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Les chats: Histoire; Moeurs; Observations; Anecdotes.

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Celui qui n'a pas tenu longtemps dans sa main la patte du chat ignore ce que pense le chat.

C'est réellement une grande jouissance que de caresser le dessous des pattes du chat, cette poche souple où, comme dans un écrin, sont renfermées précieusement les griffes.

Avec les oreilles, le dessous des pattes est un des endroits où le chat aime les caresses humaines, & si on lui parle avec douceur en même temps, alors le chat cherche à comprendre le sens des paroles.

Le système nerveux du chat étant d'une excessive délicatesse, les caresses trop prolongées l'énervent & il mord ou griffe la main qui l'excite; mais qu'un mot le rappelle à la douceur, l'animal paraîtra honteux d'avoir méconnu un être affectueux dans un moment d'oubli. Il griffe encore quand la main, passant & repassant sans cesse devant ses yeux, lui paraît un objet mobile à saisir; tel est le doigté particulier dont l'a doué la nature. Il griffe également l'enfant qui, le privant trop longtemps de sa liberté, lui tire les oreilles & les barbes, lui presse le cou dans ses bras au risque de l'étrangler. Sans doute l'enfant n'a pas conscience du tracas qu'il cause à l'animal; mais le chat a conscience de la perte de sa liberté, de l'asphyxie, de la douleur que lui causent oreilles & barbes tirées, & avec justice, il se sert de ses armes.

Pour moi, je n'ai jamais vu un chat griffer quelqu'un sans raison. Avec M. Fée, je dis que le chat n'est ni hargneux, ni agressif, ni colère, qu'il n'attaque pas son espèce & qu'il ne se jette pas sans pitié sur les faibles, comme trop souvent le chien.

«Chacun, ajoute le même naturaliste, peut faire une remarque qui est en faveur de l'espèce féline. Lorsque les chats mangent à la même gamelle, ils restent en paix; lorsque les chiens prennent leur repas en commun, ils se battent. L'animal égoïste & tartufe laisse la pitance à ses compagnons: l'animal doux & caressant arrache l'os à son voisin...»

—Il n'est ni sociable ni docile, affirme gravement M. Flourens.

J'ai vu des chats vivre en bonne intelligence avec des perroquets, des singes, des rats! Et on est parvenu, sans grands efforts, à faire coucher dans la même niche chiens & chats.

Le chartreux Vigneul-Marville, dans ses Mélanges, rapporte qu'il vit à Paris une dame qui, par son industrie & par la force de l'éducation, avait appris à un chien, à un chat, à un moineau & à une souris à vivre ensemble comme frères & sœurs. Ces quatre animaux couchaient dans le même lit & mangeaient au même plat.

Le chien, à la vérité, se servait le premier, & bien; mais il n'oubliait pas le chat, qui avait l'honnêteté de donner à la souris certains petits ragoûts qu'elle préférait, & laissait au moineau les miettes de pain que les autres ne lui enviaient pas.

«Après la panse venait la danse, ajoute Vigneul-Marville; le chien léchait le chat & le chat léchait le chien; la souris se jouait entre les pattes du chat, qui, étant bien appris, retirait ses griffes & ne lui en faisait sentir que le velours. Quant au moineau, il voltigeait haut & bas & becquetait tantôt l'un, tantôt l'autre, sans perdre une plume. Il y avait enfin la plus grande union entre ces confrères d'espèces si différentes, & l'on n'entendait jamais parler ni de querelle ni du moindre trouble entre eux, tandis qu'il est impossible à l'homme de vivre en paix avec son semblable.»

Dupont de Nemours, qui a observé une extrême douceur sociale chez les animaux jouissant d'une pâture abondante, cite à ce propos cette anecdote:

«Au Jardin des Plantes, un vieux chat de grande taille, qui sans doute avait perdu son maître, conduit par la misère au brigandage, n'y trouvait qu'une ressource insuffisante. A peine restait-il dans ses pattes desséchées de quoi cacher ses griffes; son œil était large & hagard, sa maigreur affreuse, son aspect hideux. C'était près de la cuisine de M. Des Fontaines qu'il avait établi son embuscade ordinaire. A la moindre négligence, il y entrait avec l'audace du désespoir, saisissait la première prise, était loin en trois sauts. On le poursuivait avec des balais:—Au chat! Vieux chat! Vilain chat!

«On n'attendait plus ses attaques. D'aussi loin qu'il paraissait on courait à lui; il fuyait. La garde était si bonne, & sa frayeur si grande, qu'il ne pouvait plus rien attraper. Il mourait de faim.

«Un jour, M. Des Fontaines, à sa fenêtre & seul dans la maison, vit le malheureux chat, chancelant, se traîner sur le mur voisin, prêt à tomber en faiblesse. Qui ne connaît la bonté du cœur de M. Des Fontaines? Il eut pitié de l'animal, fut chercher trois morceaux de viande, & les lui jeta successivement.

«Le chat happe le premier morceau, puis voit que cette fois on ne le poursuit pas, revient un peu plus près, prend le second morceau & se sauve encore. La troisième fois, il se rapproche davantage &, la viande prise, s'arrête un instant pour regarder son bienfaiteur.

«Une demi-heure après, il était entré par la fenêtre dans la chambre de M. Des Fontaines, & paisiblement couché sur le lit. Il s'était dit:—Celui-là n'est pas impitoyable. Il avait eu occasion d'observer dans ses campagnes & ses expéditions précédentes que celui-là était le maître des autres, & son âme reconnaissante ajoutait:—Mes malheurs sont finis, j'ai un protecteur.»

Fac-simile d'un dessin de Mind. Tiré de la collection de M. Frédéric Villot.

CHAPITRE XIII.

CURIOSITÉ ET SAGACITÉ

La fenêtre vient d'être ouverte. Il est rare que le bruit de l'espagnolette ne réveille pas le chat qui, étendu sur un fauteuil, le quitte pour s'accroupir sur le balcon & respirer l'air.

Quand il en a pris une dose suffisante, qu'il l'a flairé & humé pour ainsi dire, au moindre bruit dans la rue, l'animal avance la tête en dehors du balcon, tant les choses vivantes le préoccupent.

La croisée d'en face s'ouvrant pour donner passage à une servante qui secoue un tapis, la voisine qui arrose ses fleurs, le voisin qui fume, la voiture enrayée, le chien qui passe, l'alerte facteur de la poste, le maraîcher criant ses légumes, le gamin qui siffle, autant de motifs d'extrême curiosité pour le chat.

Tous ces détails, il en fait son profit; replié paresseusement, fermant à demi les paupières, un sourire philosophique caché dans la barbe, le chat médite sur les divers profils dont il vient de meubler son cerveau. Il cherche à se rendre compte des actes & des choses qui l'ont plus particulièrement frappé: la distribution des lettres, les fleurs, la fumée de tabac, le gamin, les légumes.

Voltaire tenait pour la curiosité innée chez les animaux.

«La curiosité est naturelle à l'homme, aux singes & aux petits chiens, dit-il dans le Dictionnaire philosophique. Prenez avec vous un petit chien dans votre carrosse, il mettra continuellement ses pattes à la portière pour voir ce qui se passe. Un singe fouille partout, il a l'air de tout considérer.»

En effet, pourquoi le chat quitterait-il le fauteuil où il est si paresseusement étendu quand on ouvre la fenêtre, si la curiosité ne l'y poussait?

Cependant le plus spirituel sceptique de la bande d'Holbach (on ne reprochera pas aux amis du baron d'avoir abusé du spiritualisme) combat l'opinion de Voltaire.

«Voltaire, dit l'abbé Galiani, aurait dû faire sur la curiosité une réflexion qui est très-intéressante: c'est qu'elle est une sensation particulière à l'homme, unique en lui, qui ne lui est commune avec aucun autre animal. Les animaux n'en ont même pas l'idée.»

Et ailleurs: «On peut épouvanter les bêtes, on ne saurait jamais les rendre curieuses.»

Et voilà un philosophe qui conclut contre la curiosité chez les animaux.

«Le chat, dit-il, cherche ses puces aussi bien que l'homme; mais il n'y a que M. de Réaumur qui en observe les battements du cœur. Cette curiosité n'appartient qu'à l'homme. Aussi les chiens n'iront pas voir pendre les chiens à la Grève.»

Ce que Voltaire appelle curiosité, Galiani l'appelle sagacité.

Un métaphysicien remplirait un gros volume en dissertant sur cette curiosité & cette sagacité. Je propose de trancher la question en une ligne:

Le chat est curieux & sagace.

Pour la sagacité, personne, je crois, ne la niera. En voici un exemple.

Après déjeuner, j'avais pour habitude de jeter le plus loin possible, dans une pièce voisine, un morceau de mie de pain qui, en roulant, excitait mon chat à courir. Ce manége dura plusieurs mois; le chat tenait cette miette de pain pour le dessert le plus friand. Même après avoir mangé de la viande, il attendait l'heure du pain & avait calculé juste le moment où il lui semblait extraordinairement gai de courir après le morceau de mie.

Un jour, je balançai longuement ce pain que le chat regardait avec convoitise &, au lieu de le lancer par la porte dans la pièce voisine, je le jetai derrière le haut d'un tableau, séparé du mur par une inclinaison légère. La surprise du chat fut extrême; épiant mes mouvements, il avait suivi la projection du morceau de pain qui, tout à coup, disparaissait.

Le regard inquiet de l'animal indiquait qu'il avait conscience qu'un objet matériel traversant l'espace ne pouvait être annihilé.

Un certain temps le chat réfléchit.

Ayant argumenté suffisamment, il alla dans la pièce voisine, poussé par le raisonnement suivant: Pour que le morceau de pain ait disparu, il faut qu'il ait traversé le mur.

Le chat désappointé revint. Le pain n'avait pas traversé le mur.

La logique de l'animal était en défaut.

J'appelai de nouveau son attention par mes gestes, & un nouveau morceau de pain alla rejoindre le premier derrière le tableau.

Cette fois, le chat monta sur un divan & alla droit à la cachette. Ayant inspecté de droite & de gauche le cadre, l'animal fit si bien de la patte, qu'il écarta du mur le bas du tableau & s'empara ainsi des deux morceaux de pain.

N'est-ce pas là de la sagacité doublée d'observation & de raisonnement?


CHAPITRE XIV.

TRANSMISSION HÉRÉDITAIRE DES QUALITÉS MORALES DES CHATS.

Un ami dévoué, qui a étudié de près les qualités des chats, m'envoie quelques fines observations.

«Je crois que les chats ont une intelligence qu'ils cherchent à appliquer. C'est comme les enfants qui jouent à la guerre, aux métiers, aux voleurs & aux gendarmes; c'est le besoin de s'appliquer à quelque chose de sérieux & de réel; mais les forces leur manquent & leurs sens ne sont pas développés. Voilà une petite chatte dans le jardin; elle grimpe sur l'arbre après des pigeons qu'elle est bien sûre de ne pas atteindre; mais l'instinct la pousse à ce jeu de chasse.

«Elle guette au passage l'homme qui fend du bois au fond du jardin, elle veut jouer avec lui, elle le suit des yeux: ses yeux clignotent, ils sont intelligents. Il y a là une intelligence qui n'est pas développée, & qui est un pur jeu comme pour les enfants.

«G. Le Roy, qui demande deux mille ans pour développer l'intelligence des animaux, au point de les rendre serviables, d'en faire des serviteurs utiles, demande peut-être trop.

«Plusieurs générations, élevées & tenues en serre chaude, aux petits soins, suffiraient peut-être à appliquer ces instruments intellectuels à de petits offices; mais il faudrait que les hommes eux-mêmes portassent plus d'attention à ces choses qui ont l'air chimériques & surtout qui ne sont pas d'une utilité immédiate.

«Il faudrait aussi une famille d'observateurs-naturalistes, dont le père transmettrait au fils, le fils au petit-fils, le soin d'une famille de chats dans leur descendance. C'est ainsi qu'on résout les grands problèmes.

«Il y a de par le monde un savant ouvrage de mathématique. C'est un exemplaire unique. Il a été transmis par son auteur à M..., par celui-ci à un autre (toujours au plus digne), & par cet autre, je crois, à M. Biot, qui a dû le transmettre aussi à la plus forte tête mathématique de notre temps.

«Sur la garde, les trois ou quatre illustres dédicaces sont écrites à la main, & la dernière est toujours en blanc jusqu'à la mort du testateur. «Transmis par M..... à M.....»

«C'est ainsi qu'on devrait se transmettre une famille d'animaux, d'un naturaliste à l'autre[28]

[28] Ce projet de perfectionnement des qualités des chats, que le naturaliste Darwin regrettait de ne pas trouver appliqué à l'animal le plus familier de la race féline, il faut en reporter l'honneur à l'ami dont le nom est inscrit en tête de ce volume, à l'homme modeste qui, par les fonctions délicates & difficiles qu'il occupe, n'a pu livrer encore au public ce que l'étude & l'observation ont amassé dans son esprit à M. J. Troubat, dont M. Sainte-Beuve, qui l'a depuis quelques années auprès de lui & dans son intimité, disait dans ses Nouveaux Lundis:

«Plein de feu, d'ardeur, d'une âme affectueuse & amicale, unissant à un fonds d'instruction solide les goûts les plus divers, ceux de l'art, de la curiosité & de la réalité, il semble ne vouloir faire usage de toutes ces facultés que pour en mieux servir ses amis; il se transforme & se confond, pour ainsi dire, en eux.» Que peut-on ajouter à une si fine appréciation, si ce n'est d'en fournir la preuve par les pages ci-dessus?

D'après une marque des Sessa, imprimeurs à Venise.

CHAPITRE XV

CINQ HEURES DU MATIN.

C'est l'heure habituelle du réveil de mon chat. Accroupi au pied du lit, à la place qu'occupent les chiens sur les monuments consacrés aux preux, le chat est la plus exacte des horloges.

Il allonge ses jambes, bâille pour donner du jeu à sa mâchoire, ouvre de grands yeux. Une fois debout, il vient de s'élever graduellement à une hauteur extraordinaire; grâce à la flexibilité de son épine dorsale, le dos, tout à l'heure rond & indécis, se change peu à peu en un monticule élevé. Ce n'est plus un chat, c'est une sorte de petit chameau.

Le chat saute du lit, grimpe sur une chaise, rôde dans l'appartement & fait tant qu'il m'éveille tout à fait. En été, j'ouvre la fenêtre, & j'ai quelquefois la paresse de passer une demi-heure au lit à jouir de l'air frais du matin, à méditer à demi, à me gendarmer contre la plume qu'il va falloir plonger tout à l'heure dans l'encrier.

