Mémoires d'Outre-Tombe, Tome 1
APPENDICE
LA TOMBE DU GRAND-BÉ [504]
Au mois d'août 1828, le maire de Saint-Malo, M. de Bizien, écrivit à Chateaubriand pour le prier d'appuyer auprès du Gouvernement la demande de la ville, relative à l'établissement d'un bassin à flot. L'auteur du Génie du christianisme, en même temps qu'il se mettait à leur disposition, sollicitait de ses concitoyens la concession, «à la pointe occidentale du Grand-Bé, d'un petit coin de terre tout juste suffisant pour contenir son cercueil». La réponse du maire au grand poète fut peut-être un peu trop administrative: «Je ne crois pas, disait-il, qu'il soit difficile d'obtenir la concession d'une portion de terrain dans le flanc occidental de cette île, et si votre seigneurie le juge à propos, j'informerai en son nom M. le commandant du génie à Saint-Malo de son désir en le priant de le faire connaître à M. le ministre de la guerre auprès duquel votre S. terminerait aisément, je crois, cette affaire.» -- Il ne pouvait convenir à Chateaubriand de courir les bureaux de la guerre et de faire des démarches auprès du ministre. L'affaire en resta là. Elle fut reprise trois ans plus tard, en 1831, par un jeune poète, M. Hippolyte La Morvonnais. Sur sa requête, le Conseil municipal décida de demander à l'État les quelques pieds de terre nécessaire à la sépulture du grand écrivain; il se chargerait de plus des frais de la tombe. Au maire, M. Hovius, qui lui avait transmis la délibération du Conseil, Chateaubriand répondit par la lettre suivante:
Il me serait impossible de vous exprimer l'émotion que j'ai
éprouvée en recevant la lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire. Avant d'entrer dans quelques détails, je
m'empresse d'abord, Monsieur, de satisfaire au devoir de la
reconnaissance, en vous priant d'offrir mes remerciements les
plus sincères à MM. les membres du conseil municipal et
d'agréer vous-même dans ces remerciements la part qui vous est
si justement due.
Je n'avais jamais prétendu et je n'aurais jamais osé espérer,
Monsieur, que ma ville natale se chargeât des frais de ma
tombe. Je ne demandais qu'à acheter un morceau de terre de
vingt pieds de long sur douze de large, à la pointe occidentale
du Grand-Bé. J'aurais entouré cet espace d'un mur à fleur de
terre, lequel aurait été surmonté d'une simple grille de fer
peu élevée, pour servir non d'ornement, mais de défense à mes
cendres. Dans l'intérieur je ne voulais placer qu'un socle de
granit taillé dans les rochers de la grève. Ce socle aurait
porté une petite croix de fer. Du reste, point d'inscription,
ni nom, ni date. La croix dira que l'homme reposant à ses pieds
était un chrétien: cela suffira à ma mémoire.
Je ne suis revenu, Monsieur, que momentanément en France; il
est probable que je mourrai en terre étrangère
[505]. Si la
ville qui m'a vu naître m'octroie le terrain dont je
sollicitais la concession, ou si elle maintient la résolution
si glorieuse pour moi, de s'occuper de ces soins funèbres,
j'ordonnerai par mon testament de rapporter mon cercueil auprès
de mon berceau, quel que soit le lieu où il plaise à la
Providence de disposer de ma vie. Dans le cas où mes
concitoyens persisteraient dans leur dessein généreux, je les
supplie de ne rien changer à mon plan de sépulture et de faire
bénir par le curé de Saint-Malo le lieu de mon repos, après
l'avoir préparé.
Je ne puis, Monsieur, que vous renouveler, en finissant cette
lettre,
l'assurance de ma profonde reconnaissance, et vous
prier encore d'offrir mes remerciements aux personnes dont je
transcris ici les noms avec un respect tout religieux: MM.
Bossinot, Boishamon, Dupuy-Fromy, Egault, Delastelle,
Villalard, Béhier, Lebreton-de-Blessin, Choesnet, Lanuel,
Fontan, Bossinot-Ponphily, Michel-Villeblanche, Michel père,
Gaultier, Sereldes-Forges, Dujardin-Pinte-de-Vin, Blaize,
Lachambre, Bourdet, de Seguinville, Chapel, Heurtault, Pothier.
Chateaubriand et la ville sont d'accord; les choses vont donc pouvoir marcher vite... Mais, si elles marchaient vite, à quoi servirait l'Administration? à quoi serviraient les Bureaux? Huit années se passeront avant que l'affaire aboutisse. Besoin sera que M. La Morvonnais fasse encore démarches sur démarches, mette en mouvement des députés, et non des moindres, M. Eugène Janvier et M. de Lamartine. Ce dernier lui écrivait:
Personne ne sera plus fier que moi d'avoir porté ma pierre au tombeau de notre plus grand poète. Le peu de poésie qui est dans mon âme y a découlé de la sienne: mon hommage n'est que de la reconnaissance et de la tendresse pour cette grande individualité de notre temps qui fera, je l'espère, attendre longtemps notre prévoyance.
Je serai à Paris dans huit jours et je demanderai audience au ministre pour lui exposer vos motifs: j'espère qu'il se montrera digne de les entendre.
Enfin, en 1839, le département de la guerre consentit à céder «les quelques pieds de terre», -- non sans faire d'ailleurs d'expresses réserves et spécifier que l'érection du tombeau de M. de Chateaubriand ne devait être considéré que comme une simple «tolérance». Voici la déclaration que le maire de Saint-Malo était obligé de signer:
L'an mil huit cent trente-neuf, le vendredi dix-sept mai, nous soussigné Louis-François Hovius, maire de Saint-Malo, dûment autorisé par le conseil municipal, en vertu de sa délibération du trois août mil huit cent trente-six, dont l'expédition a été adressée à M. le chef du Génie le huit septembre mil huit cent trente-sept, reconnaissons, conformément à la lettre de M. le Ministre de la guerre en date du vingt-et-un janvier mil huit cent trente-six, que c'est par tolérance du département de la guerre qu'un tombeau a été érigé pour M. de Chateaubriand sur l'île du Grand-Bé, et que cette construction ne pourra jamais faire acquérir à la commune aucun droit de propriété sur cette île qui appartient au département de la guerre, et que ceux de ce dernier sur tout le terrain sont maintenus dans leur plénitude.
Pendant tout ce temps, je l'ai dit, M. La Morvonnais était resté sur la brèche. Son zèle et son pieux dévouement ne devaient pas rester sans récompenses. Le 15 mai 1836, il recevait de Chateaubriand la lettre qu'on va lire:
Paris, le 15 mai 1836.
Enfin, Monsieur, j'aurai un tombeau et je vous le devrai, ainsi
qu'à mes bienveillants compatriotes! Vous savez, Monsieur, que je
ne veux que quelques pieds de sable, une pierre du rivage sans
ornement et sans inscription, une simple croix de fer et une
petite grille pour empêcher les animaux de me déterrer.
Maintenant, Monsieur, il faut que je vous avoue ma faiblesse.
Tous les ans, je fais le projet d'aller revoir le lieu de ma
naissance, et tous les ans, le courage me manque. Je crains les
souvenirs, plus ils me sont chers, plus ils me font mal. Je
tâcherai cependant, Monsieur, de faire un effort et d'aller
visiter quelque jour mon dernier asile.
Je suis charmé que Saint-Malo ait enfin obtenu le bassin à flot
auquel je m'étais intéressé pendant mon ministère. Le projet du
bassin entre la ville et le Grand-Bé me plairait, surtout parce
qu'il accroîtrait la ville de ce côté.
Offrez, je vous prie, à toutes les personnes qui se sont
intéressées à ma tombe, mes remerciements les plus sincères.
Recevez en particulier, Monsieur, ceux que j'ai l'honneur de vous
offrir. J'espère que vous voudrez bien quelquefois me donner de
vos nouvelles et m'apprendre aussi un peu le progrès du monument:
le temps me presse, et j'aimerais à apprendre bientôt que mon lit
est préparé. Ma route a été longue, et je commence à avoir
sommeil.
Chateaubriand.
A quelques mois de là, M. La Morvonnais écrivit au grand poète, de Combourg même, que bientôt il allait donner le premier coup de bêche à sa tombe. Chateaubriand lui répondit:
Paris, 15 août 1836.
J'ai ouvert avec émotion une lettre timbrée de Combourg, et
j'ai trouvé, Monsieur, qu'elle était de vous et qu'il s'agissait
de mon tombeau. Mille grâces à vous, Monsieur, et Dieu soit loué!
La chose est donc finie! tout est bien pourvu que je sois sur un
point solitaire de l'île, au soleil couchant, et aussi avancé
vers la pleine mer que le génie militaire le permettra. Quand
ma cendre recevrait, avec le sable donc elle sera chargée,
quelques boulets, il n'y aurait pas de mal: Je suis un vieux
soldat.
Pour ce qui est de la pierre qui doit me recouvrir, j'avais pensé
qu'elle pourrait être prise dans le rivage; mais s'il y a
quelques objections, on peut la prendre partout où l'on voudra:
Je cherche surtout le bon marché, afin d'éviter à ma ville natale
les frais dont elle veut bien se charger. Vous savez, Monsieur,
qu'il ne faut aucun travail de l'art, aucune inscription, aucun
nom, aucune date sur la pierre qui doit porter une petite croix
de fer, seule marque de mon naufrage ou de mon passage en ce
monde. Autour de cette pierre un mur à fleur de sable, muni d'une
grille de fer, suffira pour défendre mes restes contre les
animaux sauvages et domestiques.
Je ne connais personne, Monsieur, qui mieux que vous et les
hommes qui ont eu la bonté de s'occuper de cette affaire de mort,
puisse prendre la peine d'inaugurer ma tombe. Le cippe posé et
l'enceinte fermée, je désire que M. le curé de Saint-Malo bénisse
le lieu de mon futur repos; car avant tout, je veux être enterré
en terre sainte; un jour, Monsieur, comme vous me survivrez
longues années, vous voudrez quelquefois vous reposer sur ma
tombe au bord des vagues, et le soleil couchant vous fera mes
adieux.
Voilà, Monsieur, les dernières explications que vous désiriez, je
les ai dictées à mon secrétaire avec le regret de ne pouvoir les
écrire moi-même, ayant une douleur assez vive à la main droite.
Si vous avez l'extrême bonté de me tenir au courant du travail et
de m'en annoncer la fin, je vous en aurai beaucoup d'obligation.
La nuit me presse, comme dit Horace, et je n'ai guère le temps
d'attendre.
En 1838, Hippolyte La Morvonnais publia la Thébaïde des Grèves et en fit hommage à Chateaubriand, qui lui répondit en ces termes:
Je
commence par vous demander pardon, Monsieur, d'être
obligé de dicter cette lettre à Pilorge, mon secrétaire, parce
que le long voyage que je viens d'achever
[506], quoiqu'il m'ait
fait du bien, ne m'a pourtant point guéri de la goutte que j'ai à
la main droite.
Je vous remercie mille fois, Monsieur, des peines que vous vous
êtes données. Tout devait être difficile dans ma vie, même mon
tombeau. Je suis presque affligé de la croix massive de granit;
j'aurais préféré une petite croix de fer, un peu épaisse
seulement, pour qu'elle résiste mieux à la rouille: mais enfin,
si la croix de pierre n'est pas trop élevée, je ne serai pas
aperçu de trop loin, et je resterai dans l'obscurité de ma fosse
de sable, ce qui surtout est mon but. J'espère aussi que la
grille de fer n'aura que la hauteur nécessaire pour empêcher les
chiens de venir gratter et ronger mes os. Je tiens avant tout à
la bénédiction du lieu sur lequel votre piété et vos espérances
chrétiennes ont bien voulu veiller.
Le bruit qu'on a fait dans les journaux de mes dispositions
dernières est parvenu jusqu'à Mme de Chateaubriand: vous jugez,
Monsieur, combien elle en a été troublée. S'il était donc
possible qu'il ne fut plus question de ma tombe, à laquelle le
public ne peut prendre aucun intérêt, et que vous eussiez la
bonté de faire achever le monument dans le plus grand silence,
vous me rendriez un vrai service. J'ai déjà fait part de mes
inquiétudes à M. L..., de Dinan, qui m'a envoyé de fort beaux
vers sur un sujet qui nécessairement est fort pénible à ma femme.
Vos vers, Monsieur, n'ont point cet inconvénient. J'ai déjà
parcouru le volume Aux amis inconnus
[507]. J'y ai retrouvé la
tristesse de nos grèves natives et ce charme qui m'a toujours
rendu si chers les souvenirs et les vents. J'envie votre sort,
Monsieur; je voudrais dans votre Thébaïde, parmi les rochers au
bord des flots, entendre à la fin de ma vie
Ce chant qui m'endormait à l'aube de mes jours
[508].
Je n'ai point encore eu l'honneur de voir le bienveillant
compatriote que vous m'annoncez.
Agréez, je vous prie, Monsieur, avec l'expression de ma
reconnaissance, la nouvelle assurance de ma considération très
distinguée.
Chateaubriand.
Paris, le 4 septembre 1838.
On a parfois reproché à Chateaubriand d'avoir trop «soigné» son tombeau. Les lettres qu'on vient de lire, d'un sentiment si chrétien, répondent suffisamment à ce reproche, et certes Alfred de Vigny, le noble poète, avait tort de s'y associer, lorsqu'il écrivait à la vicomtesse du Plessis, sa petite-cousine: «Chateaubriand n'a-t-il pas assez soigné d'avance son tombeau? N'est-il pas vrai qu'il en a été le saule pleureur toute sa vie? Il lui faisait de tendre visites sur le bord de la mer, et l'un de ses plus naïfs admirateurs me disait un jour, comme un trait d'originalité charmant: «Monsieur, il est allé cet été, tout seul, voir son rocher de Saint-Malo, et il n'est pas allé faire visite à sa sœur âgée, pauvre et malade, qui demeure quelque part sur cette route-là. On me contait cela dans la voiture noire où je suivais ce pauvre Ballanche qui fut son Pylade [509].» C'est un conte macabre qu'Alfred de Vigny répétait là à sa petite-cousine. La vérité est que pas une seule fois, en son vivant, Chateaubriand n'a fait visite à son tombeau. Il était de notoriété à Saint-Malo, en 1848, à l'époque de ses funérailles, qu'il n'avait pas revu sa ville natale depuis 1792. M. Charles Cunat, le savant et consciencieux archiviste de Saint-Malo, écrivait en 1850, dans ses Recherches sur plusieurs des circonstances relatives aux origines, à la naissance et à l'enfance de M. de Chateaubriand: «Peu de temps après son mariage (19 mars 1792), Chateaubriand partit pour Paris avec sa femme et ses sœurs Lucile et Julie. Depuis cette époque, il ne revit plus sa ville natale, quoiqu'il en eût manifesté maintes fois le désir: il remettait ce voyage d'année en année.» -- Quant à sa sœur, Mme de Marigny, qui habitait Dinan, où elle est morte au couvent de la Sagesse, le 18 juillet 1860, Chateaubriand ne l'oubliait point, et il ne cessa de lui écrire jusqu'à la fin, lui qui, dans ses dernières années, n'écrivait plus à personne. J'ai sous les yeux quelques-unes de ces lettres de Chateaubriand à sa sœur, écrites parfois à peu de jours de distance, l'une par exemple à la date du 9 septembre 1845, et l'autre à la date du 15 du même mois. De cette correspondance j'extrairai seulement la lettre suivante, où il est parlé de la tombe du Grand-Bé; elle est signée de ce prénom de François, qui rappelait au frère et à la sœur les lointaines années de Combourg:
Paris, le 15 mars 1834.
J'ai porté, chère sœur, ta lettre et la lettre qu'elle renfermait à Louis [510], il ne comprend grand'chose à l'affaire, mais il te répond aujourd'hui même. Chaque année je forme le projet d'aller t'embrasser, toi et mes parents, d'aller revoir avant de mourir notre pauvre Bretagne, et chaque année vient une bouffée de vent qui me pousse ailleurs. Tu étais souffrante en m'écrivant, et je t'écris, extrêmement souffrant moi-même. Tu sais que j'ai pris mes précautions, et la ville de Saint-Malo m'accorde une petite place sur le Grand-Bé pour ma sépulture. La ville a la bonté d'élever mon tombeau à ses frais; tu vois que je ne renonce pas à notre patrie. Chère amie, je désire beaucoup cependant te revoir de mon vivant et t'embrasser comme je t'aime. Dis mille choses à Caroline [511] et à toute notre famille.
Ton frère,
François.
II
LE MANUSCRIT DE 1826 [512]
Sous ce titre: Esquisse d'un maître: souvenirs d'enfance et de jeunesse de Chateaubriand [513], Mme Charles Lenormant a publié, en 1874, le texte primitif des trois premiers livres de Mémoires d'outre-tombe, d'après un manuscrit qui porte la date de 1826. Ce manuscrit, ainsi que j'ai déjà eu occasion de le dire dans l'Introduction de l'édition actuelle, est à peu près tout entier de la main de Mme Récamier qui se fit seulement aider dans sa copie (pour un quart environ) par Charles Lenormant. Nous avons là le premier jet, l'expression spontanée la plus pure et la plus simple de la pensée de son auteur. Cette rédaction première, Chateaubriand, depuis 1826, l'a profondément remaniée. Il y a beaucoup ajouté; il y a fait aussi des suppressions, dont quelques-unes sont regrettables. C'est ainsi que, dans sa version dernière, il a fait disparaître tout le début du livre premier. Et pourtant ces pages, littérairement très belles, avaient en outre l'avantage de bien indiquer le dessein de leur auteur, et quels sentiments l'animaient au moment où il entreprenait d'écrire les Mémoires de sa vie [514]. Le lecteur sera heureux de trouver ici ces pages supprimées:
Je me suis souvent dit: Je n'écrirai point les mémoires de ma
vie, je ne veux point imiter ces hommes qui, conduits par la
vanité et le plaisir qu'on trouve naturellement à parler de soi,
révèlent au monde des secrets inutiles, des faiblesses qui ne
sont pas les leurs, et compromettent la paix des familles.
Après ces belles réflexions, me voilà écrivant les premières
lignes de mes mémoires. Pour ne pas rougir à mes propres yeux, et
pour me faire illusion, voici comment je pallie mon
inconséquence.
D'abord je n'entreprends ces mémoires qu'avec le dessein formel
de ne disposer d'aucun nom que du mien propre dans tout ce qui
concerne ma vie privée; j'écris principalement pour rendre compte
de moi à moi-même. Je n'ai jamais été heureux, je n'ai jamais
atteint le bonheur, que j'ai poursuivi avec une persévérance qui
tient à l'ardeur naturelle de mon âme; personne ne sait quel
était le bonheur que je cherchais, personne n'a connu entièrement
le fond de mon cœur: la plupart des sentiments y sont
restés ensevelis ou ne se sont montrés dans mes ouvrages que
comme appliqués à des êtres imaginaires. Aujourd'hui que je
regrette encore mes chimères sans les poursuivre, que parvenu au
sommet de la vie, je descends vers la tombe, je veux, avant de
mourir, remonter vers mes belles années, expliquer mon
inexplicable cœur, voir enfin ce que je pourrai dire, lorsque ma
plume sans contrainte s'abandonnera à tous mes souvenirs. En
rentrant au sein de ma famille qui n'est plus, en rappelant des
illusions passées, des amitiés évanouies, j'oublierai le monde au
milieu duquel je vis et auquel je suis si parfaitement étranger.
Ce sera de plus un moyen agréable pour moi d'interrompre des
études pénibles, et quand je me sentirai las de tracer les
tristes vérités de l'histoire, je me reposerai en écrivant
l'histoire de mes songes.
Je considère ensuite que, ma vie appartenant au public par un
côté, je n'aurais pu échapper à tous les faiseurs de mémoires, à
tous les biographes marchands, qui couchent le soir sur le papier
ce qu'ils ont entendu dire le matin dans les antichambres. J'ai
eu des succès littéraires, j'ai attaqué toutes les erreurs de mon
temps, j'ai démasqué des hommes, blessé une multitude d'intérêts;
je dois donc avoir réuni contre moi la double phalange des
ennemis littéraires et politiques. Ils ne manqueront pas de me
peindre à leur manière; et ne l'ont-ils pas déjà fait! Dans un
siècle où les plus grands crimes commis ont dû faire naître les
haines les plus violentes, dans un siècle corrompu, où les
bourreaux ont un intérêt à noircir les victimes, où les plus
grandes calomnies sont celles que l'on répand avec le plus de
légèreté, tout homme qui a joué un rôle dans la société doit,
pour la défense de sa mémoire, laisser un monument par lequel on
puisse le juger.
Mais avec cette idée, je vais peut-être me montrer meilleur que
je ne suis? J'en serai peut-être tenté? A présent, je ne le crois
pas, je suis résolu à dire toute la vérité. Comme j'entreprends
d'ailleurs l'histoire de mes idées et de mes sentiments, plutôt
que l'histoire de ma vie, je n'aurai pas autant de raisons de
mentir. Au reste, si je me fais illusion sur moi, ce sera de
bonne foi, et par cela même on verra encore la vérité au fond de
mes préventions personnelles.
III
LE COMTE LOUIS DE CHATEAUBRIAND ET SON FRÈRE CHRISTIAN [515]
Geoffroy-Louis, comte de Chateaubriand, neveu du grand écrivain et arrière-petit-fils de Malesherbes, naquit à Paris le 13 février 1790. Il était le fils aîné de Jean-Baptiste-Auguste de Chateaubriand, comte de Combourg, et d'Aline-Thérèse Le Peletier de Rosambo, fille de Louis Le Peletier de Rosambo, président à mortier au Parlement de Paris, et de Marguerite de Lamoignon de Malesherbes. En 1812, à l'âge de vingt-deux ans, il épousa Mlle Henriette-Félicité-Zélie d'Orglandes, qui en avait à peine dix-sept. Le mariage eut lieu au château du Ménil, près de Mantes, chez Mme de Rosambo, tante de Mlle d'Orglandes. Chateaubriand composa en l'honneur des jeunes époux ce gracieux épithalame:
L'autel est prêt; la foule t'environne:
Belle Zélie, il réclame ta foi.
