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Lettres persanes, tome I

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A Smyrne, le 27 de la lune de Gemmadi 2, 1714.

LETTRE LXVIII.

RICA A USBEK.

A ***.

J'allai l'autre jour dîner chez un homme de robe, qui m'en avoit prié plusieurs fois. Après avoir parlé de bien des choses, je lui dis: Monsieur, il me paroît que votre métier est bien pénible. Pas tant que vous vous imaginez, répondit-il: de la manière dont nous le faisons, ce n'est qu'un amusement. Mais comment! n'avez-vous pas toujours la tête remplie des affaires d'autrui? n'êtes-vous pas toujours occupé de choses qui ne sont point intéressantes? Vous avez raison: ces choses ne sont point intéressantes, car nous nous y intéressons si peu que rien; et cela même fait que le métier n'est pas si fatigant que vous dites. Quand je vis qu'il prenoit la chose d'une manière si dégagée, je continuai, et lui dis: Monsieur, je n'ai point vu votre cabinet. Je le crois, car je n'en ai point. Quand je pris cette charge, j'eus besoin d'argent pour payer mes provisions; je vendis ma bibliothèque; et le libraire qui la prit, d'un nombre prodigieux de volumes, ne me laissa que mon livre de raison. Ce n'est pas que je les regrette: nous autres juges ne nous enflons point d'une vaine science. Qu'avons-nous affaire de tous ces volumes de lois? Presque tous les cas sont hypothétiques et sortent de la règle générale. Mais ne seroit-ce pas, monsieur, lui dis-je, parce que vous les en faites sortir? Car enfin pourquoi chez tous les peuples du monde y auroit-il des lois si elles n'avoient pas leur application? et comment peut-on les appliquer si on ne les sait pas? Si vous connaissiez le Palais, reprit le magistrat, vous ne parleriez pas comme vous faites: nous avons des livres vivants, qui sont les avocats; ils travaillent pour nous, et se chargent de nous instruire. Et ne se chargent-ils pas aussi quelquefois de vous tromper? lui repartis-je. Vous ne feriez donc pas mal de vous garantir de leurs embûches; ils ont des armes avec lesquelles ils attaquent votre équité; il seroit bon que vous en eussiez aussi pour la défendre, et que vous n'allassiez pas vous mettre dans la mêlée, habillés à la légère, parmi des gens cuirassés jusqu'aux dents.

A Paris, le 13 de la lune de Chahban, 1714.

LETTRE LXIX.

USBEK A RHÉDI.

A Venise.

Tu ne te serois jamais imaginé que je fusse devenu plus métaphysicien que je ne l'étois: cela est pourtant, et tu en seras convaincu quand tu auras essuyé ce débordement de ma philosophie.

Les philosophes les plus sensés qui ont réfléchi sur la nature de Dieu ont dit qu'il étoit un être souverainement parfait; mais ils ont extrêmement abusé de cette idée: ils ont fait une énumération de toutes les perfections différentes que l'homme est capable d'avoir et d'imaginer, et en ont chargé l'idée de la divinité, sans songer que souvent ces attributs s'entr'empêchent, et qu'ils ne peuvent subsister dans un même sujet sans se détruire.

Les poëtes d'Occident disent qu'un peintre ayant voulu faire le portrait de la déesse de la beauté, assembla les plus belles Grecques, et prit de chacune ce qu'elle avoit de plus gracieux, dont il fit un tout pour ressembler à la plus belle de toutes les déesses. Si un homme en avoit conclu qu'elle étoit blonde ou brune, qu'elle avoit les yeux noirs et bleus, qu'elle étoit douce et fière, il auroit passé pour ridicule.

Souvent Dieu manque d'une perfection qui pourroit lui donner une grande imperfection; mais il n'est jamais limité que par lui-même; il est lui-même sa nécessité: ainsi, quoique Dieu soit tout-puissant, il ne peut pas violer ses promesses, ni tromper les hommes. Souvent même l'impuissance n'est pas dans lui, mais dans les choses relatives; et c'est la raison pourquoi il ne peut pas changer les essences.

Ainsi il n'y a point sujet de s'étonner que quelques-uns de nos docteurs aient osé nier la prescience infinie de Dieu, sur ce fondement qu'elle est incompatible avec sa justice.

Quelque hardie que soit cette idée, la métaphysique s'y prête merveilleusement. Selon ses principes, il n'est pas possible que Dieu prévoie les choses qui dépendent de la détermination des causes libres, parce que ce qui n'est point arrivé n'est point, et par conséquent ne peut être connu; car le rien, qui n'a point de propriétés, ne peut être aperçu: Dieu ne peut point lire dans une volonté qui n'est point, et voir dans l'âme une chose qui n'existe point en elle; car, jusqu'à ce qu'elle se soit déterminée, cette action qui la détermine n'est point en elle.

L'âme est l'ouvrière de sa détermination; mais il y a des occasions où elle est tellement indéterminée qu'elle ne sait pas même de quel côté se déterminer. Souvent même elle ne le fait que pour faire usage de sa liberté; de manière que Dieu ne peut voir cette détermination par avance ni dans l'action de l'âme, ni dans l'action que les objets font sur elle.

Comment Dieu pourroit-il prévoir les choses qui dépendent de la détermination des causes libres? Il ne pourroit les voir que de deux manières: par conjecture, ce qui est contradictoire avec la prescience infinie; ou bien il les verroit comme des effets nécessaires qui suivroient infailliblement d'une cause qui les produiroit de même, ce qui est encore plus contradictoire: car l'âme seroit libre par la supposition; et, dans le fait, elle ne le seroit pas plus qu'une boule de billard n'est libre de se remuer, lorsqu'elle est poussée par une autre.

Ne crois pas pourtant que je veuille borner la science de Dieu. Comme il fait agir les créatures à sa fantaisie, il connoît tout ce qu'il veut connoître. Mais, quoiqu'il puisse voir tout, il ne se sert pas toujours de cette faculté; il laisse ordinairement à la créature la faculté d'agir ou de ne pas agir, pour lui laisser celle de mériter ou de démériter: c'est pour lors qu'il renonce au droit qu'il a d'agir sur elle, et de la déterminer. Mais quand il veut savoir quelque chose, il le sait toujours, parce qu'il n'a qu'à vouloir qu'elle arrive comme il la voit, et déterminer les créatures conformément à sa volonté. C'est ainsi qu'il tire ce qui doit arriver du nombre des choses purement possibles, en fixant par ses décrets les déterminations futures des esprits, et les privant de la puissance qu'il leur a donnée d'agir ou de ne pas agir.

Si l'on peut se servir d'une comparaison dans une chose qui est au-dessus des comparaisons; un monarque ignore ce que son ambassadeur fera dans une affaire importante: s'il le veut savoir, il n'a qu'à lui ordonner de se comporter d'une telle manière, et il pourra assurer que la chose arrivera comme il la projette.

L'alcoran et les livres des Juifs s'élèvent sans cesse contre le dogme de la prescience absolue: Dieu y paroît partout ignorer la détermination future des esprits; et il semble que ce soit la première vérité que Moïse ait enseignée aux hommes.

Dieu met Adam dans le paradis terrestre, à condition qu'il ne mangera pas d'un certain fruit: précepte absurde dans un être qui connoîtroit les déterminations futures des âmes; car enfin un tel être peut-il mettre des conditions à ses grâces, sans les rendre dérisoires? C'est comme si un homme qui auroit su la prise de Bagdad avoit dit à un autre: Je vous donne mille écus si Bagdad n'est pas pris. Ne feroit-il pas là une mauvaise plaisanterie?

Mon cher Rhédi, pourquoi tant de philosophie? Dieu est si haut, que nous n'apercevons pas même ses nuages. Nous ne le connoissons bien que dans ses préceptes. Il est immense, spirituel, infini. Que sa grandeur nous ramène à notre foiblesse. S'humilier toujours, c'est l'adorer toujours.

A Paris, le dernier de la lune de Chahban, 1714.

LETTRE LXX.

ZÉLIS A USBEK.

A Paris.

Soliman, que tu aimes, est désespéré d'un affront qu'il vient de recevoir. Un jeune étourdi, nommé Suphis, recherchoit depuis trois mois sa fille en mariage: il paroissoit content de la figure de la fille, sur le rapport et la peinture que lui en avoient faits les femmes qui l'avoient vue dans son enfance; on étoit convenu de la dot, et tout s'étoit passé sans aucun incident. Hier, après les premières cérémonies, la fille sortit à cheval, accompagnée de son eunuque, et couverte, selon la coutume, depuis la tête jusqu'aux pieds. Mais, dès qu'elle fut arrivée devant la maison de son mari prétendu, il lui fit fermer la porte, et il jura qu'il ne la recevroit jamais si on n'augmentoit la dot: Les parents accoururent, de côté et d'autre, pour accommoder l'affaire; et après bien de la résistance, ils firent convenir Soliman de faire un petit présent à son gendre. Enfin, les cérémonies du mariage accomplies, on conduisit la fille dans le lit avec assez de violence; mais, une heure après, cet étourdi se leva furieux, lui coupa le visage en plusieurs endroits, soutenant qu'elle n'étoit pas vierge, et la renvoya à son père. On ne peut pas être plus frappé qu'il l'est de cette injure. Il y a des personnes qui soutiennent que cette fille est innocente. Les pères sont bien malheureux d'être exposés à de tels affronts: si pareil traitement arrivoit à ma fille, je crois que j'en mourrois de douleur. Adieu.

Du sérail de Fatmé, le 9 de la lune de Gemmadi 1, 1714.

LETTRE LXXI.

USBEK A ZÉLIS.

Je plains Soliman, d'autant plus que le mal est sans remède, et que son gendre n'a fait que se servir de la liberté de la loi. Je trouve cette loi bien dure, d'exposer ainsi l'honneur d'une famille aux caprices d'un fou. On a beau dire que l'on a des indices certains pour connoître la vérité, c'est une vieille erreur dont on est aujourd'hui revenu parmi nous; et nos médecins donnent des raisons invincibles de l'incertitude de ces preuves. Il n'y a pas jusqu'aux chrétiens qui ne les regardent comme chimériques, quoiqu'elles soient clairement établies par leurs livres sacrés, et que leur ancien législateur en ait fait dépendre l'innocence ou la condamnation de toutes les filles.

J'apprends avec plaisir le soin que tu te donnes de l'éducation de la tienne. Dieu veuille que son mari la trouve aussi belle et aussi pure que Fatima; qu'elle ait dix eunuques pour la garder; qu'elle soit l'honneur et l'ornement du sérail où elle est destinée; qu'elle n'ait sur sa tête que des lambris dorés, et ne marche que sur des tapis superbes; et, pour comble de souhaits, puissent mes yeux la voir dans toute sa gloire!

