← Retour

Manuel de la politesse des usages du monde et du savoir-vivre

16px
100%

[1] Pour les dames, les titres héraldiques à la réclame et sur l'adresse seulement.

Vous avez bien lu: les titres héraldiques! la République a daigné les conserver. On pourrait même l'accuser de quelque faiblesse à ce sujet; on pourrait lui reprocher de laisser prendre des titres à des gens qui n'y ont aucun droit, de les y encourager, pourvu toutefois qu'ils endossent la livrée républicaine.

Jamais, en effet, on ne vit autant de faux nobles, autant d'usurpations, de fabrications de noms, que de nos jours. Néanmoins il faut savoir gré au gouvernement d'avoir retenu quelques formules de l'ancien protocole, quelques-uns des égards de la vieille courtoisie française.

Lors donc que vous écrirez à une personne qui a un titre nobiliaire, n'oubliez pas de le mentionner dans votre lettre: «Monsieur le duc, Monsieur le comte, etc.»

Pour les personnages de très haute dignité, il était d'usage en France, et il l'est encore à l'étranger, de substituer à la seconde personne Vous, une périphrase, comme par exemple: «J'ai obéi aux ordres que «Votre Eminence, que Votre Excellence» m'a donnés».


Ce cérémonial n'est pas de mise dans les lettres ordinaires. Leur rédaction varie selon le rang, la position des destinataires; leur formulaire est calqué sur ceux qu'on a vus plus haut.

Quand on ne donne pas la ligne, il est essentiel de placer le nom de «Monsieur ou Madame» le plus tôt possible, et de le rappeler dans le courant de la lettre. C'est une impolitesse que de le trop reculer. Exemple: «Je regrette bien, Monsieur, etc.—Madame, vous avez mille fois raison, etc.»

Vous adressez-vous à une personne avec laquelle vous entretenez des rapports familiers? à un collègue, un camarade de classe ou de régiment, supprimez le mot «Monsieur» et remplacez le par: «Mon cher collègue, Mon cher camarade, etc.»

Un homme qui écrit à une femme, même d'un rang inférieur au sien, doit toujours le faire avec une forme respectueuse.

Une femme, quand elle écrit ou parle à un homme, ne doit jamais se servir des expressions suivantes: «Avoir l'honneur, etc., ou de vouloir bien lui faire l'honneur, etc.»

Dans une lettre, comme dans une visite ou une rencontre, l'on ne chargera la personne à laquelle on s'adresse, de présenter ses hommages ou ses compliments à un tiers, que s'il appartient à sa famille; et encore fera-t-on bien de se servir dans la lettre d'un correctif: «Permettez que Madame *** reçoive ici les assurances de mon respect, etc.»

Abstenez-vous de post-scriptum, à moins d'une circonstance imprévue et subite qui vous y force.

Autrefois, l'on se donnait beaucoup de peine pour amener avec esprit la fin d'une lettre; aujourd'hui, l'on n'y fait pas tant de façon, et l'on finit en mettant à l'alinéa: «Je suis, ou: J'ai l'honneur d'être, etc.»

On y joint l'expression de quelque sentiment: «Je suis avec respect, ou: avec le plus profond respect, etc.,» ou encore: «Recevez, Monsieur, ou Veuillez recevoir, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.» A un supérieur, on dirait: «de ma haute» ou, selon son caractère sacerdotal ou magistral, ou même son âge: «de ma respectueuse considération», ou encore: «de mes sentiments les plus respectueux».

Ce sont là autant de formules, autant de règles, consacrées par la politesse, qu'il faut observer.

LETTRES DE REMERCIEMENT

C'est au cœur à parler dans ces sortes de lettres, puisque le remerciement n'est autre chose, comme l'observe Bossuet, qu'un acte de reconnaissance.

Le service rendu, les circonstances qui l'ont accompagné, la générosité de celui qui oblige, la sensibilité de celui qui reçoit, sa profonde gratitude, sont autant de thèmes à développer dans une lettre de remerciement. Quelques fragments de lettres à l'appui:

Le maréchal de Tallard à Mme de Maintenon.

«Madame,

«Recevez, s'il vous plaît, ici mes très humbles remerciements du mot que vous me fîtes l'honneur de me dire hier. Rien n'égale vos bontés: rien n'égale ma reconnaissance, etc.»

Lettre de Saint-Evremont.

«Je suis un serviteur si inutile que je n'oserais même parler de reconnaissance; mais je ne suis pas moins sensible à l'obligation, etc.»

Lettre de Mme de Maintenon.

«Vous ne serez pas remerciée, puisque vous ne voulez pas l'être; mais la reconnaissance ne perd rien au silence que vous m'imposez.»

Lettre du comte de Bussy.

«Je suis pénétré du service que vous m'avez rendu; et ce qui me charme dans votre procédé, c'est que vous m'ayez accordé votre protection sans me l'avoir promise. Par la noblesse de votre action, jugez, Madame, de ma reconnaissance et de mon respect.»

DES LETTRES DE FÉLICITATION

Elles s'adressent soit à des amis, soit à des supérieurs ou à des égaux. L'on se réjouit avec ses amis, parce que l'on s'intéresse sincèrement à tout ce qui peut leur arriver d'heureux, et il n'est besoin, pour cela que de laisser courir la plume.

Il n'en est pas de même des félicitations adressées à ses supérieurs ou à ses égaux. Comme les convenances en font presque tous les frais, que le sentiment n'y est pour rien, force est de se rejeter sur ces lieux communs que la politesse place chaque jour sur nos lèvres, de les tourner et retourner jusqu'à ce que l'on puisse amener décemment le:—«Je suis», ou—«J'ai l'honneur d'être, etc.»

Un peu d'enjouement ne gâte rien dans une lettre de félicitation, il ne fait que donner une saveur plus piquante aux compliments. Mme de Sévigné écrit au duc de Chaulnes, ambassadeur à Rome:

«Mais, mon Dieu! quel homme vous êtes, mon cher Duc! on ne pourra plus vivre avec vous; vous êtes d'une difficulté pour le pas qui nous jettera dans de furieux embarras. Quelle peine ne donnâtes-vous point l'autre jour à ce pauvre ambassadeur d'Espagne! Pensez-vous que ce soit une chose bien agréable de reculer tout le long d'une rue? Et quelle tracasserie faites-vous encore à celui de l'Empereur sur ses franchises? Vous êtes devenu tellement pointilleux, que l'Europe songera à deux fois comme elle se devra conduire avec Votre Excellence, etc.»

LETTRES DE CONDOLÉANCE

On se borne généralement, dans ces lettres, à témoigner la part que l'on prend à la perte qui en fait le sujet.

Si celui ou celle à qui vous adressez vos compliments, pleure une personne qui lui était chère à plus d'un titre, ne craignez pas de lui en parler longuement. La tristesse aime à se replier sur elle-même, à se nourrir de sa douleur.

Quelques courtes réflexions de piété font très bien dans une lettre de condoléance. La religion, cette grande chose, a seule des consolations qui nous élèvent au-dessus des regrets et des misères humaines.

Madame la duchesse de Ventadour, gouvernante des enfants de France, venait d'écrire à Louis XV, qui était tombé malade à Metz, pour le féliciter sur sa convalescence. Au même moment, elle reçoit un courrier qui lui annonce la mort de Madame Sixième à Fontrevault, où Mesdames étaient élevées. Il devenait donc indispensable de joindre à la lettre de félicitation une lettre de condoléance. Madame de Ventadour trouva une façon fort ingénieuse de les réunir en une seule:

«Sire,

«Après la grâce que le Seigneur vient d'accorder à la France, en lui conservant Votre Majesté, il ne fallait rien moins qu'un ange en ambassade pour l'en aller remercier».

DES BILLETS

Ce qui distingue un billet d'une lettre, c'est sa contexture, son sans façon. Il n'y a qu'une supériorité bien marquée ou une familiarité bien établie qui puisse autoriser à écrire un billet.

On a souvent cité celui de Louis XIV au duc de La Rochefoucauld qu'il venait de nommer Grand-Maître de la Garde-robe:

«Je me réjouis avec vous, comme votre ami, du présent que je vous ai fait comme votre maître.»

En voici un très spirituel qui est écrit à la troisième personne. Il fut adressé par M. Villemain à une dame qui lui avait prêté les poésies d'André Chénier et qu'il lui renvoyait. Tous deux demeuraient porte à porte:

«Madame, un académicien malade, qui ne lit plus de vers et ne sait plus par cœur que les vôtres, se fait scrupule de garder ce volume que vous lui avez prêté il y a quelques mois. Il a l'honneur de le faire remettre à votre porte, inutilement voisine de la sienne; et il saisit cette occasion de vous offrir l'hommage de son respect, et l'assurance qu'il n'est mort ou imbécile qu'officiellement.»

Pour comprendre ce dernier trait, il faut se rappeler que M. Villemain relevait alors d'une longue maladie pendant laquelle on avait essayé, à la cour de Louis-Philippe, de le faire passer pour fou.

Cette façon d'écrire à la troisième personne a donné lieu par son ambiguïté à plus d'une méprise assez drôle,—témoin l'anecdote suivante:

C'était à un dîner où se trouvaient réunis plusieurs hommes de lettres. On causait style épistolaire, et l'un d'eux attaquait vivement les billets écrits à la troisième personne. Un autre les défendait, prétendant qu'ils étaient plus cérémonieux, plus polis.

—Bah! reprit le premier, un des mérites de la politesse, c'est d'être claire, et rien ne l'est moins que vos diables de billets à la troisième personne. Tenez, voici ce qui m'est arrivé à moi qui vous parle, il y a quelques années. Je reçus un beau matin de mon ami D..., chef de division au ministère de..., un petit mot conçu en ces termes:

«M. D..., chef de division, s'empresse d'informer son ami A... (votre très humble!) qu'il vient d'être nommé chevalier de la Légion d'honneur.»

«Vous jugez de ma joie, continue A..., si j'étais l'homme le plus heureux du monde! Je courus chez mon graveur, et lui commandai des cartes portant la flatteuse mention:

M. A..., chevalier de la Légion d'honneur.

«Je courus chez mon bijoutier, et je choisis une croix du plus élégant module... Je courus chez un marchand de rubans et lui achetai une pièce du plus beau moiré rouge. Je courus chez tous mes amis pour recevoir leurs félicitations; enfin je courus au ministère pour remercier mon ami D..., et je me jetai dans ses bras:

—Ah! mon ami, que je suis heureux, et combien je vous remercie de la bonne nouvelle.

—Cet excellent A..., s'écria D..., quelle part il prend à mon bonheur!

—Merci pour le mot: c'est moi qu'on décore, et le bonheur est pour vous!

—Comment! c'est vous qu'on décore?

—Mais oui, n'est-ce pas?

—Mais non, mon ami, c'est moi qui suis décoré.

—Vous?

—Oui... Vous le méritez sans aucun doute plus que moi; mais enfin, c'est moi qui le suis.

«Je compris alors quel sens il fallait donner à la phrase ambiguë.

—Que le diable vous emporte avec votre troisième personne. Ne pouviez-vous pas m'écrire tout simplement:

«Mon cher ami, j'ai le plaisir de vous annoncer, que je viens d'être décoré.»

Je le quittai, furieux, et ne le revis que deux ans après, lorsque je fus réellement décoré.

Et voilà cependant les conséquences que peut amener cette prétentieuse troisième personne!

LETTRES D'INVITATION

Les invitations à dîner, à une soirée, à un bal, peuvent se faire de vive voix ou par écrit. Dans ce dernier cas, il faut varier la rédaction des billets, selon le degré d'intimité qui nous lie aux personnes, et d'après le rang et la position qu'elles occupent dans le monde. Trois ou quatre brouillons que l'on fera recopier y suffiront.

On ajoute au bas: «Vous êtes prié de répondre».

Ces invitations devront être envoyées quatre ou cinq jours d'avance, afin que l'invité ne prenne pas d'autre engagement. S'il ne peut accepter, il ira le jour même ou le lendemain au plus tard, s'en excuser, ou bien il s'en excusera par lettre.

Ne pas répondre équivaut à une acceptation.

Il est de très bon ton, alors, de remettre ou de faire remettre sa carte chez l'amphitryon, l'avant-veille du jour désigné pour le dîner ou la soirée.

Du temps de nos pères, on avait quelquefois recours à la poésie pour les invitations. Voltaire, chargé par madame la duchesse du Maine de prier à souper chez elle l'auteur de l'Art d'aimer, lui écrivit cet ingénieux quatrain:

Au nom du Pinde et de Cythère,
Gentil-Bernard est averti
Que l'Art d'aimer doit samedi,
Venir souper chez l'Art de plaire.

LETTRES DE FAIRE PART

Les lettres de faire part pour un mariage, un enterrement ont une formule adoptée que connaissent les imprimeurs ou lithographes. Il sera bon toutefois d'en revoir le contexte pour s'assurer qu'il ne s'y est rien glissé contre les convenances.

Il faut se garder d'étaler avec complaisance les titres et décorations des personnes qui figurent dans ces billets. Ce n'est pas le lieu de faire argent de sa vanité, lorsqu'on doit être tout entier à sa douleur. La qualité de parent suffit en pareille circonstance.

Les lettres d'avis pour la naissance d'un enfant doivent être envoyées au nom du père, à l'exclusion de la mère et des grands parents.


DES DINERS EN GÉNÉRAL

De même qu'il y a fagots et fagots, il y a dîners et dîners, depuis le dîner d'apparat,—dîner grand seigneur, haute banque, ministre, etc., dont le coût varie de cent à cent cinquante francs par personne,—jusqu'au repas frugal à 0 fr. 80 ou 90 c.

MENU

Potage au pain ou Julienne.
Bouilli, bifteck, lapin sauté.
Pommes de terre ou haricots.
Fromage ou pruneaux.
Pain à discrétion.
Vin—un carafon (le crû n'est pas indiqué).
Par cachet, 0 fr. 05 c. de diminution.
Café avec petit verre, 0 fr. 30 c.

