Manuel des difficultés les plus communes de la langue française, adapté au jeune âge et suivi d'un recueil de locutions vicieuses
Mais on dira avec son, sa, ses, leur, leurs; le Saint-Laurent a sa source au delà du Lac Supérieur,—les sciences ont leurs difficultés; parce que le sens ne permet pas de remplacer son, sa, ses, etc., par l'article et le pronom en.
SORTIR, pour signifier obtenir, avoir, est un terme de palais, usité seulement à la troisième personne, et à quelques-uns de ses temps; il sortit, ils sortissent, il sortissait, qu'il sortisse, sortissant, sorti, sortie. Pour les temps composés, on se sert d'avoir: ce jugement a sorti son plein et entier effet.
SOU. On n'écrit plus, comme autrefois, sol.
SOUFFRIR prend à ou de devant l'infinitif: je souffre à le voir, ou de le voir dans cet état.
SOUVENIR (faire). C'est une faute de dire: afin de leur faire souvenir:—je lui ai fait souvenir: dites, afin de les faire souvenir:—je l'ai fait souvenir.
Souvenir s'emploie en parlant de choses récentes; ressouvenir en parlant de choses passées depuis longtemps.
SUBSTANTIFS. L'usage veut que certains substantifs, ayant la même inflexion et le même genre, servent à désigner les deux sexes; tels sont, auteur, docteur, général, géomètre, graveur, médecin, orateur, philosophe, poëte, sculpteur, soldat, témoin, peintre, traducteur, etc.
Quand les substantifs enfant, esclave, dépositaire, etc., représentent une personne du sexe, l'article et l'adjectif doivent être mis au féminin. Une enfant pieuse;—une esclave blanche;—une dépositaire prudente.
SUBSTANTIFS COMPOSÉS (l'orthographe des).
Première règle. Quand un substantif composé est formé d'un substantif et d'un adjectif, ils prennent l'un et l'autre la marque du pluriel: une basse-taille, des basses-tailles:—un plain-chant, des plains-chants: excepté, des blanc-seings, des terre-pleins, des chevau-légers, des grand'-mères, des grand'-messes.
Remarque. Quand il entre dans un substantif composé un mot, qui ne s'emploie plus isolément, comme dans pic-grièche, loup-garou, gomme-gutte, etc., ce mot joue le rôle d'un adjectif, et conséquemment prend la marque du pluriel: des pics grièches, des loups-garous, des gommes-guttes.
Deuxième règle. Quand un substantif composé est formé de deux substantifs, placés immédiatement l'un après l'autre, ils prennent tous les deux la marque du pluriel: un chef-lieu, des chefs-lieux, un chien-loup, des chiens-loups, un chou-fleur, des choux-fleurs: excepté, un bec-figues, des bec-figues, un appui-main, des appuis-main, un Hôtel-Dieu, des Hôtels-Dieu, un brèche-dents, des brèche-dents.
Troisième règle. Quand un substantif composé est formé de deux substantifs unis par une préposition, c'est le premier substantif qui prend la marque du pluriel: un ciel-de-lit, des ciels-de-lit: un chef-d'œuvre, des chefs-d'œuvre: excepté, des coq-à-l'âne, des pied-à-terre, des tête-à-tête.
Quatrième règle. Quand un substantif composé est formé d'un substantif joint à un verbe, ou à une préposition, ou à un adverbe, le substantif seul prend le signe du pluriel, si toutefois il y a pluralité dans l'idée. Ainsi l'on écrira avec une s au pluriel, des contre-coups, des avant-coureurs, des arrière-saisons. Mais on écrira sans mettre une s au pluriel, parce qu'il y a unité dans l'idée, des serre-tête, des réveille-matin (horloges), des contre-poison. Enfin on écrira avec une s, tant au singulier qu'au pluriel, parce qu'il y a toujours pluralité dans l'idée, les mots essuie-mains, cure-dents, porte-clefs. V. tire-balle, porte.
Cinquième règle. Quand un substantif composé ne renferme que des mots invariables de leur nature, comme verbe, préposition, adverbe, aucune de ces parties ne prend la marque du pluriel: des pour-boire, des passe partout.
SUCCÉDER. Le participe succédé est invariable: ils nous ont succédé,—ils se sont succédé.
SULLY. Les ll de ce nom propre sont mouillées.
SUPPLÉER. Suppléer une chose, et suppléer à une chose, ont des sens très-différens. Suppléer une chose, c'est remplacer ce qui manque, en fournissant une chose de la même nature. Ce sac doit être de mille francs: s'il y a cent francs de moins, je les suppléerai.
Suppléer à une chose c'est remplacer cette chose par une autre chose qui en tient lieu: la valeur supplée au nombre.
Avec un nom ou pronom de personne, qui lui sert de régime, suppléer ne prend jamais la préposition à. Ainsi dites suppléer quelqu'un, et non pas, suppléer à quelqu'un:—s'il ne vient pas je le suppléerai, et non pas, je lui suppléerai.
SUPPOSÉ s'accorde lorsqu'il suit le substantif: ces faits supposés: il est invariable quand il le précède: supposé ces faits.
SURSEOIR. Je sursois, tu sursois, il sursoit, nous sursoyons, vous sursoyez, ils sursoient, je sursoyais, nous sursoyions, vous sursoyiez, ils sursoyaient, je sursis, nous sursîmes, je surseoirai, nous surseoirons, je surseoirais, nous surseoirions, surseois, sursoyons, que je surseoie, que nous sursoyions, que je sursisse, que nous sursissions, sursoyant, sursis, sursise.
Surseoir, verbe actif, signifie suspendre: on a sursis la délibération: on dit aussi neutralement: surseoir au jugement d'une affaire.
SYNONYME. Après deux substantifs synonymes, employés comme sujets, le verbe s'accorde avec le dernier: son courage, son intrépidité étonne les plus braves. L'adjectif suit la même règle: une douceur, une affabilité charmante.
T. À quelques rares exceptions près, le t final se prononce seulement devant une voyelle ou une h muette. C'est donc une faute, même grave, que de le faire sonner dans juillet, beset, calumet, Nicolet, ainsi que dans les noms d'hommes, Bossuet, Croiset, etc.: prononcez, juillè, besè, calumè, Nicolè, Bossuè, Croisè.
Dans avant-hier le t se fait sentir faiblement: mais il ne peut être prononcé, sans blesser l'oreille, dans les locutions, un goût horrible,—un tort incroyable,—un instinct heureux, etc.: et si le mot suivi d'une voyelle, a un r devant le t final, comme dans il part aujourd'hui,—il court à bride abattue,—il s'endort à l'ombre, l'usage le plus commun est de ne pas faire sonner le t.
Le t final se fait toujours entendre dans abject, contact, fat (fat n'a point de féminin), suspect, granit, etc.
L'adverbe net se prononce indifféremment nè ou nette: mais le t de l'adjectif net est muet au masculin.
Duvivier dit:
«La plupart des écrivains modernes forment le pluriel des substantifs qui sont terminés par ant, ou par ent, en ajoutant un s et en supprimant le t final dans les polysyllabes: mais ils le conservent dans les monosyllabes.
«Toutefois cette suppression n'est pas également adoptée; et en effet Regnier, Desmarais, MM. de Port-Royal.... beaucoup de grammairiens modernes.... et un grand nombre d'imprimeurs.... conservent le t final.... mais.... l'Académie a adopté cette suppression....»
Les mêmes remarques sont applicables à la suppression du t au pluriel des adjectifs terminés par ant et par ent.
TÂCHER. Je tâcherai que vous soyez content, est un solécisme, parceque tâcher n'est jamais suivi de la conjonction que.
Tâcher prend à devant l'infinitif, quand il signifie songer à, viser à: il tâche à m'embarrasser,—à me nuire: et de quand il exprime les efforts que l'on fait pour parvenir à une fin: il tâche d'avancer.
TAMBOUR. Battre du tambour, c'est jouer du tambour; battre le tambour, c'est donner un signal par le tambour.
TARDER prend également à ou de devant l'infinitif: tarder à, OU tarder de venir.
TÉMOIN placé au commencement d'un membre de phrase, est pris adverbialement: témoin les victoires de nos armes.
TERMES DE MARINE. L'emploi abusif de termes de marine, importés au pays par les premiers colons et navigateurs, à fait à la langue une plaie, qu'il n'est pas facile de fermer. Le mal, comme une épidémie, des dernier rangs de la société, s'est communiqué aux premiers: et souvent l'éducation la plus soignée est une faible barrière contre l'emploi, à rebours du sens commun, des termes, virer, amarrer, larguer, greiller (gréer), embarquer, débarquer, revirer de bord, amarre, bordée, etc., etc.
Les Instituteurs ne peuvent trop sévir contre l'abus que nous signalons ici.
TERMES PARASITES. Il faut éviter avec un soin extrême les mots favoris, les termes bizarres, qui inondent nos discours, et nous rendent importuns, ridicules et sont souvent le fléau de la société, sans que nous nous en appercevions. Rien d'ailleurs ne décèle plus une éducation vulgaire.
Également on doit éviter les tours surannés, les expressions ignobles, qui ne peuvent que fatiguer les personnes qui écoutent: tels que, tirer les vers du nez; vous pouvez m'en croire;—par dessus le marché;—je vous remercie bien des fois;—au bout du compte; ce n'est pas l'embarras; sourd comme un pot; etc.