A Paris, le 5 de la lune de Chalval, 1714.

LETTRE LXXII.

RICA A USBEK.

A ***.

Je me trouvai l'autre jour dans une compagnie où je vis un homme bien content de lui. Dans un quart d'heure, il décida trois questions de morale, quatre problèmes historiques, et cinq points de physique: je n'ai jamais vu un décisionnaire si universel; son esprit ne fut jamais suspendu par le moindre doute. On laissa les sciences; on parla des nouvelles du temps: il décida sur les nouvelles du temps. Je voulus l'attraper, et je dis en moi-même: Il faut que je me mette dans mon fort; je vais me réfugier dans mon pays. Je lui parlai de la Perse; mais à peine lui eus-je dis quatre mots, qu'il me donna deux démentis, fondés sur l'autorité de messieurs Tavernier et Chardin. Ah! bon Dieu! dis-je en moi-même, quel homme est-ce là? Il connoîtra tout à l'heure les rues d'Ispahan mieux que moi! Mon parti fut bientôt pris: je me tus, je le laissai parler, et il décide encore.

A Paris, le 8 de la lune de Zilcadé, 1715.

LETTRE LXXIII.

RICA A ***.

J'ai ouï parler d'une espèce de tribunal qu'on appelle l'Académie françoise: il n'y en a point de moins respecté dans le monde; car on dit qu'aussitôt qu'il a décidé, le peuple casse ses arrêts, et lui impose des lois qu'il est obligé de suivre.

Il y a quelque temps que, pour fixer son autorité, il donna un code de ses jugements. Cet enfant de tant de pères étoit presque vieux quand il naquit; et quoiqu'il fût légitime, un bâtard, qui avoit déjà paru, l'avoit presque étouffé dans sa naissance.

Ceux qui le composent n'ont d'autre fonction que de jaser sans cesse: l'éloge va se placer comme de lui-même dans leur babil éternel; et sitôt qu'ils sont initiés dans ses mystères, la fureur du panégyrique vient les saisir, et ne les quitte plus.

Ce corps a quarante têtes, toutes remplies de figures, de métaphores et d'antithèses; tant de bouches ne parlent presque que par exclamation; ses oreilles veulent toujours être frappées par la cadence et l'harmonie. Pour les yeux, il n'en est pas question: il semble qu'il soit fait pour parler, et non pas pour voir. Il n'est point ferme sur ses pieds; car le temps, qui est son fléau, l'ébranle à tous les instants, et détruit tout ce qu'il a fait. On a dit autrefois que ses mains étoient avides; je ne t'en dirai rien, et je laisse décider cela à ceux qui le savent mieux que moi.

Voilà des bizarreries, ***, que l'on ne voit point dans notre Perse. Nous n'avons point l'esprit porté à ces établissements singuliers et bizarres; nous cherchons toujours la nature dans nos coutumes simples et nos manières naïves.

A Paris, le 27 de la lune de Zilhagé, 1715.

LETTRE LXXIV.

RICA A USBEK.

A ***.

Il y a quelques jours qu'un homme de ma connoissance me dit: Je vous ai promis de vous produire dans les bonnes maisons de Paris; je vous mène à présent chez un grand seigneur qui est un des hommes du royaume qui représentent le mieux.

Que cela veut-il dire, monsieur? est-ce qu'il est plus poli, plus affable qu'un autre? Ce n'est pas cela, me dit-il. Ah! j'entends: il fait sentir à tous les instants la supériorité qu'il a sur tous ceux qui l'approchent; si cela est, je n'ai que faire d'y aller; je prends déjà condamnation, et je la lui passe tout entière.

Il fallut pourtant marcher: et je vis un petit homme si fier, il prit une prise de tabac avec tant de hauteur, il se moucha si impitoyablement, il cracha avec tant de flegme, il caressa ses chiens d'une manière si offensante pour les hommes, que je ne pouvois me lasser de l'admirer. Ah! bon Dieu! dis-je en moi-même, si lorsque j'étois à la cour de Perse, je représentois ainsi, je représentois un grand sot! Il auroit fallu, Usbek, que nous eussions eu un bien mauvais naturel pour aller faire cent petites insultes à des gens qui venoient tous les jours chez nous nous témoigner leur bienveillance; ils savoient bien que nous étions au-dessus d'eux; et s'ils l'avoient ignoré, nos bienfaits le leur auroient appris chaque jour. N'ayant rien à faire pour nous faire respecter, nous faisions tout pour nous rendre aimables: nous nous communiquions aux plus petits; au milieu des grandeurs, qui endurcissent toujours, ils nous trouvoient sensibles; ils ne voyoient que notre cœur au-dessus d'eux; nous descendions jusqu'à leurs besoins. Mais lorsqu'il falloit soutenir la majesté du prince dans les cérémonies publiques; lorsqu'il falloit faire respecter la nation aux étrangers; lorsque enfin, dans les occasions périlleuses, il falloit animer les soldats, nous remontions cent fois plus haut que nous n'étions descendus; nous ramenions la fierté sur notre visage; et l'on trouvoit quelquefois que nous représentions assez bien.

De Paris, le 10 de la lune de Saphar, 1715.

LETTRE LXXV.

USBEK A RHÉDI.

A Venise.

Il faut je que te l'avoue, je n'ai point remarqué chez les chrétiens cette persuasion vive de leur religion qui se trouve parmi les musulmans; il y a bien loin chez eux de la profession à la croyance, de la croyance à la conviction, de la conviction à la pratique. La religion est moins un sujet de sanctification qu'un sujet de disputes qui appartient à tout le monde: les gens de cour, les gens de guerre, les femmes même, s'élèvent contre les ecclésiastiques, et leur demandent de leur prouver ce qu'ils sont résolus de ne pas croire. Ce n'est pas qu'ils se soient déterminés par raison, et qu'ils aient pris la peine d'examiner la vérité ou la fausseté de cette religion qu'ils rejettent: ce sont des rebelles qui ont senti le joug, et l'ont secoué avant de l'avoir connu. Aussi ne sont-ils pas plus fermes dans leur incrédulité que dans leur foi; ils vivent dans un flux et reflux qui les porte sans cesse de l'un à l'autre. Un d'eux me disoit un jour: Je crois l'immortalité de l'âme par semestre; mes opinions dépendent absolument de la constitution de mon corps; selon que j'ai plus ou moins d'esprits animaux, que mon estomac digère bien ou mal, que l'air que je respire est subtil ou grossier, que les viandes dont je me nourris sont légères ou solides, je suis spinosiste, socinien, catholique, impie ou dévot. Quand le médecin est auprès de mon lit, le confesseur me trouve à son avantage. Je sais bien empêcher la religion de m'affliger quand je me porte bien; mais je lui permets de me consoler quand je suis malade: lorsque je n'ai plus rien à espérer d'un côté, la religion se présente et me gagne par ses promesses; je veux bien m'y livrer, et mourir du côté de l'espérance.

Il y a longtemps que les princes chrétiens affranchirent tous les esclaves de leurs États, parce, disoient-ils, que le christianisme rend tous les hommes égaux. Il est vrai que cet acte de religion leur étoit très-utile: ils abaissoient par là les seigneurs, de la puissance desquels ils retiroient le bas peuple. Ils ont ensuite fait des conquêtes dans des pays où ils ont vu qu'il leur étoit avantageux d'avoir des esclaves; ils ont permis d'en acheter et d'en vendre, oubliant ce principe de religion qui les touchoit tant. Que veux-tu que je te dise? vérité dans un temps, erreur dans un autre. Que ne faisons-nous comme les chrétiens? Nous sommes bien simples de refuser des établissements et des conquêtes faciles dans des climats heureux[13], parce que l'eau n'y est pas assez pure pour nous laver selon les principes du saint Alcoran!

[13] Les mahométans ne se soucient point de prendre Venise, parce qu'ils n'y trouveroient point d'eau pour leurs purifications.

Je rends grâce au Dieu tout-puissant, qui a envoyé Ali son grand prophète, de ce que je professe une religion qui se fait préférer à tous les intérêts humains, et qui est pure comme le ciel, dont elle est descendue.

De Paris, le 13 de la lune de Saphar, 1715.

LETTRE LXXVI.

USBEK A SON AMI IBBEN.

A Smyrne.

Les lois sont furieuses en Europe contre ceux qui se tuent eux-mêmes: on les fait mourir, pour ainsi dire, une seconde fois; ils sont traînés indignement par les rues; on les note d'infamie; on confisque leurs biens.

Il me paroît, Ibben, que ces lois sont bien injustes. Quand je suis accablé de douleur, de misère, de mépris, pourquoi veut-on m'empêcher de mettre fin à mes peines, et me priver cruellement d'un remède qui est en mes mains?

Pourquoi veut-on que je travaille pour une société, dont je consens de n'être plus? que je tienne, malgré moi, une convention qui s'est faite sans moi? La société est fondée sur un avantage mutuel: mais lorsqu'elle me devient onéreuse, qui m'empêche d'y renoncer? La vie m'a été donnée comme une faveur; je puis donc la rendre lorsqu'elle ne l'est plus: la cause cesse, l'effet doit donc cesser aussi.

Le prince veut-il que je sois son sujet quand je ne retire point les avantages de la sujétion? Mes concitoyens peuvent-ils demander ce partage inique de leur utilité et de mon désespoir? Dieu, différent de tous les bienfaiteurs, veut-il me condamner à recevoir des grâces qui m'accablent?

Je suis obligé de suivre les lois quand je vis sous les lois: mais quand je n'y vis plus, peuvent-elles me lier encore?

Mais, dira-t-on, vous troublez l'ordre de la providence. Dieu a uni votre âme avec votre corps; et vous l'en séparez: vous vous opposez donc à ses desseins, et vous lui résistez.

Que veut dire cela? Troublé-je l'ordre de la providence, lorsque je change les modifications de la matière, et que je rends carrée une boule que les premières lois du mouvement, c'est-à-dire les lois de la création et de la conservation, avoient faite ronde? Non, sans doute: je ne fais qu'user du droit qui m'a été donné; et, en ce sens, je puis troubler à ma fantaisie toute la nature, sans que l'on puisse dire que je m'oppose à la providence.

Lorsque mon âme sera séparée de mon corps, y aura-t-il moins d'ordre et moins d'arrangement dans l'univers? croyez-vous que cette nouvelle combinaison soit moins parfaite, et moins dépendante des lois générales? que le monde y ait perdu quelque chose? et que les ouvrages de Dieu soient moins grands, ou plutôt moins immenses?