Entre ces deux extrêmes—cent à cent cinquante francs, et quatre-vingts ou quatre-vingt-dix centimes,—il y a bien de la marge, bien des intermédiaires; voyons:

Le repas de noce, le repas de corps, qui se font l'un et l'autre sur commande, et où l'on mange fort mal;

Le dîner en ville, également de commande: première, deuxième, troisième classe, etc., comme pour les enterrements.

Les menus ne varient pas:

Potage Julienne ou purée Crécy;—Turbot, sauce aux câpres, ou sauce genevoise;—Filet de bœuf aux champignons;—Poularde truffée, à la Périgueux, etc.

Toujours et toujours les mêmes mets, avec ce goût d'étuvé bien prononcé qui accuse leur cuisson au four; les mêmes sauces banales, les mêmes vins frelatés; les mêmes verres, les mêmes plats; car dans ces usines culinaires on fournit tout ce dont on peut avoir besoin: linge de table, ruolz, porcelaines, etc. On prétend même que ces honnêtes industriels tiennent en réserve un stock de quatorzièmes, prêts à toute heure, pour les cas où l'absence accidentelle d'un invité réduit les convives au nombre fatidique de treize!

Personne n'ignore à quel point ces repas confectionnés sur mesure, horripilaient Roqueplan; aussi les a-t-il flétris de bonne encre:

«Une des plus grandes douleurs du dîner en ville, c'est l'uniformité de l'organisation de son menu. Qui en a mangé un, en a mangé cent.

«Après cette soupe ridicule, composée d'un bouillon pâle et sans yeux, et dans lequel s'entrechoquent de petits losanges blancs,

«—Madère!»

«s'écrie, sans rire, un valet de pied qui fait semblant de croire qu'il tient à la main du vin de Madère, et non pas une décoction de fleurs de sureau étendue d'eau-de-vie de pomme de terre.

«—Château-Yquem 47!»

«s'écrie un autre mystificateur, comme s'il ne savait pas qu'il verse du petit vin de Lunel coupé de Grave.

«—Turbot, sauce aux câpres! sauce genevoise!

«La rage vous saisit.—Nous sommes pincés, disent les gens d'expérience, nous n'éviterons pas le filet de bœuf aux champignons!

«Puis, le délire vous prend: on mange de tout un peu, on s'empoisonne avec variété, on grignote sa mort!

«Dans la généralité, le dîner en ville est mauvais et pernicieux.

«Par cette première raison que presque personne à Paris n'a de cave, et que la plupart des donneurs de dîners achètent du vin pour la circonstance, comme certains érudits ne prennent que dans Bouillet la science dont ils ont besoin pour le jour même.

«C'est la cave Bouillet.»

Pauvre Roqueplan! lui qui recevait jusqu'à deux et trois invitations par jour, il a fini par succomber à la peine. Les dîners en ville et le faux madère l'ont tué avant le temps, ainsi qu'il l'affirmait à ses amis la veille de sa mort.


Reprenons l'énumération des dîners:

Le dîner de famille, où l'on mange comme l'on veut, quelquefois même comme l'on peut.

Le dîner sans façon, ou à la fortune du pot,

«...... Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les gourmands de la terre.»

gardez-vous en comme de la peste;

«Souvenez-vous toujours, dans le cours de la vie,
Qu'un dîner sans façon est une perfidie.»

c'est le législateur du Parnasse français qui le dit.

Le banquet populaire, à l'usage des Robert Macaire et des Gogos de la politique, où l'on se repaît de veau et de salade, où l'on s'abreuve de petit bleu.

Passons à des sujets plus relevés «Paulò majora canamus

LES GRANDS DINERS

Les gens qui ont un grand état de maison, qui font ce que l'on appelle figure dans le monde, peuvent seuls donner de ces dîners.

Tout d'abord il faut avoir un hôtel à soi, un chef de cuisine de premier ordre, avec une armée de marmitons; une cave bien fournie, une cave vécue; puis quelque chose comme trois ou quatre cent mille livres de rente, et même davantage—ce ne sera pas de trop.

Vous avez tout cela... très bien! parfait! Mais si vous n'y joignez l'éducation, l'esprit, le tact et le goût; si vous n'avez pas été initié en famille aux secrets de la grande existence, aux délicatesses, aux raffinements qu'elle comporte, c'est comme si vous n'aviez rien. Vous aurez beau tenir table ouverte, déployer tout le luxe possible,—ce ne sera pas ça... l'on mangera vos dîners, mais on se moquera de vous en arrière, on vous traitera de Californien.

Sans doute les lingots pèsent dans la balance, mais ils ne sont pas tout, ce n'est qu'un accessoire.

«La fortune, dit La Rochefoucauld, est un piédestal qui montre mieux nos mérites et dévoile davantage nos défauts.»


L'on ne s'imagine pas ce qu'il faut d'intelligence et d'art pour composer et dresser un dîner parfait, un de ces dîners dont tous les détails sont étudiés, pesés avec soin.

Le prince de Talleyrand qui, pendant quarante ans, a reçu et traité à sa table toute l'Europe politique, militaire, savante, artistique, conférait chaque matin avec son maître d'hôtel et son cuisinier; il discutait avec eux la composition du dîner, car il ne déjeunait jamais. Il prenait deux ou trois tasses de camomille avant de se mettre au travail.

Ses grands dîners sont restés légendaires dans le monde diplomatique, et l'on consulte encore aujourd'hui leurs menus.

Peut-être ne lira-t-on pas sans intérêt la description de son ordinaire pour une table de dix à douze couverts. Il se composait de deux potages; de deux relevés, dont un de poisson; de quatre entrées; de deux rôts; de quatre entremets et du dessert.

Le prince mangeait avec appétit du potage, du poisson, d'une entrée de boucherie, qui était presque toujours une noix de veau, ou de côtelettes de mouton braisées, ou un peu de poulet, ou de la poularde au consommé.

Il mangeait parfois un peu de rôti. Ses entremets habituels étaient les épinards ou les cardons, les œufs ou les légumes de primeur, et comme entremets de sucreries, les pommes ou poires gratinées. Un autre jour, c'était un peu de crème au café.

Il ne buvait que d'excellent vin de Bordeaux, légèrement trempé d'eau, et un peu de xérès; à son dessert, il demandait un petit verre de vieux malaga. Rentré au salon, on lui présentait une grande tasse qu'il emplissait lui-même de morceaux de sucre, puis on lui versait le café.

Avec ce régime-là, le prince a vécu quatre-vingt-deux ans. Que ceux qui veulent arriver jusque-là observent la recette: nous la leur livrons gratis.


Les dîners se sont servis tour à tour à la française et à la russe. Aujourd'hui le service russe a prévalu. Cependant le service français est encore en usage dans quelques bonnes maisons de la capitale, mais surtout en province, parmi les familles de vieille souche. Écoutons ce que dit à ce sujet le Carnet d'un mondain:

«La mode française ne plaçait pas le dessert sur la table. On en disposait les friandises sur un dressoir.

«Un surtout d'argenterie, de vieux saxe, de cristal de Venise ou de biscuit de Sèvres avec des montures ciselées, composait le seul ornement de la table, sur laquelle on plaçait des réchauds dont le nombre augmentait suivant l'importance du dîner.

«Cette vieille mode avait bien son mérite. Elle exigeait un plus grand nombre de plats et un soin plus attentif dans la manière de les monter. Elle indiquait une hospitalité plus large.

«Aujourd'hui, les fruits, les fleurs, les bonbons remplacent les antiques réchauds.»

C'est peut-être plus agréable, plus flatteur à l'œil; mais à quel prix? Au détriment des mets qui veulent être servis et mangés aussitôt qu'on les retire du feu. On a sacrifié aussi les hors-d'œuvre, qu'on passait après le potage, et qui stimulaient, qui préparaient si bien l'estomac. Espérons qu'on y reviendra.

Quelques plats nouveaux, ou renouvelés du XVIIIe siècle, ont apparu cette année sur la table de quelques maisons du high-life. Voici la nomenclature qu'en donne le Carnet:

Les laitances de carpes à l'Indienne;
Les pattes d'oie bottées à l'Intendant;
Les oreilles de cerf en menus-droits;
Les crêtes de coq à la gauloise;
Les glaces au pain bis et au beurre frais;
Les trains de lièvre à la Saint-Hubert (à la gelée de confiture de Bar).

Les deux menus qui suivent sont également empruntés au Carnet. Le premier est celui du dîner du Jour de l'an, offert au grand-duc Constantin à l'ambassade de Russie. L'autre est le menu d'un dîner intime de dix-huit personnes chez un grand financier.

GRAND DINER

Potage crème d'orge aux quenelles.
Soupe tortue à l'anglaise.
Petite croustade Régence.
Sterlets à la Russe.
Selle de chevreuil garnie.
Filets de poularde petits pois nouveaux.
Aspic de crustacés à la Bagration.
Sorbets au kirsch.

Faisans truffés.
Pâtés de foie gras de Strasbourg.
Asperges en branches.
Gâteau de Compiègne aux cerises.
Glace d'ananas.

DINER INTIME

Huîtres.
Potage princesse et tortue.
Laitances de carpes aux truffes.
Côtelettes de chevreuil purée Soubise.
Faisans à la Godard.
Chaufroix de cailles et de bécasses.
Rôti d'ortolans.
Dinde truffée.
Salade Impératrice.
Bombe royale.
Dessert.

LE DINER ENTRE GASTRONOMES

Le gastronome n'aime pas les grands dîners. Ces repas solennels, où l'on donne plus à l'étiquette qu'à l'art, où l'on s'attache plus à charmer les yeux qu'à flatter le goût; ces réunions nombreuses de gens inconnus pour la plupart les uns aux autres, où règnent la froideur et la contrainte, n'ont pour lui aucun attrait.

Le gastronome par excellence pousse l'amour de la table jusqu'à l'exclusion de toute autre passion. Il n'admet pas l'élément féminin à ses agapes. A tort ou à raison, il prétend que la plus belle moitié du genre humain veut être sans cesse admirée, et il ne saurait distraire la moindre parcelle de son admiration, il la réserve tout entière pour les mets délicats.

Le marquis de Cussy, un des derniers représentants de l'exquise politesse de l'ancienne cour, partageait cette doctrine de l'exclusion des femmes aux dîners des gastronomes. Il est vrai que nous ne l'avons connu que dans les derniers temps de sa vie. Peut-être n'avait-il pas toujours pensé de même?

«Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs.»

C'était bien le type du gastronome le plus accompli, le plus parfait de tous points. Ruiné par les évènements politiques, après avoir eu une immense fortune, il lui restait à peine cette médiocrité dont parle Horace; elle lui suffisait cependant pour vivre avec dignité et recevoir quelques amis.

Il donnait un dîner toutes les semaines et faisait lui-même son marché. Ce jour-là, il était à la halle dès quatre heures du matin.

Ses dîners duraient trois heures. Jamais plus de onze convives, jamais moins de cinq. Puis sept, puis neuf. Pourquoi ces nombres impairs? Était-ce pour se conformer au vieil adage romain: Numero Deus impare gaudet? On ne sait pas. M. de Cussy a emporté son secret dans la tombe.

Voici quelques-uns de ses aphorismes:

«Ne réunissez à dîner que les gens qui s'affilient en morale et en pensées;

«Mangez avec mesure, buvez à petits traits;

«Ne faites rien de trop pour votre estomac, ou il vous abandonnera, car il est ingrat;

«En hiver, votre salle à manger sera chaude; treize degrés; baignez-là de lumière.»

C'était un aimable et gai causeur, aimant assez la controverse. Il s'attaquait volontiers à Brillat-Savarin; il le considérait comme un gros mangeur et ne lui reconnaissait pas les qualités qui constituent le gastronome fin et délicat. L'entendant, un jour, demander deux douzaines d'huîtres par couvert, détachées et placées d'avance:

«Professeur, lui dit-il, vous n'y songez pas; des huîtres ouvertes et détachées! Je ne vous excuse que parce que vous êtes né dans le département de l'Ain!»

Brillat-Savarin soutenait qu'une salle à manger devait être ornée de glaces. M. de Cussy résistait, parce que «ce n'est qu'à jeun qu'on doit s'étudier dans son miroir».

Le professeur conseillait la musique pendant le dîner; M. de Cussy l'admettait, mais à la condition que les instruments à vent y domineraient.

Aussi passionné pour la musique que pour la bonne chère, il passa trois heures, la veille de sa mort, à répéter avec sa fille des scènes entières d'opéras, et le jour même où il expira, il avait mangé et digéré un perdreau rouge en entier.

C'était mourir au champ d'honneur!

LE DINER BOURGEOIS

C'est le dîner d'autrefois, le dîner du vieux temps, lorsqu'il existait une haute bourgeoisie, composée de l'élite des citoyens voués aux professions libérales, qu'ils honoraient de leur mérite et de leurs vertus. Bien habile qui pourrait dire aujourd'hui où commence et où finit ce que l'on nomme la bourgeoisie.

Il était d'usage, dans cette ancienne bourgeoisie, de donner tous les ans un ou plusieurs dîners qu'on appelait de cérémonie. Cela se pratique toujours en province, de même que dans certaines familles parisiennes, pour qui ces dîners sont une obligation d'état, de position de fortune.

Le nombre des convives varie de dix à dix-huit au maximum, en ayant soin de ne s'arrêter jamais au chiffre redouté de treize, qui n'est cependant à craindre, comme le remarque Grimod de la Reynière, qu'autant qu'il n'y aurait à manger que pour douze.

C'est à un dîner de cérémonie que vous êtes invité.

La tenue de rigueur est: l'habit noir, la cravate blanche, les gants blancs ou paille.

Déjà quelques personnes sont réunies, à votre entrée dans le salon. Vous faites les salutations d'usage et vous restez debout, en causant avec vos voisins, jusqu'au moment où le maître d'hôtel ou le domestique qui en tient lieu, ouvre les deux battants de la porte et prononce les mots sacramentels:

«Madame est servie!»

Le maître de la maison offre alors le bras à la femme qui, en raison de son âge ou de sa position sociale, a droit à cette marque de respect ou de déférence. Il passe le premier.

La maîtresse de la maison donne le bras à l'homme le plus âgé ou le plus considérable. Elle vient en second.

Les invités prennent la file, en se conformant aux règles prescrites par l'étiquette.

C'est le bras droit que le cavalier doit toujours offrir.

