignemens qui vous pevent appartenir principallement sur .iiii. quoy qu'ilz soyent ailleurs touchés aprés ce que nous supposons que ja vers dieu soyés bonnes & devotes / mais a ce qui touche prudence mondaine l'un des quatre. Et le premier est a ce qui appartient a l'amour & foy que devés avoir a vos maris / et comment vers eulx vous vous devés porter. Le second point au fait du gouvernement de vostre mesnaige. Et le tiers touche vos vestures & habillemens. Le quart comment vous garderés de blasme et de cheoir en diffame Et quant au premier qui est de l'amour & foy que debvés a vos parties / et comment vers eulx vous appartient a gouverner soyent vos maris vielz ou jeunes bons ou mauvais paisibles ou rioteux de petite loyaulté vers vous ou preudhommes affin que ne redisions ce que devant est ja dit / mais vous envoyrons cercher au tresiesme chapitre de la premiere partie de cestuy livre ou la en est assés a plain desclairé. Mais avec ce affin que plus vous embellisse a tenir vers eulx les manieres qui vous pevent touchier qui la sont devisees vous reduirons a memoire trois biens qui de vous gouverner bien et saigement vers eulx qui qu'ilz soyent et leur garder la foy et loyaulté promise tenir en bonne paix et en toutes choses faire vos devoirs vous peut venir. L'ung est grant merite a l'ame que acquerés faisant vos devoirs L'autre est grant honneur au monde. Et le tiers est que on a veu maintes fois et voit on souvent que quoy que plusieurs riches hommes de plusieurs et divers estatz ayent esté / et soyent merveilleux a leurs femmes en tous temps / que quant vient a la mort que conscience les reprent et advisent le bien de leurs femmes qui si bonnement les ont supportez et le tort qu'ilz ont eu vers elles que ilz les laissent dames et maistresses de tout quant qu'ilz ont vaillant. Le second point de nostre enseignement et doctrine que avons dit qu'il vous convient qui touche au faict de mesnage / c'est que vous devés mettre grant cure et diligence de distribuer saigement et mettre au prouffit les biens et la chevance que vos maris par leur labour office ou rente amainent ou pourchassent a l'ostel. Et est l'office de l'homme d'acquerre & faire venir en la maison les provisions / et les femmes les doivent ordonner et dispenser par bonne discrection & ordre convenable sans trop grant escharceté. Et aussi bien se doit garder de folle largesse Car c'est ce qui vuide et desemplit la bource et met la personne a povreté Bien adviser en toutes choses que degast ne excés n'en puisse estre faict ne s'en attendre mye du tout a la mesgnie. Ainçois elle mesmes estre dessus & s'en prendre souvent garde & de ses choses vouloir avoir le compte. Ceste saige dame ou mesnagiere se doit congnoistre en toutes choses de mesmement en appareiller a menger affin qu'elle le sache ordonner & commander a ses servans ou servantes parquoy elle puist tousjours garder la paix de son mary s'il semons gens d'honneur en son hostel / si doibt ellemesmes se besoing est aller en la cuysine & ordonner comment ilz seront servis / doit bien garder que son hostel & sa maison soit tenue nettement & toutes choses en leur place & par ordre. ses enfans bien enseignés & endoctrinés ne quoy que qu'ilz soyent petis que on ne les oye point mignoter ne aussi mener grant noise. soyent nettement tenus & riglement gouvernez ne que drappeaulx a nourrices ne riens qui leur appartienne ne traine point aval l'hostel / doit estre songneuse que son mary soit nettement tenu en robes & aultres choses. car le nect adornement du mary est l'honneur de la femme qui soit bien servy & sa paix gardee / & quant il vient a l'hostel pour prendre son repas que tout soit prest & ordonné tables & dressoir selon l'estat / & s'elle veult user de prudence & avoir les loz du monde & de son mary s'il est homme de bien luy soit a toutes heures faire bonne chiere affin que s'il advient qu'il soit aulcunement troublé en couraige sicomme en diverses choses que les hommes ont affaire livrent aucunesfois mains desplaisirs qu'elle luy puisse par son gracieux accueil faire aulcunement entreoublier. Car n'est point de doubte que c'est grant recreation a homme de bien quant il vient en son hostel & s'il a quelque ennuy en pensee & treuve sa femme qui saigement & gratieusement l'acueille & c'est bien raison que ainsi soit faict. Car celluy qui pourchasse le vivre & l'estat. & qui en a la peine & le soussy ne peut au moins que d'estre bien acueilly en son hostel ne doit point ceste femme tencier / rechigner ne rioter sa maisgnie a table. mais s'il y a aulcune chose qu'ilz ayent faict mal a point les doit reprendre en briefves parolles sans tençons. Car a refection laquelle doit estre prinse joyeusement est trop dure chose a oÿr celle note: Et se son mary est mauvais ou rioteux le doit appaiser a son povoir par belles parolles ne luy enquerre point de ses besongnes ne autres choses aucunement secrettes a tables ne devant mesgnie. mais a part et en sa chambre. Ceste saige mesnagiere avec ce que dit est sera songneuse de lever matin. Et quant