Les Divins Oracles de Zoroastre, ancien Philosophe Grec, Interpretez en Rime Françoise, par François Habert de Berry; Avec un Commentaire moral sur ledit Zoroastre, en Poesie Françoise, et Latine.
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Title: Les Divins Oracles de Zoroastre, ancien Philosophe Grec, Interpretez en Rime Françoise, par François Habert de Berry; Avec un Commentaire moral sur ledit Zoroastre, en Poesie Françoise, et Latine.
Author: François Habert
Release date: September 14, 2013 [eBook #43718]
Most recently updated: October 23, 2024
Language: French
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Les Divins Oracles de Zoroastre, ancien Philosophe Grec, interpretez en Rime Francoise, par Francois Habert de Berry, Avec un Commentaire moral sur ledit Zoroastre, en Poesie Francoise, et Latine.
Plus, la Comedie du Monarque, et autres petis oeuvres.
La vertu vient du Ciel, & mortelle n'est pas.
A Paris,
De l'imprimerie de Philippe Danfrie, et Richard Breton, Rue sainct Jacques, à l'Escrevisse.
M. vc. lviij.
Avec Privilege du Roy.
Pierre Habert Escrivain à Paris, aux Lecteurs.
Ou recevras grand consolation,
Voy Zoroastre, Homme fort autentique,
Qui fut remply de grand perfection.
Icy verras mainte autre instruction
Et bons propos, pour te donner plaisir.
Outre cela tu verras à loisir
(Dont recevras double contentement)
Les traicts nouveaux d'une Francoise letre,
Que cy devant Paris n'a sceu permettre
Aux bons Esprits la voir aucunement.
A tresnoble & illustre personne Monseigneur Claude du Bourg, Seigneur de Guerigné, Chevalier, Conseiller, et Thresorier de France, estably à Rion, Francois Habert son treshumble et obeissant serviteur, desire salut, et felicité perpetuelle.
(A scavoir Dieu) donne à sa creature
Dons differens, aux uns hautain scavoir,
Aux uns beauté, aux autres riche Avoir:
Mais ce dont plus la personne bien née
Est noblement en ce Monde exornee,
C'est la beauté en l'Esprit permanente,
Beauté qui est hautaine et eminente,
Ceste beauté exquise, et de hault pris,
(Qui nobles rend et heureux les esprits)
Reluit en vous, voire de telle sorte
(Noble seigneur) que la Palme ell'emporte
Dessus plusieurs, en liberalité,
Et jugement plein d'immortalité,
Dont à bon droict convient que ma Minerve
En ses escrits tel honeur vous reserve,
Que l'oeil aigu de la posterité
Juge combien vous avez merité,
Qui ressemblez au Phenix seul et rare
Par un destin du Ciel, qui vous separe
Des ords desirs d'un avaricieux
Qui l'or terrien trouve plus precieux,
Que la vertu tant noble, rare, et saincte
En vostre esprit divinement empraincte,
En ensuivant voz Majeurs excellans,
Qui ont esté en France vigilans,
Au bien public, mesmes pour la couronne
Qui de noz Roys le chef digne environne.
Ce hault renom de la rare vertu,
Dont vostre sens est noblement vestu,
M'a incité de tirer hors du coffre
De ma Pallas, l'oeuvre que je vous offre,
C'est Zoroastre, un Philosophe grand,
De hault Scavoir, les autres denigrant,
Y fust Platon, le riant Democrite,
Y fust aussi le plorant Heraclite,
Voire tous ceux qui par l'antiquité
Ont jusqu'icy los et auctorité.
Qu'à voz vertus et graces je dedie,
Ou vous verrez mon introduction
D'un fort grand Roy, plein d'imperfection
Premierement, puis de grand excellence
Pour avoir crainct de Mort la violence,
Bien esperant qu'en tirerez plaisir
En le lisant quelque fois à loisir,
Combien qu'avec vostre honeur magnifique
Vous abondiez de scavoir poetique,
Et de scavoir encores plus exquis.
Que vous avez divinement acquis.
Sur ce je pry l'eternelle puissance
De voz desirs vous donner jouissance,
Puis qu'advenant vostre ordonné trespas
Preniez au Ciel cest immortel repas,
Qui est promis par l'Eternel à ceux
Qui aux vertus n'ont esté paresseux,
Ainsi que vous, plein de graces infuses
Le Mecenas des lettres et des Muses.
A mondict Seigneur le Thresorier.
Sonnet.
(Tant soient ilz grands) on voit deperissables:
Mais les thresors à jamais perdurables,
Sont en l'esprit, qui ha source des Cieux.
Vestus ne sont avares detestables
Qui ayment moins les vertus souhaictables
Que l'or caché des avaricieux.
Qui noblement en vous son ply a pris,
Donne tel los a vostre grand prudence,
Des vertueux, florira vostre nom,
Et voz vertus mettra en evidence.
A luy encores,
Sonnet en vers alexandrins.
Aporte utilité, honeur, et ornement)
Quelque fois reposer laisse tacitement
Le secret des thresors, ou vostre estat s'applique,
Lequel je vous consacre, & dedie humblement,
Ou pourrez recevoir quelque soulagement,
Pource qu'il est extraict d'un Philosophe antique.
Que dessous vostre nom il sera agreable,
A tout oeil clair voyant de la posterité,
Ou peuples successeurs auront la cognoissance
Du grand merite deu à vostre auctorité.
Les Divins Oracles de Zoroastre, ancien Philosophe Grec.
De cognoistre & scavoir de ton ame la voye,
Et entendre le lieu duquel elle provient,
Aussi quelque action donner au corps convient.
Soit par toy de rechef ton Esprit estendu,
Et tousjours elevé, joignant à tel office
Des mots saincts et sacrez le divin sacrifice.
Que soubmise ne soit encontre bas ta veue:
Car la cheute est en Terre, avec vice infini,
Tirant du lieu qui est de sept conduicts muni,
Soubs lequel, pour certain, le siege est limité
D'une non variable, et grand necessité.
Sera mangé de vers qui luy feront la guerre.
Qui t'à esté prescrit, car rien du Paternel
Ordre et commencement, n'ha imperfection:
Mais la saincte pensee ou gist perfection,
(C'est à scavoir de Dieu la haute providence)
Ne met les veux d'aucun en perfaicte evidence
Jusqu'à ce que du corps son Esprit deslié
Tout ce qui est charnel puisse avoir oublié,
Et prononcé le mot, fichant en sa memoire
Du Pere supernel la marque ou gist sa gloire.
Pour du Pere divin voir la grand resplendeur,
D'ou ton ame est venue, estant environnee
De mainte intelligence et de sens exornee.
Qui sont trop negligens, trop froids, et paresseux
A contempler de Dieu l'excellente lumiere,
D'ou leur ame a receu origine premiere,
Dont par mauvaise vie, et par temerité
Grand reproche ilz auront de la posterité,
L'ame pour fuyr vice, ha des raisons utiles,
Qui sont par oubliance à deslier faciles.
Repose de vertu excellente et hautaine,
Toute infuse en l'esprit divinement repeu,
Qui en sa fermeté n'est jamais corrompu.
Qu'elle retient en soy aucune deité,
Jamais rien de mortel, certes, elle n'embrace,
Doute enyvree elle est d'une divine grace,
Recevant gloire, honeur, & liesse assouvie
De se sentir conjoincte à un corps qui ha vie.
Car veu que l'ame ainsi est le resplendissant
Feu, lumiere, & splendeur du Pere toutpuissant,
Elle demeure aussi constante et immortelle,
Et de la vie ainsi dame & maistresse est elle,
Contemplant plusieurs lieux quand elle est en ce Monde.
Garde que ton Esprit tombe à corruption
Par l'appetit du corps plein de pollution,
Et veu que l'Esprit est chose unie & subtile,
Ne le rend gros et lourd, pesant, & inutile.
Au Paradis luisant un lieu est reservé,
Et pourautant tu doibs avoir le soing du corps,
Le gardant avec l'ame en paisibles accords,
A celle fin que l'ame à la solution
Du corps charnel, ne tombe en molestation.
Le corps foible & caduc ainsi conserveras.
Si noble naturel de la Terre n'apportent.
Et que rien de macule en iceux n'est compris,
Et nous suade aussi matiere vicieuse
Produire la senmence et bonne et fructueuse.
Qui fort les tient liez oultre leur resistence.
Tousjours en toy du corps les appetits domine,
De ton Esprit rassis, divin, et precieux.
O artifice grand faict des mains de nature?
En me nommant ainsi, verras sans contredict
Que cela des long temps de l'homme fut predict,
Car du hault Ciel vousté la grand architecture
De l'oeil humain n'est veue en sa propre figure.
Leur clairté naturelle à l'oeil humain ne rendent.
La splendeur de la Lune à noz yeux n'apparoist
Comme parmy les Cieux resplendissante elle est.
En sa pureté n'est à nous apparoissante.
De voir le corps visible uni à l'ame sage,
Ignorante de fraude, & qui divinement
Du feu clair, qui est Dieu, ha son gouvernement.
Ce feu sainct sautellant par le Monde univers,
Enten du feu la voix de puissance eternelle.
Aux ames à enté une marque et Enseigne
Qui de perfection le chemin leur enseigne.
Hors de l'intelligible estre, & n'est pas possible
De bien la concevoir sans les graces d'en hault,
Ou élever tes yeux sans cesser il te fault.
La chose intelligible est Dieu certainement
Que lon doibt concevoir de pur entendement.
Toutes choses ont pris leur estre & origine,
Et ce pere divin (sans lequel rien n'est faict)
A tout divinement accomply et perfaict,
En faisant apparoir sa grand beneficence
A tout homme, apres luy seconde intelligence,
Lequel pere divin par un dict coustumier
Humaines nations appellent le premier.
Sont à l'effaict aussi de concevoir receues.
Tousjours saincts et constans sont au Monde espandus.
De tous, comme plus grand, s'est exempté soymesmes.
Et en tout autre Esprit, de moindre dignité,
Il n'a mis la grandeur de sa Divinité,
Et luy qui est benin avec puissance forte,
Non à craincte, mais bien à espoir nous exhorte.
Fin des Oracles de Zoroastre.
Commentaire moral et sainct sur lesdicts Oracles de Zoroastre Philosophe Grec.
De Zoroastre, amplement edifie
Les sens humains, pour cognoistre et scavoir
Les biens de l'ame, et pour notice avoir
Des dons de Dieu de puissance éternelle,
Et Createur de nostre ame immortelle,
Mise en ce corps, pour faire son office
En exerceant le divin Sacrifice
Qui est compris au Verbe du Seigneur
Dieu tout puissant, de l'ame gouverneur,
Ce que pouvons par Zoroastre aprendre,
Et par ses dicts la dignité comprendre
De nostre Esprit rarement precieux
Que nous debvons tousjours lever aux Cieux,
Et ne jetter contre bas nostre veue,
A celle fin que nostre ame pourveue
Ne soit de vice et de corruption,
Souffrant le corps avoir pollution.
Les appetis duquel dominera
L'homme prudent, qui se gouvernera
Selon l'Esprit, sachant que ce debile
Corps, et vaisseau faict de Terre fragile,
Comme mortel, doibt tomber à l'envers,
Et sera faict nourriture des vers.