Le ciel, vers cinq heures du matin, offre de splendides tableaux que le plus grand peintre est impuissant à rendre. Des gammes de rouge & de vert se succèdent, se marient, s'affaiblissent lentement & font comprendre la religion des adorateurs du soleil. Spectacle toujours varié, que l'homme ne saurait trop regarder & qui remplit tout le jour l'esprit d'une douce sérénité.

Le chat voit ce panorama se dérouler sous ses yeux; mais je le soupçonne de s'intéresser en même temps à certaines choses plus matérielles. La fenêtre ouverte, il grimpe sur le rebord, flaire l'air & regarde curieusement au dehors.

(Un chapitre ne devrait-il pas être consacré ici, suivant la mode des romanciers modernes, à la topographie de la maison, à ses tenants & aboutissants, aux jardins qui l'entourent, aux arbres plantés dans ces jardins, aux personnages qu'on aperçoit sous les arbres, aux habits de ces personnages, à la qualité de la trame & à la solidité des doublures?)

Les oiseaux aussi sont réveillés & poussent de petits cris dans leurs nids. Ce pépiement a éveillé l'attention du chat & inquiète ses oreilles, qui vont en s'écartant, se rabaissent tout à coup, pointent en avant, comme les oreilles d'un cheval ombrageux, & se livrent à mille flexions qui font qu'aucun bruit n'est perdu, depuis la voix de la mère qui voltige autour du nid, jusqu'aux appels de la couvée réclamant le repas du matin.

Tout à coup le chat dresse le nez au vent, & les parties molles de ce nez, ainsi que les longues moustaches, entrent en mouvement. Un oiseau a passé devant la fenêtre; voilà ce qui préoccupe l'animal. Il se penche, regarde de son œil vert: l'oiseau a fui à tire-d'aile & le chat retombe dans l'apathie, en apparence. Accroupi paresseusement, il feint de se rendormir, & la feinte consiste à baisser la jalousie de ses paupières devant l'étincelante émeraude des yeux.

Telle est la méthode de l'animal au guet. Dans sa naïveté, il s'imagine que l'oiseau qui vole librement va passer à portée de ses griffes, entrer par la fenêtre, peut-être tomber tout rôti dans sa gueule. Dix fois de suite, le chat s'endort & se réveille à volonté, jusqu'à ce qu'il ait compris que guetter à la fenêtre est chose infertile.

Six heures viennent de sonner. Le chat abandonne son poste, arpente lentement la chambre, va & vient de la cuisine à la salle à manger, de la salle à manger au cabinet de travail & pousse de temps à autre quelques cris plaintifs. Ses pas se portent plus volontiers vers le corridor où s'ouvre la porte donnant sur l'escalier. Il veut sortir, c'est sa préoccupation, sortir pour respirer à son aise.

Plein de pitié, je passe ma robe de chambre, sans avoir besoin de dire au chat de me suivre. Se précipitant dans l'escalier, d'un bond il est descendu & frotte de sa tête la porte fermée, comme si, pour prix de ses caresses, elle allait s'ouvrir toute seule.


CHAPITRE XVI.

ENFANCE DES CHATS.

Un petit chat, c'est la joie d'une maison. Tout le jour, la comédie s'y donne par un acteur incomparable.

J'ai connu un homme accablé d'affaires; sur son bureau rôdait toujours quelque petit chat. Au milieu du travail le plus grave, cet homme s'interrompait pour admirer les gambades de l'animal; plus d'une fois, il manqua d'importants rendez-vous, ne se doutant pas qu'une heure s'était écoulée à contempler le chat. C'était à son avis une heure bien employée.

Les maniaques qui cherchent le mouvement perpétuel n'ont qu'à regarder un petit chat.

Son théâtre est toujours prêt, l'appartement qu'il occupe, & il a besoin de peu d'accessoires: un chiffon de papier, une pelote, une plume, un bout de fil, c'en est assez pour accomplir des prodiges de clownerie.

«Tout ce qui s'agite devient pour les chats un objet de badinage, dit Moncrif qui connaissait bien les chats. Ils croient que la nature ne s'occupe que de leur divertissement. Ils n'imaginent point d'autre cause du mouvement; & quand, par nos agaceries, nous excitons leurs postures folâtres, ne semble-t-il pas qu'ils n'aperçoivent en nous que des pantomimes dont toutes les actions sont autant de bouffonneries?»

Même au repos, rien de plus amusant. Tout est malice & sainte nitouche dans le petit chat accroupi & fermant les yeux. La tête penchée comme accablée de sommeil, les yeux mourants, les pattes allongées, jusqu'au museau lui-même semblent dire: «Ne me réveillez pas, je suis si heureux!» Un petit chat endormi est l'image de la béatitude parfaite. Surtout ses oreilles sont remarquables dans le jeune âge par leur développement. Immenses & comiques que ces deux oreilles plantées sur un petit crâne! Le moindre bruit va droit aux oreilles qui remplissent l'appartement.

Voilà le petit chat sur pied; ses yeux sont presque aussi grands que ses oreilles. Ce qui se loge là dedans d'observations est considérable; pas un détail n'échappe. Qui sonne? qui frappe? qui remue? qu'apporte-t-on à manger? Car la curiosité est la faculté dominante du petit chat.

Feu Gustave Planche était un jour occupé à corriger des épreuves dans le cabinet de rédaction d'une Revue célèbre. Ayant terminé sa dure besogne, il pousse un soupir de satisfaction & veut prendre son chapeau pour aller respirer l'air frais du dehors.

Le chapeau avait disparu. Grand émoi dans la maison. Qui a pu s'emparer du chapeau d'un critique influent? Personne n'est entré dans le cabinet de la rédaction. Ce chapeau—médiocre—ne saurait tenter personne.

On cherche & on se rappelle que les enfants de la maison, qui jouaient tout à l'heure dans le jardin, ont fureté du côté de la rédaction.

Planche rôde inquiet dans le jardin. Les enfants sont capables de tout. Auraient-ils jeté le chapeau dans le puits? On ne trouve pas de preuves du délit, & les prévenus ont pris leur volée.

Cependant, à force de recherches, on aperçoit de la terre fraîchement remuée. Après de longues fouilles, le chapeau apparaît, enterré, bourré de gravier & de pierres. Planche, donnant un léger coup à son feutre, s'en retourne en méditant sur les caprices de l'enfance & les plaisirs singuliers qu'elle trouve à enterrer un chapeau.

Les chats ont une grande analogie avec les enfants; eux aussi sont émerveillés à la vue d'un chapeau. Ils tournent autour, le flairent, semblent inquiets, se précipitent dans l'intérieur avec délices, & quand ils passent leur tête étonnée, on les prendrait pour des prédicateurs en chaire.

Concert de chats. D'après le tableau de P. Breughel.

Certains êtres bizarres n'aiment pas cette prise de possession de leurs chapeaux par les chats. Il en est même de maussades, qui chassent brutalement ces aimables animaux, sans se rendre compte qu'ils privent les chats d'observations essentielles.

Après la curiosité vient la gourmandise.

Le physiologiste Gratiolet, voulant faire comprendre la jouissance de tous les organes quand un sentiment de plaisir s'éveille à l'occasion de l'action d'un organe sensitif quelconque, a pris pour exemple le chat dans l'enfance. Ce qu'il en dit est excellent:

«Voyez un petit chat s'avancer lentement & flairer quelque liquide sucré; ses oreilles se dressent; ses yeux, largement ouverts, expriment le désir; sa langue impatiente, léchant les lèvres, déguste d'avance l'objet désiré. Il marche avec précaution, le cou tendu. Mais il s'est emparé du liquide embaumé, ses lèvres le touchent, il le savoure. L'objet n'est plus désiré, il est possédé. Le sentiment que cet objet éveille s'empare de l'organisme entier; le petit chat ferme alors les yeux, se considérant lui-même tout pénétré de plaisir. Il se ramasse sur lui-même, il fait le gros dos, il frémit voluptueusement, il semble envelopper de ses membres son corps, source de jouissances adorées, comme pour le mieux posséder. Sa tête se retire doucement entre ses deux épaules, on dirait qu'il cherche à oublier le monde, désormais indifférent pour lui. Il s'est fait odeur, il s'est fait saveur, & il se renferme en lui-même avec une componction toute significative.»

Un petit chat a son utilité & je conseille aux amis de la race féline de laisser pendant au moins deux mois l'enfant à sa mère, non pas seulement pour l'écoulement du lait.

Le père & la mère sont arrivés à l'âge de tranquillité, de quiétude & d'assoupissement, état auquel il est utile de prendre garde.

Un nouveau-né, par sa gaieté, les tire de leur paresse. Ce n'est pas lui qui les laissera dormir ni rêver. Le matin, follement il gambade sur le corps de ses parents & les lèche jusqu'à exciter leur système nerveux. Le père a beau marquer son irritation par les mouvements saccadés de sa queue; le petit chat saute sur cette queue frétillante, la mord sans craindre les coups de patte & force ses parents à prendre part à ses ébats. Ainsi contribuera-t-il à rendre la souplesse à ses père & mère, dont les membres tendaient à la paresse.


CHAPITRE XVII.

SENTIMENTS DE FAMILLE.

«J'avais deux chattes, dit Dupont de Nemours, l'une mère de l'autre: toutes deux en gésine.

«La mère avait mis bas le jour précédent. On ne lui avait ôté aucun de ses petits.

«La jeune étant à sa première portée eut un accouchement très-pénible. Elle perdit la connaissance & le mouvement à son dernier petit, encore non dégagé du cordon ombilical.

«La mère tournait & retournait autour d'elle, essayant de la soulever, lui prodiguant tous les mots de tendresse qui chez elles sont très-multipliés des mères aux enfants.

«Voyant à la fin que les soins qu'elle prenait pour sa fille étaient superflus, elle s'occupa en digne grand'mère des petits qui rampaient sur le parquet comme de pauvres orphelins. Elle coupa le cordon ombilical de celui qui n'était pas libre, le nettoya, lécha tous les petits & les porta l'un après l'autre au lit de ses propres enfants pour leur partager son lait.

«Une bonne heure après, la jeune chatte reprit ses sens, chercha ses petits, les trouva tetant sa mère.

«La joie fut extrême des deux parts, les expressions d'amitié & de reconnaissance sans nombre & singulièrement touchantes. Les deux mères s'établirent dans le même panier; tant que dura l'éducation, elles ne le quittèrent jamais que l'une après l'autre, nourrirent, caressèrent, guidèrent ensuite indistinctement les sept petits chats, dont trois étaient à la fille & quatre à la grand'mère.

«J'ignore, s'écrie Dupont de Nemours pour conclure, dans quelle espèce on fait mieux.»

Il est certain que le sentiment maternel est extraordinairement développé chez la chatte: on pourrait citer nombre d'anecdotes à ce sujet tirées de divers auteurs; mais j'ai une extrême défiance des histoires attendrissantes sur le compte des animaux. Un observateur de la portée de Dupont de Nemours, un Leroy (malheureusement ses fonctions & ses aptitudes l'éloignèrent de la race féline), on peut les croire; mais qu'ils sont rares les esprits qui veulent bien se contenter des phénomènes naturels sans les enjoliver!

L'auteur de la Folie des animaux, Pierquin de Gembloux, cite également un trait d'amour maternel chez la chatte qui paraît digne de croyance:

«M. Moreau de Saint-Méry, dit-il, avait une chatte souvent mère, & toujours inutilement, parce qu'on ne lui laissait pas élever sa famille. Cependant, pour ne pas trop l'affliger & donner quelque écoulement à son lait, on ne lui ôtait qu'un petit chaque jour. Pendant cinq jours, elle avait subi ce malheur. Le sixième, avant qu'on eût visité son panier, elle prend le dernier enfant qui lui restait, le porte au cabinet de son maître & le lui dépose sur les genoux. Le nourrisson fut sauvé; mais la mère le rapportait tous les jours & n'avait point de tranquillité que le maître n'eût fait au petit quelque caresse & n'eût renouvelé l'ordre d'en prendre soin.»

Il faudrait une plume d'une extrême délicatesse pour donner l'idée d'un ménage consacré à l'éducation du nouveau-né.

Où trouver le dessinateur pour rendre une couvetée de chats, tous les trois entrelacés, la mère s'appuyant comme sur un fauteuil contre le père étendu, le petit chat dans les pattes de sa mère?[29]

[29] Je trouve dans mes cahiers de notes un croquis d'après nature moins amusant qu'un coup de crayon; mais je le donne tel quel: «Jamais je n'ai vu d'aussi beaux allongements que ceux du chat, de la chatte & de leur petit, le 10 juin 1865, à midi & demi.

«J'ai passé une heure à les regarder tous trois dans leur longueur, étendus sur un divan, la chatte, la tête pendue sans force, le matou accablé, & le petit chat lui-même pris de mouvements nerveux dans les pattes & les oreilles.

«Les laboureurs qui s'étendent à l'ombre des meules de foin, après une rude matinée de travail, ne sont pas plus fatigués. Pourtant la famille de chats n'a rien labouré depuis ce matin.

«Il faut que quelque phénomène se passe dans la nature pour amener ces affaissements, ces secousses nerveuses qui traversent & agitent leurs membres.»

Combien s'aiment tendrement ces animaux!

D'après une peinture du comédien Rouvière.

C'est avec des roucoulements de colombe que la mère appelle son petit, quand on l'enlève à ses embrassements. Et comme elle le cherche, à peine a-t-il fait quelques pas dans la chambre voisine!

Lui aussi, le père, joint sa voix aux accents suppliants de la chatte, si quelqu'un fait mine de toucher au nourrisson.

Ce sont des léchements & d'infinis baisers à trois; & le petit chat, quoique la dépression du crâne & le nez aplati des premiers jours lui donnent une apparence de mauvaise humeur, se rend bien compte de ces caresses.

Je doute que l'amour maternel aille plus loin chez la femme que chez la chatte.

Le petit chat a atteint six semaines. C'est habituellement l'époque de son départ. Il est sevré, son éducation est ébauchée. On l'a promis depuis sa venue au monde à des amis émerveillés des délicatesses de la mère, de la mâle tournure du père.

La transmission héréditaire des qualités de ses parents va subir son développement dans une autre maison.

Il est parti! La chatte inquiète parcourt l'appartement, cherche son petit, l'appelle pendant quelques jours jusqu'à ce qu'heureusement la mémoire s'altérant lui enlève l'image de celui pour lequel elle avait montré tant de sollicitude.

D'après J.-J. Grandville.

CHAPITRE XVIII.

DE L'ATTACHEMENT DES CHATS AU FOYER.

On pourrait citer de nombreux exemples de chats qui, emmenés dans de nouveaux domiciles, revinrent, malgré l'éloignement, à l'ancien logis, guidés par un flair aussi subtil que celui du chien.