elle aura ouÿ messe & dictes ses devotions & retournee a son hostel commandera a ses gens de ce que besoing sera puis se prendra a faire aucune bonne oeuvre ou a filler ou a couldre quelque autre chose. Et quant ces chamberieres auront fait leur mesnaige vouldra que semblablement facent / ne filles ne femmes ne ellemesmes ne vouldra veoir ne souffrir nulles heures oyseuses / elle achetera du lin a bon marché aux foires / fera filler en ville aux povres femmes mais se garde bien que leur peine elle ne retiengne par quelque engignement ou par sa maistrise. car elle se damneroit ne ja a son proffit n'iroit. Si fera faire toilles grosses & deliees nappes & touailles & autres linges & de ce sera tressoigneuse. car c'est le plaisir naturel aux femmes qui n'est lait ne villain mais honneste & licite si fera tant que elle aura de tres beau linge delié large a parer & bien ouvrer. Si le tiendra blanc & souef flairant bien ployé en coffre & de ce sera tressoigneuse si en seront servis les gens d'honneur que son mary amenera dont elle sera prisee & louee. Ceste saige femme prendra bien garde que riens ne pourrisse aval son hostel / & ne voise a gast dequoy povres se peussent aucunement ayder / ne que relief n'y endurcisse robbes ne soyent mengees de vers si les fera donnera aux povres. Mais s'elle ayme le bien de son ame & la vertu de charité ne fera pas seullement de ce ses aulmosnes mais du vin de sa propre boisson & de la viande de sa table aux povres acouchees a malades ou a ses povres voisins souventesfoys & ce fera elle de bon cueur s'elle est saige & a dequoy. Car c'est tout le tresor qu'elle emportera ne ja plus povre n'en sera / mais toutesvoyes elle doibt bien regarder a qui & que par discretion soit faict avecques ces choses ceste femme sera saige gracieuse c'est adire de plaisant chere honneste a couvert langaige accueildra & recevra les amys & acointes de son mary / elle parlera beau a toutes gens. se fera aymer de ses voisins leur fera compaignie & amytié se besoing en ont / ne fera refus de prester petites chosettes ne a ses maisgnies ne sera male mauldisant ne disant villennie ne tout le jour rioter pour ung beau neant: mais les reprendra voirement quant ilz mesprendront / & menacera de les mettre hors s'ilz ne s'amendent mais ce sera sans tonner ne mener grant harou si que on ne l'oye de loing. Sicomme aulcunes folles font a qui il semble que parestre bien malles & tencer fort a leurs maris & a leur mesgnie de neant que on les tiendra a sages & bonnes mesnagieres & a faire bien les embesongnees de pou de chose & trouver par tout a redire & toute jour caqueter / mais ce mesnaige la nest point de nostre doctrine. Car nous voulons que nos disciples soyent en tous leurs faitz saiges / & nul sens ne pourroit estre sans attrempance laquelle ne demande malice ne felonnie ne trop de langaige qui est chose qui moult messiet a femme.

¶ Cy devise comment femmes de estat doivent estre ordonnees en leur habit / et comment se garderont de ceulx qui tachent a les decevoir. chap. .xli.

Le tiers point que voulons notifier a entre vous femmes d'estat de bonnes villes & aux bourgoises / lequel touche vos vestures & habillemens est qu'en iceulx ne vueillés point estre oultrageuses tant es coustumes comme es façons. & y a .v. especialles raisons qui vous doivent mouvoir a vous en garder. L'une que c'est pechié & chose qui desplaist a dieu d'estre tant curieux ou curieuse de son corps La .ii. que de faire oultrage on n'en est ja plus prisié / mais mains / ains que ailleurs est ja dit. La .iii. que c'est gastement d'argent apovrissement & vuidenge de bource. La quatriesme que on donne mauvais exemple a autruy / c'est assavoir cause de ainsi faire ou plus. Car il semblera a une dame qui verra a une damoiselle prendre si grant estat ou a une bourgoise que de tant qu'elle est plus grande devera encores plus croistre son estat / & c'est ce qui fait tous les jours multiplier & croistre les estatz & les boubans par ce que chascun tend tousjours a surmonter l'autre / dont maintes gens sont grevés & apovris en france & autre part. La cinquiesme que on donne par desordonné & oultrageux habit occasion a aultruy de pechier ou en murmuration ou en couvoitise desordonnee / qui est chose qui trop desplaist a dieu. Et pource chieres aymees veu que ce ne vous peut riens valoir & beaucoup nuire ne vous vueillés en telles faulcetés trop delicter / non pourtant c'est bien droit que chascune porte tel habit & estat que appartient a son mary & a elle / mais s'elle est bourgoise qu'elle se porte telle comme une damoiselle et la damoiselle comme une dame / et ainsi de degré en degré monstant sans faire c'est chose hors ordre de bonne police en laquelle s'elle est bien ordonné en quelque pays que ce soit toutes choses doivent estre limitees. Or vient a parler du quatriesme point qui est comme vous vous garderés de blasme & de cheoir en diffame. Auquel point se peult encores touchier le faict de voz habillemens tant en l'oultraige du trop grant coust comme en la maniere des façons en ceste