Le trésor de la cité des dames de degré en degré et de tous estatz
¶ Cy devise comment anciennes femmes se doivent maintenir vers les jeunes et des meurs que avoir doibvent. Chap. .xlv.
Pource que assez communement a debat & discord tant en oppinions comme en parolles entre vieilles gens & les jeunes si que a peine se pevent entresouffrir comme s'ilz fussent de deux especes laquelle chose fait l'aage qui tout ainsi qu'il est differencié met difference en leurs meurs & condicions nous semble bon pour mettre paix de celle guerre entre les femmes de divers aages qui nostre doctrine pourront ouÿr que nous ramentevions aucunes choses qui bonnes y pevent estre. Mais dirons premierement aux anciennes les meurs qui leur advisent. Il appartient a toute femme d'aage qu'elle soit sage en fait en habit contenance & parolle. en fait doibt estre saige / par ce que advis doibt avoir & memoire des choses que veues a advenir en son temps. Et pource avant aucune chose qui veult faire ou entreprendre doit ouvrer par l'exemple d'icelles. car s'elle a veu mal ou bien advenir a elle / ou a autre par tenir aulcunes manieres penser peult que ainsy luy adviendra par semblablement faire. Et pource dit on que vieilles gens sont communement plus saiges que les jeunes. Et est vray pour deux raisons. L'une pource que leur entendement est plus parfait & a plus grant consideration. Et l'autre qu'ilz ont plus grant experience des choses passees: pource qu'ilz ont plus veu. Si leur appartient doncques estre plus saiges / & s'ilz ne le sont plus sont a reprendre. Et sans faille quant vieilles gens sont sans sens ou nices ou qu'ilz facent les follies que jeunesse admonneste aux jeunes & dont mesmes on les reprent il n'est si grant mocquerie. Et pource l'ancienne femme doibt bien estre pourveue qu'elle ne face chose dont on y puist noter follie ne luy appartient dancer baller ne rire follement mais s'elle est joyeuse de sa condicion doit toutesfoys regarder qu'elle prengne ses joyeusetés par apoint non mye de la maniere des jeunes gens: mais plus rassisement die ses parolles a trait & gracieusement face ses esbatemens / & sans nul effroy / car quoy que nous disons que saige doibt estre & rassise n'entendons par pourtant que rechignee soit malle ramponneuse ne maulgratieuse pour donner a croire que c'est tout sens. Car ainçois se doit garder de telles passions si viennent communement a vieilles gens. C'est assavoir d'estre ireulx maugracieux & rechinés pource la saige ancienne quant elle sentira que son couraige sera enclin a tencer ou se courroucer elle la moderera par telle sage distrecion disant a soy mesmes dieu & que as tu que demandes tu est ce fait de saige femme d'ainsi se demener ou troubler se ces choses te semblent maufaictes / il n'est mye en toy de tout amender soies plus en paix ne parle pas si maugracieusement se tu te voies comment ta chere est maugracieuse quant tu es en tel despit grant orreur en auroies soies plus conversable & plus debonnaire a tes gens et ceulx que tu dois chastier reprens les plus courtoisement et te garde de tel ire / car c'est chose qui desplaist a dieu & en vault pis ton corps & moins en es aymee. Il appartient a avoir pacience. Telles choses & semblables doit dire a soy mesmes la saige femme ancienne quant les mouvemens d'ire luy viennent avec ce sens doit estre l'ancienne femme vestue large et d'abillement honneste. Car a ce propos dit ung vray mot machault vieille coincte et jolie est matiere de mocquerie / sa contenance de beau port & honnorable. Car en verité quoy que nul die c'est beau parement et chose de grant honneur et reverence en une place & qui bien y tient son lieu souventesfois que une ancienne personne soit homme ou femme quant elle est saige ou de honnorable maniere en toutes choses la parolle de ceste saige femme ancienne doit estre toute meue par discretion se garde bien que de sa bouche n'isse folles parolles deshonnestes / car chose de plus grant derision n'est que sotte parolle & mal honneste en vieille gens / pource les doit dire toutes de bon exemple Et a venir a ce que nous avons dit devant. C'est assavoir a parler du contens et mal accord qui est communement entre vieilles gens & jeunes gens la saige ancienne femme doit estre sur ce advisee en telle maniere que quant aucun mouvement luy viendra en pensee ou en parolle contre jeunes gens pour leurs jeunesses que elles ne puissent pas bien soufrir pensee en soy mesmes. Beau sire dieu tu as esté jeune advise bien quelles choses tu faisoies en ce temps eusses tu voulu qu'on parlast ainsi de toy pourquoy leurs cours tu tant seur advise comment sont grans les aguillons de jeunesse tu en dois avoir pitié Car tu es passee par ces pas on doit jeunes gens reprendre & tencer voirement de leurs follie. Mais non mye pourtant les haïr ne diffamer / car ilz ne scevent qu'ilz font & ne congnoissent pource les supporteras benignement & chastieras par bonne maniere ceulx & celles qui te touchent & se les autres le blasment ou diffament tu les excuseras par pitié advisant l'ignorance de jeunesse qui leur toust a avoir plus grant congnoissance. Ha dieu advises en toy mesmes que se tu n'as a present en toy les mouvemens que jeunesse a ne plus ne te delictes en telz folies par vieille qui t'a meuree & refroide tu n'es mye pourtant sans pechié ains en as par adventure de plus grans et de plus gros que tu n'avoyes de tel aage ou que assés de jeunes gens n'ont & se ces vices la t'ont delaisee d'autres plus mauvais t'ont acueillie comme envie couvoitise ire impacience gloutonnie par especial de vins en quoy tu fais souvent de grans deffaultes. Et toy qui dois estre saige n'a pas puissance de y resister par ce que l'inclination de vieillesse tire tempte & admonneste & tu veulx que iceulx jeunes soient plus saiges que toy / c'est assavoir que ilz resistent aux temptations que jeunesse leur met en couraige et facent ce que tu ne peus faire si laisses en paix jeunes gens & plus ne murmures contre eulx. Car se bien te regardes assés as affaire de toy mesmes. & se les vices de jeunesse t'ont laissee ce n'est mye par ta vertu / mais par ce que nature plus ne s'i encline et pour ce te semblent ilz si abhominables.