Viens; de ton front est la blanche couronne
Moins virginale et moins pure que toi.
J'ai quelquefois peint la grâce ingénue
Et la pudeur sous ses voiles nouveaux:
Ah! si mes yeux plus tôt t'avaient connue
On aurait moins critiqué mes tableaux.
Mon cher Louis, chez la race étrangère
Tu n'iras point t'égarer comme moi:
A qui la suit la fortune est légère;
Il faut l'attendre et l'enfermer chez soi.
Cher orphelin, image de ta mère
Au Ciel pour toi je demande ici-bas
Les jours heureux retranchés à ton père
Et les enfants que ton oncle n'a pas.
Fais de l'honneur l'idole de ta vie:
Rends tes aïeux fiers de leur rejeton,
Et ne permets qu'à la seule Zélie
Pour un moment de rougir à ton nom.
Mais la prose allait mieux que les vers au chantre des Martyrs. A peu de temps de là, il écrivait à sa jeune nièce cette charmante lettre:
Oui, ma chère nièce, je ferai tout ce que vous voudrez cette année, et si vous y mettez un peu de soin, je suis assez vieux pour radoter de vous toute ma vie. Il y a toutefois une condition à notre traité: c'est que vous rendrez Louis heureux. Plusieurs dames de Chateaubriand ont été célèbres de diverses manières. L'une mourut de joie en revoyant son mari qu'on avait cru tué par les Sarrasins en Terre-Sainte; l'autre séduisit le cœur d'un grand roi; une troisième fut mère ou aïeule de ce duc de Montausier, si connu par l'austérité de ses vertus. Vous êtes belle comme cette haute dame qui charma le cœur de François Ier; vous serez sage comme la femme du chevalier de Palestine et comme la mère de Montausier. Voilà un petit conte qui sent tout à fait son oncle, et qui vous annonce tout ce que vous aurez à souffrir. Songez que je suis le plus proche parent de Louis; il n'a point de père, je n'ai point d'enfant, vous ne pouvez éviter d'être ma fille.
Le comte Louis de Chateaubriand embrassa la carrière militaire et fit, en qualité de colonel au 4e chasseurs, la campagne d'Espagne en 1823. Le 23 décembre de cette même année, une ordonnance du roi Louis XVIII l'institua héritier présomptif de la pairie de son oncle, l'auteur du Génie du christianisme. En 1830, après avoir suivi jusqu'à Cherbourg Charles X partant pour l'exil, il quitta l'armée, en même temps que son oncle se retirait de la Chambre des pairs. Lors des journées de juin 1848, il se montra un des plus énergiques volontaires de l'ordre, au service duquel il mit son épée. Peu de jours après, le 18 juillet, il avait l'honneur, comme chef de la famille, de ramener à Saint-Malo le cercueil de Chateaubriand. En 1870, à quatre-vingts ans, il s'enferma dans Paris et se fit inscrire au nombre des défenseurs de la capitale assiégée. Il mourût au château de Malesherbes le 14 octobre 1873, survivant de peu à sa femme, morte le 27 septembre précédent. Selon le mot de son oncle, le comte Louis de Chateaubriand avait fait de l'honneur l'idole de sa vie.
Il avait eu un fils et cinq filles, dont Anne-Louise (baronne de Baudry), Louise-Françoise (marquise d'Espeuilles), Marie-Antoinette-Clémentine (comtesse de Beaufort) et Marie-Adélaïde-Louise-Henriette (baronne de Carayon-Latour). -- Son fils, Marie-Christian-Camille-Geoffroy, né le 25 janvier 1828, mort au château de Combourg le 8 novembre 1889, n'a laissé que deux filles: Marie-Louise-Mélanie, née en 1858 d'un premier mariage avec Joséphine-Marie-Mélanie Rogniat, qui a épousé en 1881 Gérard-Louis-Marie, comte de la Tour du Pin; et Georgette-Marie-Sybille, née en 1876 d'un second mariage avec Françoise-Marie-Antoinette Bernou de Rochetaillée.
Le château et le parc de Combourg appartiennent aujourd'hui, pour la nue-propriété, à Mlle Sybille de Chateaubriand, et, pour l'usufruit, à sa mère, Mme la comtesse Geoffroy de Chateaubriand.
Christian-Antoine de Chateaubriand, frère cadet du comte Louis, était né à Paris le 21 avril 1791, Chevau-léger garde du Roi le 1er mai 1814, il suivit Louis XVIII à Gand. Lieutenant en second de la garde royale le 10 octobre 1815, il fut breveté capitaine le 1er juillet 1818 et fit la campagne d'Espagne en 1823. Démissionnaire le 5 mars 1824, il entra dans la compagnie de Jésus à Rome le 30 avril de la même année. Il est mort dans la maison de Chieri le 27 mai 1843. D'une lettre qu'a bien voulu m'écrire un des Pères de la Compagnie, j'extrais ces lignes: «Le P. Christian de Chateaubriand jouit parmi nous d'une réputation de grande vertu. Il s'était exilé en Italie pour un motif d'humilité.»
IV
LE COMTE RENÉ DE CHATEAUBRIAND, ARMATEUR [516]
Le père de Chateaubriand -- comme on l'a vu dans le texte des Mémoires -- ne pouvait compter que sur un chétif avoir. Tout au plus devait-il lui échoir, à la mort de sa mère, une rente de quelques centaines de livres. Au retour de Dantzick, il passa aux îles d'Amérique avec son frère, M. de Chateaubriand du Plessis, afin d'y chercher fortune. Il en revint avec un pécule modeste encore, mais qu'il saura faire fructifier.
Marié en 1755 et retenu au port par ses devoirs de chef de famille, puisqu'il ne peut plus être marin, il sera armateur. Aussi bien, le commerce de mer ne déroge pas, surtout en Bretagne, surtout à Saint-Malo. En 1757, le navire la Villegenie, armé par MM. Petel et Leyritz, était en partance pour Saint-Domingue. René de Chateaubriand y prit un grand nombre d'actions. Le fort intérêt qu'elles représentaient lui permit d'obtenir pour son frère, M. du Plessis, le commandement du navire. On était alors au début de la guerre de Sept-Ans. Au péril de mer se venait donc ajouter le péril de guerre; mais, en cas d'heureuse issue du voyage, les bénéfices étaient considérables. Malgré les nombreux vaisseaux de guerre anglais qui couvraient les mers, le Villegenie effectua avec succès sa double traversée. Son retour en France avait lieu au lendemain de l'expédition du duc de Marlborough qui, au mois de juin 1758, avait incendié dans le port même de Saint-Malo plus de soixante navires de commerce, parmi lesquels plusieurs étaient richement chargés. Cette première opération fut donc pour M. de Chateaubriand un vrai coup de fortune.
Encouragé par ce succès, il n'hésita pas en 1759, à armer le même navire pour son compte et à son risque exclusif. Commandée, comme la première fois, par M. du Plessis, cette seconde expédition, aussi heureuse que la précédente, fut plus fructueuse encore.
En janvier 1760, la guerre durant toujours, René de Chateaubriand arma trois corsaires: le Vautour, l'Amaranthe et la Villegenie, ce dernier toujours commandé par son frère. Après avoir pris aux Anglais quelques navires marchands, la Villegenie fut capturée par le vaisseau de guerre l'Antilope; mais au tour que venaient de lui jouer les Anglais, M. de Chateaubriand répondit en vrai Malouin: il arma deux nouveaux corsaires, le Jean-Baptiste -- qui portait le nom de son fils aîné -- et la Providence.
Le traité de Paris (10 février 1763) ayant mis fin aux hostilités entre la France et l'Angleterre, la paix donna un nouveau développement aux opérations commerciales de M. de Chateaubriand. Outre le Jean-Baptiste, il arma pour Terre-Neuve le Paquet d'Afrique, l'Apolline (du nom de sa femme) et l'Amaranthe. Ce fut à bord de ce dernier navire que son frère reprit la navigation. En 1764, le Jean-Baptiste partit pour Saint-Domingue, et l'Amaranthe pour les côtes de Guinée, pendant que l'Apolline et le Paquet d'Afrique retournaient à Terre-Neuve. Il continua ses entreprises d'armement jusqu'en 1772: à partir de cette époque, il se retira peu à peu des affaires. En 1775, il ne mit plus en mer qu'un seul navire, le Saint-René, qu'il expédia à l'île de France et à l'île Bourbon sous le commandement de M. Benoît Giron. Le voyage du Saint-René mit fin à la carrière commerciale de M. de Chateaubriand [517]. Son but était atteint. La fortune de la famille était relevée. Le 3 mai 1761, il avait pu acquérir de très haut et très puissant seigneur Emmanuel-Félicité de Durfort, duc de Duras, et de très haute et très puissante dame Louise-Françoise-Maclovie-Céleste de Coëtquen, duchesse de Duras, le château et la terre de Combourg, qui avait été le principal domaine de ses ancêtres. Sur l'acte de baptême de sa fille Julie-Marie-Agathe (la future comtesse de Farcy), le 2 septembre 1763, il put signer: René de Chateaubriand, chevalier, comte de Combourg. Le petit cadet de Bretagne, qui avait eu pour tout héritage une rente de 416 livres, était, lorsqu'il mourut, en 1786, comte de Combourg, baron d'Aubigné, seigneur de Gaugres, du Plessis-l'Épine, du Boulet, de Malestroit-en-Dol et autres lieux.
V
CHATEAUBRIAND ET LE COLLÈGE DE DINAN [518]
Au mois de décembre 1832, Chateaubriand publia son Mémoire sur la captivité de Mme la duchesse de Berry. Cet écrit, qui se terminait par la fameuse apostrophe: «Illustre captive de Blaye, Madame!... Votre fils est mon Roi!» eut un immense retentissement et valut à son auteur des lettres sans nombre. L'une d'elles lui venait d'un de ses anciens camarades du collège de Dinan, M. Lecourt de la Villethassetz, ancien juge de paix à Ploubalay (Côtes-du-Nord), démissionnaire à la suite des journées de Juillet, Chateaubriand lui répondit, le 1er février 1833:
Vous me rappelez, Monsieur, des souvenirs bien chers. Je
m'occupais précisément de mes Mémoires, qui ne paraîtront
qu'après ma mort, lorsque votre lettre est venue jeter un rayon
de lumière sur les obscures années de ma jeunesse, et faire
revivre des
images presque effacées par le temps. François
regrette Francillon, ses petits camarades et les heures de
l'enfance qui ne portent ni le poids du passé, ni les inquiétudes
de l'avenir. Hélas! mes chères bruyères de Bretagne, je ne les
reverrai jamais! Mais si je meurs en terre étrangère, comme la
chose est probable, j'ai demandé et obtenu que mes os fussent
rapportés dans ma patrie, et j'entends par patrie cette pauvre
Armorique où j'ai été le compagnon de vos jeux. Convenez, Monsieur,
que nous étions des polissons bien heureux, à Dinan, et que la
gloire (si gloire il y a), et ses prétentailles, et nos vieilles
années, et tout ce que nous avons vu, ne valent pas une partie de
barres au bord de la Rance. Je ne sais pas si vous étiez là un
jour que j'ai pensé me noyer en apprenant à nager dans cette
rivière? Vous seriez venu à mon enterrement, et vous auriez pour
jamais oublié mon nom: voilà comme la Providence dispose de
chaque homme. Dans ce temps-là, Monsieur, je vous aurais écrit
de ma propre main: aujourd'hui j'ai la goutte à cette ancienne
jeune main que vous avez serrée, et je suis obligé de dicter ma
lettre. Mais, Monsieur, vous n'y perdrez rien, car je n'ai jamais
pu apprendre à écrire, et c'est toujours comme si je barbouillais
la matière d'un thème latin sous la dictée de l'abbé Duhamel.
Sans plus de façon, Monsieur le juge de paix démissionnaire après
expérience, ma seigneurie, qui n'a point prêté serment et qui n'a
trahi personne, vous renouvelle toutes ses amitiés de collège,
bien supérieures à la considération très distinguée avec laquelle
j'aurais l'honneur d'être,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Chateaubriand.
VI
RÉCITS DE LA VEILLÉE [519]
Après avoir dit que «les gens du château étaient persuadés qu'un certain comte de Combourg, à jambe de bois, mort depuis trois siècles, apparaissait à certaines époques», Chateaubriand ajoute: «Ces récits occupaient tout le temps du coucher de ma mère et de ma sœur: elles se mettaient au lit mourantes de peur...» Ces récits, on les cherche en vain dans l'édition de 1849 et dans les éditions suivantes, et cependant ils avaient charmé tous les auditeurs des lectures de 1834. Sainte-Beuve écrivait, dans son article du 15 avril 1834: «Le coup de dix heures arrêtant brusquement sa marche, le père se retire dans son donjon. Alors, il y a un court moment d'explosion de paroles et d'allégement. Madame de Chateaubriand elle-même y cède, et elle entame une de ces merveilleuses histoires de revenants et de chevaliers, comme celle du sire de Beaumanoir et de Jehan de Tinténiac, dont le poète nous reproduit la légende dans une langue créée, inouïe [520].» -- Jules Janin disait de son côté, dans la Revue de Paris: «Onze heures venues, le vieux seigneur remontait dans sa chambre; on prêtait l'oreille et on l'entendait marcher là-haut: son pied faisait gémir les vieilles solives; puis enfin tout se taisait, et alors la mère, le fils, la sœur, poussaient un cri de joie... Ils se racontaient des histoires de revenants. Parmi ces histoires, il y en a une que M. de Chateaubriand raconte dans ses Mémoires, et qui sera un jour citée comme un modèle de narration.
«Voici quelques lambeaux de cette histoire, voici le pâle squelette du revenant de M. de Chateaubriand:
«La nuit, à minuit, un vieux moine, dans sa cellule, entend frapper à sa porte. Une voix plaintive l'appelle; le moine hésite à ouvrir. A la fin il se lève, il ouvre: c'est un pèlerin qui demande l'hospitalité. Le moine donne un lit au pèlerin et il se repose sur le sien; mais à peine est-il endormi que tout à coup il voit le pèlerin au bord de son lit qui lui fait signe de le suivre. Ils sortent ensemble. La porte de l'église s'ouvre et se referme derrière eux. Le prêtre, à l'autel, célébrait les saints mystères. Arrivé au pied de l'autel, le pèlerin ôte son capuchon et montre au moine une tête de mort: «Tu m'as donné une place à tes côtés, dit le pèlerin; à mon tour, je te donne une place sur mon lit de cendres! [521]»
Qui retrouvera le manuscrit de 1834? Qui nous rendra ces merveilleuses histoires, la légende du Moine et du Pèlerin, et celle du Sire de Beaumanoir et de Jehan de Tinténiac? A leur défaut, voici du moins deux histoires de revenants et de voleurs que la copie de 1826 nous a très heureusement conservées:
Deux faits mieux prouvés venaient mêler, pour ma mère et pour Lucile, la crainte des voleurs à celle des revenants et de la nuit. Il y avait quelques années que mes quatre sœurs, alors fort jeunes, se trouvaient seules à Combourg avec mon père. Une nuit, elles étaient occupées à lire ensemble la mort de Clarisse; déjà tout effrayées des détails de cette mort, elles entendent distinctement des pas d'homme dans l'escalier de la tour qui conduisait à leur appartement. Il était une heure du matin. Épouvantées, elles éteignent la lumière et se précipitent dans leurs lits. On approche, on arrive à la porte de leur chambre, on s'arrête un moment comme pour écouter, ensuite on s'engage dans un escalier dérobé qui communiquait à la chambre de mon père; quelque temps après on revient, on traverse de nouveau l'antichambre, et le bruit des pas s'éloigne, s'évanouit dans la profondeur du château.
Mes sœurs n'osaient parler de l'aventure le lendemain, car elles craignaient que le revenant ou le voleur ne fût mon père lui-même qui avait voulu les surprendre. Il les mit à l'aise en leur demandant si elles n'avaient rien entendu. Il raconta qu'on était venu à la porte de l'escalier secret de sa chambre et qu'on l'eût ouverte sans un coffre qui se trouvait par hasard devant cette porte. Éveillé en sursaut, il avait pris ses pistolets; mais, le bruit cessant, il avait cru s'être trompé et il s'était rendormi. Il est probable qu'on avait voulu l'assassiner. Les soupçons tombèrent sur un de ses domestiques. Il est certain qu'un homme à qui le château eût été inconnu, n'aurait pas pu trouver l'escalier dérobé par où l'on descendait dans la chambre de mon père. Une autre fois, dans une soirée du mois de décembre, mon père écrivait auprès du feu dans la grande salle. On ouvre une porte derrière lui; il tourne la tête et aperçoit un homme qui le regardait avec des yeux hagards et étincelants. Mon père tire du feu de grosses pincettes dont on se servait pour remuer les quartiers d'arbres dans le foyer; armé de ces tenailles rougies, il se lève: l'homme s'effraye, sort de la salle, traverse la cour intérieure, se précipite sur le perron et s'échappe à travers la nuit.
VII
LE COUSIN MOREAU ET SA MÈRE [522]
Vers 1866 -- ou, pour être tout à fait exact, en 1867 -- M. Alexandre Dumas fils a publié avec grand succès, un roman intitulé l'Affaire Clémenceau. Se doutait-il qu'un siècle auparavant, en 1766, au plus fort de la querelle de La Chalotais et du duc d'Aiguillon, une autre «affaire Clémenceau» avait été lancée à Rennes, et que le roman chalotiste avait fait plus de tapage que le sien? Le livre d'Alexandre Dumas avait pour second titre: Mémoire à consulter. Or, j'ai sous les yeux quelques-uns des nombreux écrits publiés à Rennes et à Paris sur l'affaire de 1766, et l'un d'eux a de même pour titre: Mémoire à consulter pour le sieur Clémenceau. Je vais essayer de résumer aussi brièvement que possible ce Mémoire oublié, qui dut intéresser tout particulièrement la mère de Chateaubriand, puisqu'aussi bien, nous le savons, elle s'était «jetée avec ardeur dans l'affaire La Chalotais», et qu'elle retrouvait, parmi les personnages dont il était question dans le Mémoire à consulter, sa propre sœur et l'un de ses neveux.
Un Normand en résidence à Rennes, le sieur Bouquerel, avait écrit à M. de Saint-Florentin [523] une lettre anonyme fort injurieuse. Soupçonné d'en être l'auteur, arrêté et conduit à la Bastille, il avoua que la lettre était de sa main. Comme ce Bouquerel paraissait avoir eu des relations avec M. de La Chalotais, on résolut de joindre son affaire à celle du procureur général, et il fut ramené à Rennes. Il devait y être incarcéré aux Cordeliers, couvent voisin du Palais du Parlement; mais les préparatifs nécessaires pour le recevoir n'étant pas complètement terminés, on le déposa, pour une nuit, dans l'hôpital de Saint-Méen, maison de force semblable à celle de Charenton.
Le supérieur de Saint-Méen était un prêtre du nom de Clémenceau. Il avait été jésuite dans sa jeunesse, mais depuis 1740, c'est-à-dire depuis plus de vingt-cinq ans, il était sorti de la «Société». Il garda, durant une nuit, l'accusé Bouquerel, et quand celui-ci, transféré aux Cordeliers, demanda à se confesser, ce fut M. Clémenceau que l'autorité militaire fit venir.
Aux Cordeliers, le supérieur de Saint-Méen fut en rapports avec un officier de dragons du nom de des Fourneaux, qui se trouvait préposé à la garde de Bouquerel. C'était un homme très brave, qui avait sauvé son colonel sur le champ de bataille. Dans une affaire, il avait reçu, disait-on, quatorze coups de sabre sur la tête. Il en avait gardé l'esprit un peu faible, et il perdit tout son sang-froid, quand il se vit en présence d'un prisonnier comme Bouquerel, lequel, depuis son entrée aux Cordeliers, avait des accès de folie réels ou simulés. M. Clémenceau lui demanda s'il voulait se charger de la malle de Bouquerel et d'une bourse trouvée sur lui. Des Fourneaux refusa et le prêtre dut alors s'adresser à l'intendant, qui l'autorisa à déposer l'argent et la malle au greffe criminel du Parlement.
Voilà les faits tels qu'ils furent racontés par Clémenceau et admis par le Parlement qui, après enquête, les reconnut vrais. De ces faits très simples allait sortir tout un roman.
Très inquiet d'être le gardien d'un homme dont l'affaire avait de la connexité avec le procès La Chalotais, M. des Fourneaux prétexta sa mauvaise santé, et il obtint qu'on le débarrassât de Bouquerel. Il n'en resta pas moins obsédé de terreur, à la pensée qu'il avait attiré sur sa tête la haine des partisans de Bouquerel et celle de tous les Chalotistes. Son régiment ayant quitté Rennes pour prendre ses quartiers à Blain, il fit là une grave maladie. Dans un accès de fièvre chaude, il courut chez une dame Roland de Lisle, et lui tint les propos les plus extravagants, disant qu'il était Jésus-Christ, et parlant en même temps d'un prisonnier d'État menacé d'empoisonnement.