maniere il est assavoir que posons que une femme soit de tresbonne voulenté & sans mauvais fait ne pensee de son corps si ne le croyra pas le monde puis que desordonnee en habit on la verra & seront fais sur elle mains mauvais jugemens quelque bonne qu'elle soit Si appartient doncques a toute femme qui veult garder la bonne renommee qu'elle soit honneste & sans desguisure en son habit & habillement non trop estraincte ne trop grans colletz ne autres façons malhonnestes ne grant trouveresse de choses nouvelles par especial constances & non honnestes Et avec ce la maniere & contenance y fait moult. Car si que ja est touchié cy devant il n'est riens plus desseant a femmes que laide maniere & mal rassise / aussi ne chose plus plaisant que belle contenance & coy maintien quoy qu'elle soit jeune doibt estre en ses jeux & ris attrempee & sans desordonnance a les sçavoir prendre par appoint si qu'ilz soyent bien seans & le parler sans mignotise mais soit propre & doulx ordonné & attrait en regard simple tardif & non vague & joyeuse par apoint. Mais ensuyvant la matiere de dessus est assavoir que avec le mauvais langaige & blasme qui peult sourdre a femme par habit desordonné & par maniere mal honneste y a ung autre plus perilleux inconvenient c'est l'amusement des folz hommes qui pevent penser qu'elle le face pour estre couvoitee & desiree par folle amour. Et elle par adventure n'y pensera / ains le fera seullement pour la plaisance de soymesmes & par sa propre condition qui luy enclinera. Si y a des hommes de mains estatz qui tacheront par grant diligence a les attraire en les poursuyvant par divers semblans & moult s'en peneront. Mais que doit faire la saige femme qui cheoir ne veult en blasme & qui bien est advisee que de tel amour ne peut venir que tout mal prejudice & deshonneur parquoy nulle voulente n'a d'entendre a telz musars & ne veult mye faire comme aucunes musardes a qui trop bien plaist que on les poursuyve par grans semblans & leur semble belle chose de dire si suis aymee de plusieurs c'est signe que je suis belle & qu'il y a en moy assez de bien. Je n'aymeray nul pourtant / mais a tous feray bonne chere / & autant y aura l'ung que l'autre et tous les tiendray en parolles. ceste voye n'est mye de garder l'honneur ains est impossible que longuement soit maintenue par femme qui qu'elle soit que n'en chee en blasme. Et pource la sage dessusdicte si tost qu'elle aperçoit par aucun signe ou semblance que quelque homme a devers elle pensee elle luy doit donner toutes occasions de s'en retraire en manieres parolles et semblans & tant faire qu'il apperçoive qu'elle n'y a courage ne n'y veult avoir. Et s'il advient qu'il luy die elle luy doit respondre & dire sur ceste forme et maniere. Sire se vous avés a moy pensee vueillés vous en retraire / car je vous prometz & jure ma foy que en tel amour n'ay mon intencion ne n'auray jour de ma vie de ce puys je bien jurer / car de ce suis je bien affermee en tel voulenté qu'il n'est homme ne chose nulle qui oster m'en peust & toute ma vie demoureray en ce point de ce soyés vous certain si perdriez vostre peine tant plus vous y museriés / & vous prie tant comme je puis que ne me faciés plus telz semblans ne disiés ces parolles que en bonne foy je y prendroye grant desplaisir & me garderoye a mon povoir d'aller ou vous seriés. Si le vous dy une fois pour toutes et croyés fermement que jamais en autre propos ne me trouverez & a dieu vous dy. Ainsi en brief & sans longuement escouter doit respondre la bonne & saige jeune femme qui ayme son honneur a tout homme qu'il la prie & avec ce que aussi soyent les semblans pareilz aux parolles. C'est assavoir que de regard ne de maintien ne face aucun semblant parquoy y puisse nullement penser que jamais y puist advenir. Et s'il y envoye dons quelz qu'ils soyent que elle garde bien que nulz n'en prengne Car qui don prent se vent Et s'il advient que aucune personne luy en face quelque messaige que elle die expressement & a rechinié visaige que jamais plus ne luy en parle. Et se chamberiere ou varlet qu'elle ait s'en hardist a luy dire qu'elle ne le tiengne point en son hostel. Car tel maisgnie n'est pas seure si treuve voye par bonne maniere de le mettre hors pour quelque aultre achoison sans noise & sans tençon / mais garde bien comment qu'il soit que a son mary ne le dye. Car quelque bonne voulenté qu'elle ait le pourroit mettre en tel frenaisie que ne l'en osteroit pas quant elle vouldroit & est trop grant peril et aussi n'en est nul besoing s'en garde sagement et s'en taise Car n'en sera ja homme si en grant que s'elle veult au long aller par tenir saiges manieres qu'il ne s'en retraye ne aussi dire ne le doit a voisin ne a voisine ne autre / car parolles sont raportees par quoy il advient aucunesfois que hommes contreuvent mauvaisties sur les femmes par despit de ce qu'ilz sont refusés & que ilz scevent qu'elles en parlent ou ont parlé. Si ne griefve riens taire la chose dequoy on ne peut de riens mieulx valoir la dire. Et n'est point belle vantance a femme. Avec ce