¶ Cy devise comment jeunes femmes se doivent maintenir vers les anciennes. chap. .xlvi
Si viendrons aux enseignemens qui pevent garder les jeunes gens de contendre arguer mesaymer ne despriser les anciens / mais les avoir en toute reverence. & leur dirons ainsi. O enfans & entre vous jeunes gens qui estes abilles a retenir & aprendre entendés la leçon qui vous peut introduire prouffitablement en meurs & coustumes qui a tenir vous affierent vers les treshonnorables estatz des anciens. Laquelle leçon vous peut introduire en cinq principaulx pointz. dont le premier point appartient a la reverence que porter leur devés. Le deuxiesme a l'obeissance. Le troisiesme a la crainte Le quatriesme en l'aide & reconfort. Et le cinquiesme a adviser le bien qu'ilz vous font & que par eulx. dont quant au premier point qui est de la reverence que par droicte ordonnance leur devés est escript que il fut ung roy en grece que on nommoit figurgus / qui maintes belles lois trouva & entre les autres en establit une telle que les jeunes gens portassent tresgrant honneur & reverence aux anciens. Si advint une fois que celluy roy ou autre sien successeur avoit envoyé ses ambassadeurs en une autre contree avec lesquelz estoient alés pour les garder servir & acompaigner de nobles gens du païs Advint que quant temps fut de faire leur legation la presse estoit moult grande ou lieu ou assis estoient / car la fut assemblee la gent pour ouÿr ce que dire vouloyent si estoient les places toutes prinses. Si y vint ung ancien homme pour ouÿr comme les aucies & ala traçant tout a l'environ pour trouver a se seoir & nul de sa nation trouva si courtois qui point de lieu luy presentast mais quant il vint a l'endroit ou seoient les jeunes estrangiers dessusditz tantost selon les lois de leur païs se leverent & firent reverence & place au vieillart. laquelle chose fut tresgrandement notee & prisee de tous. Et ceste mesmes maniere tenoient semblablement les rommains au temps qui se gouvernoyent par souveraines ordonnances. Et pourtant entre vous enfans & jeunes gens cest exemple par enseignement vous soit doctrine / car sachiés que droit & raison veult que honneur leur soit portee & mesmes la saincte escripture le tesmoigne & soyés certains que en ce faisant vostre tresgrant los y sera. Car l'honneur n'est mye a celluy a qui on le fait. Et s'il est ainsi que honneur leur devés il s'ensuyt que souverainement vous devés garder de les mocquer ne dire ou faire derisions injures oultrages ne vilennies quelconques desplaisir ne arguer a ceulx sicomme font aucuns mauvais enfans qui trop en sont a reprendre / qui les appellent vieillars ou vieilles / mais c'est ung bel reproche a qui bien le gouverne. Le deuxiesme point qui est comment leur devés obeir touche comment devés croire certainement que ilz sont plus saiges que vous si appartient que vous vous tenés a leurs oppinions plus que aux vostres / c'est a entendre des anciens saiges que usiés de leur conseil & de vos plus grans fais ordonnés & riglés par eulx et par ainsi ne pourrés estre aprins. Le quatreiesme point est que tous ne soient ilz pas fors de corps pour vous batre / et que ja n'ayés celle doubte si les devés vous craindre sicomme s'ilz fussent tous vos peres & vos meres. La raison est pource qu'ilz ont avecques eulx en leurs sens Et sçavoir le baston de correction qui vous appartient pource vous affiert redoubter leur presence / c'est assavoir vous garder de mesprendre la ou ilz sont: car tost l'apercevroient Le quatriesme est que vous leurs devez ayder & reconforter de la force de vostre corps & aussi de voz biens piteusement en leurs maladies & foiblesses a ceulx qui besoing en ont par humaine compassion pensant que semblablement devendrés impotens & foibles se vous tant vivés si vouldriés bien adonc que on vous reconfortast & aussi pour la tresgrande charité & aulmosne que c'est envers dieu / car plus grant enfermeté n'est que vieillesse. Item le cinquiesme point qui est du bien que par eulx recevés lequel plus vous doit esmouvoir a les suporter & avoir compassion d'eulx est que ce sont mesmement les loys par ce estes enseignés & riglés en ordre de droit si ne pourriés jamais rendre ces grans benefices & qui aussi soustiennent tous les jours en toutes terres païs & royaulmes les belles rigles & ordonnances du monde. car non obstant la grant force des jeunes se ne fussent les saiges anciens le monde yroit a confusion / & ce mesme tesmoigne la saincte escripture qui dit mal pour la terre dont le roy ou seigneur est enfant c'est a dire jeune de meurs et aussi & par ces rigles entre vous jeunes vous devez ordonner & maintenir vers les anciens affin que le bien de vous & de vostre renommee mesme en croisse. Car moult est grant auctorité la bonne renommee qui est recitee par la bouche de saige ancienne personne de la relation d'autruy & y adjouste l'en grant foy parquoy se les jeunes qui la desirent estoyent bien advisés ilz devroyent mettre trop grant peine d'estre en leur grace par bonnes meurs affin que d'eulx ilz fussent loués. Si touche cest admonnestement que dit avons en ce pas tant les jeunes hommes comme les jeunes femmes. Mais pour descendre a nostre propos a l'enseignement des femmes pource que les sens et les biens dessusdictz sont es anciennes / c'est assavoir en ceulx & celles qui sont honnorables & saiges car nostre entente n'est mye d'aucuns maleureux vieillars ou vieilles endurcis en leurs pechés & vices ou n'a quelconques sens ne bonté & ceulx sont a fuyr plus que chose nee / mais de bonnes & honnestes se doibt voulentiers accointer toute jeune femme qui desire honneur aller a festes ou a quelconque lieu que ce soit voulentiers en leur compaignie plus que avec les jeunes / car plus en sera louee & plus seurement yra & se aulcune chose venoit en l'assemblee mal apoint ja le diffame ou blasme ne sera sur telle qui en honnorable compaignie d'ancienne femme bien nommee sera. Si doibt si que dit est la jeune femme servir & honnorer & porter grant reverence a l'ancienne & suporter d'elle posons qu'elle feust aucunement male ou dangereuse recevoir en gré sa correction ne luy respondre point maulgracieusement mais se taire ou parler courtoisement l'apaisier par bel se elle peut & se garder de faire les choses qu'elle scet qui la peut mouvoir a ire & de ce faire sera tres louee. Et par ces voyes tenir de vieilles gens aux jeunes gens & de jeunes aux vieulx pourra estre gardee & maintenue[**u/n entre eulx qui souventesfois sont en grans desaccors.