Au passage d'une porte, il s'avancera en s'effaçant un peu à gauche, afin de laisser plus d'espace à sa dame, et de ne point amener de rencontre fâcheuse avec la traîne ou les garnitures de la robe.

Arrivés tous deux dans la salle à manger, il saluera sa compagne qui répondra par une légère inclination.

Ils attendront qu'on leur désigne leurs places, à moins que celles-ci ne soient indiquées par des cartes posées sur les serviettes.

Le cavalier ne s'assiéra que lorsque ses voisines de droite et de gauche se seront parfaitement installées—toujours en vertu de cette extrême attention que commandent l'agencement et les ondulations coquettes des robes.

Le maître et la maîtresse de la maison occupent le milieu de la table, en face l'un de l'autre. Les places d'honneur sont à leur droite d'abord, puis à la gauche. Les convives se rangent à la suite, de chaque côté, en observant toujours les prescriptions des diverses hiérarchies sociales.

C'est un très grand art de savoir placer son monde, que de bien assortir les âges, les positions et les sympathies, de manière à ne froisser personne, à ne blesser aucun amour-propre.

Nous avons entendu un maître dans la science du savoir-vivre,—Magister elegantiarum—critiquer cette façon de numéroter les convives, de les mesurer à la toise hiérarchique.

A son avis, tous les invités étant gens d'éducation, devraient être traités sur le pied d'égalité. Il n'admettait de préséance que pour les ministres de Dieu et les vieillards des deux sexes. Cette préséance de l'habit ecclésiastique est du reste consacrée par l'usage. Quand il se trouve un prêtre parmi les assistants, c'est à lui que revient de droit la première place d'honneur à côté de la maîtresse de la maison, de même qu'elle appartient de droit aussi, dans le corps diplomatique, au Nonce du Pape.


Vous voilà donc parfaitement installé.

Vous vous êtes incliné à droite et à gauche, en échangeant quelques paroles banales. N'oubliez pas que votre position de cavalier servant vous oblige à rendre à la personne que vous avez accompagnée tous les petits services possibles. Vous lui verserez à boire, si les vins sont sur la table; vous veillerez attentivement à ce que rien ne lui manque. Soyez aimable et prévenant, mais sans familiarité. Pesez bien vos paroles, et, pour plus de sûreté, renfermez-vous dans les généralités.

Si le maître de la maison offre lui-même d'un plat, ou la maîtresse de la maison d'une pâtisserie, d'une friandise quelconque confectionnée par elle, on est tenu de faire honneur à cette attention toute gracieuse.

Quand la conversation devient générale, si vous tenez à y prendre part, faites-le en homme de bon ton. N'interrompez pas, et surtout n'interpellez jamais personne d'un bout de la table à l'autre.

Assez ordinairement l'amphitryon a eu soin d'inviter un de ces beaux esprits, joyeux conteurs, qui ont toujours quelque nouvelle et merveilleuse histoire. Méry s'était fait une réputation hors ligne en ce genre. Nous nous rappelons qu'à une certaine époque un grand nombre de lettres d'invitation à dîner se terminaient invariablement par cette formule alléchante: «Nous aurons Méry.»

Le procédé était des plus cavaliers, mais à qui la faute?

Méry se vantait de devoir à Dieu et au Diable: c'étaient les seuls peut-être qu'il n'eût pas fait contribuer. Par ses emprunts réitérés, il s'était mis à la discrétion de ses créanciers, et ceux-ci étaient excusables, et même à tout prendre, très louables, de consentir à se rembourser en racontars. Est-il beaucoup de gens aujourd'hui qui se contenteraient d'une pareille monnaie?

Il lui arriva un jour d'emprunter contre signature une somme, relativement assez forte, à un banquier qui fut depuis député de l'arrondissement de Saint-Denis. Bien entendu qu'à l'échéance le susdit billet revint sans être payé. C'était une habitude à laquelle Méry ne dérogeait guère; mais il eut le tort de ne point reparaître chez son créancier. Celui-ci donna ordre à son huissier de poursuivre à outrance: si bien que, de petit papier en petit papier, le débiteur un beau matin fut appréhendé au corps et conduit... à la prison pour dettes?—Non pas! Mais bellement chez son créancier.

—Monsieur, fit celui-ci d'un air courroucé, vous êtes mon prisonnier de par la loi; cependant, en faveur de nos anciennes relations, je veux bien vous laisser libre sur parole, à la condition expresse que vous comparaîtrez à ma table, toutes les fois que vous en serez requis, et ce—jusqu'au jour où vous m'aurez remboursé intégralement—capital et intérêt.

—Accepté! répliqua Méry. Au fait, vous me devez les aliments.

A peu près à la même époque, Dumas père, ayant appris que, dans une maison où il n'allait que fort rarement, l'on s'était servi de son nom, au bas des invitations, imagina cette vengeance spirituelle de n'ouvrir la bouche que pour manger. A toutes les questions qu'on lui adressait, il répondait par des oui, des non, ou quelques mots des plus laconiques.

Vivement contrarié de ce mutisme auquel il ne s'attendait pas, l'amphitryon prit le parti d'interpeller directement son hôte.

—Monsieur Dumas, lui dit-il, est-ce que vous n'allez pas nous raconter quelque chose?

—Très volontiers, cher Monsieur, mais à la condition que chacun y mettra du sien et servira un plat de son métier. Mon voisin, par exemple, qui est capitaine d'artillerie, tirera d'abord un coup de canon, et aussitôt je commencerai une histoire.


Revenons à notre dîner. Une gaieté expansive circule avec les vins de dessert; la joie rayonne sur tous les visages.

Aujourd'hui, l'on ne porte plus guère de toasts que dans les banquets politiques. Pourtant si l'amphitryon offrait une santé, tous les convives s'inclineraient pour saluer la personne à qui elle est adressée, et videraient entièrement leurs verres.

Mais voici que le signal de quitter la table est donné. Chacun se lève en déposant sa serviette sur son assiette, et offre le bras à sa voisine de droite. Le retour au salon s'effectue de la même manière que pour la sortie, à cette différence près que la maîtresse de maison laisse passer tout le monde devant elle. Son mari ouvre la marche comme avant le dîner. Les convives le suivent, et chacun d'eux ramène à sa place la dame qu'il a conduite à table.

Un instant après, on apporte le café: c'est la maîtresse de la maison qui en fait les honneurs. Ne versez pas votre café dans votre soucoupe; laissez votre cuiller dans la tasse.

Etes-vous du nombre de ceux qui ne peuvent se priver du cigare ou de la cigarette après avoir mangé? Suivez le maître de la maison au fumoir, et rentrez au salon le plus tôt possible. La politesse exige que vous contribuiez pour votre part à l'agrément du reste de la soirée.

Si la maîtresse de la maison parle de faire un peu de musique, les amateurs s'empresseront de déférer à son désir. C'est à elle à ne point abuser de leur complaisance. On n'a pas oublié la piquante réponse de Chopin à son amphitryon qui se croyait en quelque sorte en droit de tenir le grand artiste au piano pendant toute la soirée.

—Ah! Monsieur, dit Chopin, après avoir joué une mazurka, j'ai si peu mangé!


Il faut pourvoir à tout, quand on s'est chargé, comme le dit Brillat-Savarin, du bonheur de ses invités durant cinq ou six heures. En conséquence, des tables de jeu ont été dressées dans un petit salon, pour les personnes dont c'est la passion favorite, et même l'unique amusement, de remuer les cartes.

Le maître ou la maîtresse de la maison engageront les parties entre les amateurs qui ne se mettront au jeu qu'après en avoir été priés.

Les dames choisissent leurs places; les hommes attendent pour s'asseoir qu'elles aient fait ce choix. Il est d'usage que la personne qui distribue les cartes pour la première fois, s'incline et que chacun lui rende son salut avant de relever son jeu.

Les jeunes gens doivent s'abstenir de jouer. Une jeune femme ne paraîtra à une table de jeu, qu'autant que sa présence sera nécessaire pour remplir une place vacante.

Pendant que chacun est à ses plaisirs, on a servi le thé dont la maîtresse de la maison a fait les honneurs comme pour le café.

La soirée s'avance, et déjà quelques personnes se sont levées, bien que la maîtresse de la maison ait cherché à les retenir. Il est l'heure, plus que l'heure de se retirer.

Vous prenez alors congé de vos hôtes auxquels vous devez une visite dans les huit jours.

N'oubliez pas, au cours de cette visite, de faire l'éloge du dîner et des convives. Appuyez surtout sur la gracieuse hospitalité du maître, et de la maîtresse de la maison.

LES DÉJEUNERS

Les déjeuners dits à la fourchette sont peu usités à Paris, en raison de l'heure qu'il faudrait leur consacrer, et qui est due forcément aux affaires. Il n'en est pas de même en province, où l'on a beaucoup plus de temps à soi.

Là, les déjeuners-dînatoires sont en grand honneur. L'on se met à table à midi et l'on y reste jusqu'à trois ou quatre heures. La bonne chère fait les délices de ces repas; l'on y mange une cuisine excellente confectionnée par un véritable cordon bleu, des sauces qui ne sont point frelatées, des viandes qui sont rôties à la broche et n'ont rien à démêler avec cet ignoble four,—sans contredit la plus désastreuse conquête de la civilisation moderne.

Ajoutez à cela qu'en province il n'est pas de propriétaire, de rentier un peu riche, qui n'ait un caveau réservé, avec ses vins bien rangés et étiquetés par récolte: toutes choses fort rares à Paris et qui tendent à le devenir davantage chaque jour.

A bien dire, les déjeuners priés à Paris sont des déjeuners d'affaires, entre hommes. Aussi est-il reçu qu'après le dessert les dames quittent la table pour laisser ces messieurs à leurs conversations sérieuses et à leurs cigares.

Les hommes y assistent en redingote noire, cravate item;

Les femmes en toilettes mixtes, ou toilettes d'intérieur.


LE TABAC

Le tabac, soit qu'on le prenne en poudre ou qu'on l'aspire en fumée, occupe une si large place dans nos habitudes, il y a opéré un changement si considérable, si funeste à l'existence même de la bonne compagnie, qu'il nous est impossible de n'en pas dire quelques mots.


Le tabac en poudre, malgré Aristote et sa docte cabale, est resté divin pour les priseurs. Il est à remarquer toutefois que sa consommation tend à diminuer, tandis que celle du tabac à fumer va sans cesse en progressant.

Cela tient à ce que la clientèle des priseurs qui se compose en très grande majorité de vieillards des deux sexes, est loin de se recruter en proportion des vides qu'elle éprouve.

Depuis que la tabatière a cessé d'être un objet de luxe et d'ostentation, depuis qu'elle n'est plus à la mode, la fameuse poudre à la reine a été frappée de discrédit. Elle a perdu cent pour cent dans l'estime des nez à priser, ou, pour éviter un mauvais jeu de mot, des nez qui prisent.

Le tabac à fumer a vu, au contraire, s'accroître son empire; chaque jour il fait de nouvelles conquêtes. C'est qu'aussi il flatte et caresse bien mieux les appétences de l'homme, chez qui tout est fumée: fumée de la gloire, fumée des richesses, fumée des honneurs, etc., etc. Chacun poursuit ici-bas sa fumée avec la même ardeur que ce pauvre Ixion poursuivait sa nue.

On fume partout—au dehors et au dedans, dans la rue comme chez soi, à la ville et aux champs. C'est une épidémie qui prend les générations presque au sortir du berceau, et s'étend sur elles comme une plaie incurable.

En vain des sociétés se sont fondées, des médecins, des savants, des académiciens, des journalistes, se sont réunis pour conjurer le mal; en vain ont-ils fait paraître brochures sur brochures, articles sur articles, pour signaler les dangers du tabac,—ce poison aussi fatal à la santé de l'homme que préjudiciable à sa bourse.

«Le tabac, écrivait Charles Fourier, est l'opium de l'esprit humain: Peuple qui fume, peuple qui périt.»

Stendhal (Beyle), cet esprit si fin et en même temps si profond, a poussé plus avant et surtout plus en avant ses observations:

«Si la Turquie, dit-il, porte la nuit sur son visage, si l'Allemagne rêve dans l'espace, si l'Espagne dort d'un sommeil entrecoupé de somnambulisme, si la Hollande étouffe dans son embonpoint, si la France enfin laisse flotter son regard, nous devons désormais accuser de ce mystérieux suicide national, le chibouque, la pipe, le cigare et la cigarette. Pour peu que la chose dure encore un siècle ou deux, l'intelligence du monde finira en fumée, et le singe pourra traiter avec l'homme d'égal à égal.»

Ces sages avertissements n'ont servi à rien. Les fumeurs n'en ont tenu aucun compte; ils ont allumé leur tabac avec les feuillets des brochures, avec les articles des journaux, et le feu des cigares et de la cigarette a continué sur toute la ligne avec plus d'intensité que jamais.

Aujourd'hui, le cigare règne et gouverne en maître absolu.

De Paris à Pékin, de Londres à Philadelphie, de Lisbonne à Pétersbourg, de Brest à Stamboul, c'est à qui se rangera

Sous le sceptre cendré de ce tyran en feu.

Il est devenu le commensal de tous les logis, et s'assied à tous les foyers, se mêle à tous les propos même aux entretiens les plus doux. Il est l'ami, le confident de nos pensées, le compagnon de nos travaux; il a sa part de toutes nos peines, de tous nos plaisirs.

Comme les lettres de Pline, il nous suit à la ville, à la campagne, aux eaux; il est de tous les voyages, monte en chemin de fer, et secoue sa cendre sur la robe des dames.

Parfois, il veut bien encore leur demander la permission de s'allumer; mais c'est pour la forme, et il le fait de façon à n'être pas refusé.

Encore un peu de temps, et le cigare s'allumera tout seul!

Où cela s'arrêtera-t-il?

Cela ne s'arrêtera pas.

Les choses prendront même un développement que les circonstances n'ont pas permis jusqu'à présent. A l'aide du progrès,—n'en doutez pas—les écoles, les collèges, un peu bien situés dans l'Université, finiront par posséder des professeurs assermentés de fumerie. On fumera partout et toujours: en se couchant, en se levant, en mangeant, en vaquant à toutes ses occupations.