Un curé de campagne fut un jour élevé en grade & appelé à diriger les âmes d'une petite ville voisine, à cinq lieues de l'ancienne paroisse.

Son intérieur se composait jusque-là d'une vieille servante, d'un corbeau & d'un chat, trois êtres qui animaient la maison. Le chat était quelque peu voleur; le corbeau, taquin, sans cesse le picotait de son bec; la vieille servante criait après l'un, après l'autre, & le curé s'intéressait aux disputes de ce petit monde.

Le lendemain de l'emménagement à la ville, le chat disparut. Avec une sorte d'inquiétude le corbeau sautilla dans tous les coins de la cour, cherchant son compagnon. Quant à la vieille servante, elle semblait regretter qu'aucun morceau de viande ne lui fût enlevé par le chat, & le curé craignait que cette tristesse, tournant contre lui, ne lui fît subir l'avalanche de récriminations habituellement réservées à l'animal.

Quelques jours après, un des anciens paroissiens du curé vint lui rendre visite & lui demanda si c'était à dessein qu'il avait laissé son chat au village.

On le voyait miauler aux portes du presbytère; certainement le paysan l'eût rapporté à son maître, s'il n'avait cru qu'on voulait s'en débarrasser.

Maître & servante ayant protesté vivement contre cette accusation d'abandon, le chat fut ramené pour leur plus grande joie; mais l'animal disparut encore une fois, sans s'inquiéter des sentiments d'affection qu'il inspirait.

De nouveau le curé fut averti que son successeur était troublé par les gémissements du chat qui, sinistre, errait par le jardin & affectait d'offrir une désolée silhouette sur les murs du presbytère qu'il ne voulait pas abandonner.

Une seconde fois l'animal fut ramené à la ville dans une misère affreuse. Depuis huit jours il était parti: depuis huit jours il semblait ne pas avoir mangé. Ses os se comptaient sous sa robe sans lustre; l'animal faisait piteuse figure.

La vieille servante alors abusa de soins & de prévenances pour le matou; elle lui offrait de gros lopins de viande & laissait la porte du garde-manger ouverte comme par mégarde, flattant ainsi les instincts de l'animal.

Une si grasse cuisine ne put enchaîner le chat. L'ancien foyer lui tenait au cœur; il portait aux murs du précédent presbytère l'attachement des personnes âgées qui ne survivent pas à une expropriation.

On apprit que l'entêté animal, plat comme une latte, poussait de lamentables miaulements qui fatiguaient le village; même il était à craindre qu'un paysan ne lui envoyât un coup de fusil pour en débarrasser le canton.

La vieille servante, malgré l'ingratitude du matou, conservait pour lui une vive affection; dans son bon sens, elle trouva un remède désagréable, mais qui, suivant elle, devait faire paraître la nouvelle cure un lieu de délices pour le chat.

S'étant emparé de l'animal, un homme l'introduisit dans un sac & trempa sac & chat dans une mare, après quoi le matou fut ramené à ses anciens maîtres, dans un état d'extrême irritation; mais là se terminèrent ses escapades.

Cet instinct particulier qui ramène les chats au foyer, malgré les dangers, a été appliqué en Belgique à un pari où furent engagées de grosses sommes.

Il est de mode chez les Flamands de faire courir des pigeons & de baser des paris sur l'oiseau qui, le premier, revient à un but déterminé.

Fac-simile d'un dessin d'Eugène Delacroix.

Or un paysan paria que douze pigeons, transportés à huit lieues de distance, ne seraient pas rentrés à leur colombier avant que son chat, lâché au même endroit, eût regagné son logis.

Le chat a la vue courte; il aime la vie sédentaire; s'il buissonne, c'est dans un endroit sec ou semé d'un vert gazon; l'eau & la boue lui déplaisent; tout homme lui inspire une profonde terreur.

Le pigeon, planant dans les airs, échappe à ces dangers. Voler au loin appartient à sa nature: la mort seule l'empêche de revenir à son colombier.

On se moqua d'autant plus du paysan que, dans le parcours décidé, un pont séparait deux rives, & qu'il semblait impossible que le flair du chat ne fût mis en défaut par cet obstacle.

Le chat triompha de ses douze adversaires, revint au logis avant les pigeons & rapporta une grosse somme d'argent à son maître.

L'histoire est authentique; elle ressemble pourtant à la tradition du chat de Wittington, au conte du Chat botté & à tous les récits populaires dans lesquels l'animal aide les pauvres gens à se tirer d'embarras.

C'est que le manteau du Conte cache de vives réalités, qu'il est seulement une fiction durable à force de sens & de bon sens, que les œuvres d'imagination doivent contenir une forte part d'observations profondes, & que lui-même, le conseiller aulique Hoffmann, en saupoudrait ses plus fantastiques compositions.


CHAPITRE XIX.

DU LANGAGE DES CHATS.

Un philosophe naturaliste, de ceux qui purent s'inspirer directement des doctrines des grands esprits du XVIIIe siècle, Dupont de Nemours, ne crut pas inutile d'étudier l'intelligence des animaux & le parti qu'en pourraient tirer les hommes.

Dans un Mémoire adressé à l'Institut, Dupont de Nemours donnait aux observateurs un moyen de comprendre les animaux.

Étudier les animaux en nous, telle était sa méthode.

Les arides controverses sur l'âme des bêtes, il les abandonnait aux métaphysiciens; pour lui, il se rattachait à l'école de Montaigne, se posant ce problème:

«C'est à deviner, dit-il, à qui est la faulte de ne nous entendre point, car nous ne les entendons pas plus qu'elles nous: par cette mesme raison, elles nous peuvent estimer bestes, comme nous les en estimons[30]

[30] Montaigne dit encore: «Nous avons quelque moyenne intelligence de leurs sens: aussi ont les bestes des nostres, environ a mesme mesure. Elles nous flattent, nous menassent & nous requièrent: & nous elles. Au demeurant, nous découvrons bien évidemment qu'entre elles il y a une pleine & entière communication, & qu'elles s'entr'entendent...»

L'homme, intelligence supérieure, a la faculté de se rendre compte des intelligences inférieures. Ses sensations les plus intimes, il peut les passer à l'alambic de la raison & les étudier jusque dans leur infinitésimale atténuation. Si l'enfant ne peut suivre les rouages compliqués dont la civilisation a armé l'homme, l'homme juge nettement des perceptions de l'enfant, de même que la nourrice comprend l'enfant qui ne comprend pas la nourrice.

L'animal, c'est l'enfant. Or Dupont de Nemours, faisant un pas de plus que Montaigne, voulait pénétrer les mystères du langage animal.

«Ce qui nous empêche, disait-il, de comprendre les raisonnements de la plupart des animaux est la peine que nous avons à nous mettre à leur place: peine qui tient aux préjugés par lesquels nous les avons avilis en même temps que nous exagérions notre importance.

«Mais quand nous avons acquis la conviction que les animaux qui nous sont inférieurs sont néanmoins des êtres intelligents, & que par cela même qu'ils n'ont à exercer leur intelligence que sur un moindre nombre d'idées & d'intérêts, ils y portent une attention plus durable, plus répétée, en sont plus fortement frappés, les repassent plus souvent dans leur mémoire; quand, revenant ensuite sur nous-mêmes, nous réfléchissons à ce qu'éprouverait notre intelligence avec des organes semblables, dans des circonstances pareilles, nous pouvons, d'après leurs sensations de la même nature que les nôtres & leurs conclusions conformes à notre logique, découvrir la chaîne de leurs pensées; nous pouvons reconnaître la suite de souvenirs, de notions, d'inductions, qui mène de leurs perceptions à leurs œuvres.»

Tout ceci est d'une extrême justesse. Aucun naturaliste, je crois, n'a mieux posé la question.

Dans notre manie de classement, d'étiquettes & de pancartes, on appellerait sans doute aujourd'hui l'idéologue: matérialiste ou athée, car en 1868 c'est un crime considérable que d'apparenter de trop près l'homme & l'animal.

Dupont de Nemours parlait en observateur de l'école de Bonnet, de Saussure, d'Hubert de Genève. Et il est bon de dire ce que ces naturalistes entendent par observations. Ce sont des séries de faits étudiés d'après nature, des années d'attention scrupuleuse, une existence de solitaire cénobite (car la science n'admet pas de partage), le détachement de toutes passions, des dossiers de notes, qui ne sont rien encore si un cerveau sainement équilibré ne préside à leur classement & ne commande la soumission aux capricieuses inductions.

Bronze égyptien, dessin de M. Prisse d'Avesnes.

Pas de métaphysique chez l'observateur. Des faits, un sens droit (chose peu commune), une méthode de groupement & des méditations dont plus tard profitera le public.

Poussant son système jusqu'à ses dernières limites, Dupont de Nemours disait:

«On me demande comment on peut apprendre des langues d'animaux & parvenir à se former de leurs discours une idée qui en approche?

«Je répondrai que le premier pas pour y réussir est d'observer soigneusement les animaux, de remarquer que ceux qui profèrent des sons y attachent eux-mêmes & entre eux une signification, & que des cris originairement arrachés par des passions, puis recommencés en pareille circonstance, sont, par un mélange de la nature & de l'habitude, devenus l'expression constante des passions qui les ont fait naître.

«Lorsque l'on vit familièrement avec des animaux, pour peu que l'on soit susceptible d'attention, il est impossible de ne pas demeurer convaincu de cette vérité.

«Ces langues reconnues, comment les apprendre? Comme nous apprenons celles des peuples sauvages, ou même de toute nation étrangère dont nous n'avons pas le dictionnaire & dont nous ignorons la grammaire.—En écoutant le son, nous le gravons dans la mémoire, le reconnaissant lorsqu'il est répété, le discernant de ceux qui ont avec lui quelques rapports sans être exactement les mêmes, l'écrivant quand il est constaté, &, à l'occasion de chaque son, observant la chose avec laquelle il coïncide, le geste dont il est accompagné.

«Les animaux n'ont que très-peu de besoins & de passions. Ces besoins sont impérieux & ces passions vives. L'expression est donc assez marquée; mais les idées sont peu nombreuses & le dictionnaire court; la grammaire plus que simple;—très-peu de noms, environ le double d'adjectifs, le verbe presque toujours sous-entendu; des interjections qui, comme l'a très-bien prouvé M. de Tracy, sont en un seul mot des phrases entières: aucune autre partie du discours.

«En comparaison de cela, nous avons des langues très-riches, une multitude de manières d'exprimer les nuances de nos idées. Ce n'est donc pas nous qui devons être embarrassés pour traduire de l'animal en langue humaine.

«Ce qui est plus difficile à comprendre est que les animaux traduisent nos langues si abondantes dans la leur si pauvre. Ils le font cependant; sans cela, comment notre chien, notre cheval, nos oiseaux privés obéiraient-ils à notre voix?»

Une théorie si ingénieuse aboutit malheureusement à la traduction d'une chanson de rossignol, dont les adversaires de Dupont de Nemours purent se moquer trop facilement.

Marco Bettini[31] avait donné deux siècles auparavant une transcription du chant du rossignol.

Tiouou, tiouou, tiouou, tiouou, tiouou,
Zpe tiou zqua
Quorrror pipi
Tio, tio, tio, tio, tio,
Quoutio, quoutio, quoutio, quoutio,
Zquo, zquo, zquo, zquo,
Zi, zi, zi, zi, zi, zis, zi, zi, zi,
Quorrror tiou zqua pipiqui.

[31] Ruben, Hilarotragedia Sattiro pastorale, in-4º. Parme, 1614.

Ces onomatopées, Dupont de Nemours les traduisait ainsi, faisant parler «le rossignol pendant la couvaison.»

Dors, dors, dors, dors, dors, dors, ma douce amie,
Amie, amie,
Si belle & si chérie:
Dors en aimant,
Dors en couvant,
Ma belle amie,
Nos jolis enfants, &c.

Un faiseur de romances n'eût pas mieux trouvé; on railla la découverte avec raison.

A la suite de cette déconvenue, Dupont de Nemours se retira à la campagne & passa deux hivers dans les champs à recueillir des matériaux pour le Dictionnaire des Corbeaux. Ainsi il nota les mots;

Cra, cré, cro, crou, crouou.
Grass, gress, gross, grouss, grououss.
Craé, crèa, croa, croua, grouass.
Crao, crèè, croè, crouè, grouess.
Craou, crèo, croo, crouo, grouoss.

Suivant le philosophe, ces vingt-cinq mots expriment: ici, , droite, gauche, en avant, halte, pâture, garde à vous, homme armé, froid, chaud, partir «& une douzaine d'autres avis que les corbeaux ont à se donner selon leurs besoins.»

Chateaubriand, qui avait un vif amour pour les corbeaux, prêta quelque attention sans doute au nouveau dictionnaire dont l'idéologue essayait d'enrichir les sciences naturelles.

Lui aussi, l'homme de génie, se fût intéressé à la langue chat que tenta plus d'une fois de noter Dupont de Nemours, qui accordait plus d'intelligence au chat qu'au chien.

«Les griffes, & le pouvoir qu'elles donnent au chat de monter sur les arbres, disait le naturaliste, sont pour lui une source d'expériences, d'idées, dont le chien est privé.»

Et il ajoutait:

«Le chat a en outre l'avantage d'une langue dans laquelle se trouvent les mêmes voyelles que prononce le chien, & de plus six consonnes: l'm, l'n, le g, l'h, le v & l'f. Il en résulte pour lui un plus grand nombre de mots.

«Ces deux causes, la meilleure organisation des pattes & la plus grande étendue du langage oral, sont ce qui donne au chat isolé plus de ruse & d'habileté dans son métier de chasseur que n'en a le chien isolé.»

Il ne nous reste rien de cette langue comparée du chien & du chat; les railleurs de profession peuvent sourire des affirmations de Dupont de Nemours qui négligea de s'adjoindre des philologues de génie allemands & anglais.

Le chat s'appelle en sanscrit: Mârdjara ou Vidala; sa parole est indiquée mandj, vid, bid.

Les Grecs appelaient le chat ailouros (αιλουρος) & sa parole laruggisein (λαρυγγιζειν).

Les Latins disaient felis & n'ont point désigné sa parole.

Chez les Arabes on l'appelle Ayel ou Cotth, sa parole naoua.

Le cri du chat se traduit par ming chez les Chinois.

Les Allemands l'appellent Katze, & sa parole miauen.

Les Anglais disent cat, & sa parole to mew (prononcez miou).

Caricature japonaise.

A mon avis, ce sont les peuples occidentaux qui ont le mieux rendu par le son la parole du chat.

Naoua est un miaulement exclusivement oriental.

Le ming des Chinois fait penser au son métallique du gong.

Je préfère, comme appartenant à une langue plus universelle, le miauler des Français, le miauen allemand & le mew (miou) des Anglais.