¶ Cy devise des femmes des mestiers comment gouverner se doivent. Chap. .xlvii.
Or nous convient parler de l'ordre de vivre des femmes mariees aux hommes des mestiers qui demeurent es cités & bonnes villes sicomme a la ville de paris & autre part non obstant que tout le bien que devant est dit pevent prendre en leur usaige se il leur plaist. mais non pourtant que les mestriers soyent plus honnestes les ungs que les aultres sicomme orfevre brodeur armurier tapissier & autres plusieurs que ne sont maçons cordonniers & telz semblables a toutes appartient que elles soyent tressoigneuses & dilligentes se chevances veullent avoir par honneur de solliciter leurs maris ou leurs ouvriers de eulx prendre matin a la besongne & tard laisser / car sans faille il n'est nul si bon mestier que qui n'y met dilligences a peines peut on aller de pain a autre. Et avec ce que tel femme doibt solliciter les aultres a ellemesmes appartient mettre les mains a la paste tant faire que elle se congnoisse en l'ouvrage affin que elle saiche deviser a ses ouvriés se le mary n'y est reprendre s'ilz ne font pas bien doibt estre dessus pour les garder d'oiseuseté car par ouvriers mausongneux est aucunesfois desert le maistre & quant marchés viennent a son mary de faire aucun ouvraige aucunement dangereux & non acoustumé elle le doibt admonnester par bel que il garde bien que il n'en prengne marché ou il puist perdre & luy conseille que le moins qu'il puisse face de creances s'il ne scet bien ou & a qui / car par ce plusieurs viennent a povreté quoy que aucunesfois la couvoitise de plus gaigner ou de la grant offre que on leur fait / leur face faire. Avec ce doibt tenir son mary en amour le plus qu'elle peut a celle fin que plus voulentiers se treuve a l'hostel & que il n'ayt cause de suyvre les sottes compaignies d'aultres jeunes hommes en tavernes & autres superflus & oultrageuses despenses si que assez de gens de mestier & par especial a paris font desquelles par doulcement traicter le doibt garder le plus que elle peut. Car on dit que trois choses chassent l'homme de son hostel femme rioteuse cheminee qui tient fumee & maison ou il pleut. Avec ce elle se doit tenir voulentiers a l'hostel non mye allant tous les jours trotant ça & la voisinant pour sçavoir que chascun fait ne visitant souvent commeres / car c'est faict de maulvaises mesnagieres si ne luy sont bien seans tant de compaignies faire par ville ne troter a pelerinages trouvés sans besoing qui ne sont toutes fors despences sans necessité. Avec ce doit admonnester son mary que ilz vivent si sobrement que la despence ne passe la gaigne si que au bout de l'an se treuvent en debtes se elle a enfans leur face aprendre premierement a l'escolle affin qu'ilz puissent & sachent mieulx servir dieu aprés soyent mis a aulcun mestier par quoy leur vie puissent avoir. Car grant avoir donne a son enfant qui luy donne science marchandise ou mestier & les garder de mignotises & de friandises sur toutes riens. car en verité c'est une chose qui moult honnist les enfans de bonnes villes qui est grant peché a peres & a meres lesquelz doibvent estre cause du bien & des bonnes meurs de leurs enfans & ilz sont aucunesfois achoison par les friandises en quoy ilz les nourrissent & les grans mignotises que ilz leur font de leur mal & perdicion.
¶ Cy devise des femmes servantes & chamberieres. chap. .xlviii.