Le jeune âge doit être prémuni contre ces défauts, dont l'habitude se corrige difficilement.
TIRANT est un cordon qui sert à ouvrir et fermer une bourse, un ridicule: c'est un cuir, un ruban pour boucler des souliers, monter des bottes, attacher des papiers, etc. On ne doit pas employer dans ces sens les termes attache, ganse, et encore moins le mot anglais strap.
TIRE-BALLE ne prend pas d's au pluriel; non plus que les mots suivans; tire-bouchon, tire-bourre, tire-bouton, tire-clou, tire-pied, etc.: tire-botte s'écrit au pluriel avec une s. V. substantifs composés.
TITRES d'honneur. Le mot Révérend est un titre qui appartient exclusivement aux Prélats, aux Religieux et aux Religieuses: et par conséquent, c'est une erreur grave que de le donner aux membres de notre clergé canadien, qui est séculier. Cette erreur nous vient des anglais, qui qualifient tous leurs ministres de Révérends. Mais quelque soit l'usage des Anglais à cet égard, nous ne pouvons donner au mot français Révérend, une extension qu'il n'a pas, une acception qui lui est étrangère.
C'est encore par un abus de langage, que l'on attribue à nos ecclésiastiques la qualification de Messire. Ce titre d'honneur se donnait ci-devant en France et au Canada dans les actes, (mais seulement dans les actes,) aux nobles et aux personnes distinguées par quelque haute dignité, tant parmi les laïcs, que parmi les gens d'église: fut présent Haut et Puissant Seigneur messire Pierre Séguier, Chevalier, etc.
Révérend Messire est une expression doublement incorrecte.
Il est à regretter que le titre d'Abbé, que l'on donne invariablement en France aux ecclésiastiques séculiers, ne soit presque plus usité chez nous.
Les titres, Monsieur et Madame doivent être supprimés, quand on prend en écrivant, une autre qualification. Ainsi un Chevalier ne doit pas écrire, Monsieur le Chevalier de N. a l'honneur de prévenir Monsieur le Colonel: un Curé, Monsieur le Curé de N., prie Monsieur le Marguillier en charge: une Baronne, Madame la Baronne de N. a l'honneur de présenter ses respectueux hommages à: un Juge, Monsieur le Juge N. présente son compliment à Monsieur le Procureur.
Il faut écrire, Le Chevalier de N. a l'honneur etc.—Le Curé de N., etc. La Baronne, etc. etc.
Lorsqu'il n'y a pas d'autre qualification, on emploie dans les billets et sur les cartes de visite, les termes Monsieur, Madame, Mademoiselle.
Le nom d'un individu écrit sur la porte de sa demeure, ne doit pas être précédé du mot Monsieur. Mais s'il s'agit d'une personne du sexe féminin, il convient d'écrire, Madame N.—Mademoiselle N.
TOMBER par terre, se dit d'une chose qui touchait à la terre avant sa chute: tomber à terre, d'une chose qui étant élevée au-dessus de terre, tombe d'en haut. Ainsi un homme qui tombe en marchant dans la rue, tombe par terre, et non à terre: un couvreur qui tombe d'un toit, tombe à terre et non par terre.
TOSTE sub. mas. (de l'anglais toast) signifie la proposition de boire à la santé de quelqu'un; au souvenir d'un évènement, etc.
C'est à tort que l'on emploie le mot anglais toast, pour signifier tranche de pain rôtie. Rôtie est en français le correspondant de toast: et si la rôtie est recouverte de beurre, l'on dit, une rôtie au beurre.
TOUCHER et PINCER, employés pour exprimer l'action de jouer des instrumens, sont actifs, et doivent conséquemment avoir un régime direct: d'où il suit qu'il faut dire, toucher l'orgue, le forté-piano: pincer la guitarre, la harpe: et non pas, toucher de l'orgue, du forté-piano: pincer de la guitarre, de la harpe.
TOUT. Quand tout est adverbe il signifie tout-à-fait, quelque, et reste invariable: tout aimable qu'est la vertu,—tout spirituels qu'ils sont,—elle est tout étonnée. Exception. Tout, quoique adverbe, varie quand l'adjectif, ou le participe qui suit, est féminin, et commence par une consonne, ou une h aspiré: elle est toute stupéfaite,—toute hardie qu'elle est.—toutes spirituelles qu'elles sont.
Tout. Quand l'adjectif tout est joint à un nom de ville, il prend le genre masculin, quoique le nom de ville soit féminin: non que dans ce cas on le considère comme adverbe, mais parce que l'on sous-entend le mot peuple. On dira donc, tout Rome le sait,—tout Florence en est convaincu: c'est-à-dire, tout le peuple de Rome...tout le peuple de Florence....
Mais joint à un nom de province, de royaume, de paroisse, tout prend le genre de ce nom. toute l'Italie,—toute la paroisse.
TOUT-À-COUP signifie soudainement: il disparut tout-à-coup. Tout-d'un-coup veut dire, tout d'une fois; il s'est ruiné tout-d'un coup.
TOUT DE SUITE, phrase adverbiale, signifie incontinent, sur l'heure. Il ne faut pas la confondre avec de suite, autre phrase adverbiale qui signifie l'un après l'autre, sans interruption.—ces livres ne sont pas de suite.
TRAIRE. Je trais, tu trais, il trait, nous trayons, vous trayez, ils traient, je trayais, tu trayais, il trayait, nous trayions, vous trayiez, ils trayaient; point de passé défini, je trairai, je trairais, trais, trayons, trayez, que je traie, que tu traies, qu'il traie, que nous trayions, qu'ils traient, point d'imparfait du subj. trayant, trait, traite.
TRAIT D'UNION ou TIRET. Il sert à marquer la liaison qui existe entre deux ou plusieurs mots. On l'emploie,
1º. entre le verbe et les pronoms, je, moi, nous, tu, vous, il, ils, elle, elles, le, la, les, lui, leur, y, en, ce, on, quand ces pronoms sont placés après le verbe, dont ils sont le sujet, ou le régime: irai-je?—viens-tu?—donnait-on?—laisse-moi;—allez-y;—portes-en; etc. S'il y a deux noms, on emploie deux traits d'union: laisse-le-moi,—donne-les-leur.
2º. avant ou après ci et là, accompagnant un substantif, un pronom, une préposition, un adverbe, avec lesquels ils sont unis d'une manière inséparable: celui-ci,—celui-là,—là-dessus,—là-haut, etc.
3º. pour lier très au mot qui suit: très-sagement,—très-riche.
4º. pour unir le dernier terme d'un nombre au terme précédent, quand le dernier terme passe un, et ne dépasse pas dix: dix-huit;—trente-cinq;—deux cent dix-neuf, mais on dirait sans trait d'union: vingt et un:—cinquante et un: le dernier terme étant un: et cent quinze;—deux cent vingt; le dernier terme dépassant dix. Cependant quatre-vingts prend toujours le trait d'union: quatre-vingts chevaux:—quatre-vingt dix hommes.
5º. pour lier deux ou plusieurs mots qui, par le sens, n'en font qu'un, Marc-Aurèle,—chef-lieu;—s'entre-choquer, Jean-Jacques, Jean-Baptiste.
6º. pour indiquer le changement d'interlocuteur: il remplace alors les dit-il, reprit-il, répondit-il.
7º. pour marquer une suspension dans le discours.
8º. pour lier le mot, dont une partie se trouve à la fin d'une ligne, et l'autre au commencement de la ligne suivante.
TRAITER. On dit indifféremment, traiter une matière,—une question: ou, traiter d'une matière,—d'une question: à moins qu'on ne spécifie la matière, la question: alors il faut de:—dans son ouvrage, il traite des plantes, des métaux.
TRAVERSER le pont, pour exprimer l'action de le parcourir dans sa longueur, n'est pas correct: il faut dire, passer le pont.
TRÉMA. Le tréma est un double point (¨) qu'on met sur une des voyelles e, i, u, pour la faire prononcer séparément de celle qui précède: naïf, Saül, ciguë. L'emploi du tréma est une faute quand on peut le remplacer par un accent: ainsi au lieu de poësie, Cloë, écrivez, poésie, Cloé.
TRÈS. L'usage ne permet guère de mettre très devant les participes. Dans ces cas l'on emploie beaucoup, fort, etc., et au lieu de dire cet homme est très-aimé; cette place est très-menacée par l'ennemi, l'on dit, cet homme est fort aimé,—cette place est fort menacée, etc.
On peut cependant se servir de très avec certains participes employés comme adjectifs verbaux: il est très-occupé,—il est très-humilié.
Très ne doit pas être employé dans une proposition négative, Ne dites pas, il n'est pas très-sage;—il n'est pas très-occupé: dites, il n'est pas fort sage,—il n'est pas fort occupé. L'adverbe modifie un verbe, un adjectif et un autre adverbe, mais jamais un substantif. On doit donc éviter les locutions suivantes si communes et si vicieuses: J'ai très-faim:—il a bien soif:—il est parti très-matin:—il fait très-chaud:—j'ai extrêmement froid:—il ne fait pas bien froid. Il faut dite: J'ai une très-grande faim:—il a une bien grande soif:—il est parti de très-grand matin:—il fait grand chaud:—j'ai un très-grand froid:—il ne fait pas un bien grand froid.