Et si trois esprits éminents de ces différentes nations, qui ont traduit par des onomatopées positives le langage de l'animal, pouvaient entrer en parfaite collaboration pour étudier le vocabulaire des chats, peut-être arriverait-on à réaliser les efforts de Dupont de Nemours, les vœux de l'abbé Galiani[32].

[32] Voir aux Appendices une note du spirituel abbé sur le langage des chats.

Actuellement il faut s'en tenir, pour le commerce habituel avec ces animaux, à ce que dit Montaigne:

«Quand je me joue à ma chatte, qui sçait si elle passe son temps de moi, plus que je ne fais d'elle? Nous nous entretenons de singeries réciproques: si j'ai mon heure de commencer ou de refuser, aussi a-t-elle la sienne.»

Chat en porcelaine de fabrication chinoise. Musée de Sèvres.

CHAPITRE XX.

LES CHATS A LA CAMPAGNE.

Dans un parc est cachée sous la verdure la maisonnette que j'habite; un petit terrain moitié pelouse, moitié jardin, entouré d'une haie de sureaux & de rosiers sauvages, fait de cet endroit une solitude riante.

Le matin, certains oiseaux viennent s'ébattre dans les sureaux & font entendre un cri sec (t' t' t' t' t' t' t' t' t') comme s'ils frappaient du bec contre une planche. Ce bruit attire le chat, qui se met en embuscade dans la haie & reste immobile des heures entières, sans rien rapporter de sa chasse, car il n'est pas de la race de ses confrères dont parle Montaigne, qui, magnétisant les oiseaux d'un regard vert, les font tomber dans leur gueule[33].

[33] «On vit dernièrement chez moi un chat guestant un oyseau au hault d'un arbre, & s'estans fichez la veuë ferme l'un contre l'autre, quelque espace de temps, l'oiseau s'estre laissé choir comme mort entre les pattes du chat, ou enyvré par sa propre imagination, ou attiré par quelque force attractive du chat.» (Montaigne, De la force de l'imagination, liv. I, ch. XX.)

Une cabane, autour de laquelle s'accrochent quelques brindilles de vigne vierge, est adossée à un grand acacia. C'est mon cabinet de travail.

Tout d'abord, le chat vient faire ses griffes contre le tronc de l'acacia, après quoi il grimpe aux premières branches, saute à terre, remonte, redescend.

Ayant fait quelques tours dans le jardinet, le chat s'aperçoit que son maître pensif est courbé devant une table, griffonnant du papier. Cela ne fait pas son affaire. Il grimpe sur le banc à mes côtés, s'y accroupit un instant, & tout à coup saute sur la table, se demandant quelle est la grave occupation qui m'empêche de prêter attention à sa personne.

—Je serai grave aussi, semble-t-il dire pour se faire pardonner sa familiarité.

Et il se pose devant moi sur la table, dans la tranquille attitude de ses frères de l'Égypte.

Mais le mouvement de la plume fait briller ses yeux verts. Mauvais symptôme! Le chat, trouvant que la plume ne court pas assez vite sur le papier, lui donne de petits coups de patte, que n'arrête pas un premier avertissement.

Qu'on est heureux d'être dérangé dans le travail, & quel excellent motif de paresse!

Le chat a repris son attitude solennelle, & moi ma plume. Mais ses taquineries recommencent.

Hé! hé! lui dis-je, en manière de second avertissement.

Enfin un allons! ne l'ayant pas fait rentrer dans l'ordre, j'éloigne définitivement cet animal subversif.

Je suis donc délivré de l'opposition du chat; mais ce n'est pas pour longtemps.

Après un instant de silence, j'entends sur le toit de la cabane un bruit d'éraillements bizarres: la vieille toile goudronnée, qui se déchire, donne alors passage, à travers les lattes, à une patte qui s'agite & se remue dans le vide comme si elle sollicitait une poignée de main.

C'est une suprême jouissance pour les chats & les enfants qu'un trou! Une patte a crevé le toit, deux pattes vont donner la pantomime par la même ouverture. Comment travailler en face de la comédie qui se joue au-dessus de ma tête?

Espérant échapper à ces complots, je quitte la place pour m'étendre dans un hamac accroché aux troncs de vieux sureaux, dont les branches entrelacées forment une ombre épaisse. Si je n'écris pas ce matin, du moins pourrais-je lire en paix.

Justement un petit chat étranger vient de descendre du toit voisin, & les deux compères savent se distraire ensemble, entremêler leurs folles courses de luttes capricieuses à travers les plates-bandes, faire assaut d'étreintes, de bonds, de cachettes dans les buis, de grognements, de morsures, d'oreilles tendues, de sauts de côté, de passes inattendues, d'yeux allongés & de gueules roses.

Que les deux compagnons courent après les papillons, qu'ils s'acharnent après un brin d'herbe remué par la brise, je veux l'oublier, étendu dans le hamac, un livre à la main.

Un potage est excellent, le matin, pour l'estomac, & non moins excellente pour l'estomac intellectuel une page de quelque bon écrivain.

En me dérangeant du travail, le chat m'a fait souvenir que j'ai oublié depuis quelque temps de lire La Bruyère, & me voilà en train de feuilleter le volume.

Un vent frais souffle à travers le feuillage; les rayons de soleil ne peuvent traverser la voûte épaisse des sureaux. On est bien ici pour lire en paix.

Tout à coup un des petits chats s'élance après l'arbre de gauche, son compagnon saute après le tronc de droite, & les deux comédiens se rejoignent dans les branches au-dessus du hamac, passant leurs têtes à travers le feuillage. Ce sont des mines coquines, des trémoussements, des appels de pattes, des tressaillements de tout le corps, des jurons, de doux miaulements, des poses penchées, de comiques singeries qui, sans médire de l'écrivain le plus classique du XVIIe siècle, me font abandonner son livre, les deux petits chats m'intéressant plus pour le moment que les observations de La Bruyère sur l'homme.

Croquis d'après nature, dessin de Kreutzberger.

CHAPITRE XXI.

LES AMOURS DES CHATS.

Au commencement d'un hiver, je pus observer les phénomènes de l'amour chez un chat & une chatte que je tenais renfermés; aucune de leurs évolutions ne fut perdue, grâce à un accident qui me faisait garder la chambre.

La chatte, plus joueuse que d'habitude, houspillait particulièrement le chat; le chat supportait ces agaceries en philosophe & se tenait dans le platonique.

Le lendemain, ce fut au tour du matou de poursuivre la chatte, qui à son tour fit la sourde oreille.

Trois jours durant, ces animaux jouèrent le Dépit amoureux.

Le chat poussait de longs gémissements; la chatte restait inflexible. Pas d'écho dans le cœur de la cruelle!

L'amant devenait sombre, mangeait à peine. Les pupilles de ses yeux étaient extraordinairement dilatées; à son regard, on voyait combien il souffrait. Il miaulait d'une façon désespérée par intervalle, frottait sa robe contre les meubles, cherchant à éteindre le feu intérieur qui le dévorait. La chatte ne semblait pas avoir conscience de ce martyre.

Tout à coup j'entendis un cri lamentable, suivi de fffff! énergiques. Sur le parquet de la pièce voisine se roulait la chatte en proie à une sorte d'attaque névralgique. De son dos elle eût usé le plancher, tant elle frottait ses flancs avec acharnement.

Debout non loin d'elle, gravement le chat contemplait ces bizarres convulsions, lui plein de calme, se demandant qui poussait la chatte à se lécher les pattes, à se rouler de nouveau, à se lécher encore.

Quelques instants après, l'amoureux, croyant le calme revenu dans l'esprit de sa belle, s'en approcha & en reçut deux soufflets vivement appliqués sur le museau, ce qui ne parut pas l'inquiéter démesurément, car cinq minutes plus tard ses galanteries recommencèrent.

Qu'ils sont curieux les prodromes de l'amour! D'abord le chat mord le cou de la chatte. L'immobilité est égale au silence. Puis l'animal pétrit de ses pattes le corps de la femelle, jusqu'à ce qu'un long cri retentisse.

Une semblable lutte se renouvela souvent le premier jour & sans trêve pendant les trois journées suivantes, la chatte jurant fortement après chaque triomphe de son vainqueur & administrant, sans y manquer, à la suite de la cérémonie, deux soufflets dont le matou riait dans sa barbe.

Toutefois, à partir du quatrième jour, le gaillard prit quelque repos. Allongé sur un fauteuil, il méditait sans doute sur ses bonnes fortunes; mais la chatte ne l'entendait pas ainsi. Ayant appris de son seigneur & maître le secret de l'ensorcellement amoureux, à son tour elle mordit le cou du chat, piétina son corps, malgré ses grondements, & ne cessa ce manége qu'elle n'eût entraîné le mâle dans quelque coin.

C'est en pareille matière qu'il faudrait pouvoir traduire la langue chat. Entre la grande variété de miaou (on peut en compter soixante-trois, mais la notation est difficile), j'en citerai un particulièrement expressif & accompagné d'un geste si précis, qu'il ne peut être traduit que par: viens-tu? Alors d'un commun accord les chats vont dans une pièce voisine se prodiguer mille serments.

Il est à remarquer que l'amour chez les animaux enfermés dans des appartements commence au jour pour se terminer à la nuit, & qu'au contraire, en plein air, il commence à la nuit pour se terminer au petit jour.

A l'extérieur, le matou, ne trouvant pas toujours d'obligeantes voisines, publie sa flamme par de tels cris, que toutes les chattes l'entendent à une portée de fusil.

La rencontre se passant entre futurs qui se voient pour la première fois offre un cérémonial particulier.

Soit contrainte ou timidité, chat & chatte restent d'abord à une certaine distance l'un de l'autre. Ils épient leurs moindres gestes & se regardent dans le vert des yeux. Sans s'inquiéter si leur musique est d'accord (ce qui choque tant les gens au sommeil léger), ils entament un farouche duo, qui dure quelquefois plusieurs heures. Ne s'étant jamais vus, ils ont beaucoup à se dire. Le chat se sert de paroles brûlantes; la chatte, dans son langage, fait connaître ce qu'elle attend du soupirant.

Tous deux, rampent contre terre lentement & se rapprochent l'un de l'autre; mais à peine le matou est-il près de la chatte, que celle-ci prend la fuite avec des tours & détours, des sauts périlleux, des jeux de cache-cache dont sont témoins cheminées & gouttières. Cette course a excité les amoureux; ils s'arrêtent de nouveau, entre-croisent d'ardentes prunelles, jusqu'à ce que la chatte s'élance sur le mâle, l'égratigne & le morde.

Elle est plus violente qu'à l'intérieur la passion en plein air. La férocité se mêle aux transports de l'amour. Des jalousies féroces entraînent les matous dans des combats sans trêve ni merci. Le chat qui «a couru» revient au logis le nez fendu, l'oreille déchirée. Pendant ses excursions, il n'a vécu que d'amour & d'eau fraîche. Et pourtant son corps meurtri, son poil sale, sa maigreur, ses oreilles fendues, ne le retiendront pas longtemps au logis.

Trois mois plus tard, au moindre appel féminin, il n'aura de cesse qu'il n'ait repris ses travaux d'Hercule.

Fac-simile d'une gravure japonaise.
Rendez-vous de chats, d'après un dessin d'Édouard Manet.

CHAPITRE XXII.

AFFECTIONS NERVEUSES DES CHATS.

Un polygraphe un peu confus dans ses idées, Pierquin de Gembloux, a laissé un Traité de la folie des animaux, où sont relatés quelques phénomènes nerveux des chats.

De l'ensemble des faits, il en est peu de concluants; d'autres auraient besoin de contrôle, toute observation scientifique ne pouvant être regardée comme sérieuse qu'apportée par des esprits d'une sincérité & d'une certitude de regard irréprochables.

Que conclure, par exemple, d'une telle affirmation?

«J'ai eu plusieurs fois, dit Pierquin de Gembloux, l'occasion d'observer les résultats d'une antipathie musicale poussée jusqu'aux convulsions chez un chat toutes les fois que l'on faisait entendre sur le piano des sons d'harmonica ou des sons filés, doux & vibrés avec la voix, tandis qu'un autre chat, son commensal, se plaçait sur le piano pour mieux entendre les plus beaux morceaux des opéras français & pour jouir des vibrations du corps sonore.»

Sans doute, le système nerveux chez les chats est d'une extrême délicatesse, quoique l'animal puisse supporter le son d'un instrument de musique; mais pourquoi l'observateur néglige-t-il de marquer si, parmi ces deux animaux d'organisation musicale si diverse, il n'y avait pas une chatte, car les deux sexes doivent offrir des variantes dans la sensibilité.

Au chapitre de la Monomanie infanticide, Pierquin de Gembloux cite trois exemples de chattes âgées qui, se voyant délaissées par leurs maîtres épris des gentillesses de leurs petits, montrèrent de la jalousie, de la haine pour ces nouveau-nés & les mirent à mort.

«Une chatte d'Espagne, dit-il, a, durant toute sa vie, témoigné la plus profonde horreur pour ses petits, qu'elle tuait; & si par hasard un était épargné par chaque plénitude, c'était constamment un mâle.»

Observations qui auraient besoin d'être affirmées par un naturaliste plus sérieux.

Il est certain que les chats sont jaloux: l'introduction d'un animal de leur race dans le centre où ils vivent les remplit de tristesse. Ils en perdent momentanément l'appétit; mais cette jalousie va-t-elle jusqu'à faire étrangler leurs petits par les femelles?

Quelquefois les matous mangent les nouveaux-nés; ce fait a été observé par tous ceux qui possèdent des chats. Le crime de monomanie infanticide dont sont accusées les chattes ne devrait-il pas être porté au compte des mâles? Aussi bien le motif est encore ignoré qui pousse les matous à la destruction de leur propre espèce.

Dupont de Nemours croit que les matous mangent les nouveau-nés «moins comme une proie que comme un obstacle au renouvellement de leurs plaisirs.»

J'ai dit au début de ce livre que cette opinion, quoique concordant avec celle d'Hérodote, était difficile à admettre.

Les matous, à qui rien ne manque dans l'intérieur des maisons, ne mangent jamais leurs nouveau-nés.

Des nichées de chats disparaissent seulement à la campagne, dans des endroits écartés, où l'animal affamé devient fatalement, si on peut risquer le mot, feliphage.

Quant à «l'obstacle au renouvellement des plaisirs,» dont parle Dupont de Nemours, les époques d'ardeur chez les matous sont régulières, & je ne les ai jamais vus émoustiller les chattes pendant la période d'allaitement.

Il est bien entendu que je ne parle que des chats à l'intérieur des appartements, c'est-à-dire d'animaux rendus doux & sociables par l'éducation.