Soit, à vouloir rompre sa Destinee,
Car (comme dict Zoroastre) en effaict
De l'Eternel pere rien imperfaict
N'est provenu, ce que semblablement
A recité sainct Jaques sainctement,
Disant que tout du Pere de lumiere
Perfaict descend, mais Dieu, qui est premiere
Intelligence en souverain pouvoir,
Ne permet pas à l'ame recevoir
Felicité, jusqu'à ce qu'elle oublie
Tout le charnel, et du corps se deslie,
Pour contempler en toute pureté
Son Createur de haulte Majesté.
De Zoroastre, avec soing nompareil
Tous aspirer, pour la splendeur divine
Voir du Seigneur, qui nostre ame illumine,
Et d'ou nostre ame experte et entendue
Par le divin vouloir est descendue,
Dont les malins de Dieu sont reprouvez
Qui paresseux, & trop froids sont trouvez
A contempler ceste lumiere grande
Du Toutpuissant, qui aux hommes commande
De reverer sa grandeur admirable.
A mis en nous un Esprit, revestu
D'une bien fort excellente vertu,
Et (comme dict Aristote) combien
Que d'appetis communs au corps terrien
Il soit vexé, il garde sa nature
Incessamment incorruptible et pure.
Qu'elle ha en soy un peu de Deité,
Car estant faicte à l'exquise semblance
De Dieu vivant, elle ha bien cognoissance
D'estre enyvree et pleine de l'odeur
Des biens divins, et de la resplendeur
De l'Eternel, duquel elle tesmoigne
Les haults biensfaicts, & n'ha point de vergoigne
D'ainsi se voir joincte à un corps mortel
Qui prent vigueur par l'Esprit immortel,
Voire bien fort elle se glorifie,
Et humblement les biensfaicts gratifie
De son autheur, dont la chose immortelle
Est sainctement conjoincte à la mortelle.
De mettre l'ame en grand honeur et pris,
Nous enseignant qu'elle prent origine
De la puissance eternelle et divine
Du Createur et Pere Toutpuissant,
Et que l'ame est un feu resplendissant,
C'est à scavoir une divine Essence
Ayant le don de saincte intelligence,
Dont elle tend à immortalité,
Pour ce qu'elle est d'une Divinité
Participante, en Dieu toute ravie,
Dont il la dict Maistresse de la vie,
C'est à scavoir qu'aucun temps ne sera
Qui la vigueur de l'ame effacera.
Car ce qu'on peut nous oster et distraire,
Aucunement n'est nostre, et au contraire
Ce qu'on ne peut nous oster nullement,
Nostre sera perpetuellement,
C'est à scavoir ceste vie eternelle
Que recevons par grace supernelle.
En ses Escrits nous donne enseignement,
Nous exhortant à chercher Paradis.
O excellens & salutaires Dicts?
Certainement ce Philosophe antique
Approche fort du sermon Prophetique,
Ou nous lisons des Chrestiens l'esperance
De faire un jour au Ciel leur demourance
Dont il convient de Zoroastre suivre
L'enseignement et conseil, pour bien vivre,
Sans maculer nostre Esprit (comme il dict)
D'iniquitez, et de crime maudict,
Et sans gaster nostre ame incorruptible
Des appetis du vaisseau corruptible,
A scavoir est de ce terrestre corps,
Qu'il fault unir en paisibles accords
Avec l'Esprit, et que l'Esprit domine
Tousjours au corps, et de soy extermine
Les appetis, qui sont desordonnez,
Par sens rassis et fort bien ordonnez,
En ne laissant devenir inutile
Nostre Esprit bon, qui est chose subtile.
Un lieu au Ciel dict estre reservé
Ce Philosophe ancien Zoroastre,
Ce propos la ne sent son idolastre,
Encores moins son Epicurien
Enveloupé d'un sens Venerien,
Et aux mondains plaisirs mettant sa cure,
Pour ensuivir le conseil d'Epicure
Qui à gasté un si grand nombre d'hommes
De son erreur, voire au temps ou nous sommes,
J'ay bien grand peur qu'en meschante union
Plusieurs gens soyent de son opinion,
En niant Dieu, et de sa providence
Les saincts effaicts, qui sont en evidence.
Par ce propos de Zoroastre expert
En saincte et grand Philosophie, appert
Des corps mortelz la resurrection,
Disant qu'aux lieux de consolation,
(Au Paradis ou l'Eternel demeure)
Est preparee au corps une Demeure.
N'est ce pas la croire certainement
Que le corps doibt un jour divinement
Resusciter? O divine sentence?
Le Ciceron Chrestien, qui est Lactance,
Refute assez ces Epicuriens
Trop aveuglez en plaisirs terriens,
Sainct Paul assez en verité persiste
Quand il nous dict que le corps resuscite,
Sainct Pierre assez nous à peu reciter
Qu'en corps un jour debvons resusciter.
Et pourautant si en nostre poictrine
Voulons garder de Jesus la Doctrine,
Ne tombons pas en ceste terreur damnable,
Et jugement faux et abominable
De nier Dieu, et croire que par Mort
Avec le corps l'Esprit de l'homme est mort.
Ce que nié mesmes ont les Etniques
Qui n'avoyent veu les livres Prophetiques,
En esperant que fuyans forfaicture,
Et gouvernez par les Droicts de nature,
Ilz auroyent lieu au Paradis tant beau,
Le corps estant au funebre Tombeau.
Il fault veiller autant qu'il doibt suffire,
A ne lascher la bride au corps charnel,
Pour le gaster de vice criminel,
Et en convient par toute diligence
Avoir le soing, pour en convalescence
Mieux le tenir, affin que les parties
Du corps mortel, soyent mieux assubjecties
Au vueil de l'ame, et à la dignité
Qu'elle recoit de sa Divinité.
Mieux en sera la santé conservee
De nostre corps, de l'ame le vaisseau,
Certes l'homme est ainsi qu'un arbrisseau
Qui porte fruict, alors qu'il donne lieu
A bonnes meurs, et des graces de Dieu
N'est point ingrat, et combien que la Terre
(Qui en son Sein tant de choses enserre)
Produict les Chiens, et animaux qu'on nomme
De divers noms, l'excellence de l'homme
Les passe tous, qui peut lever les yeux
Pour contempler la grand vouste des Cieux,
En démonstrant par sa noble excellence
Un naturel de plus haulte apparence
Que tout cela que Terre produict:
Qui doibt en fin par Mort estre destruict,
Mais de nostre ame est la dignité telle,
Qu'elle n'est point caduque ne mortelle.
Espris entiers, pour approuver son dict,
Cela s'entend des Anges supernels,
Qui sont divins, purs, saincts, et éternels,
Et par lesquelz conducteurs salutaires
L'ame penetre aux celestes misteres.
Par Zoroastre, et dont sont agitees
Noz voulontez, c'est la concupiscence
Des appetis charnels prenant naissance,
Qui vient les cueurs estroictement lier,
Mais les prudens s'en peuvent deslier,
En prevoyant le conseil fort honeste
Dont ce predict autheur nous admoneste,
Alors qu'il dict de l'homme le grand heur
De contempler de l'ame la grandeur,
Et de lever les yeux et la pensee
Envers le Ciel. O Personne insensee,
Regarde un peu ceste admonition
D'un Philosophe, ou gist saluation,
Leve les yeux au Ciel, non contre bas,
Ou lon ne voit qu'impudiques esbas.
Avoir donné une forme excellente
A l'homme noble, et qu'il ha la notice
Que de nature il est sainct artifice,
Scavoir de Dieu l'image et le pourtraict,
Si son Esprit est de vices distraict.
Forme de l'homme, on puisse l'invisible
Image voir de ceste ame cachee,
Qui n'est de dol et de fraudes tachee,
Car si des Cieux la vraye architecture
Par l'oeil charnel en sa propre figure
Ne se peut voir, si de la Lune belle
On ne peut voir la splendeur naturelle,
Si l'oeil ne voit les Astres precieux
Resplendissans ainsi qu'ils sont aux Cieux,
Et si la Terre aussi, la plus pesante
Des Elemens, n'est pas apparoissante
En propre forme et vraye pureté,
Nostre ame aussi (à qui la majesté
Du Toutpuissant, à donné tant de bien)
N'est apperceue à l'oeil qui est terrien,
Ne la beauté divine, tant louee,
Dont le Recteur souverain la douee.
Quand aurons eu ce pouvoir et credit
De contempler ce feu luisant et monde,
Clair et tressainct, sautellant par le Monde,
Oyons la voix de ce feu supernel,
Signifiant le nom de l'Eternel,
Car comme on voit estre ardente la flame
Qui promptement ce qu'elle attainct, enflame,
Le Verbe sainct, qui de tout est vainqueur,
Peut penetrer les hommes jusqu'au cueur,
Pour contempler les graces et biensfaicts
Que l'Eternel par son fils nous à faicts.
Ce Pere, seul donateur de lumiere
(Dict Zoroastre) aux ames à enté
Certaine Marque, et certain seau planté,
C'est à scavoir image intelligible
Pour concevoir maint secret invisible,
Et pour scavoir les essences des choses,
Et les raisons en Deité encloses.
Ce hault Recteur de puissance éternelle,
Seul excellant, et de qui le pouvoir
Nous ne pouvons nullement concevoir
Fors par la part dedans nous la meilleure,
La fleur du sens, qui en l'Esprit demeure,
Ce que disoit Ovide heureusement,
Quand de l'Esprit il parloit sainctement.
Disant ainsi un Dieu dedans nous gist,
Qui nous enflame et tous noz sens regist,
Ce feu boillant en nous par vehemence
Retient d'Esprit une saincte semence.
Et comme mieux sainct Paul l'escrit pour tous:
Incessament l'Esprit prie pour nous,
Dedans le corps gemissant à toute heure
Pour voir le Ciel sa promise demeure.
A dict que tout d'un feu est descendu,
Cela s'entend d'une supresme essence,
Et d'un seul Dieu d'invincible puissance,
Qui à créé le Ciel, la Terre aussi,
Ayant pour nous d'un paternel souci,
Faict toute chose, et que les nations
Nomment premier, ses operations
Sainctes on voit, perfaictes, admirables,
Ses faicts haultains, grands, et incomparables.
Pour concevoir ses secrets indicibles,
Et qui aussi noz pensees concoit,
Et le dedans de noz cueurs appercoit,
Et sans son sceu (Dieu nous le manifeste)
Ne tombe un seul cheveu de nostre teste.
Qui sont compris en la docte sentence
De Zoroastre, entendons les Esprits
Bons, immortels, et qui n'ont point apris
De varier, leur vertu éminente
En pureté est tousjours permanente.
S'est exempté, et divisé soymesme,
Et qu'aux Espris de moindre dignité
Il n'a enclos sa grand Divinité,
Certes cela estoit bien raisonnable,
Et à sa grand majesté convenable,
Veu que sans fin il est commencement,
Et un seul Dieu, qu'il est semblablement
Autheur de tout, Createur du grand oeuvre
Du Ciel vousté, qui toutes choses cueuvre,
Et par lequel tout à esté perfaict,
Et sans lequel il n'a rien esté faict,
Et qui au Ciel est bien d'autre figure
Que le mortel paintre ne le figure.