TROIS-RIVIÈRES, (en latin Trifluvium) nom composé, est substantif masculin du nombre singulier: il est masculin parceque les noms de ville en général sont masculins, à moins qu'ils ne dérivent d'un féminin latin: et quoiqu'il porte la marque du pluriel, il est au singulier, parce que le nom propre n'étant qu'un nom qui distingue une chose des autres choses, ne peut être susceptible de l'idée accessoire de pluralité.
Trois-Rivières étant un nom propre, ne peut, d'après la règle générale, être accompagné de l'article les. Il est vrai que cette règle souffre quelques exceptions, comme, Le Hâvre, Le Puy, La Rochelle. Il est encore vrai que, jusqu'à ces derniers temps, on a toujours écrit Trois-Rivières avec l'article: mais les écrivains récens, d'accord avec la raison, travaillent à corriger cette vieille erreur indiquée d'ailleurs suffisamment par le terme latin Trifluvium.
Des observations qui précèdent il résulte que l'on doit dire, Je vais à Trois-Rivières:—il demeure à Trois-Rivières:—Trois-Rivières est bâti sur le fleuve St. Laurent, et non pas, je vais aux Trois-Rivières:—il demeure aux Trois-Rivières:—les Trois-Rivières sont bâties sur le fleuve St. Laurent.
Trois-Pistoles, Trois-Saumons, noms de paroisses, suivent la même règle.
UN. Lévisac pense que le mot un devant une voyelle, doit être prononcé comme une, et que l'on doit dire une-imbécile,—une hérétique. D'autres grammairiens veulent que l'on prononce un-nimbécile.—un-nhérétique.
UN DE. Au lieu de un de, il faut employer l'un de, quand un est précédé d'un substantif ou d'un pronom, et suivi d'un nombre précis: Ducis l'un des quarante de l'Académie.
Mais on dira avec un de,—Henri IV est un des meilleurs princes, qui aient régné sur la France,—un des quarante de l'Académie est de mon avis; parce que dans la première phrase, un précédé par le substantif Henri, n'est pas suivi d'un nombre: et que dans le second, un suivi par le nombre quarante, n'est pas précédé par un substantif ou un pronom.
UNIQUE veut aprês lui le subjonctif: c'est l'unique service que vous puissiez me rendre.
VACANCES au pluriel, se dit des études publiques: vacations au pluriel, de la cessation des séances des gens de justice.
VAINCRE. Je vaincs, tu vaincs, il vainc, nous vainquons, vous vainquez, ils vainquent, je vainquais, je vainquis, je vaincrai, je vaincrais, vaincs, vainquons, vainquez, que je vainque, que je vainquisse, vaincant, vaincu, vaincue.
Le présent de l'indicatif n'est guère usité au singulier, non plus que vaincs, seconde personne du singulier de l'impératif.
VALOIR. Je vaux, nous valons, ils valent, je valais, je valus, je vaudrai, je vaudrais: pas d'impératif, que je vaille, que nous valions, que je valusse, valant, valu, value.
Le participe valu s'accorde seulement lorsque le verbe valoir signifie procurer, rapporter, et que le régime direct précède le participe: que d'éloges ne lui a pas valus sa conduite noble et généreuse! c.-à-d. procurés; le participe, comme l'on voit, s'accorde ici avec le régime direct que, qui est devant.
VENIMEUX se dit des animaux: le scorpion est un animal venimeux: vénéneux des végétaux; la ciguë est une plante vénéneuse.
VÊPRES, MATINES. Dites, aller à vêpres,—à matines: réciter vêpres,—matines: et non pas, aller aux vêpres,—aux matine: réciter les vêpres,—les matines: attendu que vêpres et matines étant pris indéterminément dans ces phrases, on doit supprimer l'article.
Mais si ces noms étaient pris déterminément, comme dans ces locutions, aller aux vêpres de la paroisse de St. Roch;—réciter les matines de Noël, l'on ne pourrait omettre l'article.
VERBES. Quelques grammairiens modernes ont substitué aux anciens titres de certains verbes de nouvelles dénominations, qu'il convient d'indiquer. Pour actif ils disent transitif: pour neutre,—intransitifs: pour impersonnel,—unipersonnel: et enfin réfléchi est remplacé par le terme pronominal ou réciproque.
Les mêmes grammairiens disent complément pour régime.
VÊTIR. Je vêts, tu vêts, il vêt (ce singulier est peu usité) nous vêtons, je vêtais, je vêtis, je vêtirai, je vêtirais, vêts, vêtons, vêtez, que je vête, que je vêtisse, vêtant, vêtu, vêtue.
VIANDE, chair des animaux terrestres et des oiseaux dont on se nourrit. En ce sens on dit que l'on ne mange point de viande en carême.
Viande se dit quelquefois de la chair des poissons: le saumon n'est pas une viande de malade.
On appelle viandes de carême, la morue, le hareng, le saumon, etc. V. chair.
VIEIL. Au lieu de vieux, on se sert de vieil devant un substantif qui commence par une voyelle, ou une h non aspirée: cependant on est toujours libre d'employer le mot vieux.
VILLES. En général les noms de ville sont masculins, excepté quand ils dérivent d'un féminin latin. Lorsque le genre est incertain, l'on doit faire précéder le nom du mot ville.
Quand on personnifie une ville, l'on en met ordinairement le nom au féminin: malheureuse Tyr, dans quelles mains es-tu tombée.
VINGT ET UN. On dit vingt et un, trente et un, etc. Mais la conjonction est omise dans vingt-deux, vingt-trois, etc., trente-deux, trente-trois, etc. Il s'en suit que les locutions trente un soldats,—l'an mil huit cent quarante un, sont vicieuses.
L'usage veut que l'on dise, soixante et dix, soixante et onze, etc.
VIS-À-VIS ne doit pas s'employer dans le sens de envers, à l'égard de. Ne dites donc pas, sa conduite vis-à-vis de ses bienfaiteurs est fort répréhensible: dites, envers ses bienfaiteurs, etc., ou, à l'égard de ses bienfaiteurs, etc.
Après vis-à-vis, on met de, excepté dans le style familier; vis-à-vis la rue;—vis-à-vis mes croisées.
VIVRE régit de et non pas du: je vis de bonne viande,—de bonne soupe,—vivre de légumes.
VOLUME. TOME. Volume est un livre relié ou broché. Tome est un volume qui fait partie d'un ouvrage; Le volume peut contenir plusieurs tomes: et le tome peut faire plusieurs volumes.
Quelquefois tome signifie simplement volume.
VOUS. Lorsqu'on parle à des supérieurs, ou à des dames, les convenances du langage exigent que l'on se serve quelquefois de la troisième personne au lieu de la seconde. Ainsi au lieu de, Monsieur, voulez-vous me permettre? dites, Monsieur voudrait-il me permettre.—Madame, pourriez-vous me faire la grâce? dites, Madame pourrait-elle me faire la grâce?
Y, adverbe de lieu avec l'impératif. Le pronom moi se met toujours après l'y. Envoyez-y moi,—menez-y moi,—attendez-y-moi,—tu vas au musée, menes-y moi,—tu vas en voiture, donnes-y moi une place.
Les pronoms nous et les se mettent au contraire avant l'y. Envoyez-nous-y—attendez-nous-y,—tu vas au musée, mène-les-y,—tu vas en voiture, donne-nous-y une place.
M'y ne peut être placé après le verbe. Ne dites pas; Vous allez à Québec, menez-m'y: dites,...menez-y-moi. Mais il se place très-bien devant: Je vais à Trois-Rivières, voulez-vous m'y accompagner?
Z, prend le son propre d's, même avant une consonne, dans Metz, Rodez, Suez, Alvarez, Cortez, Sènez, Usez; mais il ne sonne pas dans Sèez. Les deux z dans le mot Abruzze se prononcent comme deux s, Abrusse.
ZÉPHYR, ZÉPHYRE. Le premier se dit d'un vent doux et agréable: le second du même vent considéré comme divinité de la fable.
RECUEIL
DE
LOCUTIONS VICIEUSES.
À. C'est une faute grossière que de dire, la fille à Madame une telle,—le cheval à Mons. un tel. Dites, la fille de Madame une telle,—le cheval de Mons. un tel. Venez à bonne heure, est aussi une expression vicieuse: dites, venez de bonne heure.
ABAT de neige, abat de pluie sont des barbarismes, de même que, chute de neige,—chute de pluie.
ABIMER. J'ai abîmé mon chapeau,—ma robe; dites, j'ai gâté mon chapeau,—ma robe.
ADONNER (s') est un des mots de la langue dont on fait le plus fréquent abus, et par fois le plus ridicule emploi. Ainsi l'on dit, il s'est adonné à entrer chez moi, au moment où le feu a éclaté; pour, il est entré par hasard chez moi au moment etc.:—il s'est adonné que votre frère et moi nous sommes arrivés le même jour à Trois-Rivières; pour, votre frère et moi nous sommes arrivés par hasard le même jour à Trois-Rivières;—ce Monsieur s'est adonné à Kingston à l'ouverture du Parlement, pour, ce Monsieur s'est trouvé par hasard à Kingston, à l'ouverture etc.