femmes qui se veulent garder de blasme se doibvent garder d'aler en compaignies qui ne soyent bonnes & honnestes ne en assemblees faictes en jardins ou en autres lieux par prelatz ou par seigneurs ou autres faictes soubz quelque umbre ou couverture de festoier gens & que ce soit pour autre machination de quelque broullerie ou par elles ou par autres. Et posons que une femme saiche bien que pour elle ne soit faicte telle assemblee / si se doit elle bien garder qu'elle ne face umbre a autre. Car cause seroit du mal & du peché si n'y doit aller se elle le scet ou aucun souppeçon y a / & ains qu'elle voise nulle part si elle est saige doit bien adviser ou avecques comment et que doit estre ou elle va ne de trouver ses pelerinages hors la ville a faire pour aller quelque part jouer / ou mener la galle en quelque compaignie joyeuse n'est fors peché & mal a qui le fait. Car c'est faire de dieu umbre & chape a pluye ne sont point bons ne aussi tant aller trotant par ville a jeunes femmes au lundy a saincte avoye / au jeudy je ne sçay ou. au vendredy a saincte katherine & ainsi es autres jours si aucunes le font n'en est ja grant besoing non pas que nous vueillons empescher le bien a faire. Mais sans faille veu le peril de jeunesse la legiereté et la grant couvoitise que hommes ont communement a attraire femmes et les parolles qui tost en sont levees & a pou d'achoison est le plus seur mesmes pour le prouffit des ames & l'honneur du corps estre coustumieres de tant troter ça & la. Car dieu est par tout qui exaulce les oraisons des devotz deprians ou qu'ilz soyent & qui veult que toutes choses soyent faictes par discretion & non mye du tout a voulenté. Aussi de baigneries d'estuves et de commerages trop hanter a femmes & telz compaignies sans necessité ou bonne cause ne sont que despens superflus sans quelque bien que en peust venir. Et pource de toutes telles choses & d'autres semblables: femme si elle est saige qui aime honneur et eschever veult blasme se doit garder.

¶ Cy devise des femmes des marchans. Chapitre. xlii.

Desormais or viendrons a parler des marchans C'est assavoir de femmes aux hommes qui se meslent de marchandises dont a paris & ailleurs a de moult riches et desquelz les femmes portent grant & cousteux estat & plus hault en aucunes autres contrees & villes que a paris sicomme a venise a jennes a florence a lucques avignon & autre part Mais iceulx lieux nonobstant que nulle part ne soit oultrage mieulx soit a excuser ce que elles ne sont que en ces parties de france ne seroit pource qu'il n'y a pas tant de differences des haulx estatz comme a paris & ceste part / c'est assavoir roynes et duchesses contesses & autres dames & damoiselles parquoy les estatz sont plus differenciés Et pource en france qui est le plus noble royaulme du monde et ou toutes choses doivent estre les plus ordonnees selon qui est contenu des anciens usaiges de france n'appartient point quoy qu'elles facent ailleurs si que ja est plusieursfois touché devant que la femme d'ung laboureur de plat païs porte tel estat que la femme d'un homme d'honneste mestier de paris ne celle d'ung homme commun de mestier comme une bourgoise / ne une bourgoise comme une damoiselle ne la damoiselle comme la dame ne la dame comme une contesse ou duchesse / ne la contesse comme la royne / ains se doit chascune tenir en son propre estat & ainsi qu'il y a difference & maniere de vivre des gens doit avoir es estas / mais ces rigles ne sont mye bien gardees aujourd'uy ne maintes autres bonnes qui y souloyent estre. Et pource y pert a l'effect qui ensuyt. Car sans faille oncques les orgueilz ne les estatz n'y furent en toutes manieres de gens depuis les grans jusques aux moindres si oultraigeulx que ores sont & ce peut on veoir par les croniques & anciennes histoires. Et pource que nous avons dit qu'en ytalie encore les femmes portent plus grant estat quoy qu'il soit vray ne sont ilz point de si grans frais qui si endroit sont a tout regarder veu les compaignies & boubans en maintes manieres & choses que elles font esquelles aussi bien que es robes / chascune s'efforce de surmonter l'une l'autre. Car puis que nous sommes a parler des marchandes ne fut ce pas voirement grant oultraige a celle femme de marchant de vivre voire comme marchant n'est mye comme ceulx de venise ou de jennes qui vont oultre mer & par tout païs ont leurs facteurs achetent en gros & font grant faitz. Et puis semblablement envoyent leurs marchandises en toutes terres a grans fardeaux / et ainsi gaignent grans richesses & telz sont appellés nobles marchans mais celles dont nous disons achatte en gros & vent a detail pour quatre soubz de denrees se besoing est ou pour plus ou pour moins quoy qu'elle soit riche et portant grant estat & assés de telles y a que elle fist a une gesine d'ung enfant que elle eut n'a pas longtemps Car ains que on entrast en sa chambre on passoit par deux aultres chambres moult belles ou il avoit en chascune ung grant lit de parement bien & richement encourtiné. Et en la deuxiesme ung grant dressoir couvert