Le cigare deviendra le flambeau de l'hyménée: on se mariera le cigare à la bouche. Le monde enfin ne sera plus qu'un vaste appareil fumivore, et les feux du tabac nous consumeront, ainsi qu'il est dit dans l'Apocalypse:

Et circumdabit gentes fumus, et perebunt!

Et la fumée envahira les nations, et elles périront!

Cette fumée aperçue à travers les âges par saint Jean ne peut être que la fumée du tabac, à moins pourtant que ce ne soit celle de la dynamite!


CÉRÉMONIES

DU BAPTÊME, DU MARIAGE ET DE L'ENTERREMENT

Nous n'avons pas à entrer ici dans tous les détails de ces diverses cérémonies; nous nous bornerons à rappeler les principaux usages que l'étiquette prescrit pour chacune d'elles.

LE BAPTÊME

Le baptême est une cérémonie purement religieuse. C'est l'entrée dans le giron de l'Église de l'enfant qui vient de naître, et à qui son parrain et sa marraine servent d'introducteurs.

Le grand-père paternel et la grand'mère maternelle sont de droit parrain et marraine du premier né.

On alterne pour le second. Le père de la jeune femme en est le parrain, et la mère du mari la marraine.

A défaut de l'un ou de l'autre, ou de tous les deux, on choisit toujours l'ascendant le plus proche et le plus âgé dans la ligne paternelle et dans la ligne maternelle.

Il est d'usage de laisser à la marraine le choix de son compère. Quelquefois cependant on lui désigne la personne qu'on désirerait donner pour parrain à l'enfant; mais elle est libre de refuser.

Avant d'offrir le parrainage à une personne, les parents auront soin de s'assurer si cette proposition lui agrée.

Dans le cas où il ne vous conviendrait pas d'accepter une pareille demande, apportez dans votre refus toutes les formes et la bonne grâce possibles.

On ne doit pas refuser de servir de parrain ou de marraine à l'enfant d'une personne qui est dans une situation peu aisée. Ce serait manquer tout à la fois de charité et de savoir-vivre.

Ne vous offrez jamais personnellement pour être parrain ou marraine dans une famille d'une condition égale à la vôtre, et encore moins d'une condition supérieure.

La qualité de parrain et de marraine implique une sorte de responsabilité presque paternelle; elle est tout à la fois une charge matérielle et morale.

Ainsi elle oblige à des frais de cérémonie, à des dépenses diverses pour cadeaux. Nous ne parlerons pas des cadeaux qui varient selon les localités, et qui sont en outre subordonnés à la position de fortune de ceux qui donnent et de ceux qui reçoivent.

Le parrain est le grand dispensateur de dragées.

La veille du jour du baptême, il envoie à sa commère une ou plusieurs douzaines de boîtes, selon qu'il tient à faire les choses plus ou moins largement.

Il distribue des cornets de bonbons avec pièces d'argent à la garde-malade et aux domestiques.

Voici comment se règlent les choses, le jour de la cérémonie:

Le père se charge du service des voitures. Il en envoie une au parrain qui va lui-même chercher la marraine et la fait monter avec lui.

Le père, la nourrice ou la garde, occupent une seconde voiture; mais, à la rigueur, une seule peut suffire.

Dans ce cas, la marraine occupe le fond de la voiture avec l'enfant et la nourrice. Le père et le parrain se plaçent sur la banquette du devant.

Si c'est l'enfant d'un haut personnage que l'on va faire baptiser, l'enfant occupera le fond de la voiture avec la marraine, et même on lui donnera la droite comme place d'honneur.

En arrivant à l'église, la femme qui porte l'enfant, entre la première. Le parrain et la marraine la suivent, sans se donner le bras; puis viennent le père, les parents et les amis de la famille.

Quand la cérémonie commence, le parrain se place à droite de l'enfant, la marraine à gauche. La nourrice tient la tête de l'enfant appuyée sur le bras droit.

Le prêtre fait les questions voulues et exorcise le nouveau-né.

Le parrain et la marraine récitent à voix basse, et en français, le Pater et le Credo, et prennent les engagements chrétiens pour le compte du bébé.

De là l'obligation qu'ils contractent de surveiller la façon dont il sera élevé et de le suivre dans le développement graduel de son existence.

L'enfant a reçu trois noms: un de sa marraine, un autre du parrain, et le troisième choisi par la mère; et c'est sous ces trois noms, qui doivent se trouver dans le calendrier des Saints, que le prêtre baptise l'enfant.

On se rend alors à la sacristie pour y signer l'acte de baptême.

Il faut veiller très attentivement à ce que les noms donnés à l'enfant soient les mêmes que ceux qui figurent sur les registres de la mairie, sans quoi il serait exposé par la suite à toute sorte d'embarras, chaque fois qu'il aurait à se servir de ces deux actes.

Le père envoie une boîte de bonbons à l'ecclésiastique qui a administré le baptême, et y ajoute quelques pièces d'or ou d'argent, selon sa fortune.

Il y a encore le suisse, le sacristain, l'enfant de chœur ainsi que les pauvres, qui vous attendent à la sortie de l'église, et auxquels il est d'usage de distribuer quelque argent: c'est l'affaire du parrain.

Le parrain et la marraine reconduisent l'enfant à sa mère, et reçoivent ses remerciements en échange de leurs félicitations.

Généralement, un repas de gala a lieu après la cérémonie. Si la mère est encore trop faible pour y assister, l'on se borne à une collation, et l'on attend son rétablissement, afin qu'elle puisse participer au repas et en faire les honneurs.

A partir de ce jour, le parrain et la marraine sont considérés comme membres de la famille. Ils s'occuperont de leur filleul ou filleule qui, de leur côté, n'oublieront jamais le respect et la reconnaissance qu'ils doivent à l'un et à l'autre.

LE MARIAGE

Mariage à la Mairie.

Passons sur les préliminaires pour arriver tout de suite aux cérémonies civile et religieuse.

Le contrat a été signé par les deux parties. Le sacrifice est fait, d'un côté comme de l'autre; le notaire y a passé, comme on le dit encore dans certaines provinces; en d'autres termes, il n'y a plus à y revenir.

La publication des bans se fait à l'église, en même temps que le mariage est affiché à la mairie.

Il ne peut avoir lieu que dans la commune où l'un des deux contractants a son domicile, lequel s'établit par six mois de résidence continue.

Les pièces à fournir à la mairie, sont:

1o Un certificat constatant que la publication des bans a été faite dans les localités où la loi l'exige;

2o Les extraits de naissance des conjoints, et en cas d'impossibilité, un acte de notoriété délivré sur le lieu de leur naissance, ou de leur domicile. Cet acte devra être légalisé sans le moindre vice de forme.

3o Le consentement par acte notarié des père et mère, dans le cas où ils ne pourraient assister à la célébration du mariage; et, dans le cas où ils auraient refusé ce consentement, la preuve légale que les soumissions respectueuses ont été faites suivant les prescriptions de la loi;

4o Le futur est tenu de fournir son acte de libération du service militaire;

5o S'il appartient à l'armée, l'autorisation du ministre de la guerre.

A Paris, le mariage à la mairie a presque toujours lieu la veille du jour de sa célébration à l'église. Cependant la célébration à l'église peut être retardée de plusieurs jours.

Aujourd'hui, il n'y a guère que les parents des futurs et leurs témoins qui assistent au mariage civil.

Ces témoins au nombre de quatre,—deux pour le marié, deux pour la mariée,—sont pris parmi les plus proches parents; quelquefois aussi ce sont des personnages dont on désire se faire honneur et appui.

On se rend à la mairie en voitures ordinaires et en toilette de ville, qui est laissée au goût de chacun.

Le maire ou l'adjoint lisent la loi aux futurs et leur font prononcer le Oui sacramental.

Après quoi, ils sont déclarés unis devant la loi.

C'est la mariée qui signe la première; puis elle passe la plume à son mari qui, en la recevant, salue et dit: «Merci, Madame

A partir de ce moment, chacun l'appelle Madame.

L'époux et ses parents reconduisent la mariée à son domicile. Le soir, un dîner auquel les témoins seuls assistent, réunit les deux familles.

Le Mariage à l'Église.

Pour se marier à l'église, on devra fournir:

1o Un certificat constatant la publication des bans dans les églises où elle est exigible;

2o Un extrait de l'acte de baptême, ou à son défaut, une attestation que l'on a fait sa première communion;

3o Un billet de confession.

Le marié et sa famille vont chercher la mariée et les siens à leur domicile;

Le marié offre à celle-ci le bouquet de noces qui doit être entièrement blanc;

Il porte également avec lui l'anneau et la pièce de mariage, laquelle peut être d'or ou d'argent, selon la fortune des conjoints.

Les lettres d'invitation faites en double, ont dû être envoyées huit jours au moins avant le mariage;

Les lettres de faire part ne s'envoient que dans la quinzaine qui suit. Elles sont destinées aux personnes habitant une autre résidence, à celles avec qui l'on n'a pas de relations suivies, à tous ceux enfin dont on n'espère pas, ou même dont on ne désire pas la présence à la cérémonie.

On expédie ces lettres dans de grandes enveloppes, en ayant soin de placer en dessus la lettre des parents ou tuteurs qui en font l'envoi.

Voici dans quel ordre le cortège se rend à l'église:

La première voiture est occupée par la mariée qui s'installe au fond et à droite, ayant sa mère à sa gauche. Le père s'assied sur la banquette du devant;

Dans la seconde voiture, prennent place le marié et sa famille. Il occupe le fond, à gauche, sa mère à sa droite, et le père sur le devant;

Puis vient la voiture de la demoiselle d'honneur; et après celles des témoins et des autres membres de la famille.

C'est une sœur de la mariée, ou une des plus proches parentes, ou encore une amie intime qui remplit le rôle de la demoiselle d'honneur;

De même pour le marié, c'est son frère ou un ami qui lui sert de garçon d'honneur.

La demoiselle et le garçon d'honneur doivent être célibataires.

La quête est toujours faite par la demoiselle d'honneur.

S'il y a deux quêteuses, cette fonction en double revient à la plus jeune parente du marié, et le plus jeune parent de la mariée lui donne la main pour quêter.

Il est de bon goût d'indiquer très exactement sur les lettres l'heure de la cérémonie, afin de ne pas faire attendre les invités;

Ceux-ci doivent être rendus à l'église pour le moment de l'entrée des jeunes époux.

Quand les voitures arrivent devant le portail, le suisse dispose aussitôt le cortège sur deux rangs, de manière que la jeune mariée, en passant au milieu, soit protégée contre les regards indiscrets des curieux;

Le père de la mariée lui offre la main pour la conduire à l'autel.

Le marié la suit avec sa mère; la mère de la mariée est au bras du père du jeune homme.

Puis viennent la demoiselle et le garçon d'honneur; les témoins avec les plus proches parents et les autres membres de la famille.

Arrivés devant les sièges qui leur sont réservés, le marié se place à droite, la mariée à gauche.

Les parents de chaque famille, les amis et les invités, se rangent dans le même ordre; à droite, ceux du jeune homme; à gauche, ceux de la jeune femme.

A l'Offertoire, le poêle est tenu par les deux plus jeunes garçons de la famille. Si l'un d'eux est trop petit, on le hisse droit sur une chaise.

Aux questions adressées par le prêtre, le marié et la mariée répondent à demi-voix et en s'inclinant avec respect.

Au moment de la bénédiction de l'anneau, les époux ôtent leurs gants, et le marié prend de la main droite l'anneau que lui présente le prêtre et le passe au doigt annulaire de la main gauche de la mariée.

La messe terminée, on se rend dans l'ordre suivant à la sacristie pour signer les actes du mariage:

Le père du marié donne le bras à la mariée; la mère de la mariée au jeune époux; et ainsi de suite en intervertissant les rôles.

Après la signature, le marié présente les personnes de sa connaissance à la mariée qui, autant que possible, adresse à chacune d'elles un mot aimable.

Les parents de la mariée présentent leur gendre.

Chacun adresse son petit compliment aux deux époux en leur serrant la main avec effusion, tout en passant assez vite: un mot du cœur suffit.

Il est bien d'attendre les mariés à la sortie de l'église; c'est un dernier hommage.

Le marié donne le bras à sa femme;

Le père de la mariée suit en donnant le bras à la mère du marié; puis le père du marié à la mère de la mariée, etc.

L'on mêle et l'on confond ainsi les deux familles.

Avons-nous besoin de dire que les gens de bonne compagnie ne font pas de noces chez les restaurateurs? On invite moins de monde, mais l'on reçoit chez soi.

Il s'est introduit depuis quelque temps un nouvel usage qui rompt ouvertement en visière aux vieux us et coutumes, si fatigants, si gênants pour les jeunes mariés.

En sortant de l'église, ceux-ci montent seuls dans une voiture, et rentrent chez eux.

C'est une manière de rapt de bon ton de la part du mari.

La jeune femme reçoit alors la famille et les amis intimes; et nul autre que ceux qui ont été priés, n'assiste à la réunion.

Il arrive même aux nouveaux époux de se soustraire à cette dernière obligation, et de laisser à leurs parents le soin de faire les honneurs du déjeuner ou du lunch que l'on offre à la famille.

Après s'être esquivés, ils partent pour un voyage réel à l'étranger ou simplement pour une résidence peu éloignée, où ils pourront au moins jouir en liberté du premier quartier de la lune de miel.

Les visites de noces ne commencent guère que dans le mois qui suit le mariage.

Les nouveaux mariés ne rendent de visites qu'aux invités avec lesquels ils veulent avoir et entretenir des relations; aux autres, ils envoient leurs cartes.

Les personnes ayant reçu une lettre d'invitation ou seulement une lettre de faire part,—qu'elles aient on non assisté au mariage,—sont tenues à remettre ou à envoyer dans la huitaine leurs cartes au membre de la famille qui leur a adressé cette lettre d'invitation ou de faire part.

Si c'est par suite d'un cas de force majeure qu'elles n'ont pas paru à la cérémonie, les convenances veulent qu'elles le fassent savoir et s'en excusent par lettre.

On ne rend jamais de visite aux nouveaux mariés avant d'avoir reçu la leur.