Mais on dit, en parlant de chemin, passez chez moi quand votre chemin s'adonnera: et en termes de marine, que le vent adonne, pour signifier qu'il est favorable.
AMBRE, pour désigner l'allure d'un cheval, est une faute: dites amble,—aller l'amble.
AMONT, terme de batellier, qui signifie, en remontant la rivière: pays d'amont,—ce bateau arrive d'amont.
On voit par là combien sont répréhensibles les expressions, amont le coteau,—amont le Cap aux Diamans, etc.
Amont est opposé à aval. On dit, vent d'aval,—navire venant en aval,—bateau amarré en aval du pont,—en amont du pont,—en amont et en aval de la ville de Québec.
ANIMAUX. Souvent on désigne par ce mot les bestiaux et autres quadrupèdes domestiques: et l'on dit, mener les animaux au paturage,—soigner les animaux,—ces animaux sont fort gras, etc. Ce langage est incorrect, parce que le terme animal est générique, et comprend par conséquent tous les êtres animés et sensibles de la nature.
Bestiaux ou bétail ne se dit guère que pour désigner les bœufs, les vaches, les moutons, les chèvres. Quant aux chevaux, aux ânes, aux cochons, aux chiens etc., il faut les spécialiser par leurs noms.
On dit animaux domestiques par opposition aux animaux sauvages.
ANVALER pour signifier avaler, n'est pas français.
APRÈS. La clef est après la serrure: dites, à la serrure.
APPROPRIER. C'est une faute grossière de dire, APPROPRIER une chambre, un meuble, pour signifier, NETTOYER une chambre, un meuble.
À RAISON DE signifie à proportion; et ne peut être par conséquent employé pour à cause de, qui a une toute autre acceptation. Au lieu donc de, il a abandonné cette entreprise à raison des obstacles qu'il y a rencontres, il faut...à cause des obstacles...
ARGENT n'a point de pluriel: c'est donc une faute de dire, envoyer des argens à quelqu'un;—placer des argens à intérêt: dites, envoyer de l'argent, ou mieux des fonds à quelqu'un,—placer de l'argent, ou des fonds à intérêt.
De la bonne argent,—de l'argent blanche, sont des solécismes révoltans.
ATTELER un cheval sur une voiture,—mettre les chevaux sur le carosse, sont des locutions qui blessant le sens commun: dites, atteler un cheval à une voiture,—atteler les chevaux au carosse.
ATTENDRE. Le peuple dit attendre pour entendre: de là les expressions choquantes, j'ai attendu la messe,—cet homme n'attend pas raison, etc.
AVEC. Venez avecque moi: mauvaise prononciation: dites, venez avé moi. Le c dans ce mot ne sonne que devant une voyelle.
BALANCE, BALANCINE pour signifier balançoire, ne sont pas français.
Une planche appuyée par le milieu, et sur les extrémités de laquelle des enfans placés en contre-poids, s'élèvent et s'abaissent alternativement, s'appelle également bascule et balançoire.
Escarpolette est une balançoire, dont le siège est suspendue par des cordes ou par des brins de bois.
Si la machine sur laquelle on se balance est construite de manière que le mouvement soit circulaire et horisontal, elle se nomme aussi balançoire.
Brandilloire est synonyme de balançoire.
BALANCER quelqu'un, c'est imprimer un mouvement à la balançoire, où est la personne, sans y être placé soi-même.
Se balancer, c'est aller soi-même sur la balançoire; ainsi quand deux ou plusieurs personnes veulent aller se balancer, elles doivent dire, allons nous balancer, et non pas, allons balancer.
BAND. On a francisé à tort ce mot anglais, et l'on dit, la bande de musique de tel régiment: dites, le corps de musique... ou simplement, la musique de tel régiment.
BARBOT. C'est ainsi que le peuple appelle l'escarbot, insecte de la famille des coléoptères.
BARRER une porte, c'est la fermer avec une barre. Si la porte est munie d'une serrure seulement, il serait ridicule de dire, barrez la porte.
BATTURES, BORDAGES, employés pour signifier les glaces qui s'accumulent pendant l'hiver sur le bord des rivières, sont des barbarismes. On ne doit donc pas dire, les bordages tiennent encore,—les battures sont parties.
Embarquement et débarquement sont encore des termes impropres, lorsqu'on leur fait signifier l'endroit où, en hiver, l'on passe de la rive sur la glace d'une rivière, et vice versâ.
BELLE, EN BELLE. Ces mots sont employés par le peuple pour signifier facilité, occasion favorable, et il en résulte des locutions tout-à-fait ridicules; comme, vous avez en belle, pour, vous avez la facilité:—si vous trouvez votre belle, pour, si vous trouvez une occasion favorable, etc.
BERDAS, BERDASSERIE, de même que, berdasser, berdasseur, berdasseuse, sont des mots bas et révoltans.
BEURRÉE est une tranche de pain recouverte de beurre. L'expression beurrée de confitures choque le bon sens: dites, tartine de confitures.
On dit aussi, tartine de beurre,—de miel, etc.
BOITE pour signifier le son, l'avoine, les légumes, etc., qu'on délaie avec de l'eau ou du lait pour les bestiaux, n'est pas français.
BOMBARDE. Le peuple nomme ainsi, mais improprement, le petit instrument en métal, dont on tire du son, en le plaçant entre les dents, et en en frappant la languette avec le doigt. Cet instrument s'appelle trompe, et plus ordinairement guimbarde.
BOTTE. Tomber en botte, en parlant d'un tonneau, d'une cuve, etc., dont les douves et les cercles se séparent, est un solécisme.
Les tonneliers, suivant Trévoux, disent, tomber en javelle.
Le peuple dit aussi, mais improprement, cet homme tombe en botte, pour désigner le dépérissement rapide de sa santé, ou de sa fortune.
BOUCANE, terme impropre qu'on emploie comme synonyme de fumée.
BOUCANER signifie sécher des comestibles à la fumée, et aller à la chasse des bœufs sauvages: ne dites pas, la cheminée boucane,—le poële boucane: dites, la cheminée fume, etc.
BOUILLIR. Le vulgaire dit abusivement bouillir pour fermenter, comme dans cette phrase, la bierre n'a pas encore bouilli, pour, n'a pas encore fermenté.
BOUQUET. Le peuple confond les termes, bouquet et fleur: il dit, semer des bouquets; et à l'aspect des fleurs d'un parterre, voilà de beaux bouquets.
Bouquet n'est pas une fleur: il est un assemblage de fleurs liées ensemble.
BOUT. Un bout de temps,—un long bout de temps,—un petit bout de temps, sont des locutions basses et vulgaires.
BRASSE CORPS. Prendre à brasse corps: populaire: dites à-bras-le-corps.
BRETON. Ce nom appartenait jadis aux habitans de la Grande Bretagne: ils ont cessé de le porter depuis l'invasion de l'Angleterre par les Saxons: et par conséquent il ne peut plus être employé comme synonyme d'anglais.
Les seuls habitants de la Bretagne, ci-devant province de la France, portent aujourd'hui le nom de Bretons.
BRIN est une faute dans les expressions suivantes, un petit brin de pain,—un petit brin de lait,—il n'a mangé qu'un petit brin,—il tombe quelques brins de pluie, etc.
On dit cependant, un brin d'estime,—un brin d'amitié,—un petit brin d'espérance.
BROYER, Au lieu de broyer, pour signifier briser le lin, le chanvre; et de broie, l'instrument pour broyer, nos paysans disent abusivement, brayer, braye.
BUT. Ne dites pas, j'ai rempli mon but, mais, j'ai atteint mon but.
BUTIN est tout ce qu'on enlève à l'ennemi. Dans le langage du peuple ce mot signifie, meubles, marchandises, comestibles, toutes sortes d'effets en un mot: et de là une multitude innombrable de locutions ignobles, dont voici quelques échantillons. Un huitrier dit, j'ai vendu tout mon butin: un acheteur qui n'a pas achevé de faire ses amplettes, j'ai encore du butin à acheter: celui-ci, à l'aspect de beaux meubles s'écrie, voilà de beau butin: celui-là, à la vue d'un voleur qui enlève ses volailles, au voleur! qui emporte mon butin: cet autre, en parlant d'un tailleur qui a gâté son habit, il a gâté mon butin. Quel pitoyable langage!
CADRE. On emploie abusivement ce mot pour signifier image, estampe, etc.: et l'on dit, voilà un beau cadre:—quel est le prix de ce cadre? pour, voilà une belle estampe:—quel est le prix de cette image?
Cadre n'est que la bordure de bois, de bronze, etc., dans laquelle on enchâsse un tableau, une estampe, etc.
CAILLE pour signifier tacheté de blanc et de noir, en parlant des bestiaux, etc., n'est pas français.
CAJEU, CAGE. En parlant de pièces de bois liées ensemble, que l'on transporte à flot sur une rivière, gardez-vous de dire, cajeu, cage. Cajeu n'est pas français, non plus que cage dans le sens qu'on lui prête ici. Dites, train, radeau, train de bois, etc.
Drame employé dans le sens de radeau est également un barbarisme.
CALER, terme de marine, est employé improprement par le peuple pour signifier enfoncer dans la boue,—dans l'eau,—couler à fond.