Affin que tout se sente de nostre admonnestement en bien vivre parlerons mesmement aux femmes servantes & chamberieres de paris & d'aultre part & pource que en plusieurs lieux la necessité de gaigner leur vie & assez en est il par ce que elles ont esté mises bien jeunes a servir l'occupation du service mondain leur a par adventure empeschié de sçavoir si largement des choses qui appartiennent a sauvement comme autres font & aussi a servir dieu en oyant messes sermons et disans patenostres & oraisons dont peut estre desplaisir a auculnes bonnes mais besoing de servir ne leur seuffre nous semble bon parler ung petit de la maniere en fait oeuvre ou pensee qui pour leur sauvement a tenir leur est prouffitable & aussi de ce qu'elles doibvent eschever. Si doit sçavoir toute femme servante qu'elle faict a excuser de toutes choses mesmement vers dieu se elle ne les fait que sa maistresse ou autre femme aisee n'en sera pas excusee / c'est assavoir que se elle est en service par necessité de son vivre & il convient que pour son service mieulx acomplir tire grant peine lieve matin & couche tard disne & souppe aprés les autres & mal a son loysir / mais aille mengeant ça & la tousjours en servant & par adventure non mye bien largement aura sa substentation / mais assez escharcement & ric a ric se telle femme ne jeusnes mesmes tous les jours commandés de l'eglise elle en faict vers dieu a excuser voire se elle sent que sans grever son corps lequel par adventure deffauldroit si qu'elle ne pourroit gaigner sa vie ne le peut faire non mye que elle brise son jeune par gloutonnie & par folle presumption disant je suis servante je ne doy mye jeusner. Et pource discretion & bonne conscience doivent faire la difference & en estre juges Car il est des chamberieres plus aises de toutes choses que assez de mesnagiers est il qui jeusnent ou font abstinences pour l'amour de dieu si ne le disons mye pour icelles. Et semblablement disons d'aller en l'eglise & estre en oraisons. que doit faire la bonne servante qui veult deservir estre sauvee certainement elle doit avoir que dieu qui tant congnoist voit ne demande que le bon cueur vers luy ne fauldra a bien ouvrer et pour celle qui tel aura & se sauvera en tel maniere que elle se gardera de tous lais & mauvais pechés portera loyaulté en faict & en dict a maistre & a maistresse et songneusement les servira et mesmes en faisant la la besongne pourra dire ses patenostres & ses devotions & se elle peut estre de fait au moustier le cueur y sera par bonne voulenté & toutesfoys n'est mye a croyre que nulle ou pou soit occupee que s'elle veult prendre la peine de lever matin qu'elle ne puisse bien avoir espace d'oÿr une messe le plus des jours se recommander a dieu puis s'en retourner faire sa besongne & telle voye tenir avec les autres biens que bonne servante peut faire sans faille les conduyront a sauvement. Mais tenir la maniere que aucunes gouliardes & mauvaises font est chemin dampnable. Et pour les reprendre de leurs mauvaisties & follies en dirons il est aucunes faulces gloutes chamberieres que par ce qu'elles scevent assez du bas vouler et bien servir pour mieulx flater es grans hostelz des bourgois & riches gens on leur baille grant gouvernement pource qu'elles scevent bien faire les bonnes mesnagieres si ont office d'acheter la viande et aller a la chair ou trop bien batent le cabas qui est mot communement dit qui est a entendre faire acroire que la chose couste plus que elle ne fait & retenir l'argent / si font entendant que le quartier de mouton leur couste quatre soulz que elles ont pour dix blans ou moins & ainsi des autres choses si pevent par celle voye faire aval l'annee grant dommaiges / et plus font telz jours est / car elles apportent a part ung morcellet de friandise si font faire ung pasté et sur la taille de leur maistre le content au four. Et puis quant leur maistre est au palais ou en la ville & leur maistresse a l'eglise a la grant messe la desjeunerie est faicte en la cuisine a bon gaudeamus et n'est pas sans bien boire et du meilleur et la viennent les autres chamberieres de la rue qui sont du flot des chamberieres et autres commeres & dieu scet comme la se fourrent et aucune porte le pasté en la chambre que elle a en la ville. et la vient le gentil gallant et ainsi se rigollent / s'il y a femmes qui repairent en l'ostel qui aident a faire les lessives & a escurer les potz celles sont de la cordelle de la chamberiere / car elles font la besongne de l'hostel tandis que icelle va jouer affin que le maistre & la maistresse treuvent tout prest quant ilz vendront si les envoye bien a heure / mais dieu scet comment boudees de vin & de viandes si leur servent d'ung autre office. car aucunesfois quant on fait la lessive a l'hostel & la maistresse qui en sera bien embesongnee cuidera que sa chamberiere soit a la riviere pour laver la lessive & elle est aux estuves paix & aise / et a ses femmes qui luy font sa besongne / mais ne les paye pas du sien / si a ses cousins & ses comperes qui la viennent demander a l'hostel & veoir aucunesfois & dieu scet que les cousinages & les chalandises de maintes commeres qu'elles a en la ville coustent a l'ostel maintes bouteillees de vin / mais s'il advient quel tel femme serve en lieu ou il y ait jeune maistresse nouvelle mariee / et ung pou nicette elle est bien arrivee. Car bien se sçaura pener de flater le maistre & de parler a luy bien en preude femme & dire fy de flatars / affin que se fie bien a elle de sa femme & de tout / mais ne fault pas a luy tirer bien les vers du nés / car d'autre coste raflatera la jeune fille / si que par celle maniere les tendra tous deux qu'ilz ne croiront a autre dieu & adonc vin & viande chandelle pain lart sel & toute despence d'ostel sera bien gouverné & se le maistre dit aucunesfois que les garnisons y faillent trop tost incontinent aura sa responce preste disant que c'est pource qui faict de grans disners & semont tant les gens de boire / mais s'il advient que aucun galant luy promette ou donne chapperon ou robe pour faire ung message a sa maistresse se elle ne le fait de bonne maniere que elle soit arse de telles gloutes chambrieres est il aucunesfois si est moult grant peril en ung hostel. Car par le beau service que elles scevent faire leurs flateries bien appareiller & beau respondre aveuglent tellement les gens que on ne se prent garde de leurs mauvaisties / car elle se meslent de devotion parmy pour mieulx tout couvrir & vont au monstier a tout patenostres & la est le peril. Si vous en prenés garde entre vous qui estes servis que ne soyés deceus. Et a vous qui servés le disons affin que abhomination aiés de telz choses faire. Car sans faille celles qui le font se damnent & desservent mort d'ame & de corps / car de telles sont arses ou vives enfouyes qui tant ne l'ont desservy.
¶ Cy parle a l'enseignement des femmes de folle vie. Chapitre .xlix.