Tous les vivans, d'une saincte bonté,
Et seul autheur de toute chose bonne,
Espoir à l'homme et non craincte il ordonne.
Et Philosophe, ou de nostre Seigneur
Nous pouvons voir la grandeur reveree,
Et l'espoir bon de nostre ame asseuree,
Qui tend au Ciel, pour voir son Createur,
De bien et mal le remunerateur.
Tirez du miel des Escrits fort louables
De Zoroastre, O lecteurs amiables,
Et bons Esprits, ou sur mes vers latins
Mettez voz yeux, pour tant soirs que matins
Louer de Dieu l'infinie puissance,
Qui rien de nous ne veult qu'obeissance.
Idem commentarius, carmine heroico redditus ab eodem authore.
Ut bona percipiant animae, summúmque Tonantem
Cognoscant, qui cuncta potest, nostrámque creavit
Immortalem animam, & terreno corpore clausit,
Officio ut perfuncta suo, summum ore parentem
Excoleret, sacra verba eius, mandatáque servans.
Quámque sit insignis, quam clarus, lucidus, ingens
Spiritus humanus, late haec oracula monstrant.
Candida quem sit fas ad sidera tollere semper,
Nec nostrum in Terrae demittere viscera vultum,
Ne terrena animae noceat corruptio, néve
Deliciis nostrum possit sordescere corpus.
Corporis at sordes poterit frenare probatus
Vir, pius, & prudens, quem ducit spiritus, et qui
Hoc vas terrenum, fluxúmque & debile corpus
Scit fore terrenis aliquando vermibus escam.
Nam quis decreto divino obsistere possit?
Omnipoténsque pater nulla imperfecta reliquit.
Sed numerris impleta suis cuncta ille creavit.
Divus et hoc sancta est jacobus voce loquutus,
A patre perfectum cum luminis omne profectum
Donum, inquit, sed mens patris omnipotentis, id unquam
Haud animae munus concessit, ut illa supernis
Divitiis plene, et divina luce fruatur,
Donec terreno seducta é corpore, quidquid
Terrenum est, oblita, Dei, qui condidit illam,
Synceram possit formam, vultúmque tueri,
Adspirare omnes quo nos et tendere fas est
Omnibus et nervis, et cunctis viribus, et nos
Splendorem aeternum possimus cernere, cuius
Semper erit, sempérque fuit suprema potestas.
Quique suo splendore animam illustrare benignus
Dignatur, simul unde anima haec illapsa videtur.
Verum infoelici fateamur sidere natos
Atque Deo invisos, qui non conamine toto
Nituntur, tandem ut videant hoc nobile lumen
Eximiúmque, ingens, tenebris delebile nullis,
Splendorémque patris summi, qui nos iubet huius
Excolere immensum, sanctum, ac venerabile Numen.
Omnipotens Rex ille hominum, qui condidit orbem,
Insevit nobis animam virtute potentem,
Eximia, illa etenim quanvis agitata feratur
Huc, illuc, vario affectu cum corpore mixto,
Incorrupta manet virgo, divináque servat
Munera naturae, quod sancto numine ductus
Inquit Aristoteles anima hec tam clara refulget,
Divina ut quadam & certa pietate nitescat.
Nam quod ad effigiem summi genitoris, et altum
Formata exemplar fuerit, cognoscere summum
Rectorem illa potest, sanctorum & odore bonorum
Ebria, testatur summi benefacta parentis,
Aeternúmque Dei, qui condidit omnia, lumen.
Nec turpi esse potest aliquo perfusa rubore,
Quod fluxum corpus, quod vas sit nacta caducum,
Cui se se herentem agnoscat, quod sentiat ipsum
Ex immortali mortale haurire vigorem,
Authorique suo grates agit undique dignas,
Quod numeris compacta suis mortalia cernat
Tam bene cum fixis ac immortalibus esse.
Nostre anime faveat, tantúmque imponat honorem,
Sancta quod illius, quod sit celestis origo,
Quodque Deum artificem, authorem quoque sentiat illum
Omnia cui parent, & quod sit lucidus ignis
Spiritus ille hominum, seu mens divina, nec ullo
Tempore mortalis, Deitas cui infusa coheret,
Quam dominam vite ille vocat, quod nulla futura
Est acte, possit quae anime delere vigorem.
Nanquo adimi nobis aliquo que tempore possunt,
Haud nostri hec iuris, nec nostra vocaveris, atque
Tollere nemo postest, iuris sunt omnia nostri,
Vt sunt dona anime, vita immortalis, ab illo
Que Rectore datur, cui utrum est summa potestas.
Querere sidereas Greco hoc authore monemur
Et sedes, quas nemo subit, nisi pectore puro.
Quàm sancto sophos antiquus sermone loquutus?
Ille quidem sanctos imitatur voce Prophetas,
In quorum scriptis spes hec immota videtur
Qua sunt Christicole infusi, ut lucentia cernant
Sidera, et aeternas possint invisere sedes.
Iam Zoroastri moralia dicta sequamur,
Sobria prestantes humane pabula vite,
Ne maculis noster sordescat spiritus ullis,
Expers sitque doli, fraudésque perosus iniquas,
Quique incorruptus, corrupti corporis omnem
Abiiciat labem, terrenáque crimina culpet,
Imperioque regat vitiosum ac debile corpus,
Cúmque anima, illius studeat frenare furores
Illicitos, ut sit pax ipsis parta duobus,
Nec sinito ut tenuis crassescat spiritus unquam
Ex male directo asciscens sibi corpore labem.
Sede locum expectat, sic mortua membra resurgent.
Ex Zoroastri facile est cognoscere verbis
Non illum errores Epicuri, aut dicta sequutum,
Qui tot mortales (O pectora caeca) nefandum
Traxit in errorem, meritoque ad Tartara misit,
Horror ubi assiduus, dirae quoque Mortis imago,
Perpetuúsque animae cruciatus, fletus et ingens
Nec res tuta satis quin nostro hoc tempore multos
Lumine privatos, Epicuri de grege porcos
Esse iuvet, Domini imperium, Christúmque negantes.
Aut si voce illum fateantur, corde negabunt
et factis, ut Paulus ait, quem lumine sancto
Afflatum, iam Christicolas nescire scelestum est.
Ex Zoroastri si verbis alta paratur
Corporibus sedes, non posse resurgere carnem.
Quis dicat? sancta illa quidem sententia sancti
Manat ab ore viri, verum et lactantius ille
(Quem constat suavi Ciceronis melle repletum)
Hos hostes fidei sancto satis ore refellit.
Divus & hoc Paulus manifestum reddit abunde,
Idque potest Divi verbis notescere Petri,
Qui sancto affati debere resurgere carnem
Numine, dixerunt quis dicta refellere possit
Illorum, quos omnipotens sacro ore probavit?
Ergo si sanctam servare in pectore Christi
Doctrinam cupimus, ne nos hic polluat error
Spicula Crabronum superans, Hydréque venenum,
Nec nos esse Deum, qui condidit omne, negemus,
Nec cum anima corpus deleri Morte putemus,
Quod nec Gentiles, privati luce, putarunt,
Sperantes, ut si naturae iura tenerent,
Perpetuas ipsi possent contingere sedes
Cum tumulata forent illorum membra sepulchra
Ut Zoroastri sacra ergo voce monemur,
Ne sentire queat laxatas corpus habenas,
Teutandus labor est, opus idque perutile nobis,
Infandas corpus ne contrahat undique sordes,
Incolume ut maneat, nam sano corpore, partes
Corporeas animae melius parere videbis,
Illius et titulo, quo se diuinitus effert,
Et quo effecta fuit patris omnipotentis imago.
Permaneat, vas hoc anime, delebile corpus,
Incolume extiterit, divino munere certe
Natus homo, est veluti cum fructu et frondibus arbor,
Si mores servare pios, rectosque peroptat,
Nec summi ingrato genitoris dona rependit
Pectore, nam quanvis diversa animalia Tellus
Proferat, hec hominis longe excellentia vincit.
Omnia prona vident tellurem animantia, verum
Os homini erectum est, quod clara ad sidera tollat,
Et quo conspiciat curvum cum lumine Celum.
Sic generosus homo, merito superare videtur
Quidquid Terra parit, morte id delebile, verum
Morte carens anima, ad celestia sidera migrat.
Demonas esse reor, quorum ductricae caterva
Spiritus humanus divina arcana recludit
Ac penetrat, rebus preponens sacra prophanis.
Demonas at plures nemo negat esse malignos,
Qui fera bella movent anime, quos illa repellit
Invicto fidei clypeo, precibúsque, piisque
Moribus, et Christo fuerit si tuta patrono.
Quas sophos iste vocat vinctrices carmine penas,
Carnales crede affectus, mortalia quorum
Pectora sunt nexu longos constricta per annos.
Illorum at prudens poterit dissoluere nexum
Si Zoroastri divina arcana sequutus,
Perpendat virtutem anime, atque ad sidera vultus
Erigat, o vanas hominum & sine lumine mentes?
Saeve quid iis sanctis non vis mitescere dictis?
Erige sursum oculos, longe tellure relicta,
Luxus ubi immodicus regnat, scelerata libido,
Tetra superstitio, et radix odiosa malorum.
Quam fuerit natura opifex, quid muneris in nos
Contulerit, quam formam homini donasse putetur,
Egregiam certe formam, qua noscere possit
Naturam artificem, qua se dicatque, putétque
Effigiem aeterni (purgato crimine) Regis.
Conspicitur, ne te iactes spectare latentem
Formam animae, quae pulchra latet, quae nescia fraudis,
Cerni pura nequit, nisi tandem carne soluta.
Nam si celestis moles, coelique figura
Curva nequit, qualis vere est effecta, videri,
A nobis proprio si non splendore coruscans
Luna potest cerni, si non lucere videntur
Sidera, fulgore eximio hec ut in ethere lucent,
Atque Elementa suo quae vincit pondere Tellus,
Non aperit nobis qualem est sortita figuram,
Sic animae forma illa nequit speciosa videri
Corporeis oculis, huius nec splendor, honosque
Quo pater omnipotens illam ditescere iussit.
Undique, id est summum cui parent cuncta, Tonantem,
Audi vocem eius, nempe insuperabile verbum,
Nam velut ardescit, quae devorat omnia, flamma
Quae semel attigerit, sic pectora nostra calescunt
Caelesti verbo, sacro et sermone calentes
Omnia luminibus benefacta reponimus acquis
Quae genitor summus per Christum contulit in nos.
Donator lucis, summi dominator Olympi,
(Si Zoroastri fas est applaudere dictis)
Insevit nostris animabus symbola, multo
Quae splendore micant, & certa insignia mentis
Clara, quibus noster coelestia spiritus audet
Concipere arcana, et Deitatis cernere numen.
At numen summi Regis cui immensa potestas,
Concipere haud possis, animi nisi flore potentis,
Hoc est parte hominis meliore, et robore mentis.
