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Manuel complet des fabricans de chapeaux en tous genres

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Chapeaux oursons ou à poil.

Ce qui constitue la différence qui existe entre la formation des mi-poils et des oursons, c'est, 1º que les premières ne reçoivent que deux poses, et jamais au-delà de trois, tandis qu'on en applique aux derniers cinq, et que ces poses ne sont données que lorsque le fond se trouve complètement foulé; 2º qu'après que la dernière pose a été foulée à chaud, on sansouille le chapeau pendant environ une demi-heure, c'est-à-dire qu'on le plonge en entier dans la chaudière et qu'on le promène vivement dans l'eau en sens contraire. Cette rapide agitation dans l'eau opère un si bon effet sur la plume qu'elle en dégage tous les poils, qui dès lors, n'adhérant au feutre que par leur base, y sont implantés comme les cheveux des perruques sur le tissu qui leur sert le fond, on, si l'on veut, comme sur la peau de l'animal.

Après cette opération, et après que l'ourson est égoutté, dressé et séché, on le peigne pour en séparer les noeuds ou pelotons de poil qui peuvent s'y trouver 37 .

Note 37: (retour) Nous ajouterons ici une remarque intéressante de M. Morel. Les chapeaux à plume, dit-il, de quelque genre qu'ils soient, sont flambés avant de recevoir la première pose. Pour cela, quand l'ouvrier a réduit le fond à la taille où il doit être posé, il l'égoutte le plus possible à l'aide du roulet, et fait passer au-dessus d'un feu de paille ou de copeaux, les surfaces sur lesquelles les poses doivent être appliquées, afin de les débarrasser des poils qui les couvrent et qui nuiraient à l'introduction de ceux qui composent la plume. On donne après ce flambage un léger coup de frottoir, pour bien nettoyer ces surfaces.

Les chapeaux dits plumets, ainsi que les bordés, etc., ne diffèrent des oursons qu'en ce qu'on ne les dore comme ceux-ci que d'un côté ou seulement sur les bords, etc.; comme le procédé ne diffère en rien de celui que nous venons d'exposer, nous nous abstiendrons de toute répétition.

Nous passerons également sous silence la fabrication des chapeaux qui varient par leur force, leur légèreté, leur grandeur et leur forme: les premiers sont relatifs à la quantité et à la qualité des matières qu'on emploie au feutrage, les autres sont relatifs aux modes qui se succèdent si rapidement. Ainsi, outre les chapeaux à forme basse et haute carrée, on en fait de cylindriques, de coniques, etc.; on fabrique aussi des bonnets de chasse, des casquettes, toques, schakos, etc. Le mode de fabrication est constamment le même, ainsi que pour les étoffes carrées en feutre qui ont reçu de nos jours de nombreuses applications tant pour la toilette que pour les ameublemens. La forme à leur donner varie suivant l'emploi qu'on veut en faire; c'est principalement au bâtissage qu'on leur donne celle qu'on désire. Nous n'entrerons point dans d'autres détails à ce sujet: ce serait nous écarter de notre but: nous nous bornerons à dire que les plus grandes pièces en feutre qu'on ait encore pu fabriquer ne dépassent pas cinq pieds carrés.

Teinture des chapeaux.

Chaque fabricant de chapeaux a ses procédés de teinture dont il fait un secret. Malgré cela nous ne craignons pas de dire que cette partie de l'art est encore bien loin d'avoir atteint le degré de perfectionnement nécessaire, et auquel l'oeil investigateur du chimiste peut le porter. Ceux qui se sont occupés avec succès de la teinture spéciale des chapeaux, n'ont pas assez tenu compte des procédés particuliers auxquels ont été soumis les poils et matières employés, principalement de l'opération du feutrage qui exerce une telle action ou même altération des poils, qu'outre leur couleur qui change, leur propriété feutrante s'accroît considérablement. Les diverses opérations du feutrage doivent donc rendre ces étoffes moins aptes à recevoir la teinture, malgré qu'on les dégorge bien en apparence. Ajoutons à cela que pour les bains de teinture, indépendamment des substances insolubles et par conséquent nulles qu'on ajoute aux autres ingrédiens, et qui ne font que compliquer l'opération, le sulfate de fer réagit à la longue sur le tissu par son acide, tandis qu'une partie de l'oxide se péroxidant, par l'absorption de l'oxigène de l'air, prend une couleur rougeâtre, et fait passer le noir du chapeau au noir brunâtre. C'est ce qui a porté les bons fabricans à remplacer le sulfate de fer (couperose verte) par un autre sel de fer dont l'acide n'exerçât aucune action sur le tissu. Ainsi l'on emploie maintenant avec quelque succès l'acétate de fer, et mieux, à l'instar des Anglais, le citrate de ce métal; malheureusement il est trop cher. La Société d'encouragement pour l'industrie nationale, convaincue de la défectuosité des procédés de teinture des chapeaux, en a fait un de ses sujets de prix. Nous croyons devoir en rapporter le programme en entier à cause des vues intéressantes qu'il renferme.

Prix pour le perfectionnement de la teinture des chapeaux.

Les matières colorantes sont ou simples ou composées, c'est-à-dire que tantôt ce sont des substances sui generis qu'on ne fait qu'extraire des corps qui les contiennent, et d'autres fois elles résultent de la réunion de plusieurs élémens, qui constituent entre eux une véritable combinaison insoluble à proportions déterminées et qui affecte une couleur assez prononcée pour qu'on en puisse tirer parti en teinture. La couleur simple se fixe au moyen d'un mordant; l'autre se produit dans le bain de teinture, et se précipite sur le tissu, ou bien on en détermine la formation sur le tissu lui-même en l'imprégnant successivement des diverses matières qui entrent dans cette composition. Nous ne citerons point ici les nombreux exemples connus de ces deux espèces de teinture; nous nous occuperons seulement de la composition qui produit le noir. En général cette couleur n'est autre, comme on sait, que la réunion de l'acide gallique avec l'oxide de fer, et cette multitude d'ingrédiens qu'on ajoute à ces deux principes ne sert, selon toute apparence, qu'à nourrir ou à lustrer la teinte. Considérant donc les choses dans leur plus grand état de simplicité, nous voyons que, pour teindre en noir, il ne s'agit que de produire du gallate de fer, et de le combiner avec la matière organique qu'on veut revêtir de cette couleur. Or, toute combinaison, pour être intime, nécessite un contact immédiat; il faut donc que les surfaces qui doivent être réunies soient d'une grande netteté, et c'est en effet un principe reçu en teinture qu'une couleur sera d'autant plus belle et plus pure que la surface des fibres aura été mieux débarrassée de toute substance étrangère, mieux décapée, si on peut se servir de cette expression. Une autre conséquence de ce même principe, c'est qu'on doit éviter de rien interposer entre les surfaces à teindre et les molécules teignantes, et c'est là très probablement un des graves inconvéniens dans lesquels tombent constamment les teinturiers en chapeaux. Ils composent leur bain d'une foule d'ingrédiens qui contiennent une grande quantité de substances insolubles: c'est au milieu de l'espèce de magma ou de boue qui en résulte que la teinture doit s'opérer. On conçoit dès lors que la couleur se trouvera nécessairement sale et nuancée par tous ces corps étrangers qui viennent s'y intercaler; et de là la nécessité de surcharger en matière colorante pour masquer ces défauts; et la fibre, ainsi enveloppée, perd tout son lustre et sa souplesse.

En s'appuyant sur ces données théoriques, la marche qui semblerait la plus rationnelle consisterait donc:

1º A n'employer que les substances rigoureusement nécessaires pour la production du noir; /p>

2º A n'agir, pour les corps solubles, que sur des dissolutions filtrées ou tirées à clair;

3º A porter le fer à son médium d'oxidation, soit en calcinant la couperose ordinaire, soit en faisant bouillir sa dissolution avec un peu d'acide nitrique, soit enfin en traitant la rouille de fer par l'acide acétique ou autre acide susceptible de dissoudre cet oxide.

En teinture on a généralement observé, relativement à ce dernier point, que l'acide sulfurique du sulfate de fer exerçait sur les fibres une influence préjudiciable, et plusieurs praticiens ont proposé avec raison de lui substituer l'acide acétique. On obtient, en effet, par ce moyen des résultats beaucoup plus favorables; et si le succès n'a pas toujours été complet, cela ne tient, sans aucun doute, qu'à la mauvaise confection de ce produit, qui se livre rarement fabriqué convenablement. Le plus ordinairement on sert, pour cet objet, de l'acide pyroligneux brut, ou qui n'a subi tout au plus qu'une simple rectification; dans cet état, il contient encore une grande quantité de goudron, qui se dépose çà et là sur l'étoffe, et empêche que l'engallage et par conséquent la teinture ne prennent également. C'est donc de l'acide provenant de la décomposition de l'acétate de soude par l'acide sulfurique qu'il faut se servir, et non de l'acide brut ou ayant subi une seule distillation; l'emploi du pyrolignite bien préparé offre le double avantage de ne déterminer aucune altération de la fibre organique, et de faciliter en outre sa combinaison avec l'oxide de fer. Cet acide volatil abandonne avec tant de facilité les bases qui lui sont combinées, qu'il mérite en ce sens la préférence sur tous les autres.

Tel est l'ensemble des observations que l'état actuel de la science permet d'indiquer; mais il se pourrait qu'ici, comme dans beaucoup d'autres circonstances, la théorie ne marchât pas d'accord avec la pratique. Nous avons blâmé, par exemple, et tout semble y autoriser, l'emploi de ces bains bourbeux, dans lesquels les molécules teignantes se trouvent tellement disséminées, que leur rapprochement ne peut s'effectuer qu'avec les plus grandes difficultés; mais ne serait-il pas possible que ces entraves fussent plus favorables que nuisibles, en ne permettant, comme dans le tannage, qu'une combinaison lente et successive, et par cela même plus complète? Ce n'est donc qu'avec beaucoup de réserve que nous présentons les vues précédentes, et on doit les considérer plutôt comme un sujet d'expériences et d'observations que comme un résultat définitif et absolu.

La Société d'encouragement, voulant favoriser autant qu'il est en elle l'amélioration qu'elle réclame dans l'intérêt commun, propose un prix de trois mille francs pour celui qui indiquera un procédé de teinture en noir pour chapeaux, tel que la couleur soit susceptible de résister à l'action prolongée des rayons solaires sans que le lustre ou la souplesse des poils en soit sensiblement altéré.

Les conditions essentielles à remplir par les concurrens sont les suivantes:

1º Les mémoires seront remis avant le 1er juillet 1830;

2º Les procédés y seront décrits d'une manière claire et précise, et les doses de chaque ingrédient y seront indiquées en poids connus;

3º Chaque mémoire sera accompagné d'échantillons teints par les procédés proposés.

Le prix sera décerné, s'il y a lieu, dans la séance générale du second semestre 1830.

Nous allons maintenant faire connaître les procédés généralement suivis pour la teinture des chapeaux; nous ajouterons ensuite les améliorations diverses qui ont été proposées.

Préparation des chapeaux pour la teinture.

Après que les chapeaux ont été soigneusement vérifiés par le fabricant, et marqués dans l'intérieur de la forme avec un fer chaud pour en indiquer la qualité, on leur fait subir les quatre opérations suivantes:

Le robage. On doit d'abord peigner les chapeaux flamands et ceux à plume; quant aux chapeaux à poil ordinaire, on les robe, c'est-à-dire qu'on en brosse doucement la surface avec un morceau de peau de chien de mer, afin de produire un poil court, épais et fin.

L'assortiment. Assortir un chapeau, c'est le placer, après l'opération précédente, dans une forme semblable à celle qu'il doit avoir, en ayant soin de prendre une forme un peu plus haute que celle du dressage à la foule, afin que la ficelle n'occupe pas le même point que celui où elle se trouvait à la foule, et d'éviter ainsi les compressions du feutre qui produisent des espèces d'étranglemens. C'est ce qu'en termes de l'art on nomme baisser le lien.

L'enficelage. Après avoir fait entrer en partie les chapeaux sur les formes convenables et les avoir arrêtés avec une ficelle, on les plonge dans un bain d'eau bouillante pure pour les dégorger et extraire la crème de tartre que le poil peut contenir; après les avoir tenus quelques instans dans la chaudière couverte, on les retire et on les pose sur des plateaux semblables à ceux de la foule, et ayant à leur extrémité inférieure un rebord qui porte l'eau qui s'écoule des feutres hors de la chaudière. C'est alors qu'on tire le feutre sur la forme, jusqu'à ce qu'il y soit bien appliqué et qu'il n'offre aucun pli. On fait alors deux tours de ficelle vers le milieu de la forme au moyen d'un noeud coulant qu'on serre médiocrement. On chauffe ensuite le feutre à la chaudière, et l'on enfonce la ficelle jusqu'à la base de la forme. On plonge le chapeau dans la chaudière, et l'on finit de bien étendre le feutre sur la forme en le billottant, c'est-à-dire en frappant le plat de la forme sur un billot, et faisant suivre le mouvement à la ficelle qui se trouve arrêtée un peu au-dessus du premier lien du dressage, attendu, comme nous l'avons déjà dit, que la forme pour la teinture est plus forte que celle de la foule; par ce moyen on évite que le chapeau ne se coupe en cet endroit. Quand ce nouveau dressage est complet, on plonge de nouveau le chapeau dans l'eau bouillante, on le remet à plat sur le plateau ou le banc, on l'égoutte avec la pièce, et on le retire au carrelet pour faire revenir le poil; on procède ensuite à la teinture de la manière suivante.

Bain de teinture.

Nous avons déjà dit que la composition de la teinture était très variable; il nous serait impossible de rapporter toutes celles qui sont connues. Nous allons nous borner à présenter une des plus généralement suivies, celle qui a été décrite par M. Robiquet; la voici:

Teinture pour trois cents chapeaux, de M. Robiquet.

Bois de campêche haché.
Noix de galles concassées.
Gomme du pays, idem.
Sulfate de fer
Vert-de-gris (sous-acétate de cuivre).
Eau pure.
100
16
6
12
7
4-1/2
 livres




 muids

On fait bouillir, pendant environ deux heures et demie, le bois de campêche, la noix de galles et la gomme dans l'eau, en remuant souvent le mélange; on laisse tomber le bouillon et l'on ajoute le vert-de-gris et le sulfate de fer. Au bout de quelques instans, on peut mettre en teinture. Voici comment on y procède d'après M. Robiquet 38 . On couvre le bain des chapeaux posés sur tête; sur cette première couche on en place une seconde, forme sur forme; la troisième se dispose comme la première, et la quatrième comme la seconde, ainsi de suite jusqu'à ce que la moitié des chapeaux (cent cinquante) soit placée. On couvre de planches ce dernier lit, et on le charge de poids afin que tous les chapeaux puissent plonger également, et que le bain ait une chaleur plus uniforme. On laisse ainsi environ une heure et demie, puis on relève, on laisse égoutter quelques instans sur les bords de la chaudière, et l'on place les chapeaux sur des tablettes. Après cela, on verse trois ou quatre seaux d'eau froide dans la chaudière, on fait bouillir, et l'on y plonge ensuite les autres cent cinquante chapeaux de la même manière que ci-dessus. Pendant ce temps, les chapeaux du premier bain restent exposés à l'air; par cette exposition, évent en temps de l'art, la couleur noire prend plus d'intensité à mesure que l'oxide du gallate de fer, en en absorbant l'oxigène, passe au summum d'oxidation. On donne alternativement une chaude, ou immersion, et un évent; mais comme dans chaque chaude le feutre absorbe une partie de la matière colorante, il est bon d'ajouter de nouvelles proportions des principales matières employées. Ainsi M. Robiquet prescrit d'ajouter:

Note 38: (retour) Loco citato.