Sur ces entrefaites vint de Blain à Rennes un jeune homme de dix-huit ans, Annibal Moreau, fils d'un procureur au Parlement et soldat au même régiment que des Fourneaux. Il raconta à sa mère la maladie du lieutenant et en fit, peut-être sans en avoir conscience, une véritable légende. Des Fourneaux, disait-il, avait dans son délire souvent parlé de poison; il s'était dit circonvenu pour tuer un prisonnier; enfin, pendant sa convalescence, un jour qu'il entendait lire le Tableau des Assemblées [524], il avait frémi au nom de M. Clémenceau. Annibal Moreau, qui ne savait rien de Bouquerel, pas même son existence, s'était dit que le prisonnier dont le souvenir torturait des Fourneaux devait être M. de La Chalotais; de là à supposer que l'empoisonnement dont parlait son officier avait dû être conseillé par «l'ex-jésuite» Clémenceau, il n'y avait qu'un pas, et ce pas Annibal l'avait franchi.
Les Moreau confièrent leurs soupçons à leurs amis, qui en parlèrent à d'autres. Mme Moreau, d'ailleurs, ne se faisait pas faute d'embellir les récits de son fils. Elle racontait que M. des Fourneaux, alors qu'il résidait à Rennes, lui avait un jour demandé une fiole de lait qui pût servir de contre-poison. Les imaginations s'enflammèrent sur ce sujet, et le gros public, épris de scènes dramatiques et d'émotions violentes, eut vite fait de voir «l'ex-jésuite» Clémenceau se dressant devant des Fourneaux pour le tenter, une fiole de poison dans une main, une bourse pleine d'or dans l'autre.
La poire était mûre: il ne restait plus aux Chalotistes qu'à la cueillir. Ils avaient précisément sous la main l'homme qu'il leur fallait, un procureur du nom de Canon, ancien clerc de M. Moreau et très avant dans l'intimité de Mme Moreau, homme de mœurs suspectes, de fortune mal aisée, friand de scandales et doué d'une imagination hardie. Il reprit à son compte tous les récits d'Annibal Moreau et de sa mère et en déposa en justice, les exagérant encore, les dénaturant au besoin. Il prétendit tenir des Moreau que le projet d'empoisonnement de La Chalotais avait été l'un des objets des «assemblées secrètes», et jamais ils n'avaient rien dit de semblable. Mais Canon croyait essentiel de lier l'affaire des assemblées à l'affaire Clémenceau, pour que les menées des Jésuites en parussent mieux combinées, selon un plan plus vigoureux. Très satisfait du reste de son rôle, enivré du bruit qui se faisait autour de son nom, il se plaisait à répéter et à faire sien le vers du poète:
Victrix causa Diis placuit, sed victa Canoni.
Une instruction fut ouverte. Le malheureux des Fourneaux subit de nombreux interrogatoires et fut confronté avec les principaux témoins. Il déclara n'avoir jamais parlé d'un ecclésiastique lui présentant du poison et de l'or. Il soutint aux Moreau qu'il ne les avait jamais entretenus d'aucune tentative faite sur lui pour le corrompre; il n'avait jamais, dit-il, prononcé devant eux le nom de La Chalotais. Aussi bien, toute la légende créée à son sujet s'évanouissait, aux yeux des gens non prévenus, devant le seul fait que des Fourneaux avait été le gardien non pas de La Chalotais, mais de Bouquerel; devant cet autre fait également certain que La Chalotais était dans la prison de Saint-Malo, quand des Fourneaux était à Rennes. Cependant, grâce aux intrigues des Chalotistes et aux nombreux partisans qu'ils comptaient dans le Parlement, le procès dura très longtemps. Ce fut seulement le 3 mai 1768 que la Cour rendit son arrêt. Jean Canon fut banni à perpétuité «hors du royaume». Julie-Angélique de Bedée, épouse de Jean-François Moreau, et Annibal Moreau, son fils, furent condamnés «en mille livres de dommages et intérêts, par forme de réparation civile au sieur Clémenceau seulement, applicables à l'hôpital de Saint-Méen; ladite somme supportable, savoir: six cents livres par Canon, deux cents livres par Annibal Moreau, et deux cents livres par ladite de Bedée [525]».
L'innocence de M. Clémenceau était proclamée par arrêt. Elle n'était douteuse pour aucune personne de bonne foi. Dans le camp de La Chalotais, on n'en continua pas moins à dire et à écrire que le «complot du poison» avait réellement existé. Des pamphlets chalotistes, cet inepte et grossier mensonge a passé dans les livres de nos historiens.
Dans le dispositif de l'arrêt du 5 mai 1768, le lecteur n'aura pas été sans remarquer cette ligne: «Julie-Angélique de Bedée, épouse de Jean-François Moreau...» La dame Moreau, qui fut si déplorablement mêlée à l'affaire Clémenceau, n'était rien moins, en effet, que la tante propre de Chateaubriand, une sœur de sa mère, celle-là même dont il dit dans ses Mémoires: «Une sœur de ma mère qui avait fait un assez mauvais mariage.» Fille d'Ange-Annibal de Bedée, seigneur de la Boüétardais, et de Bénigne-Jeanne-Marie de Ravenel du Boisteilleul, Julie-Angélique-Hyacinthe de Bedée avait épousé, le 14 avril 1744, «noble Me Jean-François Moreau, procureur au Parlement, noble échevin de la ville et communauté de Rennes». Leur fils Annibal était donc le cousin germain de Chateaubriand. Seul de tous les personnages de l'affaire Clémenceau, il vivra, grâce aux Mémoires où son glorieux parent a tracé de lui cet inoubliable portrait: «Un bruit lointain de voix se fait entendre, augmente, approche; ma porte s'ouvre: entrent mon frère et un de mes cousins, fils d'une sœur de ma mère qui avait fait un assez mauvais mariage... Mon cousin Moreau était un grand et gros homme, tout barbouillé de tabac, mangeant comme un ogre, parlant beaucoup, toujours trottant, soufflant, étouffant, la bouche entr'ouverte, la langue à moitié tirée, connaissant toute la terre, vivant dans les tripots, les antichambres et les salons».
VIII
M. DE MALESHERBES [526]
Un des chapitres de l'Essai sur les Révolutions (Seconde partie, chapitre XVII) a pour titre: M. de Malesherbes. Exécution de Louis XVI. Sur cet exécrable attentat, sur ce crime que la postérité, faisant écho à Joseph de Maistre, appellera, comme lui, Le Grand Crime [527], Chateaubriand a des paroles éloquentes, celle-ci, par exemple: «Fions-nous en à la postérité, dont la voix tonnante gronde déjà dans l'avenir; à la postérité qui, juge incorruptible des âges écoulés, s'apprête à traîner au supplice la mémoire pâlissante des hommes de mon siècle.» Dans une note de ce chapitre, le jeune émigré, le beau-frère de la petite-fille de Malesherbes, parle en ces termes du défenseur de Louis XVI:
Ce que l'on sent trop n'est pas trop toujours ce que l'on exprime
le mieux, et je ne puis parler aussi dignement que je l'aurais
désiré du défenseur de Louis XVI. L'alliance qui unissait ma
famille à la sienne me procurait souvent le bonheur d'approcher
de lui. Il me semblait que je devenais plus fort et plus libre en
présence de cet homme vertueux qui, au milieu de la corruption
des cours, avait su conserver dans un rang élevé l'intégrité du
cœur et le courage du patriote. Je me rappellerai longtemps la
dernière entrevue que j'eus avec lui. C'était un matin: je le
trouvai par hasard seul chez sa petite-fille. Il se mit à me
parler de Rousseau avec une émotion que je ne partageais que
trop. Je n'oublierai jamais le vénérable vieillard voulant bien
condescendre à me donner des conseils, et me disant: «J'ai tort
de vous entretenir de ces choses-là; je devrais plutôt vous
engager à modérer cette chaleur d'âme qui a fait tant de mal à
votre ami (J. S.). J'ai été comme vous, l'injustice me révoltait;
j'ai fait autant de bien que j'ai pu, sans compter sur la
reconnaissance des hommes. Vous êtes jeune, vous verrez bien des
choses; moi j'ai peu de temps à vivre.» Je supprime ce que
l'épanchement d'une conversation intime et l'indulgence de son
caractère lui faisait alors ajouter. De toutes ses prédictions
une seule s'est accomplie, je ne suis rien, et il n'est plus. Le
déchirement de cœur
que j'éprouvai en le quittant me
semblait dès lors un pressentiment que je ne le reverrais jamais.
M. de Malesherbes aurait été grand si sa taille épaisse ne
l'avait empêché de le paraître. Ce qu'il y avait de très étonnant
en lui, c'était l'énergie avec laquelle il s'exprimait dans une
vieillesse avancée. Si vous le voyiez assis sans parler, avec ses
yeux un peu enfoncés, ses gros sourcils grisonnants et son air de
bonté, vous l'eussiez pris pour un de ces augustes personnages
peints de la main de Le Sueur. Mais si on venait à toucher la
corde sensible, il se levait comme l'éclair, ses yeux à l'instant
s'ouvraient et s'agrandissaient: aux paroles chaudes qui
sortaient de sa bouche, à son air expressif et animé, il vous
aurait semblé voir un jeune homme dans toute l'effervescence de
l'âge; mais à sa tête chenue, à ses mots un peu confus, faute de
dents pour les prononcer, vous reconnaissiez le septuagénaire. Ce
contraste redoublait les charmes que l'on trouvait dans sa
conversation, comme on aime ces feux qui brûlent au milieu des
neiges et des glaces de l'hiver.
M. de Malesherbes a rempli l'Europe du bruit de son nom; mais le
défenseur de Louis XVI n'a pas été moins admirable aux autres
époques de sa vie que dans les derniers instants qui l'ont si
glorieusement couronnée. Patron des gens de lettres, le monde lui
doit l'Émile, et l'on sait que c'est le seul homme de cour, le
maréchal de Luxembourg excepté, que Jean-Jacques ait sincèrement
aimé. Plus d'une fois il brisa les portes des bastilles; lui seul
refusa de plier son caractère aux vices des grands, et sortit par
des places où tant d'autres avaient laissé leur vertu.
Quelques-uns lui ont reproché de donner dans ce qu'on appelle
les principes du jour. Si par principes du jour on entend haine
des abus, M. de Malesherbes fut certainement coupable. Quant à
moi, j'avouerai que s'il n'eût été qu'un bon et franc
gentilhomme, prêt à se sacrifier pour le roi, son maître, et à en
appeler à son épée plutôt qu'à sa raison, je l'eusse sincèrement
estimé, mais j'aurais laissé à d'autres le soin de faire son
éloge.
Je me propose d'écrire la vie de M. de Malesherbes, pour laquelle
je rassemble depuis longtemps des matériaux. Cet ouvrage
embrassera ce qu'il y a de plus intéressant dans le règne de
Louis XV et de Louis XVI. Je montrerai l'illustre magistrat mêlé
dans toutes les affaires des temps. On le verra patriote à la
cour, naturaliste à Malesherbes, philosophe à Paris. On le suivra
au conseil des rois et dans la retraite du sage. On le verra
écrivant d'un côté aux ministres sur des matières d'état, de
l'autre entretenant une correspondance de cœur avec
Rousseau sur la botanique. Enfin, je le ferai voir disgracié par
la cour pour son intégrité, et voulant porter sa tête sur
l'échafaud avec son souverain.»
IX
LA CLÉRICATURE DE CHATEAUBRIAND [528]
Il est parfaitement exact que Chateaubriand, en vue d'obtenir son agrégation à l'ordre de Malte, s'est fait donner par l'évêque de Saint-Malo la première tonsure cléricale. Sur un registre de l'ancien évêché de Saint-Malo, destiné à enregistrer les dispenses, démissions, lettres d'ordre, synodes, délibérations du clergé du diocèse et généralement les expéditions quelconques du secrétariat de l'évêché, on trouve à la date du 16 décembre 1788, cette mention: Lettre de tonsure pour M. de Chateaubriand. Suit le texte de la lettre:
Gabriel Cortois de Pressigny miseratione divina et sanctæ sedis apostolicæ gratia Episcopus Macloviensis, etc. Notum facimus quod nos die datæ præsentium in sacello palatii nostri dilectum nostrum nobilem Franciscum-Augustum-Renatum de Chateaubriand, filium Renati-Augusti et dame Apollinæ-Joannæ-Suzannæ de Bedée conjugum, ex parochia et civitate Macloviensi laïcum de legitimo matrimonio procreatum, examinatum capacem et idoneum repertum, ad primam tonsuram clericalem promovendum duximus et promovimus. Datum maclovii sub signo sigilloque nostris et secretarii nostri suscriptione, anno Domini millesimo septingentesima octogesimo die vero decembris decima sexta.
G. Epus Macloviensis.
De Mandato.
Met, secrét.
Voici la traduction:
Gabriel Cortois de Pressigny, par la miséricorde divine et la
grâce du Saint-Siège apostolique, évêque de Saint-Malo, etc.
Nous faisons connaître que le jour de la date de ces présentes
lettres nous avons promu et nous promouvons à la première tonsure
cléricale, dans la chapelle de notre palais, notre cher fils
noble François-Auguste-René de Chateaubriand, fils de
René-Auguste et de dame Apolline-Jeanne-Suzanne de Bedée, son
épouse, laïque de la ville, et paroisse de Saint-Malo, procréé de
légitime mariage, examiné et trouvé capable et idoine.
Donné à Saint-Malo sous notre seing et notre sceau et sous la
signature de notre secrétaire, l'an du Seigneur mil sept cent
quatre-vingt-huit, le 16e jour de décembre.
Signé: G., évêque de Saint-Malo.
Par Mandement:
Met, secrétaire.
X
LE BARON BILLING ET L'AMBASSADE DE LONDRES [529]
En 1834, à l'époque où, dans le salon de madame Récamier, eurent lieu les lectures des Mémoires, le baron de Billing était chargé d'affaires de France à Naples. C'est de cette ville qu'après avoir lu, dans la Revue de Paris, le premier article de Jules Janin; il lui écrivit pour lui signaler un de ces actes de générosité dont Chateaubriand fut coutumier toute sa vie, aux jours de sa détresse comme aux heures de sa prospérité. Parce qu'il a plu à Chateaubriand de toujours se taire sur ces actes-là, ce nous est peut-être une raison d'en faire connaître au moins quelques-uns. Par l'anecdote qu'elle rappelle, par les détails qu'elle contient, la lettre de M. Billing est, d'ailleurs, comme une page tombée des Mémoires; il sied, je crois, de la leur restituer.
Voici cette lettre.
Naples, ce 30 avril 1834.
Monsieur Jules JANIN, à PARIS,
Vous nous avez donné, dans la Revue de Paris, un admirable
article sur M. de Chateaubriand; vous nous en promettez un
second, et c'est à cette occasion que je vous adresse la présente
lettre.....
Vous savez donc que, par un bonheur inespéré, lors de son
ambassade à Londres, M. de Chateaubriand voulut bien non
seulement m'honorer d'un intérêt, dont j'ai plus tard éprouvé les
effets, mais qu'il daigna m'accorder quelque part dans sa
confiance. Connaissant ma longue habitude du pays où il venait
représenter la France, il avait coutume de remettre entre mes
mains, souvent même presque sans examen, les lettres qu'il
recevait de l'intérieur de l'Angleterre. Un jour, parmi celles
qui composaient cette correspondance pour ainsi dire quotidienne,
il s'en trouva une dont l'écriture, la forme même, excitèrent
particulièrement mon attention; un certain parfum de femme me fit
hésiter longtemps d'en pénétrer le contenu, car je craignais
quelque distraction de la part de celui dont la tête, comme celle
du père Aubry, n'avait pas toujours été chauve. Enfin, il me
sembla que ce papier respirait une odeur de pureté et
d'innocence. Je l'ouvris: c'était une de ces lettres charmantes
telle que Clarisse l'aurait écrite avant d'avoir rencontré
Lovelace. Elle était adressée à M. de Chateaubriand par une jeune
femme qu'il avait connue enfant, qu'il avait entièrement perdue
de vue depuis lors, mais qui néanmoins (heureux privilège du
génie!) conservait encore le nom poétique, dont il l'avait
baptisée en badinant. Elle lui rappelait ces jours charmants de
sa joyeuse enfance et lui racontait comment, depuis cette époque,
elle avait grandi et venait de contracter avec un jeune
Clergyman une union qui faisait la félicité de son existence.
Elle lui demandait la grâce de paraître devant lui pour lui
présenter son mari, mais surtout pour remercier, au nom de ses
vieux parents, l'ambassadeur du puissant roi de France, des
bienfaits dont l'auteur pauvre, et alors ignoré, de l'Essai
sur les Révolutions, les avait jadis comblés: «Vous ne pouvez
avoir oublié, disait-elle, que sachant mes parents dans la
détresse, vous avez compati à des maux que vous éprouviez
vous-même, au point d'abandonner généreusement à vos humbles
hôtes tout le produit de l'ouvrage que vous veniez de mettre au
jour!»
Quand
je rapportai cette lettre à M. de Chateaubriand, et
que je lui demandai quel était le jour que je devais indiquer à
cette jeune femme pour qu'elle accomplit le devoir dont elle
avait à s'acquitter envers lui, sa physionomie se couvrit de
cette confusion enfantine que vous lui connaissez: il était
confus que même l'un de ses plus sincères admirateurs eût surpris
un nouveau trait de son admirable caractère!
Je n'oublierai jamais, monsieur, cette entrevue qui eut lieu peu
de jours après, où la jeune Anglaise, pleine de cette chaste
assurance de la vertu, remplissant un devoir, portait des yeux
calmes et confiants sur le timide représentant d'un grand empire,
rougissant de cette sorte de flagrante delicto, où il se
trouvait pris. Puis, le mari de la jeune femme, sérieux comme son
saint ministère, appelant gravement la bénédiction divine sur le
bienfaiteur de la famille de sa femme. Enfin, M. de
Chateaubriand, homme alors puissant et entouré des pompes
diplomatiques, troublé, éperdu, balbutiant quelques mots
d'anglais, de cette voix dont je n'ai retrouvé l'harmonie que
dans la bouche de Canning et dans celle de mademoiselle Mars;
pour étouffer ce souvenir du bien qu'il avait fait, alors que
pauvre, obscur, isolé, il avait généreusement secouru une famille
plus pauvre, plus obscure, plus isolée encore que lui!
Je ne sais, monsieur, si ce petit incident inaperçu dans un drame
admirable, par une distraction bien naturelle à M. de
Chateaubriand, n'aura pas été omis des Mémoires, dont il est si
fort question, en ce moment, dans le monde; mais il m'a semblé
que c'était surtout à vous qu'il appartenait de réparer cet
oubli. Quel parti, si vous le voulez bien, ne saurez-vous pas
tirer de tout ce que cette anecdote renferme, à mon gré, de
touchant!
Pour mon compte, je serais trop heureux si en la voyant figurer
dans le prochain article que nous attendons de vous, j'avais, en
la tirant de l'oubli, témoigné à l'homme illustre qui en est
l'objet combien la reconnaissance que sa conduite envers moi m'a
inspirée, est plus vive aux jours de ce que le monde appelle son
infortune, qu'alors qu'il était assis parmi les puissants de la
terre!
Recevez, monsieur, l'assurance de mon dévouement et de mes
sentiments tout particuliers.
A. Billing.
XI
FRANCIS TULLOCH [530]
Il y a de tout dans l'Essai sur les Révolutions, «cette tour de Babel», comme l'appelle quelque part Chateaubriand [531]. Les Trente Tyrans d'Athènes y coudoient les membres du Comité de salut public et du Comité de sûreté générale. Critias y donne la main à Marat, et Tallien y donne la réplique à Théramènes. Aux massacres d'Eleusine répondent les massacres de Septembre. La campagne de 1792 fait suite à la campagne de l'an III de la soixante-douzième olympiade, et la campagne de 1794 est comme un décalque de la campagne de l'an 479 avant notre ère. Voici pêle-mêle la bataille de Marathon et celle de Jemmapes, le combat de Salamine et celui de Maubeuge, la victoire de Platée et la victoire de Fleurus. Voici, accouplés à tout bout de champ, Miltiade et Dumouriez, Mardonius et le prince de Cobourg, Darius et l'empereur Léopold, Agis et Louis XVI, Pisistrate et Robespierre, Lycurque et Saint-Just, le second chant de Tyrtée et l'Hymne des Marseillais, Épiménide et M. de Flins! Au milieu de ce chaos, traversé par des éclairs de génie, il y a des pages de Mémoires; l'une d'elles est relative à ce Francis Tulloch, que Chateaubriand rencontra sur le navire qui le transportait en Amérique. Cette page, qui confirme d'ailleurs pleinement le récit des Mémoires d'Outre-tombe, est des plus intéressantes, et il me semble bien qu'elle a ici sa place marquée. Racontant, au chapitre LIV de sa seconde partie, son voyage aux Açores, Chateaubriand s'exprime en ces termes:
Manquant d'eau et de provisions fraîches, et nous trouvant au printemps de 1791 par la hauteur des Açores, il fut résolu que nous y relâcherions. Dans le vaisseau sur lequel je passais alors en Amérique, il y avait plusieurs prêtres français qui émigraient à Baltimore, sous la conduite du supérieur de St..., M. N... (l'abbé Nagot). Parmi ces prêtres se trouvaient quelques étrangers, en particulier M. T... (Francis Tulloch), jeune Anglais d'une excellente famille, qui s'était nouvellement converti à la religion romaine.
Et ici, en note, vient l'histoire du jeune Anglais et de ses relations avec le futur auteur du Génie du christianisme, qui, passionnément épris, à cette date, des idées philosophiques de Rousseau, cherche à le mettre en garde contre «les prêtres» et s'efforce de le détacher de «la religion romaine». L'épisode est curieux. On va le lire:
L'histoire de ce jeune homme est trop singulière pour n'être pas
racontée, surtout écrivant en Angleterre, où elle peut intéresser
plusieurs. J'invite le lecteur à la parcourir avant de continuer
la lecture du chapitre.