L'ENTERREMENT

Là, d'un enterrement la funèbre ordonnance
D'un pas lugubre et lent vers l'église s'avance.
Boileau.

Les cérémonies de l'enterrement sont les dernières marques d'affection que l'on donne à celui qui s'en va. A moins d'un empêchement absolu, c'est manquer à toutes les convenances que de ne pas assister à un enterrement auquel on est prié par une lettre spéciale.

Les lettres d'invitation doivent être remises la veille du jour du convoi. Les lettres de faire part aux personnes éloignées s'envoient aussitôt après. On y supprime depuis quelque temps les noms des membres féminins de la famille.

Il est plus respectueux de faire porter à domicile les lettres d'invitation. Sauf quelques rares exceptions, on peut toutefois les mettre à la poste.

Quand les relations du défunt sont trop nombreuses, et que le temps manque pour écrire les adresses, il convient de faire insérer dans les journaux les plus répandus une invitation générale; c'est le meilleur moyen de réparer les omissions qu'on peut commettre.

Les hommes se rendent à la maison mortuaire; les femmes vont directement à l'église. Les proches parentes restent au domicile.

Chacun sera vêtu de noir ou tout au moins de couleur foncée; les hommes, autant que possible, en habit noir, cravate blanche et gants noirs.

Il était d'usage autrefois qu'une femme n'assistât point au convoi de son mari, ni de son enfant,—le mari à celui de sa femme. Cet usage tend à disparaître à Paris, malgré tout ce qu'il peut y avoir de douloureux pour une épouse, pour une mère, d'accompagner à sa dernière demeure son mari ou son enfant.

Au départ du cortège, les parents les plus proches sortent les premiers et se rangent derrière la personne qui conduit le deuil; puis viennent les invités, les amis et les connaissances.

Si la température est douce, il faut, par respect pour le mort, tenir son chapeau à la main. S'il fait froid ou qu'il pleuve, on reste couvert, en ayant soin toutefois de se découvrir au moment où l'on descend le corps pour l'entrer à l'église.

Les hommes se rangent à droite, les femmes à gauche; elles n'accompagnent que fort rarement le convoi au cimetière.

On ne monte dans les voitures de deuil qu'au sortir de l'église, et l'on y monte indistinctement avec des personnes qu'on ne connaît pas.

Dans la première, se trouve le clergé;

Dans celles qui suivent les parents, puis les gens de la maison, et enfin les invités.

La famille devra toujours se pourvoir d'un nombre de voitures en rapport avec celui des invités; et ces voitures reconduiront à leur domicile tous ceux qui auront suivi le convoi jusqu'au cimetière. On donne un modeste pourboire au cocher.

Le jour même ou le lendemain au plus tard, les invités, hommes et femmes, remettront chez la personne de la famille qui leur a adressé le billet d'invitation, leur carte pliée ou brisée à l'envers ainsi qu'il est indiqué à la rubrique Cartes de visite.

Dans quelques maisons,—en bien petit nombre, il est vrai,—le veuf, la veuve ou les proches parents, reçoivent le jour même de l'enterrement; on fera donc bien de se renseigner chez le concierge, en déposant sa carte.

Les personnes qui ont reçu une lettre de faire part, envoient leurs cartes par la poste. Si elles tiennent à témoigner de leur sympathie particulière, elles écriront une lettre de condoléance.

Il est toujours très convenable de faire acte de cœur dans ces circonstances douloureuses.

On est tenu, dans les cinq ou six semaines qui suivent, de renvoyer des cartes à toutes les personnes qui vous en ont adressé ou qui vous ont écrit.

Quant aux visites, elles ne se rendent qu'à l'expiration du grand deuil.


CHAPITRES COMPLÉMENTAIRES

Nous avons réuni, sous ce titre, plusieurs sujets nouveaux qui sont du ressort du savoir-vivre, et d'autres qui, bien que traités déjà dans l'ouvrage, appelaient un supplément pour réparer les omissions inévitables.

AU DEHORS

La Rue, les Boulevards, la Promenade.

Il faut être poli, gracieux et serviable en tout lieu et en toute circonstance.

Si vous voyez venir à vous, sur le trottoir, une femme, un prêtre, un vieillard, un infirme ou un homme chargé d'un fardeau, vous leur céderez le haut du pavé, c'est-à-dire le côté des maisons.

Donnez toujours le haut du pavé à la femme que vous accompagnez.

Réglez votre pas sur le sien, et veillez à ce qu'elle ne soit pas heurtée par les passants.

Si vous êtes seul et que vous rencontriez un ami, saluez-le et remettez votre chapeau, quand bien même vous vous arrêteriez pour causer avec lui.

Si c'est un supérieur ou un vieillard, restez découvert jusqu'à ce que l'on vous ait prié de remettre votre chapeau.

Si vous entamez une conversation, parlez à voix basse pour ne pas attirer l'attention des passants.

L'entretien doit être très court, et c'est à la personne la plus âgée ou la plus considérable à le rompre la première, et à prendre congé.

Un homme qui rencontre une dame de sa connaissance, la saluera, mais ne s'arrêtera point à causer avec elle, surtout si l'un et l'autre sont jeunes.

La discrétion veut que l'on ne salue pas un homme qui donne le bras à une dame, à moins qu'il ne vous y autorise par un signe.

On saluera bien moins encore une femme qui serait accompagnée par un cavalier que l'on ne connaît pas.

Les règles de la bonne compagnie s'opposent à ce qu'un homme donne le bras à deux dames à la fois, et à ce qu'une dame se tienne aux bras de deux cavaliers;

Il y a exception toutefois pour le premier cas c'est lorsque l'obscurité de la nuit et le pavé glissant et mauvais, peuvent nécessiter un appui, un soutien.

Un fumeur qui aborde une femme doit jeter son cigare aussitôt. Il serait plus qu'inconvenant de le garder à la main en parlant à une personne qu'on respecte.

Dans la rue et à la promenade, un père peut donner le bras à sa fille, au lieu de le donner à sa femme;

Un jeune homme l'offrira à sa mère, et non pas à sa sœur;

Un oncle à sa nièce, un neveu à sa tante, et non à sa cousine.

Un cavalier peut accompagner plusieurs dames à la promenade; mais il y aurait inconvenance de sa part à s'implanter en quelque sorte au milieu de la famille, à moins de prétendre à la main de la jeune fille.

Il ne faut pas non plus quitter son monde avec trop de précipitation, ce serait impoli. Le tact est le meilleur juge en pareille circonstance.

Montez-vous en voiture pour accompagner une ou plusieurs personnes? Faites-les passer devant vous; offrez la main aux dames et soutenez les vieillards par le bras.

A l'arrivée de la voiture, descendez le premier, et usez des mêmes attentions.

Quoi qu'il soit reçu aujourd'hui qu'un cavalier garde son chapeau dans une voiture, même fermée, il sera de bon ton d'en faire la demande.

Maintenant est-il besoin d'ajouter que l'on doit toujours, par politesse, offrir les places du fond et s'installer sur la banquette du devant.

Si vous vous trouvez en tête à tête avec une dame dans une voiture, ne vous asseyez pas à son côté avant qu'elle ne vous en ait prié. Agissez de même envers un supérieur ou un vieillard.

Si l'on veut vous faire monter le premier, refusez d'abord; si l'on insiste, montez. On ne doit même pas hésiter, quand c'est un supérieur ou un haut personnage qui vous y convie.

Un jour, Louis XIV avait invité un Mortemart à l'accompagner à la promenade. A cette époque déjà, les Mortemart étaient réputés pour leur grand ton et leurs manières élégantes. On disait en parlant d'eux: «L'esprit et la politesse des Mortemart».

Le carrosse du roi s'étant approché, Louis XIV fit signe de la main au duc de passer le premier. Tout autre peut-être eût fait des cérémonies; le duc monta aussitôt, ce qui lui valut les félicitations du grand roi.

L'invitation d'un souverain est un ordre.


EN FAMILLE

DEVOIRS DES ÉPOUX

Le savoir-vivre en famille comprend les devoirs des époux entre eux et envers leurs enfants, et les devoirs de ceux-ci envers leurs parents.

En bonne règle de conduite, les époux ne devraient jamais se départir entre eux des attentions, des petits soins qu'ils se prodiguaient, avant et pendant les premiers temps de leur mariage.

Se regarder comme affranchi de toute contrainte, se relâcher de l'observation scrupuleuse des égards et des convenances qu'on se doit mutuellement, c'est compromettre le bonheur conjugal.

Un excellent moyen de le conserver, sera toujours de suivre le précepte du Fabuliste:

Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau.

La vie privée, plus encore que la vie publique, exige ce maintien rigoureux des convenances, puisqu'elle nous place en tête-à-tête continuel. De là ces concessions qu'il faut se faire de bonne grâce, sans acrimonie aucune, afin de ne blesser jamais l'amour-propre qui pardonne si difficilement.

Ecartez avec le plus grand soin dans vos entretiens tout sujet sur lequel vous êtes en désaccord.

Ce serait une insigne maladresse à un mari de chercher à détourner sa femme de ses devoirs religieux, surtout lorsque leur accomplissement ne nuit en rien aux devoirs domestiques.

De son côté, la femme fera bien, dans l'intérêt de la paix et de la tranquillité du ménage, de ne point vouloir convertir son mari. Qu'elle se contente de lui donner le bon exemple, de le rendre heureux dans son intérieur: le temps et les circonstances feront mieux que toutes les controverses.

Bien d'autres sujets encore peuvent donner lieu à des altercations dans le ménage.

Evitez-les autant que possible. Que jamais ces débats ne dépassent le seuil de la chambre à coucher. N'en rendez témoins, ni vos enfants, ni vos domestiques: ce serait diminuer d'autant votre autorité et le respect qui vous est dû.

Les époux doivent toujours observer entre eux la décence, même dans leurs rapports les plus intimes. Beaucoup de maris ont le tort très grave de l'oublier, de perdre toute retenue après un certain temps de mariage. En cela, ils se montrent aussi inconvenants qu'imprudents. C'est courir de soi-même au-devant du danger, c'est ressembler à ce fou qui, après avoir mis le feu aux poudres, se plaignait de l'explosion.

Si vous voulez qu'on respecte votre femme, commencez par la respecter vous-même; honorez-la, si vous voulez qu'elle soit honorée.

La femme, dans toutes les circonstances de la vie, obéira à son mari, à moins qu'il ne lui commande des choses contraires à l'honnêteté, et à ses devoirs de mère et de chrétienne.

De son côté, le mari ne doit pas oublier que sa femme est son égale devant Dieu et devant la nature. Il ne prendra donc pas à son égard ces airs de supériorité, ce ton impératif, qui sont le fait d'un homme sans éducation.

S'il a des observations à lui faire, qu'il les présente avec toute la courtoisie possible; mais qu'il les maintienne avec d'autant plus de fermeté qu'elles sont justes et fondées. Toute faiblesse de sa part serait coupable, et pourrait avoir des conséquences désastreuses.

Ecoutez plutôt cette histoire toute moderne que racontait, il y a quelque temps, un chroniqueur du Figaro:

«J'étais, dit-il, très lié autrefois avec le baron de C..., le plus charmant et le meilleur des hommes. Nom illustre, fortune, esprit, savoir, il avait tout. Il se maria très jeune, suivant les inclinations de son cœur. Sa femme était pauvre, mais belle, de cette beauté qui en fit, en peu de temps, la femme la plus fêtée, la plus recherchée de Paris. Coquette, cela va sans dire, et jalouse des succès et du luxe de ses amies, son unique ambition était d'attirer à elle tous les hommages, et de posséder le salon le plus suivi de Paris. Elle monta sa maison royalement, sans se préoccuper si tout son luxe se trouvait en rapport avec sa fortune,—cent mille francs de rente, pas davantage. Mais pourvu qu'on parlât de ses chevaux, de ses voitures, de ses domestiques, de ses toilettes, de ses dîners et de ses bals, elle se tenait pour satisfaite.

Un hiver, elle voulut éclipser les plus riches de ses amies et donner un bal costumé, où le compte des fleurs, seul, s'élevait à quarante mille francs. Le reste à l'avenant.

Le baron essaya de parler raison à sa femme, lui montra le gouffre ouvert, au bout de toutes ces folies, lui dit qu'il avait dû vendre déjà des propriétés, et que si ces dépenses continuaient, c'était la ruine, la ruine complète en deux ans.

Elle ne voulut rien entendre, et loin de restreindre son train de vie, elle le chargea encore de nouvelles dépenses. Le baron adorait sa femme, il eût tout sacrifié pour elle. Il se résigna d'autant plus qu'il était convaincu que ses remontrances n'aboutiraient qu'à se faire détester par elle. Et ce qu'il désirait avant tout, c'est qu'elle l'aimât, c'est qu'elle lui sourît, c'est qu'elle l'enveloppât toujours de ces tendresses dont il avait tant besoin. Et puis on verrait quand le malheur serait venu.

Il arriva vite.

La baronne fut très étonnée. Non seulement il n'y avait plus d'argent, mais il y avait des dettes. Que faire? Renoncer à cette existence! Elle n'y songea pas un instant. Elle eût préféré se tuer. Il fallait prendre une décision, car les fournisseurs refusaient du crédit, et commençaient à devenir insolents et à remplir l'hôtel du bruit de leurs doléances.

—Va jouer, dit-elle un matin, à son mari, va jouer. Hier encore, D... a gagné deux cent mille francs, tu le sais bien.

Le malheureux avait horreur du jeu. De sa vie il n'avait touché à une carte. Le jeu lui semblait une chose sinistre, et bien des fois, au club, il avait frissonné, en contemplant cette salle spacieuse et cette longue table verte autour de laquelle des mains blêmes remuaient des piles d'or et des jetons. Il semblait qu'il entendît dans le tintement de l'or, le fracas des fortunes qui s'effondrent, et la voix du banquier abattant neuf lui donnait l'impression terrifiante d'un arrêt de cour d'assises.

—Va jouer, lui disait sa femme, comme la marquise de Presles disait à son mari: «Va te battre».

Il y alla.