Une observation de Pierquin de Gembloux me semble plus juste. Un angora voit entrer tout à coup un gros chien de Terre-Neuve. Aussitôt les poils du chat se hérissent; il ne pousse aucun cri, se pelote, paraît craindre de respirer. Sa physionomie exprime une profonde terreur. Tremblant de tout son corps, les yeux constamment attachés sur le chien, l'angora semble fasciné. Insensible aux caresses, sourd à la voix de ses maîtres, il ne retrouve même pas le calme quand l'ennemi est chassé. Le chat, longtemps immobile, regarde fixement la place où se tenait le chien. Un air d'hébétude générale remplace son intelligence habituelle. Les poils encore hérissés, il ne s'éloigne de sa place que pas à pas, graduellement & à reculons. Reculant une patte lentement l'une après l'autre, après avoir regardé autour de lui d'un air effaré, le chat semble craindre que le plus léger bruit ne ramène l'énorme animal.

«Sa terreur, dit le narrateur, ne cessa réellement que quelques heures après; mais le chat ne retrouva jamais ses facultés intellectuelles entières.»

Les voyageurs ont constaté de semblables effets de frayeur produits par le lion sur des chiens, par le chameau sur des chèvres. Mais ce ne sont pas là des cas de folie.

Un médecin a cité un fait de même nature, produit par d'autres causes. Un jeune chat, étant tombé dans un puits, réussit à se cramponner à une pierre formant saillie. Attirés par les cris de l'animal, ses maîtres purent le soustraire à la mort; mais ce danger avait frappé l'intelligence du chat, & dès lors il acheva tristement ses jours dans une sorte d'imbécillité.

Ces faits sont vraisemblables; il en est certains qu'on peut laisser au compte de Pierquin de Gembloux, entre autres l'anecdote suivante:

«Une jeune chatte, qui s'amusait constamment à faire vaciller la tête mobile d'un lapin blanc en plâtre, mit bas, peu de temps après, un chat exactement coloré comme cet animal imité, & qui, par la suite, branla la tête comme l'automate.»

J'ai été témoin deux fois, à la campagne, de crises nerveuses de jeunes chats, qui me paraissent rentrer, plus que ces phénomènes d'envies bizarres, dans une sorte de trouble mental.

Tout à coup, sans motif apparent, mon chat parcourut la chambre avec l'emportement d'un cheval qui a pris le mors aux dents, traversa le jardin comme une flèche, grimpa à un arbre, s'aventura sur une brindille élevée, & là resta collé pendant des heures entières, le corps tressaillant, l'œil hagard.

Étude de chat d'après nature. Fac-simile d'un dessin d'Eugène Delacroix.

On appelait l'animal sans qu'il écoutât; la nourriture qu'on déposait au pied de l'arbre ne le tentait pas. Il était dans une prostration inquiète & tellement hors d'état de raisonner, qu'un moment le chat, sous le coup de cet accès bizarre, tomba du haut de l'arbre, la brindille sur laquelle il s'était aventuré offrant à peine un appui pour un oiseau.

Ce trouble mental fut observé, à diverses époques, chez deux individus de sexe différent, âgés d'à peu près six mois, bien portants, qui pouvaient s'ébattre en toute liberté dans un parc, & que leur jeune âge éloignait des penchants sexuels.

Rien à opposer à ces crises, rien qui pût les prévenir, nul symptôme ne les annonçant.

Le chat qui se sent devenir possédé cherche un endroit désert ou élevé, une cave, un arbre où personne ne troublera ses étranges émotions.

Je n'ai pas remarqué ce phénomène à l'intérieur des appartements, sauf quelques courses un peu vives de l'animal vers le milieu de la journée, & principalement lorsqu'au dehors souffle la bise.

Fac-simile d'un croquis japonais.

CHAPITRE XXIII.

DE L'ÉGOÏSME DES CHATS.

Au moment de terminer ces études, je tombe sur un passage de Plutarque qui donne à réfléchir.

L'historien conte que César voyant, à Rome, de riches étrangers qui allaient partout, portant dans leur giron de petits chiens & de petits singes, & les caressant avec tendresse, s'informa si dans le pays de ces voyageurs les femmes ne faisaient pas d'enfants. «C'était, dit Plutarque, une façon tout impériale de reprendre ceux qui dépensent, sur des bêtes, ce sentiment d'amour & d'affection que la nature a mis dans nos cœurs, & dont les hommes doivent être l'objet.»

Que dirait aujourd'hui César des kings-charles adorés, à qui les femmes à la mode font prendre l'air du bois de Boulogne, de quatre à six heures? Mais ces affections bizarres pour certains animaux de grand prix sont les passe-temps de gens désœuvrés; & tout en reconnaissant dans le passage de Plutarque la raison habituelle à l'auteur des Vies des hommes illustres, on peut dire que l'homme a été assez étudié & glorifié depuis l'antiquité, & que l'attention qu'on porte aujourd'hui aux animaux méconnus & trop maltraités prouve en faveur des idées d'humanité du XIXe siècle.

Des mauvais traitements les tribunaux font aujourd'hui justice. L'étude des sciences naturelles donne des notions plus exactes sur la nature des animaux & je ne crois pouvoir mieux terminer qu'en traitant du prétendu égoïsme des chats.

«Ne croyez pas que le chat vous caresse, il se caresse,» dit spirituellement Champfort.

Ce joli mot toutefois doit être discuté, & pourrait au besoin se retourner contre l'homme.

Quand le chat a faim & que, pour solliciter sa pâture, il ronronne, frotte son corps contre les jambes de la personne qui a l'habitude de lui donner à manger, il est certain que ces vives démonstrations sont destinées à l'être dont il a besoin. Si, dans ce moment, il se caresse par la même occasion, des marques d'affection n'en sont pas moins prodiguées à son maître.

Le chat est naturel, c'est ce qui le fait calomnier. Jouant naturellement dans le monde sa partie, quand il a faim, il le dit. Veut-il dormir? Il s'étend. S'il a besoin de sortir, il le demande.

Mais pourquoi cette constante ingratitude, reprochée sans cesse au chat, ne lui a-t-elle pas aliéné le cœur de pauvres gens qui ont reporté toutes leurs affections sur la tête d'un animal si égoïste? Car le culte du chat, pour n'être plus une religion, n'a pas été interrompu depuis l'Égypte ancienne; & si aujourd'hui on ne l'enveloppe plus de bandelettes après sa mort, il est entouré pendant sa vie de soins qu'il préfère à coup sûr à l'embaumement.

Dans les palais & les mansardes, le chat est traité sur un pied d'égalité par le riche & le pauvre.

Ce n'est ni un «serviteur infidèle» ni «un serviteur inutile», comme Buffon l'a écrit[34]: l'animal travaille suivant sa mesure avec un dévouement d'esclave[35].

[34] Voir aux Appendices.

[35] En ceci je ne suis pas tout à fait d'accord avec la devise libertas sine labore, dont un maître semble vouloir décorer le blason de la race féline.

Voilà dans la cour un chat tapi près d'un tuyau de plomb qui sort d'une maison. On peut appeler l'animal, il est à son poste & ne lèvera pas la tête. Accroupi sur le pavé, de temps en temps il fourre sa patte dans le tuyau & l'en retire avec des signes de vive contrariété.

Le chat a vu un rat disparaître par ce tuyau. De lui-même il s'est condamné à guetter pendant des heures entières le rat qui finira par succomber.

Ainsi un animal qualifié d'égoïste aura rendu service ce jour-là.

Pour débarrasser un appartement de souris, il ne demande rien, se contentant de manger les ennemis du logis. Et si la maison est privée de souris, la présence seule du chat les empêche de s'y introduire: même par son apparente fainéantise, l'animal est une sentinelle vigilante qui, du moment où il a planté sa tente dans un endroit, en écarte les rongeurs.

Faut-il accuser le matou, qui a subi l'opération des chapons, de son indolence pendant que les souris commettent des dégâts à sa barbe? Il est désarmé. Ce n'est pas lui, on le pense, qui a sollicité l'inhumaine castration qui l'empêche à jamais d'obéir aux instincts de sa race.

L'homme a voulu la société du chat.

Le chat n'a pas recherché la société de l'homme.

Laissez l'animal courir en paix dans les bois ou les jardins, il se moquera de la desserte & ne viendra pas s'étendre sur les tapis des salons. Le chat saura suffire à ses besoins, trouvera sa nourriture, couchera dans un arbre: huit jours de liberté lui rendront son indépendance naturelle.

L'homme, pour faire oublier ses vices, aime à faire croire à ceux des êtres qui l'entourent.

—Le chat est la personnification de l'égoïsme, répètent sentencieusement de graves messieurs à qui je ne voudrais pas demander le plus léger service.

D'après un dessin de M. Viollet-Le-Duc.

APPENDICES


I

TRAITEMENT DES CHATS DANS LES MALADIES.

Ce qu'on appelle la maladie chez les chats, quoique le cas soit moins fréquent que chez les jeunes chiens, provient habituellement d'un état inflammatoire.

L'animal devient triste & somnolent; la tête peut à peine se porter; la queue est tombante; la voix s'altère; la pupille est extraordinairement dilatée; la respiration courte & gênée. Tels sont les premiers symptômes. De plus en plus, l'animal deviendra paresseux & frileux; le poil perd son lustre; les oreilles sont chaudes. Le chat répond à peine aux caresses, se cache dans le coin le plus sombre de l'appartement, fait à peine entendre son ronron & ne mange plus.

S'il avale avec difficulté ou refuse de manger, on peut être certain que la langue est devenue pâle, verte ou jaunâtre, & il est prudent de veiller à cet état. Pour arrêter les progrès d'une inflammation qui peut devenir dangereuse, il convient de donner au chat une cuillerée à bouche du purgatif appelé sirop de nerprun.

L'animal, dans sa faiblesse, se laissera ingurgiter ce purgatif & se sauvera avec quelques traces de dégoût; mais il faut le laisser tranquille dans l'endroit qu'il a choisi & lui disposer une corbeille, s'il lui convient de s'y étendre. Surtout ne pas gêner son indépendance dans cet état.

A la suite de la maladie, on devra servir à l'animal du lait &, plus tard, de petites quantités de mou ou de foie. Plus sage que les hommes, le chat ne commet pas d'imprudence & s'en tient habituellement à l'eau pure pendant la convalescence.

La maladie s'empare quelquefois des femelles privées de la société des mâles. Si la chatte tombe dans un état d'abattement & de langueur, qu'on la laisse sortir.

Il est également dangereux d'enlever, aussitôt après leur naissance, les petits à leur mère; le lait restant inactif dans les mamelles de la chatte peut causer des désordres dans sa santé.

Un certain nombre de personnes croient faire passer le lait des chattes en leur attachant au cou un collier de bouchons. Quel rapport peuvent avoir des rondelles de liége avec le travail des mamelles? C'est un ancien usage, comme de mettre une affiche de bière de mars à la porte d'un cabaretier. On a toujours vu orner le cou des mères chattes d'un pareil collier; on s'imagine alors que le lait suit son cours.

Il est un remède moins naïf pour rendre un cours naturel au lait des mères séparées de leurs petits.

On fera une sorte d'onguent, composé de carbonate de chaux & de vinaigre convenablement battus & délayés; avec cet onguent frictionnez les mamelles de l'animal soir & matin, & en même temps faites-lui boire une tisane de décoction de persil bouilli dans du lait.

Friction & tisane doivent durer dix jours, après quoi purgez la chatte pendant deux jours avec vingt grammes chaque fois d'huile de riccin; mais pour ne pas fatiguer l'animal, il convient de laisser vingt-quatre heures de repos entre les deux purgations.

Lady Cust, une Anglaise qui a écrit un livre sur les chats, donne des conseils aux personnes qui n'ont jamais soigné de chats malades.

Il est bon d'entourer doucement le chat dans une serviette assez grande pour que tout le corps disparaisse & que l'opérateur soit protégé contre les griffes.

L'animal étant placé entre les genoux de celui qui doit administrer la médecine, on passe un mouchoir sous le cou du chat, afin que sa robe ne soit pas salie.

«D'une main gantée, dit l'Anglaise, vous ouvrez largement, mais avec douceur & d'un seul effort, la bouche du chat, & vous y faites entrer la médecine au moyen d'une cuiller à thé, goutte à goutte, pour que le malade l'avale sans s'étouffer & par petites doses. Ne lui mettez pas la cuiller entre les dents, sinon il la mordra & en répandra le contenu. Enlevez avec une éponge & de l'eau tiède toute souillure; essuyez à sec avec un linge propre; démaillotez le patient, tenez-le pendant une heure & demie dans un lieu chaud & tranquille; ne lui donnez ni à boire ni à manger.

«Bref, surveillez l'effet de la médecine, comme chez un malade de l'espèce humaine.

«Organisez un hôpital temporaire, quelque chambre inhabitée, sans tapis, mais où vous entretenez un bon feu, car la chaleur fait la moitié de la cure, & tout animal malade en a particulièrement besoin.

«Ayez pour votre patient un lit confortable; laissez-lui de l'eau en cas qu'il ait soif; & que nul, hormis vous, n'entre près de lui, car la tranquillité est, avec la chaleur, l'auxiliaire par excellence de la bonne nature[36]

[36] Revue britannique, mars 1868.

Quelques personnes également croient délivrer le chat du ver en lui coupant le bout de la queue qui est censé le contenir. Des ciseaux ou une pelle à feu rougie à blanc privent l'animal d'une partie de cette libre queue serpentine dont le jeu s'associe si bien aux mouvements & aux sensations du chat.

C'est encore un préjugé barbare qui cause une telle mutilation. Mais que faut-il penser de l'écrivain qui entretient un tel préjugé dans les esprits & en fait l'objet d'un chapitre: Quand il faut couper la queue des chats, donnant à cette opération le pouvoir de diminuer l'intensité de leurs maladies[37].

[37] Voir Traité d'éducation physique & morale des chats, par Catherine Bernard, portière, 1828, in-12. Cette portière, on le pense, est le masque d'un barbouilleur de livres qui, flattant les passions & les usages populaires, n'a osé donner son véritable nom.

Quelques affections cutanées des chats sont d'autant plus dangereuses, qu'elles se communiquent à l'espèce & peuvent atteindre les enfants & les hommes.

Hurtrel d'Arboval, savant médecin-vétérinaire, a donné, dans son Dictionnaire de médecine & de chirurgie, une description de maladies cutanées avec des moyens curatifs pour les guérir.

L'auteur du livre actuel a élevé nombre de chats & n'a pu heureusement constater ces sortes de maladies qui doivent provenir du manque de soins, à moins qu'un courant épidémique ne circule, comme en 1673, où la plupart des chats de Westphalie moururent.