Spiritus ille hominum est, divine lucis amator,
Qui (quod Paulus ait) terreno corpore clausus,
Dissolui cupiens, gemitum et suspiria mittit,
Pro nobisque orans, exoptat visere sedes
Perpetuas, ubi pacta domus feliciter illi est.
Igne profecta, Deum, per purum intelligit ignem,
Nam quod habet Celum, Tellus, Mare, Lucidus Aer,
Id Domino rerum penitus manavit ab uno,
Qui Celum et Terram fecit, stellasque micantes,
Quidquid et hec adfert, et quidquid inheret in illo,
Quem gentes primum vocitant, & cuius honorant
Sancta opera, imperium cuius mirabile constat,
Quique intellectum nobis, mentésque beatas
Et que concipiant, et concipiantur ab illo,
Insevit, cum corda hominum scrutetur et unus,
Nec labi à nostro credamus posse capillum
Vertice, quin summus previderit hoc quoque rector,
Quod scriptura docet sacra, que non fallere possit.
Demonas integros, stabilésque intelligit, et qui
Usque regant animam, quorúmque obnoxia Morti
Est natura minus, verum immortalis habenda.
Zoroaster ait, sic purum concipe sensum:
Cum Deus omnipotens expers sit finis, et ortus,
At per sese extet, iustúmque piúmque videtur,
Ut se à Demonibus diuiserit omnibus, et non
Ullis ipse sue lumen Deitatis, et altum
Splendorem, purum, primúmque incluserit ignem,
Omnia qui fecit, summum testantia numen,
Et cuius verbo debetur concava moles
Celestis, cuius pictor depingere veram
Formam nemo potest, que in Celo sancta refulget.
Nam quis mortalis queat immortalia pictor
Pingere? cumque alti pietas, clementia, virtus
Sit reverenda patris, cunctorum cumque bonorum
Vere syncerus nobis appareat author,
Horrendum ille metum nobis non admovet unquam,
At monet, ut nobis fiducia firma, tenaxque
Permaneat, qua sidereas migremus in arces.
Iam pie lector habes, nostris sat lucida Musis,
Alta quibus possit maiestas usque videri
Illius, qui cuncta regit, quibus et bona nostre
Perspicias anime, que summi est Regis imago,
Aethereas tandem cupiens invisere sedes,
Authorem, quo fausta suum videátque, colátque.
Ex Zoroastri dictis mel sumite sacrum,
Aut mea syncero Legite hec moralia vultu
Carmina, et eterni genitoris dicite laudes,
Qui nihil à nobis quam purum expostulat usque
Obsequium, sanctásque preces, atque intima cordis
Vota pii, mente ergo pia veniamus ad illum.
Commentarii in Zoroastrum Finis.
A Monseigneur d'Aubigny, Lieutenant Particulier de Coignac en Angommois, Sonnet, d'un Poete Francois, en la Recommandation du present oeuvre.
Aux Escoliers servoit d'auctorité,
Tulle facond et plein de gravité
Par eloquence en renom vit encore,
Tout Helicon, le los et dignité,
Vostre Scavoir en tous Droicts limité
Juge prudent, dira pour certain ore,
Que l'oraison, en Poeticq' Scavoir
(D'un don hautain) en cest oeuvre il assemble,
En Réthorique un second Ciceron,
C'il est parfaict, qui joinct les deux ensemble.
Divina Zoroastri, Greci Philosophi oracula, que F. Habertus in Gallicam Poesim transtulit, et Commentariis illustravit.
Navata corpori opera.
Ad ordinem unde manasti
Rursus erigaris, opere verbis sacro sanctis adiuncto,
Ne deorsum nuas, precipitium in Terra substernitur
E loco trahens septem meatibus predito, infra quem gravis
Necessitatis solium est.
Tuum vas fere Terre habitabunt.
Ne fatum auxeris,
Neque enim à Paterno principio imperfectum quicquam versatur.
At vero non admittit eius vota mens Paterna,
Quoad dum exierit oblivionem, atque verbum prompserit,
Memorie infigens sacram Patris tesseram.
Adspirandum tibi, properandúmque ad lumen, et Patris splendores,
Unde immissa tibi est anima, plurima mente circunscripta.
Hos autem Terra deplorat ad usque posteros,
Expulsores anime ac per quos respirare sit integrum, solutu sunt faciles.
Levo in latere cubilis, virtutis fons
Intus totus manet, virginitatem minime proiiciens.
Anima hominum Deum quadam tenus in sese cogit,
Mortale nihil complexa, tota divinitus inebriata est.
In harmonia gloriatur sub qua corpus vitale sit
Quoniam anima, cum sit ignis patris lucidus,
Et immortalis permanet, et est vite domina.
Eadem mundanorum quoque sinuum multos numeros possidet.
Quere Paradison.
Ne spurces spiritum, rem ve planam adaugeas,
Est et idolo locus in regione splendida,
Sed nec materiale corpus precipitio deseres.
Ne exegeris, uti ne quid incommodi perpetiatur.
Si mentem ignitam erexeris, fluxum alioqui corpus servabis.
E finibus Terre prosiliunt minus verum
Signum ostentantes mortali homini, canes.
Natura suaserit Demonas esse integros,
Ac vitiose materie germina frugi atque proba,
Pene mortalium vinctrices.
Primas in te vendicet immortalis anime altitudo
Oculosque pariter
Omnes sursum versum erige.
O nature homo presidentis artificium
Quod si mihi sepiuscule dixeris,
Omnino dictum cernes.
Nam neque celestis, eadémque curva moles visitur.
Stelle nunquam collucent,
Lune lumen conditum est.
Terra non extitit.
Ne nature imaginem nuncupaveris
Exemplar visile.
Undiquaque nescie doli anime
Habenis ignis extentis.
Cum spectaris citra formam ullam
Sacrosanctum ignem
Lucentem, huc et illuc subsilientem ad universi orbis altitudinem,
Audi ignis vocem.
Symbola mens paterna animabus insevit.
Certo scito intelligibile extra mentem esse.
Est intelligibile quod oporteat mentis flore perceptum.
Omnia ab uno igne profecta sunt,
Quippe cum omnia pater absolverit, mentique tradiderit secunde.
Quem primum appellitant nationes hominum.
Que à patre mentes concipiuntur, eedem & ipse concipiunt.
Rectores intellectuales, simul et inflexiles Mundus obtinet
Ipsum sese pater rapuit, ac ne in mente quidem entelligentie
Compote ignem suum inclusit.
Pater non metum sed suasionem admonet.
La Comedie du Monarque.
Les personnages.
- Le Monarque.
- Pasiphile flateur.
- Bon zele, precepteur du Monarque.
- Sappho, femme impudique.
- Bacchus.
- Verité.
- Atropos.
Virgilius.
Uno nanque modo vina, Venúsque nocent.
Le Prologue.
Pour escouter, n'ayez ce jugement
Que nostre voix à cela s'appareille
Pour detracter et mesdire asprement.
La Comedie orrez tant seulement
Introduisant un Monarque honorable,
Qui delaissant le vray enseignement,
Premierement suyt volupté damnable.
Il se repant de son forfaict inique,
Se chastiant de Bacchus détestable,
Et des liens de l'amour impudique.
Le tout est fainct par sens allegorique
Ou vous prendrez plaisir (comme je croy)
Donc faictes tous silence pacifique,
Car commencer veult le Monarque et Roy.
Le Monarque commence.
Qui tant d'honeurs me mect en evidence,
Et qui me rend Prince dominateur,
Ayant de biens copieuse abondance.
Sur tout cela je prise la prudence
De l'enseigneur dont j'ay fruition,
Car c'est Bon zele, homme plein d'excellence
Predestiné à mon instruction.
Soys ententif, appelle moy Bon zele
Mon precepteur, plein de perfection
Qui jour en jour sciences me revele.
Pasiphile.
Je fus, je suis, seray durablement,
Puis qu'il vous plaist que Bon zele j'appelle,
J'accompliray vostre commandement.
Bon zele.
Ce grand mocqueur, et flateur Pasiphile,
O que mon Prince est veritablement
Bien abusé de cest homme inutile?
Voyla le cours de ce Monde labile,
Flateurs tousjours sont aymez à la Court,
Et sont prisez plus qu'un conseil utile,
Que y feroit on? cest le Regne qui court.
Pasiphile.
Il me convient selon mon entreprise,
Il ne me chaut déstre subtil ou lourd
En mettant fin à ma charge entreprise.
Seigneur Bon zele, en Scavoir que lon prise,
Ce Prince grand dont estes precepteur,
Veult que par vous ores peine soit prise
D'aller vers luy, comme son instructeur.
Bon zele.
Vueille garder ce Prince debonnaire
De tous ennuys de ce Monde menteur,
Son servant suis, en tout luy veux complaire,
Allons vers luy, voicy l'heure ordinaire
Que j'ay apris de luy faire lecon.
Pasiphile.
Un bon repas, oyant des plats le son.
Bon zele.
Du ventre plein tu fais ton Dieu et maistre,
Garde tu n'as d'engendrer marrisson
Quand trouveras bien à boire et repaistre.
Pasiphile.
En la maison du Prince mon Seigneur,
Si Dieu m'eust faict un Riche Prince naistre,
J'aymeroys mieux le repas que l'honeur.
Le Monarque.
Prester me fault l'aureille, pour l'entendre,
Car je ne scay plus sage gouverneur,
Pour la grandeur de ma noblesse aprendre.
Bon zele.
De plus en plus exorné de Scavoir,
Dieu vous maintienne en santé pour comprendre.
Les grands vertus que doibt un Prince avoir.
Le Monarque.
Bon zele sage, honeste, et bien apris,
Car jour en jour je desire scavoir
Les biens, qui sont en grand vertu compris.
Bon zele.
Car à un Roy utile est la science.
Le Monarque.
Car des vertus me plaist l'experience.
Bon zele.
Ceste excellente et divine vertu,
Dont un Monarque et Prince d'excellence
Doibt en tout temps avoir l'Esprit vestu,
C'est à scavoir que vice combatu,
Il se maintienne en droicture et justice,
Honeurs mondains ne prisant un festu
S'il n'ha en soy de vertu l'exercice.
Que les grands Roys augmentent leur pouvoir,
La vertu est des Richesses tutrice
Et des grands liens, qu'un Prince peut avoir.
Vous debvez donc de vertu vous pourvoir,
Qui le renom des Princes éternise,
A celle fin qu'on puisse appercevoir
Que le Seigneur du Ciel vous favorise.
Par les Escrits de sage antiquité,
Suyvoient vertu par sapience aprise,
Chassoyent le tort, ambrassoyent équité.
Ilz ont vescu en magnanimité;
Dont jusqu'icy en florist la memoire,
Ne voulez vous en mesme dignité
Aux successeurs espandre vostre gloire?
Le Monarque.
Car mes majeurs sont en bruict florissant,
Leur corps est mort en ce bas Territoire,
Mais leur renom n'est pas déperissant.
Donc à voz dicts veux estre obeissant,
Pour ambrasser la vertu et l'ensuivre,
Si le plaisir est tel du Toutpuissant,
Avec vertu je veux mourir et vivre.