comme ung autel tout chargié de vaisselle d'argent blanche. Et puis de celle on entroit en la chambre de la gisant laquelle estoit grande et belle toute encourtinee de tapisserie faicte a la devise d'elle / ouvree tresrichement de fin or de chippre le lit grant & bel encourtiné tout d'ung parement / et les tappis d'entour le lit mis par terre sur quoy on marchoit tous parelz a or ouvrés les grans draps de parement qui passoient plus d'ung espan par soubz la couverture de si fine toille de rains que ilz estoient prisez a trois cens frans & tout par dessus ledit couvertouer a or tissu avoit ung autre grant drap de lin aussi delyé que soye tout d'une piece et sans cousture / qui est une chose nouvellement trouvee a faire et de moult grant coust que on prisoit deux cens frans et plus qui estoit si grant et si large que il crouvroit de tous lez le grant lit de parement / et passoit le bort dudit couvertouer qui traisnoit de tous les costés. Et en celle chambre avoit ung grant dressouer tout paré couvert de vaisselle doree. En ce lit estoit la gisant vestue de drap de soye taint en cramoisi appuyee de grans oreillees de pareille soye a gros boutons de perles / atournee comme une damoiselle et dieu scet les autres superflus despens de festes / baigneries de diverses assemblees / selon les usaiges & coustumes de paris a acouchees / les une plus que les autres qui la furent faictes en celle gesine / et pource que cest oultraige passe les autres quoy que on en face plusieurs grans est digne d'estre mis en livre. Si fut ceste chose raportee en la chambre de la royne dont aulcuns dirent que les gens de paris avoient trop de sang dont l'abondance aucunesfois engendroit plusieurs maladies. C'estoit a dire que la grant abondance des richesses les pourroit bien faire desvoyer. Et pource seroit leur mieulx que le roy les chargast d'aulcun aide emprunt ou taille parquoy leurs femmes ne se allassent pas comparer a la roine de france gueres plus n'en feroit. Si sont telz choses desordonnees & viennent de presumption & non de sens / car ceulx & celles qui les font en acquierent non mye pris / mais despris / car quoy qui prennent les estatz des haultes dames ou des princesses si ne le sont elles pas ne on ne les y appelle pas. ains ne perdent point le non de marchandes ou femmes de marchans voire telz que on les appelleroit en lombardie non mye marchans / mais revendeurs / puis qu'ilz vendent a detail. Si est trop grant folie de revestir d'aultruy habit quant chascun scet bien a qui il est c'est a entendre de prendre estat qui appartient a aultre non mye a soy / mais se ceulx et celles qui telz oultrages font soit en habit ou estat laissoient leur marchandise & prensissent du tout les grans chevaulx & les estatz des seigneurs leur estre s'ensuyvroit mais c'est trop sotte chose de n'avoir pas honte de vendre ses denrees & faire sa marchandise & avoir honte de porter l'abit. Voire qui est bel grant & honneste qui a droit si maintient & est l'estat de marchant bel & honnorable en france & en tous païs. Si se pevent telz gens appeller gens desguisés & ne disons mye pour les amenuisés d'honneur / car ainsi que dit est estat de marchant est bel & bon qui a droit le maintient ains le disons en bonne entente affin de donner conseil & advis aux femmes a qui nous parlons d'elles garder de telz superfluités qui bonnes ne sont a corps ne ame & pevent estre cause que leurs maris soient chargés d'aucun nouvel subside. Si est leur meilleur & leur plus grant sens que leurs habitz propres chascune selon soy qui sont beaulx riches & honnestes portent sans prendre autres posons que riches soient. Ha dieu que pevent telz gens faire de bien certes se ilz theraurisoient au ciel selon l'admonnestement de l'euvangille ilz seroient bien conseillés / car ceste vie est tresbriefve & celle est a tousjours si que ja est dit devant si seroit pour eulx bonne espargne pour le temps advenir que de leurs tresgrans richesses departissent aux povres par vraye charité & si font les plusieurs n'est pas doubte il est bien besoing car par celle bonne noble vertu de charité que a tant aggreable dieu / pevent achater le champ dont l'evangille parle en parolle ou est le grant tresor mucié c'est la joye de paradis: Et ung noble mot d'icelle saincte vertu dit leon pape au sermon de l'apparicion ou il dit tant tresgrande est la vertu de charitable misericorde que sans elle les autres vertus ne pevent proffiter / car combien que aucune creature soit abstinent se garde de peché soit devot & ayt toutes autres vertus sans icelle qui faict les autres valoir tout est neant / car au derrain jour du jugement elle sera portant la baniere devant toutes vertus pour ceulx qui en ce monde l'auront exercee & aymee qui les conduyra en paradis & confondra ceulx nostre seigneur en qui elle n'aura esté trouvee donnant sa diffinitive semence ce nous tesmoigne le texte de l'evangille. Si vous povez par celle voye saulver entre vous riches femmes voire en vous gardant de fraudes & de baratz en voz marchandises contre voz prouchains.