M. T... était né d'une mère écossaise et d'un père anglais,
ministre, je crois, de W. (quoique j'aie fait en vain des
démarches pour trouver celui-ci, et que je puis d'ailleurs avoir
oublié les vrais noms). Il servait dans l'artillerie, où son
mérite l'eût sans doute bientôt fait distinguer. Peintre,
musicien, mathématicien, parlant plusieurs langues, il réunissait
aux avantages d'une taille élevée et d'une figure charmante les
talents utiles et ceux qui nous font rechercher de la société.
M. N..., supérieur de Saint..., étant venu à Londres, je crois,
en 1790, pour ses affaires, fit la connaissance de T... A
l'esprit rusé d'un vieux prêtre, M. N... joignait cette chaleur
d'âme qui fait aisément des prosélytes parmi des hommes d'une
imagination aussi vive que celle de T... Il fut donc résolu que
celui-ci passerait à Paris, renverrait de là sa commission au duc
de Richmond, embrasserait la religion romaine, et, entrant dans
les ordres, suivrait M. N... en Amérique. La chose fut exécutée;
et T..., en dépit des lettres de sa mère, qui lui tiraient des
larmes, s'embarqua pour le Nouveau-Monde.
Un
de ces hasards qui décident de notre destinée m'amena
sur le même vaisseau où se trouvait ce jeune homme. Je ne fus pas
longtemps sans découvrir cette âme, si mal assortie avec celles
qui l'environnaient; et j'avoue que je ne pouvais cesser de
m'étonner de la chance singulière qui jetait un Anglais, riche et
bien né, parmi une troupe de prêtres catholiques. T..., de son
côté, s'aperçut que je l'entendais; il me recherchait, mais il
craignait M. N..., qui marquait de moi une juste défiance, et
redoutait une trop grande intimité entre moi et son disciple.
Cependant notre voyage se prolongeait, et nous n'avions pu encore
nous ouvrir l'un à l'autre. Une nuit, enfin, nous restâmes seuls
sur le gaillard, et T... me conta son histoire. Je lui
représentai que, s'il croyait la religion romaine meilleure que
la protestante, je n'avais rien à dire à cet égard; mais que
d'abandonner sa patrie, sa famille, sa fortune, pour aller courir
à l'autre bout du monde avec un séminaire de prêtres, me
paraissait une insigne folie dont il se repentirait amèrement. Je
l'engageai à rompre avec M. N...: comme il lui avait confié son
argent, et qu'il craignait de ne pouvoir le ravoir, je lui dis
que nous partagerions ma bourse; que mon dessein était de voyager
chez les sauvages aussitôt que j'aurais remis mes lettres de
recommandation au général Washington; que, s'il voulait
m'accompagner dans cette intéressante caravane, nous reviendrons
ensemble en Europe; que je passerais par amitié pour lui en
Angleterre, et que j'aurais le plaisir de le ramener moi-même au
sein de sa famille. Je me chargeai en même temps d'écrire à sa
mère, et de lui annoncer cette heureuse nouvelle. T..... me
promit tout, et nous nous liâmes d'une tendre amitié.
T... était comme moi, épris de la nature. Nous passions les nuits
entières à causer sur le pont, lorsque tout dormait dans le
vaisseau, qu'il ne restait plus que quelques matelots de quart;
que, toutes les voiles étant pliées, nous roulions au gré d'une
lame sourde et lente, tandis qu'une mer immense s'étendait autour
de nous dans les ombres, et répétait l'illumination magnifique
d'un ciel chargé d'étoiles. Nos conversations alors n'étaient
peut-être pas tout à fait indignes du grand spectacle que nous
avions sous les yeux; et il nous échappait de ces pensées qu'on
aurait honte d'énoncer dans la société, mais qu'on serait trop
heureux de pouvoir saisir et écrire. Ce fut dans une de ces
belles nuits, qu'étant à environ cinquante lieues des côtes de la
Virginie, et cinglant sous une légère brise de l'ouest, qui nous
apportait l'odeur aromatique de la terre, il composa, pour une
romance
française, un air qui exhalait le sentiment entier
de la scène qui l'inspira. J'ai conservé ce morceau précieux, et
lorsqu'il m'arrive de le répéter dans les circonstances présentes,
il fait naître en moi des émotions que peu de gens pourraient
comprendre.
Avant cette époque, le vent nous ayant forcés de nous élever
considérablement dans le Nord, nous nous étions trouvés dans la
nécessité de faire une seconde relâche à l'île de
Saint-Pierre
[532]. Durant les quinze jours que nous passâmes à
terre, T... et moi nous allions courir dans les montagnes de
cette île affreuse; nous nous perdions au milieu des brouillards
dont elle est sans cesse couverte. L'imagination sensible de mon
ami se plaisait à ces scènes sombres et romantiques: quelquefois,
errant au milieu des nuages et des bouffées de vent, en entendant
les mugissements d'une mer que nous ne pouvions découvrir, égarés
sur une bruyère laineuse et morte, au bord d'un torrent rouge qui
roulait entre des rochers, T... s'imaginait être le barde de
Cona; et, en sa qualité de demi-Écossais, il se mettait à
déclamer des passages d'Ossian pour lesquels il improvisait des
airs sauvages, qui m'ont plus d'une fois rappelé le «'t was like
the memory of joys that are past, pleasing and mournful to the
soul.» Je suis bien fâché de n'avoir pas noté quelques-uns de
ces chants extraordinaires, qui auraient étonné les amateurs et
les artistes. Je me souviens que nous passâmes toute une
après-midi à élever quatre grosses pierres en mémoire d'un
malheureux célébré dans un petit épisode à la manière
d'Ossian
[533]. Nous nous rappelions alors Rousseau s'amusant à
lever des rochers dans son île, pour regarder ce qui était
dessous: si nous n'avions pas le génie de l'auteur de l'Émile,
nous avions du moins sa simplicité. D'autres fois nous
herborisions.
«Mais je prévis dès lors que T... m'échapperait. Nos prêtres se
mirent alors à faire des processions et voilà mon ami qui se
monte la tête, court se placer dans les rangs, et se met à
chanter avec les autres. J'écrivis aussi de Saint-Pierre à la
mère de T... Je ne sais si ma lettre lui aura été remise, comme
le gouverneur me l'avait promis; je désire qu'elle ait été
perdue, puisque j'y donnais des espérances qui n'ont pas été
réalisées.
Arrivé à Baltimore, sans me dire adieu, sans paraître sensible à
notre ancienne liaison, à ce que j'avais fait pour lui (m'étant
attiré
la haine des prêtres), T... me quitta un matin et je
ne l'ai jamais revu depuis. J'essayai, mais en vain, de lui
parler; le malheureux était circonvenu, et il se laissa aller.
J'ai été moins touché de l'ingratitude de ce jeune homme que de
son sort: depuis ma retraite en Angleterre, j'ai fait de vaines
recherches pour découvrir sa famille. Je n'avais d'autre envie
que d'apprendre qu'il était heureux, et de me retirer; car, quand
je le connus, je n'étais pas alors ce que je suis: je rendais
alors des services, et ce n'est pas ma manière de rappeler des
liaisons passés avec des riches, lorsque je suis tombé dans
l'infortune. Je me suis présenté chez l'évêque de Londres et, sur
les registres qu'on m'a permis de feuilleter, je n'ai pu trouver
le nom du ministre T... Il faut que je l'orthographie mal. Tout
ce que je sais, c'est que T... avait un frère et que deux de ses
sœurs étaient placées à la cour. J'ai peu trouvé d'hommes dont
le cœur fût mieux en harmonie avec le mien que celui de T...;
cependant mon ami avait dans les yeux une arrière pensée que je
ne lui aurais pas voulu.»
Lorsque Chateaubriand publia, en 1826, une nouvelle édition de l'Essai, il fit suivre la note qu'on vient de lire des lignes suivantes:
Il n'y a de passable dans cette note que mes descriptions comme voyageur. Il fallait bien, au reste, puisque j'étais philosophe, que j'eusse tous les caractères de ma secte: la fureur du propagandisme et le penchant à calomnier les prêtres. J'ai été plus heureux comme ambassadeur que je ne l'avais été comme émigré. J'ai retrouvé à Londres, en 1822, M. T..., il ne s'est point fait prêtre: il est resté dans le monde; il s'est marié; il est devenu vieux comme moi; il n'a plus d'arrière-pensée dans les yeux: son roman, ainsi que le mien, est fini.
XII
JOURNAL DE VOYAGE [534]
Dans son Voyage en Amérique (Œuvres complètes, tome VI), Chateaubriand a donné quelques fragments de son Journal de route. Ce sont de simples notes, mais où se révèle déjà le grand peintre qu'il sera plus tard. «Rien, dit Sainte-Beuve (Chateaubriand et son groupe littéraire sous l'Empire, t. I, p. 126), rien ne rend mieux l'impression vraie, toute pure, à sa source; ce sont les cartons du grand peintre, du grand paysagiste, dans leur premier jet.»
Voici quelques-unes de ces notes.
Le ciel est pur sur ma tête, l'onde limpide sous mon canot qui
fuit devant une légère brise. A ma gauche sont des collines
taillées à pic et flanquées de rochers d'où pendent des
convolvulus à fleurs blanches et bleues, des festons de
bignonias, de longs graminées, des plantes saxatiles de toutes
les couleurs; à ma droite règnent de vastes prairies. A mesure
que le canot avance, s'ouvrent de nouvelles scènes et de nouveaux
points de vue; tantôt ce sont des vallées solitaires et riantes,
tantôt des collines nues; ici c'est une forêt de cyprès dont on
aperçoit les portiques sombres; là c'est un bois léger d'érables,
où le soleil se joue comme à travers une dentelle.
Liberté primitive, je te retrouve enfin! Je passe comme cet
oiseau qui vole devant moi, qui se dirige au hasard, et n'est
embarrassé que du choix des ombrages. Me voilà tel que le
Tout-Puissant m'a créé, souverain de la nature, porté triomphant
sur les eaux, tandis que les habitants des fleuves accompagnent
ma course, que les peuples de l'air me chantent leurs hymnes, que
les bêtes de la terre me saluent, que les forêts courbent leur
cime sur mon passage. Est-ce sur le front de l'homme de la
société, ou sur le mien, qu'est gravé le sceau immortel de notre
origine? Courez vous enfermer dans vos cités, allez vous
soumettre à vos petites lois; gagnez votre pain à la sueur de
votre front, ou dévorez le pain du pauvre; égorgez-vous pour un
mot, pour un maître; doutez de l'existence de Dieu, ou adorez-le
sous des formes superstitieuses: moi j'irai errant dans mes
solitudes; pas un seul battement de mon cœur ne sera comprimé,
pas une seule de mes pensées ne sera enchaînée; je serai libre
comme la nature; je ne reconnaîtrai de souverain que celui qui
alluma la flamme des soleils, et qui d'un seul coup de sa main
fit rouler tous les mondes.
Sept heures du soir.
Nous nous sommes levés de grand matin pour partir à la fraîcheur;
les bagages ont été rembarques; nous avons déroulé notre
voile. Des deux côtés nous avions de hautes terres chargées de
forêts; le feuillage offrait toutes les nuances imaginables:
l'écarlate fuyant sur le rouge, le jaune foncé sur l'or brillant,
le brun ardent sur le brun léger; le vert, le blanc, l'azur,
lavés en mille teintes plus ou moins faibles, plus ou moins
éclatantes. Près de nous c'était toute la variété du prisme; loin
de nous, dans les détours de la vallée, les couleurs se mêlaient
et se perdaient dans des fonds veloutés. Les arbres harmonisaient
ensemble leurs formes; les uns se déployaient en éventail,
d'autres s'élevaient en cônes, d'autres s'arrondissaient en
boule, d'autres étaient taillés en pyramide: mais il faut se
contenter de jouir de ce spectacle sans chercher à le décrire.
Midi.
Il est impossible de remonter plus haut en canot: il faut
maintenant changer notre manière de voyager; nous allons tirer
notre canot à terre, prendre nos provisions, nos armes, nos
fourrures pour la nuit, et pénétrer dans les bois.
Trois heures.
Qui dira le sentiment qu'on éprouve en entrant dans ces forêts
aussi vieilles que le monde, et qui seules donnent une idée de la
création telle qu'elle sortit des mains de Dieu? Le jour, tombant
d'en haut à travers un voile de feuillage, répand dans la
profondeur du bois une demi-lumière changeante et mobile qui
donne aux objets une grandeur fantastique. Partout il faut
franchir des arbres abattus, sur lesquels s'élèvent d'autres
générations d'arbres. Je cherche en vain une issue dans ces
solitudes; trompé par un jour plus vif, j'avance à travers les
herbes, les mousses, les lianes, et l'épais humus composé des
débris des végétaux; mais je n'arrive qu'à une clairière formée
par quelques pins tombés. Bientôt la forêt redevient plus sombre;
l'œil n'aperçoit que des troncs de chênes et de noyers qui se
succèdent les uns aux autres, et qui semblent se serrer en
s'éloignant: l'idée de l'infini se présente à moi.
Six heures.
J'avais entrevu de nouveau une clarté et j'avais marché vers
elle. Me voilà au point de lumière: triste champ plus
mélancolique que les forêts qui l'environnent! Ce champ est un
ancien cimetière indien. Que je me repose un instant dans cette
double solitude de la mort et de la nature: est-il un asile où
j'aimasse mieux dormir pour toujours.
Sept heures.
Ne pouvant sortir de ces bois, nous y avons campé. La
réverbération de notre bûcher s'étend au loin; éclairé en dessous
par la lueur scarlatine, le feuillage parait ensanglanté, les
troncs des arbres les plus proches s'élèvent comme des colonnes
de granit rouge, mais les plus distants, atteints à peine de la
lumière, ressemblent, dans l'enfoncement du bois, à de pâles
fantômes rangés en cercle au bord d'une nuit profonde.
Minuit.
Le feu commence à s'éteindre, le cercle de sa lumière se
rétrécit. J'écoute; un calme formidable pèse sur ces forêts; on
dirait que des silences succèdent à des silences. Je cherche
vainement à entendre dans un tombeau universel quelque bruit qui
décèle la vie. D'où vient ce soupir? d'un de mes compagnons: il
se plaint, bien qu'il sommeille. Tu vis, donc, tu souffres: voilà
l'homme.
Minuit et demie.
Le repos continue: mais l'arbre décrépit se rompt: il tombe. Les
forêts mugissent; mille voix s'élèvent. Bientôt les bruits
s'affaiblissent; ils meurent dans des lointains presque
imaginaires; le silence envahit de nouveau le désert.
Une heure du matin.
Voici le vent: il court sur la cime des arbres; il les secoue en
passant sur ma tête. Maintenant c'est comme le flot de la mer qui
se brise tristement sur le rivage.
Les bruits ont réveillé les bruits. La forêt est toute harmonie,
Est-ce les sons graves de l'orgue que j'entends, tandis que des
sons plus légers errent dans les voûtes de verdure? Un court
silence succède: la musique aérienne recommence; partout de
douces plaintes, des murmures qui renferment eux-mêmes d'autres
murmures; chaque feuille parle un langage différent, chaque brin
d'herbe rend une note particulière.
Une voix extraordinaire retentit: c'est celle de cette grenouille
qui imite les mugissements du taureau. De toutes les parties de
la forêt les chauves-souris accrochées aux feuilles élèvent leurs
chants monotones: on croit ouïr des glas continus, ou le
tintement funèbre d'une cloche. Tout nous ramène à quelque idée
de la mort, parce que cette idée est au fond de la vie.