Caler un fossé, pour, creuser un fossé est aussi une locution vicieuse.
CANOT. Outre le canot fait d'écorce, ou d'un tronc d'arbre, une autre petite embarcation, destinée pour l'ordinaire, au service des vaisseaux, se nomme canot. Désigner ce canot par le mot chaloupe, est une faute grave. Chaloupe, que les Anglais nomment long-boat, est une embarcation plus grande que le canot, et porte quelquefois le nom de grand canot.
CASSOT pour signifier un petit vaisseau d'écorce, ou de bois, n'est pas français.
CASTALOGNE est une couverture de lit de laine très-fine, et c'est une faute d'employer ce mot pour désigner les petits tapis d'un travail grossier, dont on couvre un plancher, et c'est une autre faute de prononcer ca-ta-logne.
C'EST-IL employé pour est-ce? est un solécisme. Évitez donc les expressions populaires, c'est-il moi qui ai fait cela?—c'est-il lui qui a parlé?—c'est-il bon, cela?
CHAMPLURE pour signifier robinet, est un barbarisme. Dites, chantepleure.
Dans quelques départemens de la France on appelle chantepleure le robinet d'un tonneau de vin ou de cidre.
CHANDELLE. Ne dites pas, tuez la chandelle,—tuez le feu: dites, éteignez la chandelle,—éteignez le feu.
Enterrer le feu est aussi une faute; dites, couvrir le feu.
CHANGER. C'est une faute grossière que de dire, changez-vous,—allez vous changer: dites, changez votre linge,—allez changer vos habits.
CHARGE. La charge d'un vaisseau n'est pas français. Dites, le chargement ou la cargaison d'un vaisseau.
CHIFFON de pain, pour signifier un gros morceau de pain, est une expression vicieuse; il faut dire guignon, ou bribe de pain.
CIRE, ou CIRAGE, est la composition luisante que l'on étend sur les chaussures en cuir. L'emploi du mot anglais black-ball est insupportable; également on doit repousser le terme noir à souliers.
Frottez mes souliers,—mes bottes: expressions ridicules; on doit dire, cirez mes souliers,—mes bottes, quand on veut les faire enduire de cire; et, décrottez mes souliers,—mes bottes, lorsqu'on en veut faire ôter la boue.
CLAIRER (du verbe anglais to clear) n'est pas français. Ainsi ne dites pas, j'ai clairé £5OO dans mon année;—il a clairé à la douane: dites, j'ai fait un gain net de £500 dans mon année:—il a eu sa décharge de la douane.
CLENCHE, suivant Boiste, signifie loquet de porte: mais clencher n'est pas français: conséquemment l'on ne doit pas dire, on clenche à la porte, etc.
CŒUR, CHŒUR se prononcent keur. Gardez-vous de dire avec le peuple, qu-eur.
COFFEE. Il est du dernier ridicule d'aller chercher le mot anglais coffee, que l'on prononce comme les anglais, kâu-fé tandis que nous avons le terme français café, dont l'a est aigu, et que l'on doit par conséquent prononcer caf-é.
COUETTE pour signifier, cheveux de la nuque noués, n'est pas français.
COLLÉREUX-EUSE, dites, colère.
COLLATION est féminin. J'ai mangé du fruit à mon collation,—il a fait un bon collation, sont des sollécismes insupportables.
COLLECTER (du verbe anglais to collect) est un barbarisme. Il ne faut donc pas dire, collecter des dettes,—des souscriptions; mais, recueillir des dettes, des souscriptions.
COLLECTEUR. Ce mot se dit seulement de celui qui est chargê de percevoir les taxes, les impositions; mais non de celui qui recueille des souscriptions, des dettes, etc.
CONDUITE n'est pas synonyme d'économie: et c'est une faute grossière que de dire, cet homme a beaucoup de conduite, pour signifier qu'il est fort entendu en économie.
CORDEAU est une petite corde pour aligner: et c'est à tort qu'on l'emploie au pluriel comme synonyme des rênes ou guides, que l'on attache à la bride d'un cheval attelé à une voiture.
CORDON, employé pour signifier une mesure de bois de chauffage, n'est pas français.
Cordon d'aube est une faute: dites, ceinture d'aube.
COTON employé pour designer une tige sans feuilles; un épi de blé d'Inde dépouillé de ses grains; la souche d'un choux; etc., est une faute grossière.
COÛTE QUI COÛTE. Dites, coûte que coûte.
CRACKER. Rejettez ce mot vulgaire anglais, par lequel on désigne une sorte de petit biscuit dur et cassant; et dites en français biscotin.
CRAQUÉ. Le mur est craqué,—le verre est craqué, sont des expressions incorrectes: dites, le mur est fendu, ou crevassé;—le verre est fêlé.
CRI-CRI est le grillon domestique: il ne doit pas être confondu avec le criquet, habitant des champs, qui est une autre espèce de grillon.
CROCHET et TAQUET sont des instrumens recourbés pour tenir quelque chose. On ne doit pas confondre ces mots avec verrou, qui est une fermeture de porte d'une autre forme.
CROUSTILLANT-TE, ne se trouve dans aucun dictionnaire. Conséquemment l'on ne doit pas dite: pâtisserie croustillante:—comptes croustillans: mais, pâtisserie croquante;—comptes croustilleux.
CUSTODE. Au lieu de tabernacle, le peuple dit custode, pour désigner l'ouvrage fait en forme de petit temple pour renfermer le saint ciboire. Custode n'est qu'une couverture du ciboire.
DALLE. L'emploi de ce mot, pour désigner le petit canal qui conduit l'eau à la roue d'un moulin, est une faute: auge est le vrai terme.
DÉCESSER n'est pas français. Il ne décesse de parler; dites, il ne cesse de parler.
DÉFONCER une porte, est un solécisme: dites, enfoncer une porte.
DÉGRADER, terme de marine, signifie dégréer et abandonner un vaisseau. Navire dégradé signifie aussi un navire arrêté, ou éloigné de sa route par la violence des vents.
C'est contrairement aux règles de la langue que l'on emploie le mot dégrader en parlant des voyages par terre. Ainsi l'on dit, nous avons été dégradés par le mauvais temps: pour, nous avons été arrêtés en chemin par le mauvais temps;—j'ai dégradé mon compagnon de voyage; pour, j'ai devancé mon compagnon de voyage, etc.
DÉGRAS. Être au dégras, qui se dit de quelqu'un devenu infirme et incapable d'agir; ou de quelque chose qui est usé et hors de service, n'est pas français.
DÉMANCHER, qui veut dire, ôter la manche à un instrument, est employé abusivement pour signifier démonter un instrument composé de plusieurs pièces, défaire un ouvrage, détruire, démettre, disloquer, etc., comme dans ces phrases: cet ouvrage est mal fait, il faut le démancher:—il faut démancher cette lunette d'approche, pour en nettoyer les verres:—il s'est démanché une épaule.
Mais on dit, cette affaire se démanche, pour signifier qu'elle va mal.
DEMI-ARD ou DEMIARD, dans le langage vulgaire, signifie une mesure de liquide, de la demi-contenance d'une chopine.
Demi-ard ne se trouve pas dans les dictionnaires; et par quel terme le remplacer?—Par celui de demi-chopine ou de demi-setier sans doute, puisque la chopine et le setier sont une même mesure.
DEPUIS. Ne dites pas, depuis Québec jusqu'à Montréal il y a 60 lieues;—depuis ici jusque-là: dites, de Québec à Montréal etc.—d'ici jusque-là.
DÉTEINDRE. Ne dites pas, ce drap déteint, mais se déteint.
DIFFICILE. C'est une faute de dire, ces livres sont difficiles à se procurer: il faut, il est difficile à se procurer ces livres.
DINDON est un substantif masculin qui signifie coq-d'Inde. Dinde est la poule-d'Inde, et féminin par conséquent: voilà un beau dinde,—j'ai mangé du dinde, sont donc des solécismes: dites, voilà une belle dinde:—j'ai mangé de la dinde.
On dit au moral, voilà un grand dindon (niais) et non pas, voilà un grand dinde.
ÉBAROUI. Terme de marine, qui se dit d'un navire dont le bordage est desséché par le soleil. Ce mot n'a point d'autre acception, et par conséquent les expressions, ce seau est ébaroui,—cette cuve est ébarouie, ne valent rien.
ECCLESIASTIQUE. Terme qui désigne tout membre du clergé, qu'il soit ou non prêtre. C'est donc à tort que l'on applique ce mot aux seuls aspirans, qui n'ont pas reçu l'ordre de la prêtrise.
ÉLEVEZ les yeux au ciel; phrase vicieuse: dites, levez les yeux au ciel.
EMBARQUEMENT. DÉBARQUEMENT. ABORDAGE. Le peuple emploie ces mots pour signifier un lieu propre pour embarquer et débarquer. Il faut dire, embarcadère.
EMBARQUER, S'EMBARQUER, DÉBARQUER, pour signifier, monter en voiture, descendre de voiture, en parlant de voitures de terre, ne seraient que des expressions ridicules, si elles fussent restées dans les derniers rangs de la société: mais que ces locutions ignobles aient gagné nos salons respectables, c'est un vrai scandale. Monsieur est débarqué du carosse,—Madame est embarquée dans la calèche,—je m'embarquerai dans mon traîneau. Quel pitoyable langage!