Je l'ai vu, le pauvre diable, et jamais spectacle ne fut plus navrant. Il passait toute ses nuits au cercle, dans les tripots les plus ignobles. Et il jouait. Ses paupières s'étaient cerclées de rouge, ses joues avaient pâli, ses mains amaigries ramassaient l'or et les plaques avec des mouvements tremblés, des mouvements de fou. Il enroulait ses jambes aux barreaux de sa chaise et se mordait les lèvres, comme s'il eût voulu s'empêcher de crier.

Il gagna d'abord, puis perdit, puis regagna, puis perdit de nouveau. Chaque fois qu'il rentrait chez lui, ses poches vides, hâve et défait, sa femme s'emportait en de folles colères, lui reprochait de la ruiner. Quand il avait été heureux, elle le dépouillait.

Cette existence dura deux autres années. Finalement la déveine fut complète. Chassé de son club, n'osant plus pénétrer dans les tripots où il devait à tout le monde d'importantes sommes, voyant que tout était fini, il tenta de se brûler la cervelle. Mais il ne mourut pas, hélas!

Il s'est séparé de sa femme, ou plutôt sa femme l'a quitté, etc., etc.»

N'allons pas plus loin.

Ce que nous voulions démontrer, ressort surabondamment de ce récit qui n'est malheureusement pas l'unique en son genre.

Le baron de C... a fait preuve de la plus coupable faiblesse; il a manqué à tous ses devoirs de chef de la communauté. Le jour où sa femme n'a tenu aucun compte de ses sages avertissements, il devait, sans attendre le lendemain, faire acte d'autorité souveraine.

Il eût évité ainsi sa ruine et son déshonneur.

Pour la bonne gouverne de toute maison, dit un vieil adage fort sensé, il faut que le coq chante plus haut que la poule.

DEVOIRS DES PÈRES ET MÈRES

Le grand point de l'éducation, dit Turgot, c'est de prêcher d'exemple.

La première règle à observer par les parents, sera donc de ne donner à leurs enfants que de bons exemples, soit en parole, soit en action.

Elevez-les dans la connaissance de Dieu; déposez de bonne heure dans leur âme le germe de toutes les qualités morales, la bonté, la charité, etc., etc.

Accoutumez-les à faire l'aumône, à s'imposer des privations pour secourir les malheureux.

Combattez leurs mauvais penchants.

Ne permettez jamais qu'en votre présence, ils tourmentent et fassent souffrir un animal. Comme le remarque Bernardin de Saint-Pierre: «Les enfants qui sont barbares avec les bêtes innocentes, ne tardent pas à le devenir avec les hommes».

Tenez la main à ce qu'ils soient polis envers tout le monde; forcez-les à demander pardon à celui qu'ils auront offensé. Cette petite humiliation leur sera très sensible, et les empêchera très probablement de recommencer.

Inspirez-leur, autant que possible, l'horreur du mensonge qui est le père de tous les vices. Il faut apprendre à l'enfant l'amour de la vérité comme on lui apprend la pudeur.

Le plus difficile dans l'éducation des enfants, c'est le choix et l'application des punitions.

Autant d'individus, autant de natures différentes. Tel moyen qui réussit avec l'un, échouera avec l'autre. C'est une étude qui exige une patience, une égalité de caractère dont malheureusement peu de personnes sont douées.

En thèse générale, il ne faut passer aux enfants aucun de leurs caprices, aucune de leurs fautes, sous peine de perdre sur eux toute autorité, et d'en faire de mauvais sujets.

Soyez donc sévères, mais justes autant que possible, car l'enfant a le sentiment de la justice.

Toute punition infligée à tort, toute préférence accordée au détriment de l'un ou de l'autre, l'aigrissent et le découragent.

Employez tous vos efforts à le ramener par le raisonnement, par la douceur; ne le frappez jamais; vous obtiendrez plus par l'affection que par la crainte.

«Les remonstrances d'un père faites doucement, dit saint François de Sales, ont beaucoup plus de pouvoir sur les enfants pour les corriger, que non pas les colères et les courroux.»

Gardez-vous bien toutefois de montrer de la faiblesse; ne menacez jamais en vain; ne revenez jamais sur une décision prise. Tout se résume enfin dans ces deux mots: Douceur et fermeté.

A mesure que les enfants grandissent,—nous ne parlons ici que des garçons—ils appellent une attention plus active et plus étendue.

Il faut surveiller leurs passions qui se développent, leur interdire toute fréquentation dangereuse, toute lecture malsaine, s'occuper tout à la fois de leur instruction littéraire et scientifique, de leur éducation proprement dite,—leur apprendre les règles et les usages du monde, ce que l'on néglige beaucoup trop malheureusement.

Quant aux filles, leur éducation appartient exclusivement aux mères, qui s'efforceront de la diriger au mieux des résultats.

Le premier soin de la mère est d'inspirer à sa fille la pratique de toutes les vertus que commande la religion et que la société honore et respecte.

Elle habituera sa fille, dès son enfance, à n'avoir point de secrets pour elle, à lui faire ses petites confidences.

Elle veillera très attentivement à la tenir éloignée de toute conversation qu'une jeune fille ne doit pas entendre.

Toute lecture de romans doit être sévèrement proscrite. Nous signalons ce danger en première ligne. Que d'unions troublées et même rompues, parce que la jeune fille n'a pas rencontré dans son mari le héros imaginaire de ses lectures!

Un autre écueil encore, c'est la passion du «paraître» qui sévit de nos jours à tous les échelons de la société. Les parents sont en cela les premiers coupables. Ce sont eux qui donnent l'exemple de cette funeste manie de briller.

La jeune fille y est en quelque sorte dressée, façonnée par tout ce qu'elle voit, par tout ce qu'elle entend autour d'elle. L'on y parle souvent toilettes et plaisirs, et on lui en inspire le goût ruineux, bien avant son entrée dans le monde.

Une mère qui a souci de l'avenir et du bonheur de sa fille, se gardera de ces errements. Elle l'accoutumera de bonne heure aux idées d'ordre et d'économie; elle lui enseignera à conduire sa maison, l'initiera aux plus minutieux détails du ménage. Tous ses efforts enfin auront pour but de faire de sa fille une digne et excellente compagne pour son futur mari, une digne et excellente mère pour ses enfants.

Comme dit un poëte:

Heureux est le mari dont la femme humble et sage
Elève ses enfants et règle son ménage.

DEVOIRS DES ENFANTS

Le premier devoir des enfants est de ne jamais oublier l'amour et le respect qu'ils doivent à leurs parents. S'en affranchir, c'est se montrer ingrat; c'est commettre la faute la plus déplaisante à Dieu, la moins pardonnable aux yeux du monde.

Quels que soient les torts des parents, il n'appartient pas aux enfants de les leur reprocher. Qui nous prouve que nous ne nous trompons pas, et que ces torts sont réellement fondés?

Ne jugeons pas, si nous ne voulons pas être jugés, a dit l'Évangile.

Ecartons tout nuage qui pourrait s'interposer entre nos parents et nous.

Si nous leur venons en aide, que ce soit avec la plus extrême délicatesse, afin de ne point les blesser.

Efforçons-nous de leur complaire. Entrons dans leurs goûts et leurs plaisirs, de même que dans leurs chagrins et leurs souffrances.

S'ils sont malades, prodiguons-leur tous nos soins.

Ne laissons jamais entrevoir les incommodités que nous pouvons en ressentir.

Entourons-les, jusqu'au dernier moment, de toutes nos tendresses, de toutes les consolations possibles.

Tout ce que nous ferons ici-bas pour nos parents, nous sera compté devant Dieu.


A L'ÉGLISE

Une des premières règles du savoir-vivre est de respecter les convictions de chacun, à plus forte raison ses croyances religieuses.

Vouloir pour soi la liberté de conscience tout en portant atteinte à celle d'autrui, c'est faire acte de despotisme.

Si vous entrez dans une église, dans un temple ou une synagogue, que votre maintien soit des plus convenables. Il n'y a qu'un sot ou un homme mal élevé qui puisse faire parade de son incrédulité.

Observez de tous points les pratiques des cérémonies auxquelles vous assistez, ne fût-ce que par respect humain.

N'est-il pas regrettable de voir de jeunes maris accompagnant leur femme à l'église, de grands écoliers accompagnés de leur instituteur, témoigner les uns et les autres par leur attitude distraite et ennuyée, qu'ils n'assistent au service divin que par complaisance ou contrainte?

Et que dire aussi de ces femmes qui arrivent avec fracas et en grande toilette, au milieu des offices en dérangeant tout le monde, comme si elles ne venaient absolument que pour se faire remarquer?

La première obligation, en entrant dans une église, est de prendre de l'eau bénite.

Si vous accompagnez une femme, c'est à vous de lui en offrir le premier.

Vous agirez de même envers un vieillard, un pauvre ou un infirme. L'âge et l'infortune ont droit à cette déférence.

Il serait inconvenant de refuser l'eau bénite parce qu'elle vous serait présentée par une personne d'un rang inférieur au vôtre. L'Eglise n'admet pas ces distinctions. Devant Dieu nous sommes tous égaux.

Les prêtres, de même que les ministres de toute religion, ont droit aux plus grands égards. A l'église comme ailleurs, on doit leur céder le pas. Ce n'est pas à l'homme que s'adressent ces hommages, mais aux fonctions qu'il remplit.

Il n'est pas d'usage de donner la main à un prêtre, encore bien moins à un évêque et à un cardinal. On demande leur bénédiction, et l'on baise l'anneau des prélats.

Les esprits forts, quand ils sont polis, ce qui ne se rencontre pas toujours, se bornent à un simple salut.


A PROPOS DES PRÉSENTATIONS

Revenons sur ce chapitre pour ajouter quelques conseils et renseignements nouveaux:

Ne faites jamais de présentations à un personnage considérable, sans qu'il vous y ait préalablement autorisé.

En général, on ne doit présenter deux personnes l'une à l'autre qu'après les avoir consultées séparément.

C'est toujours la personne la plus jeune qu'on présente à la plus âgée, l'inférieur à son supérieur.

On présente un homme à une femme, et jamais une femme à un homme, à moins qu'il n'occupe une position très élevée ou qu'il n'appartienne au clergé.

Voici la formule en usage:

Si c'est un homme qui fait la présentation:

—«J'ai l'honneur de vous présenter Monsieur ou Madame (puis on ajoute les nom et titres de la personne).

Si c'est une femme, elle dira:

—«Permettez-moi» ou: «Veuillez me permettre, etc.», et jamais: «J'ai l'honneur», etc.

L'homme présenté saluera respectueusement, la femme s'inclinera gracieusement, et tous deux répondront par quelques paroles aimables à l'accueil qui leur est fait.

Lorsqu'il règne une certaine familiarité, ou qu'il s'agit de procéder rapidement, on se contente de nommer les personnes l'une à l'autre. C'est ce qui a lieu le plus ordinairement.

Quand on présente quelqu'un à un personnage élevé, on ne nomme jamais celui-ci.

DES PRÉSÉANCES

Nous avons eu déjà l'occasion de faire observer combien il est difficile, dans une grande réunion, de placer son monde au mieux et à la satisfaction de chacun.

Entrons à ce sujet dans quelques détails:

Les places d'honneur sont celles qui se rapprochent le plus du maître et de la maîtresse de la maison, en commençant par la droite. Ainsi la femme la plus notable ou la plus âgée, s'assiéra à la droite du maître du logis, et le personnage à qui l'on veut faire honneur, à la droite de la maîtresse.

A leur gauche, prennent place les autres invités, par ordre de rang et d'âge, en ayant soin d'alterner les sexes.

Rien de plus simple et de plus facile en apparence; cependant lorsqu'on vient à l'application de ces petites grandes choses, l'on est souvent fort embarrassé.

En pareil cas, ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de s'en référer aux règles prescrites par le décret de messidor an XII. En voici un extrait succinct, mais suffisant pour se guider:

La première place, la place d'honneur, appartient aux cardinaux, aux ministres de l'État, aux maréchaux, aux amiraux.

Immédiatement après viennent:

Le général commandant en chef; le premier président de cour; l'archevêque; le général de division; le préfet,—à moins que celui-ci ne soit conseiller d'État, auquel cas il passe avant le général; puis l'évêque, puis le général de brigade, puis le maire de la localité.

En ce qui concerne la magistrature, celle qui est assise a le pas sur la magistrature debout. C'est d'abord le président de la cour de cassation avec les membres de la cour; ensuite le conseil d'État et les procureurs généraux; puis la cour d'appel, ses avocats et ses avoués; les tribunaux civils avec leurs avoués, les greffiers et huissiers.

S'il arrive qu'il y ait cumul de fonctions, c'est naturellement la plus élevée qui fait titre et passe la première.

A égalité de grades dans l'armée, la préséance revient de droit à l'ancienneté du grade.

Les femmes bénéficient de la position hiérarchique de leur mari.

Notons en passant que si l'armée a le pas sur la magistrature, cette préséance est tout individuelle. En tant que corps constitué, dans les cérémonies publiques, l'armée ne vient qu'après la magistrature.

C'est l'application du vieux principe: Cedant arma togæ.

Notons aussi que, dans les réunions privées, toutes deux, par un juste sentiment des convenances sociales, se font un devoir de toujours céder la place d'honneur à un prélat, et même à un simple curé. C'est un hommage respectueux que l'on rend à la robe du prêtre, au ministre du Très-Haut.


L'ENTRÉE DANS LE MONDE

C'est le rêve que les jeunes filles caressent avec le plus d'amour. Elles soupirent après ce bienheureux jour, comme les collégiens après leur sortie du collège.

Jusque là, la jeune enfant a été tenue en charte privée, elle a vécu fort retirée. C'est à peine si, à de rares intervalles, on lui permettait de paraître un instant au salon. Ses distractions, ses seuls plaisirs, se bornaient à quelques matinées, goûters et soirées, à quelques sauteries chez les camarades de son âge; mais le temps a marché. La petite fille est devenue une grande demoiselle. Il faut songer à l'établir, lui trouver un parti convenable, avantageux. Pour cela, il est indispensable de la mener dans le monde, de l'y présenter. Grosse affaire, affaire d'État, qui demande une longue et laborieuse préparation.