1º Pour la première chaude de la seconde partie des chapeaux:

Vert-de-gris en poudre.      3 livres.
Sulfate de fer.              4 id.

On réitère cette addition avant la cinquième et la sixième chaude, et l'on répète les chaudes et les évens jusqu'à trois ou quatre fois pour chaque moitié de chapeaux, et quelquefois au-delà. Nous conseillons d'ajouter auparavant deux livres de noix de galles concassées. Il est des teinturiers qui emploient des proportions plus grandes de ces ingrédiens, mais nous les croyons inutiles.

On abrège beaucoup cette opération, dit le chimiste précité, en employant le sulfate de fer en solution dans l'eau, laquelle a été long-temps exposée à l'air pour en suroxider le fer, ou bien en la faisant bouillir avec un peu d'acide nitrique. On peut aussi dessécher et même calciner un peu le sulfate de fer; par ce moyen on obtient plus promptement un noir plus beau, et que certains fabricans croient même plus solide. A cette méthode on vient d'en substituer une plus avantageuse et plus expéditive; c'est, au lieu du sulfate de fer, l'emploi du pyro-acétate ou de l'acétate de fer. Ce dernier sel est préférable, à moins que le premier ne soit bien dépouillé du goudron que l'acide pyro-acétique (pyroligneux) contient, et qui, rendant les poils glutineux, en rend la dessication difficile. Les Anglais emploient avec beaucoup d'avantage le citrate de fer.

Le bain de teinture doit être tenu à une haute température; car, d'après un ancien adage des teinturiers, qui bout bien teint bien. Après chaque opération, les teinturiers plongent ordinairement les chapeaux dans un bain d'eau bouillante, et les égouttent à la pièce 39 , afin d'en chasser toutes les impuretés, et de rendre le feutre plus apte à prendre la nouvelle teinture.

Note 39: (retour) La pièce est un outil en cuivre, dont on se sert pour faire sortir le liquide et les impuretés que peut contenir le feutre.

Si les chapeaux à teindre sont d'une même qualité, on ne doit pas négliger, à chaque chaude 40 , de les placer alternativement au fond de la chaudière. Quand au contraire, les chapeaux sont de diverses qualités, on doit mettre les plus fins au fond de la chaudière, et les autres au-dessus, attendu que les matières les plus fines sont celles qui s'unissent à plus de matière colorante. Les chapeaux fins, façon flamande, pur poil de dos de lièvre d'hiver, peuvent recevoir sans danger huit ou neuf chaudes; il en est de même des mi-poil, oursons et dorés; mais on doit opérer à une température plus basse, et en employant moins de sulfate de fer. Dans tous les cas, on doit ranger les feutres dans la chaudière de manière à ce qu'ils ne puissent subir aucune altération.

Note 40: (retour) La chaude est également connue sous le nom de plongée ou de feu; sa durée est de une heure et demie à deux heures.

Pour obtenir un noir intense et solide, il faut préparer un bain de teinture riche en couleur, et ne point se servir du vieux bain épuisé pour l'engallage des feutres. Ce procédé, dit M. Mackensie 41 , est très vicieux, et s'oppose à ce que la couleur neuve puisse se fixer sur les poils qui se trouvent déjà imprégnés de la boue qui nage dans l'eau du vieux bain et empêche la couleur de les atteindre. Le bain neuf et limpide rend le duvet brillant, tandis que le vieux bain est toujours boueux et le rend terne. M. Mackensie a raison. Cependant, nous croyons qu'on ne doit point laisser perdre le vieux bain. Il vaudrait peut-être mieux le décanter de dessus les boues, le filtrer et remplacer une grande partie de l'eau du nouveau bain par cette teinture épuisée, mais encore assez chargée de principes colorans. Comme l'économie est l'âme des fabriques, celle-ci nous parait mériter quelque considération.

Note 41: (retour) Loco citato.

Bain de teinture pour 200 chapeaux, de M. Morel.

Bois d'Inde, bois campêche, haché menu.
Noix de galles noires d'Alep, concassées.
Gomme de cerisier.
Vert-de-gris de Montpellier42.
Sulfate de fer.
100
6
5
4
5
 liv.

Note 42: (retour) M. Mackensie donne, avec juste raison, la préférence au vert-de-gris de M. Mollerat, qui est beaucoup plus pur que celui de Montpellier.

On prépare ce bain comme nous l'avons dit ci-dessus. Quant aux additions à faire avant les troisième, septième, neuvième et douzième chaudes, il conseille pour chacune, les mêmes proportions de sulfate de fer, de vert-de-gris, et de noix de galles, que pour le bain primitif; les chapeaux, d'après sa méthode, doivent passer tous huit fois dans la chaudière, c'est-à-dire recevoir huit chaudes et huit évens.

Dès que la teinture ou la brunissure est terminée, on s'empresse de dépouiller le feutre de toutes les impuretés et de la matière colorante non combinée qu'il contient. On y parvient par de nombreux lavages, dans la chaudière de dégorgeage contenant de l'eau pure chauffée à environ cinquante degrés; on les brosse à plusieurs eaux, et on les plonge ensuite dans l'eau bouillante pour les bien dégorger 43; on les porte ensuite à la rivière, et on les sansouille jusqu'à ce que l'eau sorte claire du feutre. Cette opération a le triple avantage de laver le velu, de dégorger le feutre, et de fixer la couleur en même temps. Les chapeaux étant bien égouttés, on les plonge dans l'eau bouillante, on les remet sur forme, et l'on prend soin de les bien laver en les frottant, à la brosse demi-lustre, jusqu'à ce que le velu soit clair et brillant. On les égoutte ensuite soigneusement, et on les fait sécher à l'étuve, chauffée à environ trente-cinq degrés, et non au soleil qui en altère le noir, et fait quelquefois passer au bronze.

Note 43: (retour) Il est des fabricans qui ne les plongent point dans l'eau bouillante; ils se contentent de l'immersion dans la chaudière à cinquante degrés.

Le même fabricant rapporte la recette suivante, de son père M. Morel-Beaujolin, pour 200 chapeaux. En admettant que la quantité d'eau qu'on a dû verser à la manière usitée soit de vingt-cinq voies, et que celle qui se perd à chaque chaude soit de trois seaux, ce qui fait vingt-trois voies de perdues ou évaporées pour la totalité, on doit mettre d'après son procédé quarante-huit voies d'eau, dans laquelle on fait bouillir pendant huit à neuf heures, les mêmes proportions d'ingrédiens; c'est-à-dire, d'abord:

Bois  d'Inde.                100   liv.
Noix de galles d'Alep.        24    id.
Gomme de cerisier.             5    id.

Après cette ébullition, on retire une quantité de décoction égale à l'excès d'eau qu'on y a ajouté, environ vingt-trois voies, et on verse en quatre parties égales dans quatre cuviers ou tonneaux placés près de la chaudière, au fond de chacun desquels on a mis:

Sulfate de fer.                            5   liv.
Sous-acétate de cuivre,(vert-de-gris).     3

On jette ensuite dans la chaudière:

Sulfate de fer.                            5    liv.
Vert-de-gris.                              4

Ces proportions sont les mêmes que celles qu'on prend ordinairement; mais leur emploi est différent. On brasse bien le bain, et demi-heure après la mise des dernières drogues, on y met la première moitié des chapeaux. On opère ensuite comme par les autres méthodes, avec cette différence que l'évaporation de l'eau est remplacée à chaque chaude par la liqueur déposée dans chaque baquet et tonneau, et que l'on agite bien, avant de la verser dans la chaudière.

Quel que soit le mérite de M. Morel-Beaujolin, nous ne croyons pas que ce mode soit jamais adopté par les fabricans, puisqu'il n'offre que des changemens qui nous ont paru alonger l'opération, et la compliquer, au lieu de la simplifier.

Voilà les modes qui étaient les plus suivis pour la teinture. Nous allons maintenant faire connaître les procédés nouveaux qui ont été proposés; nous commencerons par celui de M. Guichardière, qui a été copié en très grande partie par M. Mackensie, ainsi qu'on pourra s'en convaincre en les comparant.

Description des procédés à suivre pour la teinture des chapeaux, et observations sur les perfectionnemens obtenus dans l'art de la chapellerie; par M. GUICHARDIÈRE. (Ann. de l'indust. nat. et étrang., mai 1824, p.131.)

Pour obtenir un noir intense et solide, il faut, d'après l'auteur, composer un bain riche en couleur, et ne jamais se servir, comme le font presque tous les teinturiers, du vieux bain épuisé pour l'engallage des feutres. Le bain neuf et limpide rend le duvet brillant, tandis que le vieux bain est toujours boueux et le rend terne. On doit se servir du verdet en poudre de M. Mollerat, qui est beaucoup plus pur que celui qui vient en pains de Montpellier, et de couperose calcinée (colcotar des anciens, tritoxide de fer rouge des modernes); par ce procédé on brunit beaucoup plus vite, et le noir est bien plus beau, pourvu que la température soit bien réglée, et à la hauteur convenable pour que le feutre ne soit pas altéré. L'auteur entend dire par là que la température la plus haute est celle qui fixe le mieux la couleur. Après chaque opération, il est indispensable de bien dégorger les chapeaux dans un bain d'eau à l'ébullition, et ensuite les bien égoutter à la pièce 44, afin de chasser tous les corps étrangers.

Note 44: (retour) La pièce est un outil en cuivre dont le chapelier se sert pour faire sortir le liquide et les saletés que contient le feutre.

Lorsque le bain est préparé, si les objets à teindre sont d'une seule qualité, il faut avoir soin, dans les divers feux ou plongées qu'ils subissent, de les faire aller au fond de la chaudière alternativement; sans cette précaution on manquerait le but qu'on se propose.

Lorsqu'on a plusieurs qualités de chapeaux à teindre dans le même bain, on doit placer les plus fins au fond de la chaudière, et les moins fins au-dessus, attendu que les atomes colorans se précipitent toujours, et que les matières les plus fines en absorbent une plus grande quantité. Les chapeaux fins, façon flamande, pur poil de dos de lièvre d'hiver, peuvent recevoir sans danger huit ou neuf plongées 45 ; ceux qu'on nomme mi-poil, oursons et dorés peuvent en recevoir autant, mais à une température beaucoup plus basse, et l'on doit employer moins de sulfate de fer (couperose verte.)

Note 45: (retour) On appelle plongée ou chaude, en chapellerie, ce que les teinturiers ordinaires appellent feu. La durée de chaque plongée ou feu est d'une heure et demie à deux heures.

Aussitôt que la bruiture est terminée, on doit débarrasser le feutre de toute la crasse qu'il peut contenir, et qui est produite par les résidus des ingrédiens employés pour la composition du bain. Pour cela, aussitôt que les feutres sortent de la chaudière, on les porte à la rivière où on les lave et on les tord jusqu'à ce que l'eau en sorte claire. Cette opération a le triple avantage de laver le velu, de dégorger le feutre, et de fixer la couleur en même temps. Il faut ensuite plonger les chapeaux dans l'eau bouillante, les remettre sur forme, et avoir soin de les bien laver en les frottant à la brosse demi-lustre jusqu'à ce que le velu soit clair et brillant. On les égoutte autant qu'il est possible, ensuite on les fait sécher dans une étuve modérément chauffée par un poêle, afin d'éviter le bronze produit par l'oxigène qui se combine à la surface, à une haute température. Lorsque les chapeaux sont secs, il faut les baguetter avec le plus grand soin jusqu'à ce qu'il n'en sorte plus de poussière; ensuite on les lustre avec l'eau de rivière, on les fait sécher et on les baguette fortement de nouveau.

Depuis deux ou trois ans la teinture a fait quelques progrès, et plusieurs fabriques fournissent des noirs assez beaux; aussi leurs produits sont très recherchés, tant il est vrai que c'est l'intensité de la couleur, plutôt que la bonté du feutre qui fait vendre les chapeaux. Il est important de remarquer que les Anglais ne font de beau noir que depuis qu'ils ont substitué le citrate de fer au sulfate du même métal; l'auteur pense que le tartrate, le gallate et l'acétate de fer pourraient produire les mêmes effets; il se propose de faire une suite d'expériences sur tous ces sels, et d'en publier les résultats aussitôt qu'elles seront terminées. Il indique ensuite, tels qu'on les lui a communiqués, les procédés employés à Naples et à Trieste pour teindre les chapeaux. Nous nous dispenserons de les citer, les ayant trouvés décrits dans l'ouvrage de Mackensie d'où nous les avons déjà extraits.

Procédé pour teindre les chapeaux; par M. BUFFUM.

Les chapeaux destinés à être teints sont placés sur les chevilles d'une roue verticale tournant sur un axe dans la cuve. A mesure que cette roue tourne, le chapeau plonge dans la teinture et en sort. On peut faire tourner cette roue d'un mouvement très lent, par un engrenage qui fait communiquer son axe à un moteur quelconque, ou bien on peut lui faire faire seulement une demi-révolution, à des intervalles d'environ dix minutes. Par ce procédé, les chapeaux placés sur les chevilles seront alternativement plongés pendant dix minutes dans la teinture, et ensuite ils seront exposés pendant le même temps à l'air atmosphérique. L'auteur pense que cette manière de teindre les chapeaux est très avantageuse, parce qu'en passant successivement du bain de teinture dans l'air, et de l'air dans le bain de teinture, l'oxigénation par l'air atmosphérique fixera plus solidement et plus promptement la matière colorante dans le tissu du chapeau, que par une immersion prolongée pendant un temps beaucoup plus long. (Lond. Journ. of arts, septembre 1828.)

Perfectionnement dans la teinture des chapeaux; par M. PICHARD.

L'auteur indique divers perfectionnemens dont la teinture des chapeaux est susceptible. Il propose: 1º de mettre en teinture avec des formes d'osier, afin d'éviter de casser les arêtes et d'arracher les bords; 2º de substituer aux chaudières rondes des chaudières longues; 3º de mettre les chapeaux dans une roue percée à jour, dont une moitié baignerait dans la cuve, tandis que l'autre moitié serait exposée à un courant d'air, de manière à ce que moitié des chapeaux pût s'éventer pendant un temps donné, tandis que l'autre moitié se teindrait, et vice versa. Par ce procédé, les chapeaux ne seraient plus en contact avec le fond de la cuve, on pourrait les agiter dans le bain et à l'air en même temps, en imprimant un mouvement à la roue; on aurait une grande économie de temps, et on obtiendrait un plus beau noir, car les chapeaux, suspendus et agités dans l'air, prendraient beaucoup plus d'oxigène que sur le pavé, où on les jette ordinairement.