Tout ainsi comme le soleil luyst sur les bons & sur les mauvais n'aurons point de honte d'espandre nostre doctrine mesmes sur les femmes qui sont folles legeres & desordonnees vie quoy qu'il ne soit riens plus abhominable & ce ne devons mye avoir pensant que la digne personne de jesucrist n'eut pas orreur de leur tenir resne en les convertissant donques pour charité & intention de bien & affin que aucunes d'elles puist se l'aventure si a donné que elle l'oye recueillir & retenir de noz enseignemens quelque chose qui puisse estre cause de la retraire de vie folle. Car plus grant aumosne ne peut estre faicte que de retraire le pecheur de mal & de peché dirons ainsi ouvrés les yeulx de congnoissance entre vous miserables femmes donnees a peché tant deshonnestement retrahés vous tandis que la lumiere du jour avés & ains que la nue vous surprengne / c'est a dire tandis que vie au corps vous dure que mort ne vous assaille & prengne em peché qui vous conduise en enfer. Car nul ne scet l'eure de la fin avisés la grant ordure de vostre maniere de vivre tant abhominable que avec ce que vous estes en l'ire de dieu le monde vous desprise que toute personne honneste vous fuyt comme chose excommuniee & en rue destourne sa veue que ne vous voye. Et pourquoy dure en vous tant ville couraige que on parle de telle abhominacion vous tenez plungiees comment peut estre ramenee a tel vice femme qui de sa nature & condition est honneste simple & honteuse qu'elle puisse endurer tant de deshonnesteté vivre boire & menger entre hommes plus vilz que pourceaulx ne d'autre gens n'avez congnissance qui vous batent traisnent & menassent & desquelz estes tous les jours en peril d'estre occises. Helas pourquoy est simplesse & honnesteté de femme ramenee en vous a telle paillardise. A pour dieu femmes qui portés le nom de crestienté & qui le convertisés en si vil office levez sus vous sourdés de la boue tant abhominable & ne vueillés plus souffrir voz povres ames chargees des ordures commises par les villains corps. Car dieu tout piteux est apareillé vous recevoir a mercy se repentir vous voulez & criés mercy par grant contriction. Si prenez exemple a la benoiste marie egiptienne qui de folle vie se repentit & a dieu se convertit qui est glorieuse saincte en paradis. Semblablement la benoiste saincte affre qui offrit son corps dequoy elle avoit pechié a martirer pour honneur de nostre seigneur & autres pareillement qui ont esté sauvees Et se aucunes de vous se vouloit excuser disant que ce feroit elle volentiers / mais trois raisons l'en destournent. L'une pource que les deshonnestes hommes qui la hantent ne luy souffreroyent. L'autre que le monde qui l'a en abhomination la debouteroit & chasseroit de tous lez & pource puis qu'elle est tant a honte jamais ne se oseroit veoir entre gens. La tierce que elle n'airoit dequoy vivre car elle ne scet nul mestier Si dirons que ces raisons riens ne vallent Car remede peut avoir en toutes Le premier est tel savoir doivent qu'il n'est point de doubte que femme n'est tant commune ne acointe de plusieurs que se elle veult bien a certes se disposer a retraire de pechié quoy que advenir luy en doye crier mercys a dieu par repentance & se tirer devers luy par ferme propos de jamais n'y renchoir il la gardera bien de tous ceulx qui l'en vouldroient destourber / mais que elles mesmes s'en vueille garder en fait & maintien laisse tantost son tresdehonneste habit & se veste & affuble de robe large & honneste & fuye les repaires que hanter souloit se traye vers le monstier & l'eglise en devotes oraisons suyve les sermons devottement & en grant repentance & contricion se confesse a saige confesseur. Et a tous ceulx qui l'admonnesteront de pechié respondre plainement que plus tost offreroit son corps a martire que elle le souffrist. Car dieu luy a donné grace de soy repentir & retraire si ne luy adviendra jour de sa vie pour mourir. Et par celle voye tenir n'est point de doubte apellant dieu a son aide qu'i n'y aura si grant goliard donc elle bien ne se delivre & se ores aucun trouvoit si mauvais qu'elle ne peust resister tantost contast son fait a justice qui pitié en auroit & y seroit pourveu. A l'autre raison qui est que le monde la despiteroit ne doit avoir telle oppinion ne pource laisser. Car le vray est tout au contraire & ne face nulle doubte que toutes les creatures qui la verront ainsi convertie & honteuse de son peché & folle vie en auroient tresgrant pitié l'appelleroient vers eulx luy diroient bonnes parolles & luy donroient occasion de perseverer & bien faire & pourroit estre veue & si bonne & si honneste vie tant devote doulce & humble que la ou elle souloit estre deboutee de chascun seroit apellee de toutes bonnes gens & cher tenue & ainsi par bien faire & la grace de dieu auroit recouvré honneur pour honte. Et pour quoy ne seroit. Car quant dieu luy auroit pardonné & prinse en grace ne seroit pas raison que le monde la boutast Helas sans faille toute femme ainsi donnee a honte & peschié deveroit bien desirer estre remise en cestuy estat laquelle chose seroit se disposer se vouloit / la tierce raison qui est qu'elle n'auroit dequoy vivre ne vault. Car se elle a corps fort & puissant pour mal faire & pour souffrir maintes batures & assez de mescheances elle l'auroit bien a gaigner sa vie / mais que ainsi fust disposee comme nous disons / car chascun la prendroit voulentiers a aider a faire les lessives en ces grans hostelz si en auroient pitié & voulentiers luy donneroient a gaigner / mais que bien gardast que on ne veist en elle ordure ne mauvaistie en nul endroit filleroit garderoit des accouchees & des malades demoureroit en une petite chambre en bonne rue & entre bonnes gens la vivroit simplement & sobrement si que on la veist nulle fois yvre ne malle ne tenceresse ne grande quaqueteresse & gardast bien que de sa bouche n'issist quelconques parolles de lubreté ne de deshonnesteté / mais tousjours courtoise humble & doulce & de bon service a toutes bonnes gens & bien se gardast que homme n'attraist. Car elle perdroit tout Et par ceste voye pourroit servir dieu & gaigner sa vie si luy feroit plus de bien ung denier que cent receus en pechié.
¶ Cy parle en louant les femmes honnestes & chastes. Chap. .l.