En tout cas, dès qu'apparaîtront les premières pustules, il est bon de lotionner pendant quelques jours la partie malade avec une décoction de mauve, de guimauve ou de graine de lin, à laquelle on ajoute des lavages composés de feuilles de tabac bouillies dans la lessive, ou d'une dissolution de deutoxyde de potassium.

Exposez l'animal à un soleil ardent & frictionnez-le avec la composition antisporique suivante: deux onces d'huile de lin dans laquelle a été fondu un dixième d'onguent citrin. Le tout bien mêlé, étendez une couche épaisse sur les parties affectées; ajoutez-y, comme traitement interne, quelques infusions de sureau, de fumeterre & de lait. L'animal guérira bientôt, s'il a été purgé préalablement avec quelques grains de jalap délayés dans un peu d'eau miellée.

Les médecins de chats emploient un remède plus prompt pour combattre l'inflammation; mais l'animal a besoin d'un fort tempérament pour résister à un si énergique traitement.

Ces praticiens font vomir le chat au moyen de la staphisaigre, de l'euphorbe & du tabac. Deux fois par jour l'animal est trempé dans une décoction de pieds de griffon ou de tabac. Traitement sommaire, mais dangereux.

Il en est un plus doux lorsque l'éruption est déclarée. Il faut tenir le chat dans un endroit chaud, lui faire prendre quelque boisson sudorifique laxative & le frictionner avec une lotion de nitrate d'argent fondu (quatre gros) & d'eau naturelle (une livre).

Mais cette grave maladie qui décime la race féline se compte comme les invasions de choléra, & depuis l'année 1779, où succombèrent la plupart des chats de France, d'Allemagne, d'Italie & de Danemark, la science n'a pas enregistré de nouvelles épidémies.

Quant aux fractures des chats, la science du vétérinaire doit être invoquée.

J'ai vu un chat dont la colonne vertébrale avait été cassée se promener plus tard avec quelques difficultés, il est vrai. Sa chute du haut d'un toit élevé, quoiqu'elle lui eût enlevé l'agilité, n'avait modifié en rien l'affabilité de son caractère.


II.

LE CHAT CHEZ LES HÉBREUX ET DANS L'ANTIQUITÉ.

Il n'est pas question de chat domestique dans la Bible, & si le prophète, au nombre des animaux qui viendront crier la nuit dans les ruines de Babylone, évoque les Tsym[38] que certains commentateurs ont pris pour des chats, il est plus présumable qu'il s'agit des chacals.

[38] Le chat est appelé Tsy en hébreu, au pluriel Tsyim, d'après Bochart.

Itobades, imité par Pilpai dans les Fables indiennes, appelle le chat «le mangeur de souris.» Pilpai copie Itobades, Ésope copie Pilpai, Phèdre copie Ésope, & c'est ainsi qu'à travers les siècles se présente le chat à La Fontaine, qui, lui aussi, admet la caractéristique perfide de l'animal félin, telle que l'ont donnée les fabulistes ses aïeux.

M. Dureau de Lamalle croit que dans le Combat des grenouilles attribué à Homère, le vieux poëte parle du chat domestique qu'il appelle galé.

Il est plus certain que le mot ailuros employé par Hérodote & Aristote s'applique au chat domestique.

Diodore de Sicile, parlant des conquêtes d'Agatoche de Numidie, dit qu'il fit passer son armée à travers des montagnes élevées, habitées par un si grand nombre de chats, qu'aucun oiseau n'y fait son nid.

Élien prouve également que l'ailuros des Grecs est notre chat domestique, en faisant figurer cet animal au nombre de ceux que l'on peut apprivoiser par la nourriture & des caresses; il ajoute (sans doute Élien avait en vue les chats sauvages) que les singes, pour leur échapper, se réfugient à l'extrémité des branches.

L'ailuros des Grecs devint felis chez les Latins. Pline s'en est occupé particulièrement, & un écrivain de la décadence, Palladius, dans son ouvrage sur l'agriculture, parle du Cattus ou Catus comme d'un animal utile dans les greniers pour détruire les souris.

«Il semblerait donc, dit M. de Blainville, que c'est vers cette époque que le chat est devenu domestique, puisqu'il paraît certain qu'il ne l'était pas si anciennement chez les Grecs, ni même chez les Romains, quoiqu'il le fût chez les Égyptiens.»

En effet, le naturaliste français, qui, dans son beau traité d'Ostéographie a cherché la confirmation par les monuments anciens de la domestication des animaux, ne trouve de représentations du chat ni en Grèce ni dans l'ancienne Rome.

M. de Blainville parle d'un chat momifié dont le squelette fut dépouillé de ses bandelettes pour les collections du Muséum. «M. E. Geoffroy, dit-il, a reconnu, ainsi que M. G. Cuvier, un animal ne différant en aucune manière de notre chat domestique en Europe, ce qui n'est pas exactement vrai. Depuis lors, M. Ehrenberg, qui a eu également l'occasion de voir ces momies de chats, a assuré qu'elles provenaient d'une espèce encore actuellement sauvage & également domestique en Abyssinie.»

Diverses autres momies de chats amènent M. de Blainville à conclure que les Égyptiens avaient plusieurs espèces de chats: «On peut donc assurer que les anciens Égyptiens possédaient trois espèces ou variétés de chats que les modernes connaissent encore aujourd'hui, en Afrique, à l'état sauvage aussi bien qu'à l'état domestique.»

Le chat n'était pas un animal domestique chez les peuples scytho-celtiques, car dans les tumulus fouillés en Europe & dans l'Asie boréale, où sont amassés de nombreux ossements de bœufs, de cerfs, de moutons, de cochons & de chiens, M. de Blainville n'en a trouvé aucun se rapportant au chat.


III.

RECHERCHES SUR LA DOMESTICATION DES CHATS ET L'ANCIENNETÉ DE LEUR RACE, PAR DARWIN.

Dans son livre de l'Origine des espèces, Darwin s'était déjà occupé des chats. On lui doit cette observation, que les chats qui ont les yeux bleus sont presque toujours sourds. Il a fait remarquer encore que les chats ont l'oreille droite, parce qu'étant perpétuellement aux aguets, les muscles de l'oreille sont, dès le plus bas âge, sans cesse en exercice, tandis que les animaux domestiques apathiques ont les oreilles lâches & pendantes.

Dans un nouvel ouvrage De la variation des animaux & des plantes sous l'action de la domestication[39], le naturaliste est revenu avec plus de détails sur les chats. J'emprunte à ce livre quelques recherches historiques & quelques observations:

[39] Traduit par J.-J. Moulinié, t. I, in-8º. Paris, Reinwald, 1868.

«Le chat a été domestiqué déjà fort anciennement en Orient; M. Blyth m'apprend qu'il en est fait mention dans un écrit sanscrit datant de deux mille ans...

«... Les chats sans queue de l'île de Man diffèrent du chat commun non-seulement par l'absence de queue, mais par la longueur de leurs membres postérieurs, la grandeur de leur tête & par leurs mœurs...

«Desmarets a décrit un chat du cap de Bonne-Espérance, remarquable par une bande rouge sur le dos...

«Nous avons vu que les contrées éloignées possèdent des races distinctes de chats domestiques. Les différences peuvent être dues en partie à leur descendance d'espèces primitives différentes, ou du moins à des croisements avec elles. Dans quelques cas, comme au Paraguay, Mombas, Antigua, les différences paraissent dues à l'action directe des conditions extérieures. On peut dans quelques autres attribuer quelque effet à la sélection naturelle, les chats ayant, dans certaines circonstances, à pourvoir à leur existence & à échapper à divers dangers; mais, vu la difficulté qu'il y a à appareiller les chats, l'homme n'a rien pu faire par une sélection méthodique, & probablement bien peu par sélection inintentionnelle quoiqu'il cherche généralement, dans chaque portée, à conserver les plus jolis individus, & estime surtout une portée de bons chasseurs de souris. Les chats qui ont le défaut de rôder à la poursuite du gibier sont souvent tués par les piéges. Ces animaux étant particulièrement choyés, une race de chats qui aurait été aux autres ce que le bichon est aux chiens plus grands, eût été probablement d'une grande valeur; & chaque pays civilisé en aurait certainement créé quelques-unes, si la sélection eût pu être mise en jeu; car ce n'est pas la variabilité qui fait défaut dans l'espèce.

«Dans nos pays, nous voyons une assez grande variété dans la taille, les proportions du corps, & considérable dans la coloration des chats... La queue varie beaucoup de longueur; j'ai vu un chat qui, lorsqu'il était content, portait la queue rabattue à plat sur le dos...

«Les conditions extérieures du Paraguay ne paraissent pas être très-favorables au chat; car, quoique à moitié sauvage, il ne l'est pas devenu complétement, comme tant d'autres animaux européens. Dans une autre partie de l'Amérique du Sud, d'après Roulin, le chat a perdu l'habitude de hurler la nuit. Le Rév. W. D. Fox a acheté à Portsmouth un chat qu'on lui dit provenir de la côte de Guinée: la peau en était noire & ridée, la fourrure d'un gris bleuâtre & courte, les oreilles un peu nues, les jambes longues, & l'aspect général singulier. Ce chat nègre a produit avec le chat ordinaire.

«... Une race en Chine a les oreilles pendantes. Il y a, d'après Gmelin, à Tobolsk, une race rouge. En Asie, nous trouvons aussi la race angora ou persane.

«Le chat domestique est revenu à l'état sauvage dans plusieurs pays, & partout, autant qu'on en peut juger d'après de courtes descriptions, il a repris un caractère uniforme. A la Plata, près Maldonado, j'en ai tué un qui paraissait tout à fait sauvage; M. Waterhouse, après un examen attentif, ne lui trouva de remarquable que sa grande taille. Dans la Nouvelle-Zélande, d'après Dieffenbach, les chats redevenus sauvages prennent une couleur grise panachée comme les chats sauvages proprement dits: ce qui est aussi le cas des chats demi-sauvages des Highlands de l'Écosse.»


IV.

ÉTYMOLOGIE DU MOT CHAT.

Étym. Wallon, chet; bourguignon, chai; picard, ca, co; provenç., cat; catal., gat; espagn. & portug., gato; ital., gatto. du latin catus ou cattus, qui ne se trouve que dans des auteurs relativement récents, Palladius, Isidore, & qui était un mot du vulgaire. Il appartient au celtique & à l'allemand: vil., cat; kymri, kâth; angl.-sax., cat; ancien scandin., köttr; allem. mod., katze. D'après Isidore, cattus vient de cattare, voir, & cet animal est dit ainsi parce qu'il voit, guette; catar, regarder, est dans le provençal & dans l'ancien français chater (Ronciso., p. 97). Mais on ne sait à quoi se rattachent ni cattus ni catar; la tardive apparition qu'ils font dans le latin porte à croire qu'ils sont d'origine celtico-germanique. Il y a dans l'arabe gittoun, chat mâle; mais Freitag doute que ce mot appartienne à l'arabe. (Littré, Dictionnaire.)

Chat sauvage (d'après un dessin de Werner).

V.

CHATS SAUVAGES.

On essaya à diverses reprises, au Jardin des Plantes, d'acclimater des chats sauvages du Népaul, du Cap (dit obscura, à cause de sa couleur noire), ou de Java (Javanensis); mais Frédéric Cuvier ne cite guère que le chat noir du Cap, qu'il put étudier momentanément:

«Ce chat, dit-il, avait les yeux & le naturel d'un chat domestique. Il avait été apprivoisé & abandonné à lui-même sur le bâtiment qui le ramenait en Europe; comme le chat domestique, il faisait la guerre aux rats, & eut d'autant plus de succès qu'il était grand & fort. A son arrivée à la ménagerie, on le tint d'abord renfermé; mais bientôt on put lui rendre sa liberté. Sauf la répugnance qu'il avait à se laisser prendre & même toucher, on aurait pu le croire un chat domestique: il resta attaché aux lieux où on le nourrissait; mais tous les autres chats mâles en furent exclus. Il n'en souffrit même aucun dans un cercle assez étendu hors de sa demeure, & j'ai eu tout lieu de croire que les ennemis que par là il s'était faits, ne furent pas étrangers à sa mort. Quoique jeune, il ne vécut guère chez nous qu'un an.»

(F. Cuvier, Histoire naturelle des mammifères.—Paris, 1824.)


VI.

LES CHATS EN CHINE.

L'abbé Le Noir rapporte que, loin de servir du chat pour du lapin, comme on en a l'habitude dans les gargotes parisiennes, les Chinois tiennent le chat pour un mets excellent; chez leurs marchands de comestibles, des chats énormes sont suspendus avec leur tête & leur queue. Dans toutes les fermes, on trouve de ces animaux attachés à de petites chaînes pour être engraissés avec des restes de riz; ce sont de gros chats qui ressemblent à ceux de nos comptoirs & de nos salons. Le repos qu'on leur impose facilite & accélère leur engraissement.

Plus préoccupé de science linéaire que de culinaire, je cherche surtout la représentation du chat par les artistes chinois.

En Chine, le chat est figuré, surtout par la statuaire céramique, en blanc de Chine, en bleu turquoise, en vieux violet. M. Jacquemard cite, dans son Histoire de la porcelaine, un chat en vieux violet qui fut vendu dix-huit cents livres à la vente du mobilier de Mme de Mazarin.

«Sur les porcelaines plus communes, on voit, émaillés en couleurs variées, des chats représentés assis sur le derrière, offrant quelque analogie avec les chats égyptiens. D'autres fois ces animaux sont figurés en rond, la tête appuyée sur les pattes de devant; alors ils sont moins naturels, leur tête grimaçante, à oreilles droites; les yeux exagèrent le caractère félin de la prunelle, fendue verticalement; souvent même la fente est réelle &, comme le dos porte une ouverture, il est permis de croire qu'on éclaire intérieurement la tête, pour obtenir un effet plus saisissant. Bon nombre de ces chats couchés sont des vases à fleurs.

«Au Japon, l'on a fait quelques chats en porcelaine commune, analogue à celle des figures civiles. Ces chats sont grossièrement tachés en rouge & en noir; mais les porcelaines fines représentant des intérieurs chinois répètent souvent la figure des animaux domestiques. Le chien se voit presque toujours dans le jardin; le chat, au contraire, se faufile au plus intime de l'intérieur. Là, il est près d'une dame à sa toilette; ailleurs, les enfants s'en amusent pendant que les dames prennent le thé. Dans ces peintures, l'animal est presque toujours blanc, à larges macules brunes ou noires; il paraît que c'est là l'espèce estimée.»


VII.

RÉQUISITOIRE DE BUFFON CONTRE LES CHATS. DÉFENSE DE L'ANIMAL PAR Mme DE CUSTINE, SONINI, GALIANI.