Croyez-vous que mon corps, devenu un épi de blé, un ver, un gazon, soit changé en un ouvrage de la nature moins digne d'elle, et que mon âme, dégagée de tout ce qu'elle avoit de terrestre, soit devenue moins sublime?

Toutes ces idées, mon cher Ibben, n'ont d'autre source que notre orgueil: nous ne sentons point notre petitesse; et, malgré qu'on en ait, nous voulons être comptés dans l'univers, y figurer, et y être un objet important. Nous nous imaginons que l'anéantissement d'un être aussi parfait que nous dégraderoit toute la nature; et nous ne concevons pas qu'un homme de plus ou de moins dans le monde, que dis-je? tous les hommes ensemble, cent millions de têtes comme la nôtre, ne sont qu'un atome subtil et délié que Dieu n'aperçoit qu'à cause de l'immensité de ses connoissances.

A Paris, le 15 de la lune de Saphar, 1715.

LETTRE LXXVII.

IBBEN A USBEK.

A Paris.

Mon cher Usbek, il me semble que, pour un vrai musulman, les malheurs sont moins des châtiments que des menaces. Ce sont des jours bien précieux que ceux qui nous portent à expier les offenses. C'est le temps des prospérités qu'il faudroit abréger. Que servent toutes ces impatiences, qu'à faire voir que nous voudrions être heureux, indépendamment de celui qui donne les félicités, parce qu'il est la félicité même?

Si un être est composé de deux êtres, et que la nécessité de conserver l'union marque plus la soumission aux ordres du Créateur, on en a pu faire une loi religieuse; si cette nécessité de conserver l'union est un meilleur garant des actions des hommes, on en a pu faire une loi civile.

De Smyrne, le dernier jour de la lune de Saphar, 1715.

LETTRE LXXVIII.

RICA A USBEK.

A ***.

Je t'envoie la copie d'une lettre qu'un François qui est en Espagne a écrite ici; je crois que tu seras bien aise de la voir.

Je parcours depuis six mois l'Espagne et le Portugal, et je vis parmi des peuples qui, méprisant tous les autres, font aux seuls François l'honneur de les haïr.

La gravité est le caractère brillant des deux nations: elle se manifeste principalement de deux manières; par les lunettes, et par la moustache.

Les lunettes font voir démonstrativement que celui qui les porte est un homme consommé dans les sciences et enseveli dans de profondes lectures, à un tel point que sa vue s'en est affoiblie; et tout nez qui en est orné ou chargé peut passer, sans contredit, pour le nez d'un savant.

Pour la moustache, elle est respectable par elle-même, et indépendamment des conséquences; quoique pourtant on ne laisse pas d'en tirer souvent de grandes utilités pour le service du prince et l'honneur de la nation, comme le fit bien voir un fameux général portugais dans les Indes[14]: car, se trouvant avoir besoin d'argent, il se coupa une de ses moustaches, et envoya demander aux habitants de Goa vingt mille pistoles sur ce gage; elles lui furent prêtées d'abord, et dans la suite il retira sa moustache avec honneur.

[14] Jean de Castro.

On conçoit aisément que des peuples graves et flegmatiques comme ceux-là peuvent avoir de la vanité: aussi en ont-ils. Ils la fondent ordinairement sur deux choses bien considérables. Ceux qui vivent dans le continent de l'Espagne et du Portugal se sentent le cœur extrêmement élevé, lorsqu'ils sont ce qu'ils appellent de vieux chrétiens; c'est-à-dire, qu'ils ne sont pas originaires de ceux à qui l'inquisition a persuadé dans ces derniers siècles d'embrasser la religion chrétienne. Ceux qui sont dans les Indes ne sont pas moins flattés lorsqu'ils considèrent qu'ils ont le sublime mérite d'être, comme ils disent, hommes de chair blanche. Il n'y a jamais eu dans le sérail du Grand Seigneur de sultane si orgueilleuse de sa beauté que le plus vieux et le plus vilain mâtin ne l'est de la blancheur olivâtre de son teint, lorsqu'il est dans une ville du Mexique, assis sur sa porte, les bras croisés. Un homme de cette conséquence, une créature si parfaite, ne travailleroit pas pour tous les trésors du monde, et ne se résoudroit jamais, par une vile et mécanique industrie, de compromettre l'honneur et la dignité de sa peau.

Car il faut savoir que lorsqu'un homme a un certain mérite en Espagne, comme, par exemple, quand il peut ajouter aux qualités dont je viens de parler celle d'être le propriétaire d'une grande épée, ou d'avoir appris de son père l'art de faire jurer une discordante guitare, il ne travaille plus: son honneur s'intéresse au repos de ses membres. Celui qui reste assis dix heures par jour obtient précisément la moitié plus de considération qu'un autre qui n'en reste que cinq, parce que c'est sur les chaises que la noblesse s'acquiert.

Mais quoique ces invincibles ennemis du travail fassent parade d'une tranquillité philosophique, ils ne l'ont pourtant pas dans le cœur; car ils sont toujours amoureux. Ils sont les premiers hommes du monde pour mourir de langueur sous la fenêtre de leurs maîtresses; et tout Espagnol qui n'est pas enrhumé ne sauroit passer pour galant.

Ils sont premièrement dévots, et secondement jaloux. Ils se garderont bien d'exposer leurs femmes aux entreprises d'un soldat criblé de coups, ou d'un magistrat décrépit; mais ils les enfermeront avec un novice fervent qui baisse les yeux, ou un robuste franciscain qui les élève.

Ils connoissent mieux que les autres le foible des femmes; ils ne veulent pas qu'on leur voie le talon, et qu'on les surprenne par le bout des pieds: ils savent que l'imagination va toujours, que rien ne l'amuse en chemin; elle arrive, et là on étoit quelquefois averti d'avance.

On dit partout que les rigueurs de l'amour sont cruelles, elles le sont encore plus pour les Espagnols: les femmes les guérissent de leurs peines; mais elles ne font que leur en faire changer, et il leur reste toujours un long et fâcheux souvenir d'une passion éteinte.

Ils ont de petites politesses qui en France paraîtroient mal placées: par exemple, un capitaine ne bat jamais son soldat sans lui en demander permission; et l'inquisition ne fait jamais brûler un Juif sans lui faire ses excuses.

Les Espagnols qu'on ne brûle pas paroissent si attachés à l'inquisition, qu'il y auroit de la mauvaise humeur de la leur ôter: je voudrois seulement qu'on en établît une autre; non pas contre les hérétiques, mais contre les hérésiarques qui attribuent à de petites pratiques monacales la même efficacité qu'aux sept sacrements; qui adorent tout ce qu'ils vénèrent; et qui sont si dévots qu'ils sont à peine chrétiens.

Vous pourrez trouver de l'esprit et du bon sens chez les Espagnols; mais n'en cherchez point dans leurs livres: voyez une de leurs bibliothèques, les romans d'un côté, et les scolastiques de l'autre: vous diriez que les parties en ont été faites, et le tout rassemblé, par quelque ennemi secret de la raison humaine.

Le seul de leurs livres qui soit bon est celui qui a fait voir le ridicule de tous les autres.

Ils ont fait des découvertes immenses dans le nouveau monde, et ils ne connoissent pas encore leur propre continent: il y a sur leurs rivières tel port qui n'a pas encore été découvert, et dans leurs montagnes des nations qui leur sont inconnues.

Ils disent que le soleil se lève et se couche dans leur pays: mais il faut dire aussi qu'en faisant sa course il ne rencontre que des campagnes ruinées et des contrées désertes.

Je ne serois pas fâché, Usbek, de voir une lettre écrite à Madrid par un Espagnol qui voyageroit en France; je crois qu'il vengeroit bien sa nation. Quel vaste champ pour un homme flegmatique et pensif! Je m'imagine qu'il commenceroit ainsi la description de Paris.

Il y a ici une maison où l'on met les fous: on croiroit d'abord qu'elle est la plus grande de la ville; non: le remède est bien petit pour le mal. Sans doute que les François, extrêmement décriés chez leurs voisins, enferment quelques fous dans une maison, pour persuader que ceux qui sont dehors ne le sont pas.

Je laisse là mon Espagnol. Adieu, mon cher Usbek.

De Paris, le 17 de la lune de Saphar, 1715.

LETTRE LXXIX.

USBEK A RHÉDI.

A Venise.

La plupart des législateurs ont été des hommes bornés, que le hasard a mis à la tête des autres et qui n'ont presque consulté que leurs préjugés et leurs fantaisies.

Il semble qu'ils aient méconnu la grandeur et la dignité même de leur ouvrage: ils se sont amusés à faire des institutions puériles, avec lesquelles ils se sont à la vérité conformés aux petits esprits, mais décrédités auprès des gens de bon sens.

Ils se sont jetés dans des détails inutiles; ils ont donné dans les cas particuliers: ce qui marque un génie étroit qui ne voit les choses que par parties, et n'embrasse rien d'une vue générale.

Quelques-uns ont affecté de se servir d'une autre langue que la vulgaire; chose absurde pour un faiseur de lois: comment peut-on les observer, si elles ne sont pas connues?

Ils ont souvent aboli sans nécessité celles qu'ils ont trouvées établies; c'est-à-dire qu'ils ont jeté les peuples dans les désordres inséparables des changements.

Il est vrai que, par une bizarrerie qui vient plutôt de la nature que de l'esprit des hommes, il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois. Mais le cas est rare; et lorsqu'il arrive, il n'y faut toucher que d'une main tremblante: on y doit observer tant de solennités, et apporter tant de précautions, que le peuple en conclue naturellement que les lois sont bien saintes, puisqu'il faut tant de formalités pour les abroger.

Souvent ils les ont faites trop subtiles, et ont suivi des idées logiciennes plutôt que l'équité naturelle. Dans la suite, elles ont été trouvées trop dures; et, par un esprit d'équité, on a cru devoir s'en écarter: mais ce remède étoit un nouveau mal. Quelles que soient les lois, il faut toujours les suivre, et les regarder comme la conscience publique, à laquelle celle des particuliers doit se conformer toujours.

Il faut pourtant avouer que quelques-uns d'entre eux ont eu une attention qui marque beaucoup de sagesse; c'est qu'ils ont donné aux pères une grande autorité sur leurs enfants: rien ne soulage plus les magistrats; rien ne dégarnit plus les tribunaux; rien enfin ne répand plus de tranquillité dans un État, où les mœurs font toujours de meilleurs citoyens que les lois.