Pour teindre cent chapeaux fins, l'auteur emploie la préparation suivante: on fait bouillir, pendant deux heure, dans une chaudière de cuivre chargée d'une quantité d'eau suffisante, six livres de noix de galles concassées et cinquante livres de bois de campêche. Lorsque ce bain, qu'on désignera par le nº 1, sera préparé, on en mettra la moitié dans une chaudière; après y avoir ajouté vingt livres de sulfate de cuivre, on y passera les chapeaux pendant un quart d'heure, on relèvera pendant une demi-heure.

On verse dans la chaudière un tiers de ce qui reste du nº 1, trente livres de pyrolignite de fer; on conserve le feu, on remet en chaudière, on passe pendant un quart d'heure, on abat pendant une heure et demie, on relève, on évente une demi-heure.

On rafraîchit de nouveau avec le deuxième tiers restant du bain nº 1; on chauffe à 75°, on ajoute quinze litres de pyrolignite de fer, on met les chapeaux pendant une demi-heure, on évente une demi-heure.

On remet en chaudière pendant une heure, on évente une demi-heure; on refroidit de nouveau avec le restant du bain nº 1; on fait chauffer à 75°, on ajoute quinze litres de pyrolignite de fer; on met les chapeaux pendant une heure, on évente.

On remet en chaudière pendant une heure et demie, on relève pour laver à l'eau courante; on sèche à l'étuve, on met sur forme et on lustre. (Industriel, décembre, 1828.)

Procédés que les Triestains emploient pour teindre les chapeaux en cinq ou six plongées, de deux heures chacune et autant d'évent.

Pour teindre vingt chapeaux en cloche, avec formillons, les Triestains emploient:

8 livres de bon bois d'Inde;
7 onces de noix de galle noire;
8 onces de bois jaune;
2 livres de couperose verte;
7 onces de vert-de-gris;
8 onces de vitriol de Chypre calciné;
20 petites pierres de tournesol;
2 onces de belle gomme arabique pulvérisée;
16 onces 3/4 de graines de lin.

Nota. Je donne ici la dénomination ancienne, afin qu'elle soit mieux entendu des ouvriers.

Pour préparer le bain, il faut 1° faire tremper le bois d'Inde l'espace de quatre jours, et le faire cuire ensuite pendant six heures;

2° Faire macérer séparément la couperose, le verdet et le tournesol dans l'urine humaine pendant quatre jours, et les faire ensuite bouillir pendant quelques minutes;

3° Composition du bain. On met dans la décoction du bois d'Inde la moitié du verdet, la gomme arabique, trois quarts d'once de graines de lin et dix-huit onces de couperose. On laisse bien dissoudre ces substances.

Première plongée. On plonge les vingt chapeaux; on élève la température à 75°; on les laisse pendant deux heures; on les relève et l'on donne deux heures d'évent.

Deuxième plongée. On ajoute au bain la moitié du verdet non employé et deux onces de couperose; deux heures de bain et autant d'évent.

Troisième plongée. On ajoute au bain la moitié du verdet non employé et deux onces de couperose; deux heures de bain et autant d'évent.

Quatrième plongée. On ajoute au bain la moitié de la décoction de la noix de galle, la moitié du tournesol, toute la décoction du bois jaune et deux onces de couperose.

Cinquième plongée. On ajoute six onces de cendres gravelées; cet alcali est, en termes de l'art, pour laver le cuivre, c'est-à-dire pour empêcher l'effet du bronze qui se forme ordinairement à la surface; les huit onces de couperose qui restent et le restant de la décoction de noix de galle. Il faut avoir soin, pour éviter le bronze, de bien tourner avec un bâton les chapeaux dans le bain.

Sixième opération. Afin que le noir des chapeaux soit éclatant, on les plonge dans un bain d'eau bouillante dans laquelle on a jeté une livre de farine de graine de lin passée au tamis, en ayant soin de bien égoutter les chapeaux afin de les purger du principe oléagineux.

Observation. Les effets que la haute température des étuves produit sur la couleur des chapeaux méritent d'être étudiés avec soin. Je pense qu'il serait extrêmement important pour les progrès de notre industrie de déterminer autant que possible l'action qu'exerce la chaleur des étuves sur la couleur noire des chapeaux; car il est certain que les feutres qu'on y fait sécher sont d'un noir plus intense et plus brillant que ceux qu'on laisse sécher à l'air libre. L'oxigène ne jouerait-il pas ici le principal rôle, et la température de l'étuve ne favoriserait-elle pas sa combinaison avec les substances qui forment la teinture? Je laisse à d'autres, plus savans que moi, le soin de résoudre ce problème important, et de trouver la cause du fait que je signale.

Procédé des Napolitains pour teindre les chapeaux en deux plongées.

Les Napolitains teignent en deux plongées seulement de trois heures chacune et une demi-heure d'évent 46 . Ce qui facilite beaucoup cette opération et la rend plus courte, c'est qu'ils ne teignent jamais les chapeaux en formes; ils ne se servent que de formillons 47 . En effet, la forme dont nous remplissons nos chapeaux empêche le bain de pénétrer avec facilité du dehors au dedans; la couleur ne peut se communiquer que par l'extérieur, il faut par conséquent beaucoup plus de temps et un plus grand nombre de plongées pour que le bain communique du dehors au dedans en traversant toute l'épaisseur du feutre. A l'aide du formillon, tout l'intérieur du chapeau est vide et le bain entre librement par les deux surfaces, et pénètre plus facilement le feutre. Je regarde cette idée comme extrêmement heureuse.

Note 46: (retour) Jusque là on avait pensé qu'il n'était possible d'obtenir une belle teinture que par le concours de l'air. Par cette raison on donnait un évent d'une aussi longue durée que la plongée. Les Napolitains, entre leurs deux feux, ne donnent qu'une demi-heure d'évent, temps nécessaire pour préparer la seconde plongée ou chaude. Cette pratique semblerait prouver que l'évent est inutile: je m'en assurerai par l'expérience.
Note 47: (retour) On nomme formillon une rondelle de bois d'un pouce d'épaisseur qu'on engage dans le fond de la tête du chapeau, afin de la tenir étendue et l'empêcher de reprendre la forme conique.

Le premier bain se compose d'une forte décoction de bois d'Inde, dans laquelle on ajoute une dose convenable de verdet pour le faire virer au noir, et une certaine quantité d'indigo en liqueur (je pense que c'est de l'indigo dissous dans l'acide sulfurique, ou sulfate d'indigo; cette composition est connue). Aussitôt que ce bain est préparé, on y plonge les chapeaux, on les y laisse trois heures un quart à la température de l'ébullition. Pendant ce temps, les chapeaux s'imprègnent d'un beau noir, mais qui n'a aucune solidité. Ils laissent éventer pendant une demi-heure, temps suffisant pour préparer le deuxième bain.

Le deuxième bain se prépare comme le premier; mais on y ajoute la couperose calcinée, c'est-à-dire le fer oxidé au maximum, le colcotar dont j'ai parlé (car jusqu'ici on n'a pas trouvé le moyen de produire du noir sans oxide de fer); on y plonge de suite les chapeaux pendant le même espace de temps qu'à la première chaude, mais à une température plus basse, 75 à 78° Réaumur. Ce second feu n'est destiné qu'à fixer la couleur.

Trois heures un quart après qu'on a plongé les chapeaux pour la seconde fois, on les retire, on les lave avec soin dans de l'eau de puits froide, on brosse le velu, on les tord jusqu'à ce que les pores du feutre soient entièrement débarrassés des parties crasseuses. On les plonge ensuite dans une chaudière pleine d'eau bouillante pour achever de les dégorger des parties sales qu'ils pourraient encore contenir, et les mettre sur forme. Ils font sécher leurs chapeaux dans une étuve dont la température est très douce: après le séchage, ils les baguettent et les lustrent comme nous.

Les Napolitains connaissent que leur teinture est bonne, lorsqu'ils s'aperçoivent que leur bain est tout-à-fait épuisé.

Je pense que cette manière de teindre est préférable à la nôtre, attendu que nos chapeaux restent à la température de 72° degrés, sous l'influence de l'oxide de fer, pendant seize, dix-huit et souvent vingt heures, ce qui altère et corrode les feutres; tandis que les leurs n'y restent que pendant trois heures un quart; de sorte que les nôtres y restent au moins six fois plus de temps. C'est la raison pour laquelle leurs chapeaux sont plus moelleux et d'un noir plus intense que les nôtres.

Apprêt des chapeaux.

On donne le nom d'apprêt des chapeaux à l'introduction d'une colle qui, tout en laissant à l'étoffe sa flexibilité, en agglutine les parties feutrées, la rend plus consistante, plus ferme, et plus susceptible de conserver la forme qu'on lui donne; enfin, les rend impénétrables à l'eau. La liqueur pour l'apprêt se fait ordinairement avec une solution de gomme et de colle-forte. Quelques fabricans emploient le fiel de boeuf, le vinaigre et quelques autres substances; la gomme et la colle sont préférables. Parmi le grand nombre de recettes connues, nous nous bornerons à citer celle que M. Morel a publiée; la voici:

Bain d'apprêt.

Gomme de pays, suivant sa pureté
Colle-forte, s. q.
Eau.
de 12 à 30 liv.

de 5 à 6 voies.


Sans suivre pas à pas M. Morel, nous dirons qu'on doit nettoyer la gomme autant que possible, la réduire en poudre grossière, la projeter ensuite peu à peu dans l'eau bouillante, en remuant avec une large spatule de bois; quand la gomme est dissoute, il faut passer la liqueur à travers une toile pour en séparer les impuretés. On évite ainsi de faire bouillir pendant douze ou quinze heures, comme le recommande M. Morel; cette ébullition est inutile; elle n'est que longue, dispendieuse et sans aucun résultat. Il suffit de la faire bouillir un quart d'heure et de l'écumer; on verse alors cette solution de gomme dans un tonneau.

L'ouvrier prend alors la colle nécessaire, et en met la moitié tremper dans l'eau pendant vingt-quatre heures, et l'autre moitié dans de la solution de gomme. On fait dissoudre séparément chacune de ces colles dans ces liquides; la solution de colle dans l'eau de gomme prend le nom d'apprêt de la tête. Celle qui a été fondue dans l'eau est unie ordinairement à parties égales avec l'eau de gomme, et d'autres fois dans des proportions différentes, suivant que le feutre doit être plus ou moins ferme et consistant. C'est cette liqueur qu'on nomme, en termes de l'art, apprêt du bord. Voici la manière de donner l'apprêt au chapeau:

Application de l'apprêt.

On commence par faire chauffer et entretenir à environ 50 ou 60 C°, l'apprêt de tête; ensuite, au moyen d'un gros pinceau, on en enduit soigneusement et bien uni l'intérieur des chapeaux qu'on a auparavant disposés sur une forte table, dite bloc, dans laquelle sont ménagés de grands trous pour recevoir la forme des chapeaux. Les chapeaux en cet état sont nommés apprêtés de la tête; on les fait sécher à l'étuve, et on les replace de la même manière sur le bloc. Alors on fait chauffer l'apprêt de bord jusqu'à 60 et 65 C°., et l'apprêteur enduit le bord de dessous du chapeau, qui présente alors la surface supérieure, au moyen d'un gros pinceau, d'une couche d'apprêt du bord, et frappe doucement du plat de la main sur les parties du chapeau ainsi enduites, en faisant tourner peu à peu le chapeau dans le bloc. Après cela, il donne une seconde couche d'apprêt, qu'il fait rentrer avec la main, comme nous venons de le faire connaître, et s'il est tombé un peu d'apprêt dans l'intérieur de la tête, on y passe légèrement le pinceau pour le rendre uni.

M. Robiquet décrit cette opération d'une manière qui nous a paru plus rationnelle; nous allons le laisser parler. On place à côté du bain d'apprêt un bassin en fer poli, muni de son fourneau, et recouvert sur son fond d'une toile mouillée; l'apprêteur renverse le chapeau sur le bloc, trempe la brosse dans l'apprêt, et en imprègne le bord intérieur du chapeau, en ayant soin de ne pas atteindre jusqu'au tour; il asperge fortement la toile du bassin pour développer beaucoup de vapeur; il y applique le chapeau du côté de l'apprêt, qui s'introduit à mesure que la vapeur pénètre. On retire après deux ou trois minutes, puis on replace le chapeau dans le bloc, et l'on reconnaît, en passant le plat de la main, si la surface n'est plus gluante; ce qui supposerait que l'apprêt n'a pas pénétré assez avant; alors il faudrait l'exposer à la vapeur. L'excès contraire doit être évité soigneusement; car, si l'apprêt arrive jusqu'à l'autre surface, le chapeau devient galeux, et l'on est obligé de le dégorger au savon chaud, et de recommencer l'opération. Lorsque l'apprêt du bord est terminé, on apprête le chapeau en tête, en appliquant au pinceau, vers le milieu du fond, une rosette de colle-forte, qu'on recouvre sur-le-champ de deux couches d'apprêt, plus épais et moins chaud que celui qui a servi pour le bord, et qu'on étend sur tout le dedans du chapeau sans le faire rentrer attendu que l'intérieur de la tête est couvert par la coiffe. Ce procédé est plus expéditif que le précédent, qui nécessite d'ailleurs l'opération suivante pour son complément.

Bassin de l'apprêt et du relavage.

Ce procédé consiste à placer une plaque circulaire et convexe de fonte sur un fourneau,dont elle recouvre exactement le foyer. Quand cette plaque est bien chaude, on y place une couche de paille mouillée et bien froissée, qu'on y fixe au moyen d'une triple toile d'emballage excessivement claire; on arrose alors cette toile avec un arrosoir très fin ou une brosse, on place le chapeau sur cette toile, et on le recouvre d'une sorte de cloche en cuivre, qui est enlevée et descendue au moyen d'une poulie. Pendant cette opération, la chaleur du fourneau continue à échauffer la plaque, et celle-ci transmettant son calorique à l'eau, la réduit en vapeurs qui remplissent la cloche et font rentrer l'apprêt; on passe ainsi successivement tous les chapeaux à l'apprêt, en arrosant la toile chaque fois qu'on y place un nouveau chapeau. Au fur et à mesure que les chapeaux sortent du bassin, on s'empresse de les essuyer doucement avec un morceau de toile rude bien sèche; on en dégage ensuite le poil au moyen du carrelet; on les porte alors à l'étuve pour les soumettre à l'opération du relavage. Cette opération a pour but de débarrasser la surface des feutres de l'excès d'apprêt qui s'y trouve et qui tient les poils collés entre eux, ce qu'on remarque chez ceux qui n'ont pas été soumis au bassin. Pour cela, on trempe les bords de ces chapeaux dans une faible dissolution de savon dans l'eau bouillante; on l'égoutte ensuite, on l'essuie, on en dégage le poil, et on le fait sécher à l'étuve pour le soumettre à l'appropriage.