Chaque matin, on voit arriver le maître de danse et de maintien dont c'est la mission de parfaire sur ce point l'éducation de la jeune personne. Il lui fait répéter ses pas, lui enseigne le laisser aller des mouvements, les poses gracieuses, les différents saluts et révérences, la manière de tenir son mouchoir et son éventail, d'appuyer en valsant le bras gauche sur l'épaule de son cavalier, etc.

Puis, c'est la mère qui vient apporter l'appui de son expérience et de ses conseils. Elle initie sa fille aux petits secrets de la coquetterie permise; elle l'éclaire, la met en garde contre les surprises, contre les ruses et les propos des galants trop empressés; elle lui apprend le langage et les formules voulus dans telle ou telle circonstance.

Toutes deux ensuite passent en revue les différentes toilettes, se creusent la tête pour en imaginer, en combiner une, dont la simplicité et l'élégance exquise soient de nature à soulever l'admiration, à conquérir tous les suffrages. Quand on est à la veille d'affronter les feux de la rampe, l'on ne saurait trop soigner son entrée en scène.

Enfin le grand jour est arrivé. La jeune fille fait son entrée au bras de son père qui la présente à ses amis intimes et à ses connaissances. On l'entoure, on la fête avec l'enthousiasme qui accueille d'habitude toutes les nouveautés.

A partir de ce jour, elle a pris rang sur la liste des demoiselles à marier. Les candidats-maris peuvent la rechercher et s'offrir.

Il s'opère alors dans son existence une de ces métamorphoses aussi rapide qu'un changement à vue dans une pièce féerique. On la traite avec tous les égards, toutes les convenances que commande sa situation nouvelle. Elle est de toutes les réceptions, de toutes les fêtes, de tous les grands dîners; elle aide sa mère à faire les honneurs du salon; elle l'accompagne partout, dans ses visites, au théâtre, au concert, etc.

Désormais, lorsqu'on remettra une carte pour Madame, on aura bien soin d'en joindre une pour Mademoiselle; son nom enfin sera inscrit sur toutes les lettres d'invitation.

Maintenant que la voilà lancée dans le tourbillon du monde et des plaisirs, il ne nous reste qu'à former des vœux pour son bonheur, qu'à lui souhaiter de trouver le plus tôt possible un mari—selon son goût et selon son cœur.


LE BAL

Quel bonheur de bondir, éperdue en la foule,
De sentir par le bal ses sens multipliés,
Et de ne pas savoir si dans la nue on roule
Si l'on chasse, en fuyant, la terre, ou si l'on foule
Un flot tournoyant à ses pieds.
Victor Hugo.

A Paris, les bals commencent fort tard.

Votre invitation porte onze heures. Il y aurait indiscrétion à venir avant, et impolitesse à se présenter trop tard: ce serait témoigner peu d'empressement.

A votre entrée, vous avez rendu vos hommages au maître et à la maîtresse de la maison. Vous circulez dans le salon et saluez successivement les personnages de votre connaissance. Un coup d'œil rapide, jeté sur les banquettes, vous a fait distinguer les femmes et les jeunes filles auxquelles, par devoir ou par tout autre motif, vous devez adresser vos premières invitations.

Empressez-vous, vous n'avez que le temps, voici l'orchestre qui prélude. N'oubliez pas les formules voulues:

«Madame, ou Mademoiselle, oserai-je espérer que vous voudrez bien me faire l'honneur, etc.;—ou serai-je assez heureux pour obtenir la faveur, etc.»

La personne vous répondra affirmativement, ou, si elle était déjà engagée, elle exprimera ses regrets de ne pouvoir accepter.

Elle se lève, vous déposez votre chapeau sur son siège, ou votre épée, si vous êtes militaire; vous offrez votre bras droit et, tous deux, vous allez prendre place.

Lorsque la danse est finie, vous reconduisez votre partenaire que vous saluez très respectueusement. Elle répond à votre salut par une profonde révérence.

Il serait indiscret à un cavalier d'inviter plus de trois fois dans la même soirée une femme ou une demoiselle, à moins d'être en petit comité et qu'il n'y ait pénurie de danseurs.

Cette réserve qu'exigent les convenances, n'est pas obligatoire pour les jeunes gens qui sont fiancés.

Un cavalier ne doit pas passer son bras autour de la taille d'une demoiselle, cela n'est permis qu'envers une femme mariée. Il posera donc sa main à plat au milieu du dos, et ne tiendra pas sa danseuse trop rapprochée de lui.

Celle-ci, de son côté, ne s'abandonnera pas sur l'épaule de son valseur, pas plus qu'elle ne se rejettera trop en arrière. Ces deux extrêmes sont à éviter.

Toute danseuse est tenue d'agréer indistinctement ceux qui se présentent. Elle apportera la plus grande attention à ne pas prendre deux engagements pour la même danse, et si, par mégarde, elle avait commis cette maladresse, le seul moyen de la réparer, serait de s'abstenir pour cette fois, et de demeurer assise.

Quant au cavalier, assez oublieux pour laisser se morfondre une personne qu'il aurait invitée, il s'expose à de fâcheuses conséquences:

«Un si blessant oubli ne saurait s'excuser.»

TOILETTE DES FEMMES

«Une Parisienne pour se parer, dit Voltaire, ne craint pas de mettre à contribution les quatre parties du monde.»

Cette profusion de richesses ne suffit pas toutefois à constituer la véritable élégance: il faut savoir en outre assortir avec goût ces éléments divers, et en former un ensemble harmonieux qui ait son style à soi, son cachet particulier.

Toutes les femmes possèdent ce secret à un degré plus ou moins intime, et toutes en font un usage plus ou moins raisonnable, plus ou moins dispendieux. L'on ne saurait donc leur recommander avec trop d'insistance la modération en matière de toilette:

Que toujours elles la règlent sur la fortune qu'elles ont, sur la position qu'elles occupent.

Ni trop de luxe, ni trop de simplicité;

Ni trop d'avance, ni trop de retard sur les modes courantes: c'est entre ces extrêmes qu'il est sage de se placer.


TOILETTE DES HOMMES

Le vêtement des hommes n'exige pas de folles dépenses. Il demeure toujours aussi noir, aussi triste, aussi disgracieux. Mais c'est précisément cette uniformité désespérante qui le rend si difficile à porter. Quelle élégance fine, quelle recherche laborieuse ne faut-il pas pour se distinguer du commun des martyrs!

Le vulgaire s'attife, se charge, se bâte, l'homme du monde seul sait s'habiller.

L'homme du monde a des grâces de tenue comme d'autres ont des grâces d'état. Il pare ses vêtements, les chiffonne, les assouplit à tous les mouvements de son corps; il sait imprimer à son habit, à son gilet un chic, un je ne sais quoi qui lui appartient en propre.

Très sobre de bijoux, il abandonne volontiers ce faux éclat, cet affichage de chaînes et de breloques aux courtiers enrichis. A ce propos, que vont devenir ces pauvres hères, si on leur enlève cet unique moyen qu'ils ont de se faire remarquer? Voici ce qu'on lisait, il y a quelque temps, dans un journal de haut high-life:

«C'est une faute de goût de porter une chaîne, quelque précieuse qu'elle soit, dès qu'on se met en habit noir; car paraître s'inquiéter de l'heure dans un salon est une impolitesse à l'égard du maître et de ses hôtes.»

Et le chroniqueur concluait en ces termes:

«Un manquement à cette règle de haute convenance suffit à classer, ou pour mieux dire, à déclasser son homme.»

Il y a peut-être là toute une révolution sociale. Mais il est bon d'attendre pour savoir si l'arrêt ne sera pas cassé.


Et, maintenant, quelques indications sur le vêtement des hommes, dans certaines réunions et cérémonies.

L'habit, le gilet et le pantalon noirs avec la cravate blanche, sont de rigueur dans les grands dîners, les bals et les soirées, les représentations théâtrales, toute réunion enfin où les femmes se montrent coiffées en cheveux et en robes décolletées.

Même tenue pour les messes de mariage, d'enterrement, et autres solennités officielles.

Pour une visite de condoléance, la redingote noire croisée et les gants foncés.

Une visite de jour qui n'est pas officielle, se fait en redingote.

Le gilet blanc a été abandonné dans toute toilette de cérémonie; on ne le porte plus qu'avec la redingote croisée.


VISITES ET CARTES DE VISITE

Les visites du jour de l'an, les plus intimes comme les plus cérémonieuses, se font le jour même.

Il est admis, pour ce jour-là seulement, que les dames reçoivent à partir de dix heures du matin.

Les hommes doivent être en habit noir et cravate blanche.

Dans la matinée, les parents enverront les enfants présenter leurs vœux et bons souhaits à leurs ascendants, ainsi qu'aux parrains et marraines.

Au cours d'une visite, quand une autre personne se présente, ne vous levez pas immédiatement; attendez deux ou trois minutes.

Ne sortez jamais en même temps qu'une jeune femme pour ne pas donner prise à la médisance.

Si la personne que l'on va voir, a un jour déterminé pour ses réceptions, c'est ce jour naturellement qu'il faut prendre.

A moins d'intimité, l'on ne fera point de visite le Vendredi-Saint, le jour des Morts, le mercredi des Cendres, et même la veille des grandes fêtes religieuses. C'est un usage reçu dans la Société.

Une visite de cérémonie ne doit pas se prolonger au delà de vingt minutes.

Quand on se présente dans une maison, on doit soulever son chapeau en s'adressant à la personne qui vient ouvrir, et l'ôter en entrant dans l'antichambre. C'est une marque de respect envers les maîtres du logis, à laquelle il serait inconvenant de manquer.

Les fonctionnaires civils qui arrivent dans une ville pour s'y fixer, les militaires pour y tenir garnison, sont tenus de rendre visite à leurs supérieurs, dans le plus bref délai.


Il n'en est pas de la remise des cartes de visite comme des visites elles-mêmes.

L'envoi des cartes doit toujours être fait pour le premier de l'an, à moins d'un empêchement sérieux.

Nous avons déjà dit que la carte ne dispensait pas de la visite, mais on ne saurait trop le répéter.

La politesse veut que l'on dépose sous enveloppe autant de cartes qu'il y a de personnes dans la famille, avec les nom et prénom de chacune d'elles.

Une femme n'en remet que pour les personnes de son sexe.

Le mari et la femme doivent avoir des cartes séparées et des cartes collectives.

Un homme ne fera jamais précéder son nom du mot Monsieur. Il mettra l'initiale de son prénom et ajoutera sa profession.

Une femme, au contraire, placera toujours le titre de Madame avant son nom, et ne prendra jamais d'autre prénom que celui de son mari.

La carte collective portera: Monsieur et Madame ***.

On doit porter soi-même sa carte chez un supérieur ou un personnage important.

Chez les hauts fonctionnaires, les dignitaires de l'État, il y a un registre ouvert chez le concierge où les hommes s'inscrivent. Une femme peut envoyer sa carte.

Si l'on a oublié quelques personnes sur la liste de ses visites, il faut réparer cet oubli aussitôt qu'on s'en aperçoit.

Une carte que l'on dépose par simple politesse, ne doit porter ni corne ni pli.

C'est seulement lorsqu'on se présente avec l'intention de faire une visite, et que l'on ne rencontre personne, qu'il faut marquer sa carte d'un pli transversal, sur le côté gauche.

Pour une visite de condoléance, après décès, ce sera de l'autre côté, à droite, et en sens contraire.

A toutes les politesses que l'on peut recevoir, telles qu'invitations, lettres de faire part pour un événement quelconque, on doit répondre par une visite ou tout au moins par la remise d'une carte.

Si, après une visite qu'on a reçue, on juge à propos de ne pas lier de relations avec le visiteur, on lui envoie simplement sa carte.

Quittez-vous votre résidence pour un laps de temps assez long, remettez une carte chez vos amis et chez vos connaissances, avec ces trois lettres au bas—P. P. C. c'est-à-dire Pour prendre congé.

On fera connaître son retour par l'envoi d'une nouvelle carte avec son adresse.


A TABLE

Nous ne rééditerons pas ici toutes les infractions au savoir-vivre notées dans la conversation si connue de l'abbé Delisle avec l'abbé Cosson. Les usages se modifient sans cesse. Pour n'en citer qu'un exemple, il était admis alors qu'on devait briser sur son assiette la coquille d'un œuf mangé à la coque. Aujourd'hui cette petite opération, assez déplaisante et malpropre en soi, serait fort mal vue.

Nous nous bornerons donc aux recommandations les plus essentielles, aux choses que peut ignorer un écolier en rupture de ban ou de bancs.


Dès que vous vous êtes assis à table, prenez une attitude décente et convenable.

Evitez de gêner vos voisins par des mouvements trop brusques.

Ne mettez pas vos coudes sur la table.

Ne vous balancez pas sur votre chaise; ne vous appuyez pas sur le dossier.

N'agitez pas vos pieds sous la table.

Si votre potage est trop chaud, attendez qu'il soit refroidi; ne soufflez pas dessus.

Laissez votre cuiller dans votre assiette, et soulevez toujours celle-ci, pour faciliter son enlèvement par le domestique de service.

Quand on vous présente un plat, servez-vous avec discrétion; n'ayez pas l'air de faire un choix.

Tenez votre fourchette de la main gauche, et votre couteau de la main droite.

Coupez votre viande par petits morceaux, et mangez-les au fur et à mesure.

Ne portez jamais la lame du couteau à votre bouche.

Ne coupez pas votre pain, rompez-le au-dessus de votre assiette.

N'essuyez jamais la sauce qui est sur votre assiette avec de la mie de pain.

Ne parlez ni ne buvez la bouche pleine.

Ne mangez ni trop vite ni trop lentement; mais n'eussiez-vous pas fini, laissez enlever votre assiette quand le domestique se présente.

Si l'on renouvelle l'argenterie à chaque service, comme cela se pratique dans certaines maisons, déposez votre fourchette et votre couteau sur l'assiette; en cas contraire, replacez-les à côté de vous, mais de manière à ne pas salir la nappe.

N'essuyez jamais votre verre avec votre serviette. Ce serait une accusation tacite de malpropreté contre le service de la maison.

S'il vous arrivait de trouver un cheveu dans un mets, gardez-vous de le faire remarquer, afin de ne point dégoûter les convives.