C'est de toutes les puissances celle dont on abuse le moins; c'est la plus sacrée de toutes les magistratures; c'est la seule qui ne dépend pas des conventions, et qui les a même précédées.

On remarque que, dans les pays où l'on met dans les mains paternelles plus de récompenses et de punitions, les familles sont mieux réglées: les pères sont l'image du créateur de l'univers, qui, quoiqu'il puisse conduire les hommes par son amour, ne laisse pas de se les attacher encore par les motifs de l'espérance et de la crainte.

Je ne finirai pas cette lettre sans te faire remarquer la bizarrerie de l'esprit des François. On dit qu'ils ont retenu des lois romaines un nombre infini de choses inutiles, et même pis; et ils n'ont pas pris d'elles la puissance paternelle, qu'elles ont établie comme la première autorité légitime.

A Paris, le 18 de la lune de Saphar, 1715.

LETTRE LXXX.

LE GRAND EUNUQUE A USBEK.

A Paris.

Hier des Arméniens menèrent au sérail une jeune esclave de Circassie, qu'ils vouloient vendre. Je la fis entrer dans les appartements secrets, je la déshabillai, je l'examinai avec les regards d'un juge; et plus je l'examinai, plus je lui trouvai de grâces. Une pudeur virginale sembloit vouloir les dérober à ma vue; je vis tout ce qu'il lui en coûtoit pour obéir: elle rougissoit de se voir nue, même devant moi, qui, exempt des passions qui peuvent alarmer la pudeur, suis inanimé sous l'empire de ce sexe, et qui, ministre de la modestie dans les actions les plus libres, ne porte que de chastes regards, et ne puis inspirer que l'innocence.

Dès que je l'eus jugée digne de toi, je baissai les yeux: je lui jetai un manteau d'écarlate, je lui mis au doigt un anneau d'or; je me prosternai à ses pieds, je l'adorai comme la reine de ton cœur; je payai les Arméniens; je la dérobai à tous les yeux. Heureux Usbek! tu possèdes plus de beautés que n'en enferment tous les palais d'Orient. Quel plaisir pour toi de trouver, à ton retour, tout ce que la Perse a de plus ravissant, et de voir dans ton sérail renaître les grâces, à mesure que le temps et la possession travaillent à les détruire!

Du sérail de Fatmé, le 1er de la lune de Rebiab 1, 1715.

LETTRE LXXXI.

USBEK A RHÉDI.

A Venise.

Depuis que je suis en Europe, mon cher Rhédi, j'ai vu bien des gouvernements: ce n'est pas comme en Asie, où les règles de la politique se trouvent partout les mêmes.

J'ai souvent pensé en moi-même, pour savoir quel de tous les gouvernements étoit le plus conforme à la raison. Il m'a semblé que le plus parfait est celui qui va à son but à moins de frais; et qu'ainsi celui qui conduit les hommes de la manière qui convient le plus à leur penchant et à leur inclination est le plus parfait.

Si, dans un gouvernement doux, le peuple est aussi soumis que dans un gouvernement sévère, le premier est préférable, puisqu'il est plus conforme à la raison, et que la sévérité est un motif étranger.

Compte, mon cher Rhédi, que dans un État les peines plus ou moins cruelles ne font pas que l'on obéisse plus aux lois. Dans les pays où les châtiments sont modérés, on les craint comme dans ceux où ils sont tyranniques et affreux.

Soit que le gouvernement soit doux, soit qu'il soit cruel, on punit toujours par degrés; on inflige un châtiment plus ou moins grand à un crime plus ou moins grand. L'imagination se plie d'elle-même aux mœurs du pays où l'on vit: huit jours de prison, ou une légère amende, frappent autant l'esprit d'un Européen nourri dans un pays de douceur, que la perte d'un bras intimide un Asiatique. Ils attachent un certain degré de crainte à un certain degré de peine, et chacun la partage à sa façon: le désespoir de l'infamie vient désoler un François qu'on vient de condamner à une peine qui n'ôteroit pas un quart d'heure de sommeil à un Turc.

D'ailleurs je ne vois pas que la police, la justice et l'équité soient mieux observées en Turquie, en Perse, chez le Mogol, que dans les républiques de Hollande, de Venise, et dans l'Angleterre même; je ne vois pas qu'on y commette moins de crimes; et que les hommes, intimidés par la grandeur des châtiments, y soient plus soumis aux lois.

Je remarque au contraire une source d'injustice et de vexations au milieu de ces mêmes États.

Je trouve même le prince, qui est la loi même, moins maître que partout ailleurs.

Je vois que, dans ces moments rigoureux, il y a toujours des mouvements tumultueux; où personne n'est le chef; et que, quand une fois l'autorité violente est méprisée, il n'en reste plus assez à personne pour la faire revenir;

Que le désespoir même de l'impunité confirme le désordre, et le rend plus grand;

Que, dans ces États, il ne se forme point de petite révolte, et qu'il n'y a jamais d'intervalle entre le murmure et la sédition;

Qu'il ne faut point que les grands événements y soient préparés par de grandes causes; au contraire, le moindre accident produit une grande révolution, souvent aussi imprévue de ceux qui la font que de ceux qui la souffrent.

Lorsqu'Osman, empereur des Turcs, fut déposé, aucun de ceux qui commirent cet attentat ne songeoit à le commettre; ils demandoient seulement en suppliants qu'on leur fît justice sur quelque grief: une voix, qu'on n'a jamais connue, sortit de la foule par hasard; le nom de Mustapha fut prononcé, et soudain Mustapha fut empereur.

De Paris, le 2 de la lune de Rebiab 1, 1715.

LETTRE LXXXII.

NARGUM, ENVOYÉ DE PERSE EN MOSCOVIE, A USBEK.

A Paris.

De toutes les nations du monde, mon cher Usbek, il n'y en a pas qui ait surpassé celle des Tartares, ni en gloire, ni dans la grandeur des conquêtes. Ce peuple est le vrai dominateur de l'univers; tous les autres semblent être faits pour le servir: il est également le fondateur et le destructeur des empires; dans tous les temps il a donné sur la terre des marques de sa puissance; dans tous les âges il a été le fléau des nations.

Les Tartares ont conquis deux fois la Chine, et ils la tiennent encore sous leur obéissance.

Ils dominent sur les vastes pays qui forment l'empire du Mogol.

Maîtres de la Perse, ils sont assis sur le trône de Cyrus et de Gustape. Ils ont soumis la Moscovie. Sous le nom de Turcs, ils ont fait des conquêtes immenses dans l'Europe, l'Asie et l'Afrique; et ils dominent sur ces trois parties de l'univers.

Et, pour parler de temps plus reculés, c'est d'eux que sont sortis presque tous les peuples qui ont renversé l'empire romain.

Qu'est-ce que les conquêtes d'Alexandre, en comparaison de celles de Genghiscan?

Il n'a manqué à cette victorieuse nation que des historiens, pour célébrer la mémoire de ses merveilles.

Que d'actions immortelles ont été ensevelies dans l'oubli! que d'empires par eux fondés, dont nous ignorons l'origine! Cette belliqueuse nation, uniquement occupée de sa gloire présente, sûre de vaincre dans tous les temps, ne songeoit point à se signaler dans l'avenir par la mémoire de ses conquêtes passées.

De Moscou, le 4 de la lune de Rebiab 1, 1715.

LETTRE LXXXIII.

RICA A IBBEN.

A Smyrne.

Quoique les François parlent beaucoup, il y a cependant parmi eux une espèce de dervis taciturnes qu'on appelle chartreux: on dit qu'ils se coupent la langue en entrant dans le couvent; et on souhaiteroit fort que tous les autres dervis se retranchassent de même tout ce que leur profession leur rend inutile.

A propos de gens taciturnes, il y en a de bien plus singuliers que ceux-là, et qui ont un talent bien extraordinaire. Ce sont ceux qui savent parler sans rien dire, et qui amusent une conversation pendant deux heures de temps sans qu'il soit possible de les déceler, d'être leur plagiaire, ni de retenir un mot de ce qu'ils ont dit.

Ces sortes de gens sont adorés des femmes: mais ils ne le sont pourtant pas tant que d'autres, qui ont reçu de la nature l'aimable talent de sourire à propos, c'est-à-dire à chaque instant, et qui portent la grâce d'un gracieuse approbation sur tout ce qu'elles disent.

Mais ils sont au comble de l'esprit lorsqu'ils savent entendre finesse à tout, et trouver mille petits traits ingénieux dans les choses les plus communes.

J'en connois d'autres qui se sont bien trouvés d'introduire dans les conversations les choses inanimées, et d'y faire parler leur habit brodé, leur perruque blonde, leur tabatière, leur canne et leurs gants. Il est bon de commencer de la rue à se faire écouter par le bruit du carrosse, et du marteau qui frappe rudement la porte: cet avant-propos prévient pour le reste du discours; et quand l'exorde est beau, il rend supportables toutes les sottises qui viennent ensuite, mais qui par bonheur arrivent trop tard.

Je te promets que ces petits talents, dont on ne fait aucun cas chez nous, servent bien ici ceux qui sont assez heureux pour les avoir, et qu'un homme de bons sens ne brille guère devant ces sortes de gens.

De Paris, le 6 de la lune de Rebiab 2, 1715.

LETTRE LXXXIV.

USBEK A RHÉDI.

A Venise.

S'il y a un Dieu, mon cher Rhédi, il faut nécessairement qu'il soit juste: car, s'il ne l'étoit pas, il seroit le plus mauvais et le plus imparfait de tous les êtres.

La justice est un rapport de convenance, qui se trouve réellement entre deux choses: ce rapport est toujours le même, quelque être qui le considère, soit que ce soit Dieu, soit que ce soit un ange, ou enfin que soit un homme.

Il est vrai que les hommes ne voient pas toujours ces rapports; souvent même lorsqu'ils les voient, ils s'en éloignent; et leur intérêt est toujours ce qu'ils voient le mieux. La justice élève sa voix; mais elle a peine à se faire entendre dans le tumulte des passions.

Les hommes peuvent faire des injustices, parce qu'ils ont intérêt de les commettre, et qu'ils aiment mieux se satisfaire que les autres. C'est toujours par un retour sur eux-mêmes qu'ils agissent: nul n'est mauvais gratuitement; il faut qu'il y ait une raison qui détermine, et cette raison est toujours une raison d'intérêt.

Mais il n'est pas possible que Dieu fasse jamais rien d'injuste: dès qu'on suppose qu'il voit la justice, il faut nécessairement qu'il la suive; car, comme il n'a besoin de rien, et qu'il se suffit à lui-même, il seroit le plus méchant de tous les êtres, puisqu'il le seroit sans intérêt.