TABLE DES MATIÈRES. |
||
INTRODUCTION. |
V | |
PRÉFACE TESTAMENTAIRE. |
XLIII | |
AVANT-PROPOS. |
LILI | |
PREMIÈRE PARTIE. |
||
LIVRE PREMIER. |
||
| Naissance de mes frères et sœurs. -- Je viens au monde. -- Plancoët. -- Vœu. -- Combourg. -- Plan de mon père pour mon éducation. -- La Villeneuve. -- Lucile. -- Mesdemoiselles Couppart. -- Mauvais écolier que je suis. -- Vie de ma grand'mère maternelle et de sa sœur, à Plancoët. -- Mon oncle, le comte de Bedée, à Monchoix. -- Relèvement du vœu de ma nourrice. -- Gesril. -- Hervine Magnon. -- Combat contre les deux mousses. | 1 | |
LIVRE II. |
||
| Billet de M. Pasquier. -- Dieppe. -- Changement de mon éducation. -- Printemps en Bretagne. -- Forêt historique. -- Campagnes Pélagiennes. -- Coucher de la lune sur la mer. -- Départ pour Combourg. -- Description du château. -- Collège de Dol. -- Mathématiques et langues. -- Trait de mémoire. -- Vacances à Combourg. -- Vie de château en province. -- Mœurs féodales. -- Habitants de Combourg. -- Secondes vacances à Combourg. -- Régiment de Conti. -- Camp à Saint-Malo. -- Une abbaye. -- Théâtre. -- Mariage de mes deux sœurs aînées. -- Retour au collège. -- Révolution commencée dans mes idées. -- Aventures de la pie. -- Troisièmes vacances à Combourg. -- Le charlatan. -- Rentrée au collège. -- Invasion de la France. -- Jeux. -- L'abbé de Chateaubriand. -- -Première communion. -- Je quitte le collège de Dol. -- Mission à Combourg. -- Collège de Rennes. -- Je retrouve Gesril. -- Moreau. -- Limoëlan. -- Mariage de ma troisième sœur. -- Je suis envoyé à Brest pour subir l'examen de garde de marine. -- Le port de Brest. -- Je retrouve encore Gesril. -- Lapeyrouse. -- Je reviens à Combourg. | 63 | |
LIVRE III. |
||
| Promenade. -- Apparition de Combourg. -- Collège de Dinan. -- Broussais. -- Je reviens chez mes parents. -- Vie à Combourg. -- Journées et soirées. -- Mon donjon. -- Passage de l'enfant à l'homme. -- Lucile. -- Dernières lignes écrites à La Vallée-aux-Loups. -- Révélations sur le mystère de ma vie. -- Fantôme d'amour. -- Deux années de délire. -- Occupations et chimères. -- -Mes joies de l'automne. -- Incantation. -- Tentation. -- Maladie. -- Je crains et refuse de m'engager dans l'état ecclésiastique. -- Un moment dans ma ville natale. -- Souvenir de la Villeneuve et des tribulations de mon enfance. -- Je suis rappelé à Combourg. -- Dernière entrevue avec mon père. -- J'entre au service. -- Adieux à Combourg. | 123 | |
LIVRE IV. |
||
| Berlin. -- Potsdam. -- Frédéric. -- Mon frère. -- Mon cousin Moreau. -- Ma sœur, la comtesse de Farcy. -- Julie mondaine. -- Dîner. -- Pommereul. -- Mme de Chastenay. -- Cambrai. -- Le régiment de Navarre. -- La Martinière. -- Mort de mon père. -- Regrets. -- Mon père m'eût-il apprécié? -- Retour en Bretagne. -- Séjour chez ma sœur aînée. -- Mon frère m'appelle à Paris. -- Premier souffle de la muse. -- Manuscrit de Lucile. -- Ma vie solitaire à Paris. -- Présentation à Versailles. -- Chasse avec le roi. | 169 | |
LIVRE V. |
||
| Passage en Bretagne. -- Garnison de Dieppe. -- Retour à Paris avec Lucile et Julie. -- Delisle de Sales. -- Gens de lettres. -- Portraits. -- Famille Rosambo. -- M. de Malesherbes. -- Sa prédilection pour Lucile. -- Apparition et changement de ma Sylphide. -- Premiers mouvements politiques en Bretagne. -- Coup d'œil sur l'histoire de la monarchie. -- Constitution des États de Bretagne. -- Tenue des États. -- Revenu du roi en Bretagne. -- Revenu particulier de la province. -- Le Fouage. -- J'assiste pour la première fois à une réunion politique. -- Scène. -- Ma mère retirée à Saint-Malo. -- Cléricature. -- Environs de Saint-Malo. -- Le revenant. -- Le malade. -- États de Bretagne en 1789. -- Insurrection. -- Saint-Riveul, mon camarade de collège est tué. -- Année 1789. -- Voyage de Bretagne à Paris. -- Mouvement sur la route. -- Aspect de Paris. -- Renvoi de M. Necker. -- Versailles. -- Joie de la famille royale. -- Insurrection générale. Prise de la Bastille. -- Effet de la prise de la Bastille sur la cour. -- Têtes de Foullon et de Bertier. -- Rappel de M. Necker. -- Séance du 4 août 1789. -- Journée du 5 octobre. -- Le roi est amené à Paris. -- Assemblée constituante. -- Mirabeau. -- Séances de l'Assemblée nationale. -- Robespierre. -- Société. -- Aspect de Paris. -- Ce que je faisais au milieu de tout ce bruit. -- Mes jours solitaires. -- Mlle Monet. -- J'arrête avec M. de Malesherbes le plan de mon voyage en Amérique. -- Bonaparte et moi, sous-lieutenants ignorés. -- Le marquis de la Rouërie. -- Je m'embarque à Saint-Malo. -- Dernières pensées en quittant la terre natale. | 213 | |
LIVRE VI. |
||
| Prologue. -- Traversée de l'océan. -- Francis Tulloch. -- Christophe Colomb. -- Camoëns. -- Les Açores. -- Île Graciosa. -- Jeux marins. -- Île Saint-Pierre. -- Côtes de la Virginie. -- Soleil couchant. -- Péril. -- J'aborde en Amérique. -- Baltimore. -- Séparation des passagers. -- Tulloch. -- Philadelphie. -- Le général Washington. -- Parallèle de Washington et de Bonaparte. -- Voyage de Philadelphie à New-York et à Boston. -- Mackensie. -- Rivière du nord. -- Chant de la passagère. -- M. Swift. -- Départ pour la cataracte de Niagara avec un guide hollandais. -- M. Violet. -- Mon accoutrement sauvage. -- Chasse. -- Le carcajou et le renard canadien. -- Rate musquée. -- Chiens pêcheurs. -- Insectes. -- Montcalm et Wolfe. -- Campement au bord du lac des Onondagas. -- Arabes. -- Course botanique. -- L'Indienne et la vache. -- Un Iroquois. -- Sachem des Onondagas. -- Velly et les Franks. -- Cérémonie de l'hospitalité. -- Anciens grecs. -- Voyage du lac des Onondagas à la rivière Genesee. -- Abeilles, défrichements. -- Hospitalité. -- Lit. -- Serpent à sonnettes enchanté. -- Cataracte de Niagara. -- Serpent à sonnettes. -- Je tombe au bord de l'abîme. -- Douze jours dans une hutte. -- Changement de mœurs chez les sauvages. -- Naissance et mort. -- Montaigne. -- Chant de la couleuvre. -- Pantomime d'une petite Indienne, original de Mila. -- Incidences. -- Ancien Canada. -- Population indienne. -- Dégradation des mœurs. -- Vraie civilisation répandue par la religion. -- Fausse civilisation introduite par le commerce. -- Coureurs de bois. -- Factoreries. -- Chasses. -- Métis ou Bois-brûlés. -- Guerres des compaynies. -- Mort des langues indiennes. -- Anciennes possessions françaises en Amérique. -- Regrets. -- Manie du passé. -- Billet de Francis Conyngham. -- Manuscrit original en Amérique. -- Lacs du Canada. -- Flotte de canots indiens. -- Ruines de la nature. -- Vallée du tombeau. -- Destinée des fleuves. -- Fontaine de Jouvence. -- Muscogulges et Siminoles. -- Notre camp. -- Deux Floridiennes. -- Ruines sur l'Ohio. -- Quelles étaient les demoiselles Muscogulges. -- Arrestation du roi à Varennes. -- J'interromps mon voyage pour repasser en Europe. -- Dangers pour les États-Unis. -- Retour en Europe. -- Naufrage. | 315 | |
APPENDICE. |
||
| I. | La tombe du Grand-Bé. | 441 |
| II. | Le manuscrit de 1826. | 448 |
| III. | Le comte Louis de Chateaubriand et son frère Christian. | 451 |
| IV. | Le comte René de Chateaubriand, armateur. | 454 |
| V. | Chateaubriand et le collège de Dinan. | 456 |
| VI. | Récits de la Veillée. | 457 |
| VII. | Le cousin Moreau et sa mère. | 460 |
| VIII. | M. de Malesherbes. | 465 |
| IX. | La cléricature de Chateaubriand. | 468 |
| X. | Le baron Billing et l'ambassade de Londres. | 469 |
| XI. | Francis Tulloch. | 472 |
| XII. | Journal de voyage. | 476 |
| -- | Table. | 481 |
Note 1: Revue de Paris, t. III, mars 1834.(retour)
Note 2: L'analyse de M. Nisard sert de préface au volume intitulé: Lectures des Mémoires de M. de Chateaubriand (juillet 1834). -- Les articles d'Alfred Nettement parurent dans l'Écho de la jeune France, numéros de mai et juin 1834.(retour)
Note 3: Un volume in-8. à Paris, chez Lefèvre, libraire, rue de l'Éperon, n° 6, 1834.(retour)
Note 4: Mémoires d'Outre-tombe, t. X. p. 418.(retour)
Note 5: Mémoires, t. III, p. 159.(retour)
Note 6: Cité par Alfred Nettement, La Mode, 5 décembre 1844.(retour)
Note 7: La Mode, t. IV, p. 408.(retour)
Note 8: Souvenirs et Correspondance tirés des papiers de Mme Récamier, par Mme Charles Lenormant. t. II. p. 489 et suiv.(retour)
Note 9: Mme de Chateaubriand était morte le 9 février 1848. Mme Récamier mourut le 11 mai 1849.(retour)
Note 10: Le samedi 23 septembre.(retour)
Note 11: La Presse, on l'a vu plus haut, avait versé, en 1841, une somme de 80,000 francs qui, avec les intérêts, représentait, en effet, en 1848, 96,000 francs.(retour)
Note 12: Les onze premiers volumes renferment le texte des Mémoires; le douzième volume était formé d'appendices. Les douze volumes parurent de 1848 à 1850.(retour)
Note 13: Tome XI, p. 358.(retour)
Note 14: Tome XI, p. 360.(retour)
Note 15: Causeries du Lundi, tome I, p. 406 et tome II. p. 138 et 565.(retour)
Note 16: Le Correspondant, livraisons des 25 octobre et 10 novembre 1850.(retour)
Note 17: L'Opinion publique, des 7 mai 1850, 16 et 22 février, 2, 9 et 16 mars 1851.(retour)
Note 18: Les Géorgiques, liv. IV.(retour)
Note 19: Mémoires, tome VI. p. 411.(retour)
Note 20: Portraits contemporains, tome I, p. 17.(retour)
Note 21: A. Vinet, tome I, p. 352.(retour)
Note 22: Dans la Revue des Deux-Mondes, du 15 mars 1834. -- Cette préface, très belle, très élégante, ne figure dans aucune des éditions des Mémoires; on la trouvera dans l'édition actuelle.(retour)
Note 23: Tome X, p. I.(retour)
Note 24: Le manuscrit de 1826 a été publié, en 1874, par Mme Charles Lenormant, sous ce titre: Souvenirs d'enfance et de jeunesse de Chateaubriand. -- 1 vol. in-16, Michel Lévy frères, éditeurs.(retour)
Note 25: Lectures des Mémoires de M. de Chateaubriand, p. 269.(retour)
Note 26: La brochure De Buonaparte et des Bourbons. Elle parut, non le 30 mars 1814, comme le dit M. de Lescure, p. 93, ni le 3 avril, comme le dit M. Henry Houssaye, à la page 570 de son remarquable ouvrage sur 1814, mais le mardi 5 avril. (Voyez le Journal des Débats des 4 et 5 avril 1814.)(retour)
Note 27: Beaucoup d'autres passages des Mémoires ne sont pas moins formels. Voyez notamment tome I, p. 182 et 347; tome II, p. 131; tome III p. 147, 246 et 350; tome VII, p. 328.(retour)
Note 28: Je dois la connaissance de cette lettre à une obligeante communication de M. Charles de Lacombe.(retour)
Note 29: Chateaubriand et son temps, par le comte de Marcellus, ancien ministre plénipotentiaire. 1 vol. in-8º, 1859. -- Préface, page 19.(retour)
Note 30: Revue de Paris, tome IV, avril 1834.(retour)
Note 31: Jules Janin, loc. cit. -- Revue de Paris, mars 1834.(retour)
Note 32: Mémoires d'Outre-tombe, tome IV. page 70.(retour)
Note 33: Tome IV, page 71.(retour)
Note 34: Esprit des lois, liv. X, chap. XIII.(retour)
Note 35: Malherbe. liv. 1. ode IX.(retour)
Note 36: Deux vol. in-8º. 1838.(retour)
Note 37: A. Vinet. Études sur la littérature française au dix-neuvième siècle, tome I, page 432.(retour)
Note 38: Le Correspondant, livraison du 25 janvier 1857. Article sur la nouvelle édition de Saint-Simon. Réimprimé dans les Œuvres de Montalembert, tome VI, p. 405 et 507.(retour)
Note 39: Causeries du Lundi, tome I, p. 408, 424.(retour)
Note 40: Tomes V et VI des Mémoires; édition de 1849.(retour)
Note 41: Tome VIII, p. 203.(retour)
Note 42: Causeries du lundi, tome I, p. 420.(retour)
Note 43: Lettre de George Sand, citée par Sainte-Beuve, Causeries du lundi, tome I, p. 421. -- Si sévère qu'elle se montre ici pour Chateaubriand et ses Mémoires, George Sand ne peut s'empêcher de terminer sa lettre par ces lignes: «Et pourtant, malgré tout ce qui me déplaît dans cette œuvre, je retrouve à chaque instant des beautés de forme grandes, simples, fraîches, de certaines pages qui sont du plus grand maître de ce siècle, et qu'aucun de nous, freluquets formés à son école, ne pourrions jamais écrire en faisant de notre mieux.»(retour)
Note 44: Mme Swetchine, sa vie et ses œuvres, par le comte de Falioux, tome I, p. 339. -- Extrait d'une note de Mme Swetchine sur les Mémoires d'Outre-tombe.(retour)
Note 45: Lettre du 7 octobre 1880.(retour)
Note 46: Cette Préface manque dans toutes les éditions précédentes.(retour)
Note 47: Îlot situé dans la rade de Saint-Malo. Ch.(retour)
Note 48: Voir à l'Appendice le nº 1: La Tombe du Grand-Bé.(retour)
Note 49: Chateaubriand, Discours de réception à l'Académie française, écrit au mois d'avril 1811. Napoléon ne permit pas qu'il fût prononcé.(retour)
Note 50: 18 avril 1802.(retour)
Note 51: La première édition, qui comprenait les deux épisodes d'Atala et de René, formait cinq volumes in-8°. Le cinquième se composait uniquement des Notes et éclaircissements.(retour)
Note 52: Portraits littéraires, par Léon Gautier, p. 14. -- 1868.(retour)
Note 53: Revue des Deux-Mondes du 1er juillet 1862.(retour)
Note 54: Lettres sur Ducis, par Campenon, de l'Académie française.(retour)
Note 55: D. Nisard, t. IV, p. 500.(retour)
Note 56: Livraison de mars 1804.(retour)
Note 57: Chateaubriand et son groupe littéraire sous l'Empire, t. I, p. 396.(retour)
Note 58: Préface des Récits mérovingiens, 1840.(retour)
Note 59: Le Roman historique à l'époque romantique, par Louis Maigron.(retour)
Note 60: Voyage en Orient.(retour)
Note 61: Villemain, M. de Chateaubriand, sa vie, ses écrits, son influence littéraire et politique sur son temps, page 200. -- 1858.(retour)
Note 62: Il avait publié, en l'an IX, des Observations critiques sur le roman intitulé: Atala.(retour)
«Jeté au milieu des mers où Camoëns plaça le génie des tempêtes, Buonaparte ne peut se remuer sur son rocher sans que nous ne soyons avertis de son mouvement par une secousse. Un pas de cet homme à l'autre pôle se ferait sentir à celui-ci. Si la Providence déchaînait encore son fléau; si Buonaparte était libre aux États-Unis, ses regards attachés sur l'océan suffiraient pour troubler les peuples de l'ancien monde: sa seule présence sur le rivage américain de l'Atlantique forcerait l'Europe à camper sur le rivage opposé.»(retour)
Note 64: Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, par M. de Montholon, t. IV, p. 248.(retour)
Note 65: Le 17 août 1815.(retour)
Note 66: M. Villemain, la Tribune moderne, p. 324.(retour)
Note 67: Chateaubriand et son groupe littéraire sous l'Empire, t. I, p. 126.(retour)
Note 68: Chateaubriand et son groupe littéraire sous l'Empire, t. II, p. 2.(retour)
Note 69: Études littéraires sur le XIXe siècle par Émile Faguet, de l'Académie française. -- «Les premiers livres des Natchez, dit M. Faguet, sont écrits dans la manière d'une épopée en prose, ton que l'auteur ne possédait pas encore. Mais ensuite c'est le livre le plus naturel et le plus varié qu'ait écrit Chateaubriand. Sa verve s'y abandonne en inventions charmantes, en rêveries merveilleuses, en tableaux d'une grandeur achevée. C'est, avec René, le vrai livre de Chateaubriand jeune, sans système, sans thèse, sans attitude, sans prétention, enivré de liberté, de solitude, d'ironie sincère, de naïve et magnifique désespérance. Il ne faut pas oublier que des pages sublimes du Génie (la forêt d'Amérique sous la lune, par exemple), sont tout simplement empruntées aux Natchez, et que René et Atala en étaient, en leur forme primitive, des fragments. C'est là qu'est la source vive, fraîche, délicieusement jaillissante et libre, déjà épurée, non encore entourée de constructions un peu artificielles, d'où devait naître ce fleuve si abondamment et magnifiquement épanché pendant quarante ans.»(retour)
Note 70: Mélanges de philosophie, d'histoire et de littérature, par Ch.-M. de Féletz, de l'Académie française, t. III, p. 304.(retour)
Note 71: ArticleSur le «Voyage pittoresque et artistique de l'Espagne», par M. Alexandre de Laborde. -- Cet article fit supprimer le Mercure.(retour)
Note 72: Études sur la littérature française au XIXe siècle, par A. Vinet, t. I, p. 321.(retour)
Note 73: Portraits littéraires, par Léon Gautier, p. 13.(retour)
Note 74: Causeries et méditations, par Charles Magnin, t. I, p. 447.(retour)
Note 75: Phèdre, acte II, scène V.(retour)
Note 76: Études sur la littérature française au XIXe siècle, par Alexandre Vinet, t. I, p. 433.(retour)
Note 77: Chateaubriand et son groupe littéraire sous l'Empire, t. II, p. 435.(retour)
Note 78: Édition de 1898-1900. Librairie de MM. Garnier frères.(retour)
Note 79: Portraits littéraires, p. 6.(retour)
Note 80: Histoire de la littérature française, t. IV, p. 503.(retour)
Note 81: Chateaubriand et son groupe littéraire sous l'Empire, t. II, p. 424.(retour)
Note 82: Ce livre a été écrit, à la Vallée-aux-Loups, près d'Aulnay, d'octobre 1811 à juin 1812.(retour)
Note 83: Horace, Odes, liv. Ier, XI.(retour)
Dans la cour du Palais je naquis ton voisin.(retour)
Note 85: Le 4 octobre, l'Église célèbre la fête de saint François d'Assises. Chateaubriand avait reçu au baptême les prénoms de François-René. -- Il était entré à Jérusalem le 4 octobre 1806. (Itinéraire de Paris à Jérusalem, tome I, p. 286.)(retour)
Note 86: Voir, à l'Appendice, le Nº II: Le Manuscrit de 1826.(retour)
Note 87: Ce paragraphe que nous empruntons au Manuscrit de 1826, nous a paru devoir être préféré à celui qui se trouve dans toutes les éditions des Mémoires et dont voici le texte: «De la naissance de mon père et des épreuves de sa première position, se forma en lui un des caractères les plus sombres qui aient été. Or, ce caractère a influé sur mes idées en effrayant mon enfance, contristant ma jeunesse et décidant du genre de mon éducation.» Selon la très juste remarque du comte de Marcellus (Chateaubriand et son temps, p. 6), ces lignes interrompent plus qu'elles n'aident le récit. «C'était sans doute, ajoute M. de Marcellus, un de ces feuillets supplémentaires dont l'auteur, aux derniers moments de sa vie, renversait continuellement l'ordre, de telle façon qu'il ne s'y reconnaissait plus lui-même, comme il le disait à son dernier secrétaire, M. Daniélo.» (Voir, Tome XII de la première édition des Mémoires d'outre-tombe, les pages auxquelles M. J. Daniélo a donné pour titre: M. et Mme de Chateaubriand; quelques détails sur leurs habitudes, leurs conversations.)(retour)
Note 88: Cette généalogie est résumée dans l'Histoire généalogique et héraldique des Pairs de France, etc., par M. le chevalier de Courcelles, Ch.(retour)
Note 89: Bernard Chérin (1718-1785), généalogiste et historiographe des Ordres de Saint-Lazare, de Saint-Michel et du Saint Esprit.(retour)
Note 90: La terre de la Guerrande était située, non dans le Morbihan, mais dans la paroisse de Hénan-Bihen, aujourd'hui l'une des communes du canton de Matignon, arrondissement de Dinan (Côtes-du-Nord).(retour)
Note 91: Sur le comte Louis de Chateaubriand et sur son frère Christian, voir l'Appendice, Nº III.(retour)
Note 92: Jean de Tinténiac, le héros du combat des Trente, était fils d'Olivier, IIIe du nom, seigneur de Tinténiac, et d'Eustaice de Chasteaubrient, seconde fille de Geoffroy, VIe du nom, baron de Chasteau-brient, et d'Isabeau de Machecoul. (Le P. Aug. Du Paz, Histoire généalogique de plusieurs maisons illustres, de Bretagne.)(retour)
Note 93: Voyez cette note à la fin de ces Mémoires. Ch.(retour)
Note 94: Les éditions précédentes portent, toutes, «comme un grand terrier du moyen-âge». Chateaubriand avait dû certainement écrire terrien. Le Dictionnaire de Furetière (1690) porte: «Terrien. -- Qui possède grande étendue de terre. -- Le roy d'Espagne est le plus grand terrien du monde depuis la découverte des Indes occidentales. -- Cette duchesse est grande terrienne en Bretagne, elle y possède beaucoup de terres.» -- Littré dit aussi: «Grand terrien, seigneur qui possède beaucoup de terres.»(retour)
Note 95: Grand'mère paternelle de Chateaubriand. Les actes de l'état civil où elle figure lui donnent tous pour premier prénom, au lieu de Pétronille, celui de Perronnelle. Ce dernier nom était très fréquent en Bretagne: on le traduisait en latin par Petronilla, d'où il arrivait que, dans les familles, on écrivait indifféremment Pétronille ou Perronnelle, sans y attacher d'importance.(retour)
Note 96: Avant d'être recteur de Saint-Launeuc et de Merdrignac, il avait été prieur de Bécherel (en 1747).(retour)
Note 97: Le Manuscrit de 1826 entrait ici, sur François-Henri de Chateaubriand, seigneur de la Villeneuve, dans les détails qui suivent: «Ce singulier curé fut adoré par ses paroissiens. Son nom, illustre en Bretagne, excitait d'abord l'étonnement; ensuite son caractère joyeux, le culte que cette autre espèce de Rabelais avait voué aux Muses dans un presbytère attirait à lui, on venait le voir de toutes parts; il donnait tout ce qu'il avait, et n'était, à la lettre, pas maître chez lui; il mourut insolvable, et ma grand'mère n'osa prendre sa chétive succession que sous bénéfice d'inventaire. Les paysans s'assemblèrent, déclarèrent qu'on faisait injure à la mémoire de leur curé, et se chargèrent d'acquitter ses dettes; en conséquences, ils l'enterrèrent à leurs frais, liquidèrent sa succession et envoyèrent à sa famille le peu qu'il avait laissé.»(retour)
Note 98: Chateaubriand a francisé ici un vers de Shakespeare, qui a dit dans un de ses sonnets:
When you entombed, in men' eyes, shall lie
Your monument shall be my gentle verse.(retour)
Note 99: Louis-Robert-Hippolyte de Bréhan, comte de Plélo, né à Rennes le 28 mars 1699, était le petit-neveu de Mme de Sévigné. Sa vie a été écrite par M. Edmond Rathery, sous ce titre: Le comte de Plélo, un volume in-8°, 1876.(retour)
Note 100: Voir, à l'Appendice, le Nº IV: le comte René de Chateaubriand armateur.(retour)
Note 101: Pierre-Marie-Anne de Chateaubriand, seigneur du Plessis et du Val-Guildo, né en 1727. Il commanda plusieurs des navires de son frère. (Voir à l'Appendice le Nº IV.) Le 12 février 1760, il épousa Marie-Jeanne-Thérèse Brignon fille de Nicolas-Jean Brignon, seigneur de Laher, négociant, et de Marie-Anne Le Tondu. Incarcéré pendant la Terreur, il mourut dans la prison de Saint-Malo, le 3 fructidor an II (20 août 1794).(retour)
Note 102: Les éditions précédentes portent toutes: 1810. C'est une erreur. Armand de Chateaubriand fut fusillé le vendredi saint (31 mars) de l'année 1809. Lorsque Chateaubriand reviendra plus tard avec détails sur ce douloureux épisode, il aura bien soin de lui donner sa vraie date.(retour)
Note 103: Ceci était écrit en 1811 (note de 1831, Genève). Ch.(retour)
Note 104: Le mariage des parents de Chateaubriand fut célébré à Bourseul. Bourseul est aujourd'hui l'une des communes du canton de Plancoët, arrondissement de Dinan (Côtes-du-Nord). -- Voici l'extrait de l'acte de mariage, relevé sur les registres paroissiaux de Bourseul: -- «Du troisième de juillet 1753, j'ay administré la bénédiction nuptiale à haut et puissant René-Auguste de Chateaubriand, chevalier seigneur du Plessis, fils majeur de haut et puissant François de Chateaubriand, chevalier seigneur de Villeneuve, et de dame Perronnelle-Claude Lamour de Lanjegu, dame de Chateaubriand, son épouse, domiciliée de la paroisse de Guitté en ce diocèse, d'une part; et à très noble demoiselle Apolline-Jeanne-Suzanne de Bedée, dame de la Villemain, fille de haut et puissant seigneur Ange-Annibal de Bedée, chevalier seigneur de la Bouëtardays et autres lieux, et de dame Bénigne-Jeanne-Marie de Ravenel du Boistilleul, son épouse, d'autre part... Ont été présents à la cérémonie: messire Ange-Annibal de Bedée et dame Bénigne-Jeanne-Marie de Ravenel, père et mère de l'épouse; demoiselle Anne de Bedée et demoiselle Suzanne-Apolline de Ravenel, tantes de l'épouse; messire Théodore-Jean-Baptiste de Ravenel de Boistilleul, cousin germain de l'épouse, conseiller au Parlement de Bretagne, et autres soussignants. -- Suivent les signatures: Apoline de Bedée de Vilmain, B. de Chateaubriand, Bénigne J.-M. de Ravenel de la Bouëtardaye, de Bedée de la Bouëtardaye, Suzanne de Ravenel, Anne de Bedée, Angélique Bedée du Boisrioux, Jeanne Le Mintier du Boistilleul, Marie-Antoine de Bedée, Théodore J.-B. de Ravenel du Boistilleul, du Breil pontbriand, F. de Chateaubriand, frère de l'époux, et Guillemot, curé de Bourseul.(retour)
Note 105: Ange-Annibal de Bedée, seigneur de la Bouëtardais de la Mettrie et de Boisriou, né à la Bouëtardais, en Bourseul, le 11 septembre 1696, était fils de Jean-Marc de Bedée de la Bouëtardais, seigneur des mêmes lieux, et de Jeanne de Bégaignon. Il mourut le 14 janvier 1761 et fut inhumé dans l'église de Bourseul. La famille de Bedée, qui a compté des branches nombreuses, tire son nom d'une paroisse aujourd'hui commune du canton et de l'arrondissement de Montfort (Ille-et-Vilaine). La seigneurie de Bedée a cessé depuis longtemps d'appartenir à la famille de ce nom: au siècle dernier, elle était aux mains des Visdelou, qui se qualifiaient de marquis de Bedée.(retour)
Note 106: Bénigne-Jeanne-Marie (et non Marie-Anne) de Ravenel du Boisteilleul, née à Rennes, en la paroisse Saint-Jean, le 15 octobre 1698 (et non le 16 octobre), était fille de écuyer Benjamin de Ravenel, seigneur de Boisteilleul, et de Catherine-Françoise de Farcy. Elle avait épousé, le 24 février 1720, en l'église de Toussaint, à Rennes, Ange-Annibal de Bedée. -- Je dois ces indications, ainsi que la plupart de celles qui vont suivre et qui ont trait aux parents de Chateaubriand, à M. Frédéric Saulnier, conseiller à la Cour d'appel de Rennes. Sans son utile et si dévoué concours, je n'aurais pu mener à bonne fin cette partie de mon travail.(retour)
1º Geoffroy-René-Marie, né le 4 mai 1758 (mort au
berceau).