Tout ainsi comme le blanc du noir se differe et que contre l'ung l'autre mieulx est apperceue la difference nous plaist pour donner plus grant veue aux femmes chastes & honnestes parler a elles en les louant non mye pour les orgueillir / mais affin que perseverance de bien faire leur soit plaisir et que toutes femmes desirent estre de ce renc si en dirons aprés ce que nous avons parlé aux povres pecheresses. car tout ainsi comme a icelles deffaillans se pevent par grace de dieu relever convertir les bonnes par temptation d'ennemy & fragilité pervertir & estre peries & dampnees. Car point n'est congneue la constance du bon pelerin jusques a ce qu'il ayt acomply le terme de son voyage. Et pource considere la povre fragilité humaine tost encline a trebuscher nul ne doit presumer de soy que il soit plus fort que fut saint pierre ne que david salomon & aultres de grant sçavoir qui trebucherent en peché. Si dirons ainsi a vous femmes honnestes de chaste vie. Salut par dilection amys cheres le plaisir que nous prenons a la lueur de chasteté nous desduit a vous escripre tant les proprietés d'icelle noble fleur comme les louenges qui luy sont donnees a celle fin que tout ainsi que quant on loue le bon ouvrier par le bon ouvraige de plus en plus il se delicte a bien ouvrer faciés semblablement. Et quoy que assez suffise descripre toutes ses proprietés seroit fort neantmoins aulcunes belles & bonnes voulons en brief ramentevoir. Chasteté a telle proprieté qu'elle rend la personne en qui elle est & demeure agreable devant dieu sans laquelle nul n'y pourroit plaire. Et il y pert par ce que recite sainct ambroise quant il dit que de creature humaine fait devenir ange. Et celle mesmes sentence accorde saint bernard ainsi disant que plus belle chose fait il peut estre que chasteté qui de creature humaine conceue d'orde matiere & semence & en peché peut faire ung tresnet & plaisant habitacle a dieu. Chasteté dit il est la seulle vertu qui mesmes en ce monde mortel represente l'immortalité de lassus / c'est assavoir que les creatures qui l'ont en eulx se pevent comparer aux saintz esperitz du ciel si sont infinies les proprietés & louenges que la saincte escripture recorde de ceste vertu celeste. Et avec ce que elle est tant tesmoignee estre haulte devant dieu l'experience nous demonstre semblablement au monde & a la louenge exaulcee / car il ne sçaura estre creature remplye de tant de defaulx que s'il est renom que elle soit chaste que on ne l'ait en reverence & se elle est renommee du contraire d'aucune personne quelque bien qu'elle face que on ne s'en mocque en derriere & que moins n'en soit prisee. Si vous y vueillés doncques delicter de plus en plus entre vous preudes femmes / non mye par faintise montrer par signes & parolles que le soyés & que couvertement ait en vous le contraire. Car dieu a qui riens n'est mucé le sçauroit bien qui vous en pugniroit / mais en realle verité soit telle vostre conscience par droit effect. Et ne faictes comme aucunes folles qui cuident par parler des aultres mucier leurs follies ou faire acroire que moult sont preudes femmes & que tel fait ont en abhomination / mais telle maniere fait a despriser. car quelque bonne que une femme soit de tant comme elle est bonne luy appartient plus se taire en tel cas pource que elle doit penser que les autres pareillement le sont. Car n'est point signe que elle soit quant tant treuve sur les autres a dire. Car en ce cas luy affiert prendre son cueur a autruy. Si ne vous devés doncques orgueillir pour vostre chasteté suppeditant ne mocquant les autres posons que sceussiés de vray leurs vices n'en parler en mal pour vous aloser & monstrer que mieulx vaillés pour deux principaulx raisons. L'une car vous ne sçavés qui vous est a advenir ne comment temptees serés Car dit le proverbe commun. quant la brebis est vieille si l'emporte aucunesfois le loup L'autre que si vous n'avez celuy peché vous en avés peut estre d'autres pires envers dieu si que en ce livre est aucunesfois touché / quoy qu'ilz ne soyent mye par adventure si deshonnestes au monde. Si devez avoir pitié des deffaillantes prier pour elles leur donner occasion d'elles retraire & louer dieu de ce que de tel mal vous a gardés luy prier qu'il vous doint perseverance / fuir les occasions qui vous pourroient faire encliner a pechié vous tenir humbles vers dieu & ne vous fier en vous mesmes / mais tousjours estre craintives & ainsi & par ceste voye tenir pourrés conduyre vostre charroy jusques a fin & terme de gloire / laquelle dieu vous ottroit.
¶ Cy dit des femmes des laboureux. chap. li.