Ainsi, quand il n'y auroit pas de Dieu, nous devrions toujours aimer la justice; c'est-à-dire faire nos efforts pour ressembler à cet être dont nous avons une si belle idée, et qui, s'il existoit, seroit nécessairement juste. Libres que nous serions du joug de la religion, nous ne devrions pas l'être de celui de l'équité.

Voilà, Rhédi, ce qui m'a fait penser que la justice est éternelle, et ne dépend point des conventions humaines; et quand elle en dépendroit, ce seroit une vérité terrible qu'il faudrait se dérober à soi-même.

Nous sommes entourés d'hommes plus forts que nous; ils peuvent nous nuire de mille manières différentes, les trois quarts du temps ils peuvent le faire impunément: quel repos pour nous de savoir qu'il y a dans le cœur de tous ces hommes un principe intérieur qui combat en notre faveur, et nous met à couvert de leurs entreprises!

Sans cela nous devrions être dans une frayeur continuelle; nous passerions devant les hommes comme devant les lions; et nous ne serions jamais assurés un moment de notre vie, de notre bien, ni de notre honneur.

Toutes ces pensées m'animent contre ces docteurs qui représentent Dieu comme un être qui fait un exercice tyrannique de sa puissance; qui le font agir d'une manière dont nous ne voudrions pas agir nous-mêmes, de peur de l'offenser; qui le chargent de toutes les imperfections qu'il punit en nous; et, dans leurs opinions contradictoires, le représentent tantôt comme un être mauvais, tantôt comme un être qui hait le mal et le punit.

Quand un homme s'examine, quelle satisfaction pour lui de trouver qu'il a le cœur juste! Ce plaisir, tout sévère qu'il est, doit le ravir: il voit son être autant au-dessus de ceux qui ne l'ont pas qu'il se voit au-dessus des tigres et des ours. Oui, Rhédi, si j'étois sûr de suivre toujours inviolablement cette équité que j'ai devant les yeux, je me croirois le premier des hommes.

A Paris, le 1er de la lune de Gemmadi 1, 1715.

LETTRE LXXXV.

RICA A ***.

Je fus hier aux Invalides: j'aimerois autant avoir fait cet établissement, si j'étois prince, que d'avoir gagné trois batailles. On y trouve partout la main d'un grand monarque. Je crois que c'est le lieu le plus respectable de la terre.

Quel spectacle que de voir dans un même lieu rassemblées toutes ces victimes de la patrie, qui ne respirent que pour la défendre; et qui, se sentant le même cœur, et non pas la même force, ne se plaignent que de l'impuissance où elles sont de se sacrifier encore pour elle!

Quoi de plus admirable que de voir ces guerriers débiles, dans cette retraite, observer une discipline aussi exacte que s'ils y étoient contraints par la présence d'un ennemi, chercher leur dernière satisfaction dans cette image de la guerre, et partager leur cœur et leur esprit entre les devoirs de la religion et ceux de l'art militaire!

Je voudrois que les noms de ceux qui meurent pour la patrie fussent écrits et conservés dans les temples, dans des registres qui fussent comme la la source de la gloire et de la noblesse.

A Paris, le 15 de la lune de Gemmadi 1, 1715.

LETTRE LXXXVI.

USBEK A MIRZA.

A Ispahan.

Tu sais, Mirza, que quelques ministres de Cha-Soliman avoient formé le dessein d'obliger tous les Arméniens de Perse de quitter le royaume, ou de se faire mahométans, dans la pensée que notre empire seroit toujours pollué, tandis qu'il garderoit dans son sein ces infidèles.

C'étoit fait de la grandeur persane, si dans cette occasion l'aveugle dévotion avoit été écoutée.

On ne sait comment la chose manqua; ni ceux qui firent la proposition, ni ceux qui la rejetèrent, n'en connurent les conséquences: le hasard fit l'office de la raison et de la politique, et sauva l'empire d'un péril plus grand que celui qu'il auroit pu courir de la perte de trois batailles et de la prise de deux villes.

En proscrivant les Arméniens, on pensa détruire en un seul jour tous les négociants, et presque tous les artisans du royaume. Je suis sûr que le grand Cha-Abas auroit mieux aimé se faire couper les deux bras que de signer un ordre pareil, et qu'en envoyant au Mogol et aux autres rois des Indes ses sujets les plus industrieux, il auroit cru leur donner la moitié de ses États.

Les persécutions que nos mahométans zélés ont faites aux Guèbres les ont obligés de passer en foule dans les Indes; et ont privé la Perse de cette laborieuse nation, si appliquée au labourage, qui seule, par son travail, étoit en état de vaincre la stérilité de nos terres.

Il ne restoit à la dévotion qu'un second coup à faire: c'étoit de ruiner l'industrie; moyennant quoi l'empire tomboit de lui-même, et avec lui, par une suite nécessaire, cette même religion qu'on vouloit rendre si florissante.

S'il faut raisonner sans prévention, je ne sais, Mirza, s'il n'est pas bon que dans un État il y ait plusieurs religions.

On remarque que ceux qui vivent dans des religions tolérées se rendent ordinairement plus utiles à leur patrie que ceux qui vivent dans la religion dominante; parce que, éloignés des honneurs, ne pouvant se distinguer que par leur opulence et leurs richesses, ils sont portés à en acquérir par leur travail, et à embrasser les emplois de la société les plus pénibles.

D'ailleurs, comme toutes les religions contiennent des préceptes utiles à la société, il est bon qu'elles soient observées avec zèle. Or qu'y a-t-il de plus capable d'animer ce zèle, que leur multiplicité?

Ce sont des rivales qui ne se pardonnent rien. La jalousie descend jusqu'aux particuliers: chacun se tient sur ses gardes, et craint de faire des choses qui déshonoreroient son parti, et l'exposeroient aux mépris et aux censures impardonnables du parti contraire.

Aussi a-t-on toujours remarqué qu'une secte nouvelle introduite dans un État étoit le moyen le plus sûr pour corriger tous les abus de l'ancienne.

On a beau dire qu'il n'est pas de l'intérêt du prince de souffrir plusieurs religions dans son État. Quand toutes les sectes du monde viendroient s'y rassembler, cela ne lui porteroit aucun préjudice; parce qu'il n'y en a aucune qui ne prescrive l'obéissance et ne prêche la soumission.

J'avoue que les histoires sont remplies des guerres de religion: mais, qu'on y prenne bien garde, ce n'est point la multiplicité des religions qui a produit ces guerres, c'est l'esprit d'intolérance qui animoit celle qui se croyoit la dominante.

C'est cet esprit de prosélytisme, que les Juifs ont pris des Égyptiens, et qui d'eux est passé, comme une maladie épidémique et populaire, aux mahométans et aux chrétiens.

C'est enfin cet esprit de vertige, dont les progrès ne peuvent être regardés que comme une éclipse entière de la raison humaine.

Car enfin, quand il n'y auroit pas de l'inhumanité à affliger la conscience des autres, quand il n'en résulteroit aucun des mauvais effets qui en germent à milliers, il faudroit être fou pour s'en aviser. Celui qui veut me faire changer de religion ne le fait sans doute que parce qu'il ne changeroit pas la sienne quand on voudroit l'y forcer: il trouve donc étrange que je ne fasse pas une chose qu'il ne feroit pas lui-même, peut-être pour l'empire du monde.

A Paris, le 26 de la lune de Gemmadi 1, 1715.

LETTRE LXXXVII.

RICA A ***.

Il semble ici que les familles se gouvernent toutes seules: le mari n'a qu'une ombre d'autorité sur sa femme, le père sur ses enfants, le maître sur ses esclaves; la justice se mêle de tous leurs différends; et sois sûr qu'elle est toujours contre le mari jaloux, le père chagrin, le maître incommode.

J'allai l'autre jour dans le lieu où se rend la justice. Avant que d'y arriver, il faut passer sous les armes d'un nombre infini de jeunes marchandes, qui vous appellent d'une voix trompeuse. Ce spectacle d'abord est assez riant; mais il devient lugubre lorsqu'on entre dans les grandes salles, où l'on ne voit que des gens dont l'habit est encore plus grave que la figure. Enfin on entre dans le lieu sacré où se révèlent tous les secrets des familles, et où les actions les plus cachées sont mises au grand jour.

Là, une fille modeste vient avouer les tourments d'une virginité trop longtemps gardée, ses combats, et sa douloureuse résistance: elle est si peu fière de sa victoire, qu'elle menace toujours d'une défaite prochaine; et pour que son père n'ignore plus ses besoins, elle les expose à tout le peuple.

Une femme effrontée vient ensuite exposer les outrages qu'elle a faits à son époux, comme une raison d'en être séparée.

Avec une modestie pareille, une autre vient dire qu'elle est lasse de porter le titre de femme sans en jouir: elle vient révéler les mystères cachés dans la nuit du mariage; elle veut qu'on la livre aux regards des experts les plus habiles, et qu'une sentence la rétablisse dans tous les droits de la virginité. Il y en a même qui osent défier leurs maris, et leur demander en public un combat que les témoins rendent si difficile: épreuve aussi flétrissante pour la femme qui la soutient que pour le mari qui y succombe.

Un nombre infini de filles ravies ou séduites font les hommes beaucoup plus mauvais qu'ils ne sont. L'amour fait retentir ce tribunal: on n'y entend parler que de pères irrités, de filles abusées, d'amants infidèles, et de maris chagrins.

Par la loi qui y est observée, tout enfant né pendant le mariage est censé être au mari: il a beau avoir de bonnes raisons pour ne le pas croire; la loi le croit pour lui, et le soulage de l'examen et des scrupules.

Dans ce tribunal, on prend les voix à la majeure; mais on a reconnu par expérience qu'il vaudrait mieux les recueillir à la mineure: et cela est bien naturel; car il y a très-peu d'esprits justes, et tout le monde convient qu'il y en a une infinité de faux.

A Paris, le 1er de la lune de Gemmadi 2, 1715.

LETTRE LXXXVIII.

RICA A ***.

On dit que l'homme est un animal sociable. Sur ce pied-là, il me paroît que le François est plus homme qu'un autre, c'est l'homme par excellence; car il semble être fait uniquement pour la société.

Mais j'ai remarqué parmi eux des gens qui non-seulement sont sociables, mais sont eux-mêmes la société universelle. Ils se multiplient dans tous les coins, et peuplent en un instant les quatre quartiers d'une ville: cent hommes de cette espèce abondent plus que deux mille citoyens; ils pourroient réparer aux yeux des étrangers les ravages de la peste ou de la famine. On demande dans les écoles si un corps peut être en un instant en plusieurs lieux; ils sont une preuve de ce que les philosophes mettent en question.