Bon zele.
Quand je vous voy en ceste voulonté,
Mais gardez vous de Bacchus, qui enyvre
Les sens humains, tant il est deshonté.
Jadis il à maint grand Roy surmonté,
En le rendant à tous vituperable.
Gardez vous donc destre pris et dompté
Par ce Bacchus seducteur execrable.
Les fols attraicts, et soyez bien records
Que Vénus est bien autant dommageable
Que ce Bacchus, à la vigueur du corps.
Fuyez les deux, car par unis accords
Ils sont nuisans à toute creature,
Mesme à un Roy, qui loing de tous discords
Doibt estre chaste et sobre par droicture.
Pour enfans beaux et nobles d'elle avoir,
Sans vostre lict contaminer d'ordure,
Ne Concubine infame recevoir.
D'un Prince grand voyla le vray debvoir
Dieu à voulu que la cure je prinse
De vous instruire, et faire concevoir
Ce qui convient au magnanime Prince.
Le Monarque.
Un tel conseil, pour bien me gouverner,
Veu que je suis d'auctorité non mince,
Il me convient en prudence regner.
Amy Bon zele il fault vous guerdonner
Long temps y a qu'estes à mon service.
Sur ceux le chef je vous veux ordonner
Qui ont de moy charge, estat, et office.
Bon zele.
Prince trescher, que j'honore humblement,
Dieu m'a pourveu d'un fort grand benefice
Que j'ay tousjours de peu contentement.
Si vous vivez fort vertueusement
En ensuivant mon conseil veritable,
Je ne demande à Dieu tant seulement
Que mon conseil vous soit bien proffitable.
Sappho.
Que d'exercer le plaisir de Venus,
Plaisir si grand, si doux, et amiable,
Dont maints amants heureux sont devenus?
Je croy que non, car si bien sont cognus
Tous les plaisirs de la flame amoureuse,
De moy Sappho propos seront tenus
Comme de femme excellente et heureuse.
En chasteté prenant tousjours son pli,
Follastre amour est bien plus savoureuse,
Quand doucement son oeuvre est accompli.
Vous amoureux, voyez, je vous suppli,
Ma grand beauté qui de graces abonde,
Roy n'est vivant, de chasteté rempli,
Qui me voyant, à m'aymer ne se fonde.
Pour m'enrichir de ses biens precieux,
S'il m'appercoit tant belle, exquise et monde,
En contemplant la grace de mes yeux,
En admirant mon maintien gracieux,
Mon doux parler, jestime sans doubtance,
Qu'il n'aura rien plus cher dessoubs les Cieux
Que de Sappho l'amoureuse acointance.
Pour l'aveugler de ma mondanité,
Bien, qu'il soit sage et remply de constance,
Bien qu'il ait maistre, ou gist maturité
Pour estre instruict, voire si verité
Vient en personne à luy monstrer sa voye,
Il ne sera pour moy moins incité,
Pourveu que tant gracieuse il me voye.
Bacchus.
Quand pres de moy j'ay les frians morceaux,
Il ne me chaut de pluye, mais que j'oye
Que tousjours pleins de vin sont mes vaisseaux
Boire d'autant, remplir Flaccons et Ceaux,
Manger jambons, avaller chair sallee,
Et m'engresser comme sont les Porceaux,
Voyla comment ma vie est consolee,
Quand je produy l'excellente liqueur
De ce Nectar, liqueur emmiellee,
Liqueur de vin resjouissant le cueur.
Si me croyez estre quelque mocqueur,
Vous vous trompez, regardez moy en face,
Je suis Bacchus, il n'ha au Monde qu'heur,
Qui comme moy de boire ne se lasse.
De Juppiter, je suis le gros Bacchus,
Bons biberons me suivent à la trace,
Je fay venir la guerre entre bas culs.
On ne verroit, sans moy, tant de cocus
Autres que ceux qui sont sur la Ramee,
A bref parler, par moy furent vaincus
Jadis maints Roys d'auctorité famee.
Si je ne mects à execution
Ma grand puissance en tous lieux Renommee
Sur quelque Roy de grand possession?
Or j'en scay un par admiration
Riche, excellant, de sublime pouvoir,
D'aller vers luy c'est mon intention,
Je luy feray ma puissance scavoir.
Sappho.
Je suis bien pres du Monarque honorable,
Je m'y en voys, je commence à le voir,
O combien m'est sa personne agreable?
Pasiphile.
Qui vient devers vostre magnificence,
Sa beauté est grande et imcomparable,
Je croy qu'elle est d'une noble naissance.
Sappho en saluant le Monarque.
Prince d'honeur, que pour vous honorer,
Je vien vers vous, car j'ay la cognoissance
Qu'a tous Humains je vous doy preferer.
Et n'ay desir sinon de demourer
Avecques vous, de voz graces ravie,
Car je vous veux de ce bien asseurer
Que d'autre aymer je n'ay aucune envie.
Vous, de ma part aurez contentement,
Vostre seray le surplus, de ma vie.
Pour vous donner plaisir, esbatement,
Pour vous donner le vray soulagement
Que m'a apris la belle Cytheree,
Qui ambrassoit Adonis doucement
Quand avec luy elle estoit retiree.
Le Monarque.
D'ainsi m'offrir vostre amitié honeste,
Mais ma pensee est allieurs retiree,
Vostre beauté toutefois m'admoneste.
Ah je cognoys ceste amour deshoneste
Estant l'Espoux de Royne de hault pris,
Puis par Bon zele homme de vertu nette,
Et selon Dieu j'en seroys fort repris.
Sappho.
D'obtemperer à instructeur moins sage
Que vous, en qui grand pouvoir est compris
Pour obtenir de voz plaisirs l'usage?
Prince changez cest endurcy courage,
Car vous pouvez vivre à vostre desir,
Laissez aux sots des vertus le presage,
Il n'est vertu que vivre à son plaisir.
Et que seray entre voz bras couchee,
Si vous aviez au cueur tout desplaisir,
Plus ne sera vostre grandeur faschee,
Quand vostre levre aux deux miennes fichee
Prendra de moy un baiser savoureux,
Et que par vous sera ma chair touchee,
Sans fin de moy vous serez amoureux.
A ne laisser telle resjouissance,
Qui vous rendra des Roys le plus heureux
Quand de Sappho vous aurez jouissance.
Le Monarque.
De vostre nom, je suis en grand esmoy,
Que doy je faire? Amour ha grand puissance,
Faictes sejour ce pendant avec moy.
Que ton propos estoit fort veritable,
Ceste dame est tant belle, que je croy
Qu'il me faudra aymer sa grace aymable.
Pasiphile.
Nul ne vous peut contredire en ce faict,
Vous ne serez pour ce moins redoubtable
Quand à voz veux vous aurez satisfaict.
Le Monarque.
Son entretien, sa tant douce parole,
Son beau visage, exquis, et tant bien faict,
Tout cela faict que mon cueur se console.
De grand soulas, certes, le cueur me vole
Quand je la voy tant pleine de beauté,
Et ce qui plus encor mon cueur affolle,
C'est sa naive et douce privauté.
Deliberant l'aymer, et luy complaire,
Et l'enrichir soubs ma grand Royauté,
Bien que cela soit aux vertus contraire.
Bacchus.
C'est vers ce Prince en Richesse excellant,
Je m'y en voys pour tost à moy l'attraire,
Il me fault estre en cela vigilant.
Pasiphile.
Vient saluer vostre Majesté haulte,
Il ha le nez rouge et estincellant,
O c'est Bacchus, il n'y à point de faulte,
De grand soulas, certes, le cueur me saulte,
Car je le voy garny de la Bouteille
Et de Jambon, o la personne caute,
C'est pour la soif qui souvent le resveille.
Bacchus en saluant le Monarque.
A autre fin vers vous ne suis venu,
Que pour compter la force nompareille
Qui est en moy, quand bien m'aurez cognu.
Le Monarque.
Je ne vy onc une si large face.
Dy moy ton nom, et ou tu t'es tenu,
Car ton regard n'est de mauvaise grace
Bacchus.
Je suis Bacchus en tous lieux Renommé,
Aux plus crainctifs donnant force, et audace,
Le Dieu Bacchus des anciens nommé
Par tout je suis, par tout suis estimé:
Par ma liqueur doucement violente,
Car qui en boyt, soubdain est assommé,
De doux sommeil qui à luy se presente.
Pasiphile.
Je suis des tiens, o Bacchus mon amy,
Car il n'y à rien qui plus me contente
Que d'estre saoul, et puis bien endormy,
Puis destre fort contre mon ennemy,
Batre, frapper, (o plaisant exercice)
Boire d'autant, et non point à demy,
Vivre et mourir je veux soubs ton service.
Bacchus.
Vescu jadis, ce grand Roy Alexandre
De mon pouvoir à receu la notice
Quand je l'ay faict à moy subject se rendre.
De Loth aussi un chascun peut entendre
Aux Escrits saincts, que ma main luy livra
Ce doux Nectar ou vous debvez pretendre,
Car ce bon Loth doucement s'enyvra.
Grands et petis ont de moy cognoissance,
En tous endroicts un chascun me suivra,
De ma liqueur cognoissant la puissance:
Puis ta Sappho ayme mon alliance,
Car sans Bacchus et Ceres, (comme on dict)
Froyde est Vénus en sa resjouissance,
Voyla comment j'ay vers elle credit.
Le Monarque.
Est il si doux, que Sommeil il procure?
Sil est ainsi, je veux sans contredict
En boyre un peu.
Bacchus.
Qu'il est plus doux que miel, oultre mesure,
Et pour cela esprouver promptement,
Tenez, buvez, de ce je vous asseure
Que dormirez en grand contentement.
Le Monarque bura plusieurs fois, puis dira en se couchant sur un lict.
Succre ne Miel ne semblent rien au pris,
O doux Nectar, O doux soulagement?
Douce liqueur donnant joye aux Espris?
Certainement de sommeil suis espris,
Vien Pasiphile, appareille ma Couche,
Si que par moy soudain repos soit pris
Faire ne puis que tost je ne me couche.
Bacchus.
Qui endormi ne soit de mon bruvage,
Bruvage fort, qui jusques au cueur touche
Et rend subject ce Roy, grand personnage.
Jugez, mortels, si je porte dommage,
Ou bien proffit, au corps de tous Humains,
En voulez vous plus certain tesmoignage
Que d'un Monarque endormi par mes mains?
Utile à ceux qui selon suffisance
De ma liqueur usent, aux inhumains,
Nuisant je suis par leur intemperance,
Ce Roy n'a sceu user de temperance,
En prenant trop du bruvage ordonné,
Voyla pourquoy il se sent à outrance
De ma liqueur, qui l'a tout estonné.
Verité.
Seul toutpuissant, celeste, veritable,
Pour les Humains en croix passionné,
Ayme celluy qui n'est point decevable,
Et un chacun luy sera agreable,
Qui sera plein de paix et charité,
C'est luy qui est mon pere charitable,
Sa fille suis, qu'on nomme Verité.