Or nous convient tirer vers la fin de nostre procés dont il est temps desormais parlant aux simples femmes de labour es villages auquelles n'est mestier deffendre les grans paremens ne oultrageux habitz. Car de ce sont bien gardees & non pourtant quoy que elles soyent nourries communement de pain bis de lart de potage & de eaue abuvrees & que assés de peine trayent est leur vie plus seure & en plusgrant souffisance que de telles sont bien hault assises. Et pource que toute creature de quelque estat qu'elle soit a mestier d'introduction & bien vivre nous plaist que elles soyent participans en nos leçons si leur dirons ainsi entendés simplettes femmes qui demourés es villaiges es platz païs ou es montaignes qui ne povez mye souvent ouÿr ce que l'eglise admoneste a toute creature pour son sauvement si n'est par vos curés ou chapelains au dimenche au prosne en brief sicomme dire le scevent retenés nostre leçon a vous adrecee s'il est ainsi que aller puisse jusques a vos oreilles affin que ignorance qui vous peut decevoir par faulte de plus sçavoir ne vous destourner de sauvement. Si devés sçavoir tout premierement qu'il est ung seul dieu tout puissant tout bon tout juste & tout saige a qui nulles choses sont celees qui rend guerdon a toute personne ou de bien ou de mal selon ce qu'il a deservy celuy seul doit estre parfaictement aimé & servy. mais pource qu'il est tant bon qu'il a aggreable tout service que bon cueur luy presente & tant saige qu'il scet la possibilite des gens luy suffit que chascun face vers luy selon sa possibilité & souffist mais que le cueur y soit. Et pource entre vous de qui il est necessité que le monde soit secouru au labour qui est pour la sustentacion vie & nourrissement de toute creature humaine parquoy ne povés tant vacquer ne entendre a le servir en faisant jeusnes disans oraisons ne aller a l'eglise comme autres femmes de bonnes villes & toutesvoyes avés aussi bien besoing de sauvement que autres ont comment doncques qui les servés par autre voye sicomme nous vous dirons / c'est assavoir en cueur & en voulenté en faitz en dis et en pensee. C'est assavoir en tant que vous l'aimez de tout vostre cueur vous garderés de faire a vos voisines ou autres gens ne que vouldriés qu'ilz vous feissent & que de ce admonnestés bien vos marys / c'est assavoir quant ilz labourent terres pour autruy qu'ilz le facent bien & loyaulment comme pour eulx feroient & se c'est a moisson payent leur maistre du froment qui aura creu en la terre si tel est le marchié & non mye mesler seigle avec & faire entendant que autre n'a rendu / ne mucent pas les bonnes brebis ne les meilleurs moutons ches les voisins ou autre part pour payer le maistre quant vient au partaige des pires ne face acroire que mortes sont par luy / luy monstrer les peaux d'autres bestes ne le payent des pires toisons des laines / ne mauvais compte ne luy rendent de ses voitures ne de ses choses ou de sa volaille. & ne voisent coupper en aultruy bois sans congié pour lever leurs maisons / & quant vignes prennent a faire soyent diligent de les faire de toutes façons & en bonne saison. Et quant ilz seront commis pour leurs maistres de prendre des autres ouvriers s'ilz les louent six blans le jour ne face mye acroire que sept coustent et ainsi de toutes telles choses les bonnes femmes doivent adviser leurs marys qu'ilz s'en gardent / car ilz se damneroyent & par bien faire & loyaulment leur labeur prennent en gré leur vie sans faille ilz se sauvent & est vie bonne & aggreable a dieu & elles mesmes leur doivent aider en ce que elles pevent & bien garder qu'elles ne voisent ne seuffrent aller leurs enfans rompant hayes pour en autruy courtilz embler les raisins par nuyt ou par jour / ne autruy fruitaiges / ne quelconques courtillaiges ne autres choses / ne leurs bestes ne mettent paistre en gaignages ne au prés de leurs voisins ne quelconques chose ne tollent autruy ne qu'elles vouldroient que on leur tollist. voisent a l'eglise le plus qu'elles pourront & payent a dieu loyaulment leurs dismes & non mye des pires choses & dient des patenostres paisibles soient avec les voisins sans leur faire dommage en plait pour pou de chose. Si que assés de villages font que ja ne seront aises se ilz ne plaident croyent bien en dieu & ayent pitié de ceulx a qui verront mal avoir & par ces voyes tenir si pourront les bonnes gens sauver tant hommes comme femmes.
¶ Cy parle a l'estat des povres. chap. .lii.
Si que nous commençasmes aux riches & aprés ce que parlé avons a tous les communs estas des femmes nous convient terminer nostre euvre aux estas de dieu aymés & du monde haïs / des povres tant de hommes comme de femmes en les ennortant de pacience par l'esperance de la couronne qui leur est promise en disant. O beneurez povres par la sentence de dieu recordee en l'evangille attendans la possession du ciel par le merite de povreté paciemment portee resjoyssés vous en ceste haulte promesse de la joye qui toutes passe & a qui autre n'est comparee & n'est pas promise aux Roys ne aux princes ne aux riches s'ilz ne sont de vostre regne en esperit c'est povre de voulenté si que ilz desprisent les richesses & boubans du monde ne point ne les assavourent. amys treschiers de dieu aymés plaise vous a retenir nostre admonition se jusques a vostre congnossance peult aller par quoy elle vous ramentoive ce qui vous peut aider contre les aguillons d'impacience quant ilz vous poignent de divers & tresgrans laises que vous portés. C'est assavoir souventesfois fain & soif froit maulvais logis impotence vieillesse sans amys maladie sans resconfort & avec ce le despris villennie & deboutemens du monde sicomme a peu si vous estiés une autre espece de gent & non mye crestiens. Adonc quant la pointure d'icelle impacience vous assault affin que par elle ne perdés pas lesditz tresgrans tresors qui promis vous sont vienne dame esperance aymee de patience atout l'escu de foy qui fort se combatent contre elle si qu'elle la desconfisse & que la victoire en soit vostre & l'envaïse fort par telz cinq dars Le premier qu'elle luy gettera sera tel O povre pecheur ou pecheresse que as tu qui te complains povreté est il homme au monde qui ne se tenist pour bien payé d'estre vestu des robbes du roy & de sa livree. He mon createur tout puissant roy sur tous roys / & moy ta povre creature qui suis vestue de tes robes en ame & en corps n'ay pas souffisance en ame entant que tu l'as faicte a ton ymage / en corps que j'ay chair humaine si que tu veulx avoir & vestu de povreté