¶ Cy devise des femmes veufves vieilles & jeunes. Chap. .xliii.

Pour entendre nostre oeuvre plus acomplie au proffit de tous les estatz des femmes parlerons aux vefves des communs estatz quoy que dessus ayons dit en l'estat des princesses dirons en telle maniere. Cheres amys nous mues par pitié de vous cheues en l'estat de vefveté par mort qui despoullés vous a de voz maris qui qu'ilz soient ou fussent auquel piteux estat sont livrees communement maintes angoisses & assez d'enuieux affaires: mais c'est en diverses manieres. Car a celles qui sont riches d'une guise & a celles qui mye ne le sont en une autre. Si est livré meschief aux riches par ce que on bee communement a leur oster & aux povres ou a celles qui ne sont mye riches par ce que en leurs affaire ne treuvent pitié sicomme en nulluy. Si y a avec la douleur que avez d'avoir perdu voz parties qui assez deust souffrir trois principaulx maulx qui moult generaulment soient povres ou riches vous convient sus. L'ung qui est ja touchié est que vous trouvés communement durté pou de pris & de pitié en toute personne & telz vous souloyent honnorer ou temps de voz maris qui officiers ou de grant estat estoyent qui ores en font pou de compte & pou les trouvés amys. Le deuxiesme mal dequoy estes assaillies est de divers plais & demandes de plusieurs gens en faitz de debtes ou de chalenges de terres ou de rentes. Et le tiers est le maulvais langaige des gens que de commun cours est enclin a vous courroseure si que a peines sçaurés si bien faire que on n'y trouve a redire. Et pource que vous avez besoing d'estre armees de bon sens contre ces pestilences & de toutes autres qui advenir vous pevent nous plaist vous admonnester de ce qui vous peut estre vaillable combien que peult estre que en avons ailleurs parlé mais pource qu'il eschiet a propos de rechief le ramentrons. Quant a la durté que vous trouvés en toute gent communement qui est le premier des trois dessusditz maulx y a aussi trois remedes: L'ung que tout premierement vous tourniés vers dieu qui tant veult souffrir pour creature humaine. & se bien y pensez ce vous apprendra a estre patientes qui est chose qui bien vous a besoing / & vous conduyre en point se bien y mettés le cueur que pou tiendrés de compte du pris & de l'honneur du monde. Car ores a primes pourrés apprendre comment les choses du monde sont tournables. Le deuxiesme remede est que il convient que vous disposez vostre cueur a estre doulces & benignes en parolles & en reverence a toute gent si que par celle voix vous matiez & flechissiés les couraiges des felons et par doulces prieres & humbles requestes. Item le troiziesme remede est que non obstant les dessusdictes choses & que en parolles habitz & contenance soyent doulces humbles que vous advisiés par bonne prudence & saige gouvernement comment vous vous deffendrés & garderés de ceulx qui trop vous vouldront fouller. C'est assavoir que vous escheviez leurs compaignies n'avoir que faire avecques eulx se vous povez vous tenir closement en voz hostelz ne prendre debat a voisin ne a ung ne a autre ne mesmes a varlet ne chamberiere / tousjours parler bel et garder vostre droit / & par ainsi faire & par pou vous mesler avecques diverses gens se besoing ne vous en est / escheverés que vous ne soyez foullees ne suppeditees par autruy. Au fait des plais ceulx qui vous assauldront qui est le deuxiesme mal debvés sçavoir que eschever debvez plait et procés le plus que vous povez. car c'est chose qui trop peut grever femme vefve pour plusieurs raisons. L'une qu'elle ne se congnoit & est simple en telz choses. L'autre qu'il convient qu'elle se mette en dangier d'aultruy pour faire solliciter ses besongnes & gens sont communement mal dilligens des besongnes aux femmes & voulentiers les trompent & mettent en despens huyt solz pour six. Et l'autre qu'elle n'y peut a toutes heures aller comme feroit ung homme. Et pource est le meilleur conseil qu'elle laisse avant aller aucune partie de son droit mais que ce ne soit a trop grant oultraige que elle si fiche & se doit metre en tous ses devoirs offrir raisonnables offres par bon conseil de ce qu'on luy demande ou s'il fault qu'elle soit demanderesse qu'elle pourchasse avant le sien courtoisement & regarder se par aultre voye ou moyen le pourra traire. Se on l'assault par debtes regarder quelle action & quelle cause les demandeurs ont. Et posons toutesfois qu'il n'y ayt lettre ou tesmoingtz se sa conscience sent que quelque chose soit deue garde soy bien qu'elle ne retienne le droit d'autruy car elle