Ils sont toujours empressés, parce qu'ils ont l'affaire importante de demander à tous ceux qu'ils voient où ils vont et d'où ils viennent.

On ne leur ôteroit jamais de la tête qu'il est de la bienséance de visiter chaque jour le public en détail, sans compter les visites qu'ils font en gros dans les lieux où l'on s'assemble; mais, comme la voie en est trop abrégée, elles sont comptées pour rien dans les règles de leur cérémonial.

Ils fatiguent plus les portes des maisons à coups de marteau, que les vents et les tempêtes. Si l'on alloit examiner la liste de tous les portiers, on y trouveroit chaque jour leur nom estropié de mille manières en caractères suisses. Ils passent leur vie à la suite d'un enterrement, dans des compliments de condoléance, ou dans des sollicitations de mariage. Le roi ne fait point de gratification à quelqu'un de ses sujets, qu'il ne leur en coûte une voiture pour lui en aller témoigner leur joie. Enfin, ils reviennent chez eux, bien fatigués, se reposer, pour pouvoir reprendre le lendemain leurs pénibles fonctions.

Un d'eux mourut l'autre jour de lassitude, et on mit cette épitaphe sur son tombeau: «C'est ici que repose celui qui ne s'est jamais reposé. Il s'est promené à cinq cent trente enterrements. Il s'est réjoui de la naissance de deux mille six cent quatre-vingts enfants. Les pensions dont il a félicité ses amis, toujours en des termes différents, montent à deux millions six cent mille livres; le chemin qu'il a fait sur le pavé, à neuf mille six cents stades; celui qu'il a fait dans la campagne, à trente-six. Sa conversation étoit amusante; il avoit un fonds tout fait de trois cent soixante-cinq contes: il possédoit d'ailleurs, depuis son jeune âge, cent dix-huit apophthegmes tirés des anciens, qu'il employoit dans les occasions brillantes. Il est mort enfin à la soixantième année de son âge. Je me tais, voyageur; car comment pourrois-je achever de te dire ce qu'il a fait et ce qu'il a vu?»

A Paris, le 3 de la lune de Gemmadi 2, 1715.

FIN DU TOME PREMIER.


CALENDRIER

EMPLOYÉ DANS LES LETTRES PERSANES.

Les Persans possédaient anciennement une année solaire composée de douze mois. Mais le triomphe de l'islamisme mit fin à l'usage du calendrier national et introduisit chez tous les peuples musulmans les noms des mois arabes, qui sont employés dans les Lettres persanes.

L'année des Arabes et des musulmans est purement lunaire et ne reçoit point de mois intercalaires comme l'année juive. Elle se divise en douze mois de 29 ou de 30 jours, dont voici les noms, selon la transcription adoptée aujourd'hui:

Moharrem, Safar, Rébi premier, Rébi second, Djoumâda premier, Djoumâda second, Redjeb, Cha'ban, Ramadhân (que les Persans prononcent Ramazân), Cheoual, Dhou'l-qa'da et Dhou'l-hidja (les Persans disent: Zou'l-qadè, Zou'l-hidjè).

Il est facile de reconnaître dans ces noms ceux qui figurent successivement dans les dates de chaque lettre: Maharram, Saphar, Rébiab 1 et 2, Gemmadi 1 et 2, Régheb, Chahban, Rhamazan, Chalval, Zilcadé, Zilhagé.

Le défaut absolu de concordance entre cette année lunaire et notre année solaire fait qu'un mois quelconque, celui de Ramadhân, par exemple, qui est celui du carême musulman, tombe successivement en décembre, novembre, octobre, etc., par une avance annuelle de onze à douze jours.

Les Persans, ainsi que les Arabes, commencent la semaine au dimanche, à l'imitation des Juifs, et par conséquent la finissent au samedi, que les Arabes nomment yaum-el-sebt et les Persans rouz-i-chembeh, c'est-à-dire «jour du sabbat.» Le vendredi, qui chez les musulmans est le jour de repos, s'appelle en arabe yaum-el-djouma', «jour de l'assemblée,» et en persan adîne'i ou azîneh, «fête.» Les autres jours n'ont pas de nom particulier; les Arabes disent: premier, second, troisième, quatrième, cinquième jour (yaum el-ahad, yaum el-ithnéïn, yaum el-thalathâ, yaum el-arba'â, yaum el-khamîs); les Persans: un du sabbat, deux du sabbat, trois du sabbat, quatre du sabbat, cinq du sabbat (yek chembeh, dou chembeh, seh chembeh, tchâr chembeh, pendj chembeh).

(Cette note est due à l'obligeance de M. Marcel Devic, traducteur d'Antar.)


NOTES ET VARIANTES.

(Voir l'Index, t. II, pour l'histoire, la religion, la philosophie, le droit public et privé, les mœurs orientales et européennes.)

Quelques réflexions sur les lettres persanes.

Cet avant-propos n'a été publié qu'en 1754, en tête du Supplément. (Cologne, Pierre Marteau, deux tomes in-12, avec les Lettres turques de Saint-Foix.)

«En parlant de notre religion, ces Persans ne doivent pas...» (Voir la note de la page 53.) L'abbé Gaultier (Les Lettres persannes convaincues d'impiété, 1751) n'admet pas cette excuse commode.

«Infinité d'expressions sublimes, qui l'auroient envoyé jusque dans les nues.» (Texte de 1721.)

L'édition de 1754 et la plupart des suivantes donnent: «ennuyé jusque dans les nues.»

Il semble qu'il y ait là une coquille.

Lettre I.

Supprimée dans la seconde édition, revue, corrigée, diminuée et augmentée par l'auteur (2 tomes in-12, Cologne, Pierre Marteau, 1721).

La suppression a peut-être été motivée par ces mots: «le tombeau de la Vierge qui a mis au monde douze prophètes.» (Fatime, fille de Mahomet, épouse d'Ali.)

Lettre II.

«Tu leur commandes, et leur obéis.» (1754.)

1721 1re: «et tu leur obéis.»

Lettre III.

«Je comptai pour rien la pudeur.» (1754.)

1721 1re: «je comptois...»

Lettre V. Supprimée dans 1721 2e Marteau.

Lettre VI (I de 1721 2e Marteau).

«Au milieu des perfides Osmanlins.» (1754.)

1721 1re: «Osmalins

«Je n'ai que des âmes lâches qui m'en répondent.» (1754.)

1721 1re: «que des lâches...»

Lettre VII (V de 1721 2e Marteau).

«que toi dans le monde qui mérites d'être aimé.» 1721 1re, 1754: «qui mérite

«Je donnerois l'empire du monde pour un seul de tes baisers...

privée de celui qui peut seul les satisfaire...

dans la fureur d'une passion irritée...

1721 2e Marteau: «Je quitterois pour toi l'empire du monde...

privée de celui qui peut seul les calmer...

dans la fureur des passions

Lettre VIII (VI de 1721 2e Marteau).

1721 1re, 1754: 20 Gemmadi 2, 1711.

1721 2e: 12 Gemmadi 2, 1711.

Lettre IX (VII de 1721 2e Marteau).

«Un flux et un reflux d'empire.» (1754.)

1721 1re: «un flux et reflux.»

«me font faire de fausses confidences.» (1754.)

1721 1re: «faire fausses confidences.»

«J'ai autant d'ennemies dans son cœur qui ne songent qu'à me perdre.»

1721 2e ajoute: «qu'il y a de femmes dans le sérail.»

Lettre X (fondue avec la suivante dans 1721 2e Marteau).

Dans 1721 2e, le 1er paragraphe est supprimé, les deux autres sont modifiés. (Voir la suivante.)

Lettre XI (VIII de 1721 2e Marteau).

Les Troglodytes. Voyez Hérodote, IV, 133; Pomponius Méla, I; Plutarque, Marc Antoine.

Dans 1721 2e, le premier paragraphe, supprimé, est remplacé par un résumé de la précédente, sans altération de sens.

«Mais ils conjurèrent contre lui.» Tournure latine. Le français a préféré la forme réfléchie: se conjurer.

«Je me procurerai tous mes besoins et pourvu que je les aie...»

Locutions elliptiques et peu correctes.

«que cette femme soit à vous, ou à vous.» (1754).

1721 1re: «à moi ou à vous.» Ce qui n'a pas de sens.

Lettre XII (IX de 1721 2e Marteau).

Lettre XIII (X de 1721 2e).

Lettre XIV (XI de 1721 2e).

Lettre XV (1re du Supplément de 1754).

Lettre XVI (XV de 1721 1re, supprimée dans 1721 2e Marteau).

Les trois tombeaux: ceux de Fatime et de deux personnages de sa famille.

Il y a aussi à Com des tombeaux de rois.

Lettre XVII (XVI de 1721 1re, XII de 1721 2e Marteau).

Lettre XVIII (XVII de 1721 1re, XIII de 1721 2e Marteau).

Lettre XIX (XVIII de 1721 1re; XIV de 1721 2e).

Lettre XX (XIX de 1721 1re, XV de 1721 2e).

Lettre XXI (XX de 1721 1re, XVI de 1721 2e).

Lettre XXII (2e du Supplément de 1754).

Lettre XXIII (XXI de 1721 1re, XVII de 1721 2e).

«témoignage du génie des ducs de Toscane.»

1721 1re: «de génie....»

«Leurs beaux-frères

1721 1re, et 1754: beaufrères.

«Les persanes en ont quatre» (voiles). Aujourd'hui, elles n'en ont plus qu'un, nommé Roubend.

Lettre XXIV (XXII de 1721 1re, XVIII de 1721 2e).

«Il lui fait croire que trois ne sont qu'un...»

Supprimé dans 1721 2e Marteau.

Le papier monnaie était connu anciennement en Chine, et dès le XIIIe siècle en Perse.

Constitution (bulle Unigenitus) du pape Clément XI contre les Réflexions morales du père Quesnel.

Lettre XXV (XXIII de 1721 1re, supprimée dans 1721 2e).

Lettre XXVI (XXIV de 1721 1re, XIX de 1721 2e).

«parmi vos esclaves, qui me trahirent...»

1721 1re et 1754: «qui vous trahirent...» Coquille.

«enivré des plus grandes faveurs sans avoir obtenu les moindres.» (1754.)

1721 1re: «sans en avoir...»

Lettre XXVII (XXV de 1721 1re, XX de 1721 2e).