Buffon a traité le chat en procureur général, & voici un fragment de son réquisitoire:

«Le chat est un domestique infidèle, qu'on ne garde que par nécessité, pour l'opposer à un autre moins domestique, encore plus incommode... Quoique ces animaux, surtout quand ils sont jeunes, aient de la gentillesse, ils ont en même temps une malice innée, un caractère faux, un naturel pervers, que l'âge augmente encore & que l'éducation ne fait que masquer. De voleurs déterminés, ils deviennent seulement, lorsqu'ils sont bien élevés, souples & flatteurs comme les fripons; ils ont la même adresse, la même subtilité, le même goût pour faire le mal, le même penchant à la petite rapine. Comme les fripons, ils savent couvrir leur marche, dissimuler leurs desseins, épier les occasions, attendre, choisir, saisir l'instant de faire leur coup, se dérober ensuite au châtiment, fuir & demeurer éloignés jusqu'à ce qu'on les rappelle. Ils prennent aisément des habitudes de société, jamais des mœurs. Ils n'ont que l'apparence de l'attachement, on le voit à leurs mouvements obliques, à leurs yeux équivoques; ils ne regardent jamais en face la personne aimée; soit défiance, soit fausseté, ils prennent des détours pour en approcher, pour chercher des caresses auxquelles ils ne sont sensibles que pour le plaisir qu'elles leur font. Bien différent de cet animal fidèle dont tous les sentiments se rapportent à la personne de son maître, le chat paraît ne sentir que pour lui, n'aimer que sous condition, ne se prêter au commerce que pour en abuser, &, par cette convenance de naturel, il est moins incompatible avec l'homme qu'avec le chien, dans lequel tout est sincère.»

Une si longue nomenclature de vices & de défauts pourrait être contredite & relevée: ce serait du temps perdu. A Buffon j'oppose d'abord le passage suivant d'une lettre de Mme de Custine:

«Vous me battrez si je vous dis que l'attachement des chiens ne me touche pas du tout. Ils ont l'air condamnés à nous aimer; ce sont des machines à fidélité, & vous savez mon horreur pour les machines. Elles m'inspirent une inimitié personnelle... Vivent les chats! Tout paradoxe à part, je les préfère aux chiens. Ils sont plus libres, plus indépendants, plus naturels; la civilisation humaine n'est pas devenue pour eux une seconde nature. Ils sont plus primitifs que les chiens, plus gracieux; ils ne prennent de la société que ce qui leur convient & ils ont toujours une gouttière tout près du salon pour y redevenir ce que Dieu les a faits & se moquer de leur tyran.

«Quand, par hasard, ils aiment ce tyran, ce n'est pas en esclaves dégradés comme ces vilains chiens qui lèchent la main qui les bat, & qui ne sont fidèles que parce qu'ils n'ont pas l'esprit d'être inconstants...»

Le naturaliste Sonini ne jugeait pas le chat avec la même antipathie que Buffon dont il fut le collaborateur: «Cet animal (une chatte angora) fut, dit-il, pendant des années ma plus douce société. Combien de fois ses tendres caresses me firent oublier mes ennuis & me consolèrent de bien des infortunes! Ma belle compagne mourut enfin. Après plusieurs jours de souffrance, pendant lesquels je ne la quittai pas un moment, ses yeux constamment fixés sur moi s'éteignirent, & sa perte remplit mon cœur de douleur.»

Non plus l'abbé Galiani ne s'associe guère aux récriminations de Buffon; sa sympathie pour le chat est extrême, témoin ce fragment d'une lettre à Mme d'Épinay:

«Votre vie à Paris est moins insipide que la mienne à Naples, où rien ne m'attache, excepté deux chats que j'ai auprès de moi, dont l'un s'étant égaré hier par la faute de mes gens, je suis entré en fureur; j'ai congédié tout mon monde. Heureusement il a été trouvé ce matin, sans quoi je me serais pendu de désespoir.»

Voilà assez de témoignages à décharge pour détruire le réquisitoire de Buffon.


VIII.

DU RÔLE DU CHAT DANS L'ARCHITECTURE.

Le moyen âge, qui appela tant d'animaux fantastiques à décorer les façades des monuments religieux & civils, ne s'est pas extrêmement préoccupé du chat; cependant on avait amené déjà en France les premiers chats d'Angora, car l'auteur du roman de la Rose parle de ces animaux & compare le chat, pour la fourrure & la vigueur, à un chanoine prébendé. Sans doute les sculpteurs ne se rendirent pas compte, comme les Égyptiens, de la pureté des lignes de l'animal; il est singulier, en tout cas, que le masque du chat ne leur ait pas fourni quelque motif grimaçant dans la collection des diableries qui courent du haut en bas des églises du XIIe siècle.

Mme Félicie d'Aizac, qui a écrit un travail sur la zoologie relative à l'architecture (Revue de l'Architecture, t. VII, 1847-1848), fait entrer le chat dans le symbolisme; mais il est impossible de tirer un seul fait précis de ce tourbillon de visées archéologiques.

Le chat se montre un peu moins rare dans les monuments de la Renaissance. Au musée de la ville de Troyes, on voit un chapiteau du XVe siècle qui représente un chat. J'en aurais donné volontiers un croquis si l'animal était d'une exécution plus supportable.

M. Fichot, peintre-archéologue qui a dessiné nombre de monuments curieux, me communique le dessin d'un linteau de porte d'une maison de Ricey-Haute-Rive. Au milieu de ce bas-relief se tient un chat, en compagnie de poules, d'un renard, d'une sorte de rat; mais cette sculpture est véritablement trop primitive & l'animal ne conserve pas assez l'accent de sa race pour être reproduit ici.

Le chat, regardé sans doute comme manquant de noblesse, fut abandonné aux sculpteurs d'enseignes qui s'en amusèrent: le Chat qui pelote, le Chat qui pêche, & souvent en firent un sujet de calembour comme dans l'enseigne suivante: les Chats scieurs (pour chassieux), ou dans cette autre: A la botte pleine de malices, qui se voyait à la porte d'un cordonnier facétieux. De l'ouverture de la botte sortaient une tête de singe, une tête de chat & une tête de femme.

Un bon ouvrage sur les enseignes devra contenir plus d'un renseignement à ce sujet.


IX.

LÉGENDES.

Il serait facile de recueillir un certain nombre de légendes sur les chats, presque tous les peuples ayant donné carrière à leur imagination en ce qui concerne les félins. Je citerai seulement trois légendes: une antique, une arabe, une russe.

Chez les Grecs, le chat était consacré à la chaste Diane. Les mythologues grecs prétendent que Diane avait créé le chat pour ridiculiser le lion, créé par Apollon avec l'intention d'effrayer sa sœur.

Les anciens auteurs de blasons, je l'ai montré aux premiers chapitres de cet ouvrage, se sont emparés de cette légende antique & ont attribué aux astres ce que les mythologues portent au compte des dieux.

Damiréi, naturaliste arabe, qui a composé, au VIIIe siècle de l'hégire, une Histoire des animaux, sous le titre de Hauet-el-Haïa-wana, donne les motifs de la création du chat:

«Lorsque Noé fit entrer dans l'arche, disent les Arabes, un couple de chaque bête, ses compagnons, ainsi que les membres de sa famille lui dirent: «Quelle sécurité peut-il y avoir pour nous & pour les animaux tant que le lion habitera avec nous dans cet étroit bâtiment?» Le patriarche se mit en prières & implora le Seigneur. Aussitôt la fièvre descendit du ciel & s'empara du roi des animaux, afin que la tranquillité d'esprit fût rendue aux habitants de l'arche. Il n'y a pas d'autre explication pour l'origine de la fièvre en ce monde. Mais il y avait dans le vaisseau un ennemi non moins nuisible: c'était la souris. Les compagnons de Noé lui firent remarquer qu'il leur serait impossible de conserver intacts leurs effets & leurs provisions. Après une nouvelle prière adressée au Tout-Puissant par le patriarche, le lion éternua & il sortit un chat de ses naseaux. C'est depuis ce moment que la souris est devenue si craintive & qu'elle a contracté l'habitude de se cacher dans les trous.»

Les Russes ont une légende donnant la raison de l'antagonisme des chiens & des chats:

«Lorsque le chien fut créé, il attendait encore sa pelisse; la patience lui manquant, il suivit le premier venu qui l'appela. Or ce passant était le diable, qui fit de cet animal son émissaire, & qui même en prend quelquefois l'apparence. La fourrure destinée au chien fut donnée au chat; c'est peut-être ce qui explique l'antipathie des deux quadrupèdes, dont le premier estime que l'autre lui a volé son bien.»


X.

INSTINCT MATERNEL CHEZ LES CHATTES.

M. Charles Asselineau, me sachant occupé d'un travail sur les chats, m'envoie l'observation suivante:

«Ma chatte fait ses petits à la campagne. Je lui en laisse un pour empêcher que son lait ne lui monte à la tête, & je donne l'autre à ma blanchisseuse.

«Pendant une des nuits suivantes, toute la maison est éveillée par des lamentations de jeunes chats à fendre l'âme. Il pleuvait à torrents.

«La jardinière, qui a le cœur tendre, se lève & trouve le petit chat à moitié noyé, transi, mourant. Elle le prend, l'emporte, &, pour le réchauffer, le couche à côté d'elle dans son lit.

«Le lendemain matin, on présente le petit à sa mère. Il se jette sur elle en affamé & essaye de se coucher sous son ventre pour teter; mais la chatte le repousse énergiquement, se hérisse, jure & montre les griffes. Vingt fois on renouvelle la tentative avec le même succès.

«Nous voilà tous scandalisés, indignés contre cette marâtre, qui ne reconnaissait plus son fruit après deux jours de séparation. Mes nièces en pleuraient: «Oh! la vilaine, la mauvaise mère!»

«On se décide enfin à reporter le petit chat chez la blanchisseuse en la grondant fortement de sa barbarie de mettre un nouveau-né à la porte par un temps pareil, & que trouve-t-on? Le vrai chaton moelleusement couché sur un coussin avec une soucoupe de lait à sa portée.

«Nous avions donc calomnié la mère. Son instinct avait été plus clairvoyant que nos yeux. Elle avait du premier coup reconnu que l'enfant qu'on lui présentait n'était pas le sien & l'avait repoussé pour ne pas faire de tort à son nourrisson.—N'est-ce pas là une belle histoire de chatte?[40]»

[40] Nombre d'autres observations m'ont été communiquées pendant l'impression du présent livre, mais, venues trop tard, elles eussent dérangé le plan; malgré les divisions les plus capricieuses en apparence de toute œuvre d'art, l'écrivain doit se tenir en garde contre les rallonges.


XI.

DU LANGAGE DES CHATS PAR L'ABBÉ GALIANI.

Une édition qu'on vient de donner de Galiani me remplit d'orgueil. Lui aussi, le Napolitain, a traité de l'amour chez les chats; sauf le détail du miaulement, je me rencontre avec l'ami de Diderot sur la question de linguistique.

«Il y a des siècles, dit le spirituel abbé, qu'on élève des chats, & cependant je ne trouve personne qui les ait bien étudiés. J'ai le mâle & la femelle; je leur ai ôté toute communication avec les chats du dehors & j'ai voulu suivre leur ménage avec attention; croiriez-vous une chose? Dans le mois de leurs amours, ils n'ont jamais miaulé; le miaulement n'est donc pas le langage de l'amour des chats; il n'est que l'appel des absents.

«Autre découverte sûre: le langage du mâle est tout à fait différent de celui de la femelle, comme cela devait être. Dans les oiseaux, cette différence est plus marquée; le chant du mâle est tout à fait différent de celui de la femelle; mais dans les quadrupèdes, je ne crois pas que personne se soit aperçu de cette différence. En outre, je suis sûr qu'il y a plus de vingt inflexions différentes dans le langage des chats, & leur langage est véritablement une langue, car ils emploient toujours le même son pour exprimer la même chose.»


XII.

GODEFROI MIND, LE RAPHAËL DES CHATS.

M. Depping a donné dans la Biographie universelle quelques notes sur Godefroi Mind, qui semblait voué par son nom à la peinture des chats. De cet article j'extrais les détails qui intéresseront peut-être ceux qui réclament des artistes une meilleure interprétation de la race féline.

Godefroi Mind naquit en 1768, à Berne, d'un père d'origine hongroise. Il étudia le dessin chez le peintre Freudenberger, qui a laissé peu de traces dans l'histoire de l'art. «Un goût particulier, dit M. Depping, porta Mind à dessiner des animaux, ou plutôt deux espèces d'animaux: les ours & les chats. Ces derniers surtout étaient ses sujets favoris, il se plaisait à les peindre à l'aquarelle dans toutes les attitudes, seuls ou en groupe, avec une vérité, un naturel, qui n'ont peut-être jamais été surpassés. Ses tableaux étaient en quelque sorte des portraits de chats; il nuançait leur physionomie doucereuse & rusée; il variait à l'infini les poses gracieuses des petits chats jouant avec leur mère; il représentait de la manière la plus vraie le poil soyeux de ces animaux; en un mot, les chats peints par Mind semblaient vivre sur le papier. Mme Lebrun, qui ne manquait jamais, dans ses voyages en Suisse, d'acheter quelques dessins de ce peintre, l'appelait le Raphaël des chats. Plusieurs souverains, en traversant la Suisse, ont voulu avoir des chats de Mind; les amateurs suisses & autres en conservent précieusement dans leurs portefeuilles. Le peintre & ses chats étaient inséparables. Pendant son travail, sa chatte favorite était presque toujours à côté de lui & il avait une sorte d'entretien avec elle. Quelquefois cette chatte occupait ses genoux; deux ou trois petits chats étaient perchés sur ses épaules; il restait dans cette attitude des heures entières sans bouger, de peur de déranger les compagnons de sa solitude. Il n'avait pas la même complaisance pour les hommes qui venaient le voir & il les recevait avec une mauvaise humeur très-marquée.

«Mind n'eut peut-être jamais de chagrin plus profond que lors du massacre général des chats, qui fut ordonné, en 1809, par la police de Berne, à cause de la rage qui s'était manifestée parmi ces animaux. Il sut y soustraire sa chère Minette en la cachant; mais sa douleur sur la mort de huit cents chats, immolés à la sûreté publique, fut inexprimable: il ne s'en est jamais bien consolé...

«Il avait aussi beaucoup de plaisir à examiner des tableaux ou des dessins qui représentaient des animaux. Malheur aux peintres qui n'avaient pas rendu ses espèces favorites avec assez de vérité! Ils n'obtenaient aucune grâce à ses yeux, quelque talent qu'ils eussent d'ailleurs.

