Lettres d'amour
Regret d’un éloignement
Madame,
Dois-ie pleurer, dois-ie écrire, dois-ie mourir ? Il vaut mieux que i’écriue ; mon cornet me prétera plus d’ancre que mes yeux ne me fourniront de larmes ; et quand ie penserois guerir de la tristesse de votre absence par ma mort, ce ne seroit pas me r’aprocher de vous puis que Paris est plus près de Saumur, que Saumur des Champs Elisées. Mais que vous ecriray-ie, bons dieux ? Rien, sinon que i’espère bien tôt faire voiage pour le Poitou ou pour l’Enfer ; que ie vous prie de consoler mes amis de la perte qu’ils font, a cause de vous, et que si vous souhaitez me mander quelque chose, vous adressiez vos lettres au Cimetière de Saint Iaques. C’est là que votre messager aura de mes nouuelles ; le fossoieur ou mon épitaphe lui aprendront mon logis, et lui feront lire que, ne sachant ou vous rencontrer en ce monde, ie suis parti pour l’autre, étant bien assuré que vous y viendriez : ce ne vous sera pas peu de consolacion quand vous trouuerez pour vous garantir des insolences du Diable, ce Diable,
Madame,
Votre Seruiteur De Bergerac.