ÉMIGRATION est l'action d'émigrer. Il est l'opposé d'immigration, qui signifie l'établissement d'étrangers dans un pays.
EMMANCHER, (prononcez an-manché, et non pas a-manché) signifie mettre un manche. On voit par là combien ce mot est employé abusivement dans ces phrases, cet artiste a mal emmanché ma lunette d'approche,—l'ouvrier a emmanché le tuyau du poële, etc.
Cependant le verbe réfléchi, s'emmancher, s'emploie figurément pour signifier s'arranger, s'ajuster;—cela ne s'emmanche pas ainsi.
EN QUELQUE PART, locution ridicule: il est allé en quelque part: retranchez en.
ENCANTER, ou, mettre sur le can, sont des expressions barbares que l'on doit remplacer par l'adverbe de champ, qui signifie posé horisontalement sur le côté le plus étroit. Ainsi placer une brique de champ, c'est la placer sur la face la plus étroite: mettre des solives de champ, c'est les poser sur la partie la moins large.
ENGRENER; Laisser engrener le mal, pour signifier laisser augmenter la maladie, est un solécisme.
ESCOUSSE veut dire course pour mieux sauter. On confond souvent ce mot avec fois, et l'on dit, essayez encore une escousse, pour, essayez encore une fois:—à une autre escousse je serai plus heureux, pour, une autre fois je serai plus heureux.
ÉTANCHE pour signifier qui ne coule pas, n'est pas français. Un baril étanche,—un navire étanche, sont donc des locutions vicieuses.
Ce qui suit se lit dans le Dict. de Trévoux.
«On dit d'un vaisseau qui ne prend point eau, qu'il est étanché: on dit aussi que les soufflets d'un orgue sont bien étanchés, lorsque le vent ne se perd pas.»
EXAMEN. On prononce examène et examin. Cette dernière prononciation est préférable.
FARD. On désigne souvent par le mot fard les viandes et herbes hachées mince pour mettre dans la volaille, etc. C'est une faute; il faut dire farce.
FER. C'est abusivement qu'on nomme marchands de fer, ceux qui exercent la profession de taillandier et de ferronnier.
FIÈREMENT. C'est peu connaître la valeur de ce mot que de l'employer comme suit; cet homme est fièrement laid (très-laid); cet enfant est fièrement gauche (très-gauche), etc.
FIXEMENT. Prononcez fixce-ment, et non pas fix-é-ment.
FLÉAU, instrument pour battre les grains, se prononce flé-ô et non pas flô.
FORT est souvent, mais abusivement, employé pour village, bourg, bourgade: allons au fort de Varennes.
L'existence jadis de forts bâtis par les premiers colons du pays, pour se mettre à l'abri des incursions des indigènes, a donné lieu à cette locution vicieuse.
FOURRIÈRE est le lieu où l'on enferme les chevaux, le bétail saisis: on dit, mettre en fourrière, être en fourrière.
Enclos public pour signifier fourrière, est une faute grossière.
FRAÎCHE. Prendre la fraîche est un barbarisme; dites, prendre le frais.
FRICASSER des coups à quelqu'un,—fricasser son camp,—je m'en fricasse, sont des expressions si basses que la plume refuse presque de les tracer.
FRICOT, terme bas et populaire, que ne profèrent jamais les personnes d'éducation.
FRINGALE, mot vulgaire employé pour signifier faim pressante, n'est pas dans les dictionnaires.
GAUSSER, pour signifier couper menu du bois, ou autre chose, comme font les enfans pour s'amuser, n'est pas français.
GENRE de certains substantifs. Les erreurs populaires relativement au genre de certains substantifs, doivent être évitées avec une attention, toute particulière. Quoi de plus révoltant que les expressions, l'angelus est-elle sonnée?—une appétit dévorante:—cette ouvrage est très-belle: on donne de fortes gages à ce domestique, etc.
GERMAGE: barbarisme, dont nos paysans se servent pour exprimer l'état des grains qui, après avoir été sciés et mis en javelle, ont germé sur le sillon.
GINGUER, ÊTRE EN GINGUE: expressions barbares pour signifier faire des gambades, en parlant des quadrupèdes, et même des personnes.
GOUTTIÈRE est un canal pour les eaux de pluie des toits: c'est à tort que l'on emploie comme synonymes de gouttière les termes dalle et dallot, qui signifient, le premier, canal de pompe, ou, tablettes de pierres dures, dont on revêt les trottoirs, les terrasses, etc.: le second, canal pour l'écoulement des eaux d'un navire.
Le mot gouttière est, à son tour, employé improprement employé pour signifier, petite fente ou trou dans un toit, une voûte, etc., par lequel les eaux suintent.
GRAINS de pluie, faute grossière: dites, gouttes de pluie.
GRÉER, que le peuple prononce grayer, signifie équipper un vaisseau. Les locutions suivantes prouvent jusqu'à quel point le vulgaire abuse du mot gréer. C'est un homme bien grayé en chevaux:—je me graye pour aller à la chasse,—vous n'êtes pas grayé pour loger tant de monde, etc.
GROCERY. Rejettez ce mot anglais, et dites épicerie. D'ailleurs la prononciation du mot grocery donne lieu à une équivoque, en ce que l'on croit entendre le mot français grosserie, qui signifie commerce en gros, ou gros ouvrages de taillandiers.
Groseille d'après le Dict. de l'Acad. est une espèce de petit fruit..qui vient par grappes. Il y a groseille rouge et blanche.
Groseille à maquerau ou groseille verte, d'après la même autorité, est un fruit vert ou rougeâtre, plus gros que les groseilles ordinaires, qui vient sur un arbrisseau épineux.
Ces descriptions de la groseille s'accordent avec celles des naturalistes.
Quant au mot gadelle, par lequel nous désignons d'ordinaire la groseille à grappes, il ne se trouve ni dans le Dict. de l'Acad. ni dans celui de l'Hist. Nat. de Valmont-Bomare. Boiste dit que gadelle est une espèce de groseille: et on lit dans le Dict. d'Hist. Nat. par une société de savans, que gadelle est le nom que portent les groseilles dans la ci-devant province du Perche en France.
De ces observations il résulte, que c'est une erreur de nommer gadelle, le fruit à grappes, dont il est question.
GUELLARD prononcez gheu-lar et non pas, gu-el-lar. Celle dernière prononciation est vicieuse, et elle doit être evitée également dans les mots suivants.
HONTEUX. L'h de ce mot est aspiré. Qu'il est pénible d'entendre dire cè-tonteux,—il è-tonteux, pour, c'est-honteux,—il est-honteux!
ICI. Ne dites pas, ces jours-ici,—ces livres-ici: ce sont des fautes: il faut dire, ces jours-ci,—ces livres-ci, etc.
IL N'A QU'À pleuvoir; Paul n'a qu'à tomber; solécismes; dites, s'il vient à pleuvoir,—si Paul vient à tomber, ou, s'il pleut,—si Paul tombe.
ILS employé pour elles, est un solécisme révoltant. Quel pitoyable langage que celui qui suit! Où sont ces Demoiselles? ont-ils oublié l'invitation à dîner chez notre tante?—non, Monsieur, ils ne l'ont pas oublié; ils sont au jardin, et vous y attendent.
Les mêmes remarques s'appliquent à eux et à eux-autres, qu'on emploie fréquemment pour elles.
IMPERTINENCE. Donner des impertinences à quelqu'un, est une locution barbare.
INFLAMMATION. Gardez-vous de prononcer avec le peuple an-flâ-mâ-tion: dites, in-flamme-mace-i-on.
INGÉNIEUR. C'est une erreur de désigner par ce terme celui qui dirige les machines d'un moulin à vapeur; d'un bateau-à-vapeur, etc.: machiniste est le mot propre.
INVECTIVER quelqu'un, n'est pas français: il faut dire, invectiver contre quelqu'un.
JOLIMENT. On fait quelquefois un étrange abus de ce mot; comme quand on dit, cet homme est joliment laid:—il fait joliment froid.
LARD. Lard salé, lard frais, manger du lard; expressions barbares; dites, porc salé, porc frais, manger du porc.
Lard est la graisse ferme qui est entre le cuir et la chair du porc, de la baleine, etc.
Porchet pour jeune porc n'est pas français.
LARGUER. On emploie souvent, mais abusivement, ce terme de marine, pour signifier, lâcher prise, laisser aller, détendre, etc.
LENDEMAIN. Du jour au lendemain est une locution incorrecte: dites d'un jour à l'autre: ou, de la veille au lendemain.
LETTRE MOULÉE est une lettre imprimée: c'est aussi une écriture à la main qui imite l'imprimé. Dans ce dernier sens on dit, écriture en lettres moulées:—écrire un compliment en lettres moulées: et non pas écriture imprimée:—imprimer un compliment.
LOCUTIONS LATINES. Les locutions latines, exempli gratiâ—verbi gratiâ,—id est,—anno Domini,—ante meridiem,—post meridiem,—junior, senior, etc. n'ayant pas été incorporées à la langue, doivent être rejettées.
LONGUE-VUE employé pour signifier lunette d'approche, ou lunette à longue vue, est un solécisme.