Le gibier vous paraît-il trop faisandé, le poisson un peu avancé? N'en mangez pas, et si l'on vous demande la raison, dites que vous n'aimez point cette espèce de gibier ou de poisson.

Ne vous servez jamais des mots de bouilli, au lieu de bœuf; de volaille, au lieu de poularde ou de dinde; de bordeaux, de bourgogne, de champagne, au lieu de vin de Bordeaux, vin de Bourgogne, vin de Champagne.

Quand le maître ou la maîtresse de la maison font les honneurs de la table, et que l'un d'eux vous envoie une assiette servie, conservez-la; ce serait une impolitesse que de l'offrir à votre voisin.

Ne critiquez jamais un plat; n'établissez jamais de comparaison avec un mets semblable que vous auriez mangé ailleurs et qui vous aurait paru de meilleur goût.

Ne buvez pas sans vous être bien essuyé les lèvres, afin de ne pas graisser les bords de votre verre, ce qui est très malpropre à voir.

Ne faites ni tartines de beurre, ni tartines de confitures. La tartine de beurre n'est admise qu'au déjeuner avec le thé.

Ne flairez pas votre vin, ne le dégustez pas à petites gorgées comme un marchand de l'Entrepôt.

Il n'y a que les commis-voyageurs qui frappent avec la paume de la main un verre à vin de Champagne pour en faire jaillir la mousse, au risque de casser le verre et de se blesser grièvement.

Ne vous avisez pas de faire brûler votre eau-de-vie dans la tasse à café ou dans la soucoupe. Cela n'est de mise qu'au cabaret ou à l'estaminet.

Au dessert, ne mettez jamais ni bonbons ni friandises d'aucune sorte dans votre poche, c'est contraire à toutes les convenances.

Une poire ou une pomme ne se pèlent jamais en spirale. On les divise longitudinalement d'abord, puis en quatre quartiers que l'on pèle, à mesure qu'on les mange.

Gardez-vous d'offrir à une dame de partager un fruit que vous auriez sur votre assiette. Ce procédé serait trop cavalier.

Il peut arriver cependant qu'il n'y ait pas assez de fruits pour tout le monde. Dans ce cas, c'est la plus forte partie de la poire, celle à laquelle adhère la queue, que l'on doit offrir.

Ne parlez jamais bas, et d'un air mystérieux, à l'oreille de votre voisine; c'est tout à fait de mauvais ton.

Ajouterons-nous qu'il ne faut jamais désigner personne avec le doigt?

Si un usage vous est inconnu, observez comment font les autres convives, ne vous exposez pas à commettre quelque incongruité par trop de précipitation. Rappelez-vous ce pauvre garçon fraîchement émoulu du collège, à qui l'on avait servi à la fin du repas un bol d'eau tiède, parfumé d'un peu d'essence de menthe, et qui l'avala d'un trait en croyant faire comme tout le monde.


AU THÉATRE

Le respect d'autrui devrait être la mesure et la règle de toute liberté. Malheureusement, par ce temps de démocratie dévergondée, une foule de gens se figurent qu'être libres, c'est pouvoir agir à sa guise et sans aucun égard pour les convenances des autres.

Ainsi, au théâtre, le rideau est levé. Un monsieur arrive en retard. Il dérangera sans vergogne quinze, vingt assistants, vous rudoiera les genoux pour gagner sa place. Si vous vous permettez la plus petite observation, il vous répondra qu'il a payé sa place et qu'il a le droit d'arriver à son heure.

Autre exemple:

Le spectacle tire à sa fin. Il y a encore deux ou trois scènes à jouer. Cependant vingt, quarante, cent personnes se lèvent à la fois, font un vacarme d'enfer, et empêchent les autres spectateurs d'entendre le dénouement. Ces messieurs le connaissent, et ils vous brûlent la politesse. A leurs yeux, le fait d'avoir payé en entrant implique tout, répond à tout.

Ainsi le veut la liberté... républicaine!

Que d'autres griefs il y aurait encore à porter au compte de ces fâcheux mal-appris!

Les uns mâchonnent un cure-dent pendant toute la représentation, sans pitié pour vos nerfs; les autres battent la mesure à faux, au détriment de vos oreilles. Ceux-ci fredonnent à satiété l'air du chanteur; ceux-là se mouchent à grand bruit, tandis que l'amoureuse et l'amoureux s'évertuent à moduler leurs plaintes ou leurs tendres déclarations, etc, etc. Elle serait longue la liste des et cætera.

Vraiment, c'est à vous faire prendre le théâtre en aversion.


FUMEURS ET PRISEURS

Les parents ne sauraient apporter trop de soins, trop de vigilance à empêcher leurs enfants de priser ou de fumer. Ceux-ci le font d'abord par amusement, puis ils s'y accoutument, et il leur devient fort difficile par la suite, pour ne pas dire impossible, de se défaire de cette funeste habitude.

Les priseurs sont tenus à une excessive propreté. Ils doivent toujours se munir de deux mouchoirs: l'un de couleur, pour leur usage particulier, l'autre en toile blanche qu'ils peuvent exhiber au besoin.

Il est très impoli de prendre ou de demander une prise, de même qu'il est de très mauvais ton d'en offrir une.

On doit s'abstenir de priser à table, et si toutefois on ne peut s'en dispenser, prendre bien garde alors de ne pas laisser tomber du tabac sur la nappe.

Quand vous êtes chez quelqu'un, ne posez jamais votre tabatière sur un meuble, pas plus que votre chapeau.

Un jour M. de Corbière, ministre de l'intérieur, était venu soumettre à Louis XVIII un projet de loi, dont il s'efforçait de faire ressortir les avantages. Entraîné par la chaleur de l'argumentation, il s'oublia jusqu'à déposer sa tabatière et son mouchoir sur le petit meuble qui servait de bureau à Sa Majesté.

—Ah ça, mon cher ministre, s'écria tout à coup le roi qui était très sévère sur l'article de l'étiquette, vous n'allez pas, je pense, vider toutes vos poches devant moi.

—Sire, répondit M. de Corbière après s'être excusé, je le pourrais en tout bien tout honneur, car l'on ne m'accusera point de les avoir emplies au service de Votre Majesté.

—C'est bien! reprit Louis XVIII avec bonté, continuons la lecture.

Quant aux fumeurs, que pourrions-nous ajouter à ce que nous avons déjà dit? Leur recommander de s'abstenir de fumer dans tout lieu public où des femmes peuvent se présenter, quand bien même il n'y en aurait pas pour le moment. Ils ne l'ignorent point, et s'ils n'en font rien, c'est qu'il leur plaît de passer outre envers et contre toutes les convenances.

Le temps n'est plus, hélas! où une dame a pu répondre à la personne qui lui demandait si la fumée l'incommodait:

—Je n'en sais rien, Monsieur, car l'on n'a jamais fumé devant moi.

Aujourd'hui le cigare a pénétré partout. Il a conquis le boudoir, la salle à manger; on prétend même qu'il a forcé les portes de quelques salons. Ce n'est peut-être là qu'une calomnie; mais gare que demain ce ne soit une vérité!


EN VOYAGE

Les voyageurs sont astreints à des égards et à des concessions réciproques,—par politesse d'abord, et ensuite par intérêt personnel,—s'ils veulent alléger les ennuis et les fatigues du parcours.

Chacun doit ranger ses bagages dans les filets ou grillages, ou sous la banquette.

Il n'a droit qu'à l'espace correspondant au-dessus et au-dessous de la place qu'il occupe.

Abstenez-vous de manger en wagon ou en voiture publique, à moins d'une nécessité absolue; et faites-le alors avec discrétion et le plus promptement possible.

Vous n'êtes pas libre, en effet, d'incommoder vos voisins de l'odeur et de la vue de vos victuailles et épluchures.

Vous ne l'êtes pas davantage de les interroger à tout bout de champ, non plus que d'entamer à haute voix des conversations sur vos propres affaires, qui ne peuvent intéresser d'aucune manière les assistants.

Il s'élève assez fréquemment des contestations au sujet des glaces que les uns veulent tenir ouvertes et les autres fermées.

Beaucoup de gens se figurent qu'ils ont la libre disposition de la fenêtre près de laquelle ils sont placés—cela arrive surtout en wagon. Eh bien! c'est une erreur complète. Votre vis-à-vis, qui est là au même titre que vous, a parfaitement le droit d'être d'un avis contraire au vôtre.

Il faut donc que chacun y mette du sien.

Deux choses seulement sont exigibles: la fermeture de l'une de deux fenêtres quand il y a un courant d'air; et, d'autre part, l'abstention de fumer.

Du reste, la politesse la plus élémentaire nous fait un devoir de déférer sur-le-champ à la demande d'une dame ou de toute personne qui se déclarerait incommodée.

Il est toujours galant et de bon ton d'offrir le coin que l'on occupe à une dame ou à un vieillard; mais on peut s'en dispenser, lorsqu'on se trouve en famille, et placé à côté de l'un des siens.


AUX EAUX

Les eaux sont devenues un des besoins impérieux de la vie moderne. Cela s'explique. Il y a de si bons arguments, de si excellentes raisons en faveur de ce déplacement annuel. Le docteur n'a-t-il pas ordonné l'eau et les senteurs de la mer, l'usage de telle ou telle source thermale, pour refaire la santé affaiblie de Madame, et fortifier la complexion si frêle des enfants?

Les eaux ont pour cela,—nul ne l'ignore,—des qualités spécifiques, des vertus souveraines. Elles guérissent de toutes les maladies, même de celles qu'on n'a pas,—de celles-là surtout.

Autre considération non moins prépondérante:

Dans les stations balnéaires, les femmes n'ont plus à s'occuper des soins fastidieux du ménage. Elles sont en pleine possession d'elles-mêmes, affranchies du contrôle marital, en un mot, libres comme l'air.

Les maris sont retenus à la ville par leurs affaires, quelques-uns par d'autres obligations qui, pour être plus légères, n'en sont pas moins attachantes. Tout au plus, peuvent-ils se permettre une visite hebdomadaire, ou semi-mensuelle ou seulement mensuelle; cela dépend de la distance. Ils montent en chemin de fer, le samedi, en sortant de la Bourse, et s'en reviennent, le surlendemain ou plusieurs jours après, reprendre le harnais.

C'est ce que l'on appelle, en langage boursier, mener de front les affaires et les convenances conjugales.

Donc, en présence de la liberté si complète et de l'isolement que cette situation fait aux femmes, peut-être n'est-il pas hors de propos de soumettre ici quelques observations et recommandations.


La première de toutes, c'est de s'observer rigoureusement, de ne se lier qu'avec des personnes dont on connaît l'origine, ainsi que la situation présente. Mais, s'écriera-t-on, l'on ne va pas aux eaux pour se condamner à la vie claustrale, et se priver de relations plus ou moins agréables, qu'après tout on n'est pas tenu d'emporter avec soi, bouclées dans sa valise. Eh bien! c'est ce qui vous trompe. Vous envisagez les choses trop légèrement.

Parmi ces rencontres fortuites, il se trouvera naturellement des gens honorables. Vous les avez admis par circonstance, pour les besoins et les distractions du moment, quoique n'étant pas de votre monde; eux, ont pris cet accueil au sérieux et, de retour à Paris, ils ne manqueront pas de vous rendre visite. Comment ferez-vous pour les évincer? Si vous leur refusez votre porte,—autant d'ennemis mortels: leur amour-propre blessé ne vous le pardonnera jamais.

Mais ce n'est pas là que gît le plus grand danger. Admettons pour un instant que vous avez eu le malheur de tomber sur un ménage interlope, ou sur quelqu'un de ces aigrefins, homme ou femme, qui font métier de capter la confiance des familles pour s'en parer en public, et exploiter le reflet de leur honorabilité. Vous vous êtes laissé prendre à des dehors séduisants, vous avez été circonvenu, sans aller toutefois jusqu'à l'intimité. Toutes les apparences sont contre vous, vous voilà compromis: vous en subirez les conséquences.


L'on ne saurait donc être trop circonspect dans ses relations de villégiature, même les plus passagères. Se tenir sur une extrême réserve, apporter beaucoup de tact et de jugement dans sa conduite,—telles sont les règles à suivre. Ne vous modelez pas sur ce qui se pratique dans les salons de Paris, les conditions de la vie balnéaire sont tout autres.

Ainsi, par exemple, une jeune personne ne devra point accepter, dans un bal de casino, l'invitation d'un cavalier qui n'a pas été présenté à ses parents. Jamais elle n'ira seule au salon; elle n'y restera que très peu de temps, afin de n'être pas exposée à entendre certaines conversations, et à se voir adresser la parole par le premier venu.

Mêmes recommandations en ce qui concerne les tables d'hôte, où il règne un ton familier de mauvais goût, et parfois très embarrassant.

Toute mère prudente, toute jeune femme qui n'est pas accompagnée, feront bien de prendre leurs repas dans leur appartement.

TABLE DES MATIÈRES

L'étiquette

Une journée de Louis XIV

La politesse

Le tutoiement

Le costume ou vêtement

Types de l'élégance parisienne

Lions et tigres civilisés

La loge des lions

Du salut et de son importance

La poignée de main

Les visites

La carte de visite

La présentation

Les salons

La conversation

De l'à-propos

La réplique

Les nuances

Des écueils à éviter

Lettres de demande

Pétitions

Lettres de remerciement

Lettres de félicitation

Lettres de condoléance

Des billets

Des invitations

Lettres de faire part

Des dîners en général

Les grands dîners

Le dîner entre gastronomes

Le dîner bourgeois

Les déjeuners

Du tabac

Cérémonie du baptême

Le mariage à la mairie

Le mariage à l'église

L'enterrement


CHAPITRES COMPLÉMENTAIRES

Au dehors:

La rue, les boulevards, la promenade

En famille:

Devoirs des époux

Devoirs des pères et mères

Devoirs des enfants

A l'église

A propos des présentations

Des préséances

L'entrée dans le monde

Le bal

Toilette des femmes

Toilette des hommes

Visites et cartes de visite

A table

Au théâtre

Fumeurs et priseurs

En voyage

Aux eaux

Chargement de la publicité...