Le cueur desquelz en erreur ne se plonge,
Mais les remplis d'erreur et vanité,
Sont mes haineux, comme pleins de mensonge,
Comme ambrassans idolastrie et songe,
Comme suivans toute deception,
Mais des parfaicts l'esprit à rien ne songe
Qu'à honorer ma grand perfection.
Voire aux meschans (s'ils laissent leur fallace)
Je porteray fidele affection,
Les retenant en mon amour et grace.
Et pourautant il me fault pourvoir à ce
Que ce Monarque endormi par ses vices,
Chasse Bacchus, et Sappho, dont la face
Trop belle, l'a aveuglé de delices.
Par saincts, divins, salutaires propos,
Et luy donner enseignemens propices,
Pour desormais le rendre plus dispos,
Il dort, il prent un excessif repos
Qui à son ame et corps fera nuisance
Si corrigé par crainte d'Atropos,
Il ne revient en sa force et puissance.
Bon zele.
Vers mon Seigneur le Prince, pour le voir,
Et humblement luy faire reverance
Pour luy monstrer quelque utile scavoir:
Mais je crains fort que pour le decevoir,
Par devers luy Bacchus sa voye applique,
Ou bien qu'il vueille avec soy recevoir
Quelque Lais, ou Sappho impudique.
De mon Seigneur, Pasiphile, ou vas tu?
Pasiphile.
Bon zele.
Est il tousjours de santé revestu?
Dy moy comment sa majesté se porte.
Pasiphile.
Que ne l'ay veu onc dormir de la sorte.
C'est que Venus le retient en ses laqs:
Car chasteté dedans son cueur est morte
Pour sa Sappho, qui est tout son soulas.
Bon zele.
Rien ne luy a servi ma remonstrance
Il a esté bien soudainement las
De se tenir en sobre temperance.
Pour luy monstrer combien il a forfaict,
A celle fin que pure repentance
Dedans son cueur obtienne quelque effaict.
Le Monarque en s'esveillant, et se regardant en un Miroir.
D'avoir dormi tant excessivement?
O qu'à Bacchus j'ay par trop satisfaict
De trop complaire à son enseignement.
Et grand douleur, car il fault que je die
Que des le jour de mon couronnement
Vexé ne fus de telle maladie.
Je perds le sens, j'ay la teste estourdie,
Je ne senti oncques telle douleur,
Et ma poictrine est si fort réfroidie,
Qu'en moy je n'ay naturelle chaleur.
Bon zele.
Je suis marri de vostre adversité,
Bacchus vous a causé ce grand malheur,
Venus aussi vous a debilité.
Laissé avez vostre tranquillité,
Et le moyen ou vous teniez mesure,
Voila pourquoy fault par necessité
Que vostre corps griefvement en endure.
Vostre vigueur, et premiere santé,
Qui se fera, si de Sappho impure,
Et de Bacchus voulez estre exempté.
Le Monarque.
Sappho me plaist, quant à Bacchus infame,
Je n'en veux plus, qu'il soit tost absenté
De ma maison, car trop il me diffame.
Pasiphile.
Adieu Bacchus, o dur departement?
Bacchus s'en va que par tout on reclame,
Avec lequel je buvois largement,
De gras jambons je perds l'allegement
Pour carreller mon ventre, et bien repaistre,
Il m'en desplaist, mais je voy clairement
Qu'un chacun doit obeir à son maistre.
Bon zele.
Combien Bacchus vous est pernicieux,
Aussi debvez hors vostre maison mettre
Ceste Sappho de cueur tant vicieux.
Le Monarque.
Je ne la puis effacer d'oubliance,
Tant que seray vivant dessous les Cieux,
J'auray tousjours Sappho en souvenance.
Verité.
Dont Sappho a sceu le cueur penetrer,
Il me convient luy faire reverance,
Puis doucement sa faute luy monstrer.
Bon zele.
O Verité, de Dieu l'humble pucelle?
Je te supply avecques moy entrer
Chez mon Seigneur, que Monarque on appelle.
D'avoir chassé Bacchus de sa maison:
Mais sa Sappho impudiquement belle
Chasser ne veult par aucune raison.
O verité, il est heure et saison
Que ton conseil luy oste l'amour folle,
Qui son corps blesse, et sans comparaison
Son noble esprit plus tormente et affolle.
Verité.
Aucunefois à l'homme est proffitable,
Verité suis qui tout homme console
Quand il requiert secours medicinable.
Bon zele en presentant Verité au Monarque.
Ne vous a pleu le conseil d'equité,
A tout le moins, comme Roy raisonnable,
Prestez l'aureille à dame Verité.
Verité.
Enten à moy, je suis du Ciel venue
Par le vouloir de la benignité
Du Toutpuissant, qui m'a chere tenue.
Le Monarque.
Fors d'augmenter mon ennuy et tourment?
Verité.
Tu en auras un grand emolument.
Le Monarque.
Mais que Sappho de moy point ne s'absente.
J'obeiray à ton enseignement,
Car par Sappho ma pensee est contente.
Verité.
O Prince enten ce que tu dois scavoir,
Le cours n'est rien de la vie presente,
On doibt plus hault son esperance avoir.
Dieu t'a voulu d'un grand Regne pourvoir,
Premierement pour exercer droicture,
Puis pour tousjours chasteté recevoir
Avec ta femme honeste, chaste, et pure.
Ne scais tu pas que par sa forfaicture
Le Roy David fut blasmé aigrement
Par l'Ange sainct, et que pour telle ordure
La peste occist son peuple abondamment?
Qu'hommes tachez de soillure impudique,
N'auront les Cieux, ou perdurablement
Doibt vivre l'homme ayant esté pudique.
Veux tu laisser ce thresor magnifique
Des Cieux hautains, qui à ceux est promis
Dont le desir à chasteté s'applique
Dessoubs les piedz ayant tout vice mis?
Suyvant les dicts de ton maistre Bon zele,
Qui a esté pour t'instruire commis
Pour aspirer à la vie eternelle.
Si à cela qu'ores je te revele
Tu es contraire et desobeissant,
Tu souffriras punition cruelle
Lors que ton corps sera deperissant.
Le Monarque.
Sappho tousjours me sera acceptable,
J'entretiendray son estat florissant
Je la feray grand dame et honorable.
C'est mon arrest et propos immuable,
Deporte toy doncques o Verité,
Ton conseil est sainctement equitable:
Mais j'ay le cueur au contraire incité.
Verité.
Ce Roy cognoist sa detestable offense,
Et toutefois par grand austerité
Il ne veult point venir à repentence.
O qu'il y a maint homme qui offense
En cest endroict, ses pechez cognoissant,
Et toutefois il faict perseverance
En ses pechez, et va Dieu offensant.
Bon zele.
Adjoustez foy à ceste vierge saincte,
C'est Verité, d'elle rien n'est yssant
Qui ne soit bon, de fraude elle n'est ceincte
Toute malice en son cueur est estaincte,
Gardez vous bien que pour ne consentir
A son conseil, ou gist vertu non faincte,
Vous ne veniez troz tard au repentir.
Le Monarque.
Sappho me plaist, c'est ma resjouissannce,
Mon cueur ne peut d'elle se departir,
Elle sera avec moy demourance.
Verité.
Continuer en son premier propos,
Il est besoing que mon chemin j'avance
Vers la cruelle et hydeuse Atropos.
Pour la prier, (pource qu'elle est terrible)
Venir troubler du Prince le repos
Avec son chef serpentin, et horrible.
Puis qu'il n'a creu à bon zele, paisible,
N'a moy qui suis Verité de hault pris,
Il recevra une craincte indicible
Par Atropos qui faict peur aux Esprits.
Atropos ayant cheveux serpentins.
Qu'a tous Humains je suis espouventable,
Il n'y a Prince ou Roy si bien apris,
Qui me voyant, ne soit foible, et peu stable,
Atropos suis, Chimere detestable,
Chacun me crainct, et non pas à grand tort,
Car quand je veux, suis si peu pitoyable,
Que du vivant je pourchasse la Mort.
Soulas à ceux, qui ensuivent prudence,
Et desconfort à ceux qui n'ont cueur fort
Pour en vertu faire leur residence.
Ainsi les uns craignent ma violence,
Quand en leurs cueurs la vertu n'est emprainte,
Les autres ont en Dieu tant de fiance,
Que de la Mort ils n'ont aucune craincte.
Quand je les fay ayans la foy mourir,
Car Dieu alors par sa clemence saincte
Maugré mon vueil les faict aux Cieux florir.
Aux autres suis nuisante, quand perir
Je les contrains avecques leur ordure,
Trop endurcis, ne voulans acquerir
Contrition, ne vie saincte et pure.
Et aux mauvais, perpetuel tourment.
Qui voudra donc ne me trouver trop dure,
Au Monde bas doibt vivre sagement,
Sans se fier à son seul jugement:
Mais en croyant au conseil veritable
Qui vivre faict l'Ame éternellement
Aux lieux, ou Dieu recoit l'homme équitable.
Verité.
Prier la fault de venir avec moy,
Pour de propos severe, et raisonnable
Espouventer ce miserable Roy.
Il en aura craincte, comme je croy,
Car Mort à tous donne craincte certaine,
Or il est temps de parler, car je voy
En son sejour la Chimere villaine.
Atropos.
Vient en ce lieu de Serpens tout rempli,
De son vouloir je suis toute incertaine,
Ne quel il est, ni ou il prent son pli.
Verité.
Ne veux tu pas quelque plaisir me faire?
S'il est par toy promptement accompli,
Je m'emploiray à bien te satisfaire.
Atropos.
Fille de Dieu, qui ne mens nullement,
Descouvre moy la fin de ton affaire,
J'obeiray à ton commandement.
Verité.
Que viennes voir en ton horrible face
Un Prince grand troublé recentement,
Et que ta voix terrible peur luy face.
Atropos.
Marche devant, tu me passes d'honeur,
Je te suivray lentement à la trace
Jusqu'au Palais de ce riche Seigneur.
Verité.
Qui est aux siens piteux et debonnaire,
Vueille donner au Prince si bon heur,
Que de Sappho il se puisse deffaire.
Bon zele.
De n'avoir sceu reduire aucunement
Ce Prince grand, ne son desir distraire
De folle amour, par mon enseignement?
Que verité n'a peu semblablement
Le convertir à juste penitence.
Si ay je espoir en Dieu fidelement
Qu'il perviendra au fruict de repentence.
Ha des pecheurs souventefois mercy,
Je le supply que sa bonté immense
En face autant de ce Monarque ici.
Las, son erreur me mect en grand souci,
O Toutpuissant par ta misericorde,
Ren de ce Roy le cueur plus adouci,
A celle fin qu'à ton vueil il accorde.
Atropos en parlant au Monarque.
Qui tient ton ame en grand captivité,
Regarde moy, et ores te recorde
De ton forfaict conceu d'iniquité,
Tu as suivi prudence et equité
Bien longuement, mais la perseverance
N'a ensuivi ce moyen limité,
Car en erreur tu fais ta demourance.
Non en perdant le corps tant seulement,
Mais l'ame aussi en extresme souffrance
Qui durera perpetuellement.
Le Monarque.
De ceste voix, et vision mortelle?
Approchez vous de moy soudainement
Mon enseigneur et vray ami, Bon zele.