LORSQUE. Faites sonner l's de ce mot: mais garder-vous de faire entendre trois syllabes en prononçant lor-se-que.
MACONNE n'est pas un substantif. C'est une erreur très-commune d'employer ce moi pour maçonnage, qui est le travail du maçon: et pour maçonnerie, qui est l'ouvrage achevé.
MAL. J'ai mal à ma jambe,...à mon bras: dites, j'ai mal à la jambe,...au bras.
MAL COMPLAISANT. Dites, peu complaisant. Les locutions mal appris, mal éduqué sont incorrectes; il faut dire mal élevé.
MANCHONNIER. Dites, foureur, car manchonnier ne se trouve pas dans les dictionnaires.
MARBRE. Bille est le nom de la petite boule de marbre, qui sert de jouet aux enfans. Il faut donc dire, jouer aux billes, et non pas, jouer aux marbres.
MARIER (se). On ne se marie pas avec quelqu'un, mais à quelqu'un.
La locution, Mons. N. a marié Mlle N. pour signifier a épousé Mlle N., est révoltante.
MÉGARD. Le vrai mot, est mégarde: ainsi ne dites pas, j'ai fait cela par mégard, mais...par mégarde.
MEILLEUR. Au meilleur de mon jugement,—au meilleur de ma connaissance,—Monsieur vous offre ses meilleurs complimens,—Madame vous présente ses meilleurs respects, sont des anglicismes que la langue française repousse.
MENOIRES, TRAVAIL, pour désigner les deux pièces de bois d'un traîneau, entre lesquelles le cheval est attelé, sont des barbarismes. Dites limonière.
Limon est l'une des branches de la limonière, et ne doit pas être confondu avec timon, qui est la longue pièce d'un chariot ou d'un carrosse, des deux côtés de laquelle on attelle les chevaux.
MENTHE se prononce mante. Gardez-vous de dire avec le vulgaire, une décoction de minthe,—je bois de la minthe,—la minthe est un fébrifuge, etc. Cette prononciation est insupportable.
MER n'est pas synonyme de vague. Ne dites pas, il fut emporté par une mer: dites, il fut emporté par une lame, par une vague, ou par un coup de mer.
MIDI, MINUIT n'ont point de pluriel. Je sors tous les midis;—je m'éveille tous les minuits, sont donc des locutions incorrectes: dites, je sors tous les jours à midi:—je m'éveille toujours à minuit.
MITOUCHE (sainte). Dites, sainte Nitouche,—faire la sainte Nitouche.
MOINDREMENT ne se trouve dans aucun dictionnaire.
MOUILLER. Il mouille,—il va mouiller, pour, il pleut,—il va pleuvoir, sont des fautes grossières.
MOYENNANT QUE n'est pas français: dites, pourvu que.
NAVIRE. C'est une erreur de désigner par ce mot les seuls vaisseaux à trois mâts. Navire signifie en général, bâtiment de mer: et l'on dit, un navire à trois mâts,—à deux mâts.
NEIGE. Chute de neige,—abat de neige,—bordée de neige, sont des solécismes; aussi bien que ces autres expressions, en parlant de neige: il poudre,—il fait une grosse poudrerie, etc.
ORDRE. J'ai ordre de vous notifier; dites, j'ai reçu ordre,....
ORGE est féminin, excepté dans ces mots, orge mondé,—orge perlé.
Orge mondaine est une faute grossière.
OUBLIE est une sorte de pâtisserie, et c'est une faute d'employer ce mot pour signifier pain à cacheter.
OUSSE qu'il est? expression barbare: dites, où est-il?
OUVREZ. Quand on frappe à votre porte, dites, entrez, et non pas ouvrez.
PAGAIE est le terme propre pour désigner la rame dont les Indiens se servent pour faire aller leurs pirogues et canots d'écorce. Aviron pris dans ce sens est une faute, parce que aviron est une sorte de rame de batelier.
PAGAYEUR, celui qui tire à la pagaie.
PAGÉE de clôture. Le mot pagée n'est pas français.
PAIRE de vache, faute grossière: dites, Pis de vache, pis de brebis, pis de truie.
Considéré comme bon à manger, pis prend le nom de tétine. Manger d'une tétine.
PARAPET. On désigne souvent par ce mot le chemin élevé, pratiqué le long des rues, des ponts, etc., pour les gens à pied. C'est une faute: trottoir est le terme propre.
PARCE QUE, conjonction, se prononce en deux syllabes, et non en trois.
PARFAIT. Il chante au parfait,—cela va au parfait.—Dites, il chante parfaitement,—cela va parfaitement.
PAR RAPPORT QUE, employé pour parce que, ou par la raison que, est une locution vicieuse. Il ne faut donc pas dire: je ne puis encore répondre à votre question par rapport que je n'ai pas eu le temps de l'examiner à fond:—dites..parce que, ou, par la raison que je n'ai pas eu le temps, etc.
PAS MAL est une expression incorrecte, lorsqu'elle est employée pour signifier une certaine abondance, une quantité ou un nombre passable, comme dans ces locutions: il pleut pas mal,—il y avait pas mal de monde à l'assemblée:—il reste pas mal de vin dans cette caraffe,—son discours a été pas mal long.
Pas guère est un barbarisme.
PASSÉ, contraction ridicule des mots pas et assez. Je n'ai passé, (pas assez) d'argent pour faire cette emplette.
PELLETER, qu'on emploie pour signifier, jetter quelque chose avec une pelle, n'est pas français. On doit donc éviter les expressions: pelleter la neige,—pellerer la terre, etc. Mais on dit, pellée, pellerée ou pelletée de neige,—de terre, etc.
PELOTE. Jeu de pelote;—jouer à la pelote, sont des expressions vicieuses: dites: jeu de paume,—jouer à la paume.
C'est avec une balle, et non avec une pelote, qu'on joue à la paume.
Mais on dit, se battre à coups de pelotes de neige...de boules de neige.
Le verbe neutre peloter, signifie, jouer à la paume, sans faire de partie réglée.
PICOTE, PICOTE-VOLANTE, sont des barbarismes. Il faut, variole, varicelle: ou petite-vérole, petite-vérole volante.
Mais on dit, picoté pour signifier marqué de petite vérole.
PIEDS. Il a ses souliers dans ses pieds;—il a ses bas dans ses jambes: dites, il a ses souliers aux pieds...ses bas aux jambes.
PLANCHE. La table peinte en noir pour écrire, tracer des figures, etc., dans les écoles, se nomme tableau et non pas planche.
PLANCON. On désigne ainsi une longue et forte pièce de bois écarrie: c'est une faute: plançon est une branche de saule, ou d'un autre arbre, qui vient de bouture.
POCHETÉE. Une pochetée de blé:—une pochetée de sel, sont des barbarismes: dites,—une poche ou un sac de blé:—une poche ou un sac de sel.
POIGNÉE. C'est à tort que l'on emploie ce mot pour désigner les anses qui servent à porter un coffre, une casette, une malle. Portant est le mot propre.
Poignée de serrure est aussi une faute: dites, bouton de serrure.
On dit cependant poignée d'une épée.
POIS CHICHE est une sorte de gros pois. Le peuple dit pois chiques: et il emploie cette expression pour désigner de mauvais pois.
PORTANT, participe du verbe porter, ne doit pas être employé comme adjectif verbal. Il ne faut donc pas dire, je suis bien portant,—elle est bien portante: mais, je me porte bien,—elle se porte bien.
PRENDRE du froid,—un rhume, sont des anglicismes que l'on doit éviter: il faut dire, attraper ou gagner du froid, un rhume, la fièvre, une maladie.
PRÊT. Au lieu de prêt et prête, le peuple emploie souvent les mots paré et parée. Delà des expressions pitoyables, telles que,—êtes-vous paré à commencer?—cette Dame est-elle parée à partir? etc.
PROMETTRE. Je vous promets qu'il est arrivé; expression vicieuse, qui doit être remplacée par, je vous assure qu'il est arrivé.
PROMOUVOIR (qui n'est guère employé qu'à l'infinitif et aux temps composés) signifie avancer à quelque dignité: il se dit principalement d'un ordre, d'une dignité ecclésiastique. Promouvoir les intérêts de quelqu'un;—promouvoir la prospérité du pays; etc., sont donc des barbarismes.
QUASIMENT: dites, quasi, presque.
QU'EST-CE QUE T'AS?—t'as mal agi;—qu'est-ce qui appelle? sont des expressions barbares.
QUEUE. Prononcez, keu et non pas qu-eu:—la queue de votre robe;—Pacha à trois queues: dites, la keu de votre robe:—Pacha à trois keu.
RAIDE n'est jamais substantif. Il faut donc éviter l'expression vulgaire, avoir son raide à, comme dans cette phrase, il a eu tout son raide à soulever ce fardeau.
RAISONS. Ne dites pas, avoir des raisons avec quelqu'un: mais, avoir dispute, ou querelle avec quelqu'un.
RAMANCHER, RAMANCHEUR, mots barbares, dont l'emploi est fréquent. Ou dit ramancher pour remboîter:—ramancheur pour rebouteur:—ramancher une affaire pour, raccommoder une affaire: ramancher un instrument, pour, remettre un manche à un instrument, etc.