«Dans les soirées d'hiver, il trouvait encore moyen de s'occuper de ses animaux chéris en découpant des marrons en forme d'ours ou de chats: ces jolies bagatelles, exécutées avec une adresse étonnante, avaient un très-grand débit.

«Mind, petit de taille, avait une grosse tête, des yeux très-enfoncés, un teint rouge-brun, une voix creuse & une sorte de râlement; ce qui, joint à une physionomie sombre, produisait un effet repoussant sur ceux qui le voyaient pour la première fois.

«Il est mort à Berne le 8 novembre 1814. On a parodié assez plaisamment pour lui les vers de Catulle sur la mort d'un moineau:

Lugete, o feles, ursique lugete,
Mortuus est vobis amicus;

& un autre vers d'un ancien:

Felibus atque ursis flebilis occidit.


XIII.

LE PEINTRE JAPONAIS FO-KOU-SAY

(Prononcez Hok'sai).

La plupart des vignettes japonaises reproduites dans ce volume sont tirées des cahiers de croquis d'un artiste merveilleux, qui mourut, il y a environ cinquante ans, au Japon, laissant une grande quantité d'albums, dont la principale série, composée de quatorze cahiers, a excité, lors de son introduction à Paris, une noble émulation parmi les artistes.

Ce peintre, appelé Fo-Kou-Say, & qui est plus populaire sous le nom d'Hok'sai, on ne saurait mieux en faire comprendre le mérite qu'en l'assimilant à Goya. Il en a le caprice, la fantaisie; même sa manière de graver offre parfois une analogie très-marquée avec celle de l'auteur des Caprices. Hok'sai a plus fait pour nous rendre facile la connaissance du Japon que les voyageurs & que les professeurs de japonais qui ne savent pas le japonais. Grâce à l'art répandu à profusion dans ces cahiers, on a pu se rendre compte de la civilisation japonaise & de l'intelligence d'un peuple qui, loin de s'endormir dans la tradition du passé, comme les Chinois, marche résolûment à la conquête des découvertes industrielles européennes.

Ce n'est pas le moment de rendre sensibles ces généralités; mais telle est la puissance de l'art, qu'un simple cahier de croquis ouvre des horizons qu'il est difficile de ne pas signaler.

Hok'sai fut un artiste profondément original. Et quoique certains de ses dessins détachés puissent offrir de la parenté avec des croquis de Goya, on peut affirmer que l'artiste japonais ne connaissait rien des richesses artistiques de l'Espagne, l'œuvre de l'auteur des Caprices & des Tauromachies étant, il y a cinquante ans, absolument inconnu, même en France.

Hok'sai trouva dans sa nature, dans les institutions de son pays, dans les mœurs & coutumes des habitants, dans la popularité que ses cahiers de croquis obtinrent, matière à exercer son génie, & plus qu'un autre j'ai sans doute été frappé de ce génie, à cause des études de chats de l'artiste. Une page entière d'un des albums d'Hok'sai est consacrée à vingt-quatre croquis de chats dans différentes poses, & mon regret est de n'avoir pu en donner davantage.

Que le présent volume plaise au public, & l'auteur fera tous ses efforts pour améliorer son ouvrage & par le texte & par les dessins.


TABLE.

PRÉFACE

PREMIÈRE PARTIE

CHAPITRE PREMIER.Les chats dans l'Égypte ancienne.—Utilité du chat.—Il chasse sur le Nil.—Opinion de Wilkinson.—Le roi Hana & le chat Bouhaki.—Bijoux d'or aux oreilles des chats.—La déesse Bast à tête de chatte.—Momies de chats.—Horapollon & Plutarque, à propos des prunelles des yeux de l'animal.—Résultats de l'accouplement des chats, suivant Hérodote.—Comment s'appelait l'animal chez les Égyptiens.—Opinions diverses des Égyptologues

CHAPITRE II.Les chats en Orient.—Notes de M. Prisse d'Avesnes.—Le verger du chat au Caire.—Distribution de victuailles au Mehkémeh.—Maison de refuge pour les chats, à Florence.—Humanité des Génevois à l'endroit des chats.—Chats-Djinns.—Femmes adultères jetées dans le Nil en compagnie d'une chatte

CHAPITRE III.Les chats chez les Grecs & les Romains.—Les Grecs peu préoccupés des chats.—Théocrite en parle le premier.—Invectives d'Agathias & de Damocharis contre la race féline.—Cornaline du cabinet des Médailles.—Opinions du comte de Caylus & de M. Chabouillet.—Mosaïques de Pompéi & d'Orange, leur rapport avec les poëmes de l'Anthologie.—Tombeau gallo-romain de Bordeaux.—Étendards des anciens Romains

CHAPITRE IV.Poésies, traditions populaires.—Le chat, animal cher aux nourrices.—Chansons du bas Poitou & de l'Ouest sur les chats.—Le vieux devant de cheminée.—Breughel.—Conteurs norvégiens, allemands, anglais, français.—Légende du château des comtes de Combourg, par Chateaubriand.—Les grands hommes ont le privilége de rester enfants

CHAPITRE V.Blasons, marques, enseignes.—La Colombière & la Science héroïque.—Lutte du soleil & de la lune.—Elle produit le chat & la souris.—Armoiries diverses qui contiennent des chats.—Marques des Sessa, imprimeurs à Venise.—Saint Yves & son chat.—Opinion de Henri Estienne.—La République française ajoute le chat à son blason.—Symbole de liberté & d'indépendance.—Également symbole d'hypocrisie & de trahison.—La maison du Chat qui pelote & la maison du Chat noir

CHAPITRE VI.Les ennemis des chats au moyen âge.—Sorcières, alchimistes, savants & chats.—M. Édelestand du Méril.—Prétendu caractère de lubricité des chats.—Les feux de la Saint-Jean.—Lamentatio catrarum, musica de' gatti, katzenmusik.—Le jour du Bihourdi en Picardie.—Influence de la civilisation dans les campagnes.—Chats employés comme machine de guerre

CHAPITRE VII.Autres ennemis des chats: les paysans, les statisticiens, les chasseurs.—Le chat de campagne.—Opinion de Diderot sur les chats de Langres.—M. Toussenel.—Les chasseurs un peu brutes.—Les chats accusés par les fouriéristes d'aimer les asperges.—Mésalliance des chattes domestiques avec les chats sauvages.—Le Journal d'agriculture pratique.—Liévreteaux, lapereaux, perdreaux, faisandeaux, détruits par les chats.—Saint-Barthélemy de chats, prêchée par les statisticiens.—Quels sont les animaux nuisibles?—Le moineau, déclaré tantôt nuisible, tantôt utile.—Les puces & les punaises doivent-elles être classées parmi les animaux nuisibles?—Noël franc-comtois à ce sujet

CHAPITRE VIII.Les chats devant les tribunaux.—Lord Chesterfield.—Plaidoirie de Me Crémieux en faveur de la race féline.—Le général Houdaille, Le Tasse, Pétrarque, le cardinal Wolsey, Wittington.—Les chiffonniers des bords de la Bièvre.—Fameux considérants du juge de paix de Fontainebleau.—Humanité pour les animaux

CHAPITRE IX.Les amis des chats.—Mahomet, Richelieu.—Le chat Muezza.—Pourquoi les grands politiques aiment-ils les chats?—Légende de Richelieu applicable sans doute à Colbert.—Chateaubriand & le comte de Marcellus.—Leurs conversations sur les chats.—Les chats de Londres.—Le chat du pape Léon XII.—Madame Michelet & le chat Moquo.—Le chat du mousse

CHAPITRE X.De quelques gens d'esprit qui se sont plu au commerce des chats.—Moncrif, historiographe des chats.—Coups de griffe que lui donnent les gens de lettres.—Le poëte Baudelaire.—Souvenirs de jeunesse.—Victor Hugo, Mérimée, Sainte-Beuve, Théophile Gautier, Viollet-le-Duc

CHAPITRE XI.Les peintres de chats.—Représentations hiératiques du chat par les Égyptiens.—Femmes, fantaisies, chats.—Hoffmann, Goya, Cazotte.—Du beau & de la fantaisie.—L'art japonais.—Mind, le Raphaël des chats.—L'aquarelliste Burbanck.—Cornel. Visscher.—Eugène Delacroix: parti qu'il tirait des chats.—Caprices de J.-J. Grandville.—Le comédien Rouvière.—Pour la pantomime un chat vaut un professeur du Conservatoire


SECONDE PARTIE

CHAPITRE XII.Le chat est-il un animal domestique?—Controverse entre naturalistes: M. Flourens & M. Fée.—De l'instinct des animaux.—Pourquoi le chat griffe-t-il?—Sociabilité des chats.—Anecdotes contées par Vigneul-Marville & Dupont de Nemours.

CHAPITRE XIII.Curiosité & sagacité.—Discussion entre Voltaire & l'abbé Galiani.—Pas de métaphysique, des faits

CHAPITRE XIV.Transmission héréditaire des qualités morales des chats.—Observations de M. J. Troubat.—Leur rapport avec les idées de Darwin

CHAPITRE XVCinq heures du matin.—A quoi rêvent les chats à pareille heure.—Il faut se rendre à leurs désirs

CHAPITRE XVI.Enfance des chats.—Le petit chat, joie de la maison.—Profil d'oreilles de jeunes chats.—Gustave Planche & son chapeau clabaud: ce qu'il en advint dans le jardin de la Revue des Deux Mondes.—Excellente page du physiologiste Gratiolet.—Utilité d'un petit chat pour le père & la mère

CHAPITRE XVII.Sentiments de famille.—Les chattes de Dupont de Nemours.—Pierquin de Gembloux & le Traité de la folie des animaux.—Amour maternel chez la chatte

CHAPITRE XVIII.De l'attachement des chats au foyer.—Histoire du chat d'un curé de campagne.—Attachement de l'animal pour l'ancien presbytère.—Comment on le guérit de ses fuites sans cesse renouvelées.—Des paris de pigeons en Flandre.—Le chat court plus vite que les pigeons

CHAPITRE XIX.Du langage des chats.—Il faut étudier les animaux d'après nous-mêmes.—Ce que pensait Montaigne de l'animal.—Est-il possible d'apprendre des langues d'animaux?—La langue rossignol & la langue corbeau

CHAPITRE XX.Les chats à la campagne.—Les chats guettant les oiseaux.—Jeux de petits chats sur le gazon

CHAPITRE XXI.Les amours des chats.—Observations d'hiver.—Dépit amoureux.—Jurons & morsures.—Le chat reçoit des soufflets de son amoureuse.—Viens-tu?—Publications & bans de la flamme des chats.—Cheminées & gouttières.—Violentes & féroces passions.—Travaux d'Hercule

CHAPITRE XXII.Affections nerveuses des chats.—Monomanie infanticide.—Pourquoi les matous mangent-ils les nouveau-nés?—L'angora & le chien de Terre-Neuve.—Envie de chatte pleine.—Observations de crises nerveuses

CHAPITRE XXIII.De l'égoïsme des chats.—Les animaux à Rome.—Belles paroles de César.—Champfort a calomnié les chats.—Le chat rend service


APPENDICES

I. Traitement des chats dans les maladies du premier âge.

II. Le chat chez les Hébreux & dans l'antiquité.

III. Recherches sur la domestication des chats & l'ancienneté de leur race, par Darwin.

IV. Étymologie du mot chat.

V. Chats sauvages.

VI. Les chats en Chine.

VII. Réquisitoire de Buffon contre les chats. Défense de l'animal par Mme de Custine, Sonini, Galiani.

VIII. Du rôle du chat dans l'architecture.

IX. Légendes.

X. Instinct maternel chez les chattes.

XI. Du langage des chats par l'abbé Galiani.

XII. Godefroi Mind, le Raphaël des chats.

XIII. Le peintre japonais Fo-Kou-Say.


TABLE DES GRAVURES.

Frontispice. Chat se léchant, d'après une aquarelle de Mind, de la collection de M. Frédéric Villot.

Portrait de Montaigne, d'après un tableau appartenant au docteur Payen.

Petit chat d'après nature.

Chats en chasse, d'après une peinture égyptienne du British Museum; dessin de M. Mérimée.

Bronze du musée égyptien du Louvre.

Momie de chat du musée égyptien.

Boîte de momie de chat, musée du Louvre.

Croquis de chat, d'après Richter.

Fac-simile d'une gravure japonaise.

Chat étranglant un oiseau, d'après une mosaïque du Musée de Naples.

Tombeau gallo-romain représentant une jeune fille, son chat & son coq, musée de Bordeaux.

Drapeau des anciens Romains.

Fac-simile d'un dessin d'Eugène Delacroix.

Le chat noir & la jambe de bois du comte de Combourg, dessin de Kreutzberger.

Blason des Katzen.

Marque d'imprimerie des Sessa, de Venise, tirée de la collection Eugène Piot.

La Liberté, d'après Prud'hon.

Enseigne du Chat noir, rue Saint-Denis.

Fac-simile d'un dessin d'un manuscrit de la bibliothèque
de Strasbourg, dessin de M. Lorédan Larchey.

Le chat de campagne, dessin de Ribot.

Fac-simile d'une gravure japonaise.

Étude de chat d'après la fameuse estampe de Corn. Visscher.

Portrait de Richelieu, dessin de Morin.

Chateaubriand, par Morin.

Chinois en famille, enfants & chat, d'après une tasse en porcelaine de la collection A. Jacquemard.

Portrait de Moncrif.

Baudelaire, par Morin.

Le chat de Victor Hugo, dessin de Kreutzberger.

Chatte allaitant ses petits, bronze du musée égyptien.

Groupe de chats, caprice japonais, tiré de la collection de M. James Tissot.

Griffes de chats, d'après l'écorché.

Fac-simile d'un dessin de Mind, tiré de la collection de M. Frédéric Villot.

Croquis de chat d'après nature.

Cul-de-lampe.

Seconde marque des Sessa, imprimeurs à Venise.

Concert de chats, d'après le tableau de P. Breughel.

Le petit chat & sa mère, d'après Rouvière.

Chatte léchant son petit, croquis de J.-J. Grandville.

Petit chat jouant, dessin d'Eugène Delacroix.

Portrait d'Hoffmann, dessin de Morin.

Bronze égyptien, dessin de M. Prisse d'Avesnes.

Caricature japonaise.

Chat en porcelaine de fabrication chinoise. Musée de Sèvres. Dessin de Renard.

Croquis d'après nature, dessin de Kreutzberger.

Fac-simile d'une gravure japonaise.

Rendez-vous de chats, dessin d'Édouard Manet.

Étude de chat d'après nature; fac-simile d'un dessin d'Eugène Delacroix.

Fac-simile d'un croquis japonais.

Libertas sine labore, dessin de M. Viollet-Le-Duc.

Chat sauvage, dessin de Werner.

Cul-de-lampe.

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