Las, c'est la Mort, O laide vision?
O face horrible, execrable et cruelle?
Mon cueur recoit humble contrition.
Je recognois mon imperfection,
Je recognois ma rebelle imprudence,
O Toutpuissant plein de perfection
Tu m'as produict ma coulpe en evidence.
Ceste Sappho, qui m'a faict tresbucher,
Preferer veux honeste continence
Aux fols souhaicts et plaisirs de la chair.
Doncques mon Dieu, dont le nom je tien cher,
Je te suppli par ta misericorde
Me pardonner, et me faire approcher
De chasteté, de paix, et de concorde.
Qu'on la dechasse ainsi qu'il est raison,
Car je ne veux que soillure si orde
Denigre plus ma Royalle maison.
O Dieu qui m'as en idoyne saison
Faict recognoistre et ma faulte et mon vice,
Graces te ren, et par humble oraison
Je te suppli d'oublier ma malice.
A l'entretien de paix et charité,
Graces vous ren O Bon zele, propice,
A vous aussi ma dame Verité.
Bon zele.
Dieu soit loué de son sainct benefice,
Dont vostre sens loing de temerité
A recognu son charnel malefice.
En grand santé vous vueille maintenir,
Tant que vivray, j'emploiray mon office
Pour vostre honeur garder et soustenir.
Verité.
Chassez Sappho, comme chose damnable,
Plus desormais ne fault la retenir,
Car devant Dieu elle est abominable.
Le Monarque.
Mets la dehors de mon Palais Royal,
Vivre je veux au lien honorable
De mariage, ainsi qu'Espoux loyal.
Pasiphile.
M'a commandé hors ce Palais vous mettre,
Sortez deshors, cherchez lict nuptial,
Sans plus d'amour folle vous entremettre.
Sappho.
D'ainsi chasser une dame d'honeur?
Plaindre m'en voys au Monarque ton maistre
Qui de ses biens m'est liberal donneur.
Bon zele en poussant Sappho.
De vostre faict, le Prince venerable
Plus ne vous quiert, car ce n'est pas bon heur
D'entretenir femme vituperable.
Sappho en s'en allant hors de la Court du Monarque.
J'ay bien perdu ma joye et mes esbas,
O que tu es, fortune, variable
De mettre ainsi tous mes honeurs au bas.
Fortune aveugle à bon droict tu me bas,
Car j'ay de moy eu trop de confidence
Par ma beauté qui durable n'est pas,
Mais s'en ira bien tost en decadence.
En fardement, en diverse dorure,
En vanitez d'excessive abondance,
En jeux, en ris, en prodigue parure.
De jour et nuict je n'avoys autre cure
Qu'a me farder par quelque intention,
Pour mieux complaire à mainte creature
Qui à Vénus mect sa dévotion.
Tousjours m'a pleu folle concupiscence,
Tousjours tendant à ma perdition.
Sans d'un vray Dieu chercher la cognoissance,
Dames d'honeur qui vivez en plaisance,
Consyderez mon infelicité,
De fols plaisirs laissez la jouissance,
Peu durera vostre felicité.
Prenez exemple au torment que j'endure,
Je fus jadis en haulte dignité,
Ores je suis en peine griefve et dure.
Plaisir terrien c'est chose qui peu dure,
Honeur mondain subit son cours à pris,
Bref ce n'est rien du Monde qu'une ordure.
Ou encor plus de malheur est compris.
De délaisser volupté délectable,
Suivez l'amour qui conjoinct deux Espris
En une chair, à Dieu chose acceptable.
Chastes soyez en ce joug venerable,
Sans, comme moy, ensuivir amour folle,
Lors vous aurez le soulas perdurable,
Qui les Espris divinement console.
Pasiphile.
Le Prince est sain tant d'Esprit que du corps
Sappho s'en va, mais dont je me désolé,
C'est de Bacchus, duquel je suis records,
Car luy et moy faisions joyeux accords
Buvans d'autant, o perte nompareille,
Ce n'est qu'esmoy, ce ne sont que discords
De perdre ainsi la sacree Bouteille.
Bon zele.
(Roy souverain) en magnanimité,
Et à garder une amytié pareille
A vostre Espouse ayant tant merité.
Vous estes sain, dispos, plein d'equité,
Perseverez en toute temperance,
Et l'Eternel qui hayt iniquité,
Tousjours fera en vous sa demourance.
Le Monarque.
Que par l'instinct du Seigneur toutpuissant
Je me tiendray selon vostre esperance
En vertu haulte et honeur florissant,
Point ne seray (Dieu aydant) flechissant,
Car je cognoys que pour au Ciel attaindre,
Et de salut devenir jouissant,
Il fault un Dieu aymer, servir, et craindre.
Verité en concluant.
Et pour avoir l'heritage des Cieux,
Craindre il convient l'Eternel, sans se faindre.
Et Atropos mettre devant les yeux,
Comme avez veu par un Roy vicieux
Non amendé du conseil veritable,
Mais seulement du regard furieux
De ceste Mort à tous espoventable.
Fais ton seul Dieu, pour bien remplir ta pance,
Et dont le cueur du Monde insatiable
Trop enyvré, rien que tout mal ne pense,
Voy que celluy qui bien et mal compense
Te damnera, si desir ne te mord
De demander pardon de ton offense
A Christ, qui faict revivre l'homme mort.
Fin de la Comedie du Monarque.
Deploration sur le trespas de feu monseigneur Jean Bouchetel, Seigneur de Sacy, Conseiller et Secretaire des commandemens du Roy.
Eglogue Pastorale, ou Sonnets heroiques,
Si par mainte Elegie on m'à veu resjouir,
Les aureilles de ceux qui m'ont voulu ouyr,
Je ne veux à present ce Labeur entreprendre
Pour d'un stile joyeux quelque liesse prendre.
Tramper je veux ma plume au lac d'Aigre Douleur,
Et qu'au lieu d'estre blanche, elle ait noire couleur
Signifiant le dueil que mon triste cueur porte
De voir soubs un Tombeau une personne morte,
Ceste personne, Helas, dont le corps est destruict,
Avoit assez remply la Gaule de son bruict,
Sans qu'on deust reciter par expresse Escriture
Les haults dons qu'il avoit, & graces de nature,
Mais le triste regret du Peuple pour sa Mort
Me contrainct de plorer un tant noble homme mort,
Et croy, amy lecteur, qu'en lisant l'ortographe
De son nom excellant mis sur son Epitaphe,
Avec moy espandras plus de souspirs et pleurs
Que Pomone n'avoit en son jardin de fleurs.
Las, c'est Jean Bouchetel, ce Royal Secretaire
Duquel les grands valeurs ma Muse ne peut taire,
Car les haultes vertus dont florissoit son nom
Doibvent éterniser son illustre renom.
Bourges qui fut le lieu de sa noble naissance,
Et qui de son Scavoir avoit la cognoissance,
Ayant sceu le trespas d'un homme tant perfaict,
Un si horrible cry et grand dueil en à faict,
Que toutes les forests et prochaines vallees
Se sont d'Arbres, de fleurs, et de fruict despoillees.
Et les prochains ruisseaux ont augmenté leurs cours,
Des pleurs de ses amys qui pleurent tous les jours
Le trespas de celluy, qui en haulte apparence
De grand Esprit, avoit servy deux Roys de France,
Le Secretaire estant de leurs commandemens,
En grand pris et honeur de tous entendemens.
Feit à ce Bouchetel sentir la poincte amere
De son Dard venimeux, & que le Peuple oyant
Si piteuse nouvelle, estoit tout larmoyant,
Et mesloit à ses pleurs une triste complaincte,
Des Pégasides Seurs la troupe docte & saincte
Du mont Pernasse ouyt les regrets & douleurs
Du Peuple Berruyer, qui fondoit tout en pleurs,
Et pource que ces Seurs avoyent tousjours prisé,
Ce noble Secretaire, et fort favorisé
A ses doctes Escrits, à sa plume doree,
Et à sa Poesie aux Gaules adoree,
Apres avoir ouy la desolation
Du Peuple regrettant telle perfection,
Elles laissent leur mont plaisant et delectable
Pour toutes assister au Tombeau lamentable
De ce corps deslié d'un Esprit precieux,
Qui desja place avoit au sainct repos des Cieux,
Qui est aux bons Espris le promis heritage.
Allons, mes Seurs, allons (dict Calliope sage)
Voir le triste cercueil du noble Bouchetel,
Qui pour vivre sans fin, laisse son corps mortel,
Allons ouyr les cris de ce Peuple fidele
Ou fut de nostre amy la Terre naturelle.
Allons pour consoler ses amys et parens,
Ses filles, et ses fils en honeur apparens.
Car vous scavez, mes Seurs, qu'un tel Esprit cupide
Fut à nous honorer, translatant d'Euripide
De Grec en son Francois les beaux tragiques vers
Qui au nom d'un grand Roy ont bruict par l'univers.
Vous scavez, je le scay, que sa plume excellante
Tousjours au bien public à esté vigilante,
Vous scavez quel honeur par sa noble nature
Il à tousjours porté à la litterature,
Et de quelle faveur il à usé vers ceux
Qui n'ont en Poesie onc esté paresseux.
Donc si nous luy avons faict honeur en sa vie,
N'ayons apres sa Mort moins favorable envie,
Que dy je Mort, mes Seurs, ceux la ne meurent pas
Qui ont los immortel à l'heure du trespas.
Prononcea ces propos, elle feit émouvoir
Ses amiables Seurs, de laisser en arriere
Leur sainct Sejour, pour voir la ville Berruyere,
Ou le Peuple faisoit un dueil triste & amer
Pour cest homme excellant qu'on vouloit inhumer,
Adonc ces belles Seurs sainctes, & immortelles,
Pour tost y assister, se preparent des Esles,
Comme jadis alors que le faux Pirenee
Les esperoit forcer d'une amour effrenee.
Ainsi elles voloyent aussi legerement
Comme voloit jadis Mercure promptement
Lors que pour accomplir le vueil de Juppiter,
Le Berger à cent yeux il vint descapiter.
Donc ces belles neuf Seurs en Scavoir excellantes
S'en vont parmy les Cieux legerement volantes,
Jusqu'a ce qu'elles voyent de Berry la Contree
Ou de Bourges leur est la ville rencontree,
Ville de grand valeur, ou les loix et les arts
Florissantes on voyt, et ou l'un des Cesars
Feit faire (comme on dict) ceste puissante Tour
Qui de ses ennemys se défend alentour,
Ville qui est bornee aussi de maintes villes,
De chasteaux, & de bourgs, et de terres fertiles,
De rivieres d'estangs, et de coulans ruisseaux
Ou poissons delicats nagent dedans les eaux,
De vignobles aussi de Bacchus non indignes
Auquel tous sont debteurs les culteurs de noz vignes,
Et sur tout d'ysouldun la liqueur excellente
Des vins, est au pais doucement violente,
Vins pour faire banquets, et grand festivité,
Bien que ce soit le lieu de ma nativité.
De voir de ce pais les Richesses diffuses.