L'opération de l'apprêt exige beaucoup de soins; car un chapeau mal apprêté non seulement perd de sa valeur, mais il est encore mis au rebut. La colle dite gélatine mérite la préférence sur la colle ordinaire, parce qu'on a reconnu qu'elle est plus élastique, plus forte, moins soluble et moins hygrométrique. De nos jours, le bassin de relavage est presque entièrement inusité; cependant il n'est pas sans utilité pour les chapeaux à grands bords, dits chapeaux à cornes: cette opération du relavage ne date que de la suppression des chapeaux ras dont l'apprêt se bornait à de l'eau gommée. Mais pour les chapeaux façon flamande, comme le feutre est moins serré, il a fallu nécessairement un apprêt plus corsé; on a donc combiné l'eau gommée avec la solution de gélatine. En Angleterre, lorsque le chapeau est apprêté, pour enlever l'excès d'apprêt qui reste à sa surface, on fait bouillir de l'eau contenant une solution de savon noir, et l'on y plonge les chapeaux jusqu'au milieu de la tête, jusqu'à ce que cet excès d'apprêt soit dissous. On opère ensuite comme nous l'avons déjà fait connaître.

Appropriage des chapeaux.

les chapeaux parvenus au point de fabrication que nous avons fait connaître, n'ont ni ce brillant, ni cette douceur qui en constituent la beauté. Ce sont ces qualités qu'on leur donne par l'appropriage. Quant aux feutres destinés à la coiffure, on se borne à les passer au fer ou à les mettre en presse afin de les catir, comme les tissus de laine.

Nous allons transcrire les divers temps de cette opération:

Ce dressage est une opération pénible et difficile en même temps, vu que les formes sont brisées en six ou sept morceaux, et qu'il faut les introduire pièce à pièce dans la tête. Avant cela on met les chapeaux à la cave pendant un ou deux jours afin de bien ramollir le feutre; on achève ce ramollissement en le fumant, comme on dit, au sabot. Cette opération se fait en plaçant, sur le fer chaud de l'approprieur, une toile mouillée, qu'on nomme fumerette, et recouvrant le tout avec le chapeau qui fait l'office d'une cloche. La vapeur d'eau qui se dégage rend le feutre plus élastique. En cet état on le met aussitôt en forme, et on le tire bien soigneusement et de toutes parts, pour qu'il s'adapte bien sur toute la forme, et en conserve tous les contours; il est bon de faire observer qu'on doit assujettir le chapeau sur sa forme, au moyen d'une ficelle placée à sa base, comme dans le foulage. Lorsque ce travail est terminé, et que les bords sont bien disposés, on serre le chapeau, c'est-à-dire que l'approprieur sèche le chapeau au moyen du fer chaud. Ordinairement, il emploie deux chaleurs de fer pour la tête, et une au moins pour le bord, en ayant soin de mouiller de temps en temps le chapeau avec la brosse lustre; car sans cela le feutre serait creux et terne, et l'apprêt inégal, tandis qu'il doit être serré, d'un apprêt égal et brillant. Lors qu'on reconnaît qu'il reparaît encore quelques jarres, on les fait arracher. Quand le chapeau est ainsi bien sec au dehors, on le sort de la forme, et on le porte dans un local sec pour que l'intérieur se sèche également. En cet état, on fait subir aux chapeaux un nouveau ou second serrage, qu'on appelle passer en second. Cette opération tend à donner au poil tout le brillant, le lustre et le velouté possible. On passe donc alternativement au fer et à la brosse lustre, et sur la fin, pour donner plus de brillant au poil, on promène dessus un morceau de panne rembourré, qui porte le nom de pelote. Il est des fabricans qui, pour obtenir un plus beau lustre, trempent leur brosse lustre dans quelque liquide approprié au lieu d'eau. J'ai analysé quelques compositions semblables, et dans un grand nombre j'ai trouvé de la solution d'indigo, et un peu de gomme arabique dans des proportions indéterminées, mais que nous croyons pouvoir établir dans les proportions suivantes:

Eau de lustrage.

Eau pure.                                 25 kilog.
Gomme arabique dissoute dans l'eau.        4 onces.
Dissolution neutre d'indigo dans l'acide
sulfurique.                                1 once.

Les chapeaux qui ont subi ce second serrage, sont portés en magasin; mais s'ils y restent long-temps invendus, pour leur redonner de l'éclat, on les serre une troisième fois. Dans ces diverses opérations, l'ouvrier doit bien faire attention à ce que le fer ne soit pas trop chaud, pour ne point brûler le poil du feutre, ou, comme on dit, raser le feutre; ils doivent éviter aussi de faire des gouttières, ce qui a lieu quand le feutre a été trop mouillé, et qu'il a été passé ensuite au fer peu chaud et lentement, ou avec un fer chaud trop vite. Dans ce cas, toute l'eau n'étant pas vaporisée, celle qui reste détrempe l'apprêt et fait des gouttières. Pour les faire disparaître, il faut enlever totalement l'apprêt qui forme les gouttières, au moyen de l'eau savonneuse bouillante, et y appliquer ensuite un nouvel apprêt. On pourrait aussi soumettre ces parties à la vapeur d'eau, qui ferait rentrer cet apprêt.

Du cartonnage des chapeaux.

Cette opération consiste à coller au fond du chapeau du papier fort, et un autre plus léger autour de la forme. Elle est nécessaire, surtout quand les formes sont d'un grand diamètre; le cartonnage sert à faire conserver au chapeau sa forme, et à le rendre plus solide; on le pratique ordinairement avant le dressage. Nous devons faire observer aussi qu'il est beaucoup de ces chapeaux qui ne sont point cartonnés. Les marchands se bornent à y mettre un fond et un tour en papier fin.

Garniture des chapeaux.

Ce travail n'est nullement du ressort du fabricant de chapeaux, il est le partage du marchand chapelier, qui leur donne la tournure et la coupe convenables, les borde et y applique la coiffe, le tour, etc. Nous nous bornerons donc à dire, à ce sujet, qu'autrefois on traversait le feutre avec l'aiguille, pour y coudre le tour en cuir. Il en résultait que si le chapeau avait été atteint en teinture et que le poil fût dru ou non, il périssait par cette couture, attendu que le point coupait le feutre de deux tiers de sa circonférence. A présent, on fait un petit bâti sur lequel on coud le cuir. En Angleterre, on a inventé une espèce de couteau, qui non seulement coupe le cuir, mais encore trace tous les points de l'aiguille, ce qui rend ce travail plus court et bien moins pénible. Quelques chapeliers, en France, l'ont déjà adopté.

Telles sont les diverses opérations qu'on pratique pour les confections des chapeaux feutre. Nous allons maintenant faire connaître la plupart des améliorations qui ont été proposées. Nous commencerons par donner un extrait du mémoire de M. Guichardière, qui se trouve consigné dans les Annales de l'industrie nationale et étrangère, 1824.

Mémoire sur de nouveaux procédés pour fabriquer des chapeaux de feutre; par M. GUICHARDIÈRE, fabricant de chapeaux à Paris.

Dans ce mémoire, M. Guichardière établit que, pour fabriquer des chapeaux à l'instar des Italiens, on peut employer les poils de lièvre de tous les pays, mais que celui de la France est préférable ainsi que ceux de la Savoie, de la Suisse, du Tyrol, de la Carinthie, de la Carniole, de la Styrie, etc., attendu que le duvet de ces peaux feutre plus énergiquement que ceux du nord. Ce travail est divisé en plusieurs paragraphes, et l'on y trouve la méthode suivie dans ce nouveau genre de fabrication.

Le premier paragraphe contient la préparation et le nettoyage qu'on fait subir aux peaux avant de les ébarber. Cette préparation consiste à gratter les poils à plusieurs reprises et à les baguetter alternativement jusqu'à ce que le duvet et le jarre soient libres, et qu'il n'en sorte plus de poussière. Cette opération sert à débarrasser le poil du sang qui salissait la peau.

Ébarbage.--C'est l'opération par laquelle on coupe avec les ciseaux le jarre à la hauteur du duvet. Cette précaution nécessite une main légère pour ne couper que le jarre sans atteindre le duvet. Sans cette préparation on aurait de la peine à avoir un feutre lisse ou uni.

Sécrétage.--Le sécrétage se fait en touchant les poils avec une dissolution de six onces de mercure dans une livre d'acide nitrique pur, étendu de seize parties de décoction de guimauve et de consoude, la décoction des plantes donnant au feutre de la douceur et aidant au feutrage. La dissolution préparée, il faut plonger la brosse dans la liqueur, et frotter les poils, par une légère pression jusqu'à ce qu'ils soient tombés des deux tiers de leur longueur, et plus s'il est possible. Il faut ensuite les faire sécher à l'étuve à une température très élevée; l'acide étant affaibli, le poil ne peut être brûlé.

Manière d'humecter les peaux pour les disposer à lâcher leur duvet.--Cette opération se fait au moyen d'une préparation d'eau alcaline, contenant un vingtième d'eau de chaux, avec laquelle on imbibe le cuir. On doit avoir le soin de les joindre deux à deux pour éviter que le poil ne se mouille; on les met en tas de cinquante, on les couvre ensuite d'une planche sur laquelle on met un poids très lourd pour les passer et amollir le cuir, ce qui peut se faire en vingt-quatre heures.

Arrachage.--Pour le nouveau système de fabrication, il faut arracher les poils, ce qu'on fait en les pinçant entre la lame d'un couteau et le pouce, et par une forte pression on en fait l'extraction. On arrache le poil jusqu'à ce qu'il n'en reste plus sur le cuir, en ayant soin de séparer les diverses qualités, les poils du dos, des côtés, de la gorge et du ventre.

Observation sur la différence qui existe entre les poils arrachés et les poils coupés.--Les poils arrachés, étant obtus du côté de la racine, et privés de leurs jarres, ont plus de difficulté à produire le feutre; leur action doit être plus lente que celle des poils coupés, mais ils produisent des chapeaux brillans et solides. Beaucoup d'opérations primitives pour le système de préparation des chapeaux par ce nouveau moyen, sont plus pénibles, mais on a l'avantage d'utiliser le poil commun du ventre de lièvre, qui est de très peu de valeur. De plus, par ce procédé, jamais un chapeau ne dépérit sous la main de l'ouvrier; plus il le travaille, plus il a de brillant, et plus il est semblable dans toutes ses parties.

Arçonnage et bâtissage de la première qualité.--Sous ce nom on comprend les opérations de peser le poil nécessaire suivant la force que l'on veut lui donner, puis à mêler à ce poil un gros de belle vigogne rouge. On met le tout sur la claie, et on mêle avec l'arçon jusqu'à ce que le mélange soit d'une même nuance, et que tous les corps étrangers et ordures soient séparés.

Les choses ainsi arrangées, on ôte la claie, on nettoie la table, et on la mouille pour aider à l'adhérence des poils. On divise la matière en deux parties égales pour former deux pièces; on les arçonne, et on a le soin de les étendre le plus possible, et de les faire très hautes. Avant de les commencer il faut ouvrir l'étoffe, bien diviser les poils, extraire toutes les petites ordures qui auraient pu échapper aux premières opérations, les rendre plus maniables, afin d'avoir plus de facilité à les étendre dans la toile feutrière; et lorsque ces mêmes parties sont marchées par une forte pression au bassin, il faut faire un chapeau très grand, étroit et haut en même temps; l'assiette et le flanc de forme mince, la carre passablement forte, de même que le lien et l'arête déliée. Lorsque le chapeau est également étoupé, il faut avoir soin de rendre les poils bien adhérens, c'est-à-dire qu'il faut que le bâtissage soit assez feutré pour pouvoir brosser le plus tôt possible à la foule.

Foulage.--Le foulage du chapeau se fait dans un bain très acidulé au moyen de la crème de tartre, et de la décoction d'écorce de chêne. On y trempe le chapeau, quand il est à l'ébullition; on a soin qu'il soit bien imbibé partout; si quelque partie ne l'était pas, on y suppléerait par la brosse; on foule deux ou trois croisées sans conserves, à roulement clos, sans tremper beaucoup, et, lorsque le feutre est bien formé, on emploie la pression de la brosse; mais, avant, il faut bien nettoyer son chapeau en frottant avec la main nue; le feutre étant encore tendre, les jarres s'échappent plus facilement que lorsqu'il est plus formé. On continue le foulage de manière à rendre le chapeau assez petit pour pouvoir le mettre sur la forme.

La deuxième qualité se fabrique avec plus de peine que la premières; elle se fait avec les poils de côté, et les plus beaux de ceux des gorges, qui ont moins d'action feutrante que les poils du dos. On y ajoute un gros de belle vigogne, et on dore le chapeau au bassin, d'une once et un quart de poil du dos sécrété. Cette addition donne de la solidité et de la beauté en même temps. La foule en est pénible, attendu que la dorure du poil sécrété et arraché, ride très long-temps.

La troisième qualité, analogue à la précédente, se fait avec le poil commun du ventre et deux gros de vigogne, et on dore avec une once et un quart de poil du dos sécrété. Ces chapeaux ont besoin d'être vigoureusement foulés, car il est difficile de faire passer la ride.

Dressage.--Pour cette opération, le travail est le même que pour celui des autres chapeaux. On doit toujours former le chapeau à l'eau chaude et claire. Cette précaution force le chapeau à tirer sa couleur, et facilite son éclat.

Le tirage doit être fait avec attention. On doit se servir d'un carrelet très doux, et employer une légère pression, pour ne pas décomposer le feutre et faire un rebut.

Teinture.--Les chapeaux ainsi préparés sont plus faciles à teindre que ceux fabriqués par le moyen ordinaire, attendu que la lie du vin pressée contient deux principes, l'un acide, l'autre alcalin. Le premier sert à faire feutrer, et le second facilite les poils à donner du brillant; ce qui fait que le chapeau a plus d'aptitude à tirer sa couleur. Le plus fin est toujours le plus noir, et le plus grossier l'est moins. Il faut, selon M. Guichardière, avoir soin que les sels employés à la teinture ne soient pas avec excès de fer, l'excès de fer nuisant à la beauté de la couleur, ce qui n'a pas lieu par un excès d'acide. Il faut, pour tourner le bain, une température douce, et donner huit à dix feux. Sans cette précaution on altérerait la deuxième qualité, et l'on brûlerait la troisième. Il faut avoir de l'eau bouillante pour dégorger les chapeaux; sans cette précaution les chapeaux sont ternes et pleins de poussière. Il faut les faire sécher au moyen d'une chaleur douce, dans une étuve, où l'on ne place les chapeaux qu'après la combustion.