chargeroit l'ame de son mary & la sienne & dieu luy sçauroit bien envoyer tant de pertes au feur l'emplaige d'autre costé que la perte doubleroit. Mais se saigement se scet garder des cauteleux qui demandent sans cause elle fait ce qu'elle doit Mais se a toutes fins convient qu'elle entre en procés doit sçavoir que troys choses principalles sont necessaires a toute personne qui plaide. L'une est ouvrer par conseil des saiges coustumiers & clercz bien aprins es sciences de droit & de loys / l'autre est grant soing & grant dilligence de soliciter la cause / & l'autre est avoir argent assez pour ce faire. car sans doubte se l'une de ces trois choses faillent quelque bonne cause que la personne ayt en peril sera de la perdre. Si est mestier a la femme vefve en ce party qu'elle se tire vers les anciens coustumiers les plus usaigiers de diverses causes & non mye devers les plus jeunes leur monstrer sa raison ses lettres & tiltres entendre bien ce qu'ilz diront ne leur cele riens de ce qui peut appartenir a la cause / soit pour elle ou contre elle. Car conseiller ne la pevent fors par ce qu'elle leur dit & se leur conseil plaide ou accorde aux parties par leur advis / mais se en procés entreface diligence & paye bien / si en sera meilleure sa cause. Si luy conviendra bien pour ces choses faire et pour resister a tous les aultres ennemys se a chief en veult venir qu'elle prengne cueur de homme / c'est assavoir constant fort & saige pour adviser & pour poursuyvre ce qui luy est bon a faire non mye comme simple femme s'acrouppir en plours & en larmes sans autre deffence. comme ung povre chien qui s'aculle en ung coingnet & tous les autres luy courent sus. Car par ainsi faire entre vous femmes trouveriés assez de gens sans pitié qui le pain vous osteroyent de la main et vous reputeroit on ygnarans & simples / ne ja pource plus de pitié ne trouveriés en ame / si ne devés pourtant ouvrer de vostre teste ne en vostre sens vous fiez. Mais tout par bon conseil par especial es grans choses que vous ne sçavez. Et ainsi par telle voye vous devez gouverner entre vous vefves en voz affaires c'est a entendre celles qui sont ja d'aage & qui plus nourir ne se veullent. car quant des jeunes il appartient qu'elles soyent gouvernees par leurs parens & amys tant que remariees soyent se tiennent doulcement & simplement avec eulx & en tel guyse que maulvaise renommee n'en puisse saillir car ce seroit l'achoison de faire perdre leur bien & avancement. Le tiers remede contre les trois maulx dessusditz aux femmes vefves qui sont au dangier du mauvais langaige des gens est qu'elles se doivent garder en toutes manieres de non donner occasion de mal parler sus elles en contenances maintiens & habitz qui doibvent estre simples & honnestes coyes doubteuses du fait de leur corps qu'on ne puisse en mal murmurer. ne soyent trop acointables ne privees a hommes que on voye frequenter souvent en leur maison s'ilz ne sont leurs parens. & encores que ce soit fait discretement ne beau pere prestres ne freres pou ou neant quelque devote qu'elle soit: Pource que le monde est tant enclin a dire mal & se garder de tenir mesgnie ou l'en puist avoir aucune suspecion ne moult grant priveté ne familiarité quelque bons qu'elle les saiche / ne quoy que a nul mal n'y pensast ne leur face ne au fait de sa despence affin qu'on n'en puist parler & aussi pour mieulx garder le sien ne tiengne trop grant estat ne en gens ne en robes ne en viandes car c'est droit estat de femme vefve estre sobre & sans superfluités de quelque chose. Et pource que en l'estat de veufveté a tant de durté pour les femmes sicomme nous disons & il est vray pourroit sembler a aulcunes gens que doncques seroit leur meilleur que toutes se remariassent. Si pourroit a ceste question estre respondu que s'il estoit ainsi que en la vie de mariage eust tout repos & paix vrayement seroit sens a femme de s'i rebouter mais parce qu'on voit tout le contraire le doit moult eslongner toute femme quoy que aux jeunes soit chose comme de necessité ou tresconvenable. Mais a celles qui ja ont passé jeune aage. Et qui assez ont du leur ne povreté ne les y contraint c'est toute follie quoy que aucunes qui le veullent faire dient ce n'est riens d'une femme seulle & si pou se fient en leur sens qu'elles se excusent que gouverner ne sçauroient. mais le comble des follies & la grant mocquerie est quant une vieille prent ung jeune homme. dont petit voit on longuement bonne chanson chanter. mais tant y a que de leur malle meschance on ne les plaint point a bon droit.