Si tost qu'en ceste ville ou lon faisoit le dueil,
Elle virent le Peuple espandant larmes d'oeil,
Une griefve douleur va saisir leur Poictrine
Pour le dueil qu'on faisoit du Pere de Doctrine,
Et du bon Mecenas de Poésie aussi,
Du noble Bouchetel, le Seigneur de Saci,
Et n'eust esté que c'est le naturel des Dieux
Des Déesses aussi, n'espandre l'armes d'yeux,
On eust veu tant plorer les filles de Mémoire,
Qu'on eust veu de leurs pleurs un lac grand, comme Loire,
Toutefois pour monstrer leurs ennuys et douleurs,
Elles feirent de grands souspirs au lieu de pleurs,
Et d'un habit de dueil elles se sont parees,
Pour à la sepulture estre mieux preparees.
Le Peuple désolé en conduisant le corps
Mesloit aux pleurs les cris, faisant tristes accords,
D'autre costé la Mort espouventable et fiere
Fort se glorifioit de voir en une Biere
Le corps par elle occis, pource qu'il est charnel,
Car son pouvoir n'ha rien sur l'Esprit éternel.
Le Peuple Berruyer voyant en l'Er la Mort
Tant se glorifier de ce noble corps mort,
Ses pleurs change en vengence, et son dueil en grand ire
Et tous ces mots piquans à la Mort il va dire.
Monstre horrible, & cruel, repeu de sang humain,
Tu es tant effrené, et plein de violence,
De tousjours faire effort à la grand excellence.
O Chimere insensee, enragee Atropos,
Pourquoy troubles tu tant des humains le repos,
Te monstrant la plus grand de toutes les meurtrieres
De nous priver souvent des choses singulieres?
Il ne te suffist pas de mettre fin amere
Aux enfans nouveaux nez du ventre de leur mere,
Qui (s'ils eussent vescu) de sublime vertu
Eussent abondamment eu l'Esprit revestu,
Mais à ceux qui font fruict à une République
Tu fais sentir l'effort de ta mortelle Pique.
Tu le m'as faict scavoir, quand par toy assailli
Fut ce Jaques Thiboust, Seigneur de Quantilli,
Conjoinct par amitié à la personne morte
Qu'en ce triste Tombeau, pour l'inhumer on porte.
Et croy qu'a ce Thiboust tu vins oster la vie
Par l'aguillon poignant de malheureuse envie,
Pource qu'il estoit fort liberal aux douceurs
De l'Escrit agreable aux Pernassides Seurs.
De cela non contente O Chimere execrable
Tu rends pasture aux vers ce corps tant honorable
Du scavant Bouchetel, secretaire des Roys,
Dont reparer ce tort oncques tu ne pourroys.
Bourges avoit esté fertile et plantureuse
D'avoir produict ce fruict qui la rendoit heureuse,
Mais par ton grand outrage elle à perdu ce bien
Qui tant luy profitoit, et ne te sert de rien,
Sinon pour le monstrer Chimere furieuse,
D'espandre sang humain en tout temps curieuse,
Et pour monstrer en toy plus grande Tyrannie
Qu'aux Tigres affamez qui sont en Hyrcanie,
Tu m'as ravy l'honeur du gracieux Scavoir
Duquel l'homme meschant ne veult notice avoir.
Tu m'as osté la fleur des neuf Seurs Pégasides,
Et le vray ennemy des folles Pierides.
Tu m'as privé du fruict lequel avoit produict
Bourges, belle Cité, digne d'immortel bruict,
Ainsi Moutons paissans en l'herbageuse Plaine
Point ne portent pour eux dessus leur Doz la laine,
Semblablement pour eux petis oiseaux paissans
Ne bastissent leur nid, mais pour hommes passans.
Ainsi pour eux aussi les Beufs que le Joug serre,
Ne vont roulans l'Ereau sur la fertile Terre.
Ainsi pour leur proffit Abeilles amoureuses
Ne font de leur doux Miel les liqueurs savoureuses.
Donc, o cruelle Mort, considere l'outrage
Qu'a present tu me fais par tyrannique rage.
Considere le tort tant grand que tu m'as faict
De me priver ainsi d'un homme tant perfaict.
Si j'estoys l'Orateur dont l'Arpine se vente,
Ou le Grec Démosthene en parole eloquente,
Tu entendroys de moy des mots qui valent pis,
O Chimere passant le venin des Aspics.
Mais si ma langue n'est assez prompte & active
Pour me plaindre de toy de piquante invective,
Les bons autheurs Francoys qui mes cris entendront,
A ta grand cruauté par Escrit respondront,
Parquoy tu recevras tel vitupere et honte
Que tu ne serviras que de fable et de compte
Au Peuple simple et bas, qui de toy escrira
La grand iniquité, laquelle il publira.
Oste toy de mes yeux, O Alecto villaine,
Qui fais mourir les fleurs de ta puante alaine.
Absente toy d'icy tant les soirs que matins
O maudicte Atropos, aux cheveux serpentins.
Tu m'as assez grevé de m'oster au meur age
Ce secretaire exquis, tant noble personnage,
Et qui tant de faveur aux vertueux portoit,
Et les adversitez des pauvres supportoit,
Se monstrant mieux aymer des vertus l'exercice
Que les thresors acquis par mondaine avarice.
Assez m'as offensé, o Royne des Chimeres
De me faire sentir tant de douleurs ameres,
Me privant de celluy par mortel desarroy
Qui tant estoit utile à mon Gallique Roy,
Mais avec ton effort, de son ame immortelle
Tu ne triompheras, comme de la mortelle
Et transitoire chair de caduque action
Qui tombe en un moment à putrefaction,
Et dont j'appaiseray mon dueil, comme j'espere,
C'est que ce bon Seigneur en fortune prospere
A laissé beaux enfans de si nobles Espris,
Qu'ils ne mourront encor que tu les eusses pris,
Et par eux mon honeur apparent, on verra
Tant que des Bouchetelz le Tige durera,
Desquelz le doux regard et gracieuse forme
Aux divines vertus du Pere se conforme,
En démonstrant les dons de leur perfection
Aupres de l'oeil Royal, par admiration
Ou de leur vertu haulte et grace bien aymee
Immortelle sera la noble Renommee.
Le Peuple Berruyer tous ces regrets faisoit
Quand la cruelle Mort (qui adonc s'amusoit
A escouter les cris de ce Peuple fidele)
A faict sortir ces Dicts de sa bouche cruelle.
Qu'on porte par coustume au lamentable obit,
O Peuple humain par trop endormy en tenebres
Tu fais un si hault cry en tes Pompes funebres,
C'est faulte d'approuver l'ordonnance de Dieu,
Qui ceux qu'il ayme mieux, de ce terrestre lieu
Tire tousjours à soy, pour monstrer que ce Monde
Au pris de son Sejour, de vray plaisir n'abonde.
Le plaisir terrien passe comme fumee,
Ou comme seche Paille en cendres consumee,
Mais le plaisir d'enhault dure éternellement,
Que Dieu promect aux bons vivans fidelement.
En ce divin Sejour sont plaisirs delectables
Plus qu'on ne voyt au Ciel d'estoilles agreables,
De ces plaisirs divins il convient estimer
Le nombre estre plus grand, que des Sablons de Mer,
Et qu'il n'y à d'Espis dedans les jaunes Blez
Qui sont parmy les champs de Céres assemblez,
Et qu'on ne voyt de pluye et de neige arriver,
En la froyde saison du glacial Hyver.
Dy moy (Peuple troublé de dueil melancholique)
Dy tant que tu voudras que je te vexe & pique,
Que je porte nuisance en mettant à l'envers
Tant de corps, qui seront la nourriture aux vers.
Tant que voudras, dy moy meschante & inutile,
Monstre inhumain, armé de cruauté hostile,
Si est ce que sans moy l'Esprit plus precieux
Que n'est le corps mortel, ne s'en va voir les Cieux.
Les Cieux estoient fermez par une forfaicture
De cest homme premier, ouvrage de nature,
Mais ce sainct Redempteur l'ouverture en à faicte
Quand il fut mis en croix par une gent infaicte.
Or devant le peché de l'homme transgresseur
Je n'avoys aucun Dard qui peust estre agresseur
Pour en faire mourir & succomber les hommes
Au funebre tombeau, comme au temps ou nous sommes,
Dont ce divin Sauveur de creature humaine
(O peuple Berruyer) ne m'a dict inhumaine,
Alors que sa bonté et grace tant valut
De mourir en la croix, pour te donner salut,
Sa divine bonté jamais ne m'a tancee
Lors que de ses Esleus j'ay la fin avancee,
En faisant mourir d'eux le corps tant seulement,
Pour faire vivre l'Ame au Ciel durablement.
Il est vray que mon dard porte double poincture,
Scavoir douce et amere à mainte creature.
Ceux qui sont endurcis en fraudes et malices,
Et qui font tout leur Dieu de mondaines delices,
Trouvent amer mon dard, à leur Mort cognoissans
Qu'a Dieu ils ont esté trop desobeissans,
Mais ceux qui ont suyvi le chemin d'equité,
L'entretien de la paix, douceur, et charité,
Ne trouvent de mon dard la poincture que doulce,
Cognoissans que par moy leur ame au Ciel se poulse.
Doncques, O peuple humain, à tort de moy te plainds
Quand je fay succomber hommes de vertu pleins,
Puis que par leur vertu qui à tous se descouvre,
Le tout puissant Recteur son Paradis leur ouvre.
Puis que tel as cognu celluy dont ton oeil pleure,
Que ne t'asseures tu que son Esprit demeure
En ce divin Sejour qui est promis à ceux
Qui aux sainctes vertus n'ont esté paresseux?
Et si j'ay renversé le corps, qui n'est que cendre,
Tu n'en doibs contre moy en querele descendre.
Celluy qui est sans fin, et le commencement,
Ce Pere supernel, qui ayme doucement
Les culteurs de son nom, avoit l'heure ordonnee
A celluy que tu plainds, de sa fin terminee.
Pourtant cesse tes pleurs, tes complainctes et cris,
Ne me menace plus d'injurieux Escrits:
Mais loue le Seigneur, et sa saincte ordonnance,
Au veuil duquel ne fault user de repugnance.
D'une voix veritable, et loing de contredicts
Qui peussent meriter, pour prouver le contraire,
Le peuple Berruyer commence à se distraire
De courroux enflamé, et son dueil appaisant,
Aux propos de la Mort n'est plus contredisant,
Et ainsi appaisé, monstrant meilleur visaige,
Suyt le corps au Tombeau du deffunct, qui tant sage
Et tant prudent estoit, quand son Esprit lié
Estoit au mortel corps, dont Dieu la deslié,
Et lors non sans regret fut mis en sepulture
Le corps, qui est subject aux vers et pourriture,
Et son esprit ayant des Cieux fruition,
Attend d'un plus beau corps la resurrection.
Des Pernassides Seurs la troupe venerable
Feit graver au Tombeau du trespassé le nom,
Avecques ses vertus de durable renom,
Calliope, qui est des neuf Seurs la premiere,
Sur le Marbrin Tombeau meit ces vers en lumiere:
L'epitaphe de Monseigneur Bouchetel, par la Muse Calliope.