L'appropriage du chapeau est moins facile à dresser, attendu que le feutre est plus nerveux; mais en récompense on a moins de peine à l'éjarrage, puisqu'il y a beaucoup moins de jarre à extraire que dans les chapeaux fabriqués par le procédé ordinaire. M. Guichardière a également fait connaître dans le même journal (année 1825), la méthode suivie par des Anglais en France, la voici:

Onzième notice sur un nouveau genre de chapeaux en feutre établi en France par des fabricans anglais; par M. GUICHARDIÈRE. (Annal. de l'indust. nation, et étrang., août 1825, page 207.)

Depuis trois ou quatre ans environ, les Anglais ont établi à Caen (Calvados) une fabrique de chapeaux économiques, tels qu'on en fabrique en Angleterre, et aux États-Unis. Tous les ouvriers employés dans cette fabrique sont Anglais, aucun Français n'y est admis. Voici quelle est à peu près leur manière d'opérer.

Première opération.--Ils emploient les laines d'agneaux de tous les pays, mais préférablement celles de Sologne. Ils donnent à ces laines une préparation préliminaire, en les laissant macérer soit dans l'urine putréfiée, soit dans une décoction riche en tannin; c'est-à-dire, dans toutes les décoctions qui ont la propriété de donner aux laines une action rentrante et feutrante. Le fond, qui doit former la base du chapeau, est tout laine, matière très grossière à la vérité, mais qui a l'avantage de produire un chapeau solide en raison de sa force. Lorsque le fond est bâti, ils le foulent dans une dissolution de gravelle (ou tartre brut), qui a le double avantage de faire rentrer et feutrer en même temps, en raison de son principe astringent. Avant de porter les chapeaux à la foule, ils ont soin de les faire bouillir dans une des décoctions ou dissolutions citées plus haut, et après les avoir foulés ils les font bouillir de nouveau dans des bains astringens, pour que les pores du feutre soient aussi serrés que possible. Après cette opération ils les flambent et les nettoient avec la brosse, de manière qu'il ne reste au fond ni ordures, ni poils brûlés.

Deuxième opération.--Pour produire le velu qui convient à la surface de ces fonds, ils emploient le poil de lapin de garenne, et de préférence celui de Bretagne. Avant de l'employer, ils le font ébarber et couper comme le poil de lièvre, et ils le rendent adhérent par le même moyen que nous employons pour le lièvre et pour le castor, sur des fonds composés avec des matières plus fines, avec cette différence cependant, que, lorsque la dorure est adhérente, ils ont soin de la couvrir d'une couche ou dorure de coton qui force la première dorure à adhérer au fond, mais qui ne s'adhère pas elle-même, puisqu'il est vrai qu'à l'opération du foulage, elle s'est en partie détachée, et à celle du sansouillage elle se sépare tout-à-fait à mesure que la vraie dorure se développe. Après cette opération qui ouvre les pores du feutre, et donne une grande facilité à mettre le chapeau sur la forme, la plus grande difficulté dans ce nouveau genre de fabrication, est de trouver un moyen de bien tendre le chapeau. Le fond peut, à la vérité, résister à la haute température du bain, mais la dorure n'y résiste pas. Il y a une différence totale entre ces chapeaux et les chapeaux mi-poils dont le fond est composé avec des matières communes en lièvres et lapins. Le fond de ces derniers est garanti par la dorure, tandis que dans les autres, la dorure est garantie par le fond. Pour obvier à l'inconvénient de la teinture, l'auteur pense qu'il serait plus à propos d'employer le fer dissous par le vinaigre (ou l'acétate de fer), moins corrodant que le même métal, dissous par l'huile de vitriol (le sulfate de fer); il faut employer le cuivre préférablement au fer, c'est-à-dire, qu'il faut éviter, ou n'employer qu'avec modération, tout ce qui peut nuire à la matière. L'auteur fait observer que ce genre de fabrication convient parfaitement pour la pacotille, et qu'il serait en outre très utile pour la consommation de notre poil de lapin.

Nouveaux moyens de fabriquer les chapeaux ronds; par PERRIN. (Brevet d'invention de cinq ans.)

Jusqu'à présent les chapeliers ont été dans l'usage de faire les chapeaux sur des formes rondes, quoique la tête présente un ovale plus ou moins régulier. Cette figure a le désagrément de blesser, tant que la tête n'a pas donné sa forme à l'entrée du chapeau.

Les bords des chapeaux ordinaires ont encore le désavantage de se trouver sur un même plan, ce qui gêne ceux qui les portent; on se contente seulement de les courber un peu par un coup de fer; mais bientôt après ils prennent leur forme plane.

Pour remédier à ces deux inconvéniens, je dresse les chapeaux sur une forme ovale, et je donne une forme arquée à la partie qui en fait le bord. Par ce moyen la tête n'est pas gênée dans le chapeau, et les oreilles sont libres et dégagées.

Explication des figures.

Fig. 14. Chapeau teint, apprêté et ramolli à la vapeur de l'eau chaude, qui doit être fabriqué avec deux lippes A, opposées, destinées à former le prolongement de la forme devant et derrière.
Fig. 15. Forme à ballon brisée, vue de face; elle est ronde par le haut, et se termine en ovale par sa base. C'est sur cette forme que l'on place le chapeau apprêté, fig. 14.
Fig. 16. La même forme vue de profil.
Fig. 17. Selle vue de profil; elle est disposée pour recevoir la forme fig. 15.

Fig. 18. La forme à ballon montée sur sa selle et vue de profil.

Fig. 19
. La même forme vue de face.

Fig. 20
. Le chapeau monté sur sa forme à ballon après qu'il a été choqué, que les bosses sont détruites et le lien formé; il est ajouté sur une seconde selle courbe B, vue de face, sur laquelle on abat et on étend à plat le bord du chapeau. La forme est fixée sur la selle au moyen de deux chevilles.

Fig. 21
. La figure précédente vue de face.

Fig. 22
et
23
. Elévation et coupe horizontale de la presse.

C. Pièce de bois qui forme la presse, et qui fait pression, au moyen de la vis D, sur le chapeau E placé dans le châssis.

F. châssis ouvert pour introduire le chapeau.

Fig. 24
. Fer à repasser le bord du chapeau sur le châssis de la presse.

Fig. 25
. Moule en cuivre, vu de profil; il sert à relever le bord du chapeau.

Fig. 26
. La figure précédente vue de face.

Fabrication des chapeaux, perfectionnée par BORRADAILLE. (London journal of arts; juillet 1826, page 353.)

Le corps des chapeaux d'hommes dont le dehors est recouvert de poils de castor ou autres, est ordinairement composé de laine cardée, et enlacée à la main sous la forme d'un bonnet conique, susceptible de prendre différentes autres formes selon la mode et à l'aide de moules préparés à cet effet.

L'auteur a eu pour but de préparer à la mécanique les corps des chapeaux: pour cela, il a imaginé deux cônes tronqués, appliqués, base à base et tournant ensemble. Deux autres cônes tronqués de la même hauteur, mais dont la base est plus petite, tournent chacun sur son axe et entraînent dans leur mouvement, le double cône sur lequel ils appuient légèrement. Une mèche de laine sortant d'une machine à carder est étalée, et passe entre le grand double cône et les petits; elle s'enroule autour du premier, et un petit mouvement de va-et-vient imprimé à celui-ci croise les filamens et fait une sorte de feutrage. Lorsque l'épaisseur est suffisante, un instrument tranchant coupe l'étoffe à la jonction des bases du double cône, et on obtient ainsi deux bonnets coniques prêts à former des chapeaux.

Perfectionnement dans la fabrication des chapeaux. Patente à Th. CHAMING Moore. (London Journ. of arts, avril 1829, p. 26.)

Ce perfectionnement consiste dans la construction et l'emploi de machines à l'aide desquelles une série de filamens de laine ou autre matière convenable, est prise d'une carde et enveloppée à l'entour d'un moule pour confectionner la coque ou la forme de deux chapeaux ou bonnets en une seule opération. La forme de ce moule est cylindrique, d'environ quinze pouces de long, et douze pouces de diamètre; ses extrémités coniques sont arrondies à leur sommet, et font une saillie d'environ dix pouces à chaque bout du cylindre. Ce moule, disposé pour tourner sur son axe, est porté sur un chariot qui a un mouvement de va-et-vient en tête du cylindre étireur de la machine à carder. Lorsqu'il a été recouvert d'une suffisante quantité de filamens de laine ou autre matière, on coupe ce tissu circulairement vers le milieu du cylindre, et on le fait glisser vers chacune de ses extrémités; on obtient par ce moyen deux chapeaux ou bonnets, qui, travaillés suivant les procédés connus, sont susceptibles de prendre la forme que l'on donne aux chapeaux ordinaires. Le moule doit être aussi léger que possible, afin qu'il puisse tourner facilement; l'auteur conseille, à cet effet, de le faire creux et en bois léger.

Méthode pour vernir les chapeaux de manière à les rendre imperméables à l'eau.

MM. Ritchard et Francs ont pris dernièrement une patente pour la méthode suivante de rendre les chapeaux imperméables à l'eau. Les ingrédiens employés sont si nombreux qu'ils ne présentent pas d'économie. Nous désignerons par des italiques ceux que cette composition renferme d'utiles, en faisant observer que la quantité d'alcool doit être en proportion.

On prépare l'extérieur du chapeau avec les matières ordinaires, on le teint, et on le forme. Lorsqu'il est parfaitement sec, on le traite à la surface intérieure avec la composition suivante:

Une livre de gomme kino, huit onces de gomme élémi, trois livres de gomme oliban, trois livres de gomme copal, deux livres de gomme de genièvre, une livre de gomme ladanum, une livre de gomme mastic, dix livres de laque et huit onces d'encens. On broie toutes ces matières, et on les mêle ensemble; ensuite on les délaie dans un vase de terre où l'on a mis quatre litres environ d'alcool, et on agite fréquemment.

Lorsque tous ces ingrédiens sont bien dissous, on ajoute au mélange une pinte d'ammoniaque liquide et une once d'huile de lavande, avec une livre de gomme myrrhe, et de gomme opopanax, que l'on a fait dissoudre dans trois pintes d'esprit-de-vin. '

Toutes ces matières parfaitement incorporées et bien dissoutes, constituent le mélange à épreuve, avec lequel on traite l'intérieur du chapeau.

Lorsque l'extérieur est teint, formé et parfaitement sec, on vernit par le moyen d'une brosse sa surface intérieure, et le côté inférieur du bord, avec cette composition. On met ensuite le chapeau dans un séchoir, on répète plusieurs fois cette opération, en prenant soin que le vernis ne pénètre pas la pièce, de manière à paraître de l'autre côté. On donne issue à la transpiration de la tête au moyen de petits trous pratiqués dans la couronne du chapeau: le poil de castor, etc., est disposé à la manière ordinaire, et le vernis de copal est appliqué sur le coté opposé.



CHAPEAUX FAITS AVEC LE DUVET DES CHÈVRES DU CACHEMIRE.

Rapport fait par M. de LASTEYRIE, au nom du comité des arts économiques, sur le duvet de chèvres des Hautes-Alpes.

M. Serres, sous-préfet à Embrun, département des Hautes-Alpes, a adressé à la société d'encouragement un chapeau, deux échantillons de feutre, et un petit échantillon de tricot, le tout fabriqué avec le duvet de chèvres indigènes.

Le chapeau est parfaitement confectionné, le feutrage en est égal, solide, ferme et élastique: la teinture est d'un beau noir et paraît être solide, mais elle n'a pas le brillant que l'on trouve dans les chapeaux de poil de lapin. Le chapelier de Lyon qui l'a fabriqué croit que la teinture détruit le moelleux et le brillant du poil. On voit, en effet, pour les deux échantillons de feutre pris sur le même morceau, que celui qui a passé à la teinture est dur et raide, tandis que celui qui n'a pas subi cette opération est beaucoup plus souple et plus moelleux. Ce genre de chapeau manque aussi du beau brillant que donne le poil de castor ou celui de lapin, mais il serait facile d'obtenir cette qualité, par le mélange de l'un de ces poils avec le duvet de chèvre. Il est encore à remarquer qu'à dimensions égales, le poids d'un chapeau de duvet de chèvres est moindre d'un huitième, comparé à celui d'un chapeau fait avec du poil de lièvre. Au reste, il parait que l'emploi du duvet de chèvre dans la chapellerie est connue depuis long-temps sous le nom de Chevron d'Abyssinie; il a été reconnu qu'il fortifie beaucoup le feutre.

Il résulte de tous ces faits qu'on peut fabriquer d'excellens chapeaux avec le duvet de nos chèvres indigènes, et tout porte à croire qu'ils auront autant de solidité et de durée que les chapeaux ordinaires. Le prix de fabrication est à peu près le même.

La matière qui entre dans celui qui vous a été envoyé
est estimée par le chapelier de Lyon à          6 fr. 90 c.
Le feutrage à                                   3     30
La teinture, apprêt et garniture, à             5      »

Total                                          15 fr. 20 c.

En évaluant les bénéfices de fabrication à environ un quart, on aura des chapeaux qui reviendront à 20 ou 21 fr.

M. Serres a aussi envoyé un petit échantillon de tricot, dont la finesse, le soyeux et surtout la mollesse, sont très recommandables. C'est encore un genre d'industrie qui mérite l'attention des fabricans, et qui peut s'appliquer aux autres parties de la bonneterie; enfin l'expérience lui a appris que l'on peut, en avisant les races indigènes avec les chèvres d'Asie, obtenir des produits aussi fins et aussi abondans que ceux qu'on retire de ces dernières.

Nous pensons que la société d'encouragement doit remercier M. le sous-préfet d'Embrun, pour le zèle actif qu'il a montré en cherchant à donner une nouvelle impulsion à notre industrie, et le prier de vous faire connaître, ainsi qu'il le propose, la méthode qu'il emploie pour extraire le duvet des chèvres.

Signé DE LASTEYRIE, rapporteur.
Adopté en séance, le 9 mai 1822.

Façon de fabriquer les chapeaux de poil de loutre, par M. TROUSIER.

Pour préparer les peaux, on commence par faire arracher le jarre de dessus la peau; c'est un poil commun qui n'est bon à rien, ensuite on frotte la peau avec de l'eau-forte apprêtée avec du mercure; on la prépare en mêlant, pour une douzaine de peaux, trois onces de mercure par livre d'eau-forte: on le fait digérer au bain-marie pendant six heures. Ensuite on met trois livres d'eau de rivière par chaque livre d'eau-forte apprêtée, et on en frotte ladite peau.

On la laisse pendant quarante-huit heures avant de la mettre sécher aux étuves, on a soin de la couvrir avec une toile sur laquelle on met quelque chose de pesant, pour qu'elle soit bien imbibée, et que le secret ne s'évapore point.

On met la peau dans une cave pour qu'elle se ramollisse et qu'on puisse en couper le poil.

Le poil étant coupé, on met trois onces de ce poil de loutre sécrété, et deux onces de poil veule naturel, une demi-once de castor sécrété, et une demi-once de vigogne fine rouge; on carde le tout ensemble, ce qui fait six onces d'étoffe pour faire un chapeau.