RANCUNEUX, EUSE, n'est pas français: dites, rancunier, ère.
RASE, pour signifier radoire ou racloire n'est pas français.
RASER le grain, pour signifier, passer la racloire par dessus la mesure de grain, est une double faute de langage; d'abord parceque raser est employé ici improprement pour rader ou racler; et ensuite parce qu'on ne racle pas le grain, mais bien la mesure du grain. Il faut donc pour parler correctement, dire, rader ou racler la mesure du grain, du sel, etc.
Quelques grammairiens emploient les mots rader et radoire seulement pour la mesure du sel, et racler et racloire pour celle des grains.
On dit, acheter et vendre à mesure rase.
RÉFÉRENCE est un mot anglais, qu'on emploie abusivement pour renvoi, en parlant, d'un signe, qui dans un livre renvoie à un pareil signe hors du texte.
C'est également une faute grave d'employer le verbe actif référer, dans le sens de renvoyer à une autorité, etc.
REFROIDIR. FROIDIR, FROID. Évitez de prononcer refraidir, fraidir, fraid; aussi bien que de dire, il fait frette, pour, il fait froa.
REMERCIER POUR. ÊTRE OBLIGÉ POUR. Je vous remercierai pour du pain:—je vous serai obligé pour de l'eau, sont des anglicismes qui doivent être bannis de la bonne société: dites, je vous prie de me passer le pain,...de me donner l'eau.
RÉSOLU. C'est une faute de dire qu'un homme est résolu, pour signifier qu'il est gros, robuste, etc.
RESTER, pour signifier, faire sa demeure, n'est pas français. Ainsi au lieu de, où restez-vous? dites, où demeurez-vous?
Ne dites pas, ce cheval est resté; mais, ce cheval est rendu.
REVOLIN, terme de marine, est l'action du vent qui réfléchit d'une voile à l'autre. Le vulgaire emploie improprement ce mot pour ressac, qui est le retour des vagues vers le large, après qu'elles ont frappé violemment un obstacle.
RIEN. Ce mot est employé abusivement dans plusieurs locutions. Ainsi l'on dit, un morceau de rien, pour un très-petit morceau:—une maison de rien, pour une maison de très-peu de valeur, etc.
RONDIN est bien un gros bâton; mais il signifie aussi un morceau de bois de chauffage qui est rond. Ainsi une grosse buche ronde est un rondin. C'est donc une erreur de n'employer ce mot que pour désigner le menu bois rond de chauffage.
RUETTE, pour petite rue, n'est pas français: dites, ruelle.
SALOPER, pour salir, ne se trouve pas dans les dictionnaires.
SALOPERIE. Le peuple donne souvent à ce mot des significations qui lui sont étrangères, comme dans ces phrases: il s'est vendu beaucoup de saloperies à cet encan, pour il s'est vendu beaucoup d'effets de peu de valeur à cet encan:—je ne lui dois plus qu'une saloperie, pour, je ne lui dois plus qu'une très-modique somme d'argent, etc.
SAINT-CAJETAN. Il n'y a point de saint de ce nom. Écrivez, Saint-Gaétan.
SARABANDE. Donner la sarabande à quelqu'un, pour signifier, gourmander quelqu'un, est une locution vicieuse.
SAUVAGESSE ne se trouve dans aucun dictionnaire. Dites avec l'Académie, un sauvage; une sauvage.
SAVOIR. On fait à savoir, est une locution ridicule. Retranchez l'à: ou mieux, retranchez cet absurde préambule, et énoncez simplement l'objet de la publication.
SOBRIQUETS. Évitez ces phrases vulgaires et incorrectes; donner des noms; appeler des noms, et dites, donner des sobriquets,—donner des surnoms.
SOLEIL. Il fait soleil, est une locution vicieuse. Il faut dire, il fait du soleil, comme on dit, il fait de la pluie; du vent; de la neige.
SOLIDITÉ. Quoiqu'on dise, un homme solide, on ne dit pas, la solidité d'un homme: mais bien la solidité de son esprit,—de son caractère,—de ses principes.
SOMME. Cette phrase, dormir un somme, pèche contre la grammaire, parce que dormir, verbe neutre, n'a point de régime: dites, faire un somme.
SORTIR. Ne dites pas, sortez cet homme de la maison:—sortez ce cheval de l'écurie: dites, faites sortir cet homme,....faites sortir ce cheval,....
STEAM-BOAT. Ce mot dur et étranger, qui ne se trouve guère que dans le Dict. de Boiste, est devenu tellement à la mode chez nous, qu'il semble qu'on ait oublié que nous avons en français son équivalent, bateau-à-vapeur,—navire-à-vapeur,—bâtiment-à-vapeur. Si le néologisme est un mal nuisible à une langue, l'emploi de mots purement étrangers, hors une nécessité urgente, est un abus intolérable.
SUD. Prononcez sude, et non pas çu.
SUI, POURSUI, mots employés abusivement pour les participes passés suivi, poursuivi.
SUPPORTER, dans le sens d'aider, d'appuyer de son influence, comme dans cette phrase, je supporterai mon ami N aux prochaines élections, est un anglicisme que l'on doit repousser.
SUR. Ne dites pas, les cheveux me dressèrent sur la tête: mais, à la tête.
TASSER se dit des choses, et non des personnes. L'expression, nous sommes tassés ici, est donc incorrecte. Il faut dire, nous sommes très-pressés ici; ou mieux, nous sommes entassés ici.
TIRER signifie quelquefois faire le portrait de quelqu'un: tirer un homme au naturel:—il s'est fait tirer par un excellent peintre:—on l'a tiré en cire.
Mais, tirer un portrait:—faire tirer son portrait, sont des locutions absurdes.
TOURTIÈRE. Le peuple dit, tourtière à la viande:—tourtière aux pommes, au lieu de, tourte à la viande:—tourte aux pommes. Tourtière est l'ustensile qui sert à faire cuire des tourtes.
TOURTRE (qu'on écrit et qu'on prononce abusivement tourte) est un terme de cuisine qui signifie, tourterelle bonne à manger. C'est donc une erreur grave que de désigner par ce mot le pigeon sauvage, ou le pigeon de passage, qui nous visite régulièrement chaque été, et que les naturalistes nomment palumbus migratorius.
TRAIN. Être en train, pour signifier, être ivre, ou être à demi-ivre, est un solécisme. Être mal en train, est également une expression incorrecte.
TRAÎNERIES, qu'on emploie pour signifier les effets déplacés, écartés et épars, n'est pas français.
Mais le verbe traîner est usité en ce sens, et l'on dit, les livres traînent, etc.
TRAMONTADE. Dites tramontane, perdre la tramontane.
TRANSVIDER n'est pas français: transvaser l'est.
TROT. Gardez-vous de dire avec le peuple, trotte,—aller le trotte: prononcez trô,—aller le trô.
USURIER-RE pour signifier une personne qui use beaucoup ses habits, n'est pas français.
VALEUR. C'est de valeur, pour signifier, c'est malheureux, c'est fâcheux, est un non-sens ridicule.
VIZ. Abréviation ridicule du mot latin videlicet, dont les anglais se servent pour signifier c'est à savoir. Ce mot n'est point français.
VOIX de Centaure est une faute grave: dites, voix de Stentor, et prononcez Stan-tor.
VOYAGE de bois,—de pierre,—de foin sont des barbarismes. Il faut dire charge, charretée, ou voie de bois,—de pierre,—de foin.
On appelle voie d'eau les deux seaux d'eau que porte un homme.
Quelquefois le terme voyage est employé pour signifier les allées et venus, que l'on fait pour transporter des faix, comme dans cette phrase, ce chartier a fait trente voyages pour transporter cette pierre. Il faut se garder de conclurre de là que l'on puisse dire; voilà trente voyages de pierre que ce chartier a transportés: dites, voilà trente voies de pierre....
PRONONCIATION FIGURÉE.
DE PLUSIEURS MOTS
QUI PEUVENT EMBARRASSER
LES JEUNES ÉLÈVES.
MOTS
BARBARES ET DÉNATURÉS
USITÉS CHEZ LE PEUPLE,
AVEC LE CORRIGÉ.
ERRATA
Note de transcription: Ces errata figurent dans le texte original entre l'Avertissement et la page 1 pour le premier et entre la page 128 et la page 129 pour le second.
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8, — 7, Biffez les mots suivans; quand il est suivi des mots y-en: vas-y voir: vas en chercher. On dit va-t-en;—et à leur place écrivez;—quand il est suivi du pronom relatif y: vas y. Mais si après l'y il suit un verbe, l'Académie veut que l'on supprime l's. Va y mettre ordre.
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128, — 6, Biffez tous les mots depuis très ne peut jusqu'à très grand matin, et à leur place écrivez:
L'adverbe modifie un verbe, un adjectif et un autre adverbe, mais jamais un substantif. On doit donc éviter les locutions suivantes si communes et si vicieuses: J'ai très-faim:—il a bien soif:—il est parti très-matin:—il fait très-chaud:—j'ai extrêmement froid:—il ne fait pas bien froid. Il faut dite: J'ai une très-grande faim:—il a une bien grande soif:—il est parti de très-grand matin:—il fait grand chaud:—j'ai un très-grand froid:—il ne fait pas un bien grand froid.