¶ Cy parle a l'enseignement des jeunes filles & vieilles estans en l'estat de virginité. Chap. .xliiii.

Ce n'est mye droit que au procés de noz lecons soyent oubliees les femmes ou filles qui sont en l'estat de virginité dont on peut parler d'elles en deux differences d'estas. c'est assavoir de celles qui ont propos de garder leur virginité tout le temps de leur vie pour l'amour de nostreseigneur & de celles qui attendent le temps de mariage par l'ordonnance de voulenté de leurs parens. Et ainsi comme il y a difference en leur propos doit semblablement avoir en leur habitz conversation & maniere de vivre mesmement au monde. Car a celles qui du tout se sont disposees de jamais ne l'enfraindre appartient vie tresdevote & sollitaire & quoy qu'elle soit a toutes bien seant / neantmoins a cestes affiert plus que a autres. Et si leur est necessaire faire aulcun ouvraige pour avoir leur vie ou qu'elles servent en aucun lieu elles doivent regarder que toute leur occupation soit aprés ce que leur labour necessaire ont faict au service de dieu en devotes oraisons et aussi en jeunes & abstinences faictes par discretion non mye aps qu'elles ne le puissent porter ne continuer ne que leur serueil en puisse estre trouble Car riens de trop grant aspreté ne doibt estre prins sans bon conseil. Si se doibvent garder de tous pechez singulierement en fait & en pensee affin que le bien qu'elles font de une part ne perdent pas de l'autre car petit vauldroit estre vierge ou chaste faire abstinences & devotions & que avec ce on fust ung tresgrant pecheur ou pecheresse / si doibt toute personne qui se met a bien faire garder qu'elle offre a dieu offrande nette / car qui presenteroit au roy une tresbelle & bonne viande toute entremeslee de ordure & punaisie on ne luy feroit nul plaisir. & si la reffuseroit & a bon droit. Si doibvent estre leurs parolles bonnes simples devotes & sans trop de languaige. leur habit honneste & sans nulle cointerie maintien simple & courtois & treshumble chere les yeulx bessez & la parolle basse / si doit estre leur joye ouÿr la parolle de dieu & frequenter l'eglise & celles qui ceste vie ont esleue sont de bonne heure nees. car elles ont prinse la meilleur partie Les autres pucelles qui attendent l'estat de mariage autressi doibvent estre en contenances maintiens & belles parolles attrempees & honnestes & par especial en l'eglise coyes regardans sur leurs livres ou leurs yeulx abaissiés en rues & par voye simples & rassises / & a l'hostel non oyseuses / mais soient tousjours occupees en quelque oeuvre de leur mesnaige leurs habis & vestures bien faictz jointz & pollis mais que deshonnesteté n'y ayt & nettement tenus leurs cheveulx bien ordonnés & non mye trainans par les joues ne sailles / le parler amyable & courtois a toutes gens humble maniere non trop emparlees. & se a festes sont a dances ou a assemblees la / doivent bien estre sur leur garde que bien soyent de belle maniere & de beau maintien / pource que plus de gens ont les yeulx sur elles. et dancent simplement / chantent bassement ne soit leur regard vague ne traceant ça ne la qui trop ne s'enpressent entre hommes / mais tousjours se tirent vers leurs meres ou les autres femmes Cestes pucelles se doivent garder de prendre debat ne tençon a quelque personne ne a varlet ne a chamberiere. C'est trop layde chose a pucelle estre tenceresse & renponneuse & en pourroit perdre son bien par les maulvais & mensongeux rapors que mesgnies font souventesfois a pou d'achoison. Pucelle ne soit nullement saillant effrayee ne ribaulde par especial a hommes qui qu'ilz soyent ne a clercz de l'ostel ne varletz ne autres mesgnies & si ne seuffre en nulle guise homme la touche ne se joue a elle des mains ne de trop rigollages. Car ce seroit trop grant empirement de l'honnesteté que avoir doit & de son bon loz. Si affiert aussi a pucelle estre devote par especial vers nostre dame vers saincte Katherine & toutes vierges / & s'elle scet lire en lise voulentiers les vies / jeune aucuns jours & soit sobre sur toutes riens en boire & en menger & contente d'assez pou de viande & de foibles vins car gloutonnie a pucelle sur vin & sur viande sur toutes choses est layde tache. Pource doit bien garder qu'on ne la voye nulle fois changee par vin prendre trop largement / car se telle tache avoit on n'y esperoit quelconque autre bien si doit de droicte coustume toute pucelle mettre largement de l'eaue en son vin / & acoustumer a petit boire aussi avecques les bonnes taches & manieres qui luy affierent appartient estre a toute pucelle humble et obeissant a pere & a mere & les servir diligemment de tout son povoir. s'attendre de son mariage du tout a eulx & non mye que de elle mesmes le face & sans leur consentement / ne quelconques parolles n'en doibt tenir ne escouter personne. Et sont pucelles par ceste maniere aprinses & endoctrinees sont a desirer aux hommes qui marier se veullent.

Chargement de la publicité...