On partage les six onces d'étoffe en quatre parties égales que l'on arçonne l'une après l'autre; les quatre capades étant faites, il reste environ une demi-once d'étoffe qui sert à ce que l'on appelle travers, qui se met en deux parties pour former le lien du chapeau; il faut que l'arçonnage donne une étoffe très unie pour en former les quatre capades, et qu'il n'y ait pas quatre poils ensemble, attendu que cela ferait un défaut dans le chapeau.

On commence par prendre deux capades, entre lesquelles on met du papier pour qu'il n'y ait que la tête et les côtés qui tiennent ensemble.

Cet assemblage se fait dans une toile qu'on appelle feutrière, dans laquelle on commence à faire feutrer; ensuite on développe la feutrière, ce qui fait le commencement du chapeau.

On y ajoute le travers pour donner de la force; après cela on arrose avec un goupillon sur le travers; on pose ces deux dernières capades, et on enveloppe le tout dans la feutrière pour que le tout se trouve feutré ensemble.

On prend ledit chapeau, on le trempe dans un seau d'eau froide, attendu que l'eau chaude le ferait feutrer trop vivement, et on le met à la foule, on verse dans une chaudière trois seaux d'eau dans laquelle on met un demi-seau de lie de vin pressée; on fait bouillir cette eau, dans laquelle on foule le chapeau environ quatre heures.

Par intervalle il faut avoir le soin de retourner le chapeau pour l'épuiseter et le frotter avec une brosse, et lorsque le chapeau a assez de travail, on le dresse sur une forme à l'ordinaire, sur laquelle on le fait sécher.

Composition d'une seconde qualité de chapeaux.

Deux onces et demie de castor sécrété, une demi-once de loutre sécrétée, deux onces et demie de loutre veule, une demi-once de vigogne fine.

Les chapeaux de trois quarts castor sont composés de trois onces de lièvre sécrété, une demi-once castor sécrété, une demi-once de vigogne fine.

Pour la dorure, une once et demie de castor veule.

Mélange des demi-castors.

Deux onces et demie de lièvre sécrété, une once et demie de lapin veule, une once de lapin sécrété, deux gros de vigogne fine.

Pour la dorure, une once de castor veule.

Pour sécréter le castor, le lièvre et le lapin, je mets deux livres d'eau de rivière et une livre d'eau forte apprêtée avec la même quantité de mercure, comme j'ai marqué ci-dessus.

Ma nouvelle façon de fabriquer mes chapeaux castor, trois quarts castor, demi-castor et autres, donne beaucoup plus de solidité et de finesse aux chapeaux, parce que je mets ma dorure entre mes capades en baissant mon chapeau, et par ce moyen le castor se trouve bien incorporé et bien pénétré, et que la ponce ni la robe ne peuvent point l'endommager; cela fait que le castor paraît dessus et dessous également; que les chapeaux sont aussi beaux, après les avoir repassés et retournés, qu'étant neufs, et ne sont point sujets à prendre l'eau, ce qui est une chose essentielle pour le public. La différence est, que tous les fabricans de chapeaux ne mettent leurs dorures que quand le chapeau est avancé de travail à la foule; par ce moyen la dorure ne reste que d'un côté, et ne peut pas pénétrer dans le chapeau, ce qui fait que la dorure se trouve à moitié coupée par la ponce et emportée par la robe, et, quand on retourne le chapeau, il se trouve beaucoup plus commun et de bien moins d'usage.

Méthode de fabriquer des chapeaux mêlés de soie; par M. MIRAGLIO de Paris.

Manipulation.

On prend le cocon de semence qui n'a pas été étouffé dans le four, et on le carde, ce qui produit un poil que l'on coupe au sortir de la carde sans aucun autre apprêt, de la longueur de dix-huit lignes; on mélange deux onces quatre gros de ce poil ainsi coupé, avec une once six gros de lapin sécrété, six gros de plume de lièvre sans secret, et six gros de roux de lièvre; on carde le tout ensemble; on arçonne; on réunit le poil en la forme de chapeau de la grandeur que l'on désire; on serre le chapeau à l'arçon, et on le foule à la manière ordinaire.

Le chapeau fabriqué passe à la teinture, où il prend un beau noir; enfin on lui fait subir l'apprêt ordinaire, qui se fait avec beaucoup plus de succès.

Par ce procédé, on obtient un chapeau beaucoup plus léger, plus beau, très moelleux, plus durable et moins sujet à prendre l'eau. A la vérité, on est obligé de mélanger, soit avec du poil de castor, de lièvre ou de tout autre animal, mais par moitié seulement.

Le poil de cocon se manipule très bien avec le poil des animaux, il a même l'avantage de donner plus de force et plus de lustre. Comme il est beaucoup plus long, on est dispensé de le passer au sécrétage du mercure et de l'eau-forte; opération pernicieuse pour les ouvriers.

M. Robiquet, dans son excellent article du Dictionnaire technologique, sur l'art du chapelier, avait annoncé que M. Guichardière était parvenu à faire un feutre excessivement léger et fin, avec le poil de la loutre marine. Ce fabricant lui a écrit depuis pour lui dire qu'il avait commis une erreur, et qu'il avait seulement recouvert les chapeaux avec ce poil, ce qui est différent. M. Robiquet croit être certain de ne pas s'être trompé. En preuve, il cite le passage du Mémoire de M. Guichardière, inséré dans les Annales de l'industrie, pour 1824, dans lequel il annonce ce fait en ces termes: Qu'il était parvenu à feutrer des poils d'ours marin, etc. S'il a voulu répudier sa découverte, M. Trousier a bien fait de s'en emparer et de la porter plus loin.

Enfin, M. Lousteau a obtenu un brevet de perfectionnement de cinq ans, pour des chapeaux composés d'une matière filamenteuse quelconque, revêtue d'un apprêt de gomme et de colle-forte, et recouverte d'un tissu imitant le castor, sur lequel est appliqué un enduit composé d'huile de lin, de céruse et de litharge.



FABRICATION DE CHAPEAUX D'HOMMES ET DE FEMMES, EN
PLUMES DE VOLAILLES; PAR M. MASNIAC.
(Par brevet d'invention du 14 août 1824)

Description du procédé.

On prend un petit anneau, dans lequel on passe quelques plumes, que l'on serre entre deux fils à l'aide d'un noeud qui ne peut se desserrer. On commence par huit ou dix fils attachés à un petit morceau de cuir rond; on les double à proportion que l'ouvrage grandit: ce cuir tourne verticalement devant l'ouvrier pour faire le fond et le bord, et se meut horizontalement pour former le corps du chapeau; on place des plumes à chaque noeud, qui doit serrer les tuyaux.

On obtient, de cette manière, des chapeaux plus chauds que ceux dont on se sert ordinairement, qui ne pèsent que quatre onces et qui, outre l'avantage d'être imperméables, ont encore celui de ne pas se déformer, de ne pas perdre leur lustre, et de durer bien plus long-temps que les autres.

Premier brevet de perfectionnement et d'addition pour le mécanisme suivant, propre à la confection des chapeaux en plumes de volaille.

Ce mécanisme est formé d'un cadre en fer, représentant la forme du chapeau, et que l'on peut rendre plus grande plus petit, suivant la grandeur des chapeaux. Du côté où se fait le travail, sont deux cylindres qui servent de montant et qui sont rapprochés de manière à ce qu'il ne puisse passer qu'une seule plume entre eux. L'ouvrier fixe la plume d'une main et de l'autre il coud, avec une aiguille et du fil, les plumes les unes contre les autres, en ayant soin, avec la pointe de l'aiguille, de passer le duvet en dehors. L'ouvrage tourne devant l'ouvrier entre les deux cylindres, qui donnent l'uni et la forme demandée. On peut faire usage de tous les points demandés dans la couture pour la confection d'un chapeau de plumes; on se sert aussi du fil de laiton, mais il a l'inconvénient de rendre l'ouvrage plus pesant.

Les chapeaux de plumes de volailles peuvent être appropriés de la même manière que ceux de feutre, et avec de l'eau gommée, que l'on applique dessus pour lier le duvet, sur lequel on passe ensuite le fer; on leur donne l'uni et le luisant du verre.

Deuxième brevet de perfectionnement et d'addition, du 7 avril 1826.

La plume destinée à la confection des chapeaux doit être teinte, à moins qu'on ne l'emploie dans sa couleur naturelle. On prend les plumes les unes après les autres, on colle la pointe jusqu'au duvet; on met cette pointe collée sur une autre pointe, que l'on enfonce dans une petite rainure qui se trouve en dedans d'un cercle, soit en bois, fer-blanc ou plomb, etc. Ainsi, cette préparation de la plume renferme de l'apprêt dans le corps de l'ouvrage, et tourne le duvet du même côté. Pour confectionner le bord du chapeau, on colle les plumes les unes sur les autres, sans rainure, et le duvet reste des deux côtés, ce qui fait poil en dessus et en dessous du bord. La plume ainsi préparée et collée, forme des rubans de la longueur voulue, que l'on peut aussi obtenir avec du fil fin. L'ouvrier coud ces rubans en tresses les unes sur les autres, en mettant le duvet en dehors pour le corps du chapeau, et pour le bord il le laisse des deux côtés. On peut encore préparer les plumes de bien des manières, en les collant sur de la paille qu'on a enveloppée de duvet, soit sur de l'osier, de la baleine, du cordonnet; soit sur toute autre espèce de corps solide et léger. On peut même, avec les rubans de plumes, faits à la colle ou avec du fil, obtenir des tissus avec une trame d'une matière filamenteuse quelconque; l'étoffe qu'on se procurera de cette manière pourra être employée avantageusement pour coiffure ou autres objets quelconques, suivant les goûts et les modes. On peut aussi tisser de la plume dont a arraché le duvet qui tient à une pluïole, et qui, mise avec attention dans une trame, produit encore une belle étoffe. L'auteur ajoute que le mécanisme qu'il a décrit dans son premier brevet de perfectionnement, n'a pas donné tous les résultats qu'il en espérait.

Troisième brevet de perfectionnement, etc., du 27 octobre 1826.

La grande solidité qu'ont les chapeaux de plumes de volaille, fait que les procédés par lesquels on les obtient peuvent s'appliquer avec avantage à la chaussure et autres objets d'utilité. Le duvet de plume peut être déchiré et tissé avec une trame, pour obtenir une étoffe qui, appliquée sur papier imperméable, carton ou tresses, produit des chapeaux légers, imperméables, dégagés des côtes et tuyaux de la plume. Le duvet coupé contre la côte, mêlé avec du poil de toute espèce et sécrété, se feutre et donne de jolis chapeaux. Toute espèce de fil, de quelque matière qu'il soit, imbibé de colle, gomme, etc., qu'on plonge dans du duvet, qui s'attache et se tortille autour par un mouvement de rotation, qu'on passe ensuite dans un tuyau d'une grosseur convenable, plus étroit du côté où l'on tire le fil, qui se trouve totalement enveloppé de duvet, et qu'on tisse ensuite avec une trame de matière filamenteuse quelconque, donne une étoffe qui peut être employée à une infinité de choses utiles. Les chapeaux se confectionnent alors comme ceux de soie et de peluche. On colle cette étoffe sur papier, toile, et l'on coud les bords et le fond.

On peut, à l'aide d'un métier fait exprès, tisser en rond le duvet préparé comme on vient de le dire; dans ce cas le chapeau se trouve sans couture.




TROISIÈME PARTIE.



CHAPEAUX DE SOIE OU MIEUX DE PELUCHE DE SOIE.

Les chapeaux de soie sont remarquables par leurs belles couleurs, leur luisant, leur élégance et leur beauté. Les noirs surtout offrent un brillant qui nous paraît bien supérieur à celui des chapeaux à feutre. Comme à ces derniers, on leur donne aisément toutes les formes qu'on désire; mais ils ont par-dessus les feutres le précieux avantage d'être plus légers, d'une aussi longue durée, d'un aspect plus agréable 48 , et d'un prix bien inférieur. Les chapeaux de soie étaient usités depuis bien du temps en Espagne avant d'être connus en France. Ce n'est guère que depuis le commencement du dix-neuvième siècle que nous avons commencé à en adopter graduellement l'usage: rigoureusement parlant, l'on peut dire même que cet usage n'est devenu général que depuis l'exposition de 1823. Les chapeaux de soie espagnols sembleraient attester encore l'enfance de cet art; mais grâce aux heureuses tentatives de quelques industriels français, ce genre de fabrication a acquis un tel degré de perfectionnement, et une si grande importance qu'en été le rentier et le fashionable ont généralement adopté les plus belles qualités, et que les secondaires sont maintenant vendues à toutes les classes de la société.

Note 48: (retour) Les chapeaux de soie pour homme l'emportent par leur beauté sur tous les chapeaux de feutre, à l'exception des premières qualités qu'on paie ouvrés de 30 à 35 francs, tandis que les plus beaux chapeaux de soie ne coûtent pas au-delà de 12 à 18 francs, tant noirs que gris ou de diverses autres couleurs de fantaisie.

Parmi les fabricans français qui ont puissamment contribué au perfectionnement de ce genre d'industrie, nous aimons à citer un des plus habiles chapeliers de Paris, M. Fontés, rue de la Harpe, dont les chapeaux de soie imperméables le disputent par leur beauté, leur élégance et leur pris à tous ceux des autres fabricans de la capitale, comme on a pu en juger par ceux qu'il exposa en 1827; un de ses chapeaux entre autres était plongé devant les spectateurs dans un baquet plein d'eau sans être en pénétré. M. Fontés n'a jamais pris de brevet d'invention; cette modestie de sa part est cause que bien des gens se sont emparés d'une partie de ses procédés, car nous devons ajouter que M. Fontés est très communicatif.

Les chapeaux de peluche de soie exigent deux opérations. On fait d'abord la carcasse du chapeau soit en carton, soit en toile très forte de chanvre ou de coton, et ensuite de diverses couches de vernis. Cependant c'est presque toujours en carton qu'on les fait d'abord et sur lequel on colle (avec une colle rendue imperméable) une toile qu'on recouvre de plusieurs couches de vernis également imperméable. Quand la carcasse du chapeau est ainsi préparée, on y colle ensuite la couverture en peluche, après l'avoir convenablement disposée et cousue. Le chapeau étant ainsi préparé on borde les ailes, on y adapte la coiffe et on le passe au fer comme les chapeaux de feutre.

Il est inutile de dire que chaque chapelier a son vernis imperméable particulier, et son mode de préparation de la carcasse, qu'il croit bien supérieur à celui de ses confrères; mais nous qui ne sommes mus par aucun motif d'intérêt, nous devons assurer, dans l'intérêt de l'art, que tous ces vernis ou enduits imperméables doivent cette propriété à la cire, à des solutions résineuses dans l'alcool ou l'essence de térébenthine, incorporées dans la colle d'amidon, de gomme arabique, de gélatine, etc. Sans entrer dans de plus grands détails, nous croyons ne pouvoir mieux faire connaître les procédés suivis par les meilleurs fabricans qu'en décrivant ici les brevets d'invention obtenus à ce sujet.

Nouveaux procédés pour la fabrication des chapeaux de soie; par M. JOHN WILCOX. (Par brevet d'invention.)