2º Jean-Baptiste-Auguste, né le 23 juin 1759 (celui
qui sera le petit-gendre de Malesherbes).
3º Marie-Anne-Françoise, née le 4 juillet 1760
(plus tard Mme de Marigny).
4º Bénigne-Jeanne, née le 31 août 1761 (qui
épousera plus tard M. de Québriac, puis M. de
Châteaubourg).
5º Julie-Marie-Agathe, née le 2 septembre 1763
(plus tard Mme de Farcy).
6º Lucile-Angélique, née le 7 août 1764 (plus tard
Mme de Caud).
7º Auguste, né le 28 mai 1766 (mort au bout de
quelques mois).
8º Calixte-Anne-Marie, née le 3 juin 1767 (morte en
bas âge).
9º François-René, né le 4 septembre 1768 (l'auteur
du Génie du christianisme).
Le chiffre de dix enfants, donné par
Chateaubriand, n'en est pas moins exact. Un
dixième enfant -- qui fut en réalité le
premier -- était né à Plancoët, où M. et Mme de
Chateaubriand habitèrent pendant quelque temps à la
suite de leur mariage. Ce premier enfant, né et
mort à Plancoët, n'a pu figurer sur les registres
de Saint-Malo. (Recherches sur plusieurs des
circonstances relatives aux origines, à la
naissance et à l'enfance de M. de Chateaubriand,
par M. Ch. Cunat, 1850.)(retour)
Note 108: Le texte complet de l'acte de baptême de Chateaubriand est ainsi conçu:
«François-René de Chateaubriand, fils de haut et puissant René de Chateaubriand, chevalier, comte de Combourg, et de haute et puissante dame, Apolline-Jeanne-Suzanne de Bedée, dame de Chateaubriand, son épouse, né le 4 septembre 1768, baptisé le jour suivant par nous, Messire Pierre-Henry Nouail, grand chantre et chanoine de l'Église cathédrale, official et grand vicaire de Monseigneur l'évêque de Saint-Malo. A été parrain haut et puissant Jean-Baptiste de Chateaubriand, son frère, et marraine haute et puissante dame Françoise-Marie-Gertrude de Contade, dame et comtesse de Plouër, qui signent et le Père. Ont signé: Jean-Baptiste de Chateaubriand, Brignon de Chateaubriand, Contades de Plouër, de Chateaubriand, Nouail, vicaire général.»(retour)
Note 109: Vingt jours avant moi, le 15 août 1768, naissait dans une autre île, à l'autre extrémité de la France, l'homme qui a mis fin à l'ancienne société, Bonaparte. Ch.(retour)
Note 110: On lit, dans l'Itinéraire de Paris à Jérusalem, tome I, p. 295: «Tandis que j'attendais l'instant du départ, les religieux se mirent à chanter dans l'église du monastère. Je demandai la cause de ses chants et j'appris que l'on célébrait la fête du patron de l'ordre. Je me souvins alors que nous étions au 4 octobre, jour de la Saint-François, jour de ma naissance et de ma fête. Je courus au chœur et j'offris des vœux pour le repos de celle qui m'avait autrefois donné la vie à pareil jour.»(retour)
Note 111: «Je fus nommé François du jour où j'étais né, et René à cause de mon père.» Manuscrit de 1826. -- Atala, le Génie du christianisme, les Martyrs et l'Itinéraire sont signés: François-Auguste de Chateaubriand. En supprimant ainsi, en tête de ses premiers ouvrages, l'appellation de René, Chateaubriand voulait éviter les fausses interprétations de ceux qui auraient été tentés de le reconnaître dans l'immortel épisode de ses œuvres qui ne porte d'autre titre que ce nom.(retour)
Note 112: En 1768, les parents de Chateaubriand habitaient rue des Juifs (aujourd'hui rue de Chateaubriand) une maison appartenant à M. Magon de Boisgarein. On la distinguait alors sous le nom d'Hôtel de la Gicquelais, nom du père de M. Magon.(retour)
Note 113: En 1780, M. Magon de Boisgarein vendit cette maison à M. Dupuy-Fromy, et peu de temps après elle fut occupée par M. Chenu, qui en fit une auberge. Sa destination, depuis plus d'un siècle, n'a pas changé. L'un des trois corps de logis dont est actuellement composé l'Hôtel de France et de Chateaubriand, celui qui est le plus avancé dans la rue, est la maison natale du grand écrivain.(retour)
Note 114: Françoise-Gertrude de Contades, fille de Louis-Georges-Erasme de Contades, maréchal de France, et de Nicole Magon de la Lande. Elle avait épousé en 1747 Jean-Pierre de la Haye, comte de Plouër, colonel de dragons.(retour)
Note 115: Chateaubriand n'a point imaginé cette tempête romantique, qui éclate pourtant si à propos à l'heure même de sa naissance. M. Charles Cunat, le savant et consciencieux archiviste de Saint-Malo, confirme de la façon la plus précise, dans son écrit de 1850, l'exactitude de tous les détails donnés par le grand poète: «En effet, dit-il, une pluie opiniâtre durait depuis près de deux mois; plusieurs coups de vent qu'on avait éprouvés n'avaient pas changé l'état de l'atmosphère; ce temps pluvieux jetait l'alarme dans le pays; ce fut dans la nuit de samedi à dimanche, à l'approche du dernier quartier de la lune, qu'eut lieu la tempête horrible qui accompagna la naissance de Chateaubriand et dont les terribles effets se firent sentir dans le pays, et notamment à la chaussée du Sillon.» Cette nuit du samedi au dimanche, où la tempête fut particulièrement horrible, était précisément celle du 3 au 4 septembre, et c'est le 4 septembre que naquit Chateaubriand. -- La continuité et la violence des tempêtes, en ces premiers jours de septembre 1768, furent telles que l'évêque et le chapitre firent exposer pendant neuf jours, comme aux époques des plus grandes calamités, les reliques de Saint Malo dans le chœur de la cathédrale; les voûtes de l'antique basilique ne cessèrent de retentir des chants de la pénitence et des appels à la miséricorde divine. Enfin, l'orage s'apaisa, le ciel reprit sa sérénité, et, le dimanche 18 septembre, on porta processionnellement les restes du saint à travers les rues de la ville et autour des remparts, au milieu d'un concours immense de la population. Les reliques, précédées du clergé, étaient portées par des chanoines et suivies par Mgr. Jean-Joseph Fogasse de la Bastie, évêque du diocèse. (Ch. Cunat, op. cit.)(retour)
Note 116: Il n'y eut jamais à Plancoët d'abbaye de Bénédictins. Il existait seulement, au hameau de l'Abbaye, une maison de Dominicains, dont les bâtiments, aujourd'hui transformés en ferme, joignent la partie nord-est de la modeste chapelle où le futur pèlerin de Paris à Jérusalem fut relevé de son premier vœu.(retour)
Note 117: Longtemps encore après Froissart, on a continué d'écrire Combour, ce qui était suivre l'ancienne forme du nom, Comburnium. C'est seulement de 1660 à 1680 que le g a été ajouté.(retour)
Note 118: Emmanuel-Félicité de Durfort, duc de Duras (1715-1789), pair et maréchal de France, premier gentilhomme de la Chambre, membre de l'Académie française. Choisi par le roi pour aller commander en Bretagne au milieu des troubles qu'avait fait naître l'affaire de La Chalotais, il réussit à concilier les esprits et à rétablir la tranquillité.(retour)
Note 119: Louise-Françoise-Maclovie-Céleste de Coëtquen, mariée en 1736 au duc de Duras, décédée le 17 nivôse an X (7 janvier 1802).(retour)
Note 120: Hallay-Coëtquen (Jean-Georges-Charles-Frédéric-Emmanuel, marquis du), né le 5 octobre 1799, mort le 10 mars 1867. Il avait été, sous la Restauration, capitaine au 1er régiment de grenadiers à cheval de la garde royale et gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. Le marquis du Hallay a eu une grande réputation comme juge du point d'honneur et arbitre en matière de duel. Il a publié des Nouvelles et Souvenirs, Paris, 1835 et 1836, 2 tomes en 1 vol. in-8°.(retour)
Note 121: Le comte du Hallay-Coëtquen, frère cadet du précédent, a été page de Louis XVIII en 1814, puis garde du corps de Monsieur, et lieutenant au 4e régiment de chasseurs à cheval.(retour)
Note 122: Pierre-Louis Moreau de Maupertuis (1698-1759); membre de l'Académie des sciences et de l'Académie française; président perpétuel de l'Académie des sciences et belles-lettres de Berlin. Il était né à Saint-Malo.(retour)
Note 123: Nicolas-Charles-Joseph Trublet (1697-1770); parent et ami de Maupertuis et, comme lui, né à Saint-Malo. Il avait été reçu membre de l'Académie française le 13 avril 1761.(retour)
Note 124: C'est un souvenir du voyage de l'auteur en Palestine et de son séjour au couvent de Saint-Saba: «On montre aujourd'hui dans ce monastère trois ou quatre mille têtes de morts, qui sont celles des religieux massacrés par les infidèles. Les moines me laissèrent un quart d'heure tout seul avec ces reliques: ils semblaient avoir deviné que mon dessein était de peindre un jour la situation de l'âme des solitaires de la Thébaïde. Mais je ne me rappelle pas encore sans un sentiment pénible qu'un caloyer voulut me parler de politique et me raconter les secrets de la cour de Russie. «Hélas! mon père, lui dis-je, où chercherez-vous la paix, si vous ne la trouvez pas ici?» Itinéraire de Paris à Jérusalem, tome I, p. 313.(retour)
Note 125: Lucile avait, non pas deux ans, mais quatre ans de plus que son frère. Elle était née le 7 août 1764. -- Voir son acte de naissance à la page 7 de la remarquable étude de M. Frédéric Saulnier sur Lucile de Chateaubriand et M. de Caud, d'après des documents inédits, 1885. M. Anatole France s'est donc trompé, lui aussi, lorsque, dans son petit volume, d'ailleurs si charmant, sur Lucile de Chateaubriand, sa vie et ses œuvres, il l'a fait naître «en l'an 1766».(retour)
Note 126: [Grec: Ἀχὼρ], gourme. Ch.(retour)
Note 127: «Dans les jardins en terrasse de cette maison, qui sert maintenant de presbytère à la paroisse de Nazareth, se voit encore la fontaine entourée de saules, où l'aïeule de Chateaubriand venait respirer le frais en tricotant au milieu de ses enfants et petits-enfants.» Du Breil de Marzan, Impressions bretonnes sur les funérailles de Chateaubriand et sur les Mémoires d'outre-tombe, 1850.(retour)
Note 128: Suzanne-Émilie de Ravenel, demoiselle du Boisteilleul, sœur cadette de madame de Bedée de la Bouëtardais, née à Rennes le 12 mai 1700.(retour)
Note 129: La véritable orthographe du nom des trois vieilles filles était: Loisel de la Villedeneu. (Du Breil de Marzan, op. cit.)(retour)
Note 130: Marie-Antoine-Bénigne de Bedée, comte de la Bouëtardais, baron de Plancoët, fils de Ange-Annibal de Bedée et de Bénigne-Jeanne-Marie de Ravenel de Boisteilleul, frère de madame de Chateaubriand et d'un an plus jeune qu'elle; il était né dans la paroisse de Bourseul, le 5 avril 1727. Il mourut à Dinan, le 24 juillet 1807.(retour)
Note 131: Le château de Monchoix, dans la paroisse de Pluduno, aujourd'hui l'une des communes du canton de Plancoët, arrondissement de Dinan, Monchoix est actuellement habité par M. du Boishamon, arrière-petit-fils du comte de Bedée.(retour)
Note 132: Le comte de Bedée avait eu huit enfants, dont quatre morts en bas âge. Chateaubriand n'a donc connu que les quatre dont il parle: 1º Charlotte-Suzanne-Marie (celle qu'il appelle Caroline), née en la paroisse de Pluduno, le 24 avril 1762, décédée à Dinan, non mariée, le 28 avril 1849; -- 2º Marie-Jeanne-Claude ou Claudine, née le 21 avril 1765, mariée en émigration à René-Hervé du Hecquet, seigneur de Rauville. Revenue en France, elle s'est fixée à Valognes et a dû y mourir. Ce sont ses héritiers qui ont hérité de la Bouëtardais. -- 3º Flore-Anne, née le 5 octobre 1766, mariée au château de Monchoix, le 28 octobre 1788, à Charles-Augustin-Jean-Baptiste Locquet, chevalier de Château-d'Assy, d'une famille d'origine malouine; elle est décédée, veuve, à Dinan, le 7 janvier 1851. -- 4º Marie-Joseph-Annibal de Bedée, comte de la Bouëtardais, conseiller au Parlement de Rennes. Il fut, à Londres, le compagnon d'émigration de Chateaubriand et nous renvoyons à ce moment les détails que nous aurons à fournir sur lui.(retour)
Note 133: Marie-Angélique-Fortunée-Cécile Ginguené, fille de écuyer François Ginguené et de dame Thérèse-Françoise Jean. Elle était née à Rennes le 23 novembre 1729. Mariée, le 23 novembre 1756, à Marie-Antoine-Bénigne de Bedée. Décédée à Dinan, le 22 novembre 1823.(retour)
Note 134: «C'était la première fois de ma vie que j'étais décemment habillé. Je devais tout devoir à la religion, même la propreté, que saint Augustin appelle une demi-vertu.» Manuscrit de 1826.(retour)
Note 135: A propos de cette expression et de quelques autres (me jouer emmi les vagues qui se retiraient; -- à l'orée d'une plaine; -- des nuages qui projettent leur ombre fuitive, etc.), Sainte-Beuve écrivait, dans son article du 15 avril 1834, après les premières lectures des Mémoires: «L'effet est souvent heureux de ces mots gaulois rajeunis, mêlés à de fraîches importations latines. (Le vaste du ciel, les blandices des sens, etc.) et encadrés dans des lignes d'une pureté grecque, au tour grandiose, mais correct et défini. Le vocabulaire de M. de Chateaubriand dans ces Mémoires comprend toute la langue française imaginable et ne la dépasse guère que parfois en quelque demi-douzaine de petits mots que je voudrais retrancher. Cet art d'écrire qui ne dédaigne rien, avide de toute fleur et de toute couleur assortie, remonte jusqu'au sein de Ducange pour glaner un épi d'or oublié, ou ajouter un antique bleuet à la couronne.» Portraits contemporains, I, 30.(retour)
Note 136: La chapelle de Notre-Dame de Nazareth n'était aucunement un édifice gothique. Elle datait du milieu du XVIIe siècle et avait été fondée par dame Catherine de Rosmadec, épouse de Guy de Rieux, comte de Châteauneuf, qui en fit don au couvent des religieux dominicains de Dinan. La première pierre fut posée, en présence de Ferdinand de Neufville, évêque de Saint-Malo, le 2 mai 1649, et, à cette date, on ne construisait plus, même en Bretagne, ni églises ni chapelles gothiques. (Voir Dictionnaire d'Ogée, article Corseul, et l'Histoire de la découverte de la Sainte image de Notre Dame de Nazareth, copiée sur l'ancien original du père Guillouzou, et publiée par M. L. Prud'homme, de Saint-Brieuc).(retour)
Note 137: «La religion, qui ne connaît pas les rangs et qui donne toujours des leçons, ne voyait dans cette cérémonie que la pauvre femme qui m'avait sauvé de la mort, et l'enfant qui avait sucé le même lait que moi; la grande dame ma mère était à la porte, la paysanne dans le sanctuaire.» Manuscrit de 1826.(retour)
Note 138: «Quand cela fut fait, on acheva de célébrer la messe; ma mère communia après le prêtre, et très certainement ses vœux cherchèrent à détourner sur moi les grâces que cette communion devait répandre sur elle. Combien il est essentiel de frapper l'imagination des enfants, par des actes de religion! Jamais dans le cours de ma vie je n'ai oublié le relèvement de mon vœu. Il s'est présenté à ma mémoire au milieu des plus grands égarements de ma jeunesse; je m'y sentais attaché comme à un point fixe autour duquel je tournais sans pouvoir me déprendre. Depuis l'exhortation du bénédictin, j'ai toujours rêvé le pèlerinage de Jérusalem et j'ai fini par l'accomplir. Il est certain que la plupart des actes religieux, nobles par eux-mêmes, laissent au fond du cœur de nobles souvenirs, nourrissent l'âme de sentiments élevés et disposent à aimer les choses belles et touchantes; que de droit la religion n'avait-elle donc pas sur moi! Ne devait-elle pas me dire: «Tu m'as été consacré dans ta jeunesse, je ne t'ai rendu à la vie que pour que tu devinsses mon défenseur. La dépouille de ton innocence, trempée des larmes de ta mère, repose encore sur mes autels; ce ne sont pas tes vêtements qu'il faut suspendre à mes temples, ce sont tes passions. Consacre-moi ton cœur et tes chagrins, je bénirai ta nouvelle offrande.» Sainte religion, voilà ton langage; toi seule pourrais remplir le vide que j'ai toujours senti en moi, et guérir cette tristesse qui me suit. Tout sujet m'y replonge ou m'y ramène; je n'écris pas un mot qu'elle ne soit prête à déborder comme un torrent: je ne suis occupé qu'à la renfermer, pour ne pas me rendre ridicule aux hommes. Mais dans cet écrit qui ne paraîtra qu'après moi, que j'ai entrepris pour me soulager, pour donner une issue aux sentiments qui m'étouffent, pourquoi me contraindrais-je? Rassasions-nous de nos peines secrètes, que mon âme malade et blessée puisse à son gré repasser ses chimères et se noyer dans ses souvenirs!» Manuscrit de 1826.(retour)
Note 139: Dante, Le Paradis, Chant XVII.(retour)
Note 140: «Au mois d'octobre de l'année 1775, nous retournâmes à Saint-Malo.» Manuscrit de 1826.(retour)
Note 141: Saint Aaron vivait bien au VIe siècle, mais on ignore absolument la date à laquelle il s'établit sur le rocher qui porte aujourd'hui la ville de Saint-Malo. La date de 507, donnée ici par Chateaubriand, ne repose sur aucune autorité sérieuse. On ne la trouve même pas dans l'ouvrage, plus légendaire qu'historique, du P. Albert Le Grand, la vie, gestes, mort et miracles des saints de la Bretagne-Armorique.(retour)
Note 142: Cette date de 541, que Chateaubriand a prise cette fois dans Albert Le Grand (édition de 1680, p. 583), n'est rien moins qu'exacte. Malo fut bien le premier titulaire de l'évêché d'Aleth, fondé par Judaël, roi de Domnonée, mais cette fondation eut lieu, non en 541, mais près d'un demi-siècle plus tard. Né vers 520 dans la Cambrie méridionale, Malo ne passa en Armorique que vers 550. Il aborda dans l'île de Césembre, avec une trentaine de disciples et se mit aussitôt à évangéliser les campagnes aléthiennes et curiosolites. Il comptait déjà dans la péninsule armoricaine, et spécialement dans le pays d'Aleth, quarante ans d'apostolat, lorsqu'il fut honoré de la dignité épiscopale, vers 585-590. Saint Malo mourut en Saintonge, le dimanche 16 décembre 621, âgé d'environ cent ans. (Voir l'Histoire de Bretagne, par Arthur de la Borderie, tome I, p. 421, 465, 475.)(retour)
Note 143: Anson (Georges), amiral anglais, né en 1697, mort en 1762.(retour)