laquelle robbe tu veulx avoir toute la vie. Et bien monstras que tu auctorisoyes l'estat de ceste prophecion de povreté plus que nul aultre quant pour toymesmes l'esleuz or pert il bien que tes jugemens ne sont pas pareilz a ceulx des hommes. Car qui fut oncques en ce monde plus povre que toy quant il te pleut naistre en une povre estable comme en lieu destourné entre bestes mues en temps d'yver enveloppé en povres drapelletz & toute ta vie user en telle povreté que oncques n'euz riens propre fortz ce qu'on te donnoit pour aulmosne souffris maintesfoys fain soif & toutes mesaises vous mourir tourmenter tout nud & si povre que tu n'avois pas ung povre oreiller a reposer ton digne chief / helas moy miserable creature me dois je plaindre d'estre de ton convent. Beau sire dieu je te rens graces quant tant me daignes honnorer que j'en soye Car tu veulx que par la fain transitoire que a present je seuffre & endure je soye rassise la sus a ta saincte table a tousjours s'il me plaist & le vueil tresdoulx sire que ta saincte voulenté soit faicte. Le deuxiesme dard que elle gettera sera tel. Et si tu es ores malade & pou reconfortee dieu le veult / affin que par la pacience que tu y peulx prendre ton merite soit de tant plus grant. Le troiziesme dard est / se tu es vieil & n'as nulz amys que te chault / iceulx amys que te feroyent ilz. Certes ta vieillesse ne te osteroient ilz pas / ne ilz ne te accroisteroyent pas ton merite / & de tant que tu es plus vieil c'est mieulx pour toy. Car tant es tu plus pres d'aller au terme de ton voyage & vers ton dieu qui par sa saincte misericorde se tu es patient te remettra en force & en jeunesse de toute gloire & felicité. Le quatriesme dard est / se tu gis maintenant sur ung pou de fiens qui ung petit de temps t'a a durer ou en ung pouvre & mesaise logis ou tu n'as dequoy te aysier / quel mechief est ce pour toy advisant le benoist logis de paradis sur tous beau & dectable ou tu ne peulx faillir se a toy ne tient. Le cinquiesme dard est. se le monde te desprise ou deboute tu es bien blecé mais pour dieu or advises que vallent aux roys aux grans & aux riches trespassés les honneurs que en leurs vies on leur faisoit au siecle. Helas n'est pas doubte que cause ont esté de dampner mainte a qui mieulx vaulsist avoir esté de ton estat. Ainsi & par ces dartz entre vous povres & indigens vous povez vaincre & mater les assaulx de impacience qui ne sont pas petis quant ilz viennent par grant oppression de necessité par prendre en gré vostre povreté avoir fiance en dieu ne couvoiter autre chose fors ce qui luy plaist. Et par ceste voye povez acquerir plus noble possession / & plus de richesses que cent mille mondes ne pourroient contenir & a tousjours durer. Si avez cause a tout regarder si bien ne voulez user de louer dieu de l'estat ou il vous a appellés quoy qu'il soit dur a porter. Et entre vous bonnes & povres femmes qui voz povres maris avez les devez par ces poins reconforter & eulx aussi vous servir l'ung l'autre le mieulx que vous pourrés. Les povres veufves aussi se reconforter en dieu en attendant la joye qui n'a fin laquelle dieu vous octroye. Et a celluy mesmes te recommandons christine amye chiere. Et de nostre oeuvre ainsi nous departons
¶ La fin & conclusion d'icelluy livre.
¶ Cy dit des femmes des laboureux. Chap. .liii.
A tant se teurent les trois dames qui a coup s'evanoyrent & je christine demouray presque lassee par longue escripture. mais tresrejouye regardant la tresbelle oeuvre de leurs dignes leçons lesquelles de moy racapitulees veues & reveues me apparoient estre de mieulx en mieulx tresproffitables au bien & augmentation des meurs & vertueux en accroissement d'honneur aux dames & a toute l'université des femmes presens & advenir la ou se pourroit ceste dicte oeuvre estendre & estre veue Et pource se moy leur servante ja ne soye suffisante pour tousjours selon mon usaige m'employer au service du bien d'elles si que continuellement je le desire me pensay que ceste noble oeuvre multipliroye par le monde en plusieurs coppies quelque en fust le coust seroit presentee en divers lieux. A roynes princesses & haultes dames affin que plus fust honnoree & essaucee si qu'elle en est digne & que par elle peusse estre semee entre les autres femmes laquelle dicte pensee & desir mys a effect si que ja est entreprins sera espandue et publié en tous pays tant soit elle en langue françoise / mais par ce que ladicte langue est plus commune par l'universel monde que quelconques autre ne demoura pourtant vague & non utille nostre dicte oeuvre qui durera au siecle sans decheement par diverses copies. si la verront & orront vaillans dames & femmes d'auctorité au temps present & en celluy advenir qui prieront dieu pour leur servante christine desirans que de leur temps fust sa vie au siecle ou que veoir la puissent ausquelles toutes plaise que tant que au monde sera vivant la vueillent avoir en grace & memoire par amyables salus prians a dieu que par sa pitié soit favorable de mieulx en mieulx a son entendement si que telle lumiere de science & vraye sapience luy ottroye que employer le puisse tant que ça jus aura duree au noble labeur d'estude & l'essaucement & elevation de vertus en bons exemples a toute humaine creature. Et aprés ce que l'ame du corps sera partie en merite & guerdon de son service leur laisse offrir a dieu pour elle patenostres oblacions & devotions pour l'alegement des peines par ses deffaultes deservies si qu'elle soit presentee devant dieu au siecle sans fin lequel vous octroit.
Amen.
¶ Cy finist le tresor de la cité des dames selon dame christine Imprimé a Paris par Michel le noir libraire demourant sur le pont saint Michel a l'ymage saint Jehan l'evangeliste. Le .iiii. jour de decembre. L'an mil cinq cens & trois.
NOTES SUR LA TRANSCRIPTION
L'orthographe et la ponctuation sont conformes à l'original. Néanmoins pour faciliter la lecture, on a distingué les lettres i/j, u/v, et introduit cédilles, apostrophes et accents. Les symboles d'abréviation conventionnels ont été remplacés par les lettres correspondantes (exemple: Comme au lieu de Cõme).
Les coquilles les plus manifestes ont été corrigées: interversion de lettres (p. ex. sinacte pour saincte), substitution entre lettres semblables (tn pour tu), ou lettres ou mots en double (didire pour dire), etc.
Le passage allant de "qui nous meuvent. Il n'est pas doubte" à "courage aux gens" a été tiré d'une autre édition, la page correspondante du document d'origine n'étant pas disponible sur Gallica.