Le corps ou le feutre de mes chapeaux est composé de deux étoffes d'une force suffisante, l'une en toile de coton et l'autre en gros velours, connu sous le nom de panne ou peluche.

Je coupe des bandes de toile de coton, d'une largeur de six pouces environ, suivant que je veux donner plus ou moins d'élévation à mon chapeau et d'une longueur relative. Je réunis les deux bouts de ces bandes, par une couture juste et serrée, et je fais ajuster dans la partie supérieure un morceau de la même toile, d'un diamètre égal à celui de mes formes.

Je fais des formes de peluche de la même manière, ayant soin de former les coutures du côté du tissu, placé en dedans.

Mes formes ainsi disposées, j'enduis extérieurement celle de coton et intérieurement celle de peluche, c'est-à-dire du côté du tissu, d'une colle composée moitié de colle ordinaire et moitié de colle de Flandre. Je prends alors une forme de toile de coton et une forme de peluche; j'habille la première avec la seconde, les disposant de manière que les fonds des deux formes se correspondent parfaitement. J'introduis ensuite dans ces deux formes réunies un mandrin en bois composé de quatre pièces et un coin, tels que ceux employés par les chapeliers sous le nom de formes brisées. J'enfonce le coin autant qu'il est nécessaire pour m'assurer qu'il ne reste aucun pli, et que l'adhérence des surfaces des deux formes est parfaite.

Arrivé à ce point, je les laisse sécher pendant trois ou quatre jours, même plus, suivant la saison et le degré de température de l'atmosphère.

Les bords du chapeau se font des mêmes étoffes et à peu près de la même manière, avec cette différence seulement que la toile de coton est recouverte des deux côtés de panne qu'on y fixe fortement par l'encollage et au moyen d'une presse: on ne les attache à la forme que quand tout est sec, et par une couture proprement faite.

Pour faire des chapeaux très légers, j'emploie, au lieu de toile de coton, un tissu formé de filamens déliés de bois de saule.

On voit que, d'après mes procédés, les soies qui garnissent le chapeau ne peuvent être que solidement attachées et également réparties sur toute sa surface, puisqu'elles font partie du tissu même qui compose le corps du chapeau.

Procédé de fabrication de chapeaux d'hommes et de femmes, en soie feutre imperméable. (Brevet d'invention et de perfectionnement de cinq ans accordé, le 31 décembre 1821, aux sieurs MIERQUE (Jacques François), propriétaire, et DRULHON, négociant, tous deux à Anduze, département du Gard.)

Le feutre qui compose ces chapeaux est formé de bonne laine d'agneau, que l'on foule; on lui donne la forme comme à l'ordinaire. Le chapeau ainsi préparé, on l'enveloppe d'un papier imbibé d'une préparation gommo-résineuse dont on va voir la recette; on applique aussitôt après une seconde enveloppe parfaitement juste d'un velours croisé, de soie organsin à long poil, fabriqué pour cet objet, et que l'on colle avec force au moyen de la gomme dont on vient de parler; on fixe ce velours à la naissance de l'aile ou bord du chapeau, et on achève de recouvrir le reste du feutre de la même manière. On soumet ensuite le chapeau à l'action du fer à moitié chaud, ayant encore soin toutes les fois qu'on le pose sur le chapeau de le tremper dans l'eau froide, à moins de courir le risque de brûler le poil, qui se frise aussitôt et tombe ensuite ainsi que son lustre. On ne saurait apporter trop d'attention à cette opération, car c'est elle qui conserve, lorsqu'elle est bien faite, au chapeau son noir et son luisant.

Recette pour la composition de la colle imperméable à l'eau, pour quinze chapeaux:

Quatre gros de gomme arabique;
Un demi-gros de cire vierge;
Deux gros d'huile d'amande;
Quatorze onces de colophane.

On pulvérise la gomme, on la met à chauffer à petit feu dans l'huile, on remue continuellement avec une spatule, jusqu'à réduction en une pâte molle: c'est alors qu'on ajoute la cire, coupée nue, en continuant d'appliquer une douce chaleur: la composition est complète lorsque le tout est fondu et bien mêlé.

Lorsqu'on veut se servir de cette colle, on fait fondre à part la colophane, à laquelle on ajoute, après la fusion, la composition ci-dessus; on obtient de cette manière un vernis que l'on étend à chaud sur le papier fin, qu'on applique sur le feutre.

Cette composition forme un corps tellement dur qu'aucun fluide ne peut passer au travers, et fait que le chapeau conserve toujours sa forme primitive.

Chapeaux d'hommes et de femmes en peluche, soie ou coton, montés sur des carcasses faites en carton, cuir et toile imperméables ou non imperméables, et pour ceux montés seulement sur toile et papier imperméables ou non imperméables; par MM. ACHARD et AUDET de Lyon. (Brevet d'importation et de perfectionnement.)

Après avoir laissé tremper, pendant quelque temps, le carton dans une eau fortement imprégnée d'alun, on le retire et on le fait sécher: on en forme ensuite le tour des carcasses; on pose sur ce tour le dessus de ce même carton, que l'on recouvre d'une toile de carton pour plus de solidité; on fait déborder d'environ six lignes le pourtour du haut de la forme du chapeau; après quoi on y adapte le bord de la manière suivante.

On forme, avec une lanière de peau, un cercle divisé en deux parties, dont l'une est destinée à joindre le bord à la forme du chapeau, et l'autre à recevoir le carton qui doit donner la consistance nécessaire au bord ou aile du chapeau. Ce carton, ainsi adapté sur cette partie de la peau, est ensuite recouvert dessus et dessous d'une toile de coton qui vient déborder sur la partie du cercle de peau destinée à joindre le bord du chapeau. Le bord, arrivé à cet état, est fixé à la forme du chapeau par la première partie du cercle de peau. Celle opération terminée, on enduit la carcasse d'un vernis fait avec

Alcool.                     2 litres.
Gomme laque.                1/2 kilogramme.
Colle de poisson.           2 hectogrammes.
Gomme élémi.                15 grammes.
Craie de Briançon.          20 grammes.
Le suc de six gousses d'ail.
Sirop de mélasse.           20 grammes.

On fait fondre la gomme laque dans l'alcool à la chaleur du bain de sable; on y joint la gomme élémi, ensuite le suc d'ail, on remue et l'on y ajoute le sirop de mélasse; d'autre part on fait fondre la colle à une douce chaleur dans un demi-litre d'esprit de vin, on y délaie la craie de Briançon en poudre impalpable, et l'on mêle bien les deux compositions.

Ce vernis a non seulement la propriété de rendre le carton imperméable à l'eau, mais encore de lui donner une souplesse, que l'on peut augmenter à volonté, suivant le degré de densité que l'on donne au vernis. Les carcasses enduites de ce vernis sont recouvertes ensuite de peluche de soie noire ou diversement colorée; lorsque les coutures sont achevées, on fixe la peluche comme on va le voir.

On couvre d'un linge imbibé d'esprit de vin la partie de la peluche que l'on veut rendre adhérente à la carcasse, et on passe un fer chaud sur le linge. La vapeur de l'esprit de vin, pénétrant la peluche, ramollit le vernis, qui s'incorpore dans le tissu de la peluche et la rend adhérente à la carcasse; ce qui empêche l'humidité de traverser le tissu de la peluche, et par conséquent de ramollir la carcasse qui est vraiment imperméable. Les chapeaux montés sur toile ou papier sont plus légers que les précédens, tout étant également imperméables.

Fabrication des chapeaux en tissu de coton et en toutes sortes d'étoffes filamenteuses. (Brevet d'invention de cinq ans accordé, le 7 juin 1816, au sieur GURY, à Paris.)

La garniture intérieure formant la boîte du chapeau est en carton lissé et verni.

Le haut de la forme, aussi en carton, est soutenu par un cercle en bois mince.

La couverture est en tissu d'une couleur quelconque.

Le tour est en fil de fer, et se prête très bien à la forme cintrée ou non cintrée qu'on veut lui donner.

Ces chapeaux ne se graissent pas; ils résistent à toutes les injures des saisons sans éprouver d'altération, parce qu'ils n'ont pas besoin, comme les chapeaux de feutre, d'une préparation qui a l'inconvénient de se détériorer par l'humidité et de se casser par la sécheresse; ils sont aussi beaucoup plus légers et coûtent moins que les chapeaux de feutre.

Certificat d'additions délivré au sieur LOUSTAU, cessionnaire du sieur GURY.

Ces additions ont pour objet de faire disparaître les différences qui existaient entre les chapeaux en tissu du sieur Gury et les chapeaux de feutre.

Le tissu qui recouvrait le fond des chapeaux du sieur Gury n'était point fixé, et les bords n'offraient ni rondeur ni fermeté.

Maintenant le tissu est fixé à l'extérieur du fond du chapeau par le moyen d'une colle soigneusement préparée, et par des points de couture imperceptibles, de manière à présenter toute la solidité nécessaire.

On obtient la fermeté et la rondeur parfaite du retroussis des bords, par l'emploi d'un cuir battu, qui, quoique très mince et très léger, est cependant d'une force égale à celle du feutre: ce cuir est recouvert des deux côtés par le tissu, qui est appliqué avec la colle; trois rangées de points de couture le consolident de manière à ce qu'il ne puisse être altéré ni par l'humidité ni par la sécheresse.

Perfectionnement dans la fabrication des chapeaux de soie, patente à W. Mathew et W. White. (Lond. journ. of arts, janvier 1826, page 388.)

Les patentés font observer que l'on a fait deux objections à l'emploi des chapeaux de soie: c'est que la rudesse du corps sur lequel est attachée la soie, blesse fréquemment la tête, et que les bords de la forme étant plus exposés aux chocs, la soie est sujette à s'enlever et met à nu le tissu de coton de dessous, qui étant une matière végétale n'est pas susceptible de recevoir une aussi belle teinture que la soie, et alors le chapeau s'use promptement.

Pour remédier à ces défauts, le corps du chapeau doit être fait de soie comme à l'ordinaire, et pour corriger la dureté du bord intérieur, on le couvre de castor qui le rend mou et susceptible de se plier; on teint ensuite le chapeau en une belle couleur noire en dedans et en dehors, et après l'avoir suffisamment gommé, on le couvre de soie, et au lieu d'employer pour la fixer du coton qui prend mal la couleur, on compose la couverture de soie seulement, de sorte que le chapeau conserve sa couleur dans toutes ses parties.

Procédé de fabrication de chapeaux de peaux de mouton tannées. (Brevet d'invention de cinq ans accordé, le 14 juin 1816, au sieur Ch. Pebrec, à Brest.)

Procédé.

Faites tremper à l'eau tiède une peau de mouton tannée de la force nécessaire à l'objet; pilez cette peau dans un mortier pendant huit à dix minute; dressez-la sur une forme en tôle disposée à cet effet; passez dessus une couche d'huile de lin rendue siccative, dans laquelle on a fait dissoudre du copal, à raison d'une once par pinte; faites boire cette quantité d'apprêt à une chaleur modérée dans une étuve: répétez trois fois cette opération, et après chacune, poncez à sec votre chapeau, que vous peignez ensuite avec deux couches d'une couleur noire, composée de l'apprêt d'huile de lin ci-dessus et de noir d'ivoire; ces disposions faites, poncez tout autour le chapeau avec la ponce pilée, tamisée et mouillée, et appliquez deux couches de vernis, ayant soin de poncer la première couche.



DES SCHAKOS.

Le schako est une coiffure particulière aux troupes et qui prend diverses formes cylindriques, tantôt décroissant légèrement à la partie supérieure, et tantôt au contraire s'élargissant beaucoup. Les schakos se fabriquent comme les chapeaux en feutre de laine; ils peuvent l'être aussi avec la peluche de soie, le coton, le crin, le cuir, et généralement de la même manière que les divers chapeaux que nous avons énumérés. A proprement parler les schakos sont des chapeaux d'une forme particulière, sans rebord, ayant la calotte en cuir et munis souvent d'une visière en cuir verni. Comme ce mode de fabrication ne diffère en rien de celle des chapeaux, nous le passerons sous silence; mais fidèles à notre système de faire connaître les progrès des genres de fabrication dont nous nous occupons, nous allons faire connaître les brevets d'invention qui ont été obtenus à ce sujet.

Schakos à deux feutres. (Brevet d'invention de cinq ans accordé, le 8 mai 1820, au sieur DELPONT, à Paris.)

Ces schakos sont composés de deux feutres: l'un, qui est intérieur, est sans teinture et enduit d'un apprêt dont on va voir la composition; l'autre, qui est extérieur, est sans colle et sans aucun apprêt; il est assez fort pour ne pouvoir être déchiré, et il ne peut ni rougir ni devenir galeux; enfin, la pluie et l'humidité ne peuvent le détériorer; il sèche comme un drap.

Ces deux feutres sont en pure laine de France.

Apprêt pour le feutre intérieur.

Gomme de cerisier     4 parties.
Colle-forte de Paris  8
Résine                4

Fabrication des schakos en cuir poli, destinés particulièrement à l'infanterie légère; par M. BERCY jeune. (Par brevet d'invention.)

C'est avec des peaux de vache pesant quinze à dix-huit livres, qu'on confectionne ces schakos.

On commence par bien racler les deux surfaces de la peau, pour la rendre spongieuse et la disposer à recevoir les apprêts.

Lorsqu'on a cousu le schako, on le plonge dans de l'eau échauffée au point qu'on puisse y tenir la main. Il s'y ramollit et devient susceptible de prendre toutes les formes qu'on veut lui donner. On le met alors sur une forme en cuivre à huit clefs, dont le fond isolé est également en cuivre. On place ensuite le tout sous une presse à balancier, où on fait prendre forme au schako par une forte pression.

On le retire de la presse et de la forme pour le mettre sur une autre forme en bois, à cinq clefs seulement, mais dont le calibre est le même. Cette forme est surmontée d'un tampon également en bois, lequel est destiné à former le fond concave du schako, dont la profondeur est de 15 lignes sur 8 pouces 3 lignes de diamètre.

La forme et le tampon sont pressés et maintenus l'un contre l'autre par quatre brides en fer qui, en descendant extérieurement le long du schako, vont se fixer avec autant de vis sur le contour du plateau de fer du même calibre que le schako sur lequel pose la forme. C'est dans cet état qu'on le laisse sécher, sans qu'il puisse se voiler dans aucune de ses parties.

Le schako se trouve ainsi préparé à recevoir les deux apprêts suivans:

Le premier apprêt se compose d'une livre de bonne colle dissoute dans quatre pintes d'eau que l'on fait réduire par l'ébullition à deux pintes et demie. On a soin d'enlever l'écume à mesure qu'elle se forme. On laisse refroidir cette colle jusqu'à ce qu'elle ne soit plus que tiède, et on en verse dans le schako une quantité suffisante pour l'enduire. On laisse sécher à demi; on substitue la forme de bois bien savonnée et ses brides à la forme en cuivre; on la laisse encore sécher dans cet état.