Note 144: La Chalotais (Louis-René de Caradeuc de), procureur-général au Parlement de Bretagne, né à Rennes le 6 mars 1701, mort le 12 juillet 1785. -- Le premier Mémoire, écrit sous le nom de M. de La Chalotais, et reconnu par lui comme son œuvre se terminait par ces lignes: «Fait au château de Saint-Malo, 15 janvier 1766, écrit avec une plume faite d'un cure-dent, et de l'encre faite avec de le suie de cheminée, du vinaigre et du sucre, sur des papiers d'enveloppe de sucre et de chocolat.» La vérité est que La Chalotais, dans sa prison, avait tout ce qu'il faut pour écrire et qu'il écrivait par toutes les postes à sa famille. Voir, dans l'ouvrage de M. Henri Carré, La Chalotais et le duc d'Aiguillon (1803), la correspondance du chevalier de Fontette, commandant du château de Saint-Malo, et en particulier la lettre du 28 avril 1766.(retour)
Note 145: Jacques Cartier naquit à Saint-Malo le 31 décembre 1494, l'année même où Christophe Colomb découvrait la Jamaïque. On ne sait pas exactement la date de sa mort. Le savant annaliste de Saint-Malo, M. Ch. Cunat, croit pouvoir la fixer aux environs de 1554.(retour)
Note 146: René Dugay-Trouin, né le 10 juin 1673; mort le 27 septembre 1736.(retour)
Note 147: Robert Surcouf, le célèbre corsaire (1773-1827). M. Ch. Cunat a écrit son Histoire.(retour)
Note 148: Bertrand-François Mahé de La Bourdonnais (1699-1753).(retour)
Note 149: Julien Offraye de La Mettrie, né à Saint-Malo le 19 décembre 1709, mort le 11 novembre 1751 à Berlin, où ses ouvrages ouvertement matérialistes lui avaient valu d'être nommé lecteur du roi. Frédéric II a composé son Éloge.(retour)
Note 150: Hugues-Félicité Robert de La Mennais, né le 19 juin 1782, mort le 27 février 1854. Presque tous ses biographes le font naître dans la même rue que Chateaubriand. C'est une erreur. L'hôtel de la Mennais, où naquit l'auteur de l'Essai sur l'Indifférence, était situé, non rue des Juifs, mais rue Saint-Vincent.(retour)
Note 151: François-Joseph-Victor Broussais (1772-1832). Comme son compatriote La Mettrie, mais avec plus d'éclat et de talent, il se montra dans tous ses ouvrages, un ardent adversaire des doctrines psychologiques et spiritualistes.(retour)
Note 152: Pierre-Louis-Auguste Ferron, comte de La Ferronnays, né le 17 décembre 1772. Il émigra avec son père, lieutenant général des armées du roi, servit sous le prince de Condé et devint aide de camp du duc de Berry. Maréchal de camp (4 juin 1814); pair de France (17 août 1815), ministre à Copenhague en 1817; ambassadeur à Saint-Pétersbourg en 1819; ministre des Affaires étrangères du 4 janvier 1828 au 14 mai 1829; ambassadeur à Rome du mois de février au mois d'août 1830. Il mourut en cette ville le 17 janvier 1842, laissant une mémoire honorée de tous les partis.(retour)
Note 153: Peu d'années après la naissance de Chateaubriand, sa famille avait quitté l'hôtel de la Gicquelais et était venue habiter le premier étage de la belle maison de M. White de Boisglé, maire de Saint-Malo, maison située sur la rue et la place Saint-Vincent, presque en face de la porte Saint-Vincent. (Ch. Cunat, op. cit.)(retour)
Note 154: De ces six enfants, cinq figurent sur les registres de naissance de Saint-Malo: Adélaïde, née en 1762; Émilie-Thérèse-Rosalie, née le 12 septembre 1763; Pierre, né en 1767; Armand-Louis-Marie, né le 16 mars 1768; Modeste, née en 1772.(retour)
Note 155: Ici encore, dans toutes les éditions, on a imprimé à tort: 1810.(retour)
Note 156: Il a laissé un fils, Frédéric, que je plaçai d'abord dans les gardes de Monsieur, et qui entra depuis dans un régiment de cuirassiers. Il a épousé, à Nancy, mademoiselle de Gastaldi, dont il a eu deux fils, et s'est retiré du service. La sœur aînée d'Armand, ma cousine, est, depuis de longues années, supérieure des religieuses Trappistes. (Note de 1831, Genève.) Ch. -- Frédéric de Chateaubriand, dont il est parlé dans cette note, était né à Jersey le 11 novembre 1798. Il est mort le 8 juin 1849, au château de la Ballue, près Saint-Servan, laissant un fils, Henri-Frédéric-Marie-Geoffroy de Chateaubriand, né à la Ballue le 11 mai 1835 et marié en 1869 à Françoise-Madeleine-Anne Regnault de Parcieu.(retour)
Note 157: Gesril du Papeu (Joseph-François-Anne) avait un an de moins que son ami Chateaubriand; il était né à Saint-Malo le 23 février 1767. Entré dans la marine, comme garde, à quatorze ans, il prit part à la guerre de l'Indépendance américaine et fit ensuite une campagne de trois ans dans les mers de l'Inde et de la Chine. Lieutenant de vaisseau, le 9 octobre 1789, il ne tarda pas à émigrer, fit la campagne des Princes en 1792, comme simple soldat, et se rendit ensuite à Jersey. Le 21 juillet 1795, il était à Quiberon, cette fois comme lieutenant de la compagnie noble des élèves de la marine, dans le régiment du comte d'Hector. L'épisode dont il fut le héros dans cette tragique journée suffirait seul à prouver que Sombreuil et ses soldats n'ont mis bas les armes qu'à la suite d'une capitulation. Ceux qui nient l'existence de cette capitulation l'ont bien compris: ils ont essayé de contester l'acte même de Gesril et son généreux sacrifice. Mais ce sacrifice et les circonstances qui l'accompagnèrent sont attestés par trop de témoins pour qu'on puisse les mettre en doute. Ces témoins sont de ceux dont la parole ne se peut récuser: En voici la liste: 1º Chaumereix; 2º Berthier de Grandry; 3º La Bothelière, capitaine d'artillerie; 4º Cornulier-Lucinière; 5º La Tullaye; 6º Du Fort; 7º le contre-amiral Vossey; 8º le baron de Gourdeau; 9º le capitaine républicain Rottier, de la légion nantaise. Le fait, d'ailleurs, est consigné dans une lettre écrite des prisons de Vannes par Gesril du Papeu à son père. Le jeune héros fut fusillé à Vannes, le 10 fructidor (27 août 1796).(retour)
Note 158: «Je pense avec orgueil que cet homme a été mon premier ami, et que tous les deux, mal jugés dans notre enfance, nous nous liâmes par l'instinct de ce que nous pouvions valoir un jour, et que c'est dans le coin le plus obscur de la monarchie, sur un misérable rocher, que sont nés ensemble et presque sous le même toit deux hommes dont les noms ne seront peut-être pas tout à fait inconnus dans les annales de l'honneur et de la fidélité.» Manuscrit de 1826.(retour)
Note 159: J'avais
déjà parlé de Gesril dans mes ouvrages. Une de ses
sœurs, Angélique Gesril de La Trochardais, m'écrivit en 1818
pour me prier d'obtenir que le nom de Gesril fut joint à ceux de son
mari et du mari de sa sœur: j'échouai dans ma négociation. (Note
de 1831, Genève.) Ch.
Gesril avait trois sœurs; Mmes Colas de la Baronnais, Le Roy de
la Trochardais et Le Metaër de la Ravillais. Les deux dernières
seules ont laissé des enfants; la famille Gesril se trouve éteinte et
fondue dans le Metaër et, par Le Roy, dans Boisguéhéneuc et du
Raquet.(retour)
Note 160: Le comte d'Artois vint, en effet, à Saint-Malo le 11 mai 1777 et y séjourna trois jours. De grandes fêtes eurent lieu en son honneur. (Ch. Cunat, op. cit.)(retour)
Note 161: Ce livre a été écrit à Dieppe (septembre et octobre 1812), et à la Vallée-aux-Loups, (décembre 1813 et janvier 1814). Il a été revu en juin 1846.(retour)
Note 162: C'était précisément le jour anniversaire de la naissance de Chateaubriand.(retour)
Note 163: Étienne-Denis Pasquier (1767-1842). Il était préfet de police depuis le 14 octobre 1810. Chateaubriand et M. Pasquier devaient se retrouver à la Chambre des pairs et à l'Académie française.(retour)
Note 164: Cet incendie eut lieu dans la nuit du 16 au 17 février 1776. Le feu prit dans les magasins qui occupaient le rez-de-chaussée de la maison de M. White, dont le premier étage, ainsi que nous l'avons dit, était habité par la famille Chateaubriand. Ces magasins servaient d'entrepôt à un marchand épicier et renfermaient beaucoup de matières combustibles. Les progrès du feu furent rapides, et la maison toute entière serait sans doute devenue la proie des flammes, si le cocher du Carrosse public, qui partait cette nuit-là pour Rennes, n'avait heureusement donné l'alarme. (Ch. Cunat, op. cit.)(retour)
E ce fut en Broceliande,
Une broce (une forêt) en une lande.
(Voir Brocéliande et ses chevaliers, par M. Baron du Taya, p. 6, et Histoire de Bretagne, par Arthur de la Borderie, tome I, p. 44, 45.)(retour)
«L'aspect du pays, entrecoupé de fossés boisés, est celui d'une continuelle forêt, et rappelle l'Angleterre. Des vallons étroits et profonds où coulent, parmi des saulaies et des chenevières, de petites rivières non navigables, présentent des perspectives riantes et solitaires. Les futaies à fond de bruyères et à cépées de houx, habitées par des sabotiers, des charbonniers et des verriers tenant du gentilhomme, du commerçant et du sauvage; les landes nues, les plateaux pelés, les champs rougeâtres de sarrasin qui séparent ces vallons entre eux, en font mieux sentir la fraîcheur et l'agrément. Sur les côtes se succèdent des tours à fanaux, des clochers de la renaissance, des vigies, des ouvrages romains, des monuments druidiques, des ruines de châteaux: la mer borde le tout.»] (retour)
Note 167: «J'ai vu dans l'île de Céos un bas-relief antique qui représentait les Néréides attachant des festons au bas de la robe de Cérès.» Manuscrit de 1834. (retour)
Note 168: «Quelques fenêtres grillées, d'un goût mauresque...» Manuscrit de 1826 et Manuscrit de 1834.(retour)
Note 169: «L'arrivée de sa famille dans un lieu où il vivait selon ses goûts...» Manuscrit de 1826. -- «La réunion de la famille dans le lieu de son choix...» Manuscrit de 1834.(retour)
Note 170: «Cette cour était formée par le corps de logis d'entrée, par un autre corps de logis parallèle, qui réunissait également deux tours plus petites que les premières, et par deux autres courtines qui rattachaient la grande et la grosse tour aux deux petites tours. Le château entier avait la figure d'un char à quatre roues.» Manuscrits de 1826 et de 1834.(retour)
Note 171: «Mme de Sévigné vantait en 1669 ces vieux ombrages.» -- Manuscrit de 1826.(retour)
Note 172: «On apercevait le haut clocher de la paroisse et les maisons confuses de Combourg...» Manuscrit de 1826.(retour)
Note 173: Le château qui fut comme la seconde patrie de Chateaubriand appartient toujours à sa famille. Mme la comtesse de Chateaubriand, née Bernon de Rochetaillée, veuve du comte Geoffroy de Chateaubriand, petit-neveu de l'auteur du Génie du Christianisme, habite Combourg la plus grande partie de l'année et y conserve avec un soin pieux tout ce qui rappelle la mémoire du grand écrivain.(retour)
Note 174: Urbain-René De Hercé, né à Mayenne le 6 février 1726, sacré évêque de Dol le 5 juillet 1757. Il fut fusillé, le 28 juillet 1795, non à Quiberon, dans le Champ du martyre, mais à Vannes, sur la promenade de la Garenne, en même temps que Sombreuil et quatorze autres victimes, parmi lesquelles était son frère, François de Hercé, grand-vicaire de Dol, né à Mayenne, le 8 mai 1733. (Voir les Débris de Quiberon, par Eugène de la Gournerie, p. 13. -- Consulter aussi, dans l'Histoire de la persécution révolutionnaire en Bretagne, par l'abbé Tresvaux, la notice sur Mgr. de Hercé. Il était le cinquième des dix-neuf enfants vivants de Jean-Baptiste de Hercé et de Françoise Tanquerel.)(retour)
Note 175: Après avoir cité ce passage, M. de Marcellus ajoute: «J'ai eu bien des fois l'occasion de constater l'exactitude de ces traits si habilement tirés du caractère de M. de Chateaubriand, si justes et si vrais sous sa main, qu'on croirait impossible de les dessiner soi-même.» (Chateaubriand et son temps, p. 15.)(retour)
Note 176: «Depuis que j'ai acquis une malheureuse célébrité, il m'est arrivé de passer des jours, des mois entiers avec des personnes qui ne se souvenaient plus que j'avais fait des livres; moi-même je l'oubliais, si bien que cela nous paraissait à tous une chose de l'autre monde. Écrire aujourd'hui m'est odieux, non que j'affecte un sot dédain pour les lettres, mais c'est que je doute plus que jamais de mon talent, et que les lettres ont si cruellement troublé ma vie que j'ai pris mes ouvrages en aversion.» Manuscrit de 1826.(retour)
Note 177: Le Manuscrit de 1826 renferme ici une courte description du jeu de la quintaine. «Tous les nouveaux mariés de l'année dans la mouvance de Combourg étaient obligés, au mois de mai, de venir rompre une lance de bois contre un poteau placé dans un chemin creux qui passait au haut du grand mail; les jouteurs étaient à cheval; le baillif, juge du camp, examinait la lance, déclarait qu'il n'y avait ni fraude ni dol dans les armes; on pouvait courir trois fois contre le poteau, mais au troisième tour, si la lance n'était pas rompue, les gabeurs du tournoi champêtre accablaient de plaisanteries le joutier maladroit, qui payait un petit écu au seigneur.»(retour)
Note 178: Dans cette peinture de la petite société de Combourg, Chateaubriand a été scrupuleusement exact, comme il le sera du reste en toute circonstance, ainsi qu'on le verra de plus en plus en avançant dans la lecture des Mémoires. -- Noble Me François-Jean-Baptiste Potelet, seigneur de Saint-Mahé et de la Durantais, après avoir servi dans la marine de la compagnie des Indes, épousa, le 6 octobre 1767, à Combourg, Marie-Marguerite de Lormel. Sa fille aînée, Marie-Marguerite, née en 1768, la même année que Chateaubriand, se maria en 1789 à Pierre-Emmanuel-Vincent-Marie de Freslon de Saint-Aubin, président des requêtes au Parlement de Bretagne.(retour)
Note 179: Gilles-Marie de Launay, sieur de la Biliardière, d'abord procureur fiscal de Bécherel, puis sénéchal des juridictions du Vauruffier, de la vicomté de Besso et du marquisat de Caradenc, était devenu plus tard entreposeur des fermes du roi à Combourg. Né à Bécherel, il avait épousé à Bain, le 17 juillet 1750, Marie-Anne Nogues, dont étaient nés, de 1752 à 1769, treize enfants (et non douze), cinq garçons et huit filles. David, le compagnon de jeux de Chateaubriand, était bien, comme il le dit, le plus jeune des fils.(retour)
Note 180: J'ai retrouvé mon ami David: je dirai quand et comment. (Note de Genève, 1832.) Ch.(retour)
Note 181: Jean-Baptiste Gesbert, Sr de la Noé-Sécho, sénéchal de la juridiction seigneuriale de Combourg, originaire de Rostrenen, marié à Bécherel, le 22 octobre 1782, à Marie-Jeanne Faisant de la Gantraye.(retour)
Note 182: Me René Petit, né à la Guerche, procureur fiscal du comté de Combourg. Il devint en 1791 juge au district de Dinan. Son fils René-Marie Lucil, né le 29 mars 1783, a été tenu sur les fonts baptismaux par Lucile de Chateaubriand.(retour)
Note 183: Me Julien Corvaisier ou le Corvaisier, notaire et procureur de la juridiction.(retour)
Note 184: L'abbé Chalmel (Jean-François), chapelain du château de Combourg, était petit-fils de Me Noël Chalmel, notaire à Rennes.(retour)
Note 185: Jean Anne Pinot du Petitbois, né à Rennes le 10 janvier 1737, était le fils aîné de Maurille-Anne Pinot, écuyer, seigneur du Petitbois, et de Jeanne-Perrine Guybert. D'abord sous-aide major au régiment de la Reine, puis capitaine de dragons au régiment de Belzunce, il habitait le château du Grandval en Combourg et y mourut, le 10 octobre 1789, en grande odeur de piété (acte d'inhumation). Il avait épousé en Saint-Aubin de Rennes, le 7 mars 1769, Anne-Marc de la Chénardais, décédée à Rennes le 26 vendémiaire an III (17 octobre 1794). -- Le château du Grandval est encore habité aujourd'hui par la famille du Petitbois.(retour)
Note 186: Michel-Charles Locquet, comte de Château-d'Assis, né à Saint-Malo le 14 janvier 1748. Il appartenait à une famille très honorée dans le pays malouin: sa mère était une Trublet. Marié en 1774 à Jeanne-Anne Joséphine de Boisbaudry, il demeurait au château de Triaudin, en Combourg, qui est aujourd'hui habité par le vicomte Roger du Petitbois.(retour)
Note 187: Des Tinténiac, en résidence momentanée chez des amis habitant le pays, auront sans doute fait au château de Combourg des visites dont Chateaubriand avait gardé le souvenir; mais il n'y avait pas de Tinténiac établis à Combourg ou dans les paroisses environnantes.(retour)
Note 188: Nicolas-Pierre Philippes, seigneur de Trémaudan, ancien officier de dragons au régiment de la Ferronnais, était né à Pontorson le 19 septembre 1749, fils d'écuyer Pierre Philippes, seigneur de Villeneuve Torrens, et d'Augustine de Lantivy. Il avait épousé, à Saint-Malo, le 24 janvier 1769, Marie-Louise Mazin, dont il eut plusieurs enfants nés à Combourg de 1770 à 1786.(retour)
Note 189: René-Malo Sévin fut nommé recteur de la paroisse de Combourg en 1776. Il refusa de prêter serment à la constitution civile du clergé, et passa à Jersey en 1792. Rentré en 1797, il fut réinstallé en 1803 à la cure de Combourg et y mourut en 1817.(retour)
Note 190: Claude-Anne, vicomte, puis marquis, puis duc de Saint-Simon, de la branche de Montbléru, fils de Louis-Gabriel, marquis de Saint-Simon, et de Catherine-Marguerite-Jaquette Pineau de Viennay, naquit au château de la Faye (Charente). Entré très jeune au service militaire, il fut nommé, le 3 janvier 1770, brigadier, puis, le 29 juin 1775, colonel du régiment de Touraine. Il prit part à la guerre d'Amérique, fut élu, en 1789, par le bailliage d'Angoulême, député de la noblesse aux États-Généraux, émigra en Espagne, y prit du service et devint capitaine-général de la Vieille-Castille. Le roi Charles IV le nomma grand d'Espagne en 1803. En 1808, lors de la prise de Madrid par les Français, il fut blessé et fait prisonnier; condamné à mort par un conseil de guerre, il obtint une commutation de peine et fut enfermé dans la citadelle de Besançon, où il resta jusqu'à la chute de l'Empire. Il retourna alors en Espagne et fut créé duc par Ferdinand VII. Il mourut à Madrid le 3 janvier 1819.(retour)
Note 191: J'ai
éprouvé un sensible plaisir en retrouvant, depuis la
Restauration, ce galant homme, distingué par sa fidélité et ses vertus
chrétiennes. (Note de Genève, 1831.) Ch.