«par les caravanes d'Arméniens...»

1721 1re: «d'Arménie...»

Lettre XXVIII (XXVI de 1721 1re, XXI de 1721 2e).

Lettre XXIX (XXVII de 1721 1re, XXII de 1721 2e).

Lettre XXX (XXVIII de 1721 1re, XXIII de 1721 2e).

Lettre XXXI (XXIX de 1721 1re, XXIV de 1721 2e).

Lettre XXXII (XXX de 1721 1re, supprimée dans 1721 2e).

«Maison où l'on entretient environ trois cents personnes assez pauvrement.» Les Quinze-Vingts.

Lettre XXXIII (XXXI de 1721 1re, XXV de 1721 2e).

Lettre XXXIV (XXXII de 1721 1re, XXVI de 1721 2e).

Les deux éditions, 1721, donnent Rica à Ibben;

1754: Usbek à Ibben. Même contexte.

Lettre XXXV (XXXIII de 1721 1re, XXVII de 1721 2e).

Vivement incriminée dans la brochure du père Gaultier, 1751: Les Lettres persannes convaincues d'impiété.

«Ali, qui était le plus beau de tous les hommes.» Expressions d'un psaume, qu'on applique au Messie.

Lettre XXXVI (XXXIV de 1721 1re, XXVIII de 1721 2e).

«Dispute la plus mince qu'il se puisse imaginer.»

1721, 1re: «qui se puisse imaginer.»

Lettre XXXVII (XXXV de 1721 1re, XXIX de 1721 2e).

Louis XIV avait en 1713 75 ans; il régnait depuis soixante-dix.

Le ministre de 18 ans: peut-être Barbezieux, fils de Louvois, ministre à 23 ans, mort en 1701 (?).

La maîtresse de 80 ans: la Maintenon.

«nous n'avons point d'exemple dans nos histoires. «

1721 1re: «d'exemples

Lettre XXXVIII (XXXVI de 1721 1re, XXX de 1721 2e).

Lettre XXXIX (XXXVII de 1721 1re, XXXI de 1721, 2e).

«qui a fait le pélerinage de la Mecque.»

1721 1re: «à la Mecque.»

«que la nature de la femme ne cessât d'être immonde, et que le membre viril ne fût livré à la circoncision.»

1721 2e Marteau: «que la femme ne cessât d'être immonde et que l'homme ne fût livré...»

Lettre XL (XXXVIII 1721 1re, XXXII 1721 2e).

«va sottement se mettre dans une balance et se faire peser.»

1721 1re: «et se fait peser.»

Lettres XLI-XLIII (XXXIX-XLI de 1721 1re; supprimées dans 1721 2e).

Lettre XLIV (XLII de 1721 1re, XXXIII 1721 2e).

«quand le Kan de Tartarie.»

1721 1re: «le Cam

Lettre XLV (XLIII de 1721 1re, XXXIV 1721 2e).

«faubourg Saint-Germain.»

1721, 1754: faux bourg.

«J'ai loué un hôtel deux mille écus.»

1721 1re: «de deux mille écus.»

Lettre XLVI (XLIV 1721 1re, XXXV 1721 2e).

«dans un caravansérail

1721 1re: caravanserai; 1754: caravansera.

Incriminée dans la brochure: Lettres persannes convaincues d'impiété, 1752, à cause de la prière du déiste.

Lettre XLVII (XLV 1721 1re, supprimée dans 1721 2e).

«annoncer le courouc

Pour les femmes du roi, le courouc se publie d'avance, et tout homme qui n'en tient compte court risque de la vie. Pour les autres femmes, les eunuques à cheval autour des litières crient courouc, courouc (arrière!) et bâtonnent ou transpercent les curieux.

Lettre XLVIII (XLVI 1721 1re, XXXVI 1721 2e).

Ils valent bien la peine qu'on les détrompe.» (1721 1re.)

1754: «Ils valent la peine;» semble une omission.

«Étudier sur cette foule de gens qui y abordoit sans cesse, dont les caractères me présentoient...» (1754.)

Beaucoup d'éditions plus modernes, entre autres Lefèvre 1820, donnent: «étudier cette foule de gens qui y abordoient et dont...»

«qui ne m'ait donné la torture plus de deux cents fois; et cependant je...» (1721, 1754.)

Ed. Lefèvre 1820: qui ne m'ait donné deux cents fois la torture, et je...» (d'après quelle autorité?)

«Il excelle par son cuisinier: aussi n'en est-il pas ingrat...» Singulière tournure.

«C'est un homme excellent.» (1754.)

Ed. Lefèvre 1820: «il est excellent.» (?)

«certaine femme dans le monde qui pestera un peu.» (1754.)

Ed. Lefèvre 1820: «qui ne sera pas de bonne humeur.» (?)

«La mettre à deux doigts de ma perte.» (1721, 1754.)

C'est le texte vrai et le plus fin aussi.

La plupart des éditions, y compris Lefèvre 1820, donnent: «de sa perte.» Ce qui n'a pas de sens.

Lettre XLIX (XLVII de 1721 1re, XXXVII de 1721 2e).

Lettre L (XLVIII de 1721 1re, XXXVIII de 1721 2e).

Lettre LI (XLIX de 1721 1re, XXXIX de 1721 2e).

«Depuis Moscou.»

1721 1re: Moscov; 1754: Moscow.

Sévérité de Pierre le grand. V. Esprit des lois, XIX, 14.

Lettre LII (L de 1721 1re, XL de 1721 2e).

«J'ai ouï dire à feu ma sœur.»

1721 1re, et 1754: «feuë ma sœur.»

«se dérober à la plus affligeante de toutes les idées.»

1721 1re: «se dérober la plus affligeante...»

Lettre LIII (LI de 1721 1re, XLI de 1721 2e).

Lettres LIV-LXIV (LII-LXII 1721 1re, XLII-LII 1721 2e).

LXI, Ambroise et Théodose, V. Spinoza, Tractatus theologico-politicus, 49.

Incriminée dans les Lettres persannes convaincues d'impiété.

LXIII: «et se plie sans effort aux mœurs...»

1721 1re, 1754: «et je plie.»

Lettre LXIV: «Se plaisoit de me les faire exercer même et de...»

1721 2e: «à me les faire exercer même et à...»

Lettre LXV (LXIII 1721 1re, supprimée dans 1721 2e).

Lettre LXVI (LXIV 1721 1re, LIII 1721 2e).

Lettre LXVII (LXV 1721 1re, LIV 1721 2e).

Tefflis (Tiflis), capitale de la Géorgie.

Lettre LXVIII (LXVI 1721 1re, LV 1721 2e).

Lettre LXIX (LXVII 1721 1re, LVI 1721 2e).

Violemment incriminée dans les Lettres persannes convaincues d'impiété, où elle est citée d'après 1721 2e.

«dont il fit un tout pour ressembler.» (1754.)

1721 1re: «un tout qu'il crut ressembler.»

Le dernier alinéa est une addition du Supplément de 1754.

Lettre LXX (LXVIII 1721 1re, supprimée dans 1721 2e).

Lettre LXXI (LXIX 1721 1re, supprimée dans 1721 2e).

Lettre LXXII (LXX 1721 1re, LVII 1721 2e).

«Rica à Usbek.» (1754.)

Éditions antérieures: «Rica à Ibben

Lettre LXXIII (LXXI 1721 1re, LXI 1721 2e).

Le code des jugements de l'Académie, c'est son dictionnaire.

«un bâtard, qui avait déjà paru,» c'est le dictionnaire de Furetière, dont la publication anticipée fit expulser l'auteur de l'Académie.

«Il semble qu'il soit fait pour parler...» (1754.)

1721 1re: «qu'ils soient faits...»

Lettre LXXIV (LXXII 1721 1re, LXII 1721 2e).

Lettre LXXV (LXXIII 1721 1re, LXIII 1721 2e).

Leur demandent de leur prouver ce qu'ils sont résolus de ne pas croire.»

1721 1re: «demandent qu'ils prouvent ce qu'ils ne veulent pas croire.»

«Je sais bien empêcher la religion.»

1721 1re: «je sais empêcher...»

«Ils abaissoient par là les seigneurs.»

1721 1re: «parce qu'ils abaissoient...»

Lettre LXXVI (LXXIV 1721 1re, LXIV 1721 2e).

Incriminée dans les Lettres persannes convaincues d'impiété.

«Cent millions de têtes comme la nôtre.» (1754, 1758, etc.)

1721, 1730, etc.: «cent millions de terres...»

Lettre LXXVII (3e du Supplément de 1754).

Correctif tardif à la précédente.

Lettre LXXVIII (LXXV 1721 1re, LXV 1721 2e).

«Le seul de leurs livres qui soit bon.» Don Quichotte.

«Des nations qui leur sont inconnues;» à ce qu'il paraît, les Batuécas. Mais l'accusation est invraisemblable.

Lettre LXXIX (LXXVI 1721 1re, LXVI 1721 2e).

Lettre LXXX (LXXVII 1721 1re, LXVII 1721 2e).

Lettres LXXXI-LXXXIII (LXXVIII-LXXX 1721 1re, LXVIII-LXX 1721 2e).

Lettre LXXXIV (LXXXI 1721 1re, LXXI 1721 2e).

Incriminée dans les Lettres persannes convaincues d'impiété.

«Cette raison est toujours une raison d'intérêt.» (1754.)

1721 1re: «est toujours raison d'intérêt.»

Lettre LXXXV (LXXXII 1721 1re; LXXXII 1721 2e).

Lettre LXXXVI (LXXXIII 1721 1re, LXXIII 1721 2e).

Lettre LXXXVII (LXXXIV 1721 1re, LXXIV 1721 2e).

«La justice se mêle de tous leurs différends.» (1758.)

Cette proposition nécessaire est omise dans 1721 1re et 1754.

Elle se trouve dans 1721 2e, avec une légère différence:

«se mêle de toutes leurs affaires

«nombre infini de jeunes marchandes.» Allusion aux galeries du palais (sujet d'une comédie de Corneille) habitées et fréquentées comme le sont les galeries du Palais Royal.

Lettre LXXXVIII (LXXXV 1721 1re, LXXV 1721 2e).


TABLE DES MATIÈRES DU TOME PREMIER.