Pour le deuxième apprêt, on fait fondre ensemble et au bain-marie, trois livres de cire jaune brute avec une livre et demie de brai sec. On retire la chaudière du feu, et on ajoute une livre de noir d'ivoire en poudre, passé au tamis de soie; on remue ce mélange jusqu'à ce qu'il soit baissé, attendu que le noir d'ivoire le fait d'abord monter.

Le schako étant toujours sur la forme de bois et bien sec, les brides de fer étant d'ailleurs retirées, vous enduisez au pinceau l'extérieur du schako d'une couche de cette composition. Après cela vous vissez, sur la clef du milieu, dans un trou disposé à cet effet, un manche de fer avec lequel vous présentez ce schako au-dessus d'un feu doux, afin de faire pénétrer la composition dans les pores de la peau. Aussitôt que la couche commence à disparaître, on le retire du feu et on le brosse fortement pour étendre également ce qui en peut rester à la surface.

Pendant qu'il est chaud, vous le remettez encore sous la presse, où, en refroidissant, il reprend sa première forme. Après quoi on le place sur le nez d'un tour en l'air avec sa forme en bois; et avec un morceau de bois taillé convenablement on donne le poli qu'on désire.

Fig. 27. Chaudière montée sur son fourneau, dans laquelle on fait ramollir le cuir pour le rendre propre au travail.
Fig. 28. Forme en cuivre à huit clefs.
Fig. 29. Dés en cuivre pour former le fond du schako.
Fig. 30. Presse à vis et à balancier. On suppose que la forme en cuivre garnie d'un schako est sous presse.
Fig. 31. Forme en bois à cinq clefs.
Fig. 32. Tampon en bois qui forme le fond du schako.
Fig. 33. Quatre brides en fer, servant à maintenir le tampon et la forme l'un contre l'autre.
Fig. 34. Plateau en fer placé sous la forme et contre lequel sont fixées avec des brides les quatre vis ci-dessus.
Fig. 35. Chaudière avec son fourneau, dans laquelle on prépare les premiers apprêts: on n'en voit que le tuyau, parce que cet appareil est semblable au suivant.
Fig. 36. Chaudière sur son fourneau, pour le deuxième apprêt.
Fig. 37. Schako sur la forme de bois présenté au feu.
Fig. 38. Manche de fer vissé sur la forme.
Fig. 39. Cheminée, dite à la prussienne, en tôle de fer.
Fig. 40. Brosse dure pour étendre l'apprêt.
Fig. 41. Tour en l'air pour polir les schakos.
Fig. 42. Morceau de bois à polir.
Fig. 43. Schako terminé et garni de sa visière.
Fig. 44. Deux anneaux concentriques qui servent à saisir le cercle supérieur du schako pour le polir.

Fig. 45. Châssis en fer, monté à charnière sur une planche, qui sert à régler et à réunir ensemble les diverses pièces de laiton qui composent les jugulaires.
Fig. 46. Schako complètement garni et posé sur la tête d'un voltigeur.

Procédé pour reteindre les schakos en tissu de coton dont la couleur s'est altérée.

Ce procédé consiste à faire bouillir un quart de bois d'Inde ou de campêche, coupé en morceaux dans trois litres d'eau, ce qui suffit pour teindre vingt schakos.

On étend cette liqueur avec une brosse molle bien garnie, dans le sens du poil, ayant soin de ne pas endommager le galon, et de manière que le poil soit imbibé. Quand le schako est sec, on le brosse avec une autre brosse molle et sèche, pour décatir et lisser le poil. (Ann. mar. et col., janvier et février 1824, page 47.)




QUATRIEME PARTIE.



CHAPEAUX EN PAILLE ET EN BOIS.

Chapeaux de paille.

L'Italie a été long-temps en possession de fournir à l'Europe ces beaux chapeaux de paille qui sont si recherchés par les dames, et dont le prix s'élève encore jusqu'à 1200 fr. pour les belles qualités fabriquées aux environs de Florence. Depuis que l'industrie a pris un si grand essor en France, on s'est attaché à ce genre de fabrication, afin de nous affranchir de ce tribut que le luxe paye à l'Italie. Déjà en 1819 on vit figurer à l'exposition des produits de l'industrie française des chapeaux de paille dus à nos fabriques, dont la beauté était remarquable. Parmi ces fabricans on distingue:

1º M. Clairvaux, à Troyes (Aube), pour de très jolis échantillons de tissus de paille pour chapeaux, imitant assez bien les chapeaux d'Italie.

2º M. Thibault, du même lieu, pour ses chapeaux de paille jaune et blanche, de toute qualité, très bien confectionnés.

3º M. N., à Saint-Loup (Haute-Saône), pour des chapeaux de paille à la fabrication desquels il employait environ 350 enfans.

4º M. N., à Ban-de-la-Roche (Vosges), de jolis échantillons de chapeaux de paille exécutés par de jeunes filles.

L'exposition de 1823 donna des résultats encore plus satisfaisans; enfin celle de 1827 a réalisé en grande partie les espérances que celle de 1823 avait fait concevoir. En effet, les départemens de l'Ain et de l'Isère semblent avoir rivalisé d'efforts pour l'importation de ce genre d'industrie que des essais, en général peu satisfaisans, tendaient à faire regarder comme n'étant pas susceptible de prospérer en France.

MM. Héricart de Thury et Migneron, dans leur rapport sur les produits de l'industrie française de 1827, présenté au nom du jury central au ministre du commerce et des manufactures, et M. Ad. Blanqui dans son histoire des produits de l'exposition de 1827, ont signalé les fabricans de ces chapeaux qui ont obtenu les plus heureux résultats. Les voici:

M. Dupré, à Lagnieux (Ain), qui fut mentionné honorablement en 1823, a obtenu une médaille d'argent. Il a exposé une suite de chapeaux de paille, façon d'Italie, dans des qualités très diverses: les plus communs sont de 2 fr. chacun et les plus fins de 200 fr. Chaque sorte a un degré de finesse et de moelleux correspondant à son prix, et toutes sont remarquables par une confection soignée. Ce fabricant occupait, en 1827, quinze cents ouvriers, au lieu de cinq cents qu'il en occupait en 1823. Sa fabrication, qui n'était que de huit à dix mille chapeaux, a été portée de cinquante à soixante mille. On peut juger par là du développement et des progrès de son industrie.

M. Dupré a exposé aussi des échantillons de la paille qu'il emploie pour en obtenir la quantité nécessaire pour le maximum de fabrication indiqué ci-dessus; il a fallu semer treize cent soixante boisseaux de blé, ce qui revient à deux boisseaux un dixième pour chaque cent de chapeaux.

MM. Pecherand, Dubois et Cie, à Moirans (Isère), ont obtenu une médaille de bronze. C'est à Moirans, près de Grenoble, qu'ils ont naturalisé la fabrication des chapeaux de paille d'Italie. Ceux qu'ils ont exposés au Louvre n'ont reçu aucun apprêt; ils sortent des mains de l'ouvrière, et peuvent soutenir la comparaison avec ce que l'Italie nous envoie de plus beau.

Toutes les pailles, bien s'en faut, ne sont pas propres à la fabrication des chapeaux; celles qui sont les plus fines, les plus souples, les plus longues, c'est-à-dire les noeuds les plus écartés les uns des autres, et qui ne sont ni tachées ni rouillées, sont les plus propres à celle fabrication; celles de seigle, du moins les plus belles de cette céréale, sont employées pour la fabrication de certaines qualités de chapeaux. Pour les beaux chapeaux d'Italie, on emploie une qualité de froment qui est une variété d'épeautre, triticum spelta, dite blé de mars, marzola ou marzolo, dont on fait avorter la fructification. MM. Guy et Harisson ont obtenu à Londres une patente pour un procédé y relatif, qui consiste à arracher le blé avec la racine, dès que les épis sont formés, à le réunir en gerbes d'environ cent cinquante brins, et à faire dessécher celles-ci avec beaucoup de soin, au soleil, en évitant par des abris les rosées et les pluies. La paille acquiert ainsi une belle couleur jaune et très propre à la fabrication des chapeaux tressés. On fait aussi des chapeaux avec la paille préparée d'ivraie, de riz et de seigle. Indépendamment de ce que nous venons d'exposer, il est encore d'autres soins à donner aux pailles: on doit semer le blé qui doit les produire dans des sols qui ne soient point exposés aux brouillards ou aux pluies du printemps, parce que les pailles de ces localités sont parsemées de taches indélébiles. Cette céréale peut être cultivée dans les terrains montagneux; on doit donc visiter le champ et ne choisir que les plus belles pailles. Après en avoir séparé les feuilles, dans plusieurs fabriques, on coupe les pailles au-dessus et au-dessous de chaque noeud; on rejette ces noeuds ainsi que l'extrémité des pailles: on classe alors ces tuyaux d'après leur longueur dans des boîtes à compartimens; les plus beaux ont de 15 à 20 centimètres de longueur; les plus estimés sont ceux qui sont minces, non tachés, et qui sont de la grosseur d'une plume à écrire ordinaire. Il est de ces tuyaux qui n'ont que 5 à 6 centimètres de longueur: on en trouve l'emploi. Avant cette opération, on blanchit ordinairement les pailles de la manière suivante.

Blanchiment de la paille.

Si toutes les pailles offraient la même nuance de couleur, cette opération deviendrait inutile; mais comme il n'en est pas ainsi, on est obligé d'y recourir, surtout quand on veut les teindre et leur donner des couleurs délicates. Pour leur faire acquérir un beau blanc, on les plonge dans la chlorure de chaux liquide.

Mais comme on ne cherche pas ce blanc pour la fabrication des chapeaux, on recourt au soufrage, qu'on pratique de la manière suivante: On prend un tonneau d'environ 4 à 5 pieds de hauteur et défoncé des deux bouts, sur les parois internes duquel on colle du papier, afin de boucher soigneusement toutes les issues qui pourraient livrer passage au gaz acide sulfureux; on le dresse sur l'une de ses extrémités, et à 15 ou 16 centimètres de la partie supérieure on fixe quatre taquets destinés à soutenir un cercle sur lequel est tendu un filet en fil dont les mailles ont une dimension de 3 centimètres, et sur lequel on arrange les pailles par petites poignées en croisant les couches; on ferme hermétiquement ce tonneau au moyen d'un couvercle entouré de lisières; enfin l'on recouvre d'une couverture de laine. Tout étant ainsi disposé, on introduit dans le tonneau un réchaud rempli de charbons allumés sur lequel on place un vase en tôle contenant du soufre en poudre, étendu dans ce vase en une couche très mince pour éviter qu'il s'agglomère; car dans ce cas le soufre brûle avec trop de flamme et noircit la paille. Le gaz acide sulfureux, qui est le produit de la combustion du soufre sous le tonneau et remplit toute la capacité, agit sur la partie colorante de la paille qui est détruite en grande partie dans environ dix à douze heures. On arrange alors la paille blanchie entre des toiles mouillées pour la rendre plus souple, et on l'en retire dans trois ou quatre heures. C'est après que la paille est blanchie qu'ordinairement on en coupe les noeuds et qu'on en divise les brins longitudinalement. Nous y reviendrons.

Teinture de la paille.

Préparation préliminaire.

L'expérience a démontré qu'on ne peut donner certaines couleurs à la paille, si on ne l'a préalablement ouverte. Pour y parvenir il ne faut point qu'elle soit dans un état de siccité parfaite, parce qu'alors elle se brise; il faut donc la laisser toute une nuit dans un lieu bas et un peu humide; il est alors facile de l'inciser, l'aplatir et la dresser. Pour cela on employait jadis une espèce de fuseau en bois A, fig. 47; on tenait le tuyau de paille de la main gauche, on faisait entrer le fuseau dans un des bouts, et en l'inclinant et le poussant dans la direction de la fente on prolongeait celle-ci jusqu'à l'autre bout: après cela la paille était étendue sur le fuseau, en la frottant avec le polissoir, fig. 48. Pour finir de l'aplatir on la frottait également sur son poli avec une planche épaisse très unie de noyer ou de pommier. Le polissoir est vu de profil en B et de face en C. Cette opération, qui était d'autant plus longue qu'on était obligé de la renouveler pour chaque tuyau, a été abrégée et perfectionnée par M. L. Voici le procédé qu'il a inventé et décrit dans le Dictionnaire technologique; nous allons lui emprunter cette description.

La fig. 49 représente le laminoir à fendre, ouvrir et lisser la paille. Sur une planche rectangle de bois de pommier A, de 20 sur 15 centimètres, on assemble à tenons et mortaises deux fortes jumelles B B, recouvertes par une traverse supérieure C, ajustée à fourche sur l'extrémité des jumelles; c'est entre les jumelles que sont placés les deux cylindres D, E, qu'on voit parfaitement dans la fig. 50 qui montre le laminoir par-derrière. La fig. 51 montre de profil l'une des jumelles, afin qu'on y distingue la saillie a, sur laquelle repose la traverse b, sur laquelle est fixée, par deux vis, la pièce importante qui sert à ouvrir la paille et à la diriger entre les cylindres du laminoir. Cette traverse est placée par ses deux extrémités sur les saillies des deux jumelles, et y est fixée par deux vis en bois, comme on le voit en B, fig. 49. On voit dans les jumelles, fig. 51, une entaille c longitudinale qui reçoit les deux tourillons des cylindres, dont l'inférieur repose sur une entaille arrondie, et est surmonté par un coussinet d, qui est pressé par la vis f, afin que le cylindre supérieur comprime suffisamment la paille pour l'étendre. On voit ces deux vis dans la fig. 49.

La traverse b porte dans son milieu une pièce g, qui lui est fixée par deux vis à bois, et qui porte le bec de bécasse saillant h, que l'on voit sur ses deux faces, fig. 52 et 53. La fig. 52 le montre par-dessus, tel que le présente la fig. 49; la fig. 53 le montre par-dessous, afin qu'on en puisse concevoir la construction. Le bec h saillant est tranchant par-dessus, il est arrondi par-dessous, et va toujours en s'élargissant, afin de diriger la paille au fur et à mesure qu'elle s'aplatit, afin de la mettre en prise, tout étendue, entre les cylindres. Voici la manière d'opérer. On prend la paille moite de la main gauche, on fait entrer le bec de bécasse dans le tuyau et l'on pousse; la paille se fend, et l'on continue à pousser jusqu'à ce qu'en faisant tourner la manivelle G, on sente qu'elle est prise entre les cylindres: on lâche alors la paille; on continue de tourner la manivelle jusqu'à ce qu'elle soit tout-à-fait passée; elle tombe alors tout ouverte et plate par-derrière le laminoir. On prépare ainsi dix mille pailles dans un jour, tandis que par l'ancien procédé on n'en préparait que cent. Ces pailles sont ainsi disposées pour la teinture.

Teinture de la paille en bleu.

Indigo guatimala en poudre première qualité.
Acide sulfurique à 66 (huile de vitriol).
Potasse première qualité.
30 gram.
60
15
(1 once).
(2 onces).
(1/2 once).
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