Cette note de 1831, relative au marquis de Causans, remplace les
lignes suivantes du Manuscrit de 1826, écrites au lendemain de
l'ordonnance du 5 septembre 1816, qui prononçait la dissolution de la
Chambre introuvable: «J'ai éprouvé un sensible plaisir en retrouvant
ce dernier, distingué par ses vertus chrétiennes, dans cette chambre
des députés qui fera à jamais l'honneur et les regrets de la France,
quand le temps des factions sera passé et celui de la justice venu;
dans cette Chambre que la Providence avait envoyée pour sauver la
France et l'Europe, qui n'a pu être cassée que par un véritable crime
politique, et dont la gloire survivra à la renommée des misérables
ministres qui s'en firent les persécuteurs.» -- Causans de Mauléon
(Jacques-Vincent, marquis de), né le 31 juillet 1751, était colonel du
régiment de Conti, lorsqu'il fut élu député de la noblesse aux
États-Généraux pour la principauté d'Orange. Le 17 avril 1790, il fut
promu maréchal de camp. La Restauration le nomma lieutenant-général le
23 août 1814. Élu député de Vaucluse à la Chambre introuvable, le 24
août 1815; réélu le 4 octobre 1816; éliminé au renouvellement par
cinquième de 1819, renvoyé à la Chambre des députés le 24 avril 1820,
il y siégea jusqu'à sa mort, arrivée le 24 avril 1824.(retour)
Note 192: Wignacourt (Antoine-Louis, marquis de), fils de Louis-Daniel, marquis de Wignacourt, et de Marie-Julie de Maizières, né le 22 janvier 1753. Il est porté sur l'État militaire de la France pour 1784 comme mestre de camp lieutenant-colonel en second du régiment de Conti, chevalier de Saint-Louis.(retour)
Note 193: François-Placide Maillard, seigneur de la Morandais, marié en 1757 à Gillette Dastin et père de quinze enfants, dont le dernier, né à Combourg en 1777, eut pour parrain M. de Chateaubriand, père du grand écrivain. Les Maillard de la Morandais étaient d'ancienne noblesse, et de la même famille que les Maillard de Belestre et des Portes, de l'évêché de Nantes, qui ont été maintenus en 1670, après avoir fait preuve de huit générations nobles. Seulement, ceux qui s'étaient établis à Combourg avaient singulièrement dérogé, à raison de leur pauvreté. Les actes paroissiaux qui les concernent ne leur donnent que des qualifications bourgeoises. François-Placide de la Morandais est décédé à Combourg le 30 août 1779.(retour)
Note 194: Le prince Eugène de Savoie-Carignan, né le 22 septembre 1753, était le fils cadet du prince Louis-Victor de Savoie Carignan et de la princesse Christine-Henriette de Hesse-Rheinfelds-Rothembourg. Frère de la princesse de Lamballe, il entra au service de France sous le nom de comte de Villefranche (Villafranca) et fut placé à la tête du régiment de son nom. Le 22 septembre 1781, il épousa, dans la chapelle du château du Parc, en la paroisse de Saint-Méloir-des-Ondes, à quelques lieues de Saint-Malo, Élisabeth-Anne Magon de Boisgarein, fille de Jean-François-Nicolas Maçon, seigneur de Boisgarein et de Louise de Karuel. Ce mariage fut annulé par le Parlement, à la requête des parents du prince. Celui-ci lutta désespérément pour faire reviser cet arrêt. Les tristesses de cette lutte abrégèrent sans doute ses jours, car une mort prématurée l'enleva, le 30 juin 1785. -- Un fils était né de cette union, le 30 septembre 1783: il se fit soldat sous Napoléon et fut nommé, pendant la campagne de Russie, colonel d'un régiment de hussards. Des lettres-patentes de 1810 lui conférèrent le titre de baron. Louis XVIII, en 1814, lui rendit son ancien titre de comte de Villefranche. Il devint officier-général et mourut le 15 octobre 1825. -- Il avait épousé, le 9 octobre 1810, Pauline-Antoinette Bénédictine-Marie de Quélen d'Estuer de Caussade, fille du duc de la Vauguyon; le fils issu de ce mariage, Eugène-Emmanuel-Joseph-Marie-Paul-François, reprit le rang de ses ancêtres, lorsque la branche de Carignan monta sur le trône de Sardaigne avec le roi Charles-Albert, petit-neveu du mari de Mlle de Boisgarein. Le petit-fils de cette dernière, par décret royal du 18 avril 1834, fut reconnu héritier présomptif de la couronne, en cas d'extinction de la branche régnante. A plusieurs reprises, pendant que le roi était à la tête de son armée, lors des guerres de l'indépendance italienne, le prince Eugène de Savoie-Carignan remplit les fonctions de lieutenant-général du royaume. Il est mort le 15 décembre 1886, laissant de son mariage morganatique avec Dlle Félicité Crosic, contracté le 25 novembre 1863, six enfants, dont trois fils, qui sont aujourd'hui les derniers descendants par les mâles du mariage romanesque célébré, le 22 septembre 1781, dans la chapelle du château du Parc. Le roi d'Italie leur a accordé, en 1888, le nom de Villafranca-Soissons, avec le titre de comte.(retour)
Note 195: Lacretelle (Pierre-Louis) dit l'Aîné (1751-1824), membre de l'Académie française. Avocat à Metz, puis à Paris, il plaida peu, mais ses mémoires judiciaires lui valurent une assez grande célébrité.(retour)
Note 196: Le Père de famille, de Diderot, imprimé dès 1758, ne fut représenté à la Comédie Française que le 18 février 1768. Le succès du reste fut médiocre. La pièce n'eut que sept représentations.(retour)
Note 197: Le double mariage des deux sœurs aînées de Chateaubriand eut lieu le 11 janvier 1780. Marie-Anne-Françoise épousait Jean-Joseph Geffelot, comte de Marigny. Bénigne-Jeanne épousait Jean-François-Xavier, comte de Québriac, seigneur de Patrion.(retour)
Note 198: Maître Noël Le Lavandier, apothicaire, marié à Dingé, près de Combourg, le 7 juillet 1751, était originaire de la paroisse de Vieuvel, où sa famille, venue de Normandie, s'était établie au XVIIe siècle.(retour)
Note 199: De Buonaparte et des Bourbons. (Note de Genève, 1831.) Ch.(retour)
Note 200: Charles-Hilaire de Chateaubriand, né en 1708, successivement recteur de Saint-Germain-de-la-mer au diocèse de Saint-Brieuc, de Saint-Étienne de Rennes en 1748, de Bazouge-du-Désert en 1767, et de Toussaint de Rennes en 1770. Il résigna en 1776 et mourut au Val des Bretons en Pleine-Fougères, le 12 août 1782. (Pouillé de Rennes, IV, 120; V, 557, 655, 658; Paris-Jallobert, Bazouge, p. 27, Pleine-Fougères, p. 15 et 55.)(retour)
Note 201: Génie du christianisme, première partie, livre I, chapitre VII: De la Communion.(retour)
Note 202: «De tout ce que j'ai planté à Combourg, une croix seule est restée debout, comme si je ne pouvais rien créer de durable que pour la douleur, ni marquer mon passage sur la terre autrement que par des monuments de tristesse.» Manuscrit de 1826.(retour)
Note 203: Geoffroy (Julien-Louis), né à Rennes le 17 août 1743, mort à Paris le 24 février 1814. Créateur du feuilleton littéraire, il fut de 1808 à 1814, le prince des critiques. Ses articles ont été réunis en six volumes, sous le titre de Cours de littérature dramatique. Il avait été élève du collège de Rennes, de 1750 à 1758. -- Geoffroy et la critique dramatique sous le Consulat et l'Empire, par Charles-Marc Des Granges, un vol. in-8° 1897.(retour)
Note 204: Ginguené (Pierre-Louis), né à Rennes le 25 avril 1748, mort à Paris le 16 novembre 1816. Placé au collège de Rennes, il y commença ses études sous les jésuites et les termina, après leur expulsion (en 1762), sous les prêtres séculiers qui leur succédèrent. Son ouvrage le plus important est l'Histoire littéraire d'Italie (Paris, 1811-1824, 9 vol. in-8°).(retour)
Note 205: Parny (Evariste-Désiré De Forges de), né à l'île Bourbon le 6 février 1753, mort à Paris le 5 décembre 1814. A l'âge de 9 ans, il fut envoyé en France et mis au collège de Rennes; il y fit ses études avec Ginguené, lequel plus tard a publiquement payé sa dette à ses souvenirs par une agréable épître de 1790, et par son zèle à défendre la Guerre des Dieux dans la Décade. (Sainte-Beuve, Portraits contemporains et divers, tome III, p. 124.)(retour)
Note 206: Le Collège de Rennes était un des plus importants de France. Il avait été fondé par les Jésuites en 1607. Lorsqu'ils le quittèrent, en 1762, un collège communal, aussitôt organisé, fut installé dans les bâtiments qu'ils venaient de quitter. C'est encore dans le même local qui se trouve aujourd'hui le lycée de Rennes, mais l'étendue en a été fort réduite. Il faut, pour avoir une idée de ce qu'était, au XVIIIe siècle, ce collège qui semblait «un monde» à Chateaubriand, consulter les plans que l'autorité royale fit dresser pendant sa procédure contre les Jésuites, plans qui furent envoyés à la cour de Rome et dont le Cabinet des Estampes possède un double, en 5 vol. in-f°. En 1761, le collège de Rennes comptait 4,000 élèves. Histoire de Rennes, par Ducrest et Maillet, p. 229. -- Rennes ancien et moderne, par Ogée et Marteville, tome I, p. 204, 235, 237. -- Geoffroy, par Charles-Marc Des Granges, p. 3 et suivantes.(retour)
Note 207: «... Saint-Riveul, jeune gentilhomme qui eut l'honneur d'être la première victime de la Révolution. Il fut tué dans les rues de Rennes en se rendant avec son père à la Chambre de la noblesse.» Manuscrit de 1826. -- André-François-Jean du Rocher de Saint-Riveul, née à Plénée, fils de Henri du Rocher, comte de Saint-Riveul, et de Anne-Bernardine Roger. Il n'était âgé que de 17 ans, lorsqu'il fut tué, le 27 janvier 1789.(retour)
Note 208: Jean Desmarest, avocat général au Parlement de Paris, décapité en 1383. On l'accusait d'avoir encouragé par sa faiblesse, l'année précédente, la révolte et les excès des Maillotins.(retour)
Note 209: Moreau Jean-Victor, né à Morlaix le 11 août 1763, mort à Lauen le 2 septembre 1813.(retour)
Note 210: Joseph-Pierre Picot de Limoëlan de Clorivière était exactement du même âge que Chateaubriand. Il était né à Broons le 4 novembre 1768. Après avoir été camarades de collège à Rennes, ils se retrouvèrent à l'école ecclésiastique de la Victoire à Dinan. Entré dans l'armée à l'âge de quinze ans, Limoëlan était officier du roi Louis XVI lorsqu'éclata la Révolution. Il émigra, puis rentra bientôt en Bretagne, chouanna dans les environs de Saint-Méen et de Gaël et devint adjudant-général de Georges Cadoudal. En 1798, il remplaça temporairement Aimé du Boisguy dans le commandement de la division de Fougères. A la fin de 1799, alors que la plupart des autres chefs royalistes se voyaient contraints de déposer les armes, il refusa d'adhérer à la pacification et vint à Paris. Il était à la veille d'épouser une charmante jeune fille de Versailles, Mlle Julie d'Albert, à laquelle il était fiancé depuis plusieurs années, lorsqu'eut lieu, rue Saint-Nicaise, l'explosion de la machine infernale (3 nivôse an VIII -- 24 décembre 1799). Limoëlan avait été l'un des principaux agents du complot. Grâce au dévouement de sa fiancée, il put échapper aux recherches de la police, gagner la Bretagne et s'embarquer pour l'Amérique. Son premier soin, en arrivant à New-York, fut d'écrire à la famille de Mlle d'Albert, lui demandant de venir le rejoindre aux États-Unis, où le mariage serait célébré. La réponse fut terrible pour Limoëlan. Mlle d'Albert, au moment où il courait les plus grands dangers, avait fait vœu de se consacrer à Dieu, si son fiancé parvenait à s'échapper. Fidèle à sa promesse, elle le suppliait d'oublier le passé pour ne songer qu'à l'avenir éternel. Le jeune officier entra en 1808 au séminaire de Baltimore. Commençant une vie nouvelle, il abandonna le nom de Limoëlan pour prendre celui de Clorivière, sous lequel il est uniquement connu aux États-Unis. Il fut ordonné prêtre au mois d'août 1812 et devint curé de Charleston. Lorsque, deux ans plus tard, l'abbé de Clorivière apprit la restauration des Bourbons, le chef royaliste se retrouva sous le prêtre, et il entonna avec enthousiasme dans son église un Te Deum d'actions de grâces. En 1815, il se rendit en France, mais dans l'unique but de liquider ce qui lui restait de sa fortune, afin d'en rapporter le produit en Amérique et de l'employer tout entier à l'avantage de la religion. En 1820, il fut nommé directeur du couvent de la Visitation de Georgetown. Ce couvent avait été fondé, en 1805, par une pieuse dame irlandaise, miss Alice Lalor, et un assez grand nombre de saintes filles y avaient pris le voile à son exemple. Mais, en 1820, l'établissement, privé de toutes ressources financières, végétait péniblement, et les bonnes sœurs se voyaient menacées chaque année d'être dispersées. L'abbé de Clorivière se chargea d'assurer l'avenir de cette utile fondation. Il construisit à ses frais un pensionnat pour l'éducation des jeunes personnes, et une élégante chapelle, dédiée au Sacré-Cœur de Jésus. Il contribua aussi par de larges donations à l'établissement d'un externat gratuit pour les enfants pauvres. C'est dans le monastère même dont il est le second fondateur que l'abbé de Clorivière mourut, le 20 septembre 1826, laissant une mémoire qui est encore en vénération aux États-Unis. -- Mlle Julie d'Albert lui survécut longtemps. Elle resta fidèle à son vœu de célibat et refusa les nombreux partis qui se présentèrent à elle dans sa jeunesse. Mais elle ne se sentit pas la vocation d'entrer au couvent, et après plusieurs tentatives, qui montrèrent que la vie religieuse ne lui convenait pas, elle obtint, à l'âge de cinquante ans, du pape Grégoire XVI, d'être relevée du vœu imprudent qu'elle avait formé. Elle est morte à Versailles, dans un âge avancé, après une vie consacrée tout entière à l'exercice de la piété et de la charité. -- L'abbé de Clorivière avait écrit, sur les événements auxquels il avait pris part en France, de volumineux mémoires. Arrivé à la fin de la relation de chaque année, il cachetait le cahier et ne l'ouvrait plus. «Ces cahiers, dit-il plus d'une fois aux bonnes sœurs de Georgetown, contiennent beaucoup de faits intéressants et importants pour l'histoire et la religion.» Par son testament, il ordonna de brûler ses cahiers. Cette clause a été fidèlement observée à sa mort, et on doit le regretter vivement pour l'histoire. Au moment de mourir, l'abbé de Clorivière ne voulait pas qu'il restât rien de ce qui avait été Limoëlan. Limoëlan pourtant vivra. Dans le temps même où il donnait l'ordre de détruire ses Mémoires. Chateaubriand écrivait les siens et assurait ainsi l'immortalité à son camarade de collège. Voir dans la Revue de Bretagne et de Vendée, tome VIII, p. 343, la notice sur l'Abbé de Clorivière, par C. de Laroche-Héron (Henry de Courcy.)(retour)
Note 211: Chateaubriand glisse ici sur cette petite aventure de collège; dans le Manuscrit de 1826, il avait un peu plus appuyé, n'omettant aucun détail. Voici cette première version: «Un quart d'heure après, voici venir le préfet sur la pointe du pied. Comme avec raison nous lui étions fort suspects, il s'arrête à notre porte, écoute, regarde, n'aperçoit point de lumière, croit le trou bouché, y enfonce imprudemment le doigt... Qu'on juge de sa colère? «Qui a fait cela?» s'écrie-t-il en se précipitant dans la chambre. Limoëlan d'éclater de rire et Gesril de dire en nasillant avec un air moitié niais, moitié goguenard: «Qu'est-ce donc, monsieur le préfet?» Quand nous sûmes ce que c'était, nous voilà, Saint-Riveul et moi, à nous pâmer de rire comme Limoëlan, à nous boucher le nez et à nous coucher sous nos couvertures, tandis que Gesril, se levant en chemise, offrit gravement au préfet sa cuvette et son pot à l'eau.»(retour)
Note 212: Le mariage de la troisième sœur de Chateaubriand avec Annibal Pierre-François de Farcy de Montavalon eut lieu en 1782. Le comte de Farcy était capitaine au régiment de Condé, infanterie.(retour)
Note 213: Il s'agit ici de Thérèse-Josèphe de Moëlien, fille de Sébastien-Marie-Hyacinthe de Moëlien, chevalier seigneur de Trojolif (et non Tronjoli), Kermoisan, Kerguelenet et autres lieux, conseiller au Parlement de Bretagne, et de Périnne-Josèphe de la Belinaye. Elle était née à Rennes le 14 juillet 1759. Elle avait donc vingt-trois ans, lorsque Chateaubriand la vit à Combourg. Quand il écrivit ses Mémoires, il la revoyait encore avec ses yeux de collégien; mais les témoignages contemporains s'accordent à dire qu'elle n'était ni belle ni jolie. Les mots du texte: et intime amie du marquis de la Rouërie, ne se trouvent pas dans le Manuscrit de 1826. Chateaubriand ici a trop facilement accepté un bruit sans fondement. Thérèse de Moëlien aimait -- non la Rouërie -- mais le major américain Chafner, qu'elle devait épouser, si elle survivait à la conspiration, où tous deux jouaient un rôle si actif. Le courageux Chafner, en apprenant les dangers dont le trône de Louis XVI était entouré, était accouru d'Amérique pour mettre son dévouement au service du roi qui avait assuré l'indépendance de sa patrie. Thérèse de Moëlien, traduite devant le tribunal révolutionnaire de Paris, avec vingt-six autres accusés, impliqués, comme elle, dans ce qu'on appela la Conjuration de Bretagne, fut guillotinée, le 18 juin 1793. Le major Chafner, qui n'avait pu être arrêté, se trouvant à Londres au moment où la conspiration fut découverte, revint en Bretagne et périt à Nantes, sous le proconsulat de Carrier, après avoir, au milieu des Vendéens, bravement vengé la mort de Mlle de Moëlien. (Biographie bretonne, tome II, article La Rouërie; -- Crétineau-Joly, Histoire de la Vendée militaire, tome III, chapitre II; -- Théodore Muret, Histoire des guerres de l'Ouest, tome III; -- Frédéric de Pioger, la Conspiration de La Rouërie: -- G. Lenotre.)(retour)
Note 214: Allusion au titre des hymnes mystiques d'Orphée qui s'appelaient parfums (Thymiamata). (Comte de Marcellus, Chateaubriand et son temps, p. 17.)(retour)
Note 215: Ravenel du Boisteilleul (Jean-Baptiste-Joseph-Eugène de), fils de messire Théodore-François de Ravenel, seigneur du Boisteilleul, du Boisfaroye, etc., et de dame Angélique-Julie de Broise, né à Amanlis (diocèse de Rennes) le 13 septembre 1738, décédé à Rennes le 20 juin 1815. Il fut promu capitaine de vaisseau le 13 mars 1779. L'année suivante, dans un combat près le Cap Français (capitale de l'île Saint-Domingue) contre la frégate anglaise l'Unicorn, il réussit à s'emparer de ce bâtiment. Il se retira du service, pour cause de santé, non avec le grade de chef d'escadre, mais avec celui de capitaine de vaisseau, brigadier des armées navales. (Archives du Ministère de la Marine.) Cousin-germain de la mère de Chateaubriand, le comte de Ravenel du Boisteilleul était par conséquent l'oncle à la mode de Bretagne du grand écrivain. Il avait épousé à Saint-Germain de Rennes, le 11 avril 1780, Demoiselle Marie-Thérèse Mahé de Kerouan, fille d'un ancien capitaine au régiment de Piémont, qui lui survécut de longues années et mourut à Rennes le 25 avril 1837.(retour)
Note 216: Hyacinthe-Eugène-Pierre de Ravenel du Boisteilleul, né le 17 mars 1784, capitaine d'artillerie, décoré sur le champ de bataille de Smolensk, décédé à la Tricaudais en Guichen le 13 juin 1868.(retour)
Note 217: Pauline-Zoé-Marie de Farcy de Montavallon, née à Fougères le 15 juin 1784, mariée le 16 novembre 1814 à Hyacinthe de Ravenel du Boisteilleul, décédée à Rennes le 24 décembre 1850.(retour)
Note 218: Charles-Jean, comte d'Hector, né à Fontenay-le-Comte, en Poitou, le 22 juillet 1722. Chef d'escadre le 4 mai 1779, après les plus glorieux services de mer, il fut nommé, l'année suivante, commandant du port de Brest et remplit ces hautes fonctions jusqu'au mois de février 1791. Obéissant à la voix des princes qui l'appelaient à Coblentz, il se rendit près d'eux et reçut le commandement du Corps de la marine royale, exclusivement composé d'officiers de marine. A la fin de la campagne, ce corps fut licencié; mais il fut réorganisé deux ans plus tard, en Angleterre, et le comte d'Hector en fut de nouveau nommé colonel, ce qui fit donner à ce régiment, formé tout entier d'officiers de marine, comme en 1792, le nom de régiment d'Hector. Nous avions vu, dans la note sur Gesril, que ce dernier en faisait partie. Lorsque ce régiment fut appelé à faire partie de l'expédition de Quiberon, il se trouva que les intrigues de Puysaie avaient fait écarter le comte d'Hector. Ses instances furent telles qu'à la fin il lui fut accordé d'aller rejoindre son poste de combat. Mais comme il faisait route pour la Bretagne, il apprit le désastre de l'expédition (21 juillet 1795). D'Hector avait alors 73 ans, et il lui fallait renoncer à l'espoir qu'il avait eu de mourir sur le champ de bataille; il se renferma dans la retraite, près de la ville de Reading, à treize lieues de Londres, et c'est là qu'il mourut, le 18 août 1808, à l'âge de 86 ans. -- Le comte d'Hector a laissé des Mémoires, encore inédits, mais qui, nous l'espérons, verront bientôt le jour.(retour)
Note 219: La Pérouse (Jean-François de Galaup, comte de), né au Gua, près d'Albi, en 1741, mort près de l'île Vanikoro à une époque incertaine, mais vraisemblablement dans le courant de l'année 1788. C'est à Brest qu'il prit la mer, le 1er août 1785, avec les frégates la Boussole et l'Astrolabe, emportant les instructions que Louis XVI, d'une main savante, avaient rédigées pour lui. Tous deux, hélas! allaient périr et disparaître presque à la même heure: le marin au sein de la nuit et des tempêtes de l'Océan, le roi au milieu des orages plus terribles encore de la Révolution.(retour)
Note 220: Ce livre a été composé au château de Montboissier (juillet-août 1817) et à la Vallée-aux-Loups (novembre 1817). -- Il a été revu en décembre 1846.(retour)
Note 221: Le château de Montboissier est situé dans la commune de Montboissier, canton de Bonneval, arrondissement de Châteaudun (Eure-et-Loir).(retour)
Note 222: La comtesse de Colbert-Montboissier était la petite-fille de Malesherbes. Fille du marquis de Montboissier, l'un des gendres du défenseur de Louis XVI, elle avait épousé, en 1803, le comte de Colbert de Maulevrier (Édouard-Charles-Victornien), descendant du comte de Maulevrier, lieutenant-général des armées du roi, l'un des frères du grand Colbert. Capitaine de vaisseau en 1791, le comte de Colbert avait émigré l'année suivante et avait pris part à l'expédition de Quiberon. La Restauration le fit capitaine des gardes du pavillon amiral (1814). Retiré avec le grade de contre-amiral à Montboissier, il fut élu député d'Eure-et-Loir, le 22 août 1815, et fit partie de la majorité de la Chambre introuvable. Il mourut à Paris le 2 février 1820.(retour)