Préface de l'éditeur.
Quelques réflexions sur les Lettres persanes.
Introduction.
LETTRE I.Usbek à son ami Rustan
LETTRE II.Usbek au premier eunuque noir (Roman). Il lui recommande ses femmes
LETTRE III.Zachi à Usbek (Roman). Elle lui rappelle dans quelles circonstances il l'a préférée à ses compagnes
LETTRE IV.Zéphis à Usbek (Roman). Ce qu'elle faisait avec son esclave Zélide
LETTRE V.Rustan à Usbek
LETTRE VI.Usbek à son ami Nessir (Roman). Ses inquiétudes sur la conduite de ses femmes
LETTRE VII.Fatmé à Usbek (Roman). Hallucinations d'une femme ardente, privée de son mari
LETTRE VIII. Usbek à son ami Rustan. Véritable cause du voyage d'Usbek
LETTRE IX. Le premier eunuque à Ibbi. Position des eunuques dans le sérail. Leurs tortures morales
LETTRE X.Mirza à son ami Usbek
LETTRE XI.Usbek à Mirza. Histoire des Troglodytes
LETTRE XII.Usbek à Mirza. Même sujet
LETTRE XIII.Usbek à Mirza. Même sujet
LETTRE XIV.Usbek à Mirza. Même sujet
LETTRE XV.Le premier eunuque à Jaron (Roman)
LETTRE XVI.Usbek au mollak Méhémet-Ali gardien des trois tombeaux à Com
LETTRE XVII.Usbek au même. Il l'interroge sur certaines prohibitions relatives aux viandes immondes
LETTRE XVIII.Méhémet-Ali, serviteur des prophètes, à Usbek. Légendes mahométanes sur l'éléphant, le cochon, le rat, le lion et le chat
LETTRE XIX.Usbek à son ami Rustan. Faiblesse de l'empire turc
LETTRE XX.Usbek à Zachi, sa femme (Roman). Jalousie contre un eunuque blanc. Familiarités de Zachi avec la jeune Zélide
LETTRE XXI.Usbek au premier eunuque blanc (Roman)
LETTRE XXII.Jaron au premier eunuque (Roman). Inquiétudes conjugales d'Usbek
LETTRE XXIII.Usbek à son ami Ibben. Étonnement des Orientaux qui entrent pour la première fois dans une ville chrétienne
LETTRE XXIV.Rica à Ibben. Activité des Parisiens. Puissance de Louis XIV. Le roi et le pape grands magiciens. La Constitution de Clément XI contre le père Quesnel
LETTRE XXV.Usbek à Ibben
LETTRE XXVI.Usbek à Roxane (Roman). Avantage de la réclusion pour la chasteté des femmes. Longue résistance de Roxane. Coquetterie des Européennes
LETTRE XXVII.Usbek à Nessir (Roman)
LETTRE XXVIII.Rica à ***. Peinture animée du théâtre en France. Lettre d'une fille d'Opéra séduite par un abbé
LETTRE XXIX.Rica à Ibben. Le pape, les évêques, les hérésies, l'inquisition
LETTRE XXX.Rica au même. Curiosité et badauderie parisiennes
LETTRE XXXI.Rhédi à Usbek. Venise privée d'eau vive
LETTRE XXXII.Rica à ***. Les Quinze-vingts. Adresse des aveugles à se conduire
LETTRE XXXIII.Usbek à Rhédi. Ivrognerie des princes orientaux. Breuvages consolateurs
LETTRE XXXIV.Usbek à Ibben. Beauté des Persanes. Gravité des Asiatiques
LETTRE XXXV.Usbek à Gemchid, son cousin, dervis du brillant monastère de Tauris. Nombreuses conformités du christianisme et du mahométisme
LETTRE XXXVI.Usbek à Rhédi. Le café Procope. Querelle des anciens et des modernes. Barbarie des ergoteurs scolastiques
LETTRE XXXVII.Usbek à Ibben. Vieillesse, goûts et défauts de Louis XIV
LETTRE XXXVIII.Rica à Ibben. La liberté des femmes limitée par la tyrannie des hommes
LETTRE XXXIX.Hagi Ibbi au Juif Ben Josué, prosélyte mahométan. Légendes relatives à la naissance de Mahomet
LETTRE XL.Usbek à Ibben. Vanité des pompes et cérémonies funèbres
LETTRE XLI.Le premier eunuque noir à Usbek (Roman). Il veut mutiler un esclave
LETTRE XLII.Pharan à Usbek, son souverain seigneur (Roman). Il ne veut pas être mutilé
LETTRE XLIII.Usbek à Pharan (Roman). Il lui fait grâce de la mutilation
LETTRE XLIV.Usbek à Rhédi. Mépris réciproque où se tiennent l'église, l'épée et la robe. Portrait d'un roi de Guinée. Orgueil du kan de Tartarie
LETTRE XLV.Rica à Usbek. Monomanie d'un alchimiste
LETTRE XLVI.Usbek à Rhédi. Puérilité des cérémonies et observances religieuses. Prière d'un déiste
LETTRE XLVII.Zachi à Usbek (Roman). Les parties de campagne des Persanes
LETTRE XLVIII.Usbek à Rhédi. Portrait du fermier général, du directeur de consciences, du poëte parasite, du vieux militaire grognon, de l'homme à bonnes fortunes
LETTRE XLIX.Rica à Usbek. Le capucin et les missions
LETTRE L.Rica à ***. La modestie naturelle à la vertu. Portrait d'un fat
LETTRE LI.Nargum, envoyé de Perse en Moscovie, à Usbek. Mœurs, climat, puissance, politique de la Russie. Voyages et réformes de Pierre le Grand. Lettre d'une jeune mariée russe
LETTRE LII.Rica à Usbek. Quatre âges de femmes
LETTRE LIII.Zélis à Usbek (Roman). Passion d'un eunuque blanc pour Zélide. Réflexions piquantes de Zélis à ce sujet
LETTRE LIV.Rica à Usbek. Utilité des compères dans les conversations du monde
LETTRE LV.Rica à Ibben. Brutalités du mariage en Europe. Infidélité tolérée par les maris
LETTRE LVI.Usbek à Ibben. Portrait de vieilles joueuses
LETTRE LVII.Usbek à Rhédi. Les casuistes et la casuistique
LETTRE LVIII.Rica à Rhédi. Les métiers et les industries de Paris
LETTRE LIX.Rica à Usbek. Les vieillards jugent tout d'après les idées de leur jeunesse. Les dieux faits à l'image des hommes
LETTRE LX.Usbek à Ibben. Les Juifs partout semblables à eux-mêmes. Calme dont ils jouissent en Europe. Antiquité de leur religion
LETTRE LXI.Usbek à Rhédi. Difficultés de la position des ecclésiastiques dans le monde laïque
LETTRE LXII.Zélis à Usbek (Roman). Discipline du sérail nécessaire pour inculquer aux femmes la subordination
LETTRE LXIII.Rica à Usbek. Avantage de la liberté des femmes
LETTRE LXIV.Le chef des eunuques noirs à Usbek (Roman). Désordres dans le sérail. Conseils dictés par l'expérience du grand eunuque
LETTRE LXV.Usbek à ses femmes (Roman). Menaces et adjurations
LETTRE LXVI.Rica à ***. Contre les sots livres et les compilateurs
LETTRE LXVII.Ibben à Usbek. Histoire d'Aphéridon et d'Astarté, frère et sœur mariés selon la loi des Guèbres
LETTRE LXVIII.Rica à Usbek.
Frivolité des juges, rôle des avocats
LETTRE LXIX.Usbek à Rhédi. Limites de la puissance divine. Incompatibilité de la prescience divine avec la liberté humaine
LETTRE LXX.Zélis à Usbek (Roman). Affront fait à une jeune mariée par son mari
LETTRE LXXI.Usbek à Zélis (Roman). Usbek plaint le beau-père. Incertitude des preuves de la virginité
LETTRE LXXII.Rica à Ibben. Contre ceux qui tranchent sur tout
LETTRE LXXIII.Rica à ***. Peinture satirique de l'Académie française
LETTRE LXXIV.Rica à Usbek. La morgue des grands seigneurs
LETTRE LXXV.Usbek à Rhédi. Tiédeur de la foi des chrétiens. Le christianisme laisse subsister la traite des nègres
LETTRE LXXVI.Usbek à son ami Ibben. Apologie du suicide
LETTRE LXXVII.Ibben à Usbek. Justification des lois qui flétrissent le suicide
LETTRE LXXVIII.Rica à Usbek. Lettre d'un Français sur les mœurs, le flegme, la dévotion, la jalousie, la politesse, la littérature des Espagnols et des Portugais
LETTRE LXXIX.Usbek à Rhédi. Préjugés, minuties, subtilités, omissions des législateurs
LETTRE LXXX.Le grand eunuque à Usbek (Roman). Examen et achat d'une Circassienne
LETTRE LXXXI.Usbek à Rhédi. Supériorité rationnelle des gouvernements doux, des pénalités modérées et des institutions républicaines. Périls du despotisme pour le despote lui-même
LETTRE LXXXII.Nargum, envoyé de Perse en Moscovie, à Usbek. Les conquêtes des Tartares
LETTRE LXXXIII.Rica à Ibben. Les taciturnes (chartreux), les diseurs de rien, les poseurs
LETTRE LXXXIV.Usbek à Rhédi. Dieu et la justice. L'un ne serait pas que l'autre resterait obligatoire
LETTRE LXXXV.Rica à ***. Éloge des invalides et de ceux qui meurent pour la patrie
LETTRE LXXXVI.Usbek à Mirza. Allusions aux désastreux effets de la révocation de l'édit de Nantes. Appel à la tolérance
LETTRE LXXXVII.Rica à ***. Les querelles de famille devant les tribunaux
LETTRE LXXXVIII.Rica à ***. Sociabilité, ubiquité d'un français. Épitaphe d'un curieux mort de lassitude
Calendrier employé dans les lettres persanes
Notes et variantes.

FIN DE LA TABLE DU TOME PREMIER.


OUVRAGES DE M. ANDRÉ LEFÈVRE.

Les Finances de Champagne aux XIIIe et XIVe siècles.

La Flute de Pan, 2e édition. Hetzel.

La Lyre intime. Ibid.

Virgile et Kalidasa. Ibid.

L'Epopée terrestre. Marpon.

La Vallée du Nil (avec M. H. Cammas). Hachette.

Les Merveilles de l'architecture, 3e édit. Ibid.

Les Parcs et les Jardins, 2e édit. Ibid.

La Pensée nouvelle, en collaboration avec MM. Louis Asseline, A. Coudereau, Ch. Letourneau, P. Lacombe, etc. 2 vol. gr. in-8o.

Napoléon Ier (in-32). Bureaux de l'Éclipse.

Les Finances particulières de Napoléon III. J. Rouquette.

Imp. Eugène HEUTTE et Ce, à Saint-Germain.

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